Obésité et maladies cardiovasculaires : physiopathologie

Dossier – Cœur et obésité
Obésité et maladies cardiovasculaires :
physiopathologie, comorbidités
et effet de la perte de poids
Atul Pathak
1,2,3
, Michel Galinier
2,3
, Jean-Michel Senard
1,3
1
Service de pharmacologie clinique, Faculté de médecine de Toulouse
2
Fédération des services de cardiologie du pôle cardiovasculaire et métabolique du CHU de Toulouse
3
Inserm U 858, équipe n° 8, Pharmacologie Clinique et Moléculaire du SNA, Institut Louis Bugnard, Bat L3, CHU Rangueil, BP 84225,
31432 Toulouse Cedex 4
Résumé.L’épidémiologie de l’obésité rend compte des taux de prévalence et d’incidence accrus dans toutes les parties du globe. Elle touche
des sujets de plus en plus jeunes, et son pronostic est lié non seulement à l’excès de tissu adipeux mais aussi à sa distribution et aux comorbidités
associées (hypertension artérielle, insuffisance cardiaque). La révolution des dernières années vient de la découverte des capacités de sécrétion
de l’adipocyte. Ainsi cette cellule, au-delà de ses capacités de stockage, est capable de libérer des facteurs, les adipokines, dont les effets
pléiotropes rendent compte du remodelage vasculaire et cardiaque observé au cours de l’obésité. Ces facteurs ont également des effets
pro-inflammatoires et prothrombotiques, et leur diminution est associée à un meilleur pronostic. La perte de poids ou certains médicaments
entraînent des effets directs sur les taux circulants de ces facteurs et cette observation explique en partie le bénéfice de ces stratégies
thérapeutiques.
Mots clés : obésité, physiopathologie, comorbidité cardiovasculaire, perte de poids
Abstract. Obesity and cardiovascular disease: pathophysiology, related diseases and effect of weight loss. Obesity is becoming
a global epidemic in both children and adults. This growing epidemy is now also affecting countries from the third world. Obesity is directly
increasing morbidity and mortality of patients but this relationship is largely enhanced by obesity related comorbidities, among them
cardiovascular diseases. Recent data suggest that besides increasing weight, the distribution and the type of fat are even more important.
Adipocytes are known as active cells able to release factors that can directly affect the structure and function of the cardiovascular system. These
adipokines, through pleiotropic effects, are able to link obesity to cardiovascular complications. The beneficial effect of weight loss and new
pharmacological agents could be related to their effect on these circulating factors.
Key words: obesity, pathophysiology, cardiovascular comorbidities, weight loss
On parle d’obésité lorsque l’in-
dice de masse corporelle, ou
IMC (poids en kg/taille en m
2
) est au-
dessus de 30 ; entre 25 et 30 on parle
de surcharge pondérale et au-dessus
de 35 d’obésité morbide. L’obésité
constitue un problème majeur de
santé publique, comme en témoigne
sa progression exponentielle dans les
pays du monde occidental mais éga-
lement dans les pays émergents.
L’exemple caricatural reste la progres-
sion aux États-Unis, où la prévalence
est entre 15 et 25 % selon les états [1].
Les projections sont alarmantes
puisqu’on estime qu’en France, en
2020, 20 % des Français seront obè-
ses. Cette maladie touche tous les
pays, toutes les ethnies et des sujets et
ce de plus en plus tôt. Ainsi la préva-
lence de l’obésité augmente de la
même manière chez les sujets
adolescents. Récemment, l’étude
INTERHEART, réalisée dans plus de
50 pays, confirmait que l’obésité fai-
sait partie des 9 facteurs de risque
cardiovasculaire directement respon-
sables de la survenue d’un infarctus du
myocarde [2]. Le pronostic cardiovas-
culaire de l’obésité a souvent été attri-
bué aux comorbidités (diabète, hyper-
tension artérielle...) mais on sait
désormais que l’obésité seule est un
facteur de risque indépendant de ma-
ladie cardiovasculaire. De plus, l’obé-
sité potentialise la présence et la sévé-
rité des autres facteurs de risque
cardiovasculaire.
doi: 10.1684/mtc.2007.0094
m
t
c
Tirés à part : A. Pathak
mt cardio 2007 ; 3 (3) : 187-92
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Dernière observation, à IMC équivalent, les sujets qui
présentent une obésité abdominale développent davan-
tage de complications cardiovasculaires. Ainsi, au-delà du
poids, le type d’obésité influence encore plus le pronostic
des malades.
Obésité comme facteurs de risque
cardiovasculaire métabolique
et génétique
On observe depuis quelques années une augmenta-
tion importante des sujets qui présentent un syndrome
métabolique. La définition de ce syndrome reste sujette à
polémique selon les sociétés savantes, mais le point com-
mun est la présence d’une obésité de type abdominale. Ce
syndrome est associé à une plus grande incidence de
diabète et d’événements cardiovasculaires (on parle sou-
vent de « diabesité »). L’étude INTERHEART confirme que
l’obésité androïde est un facteur de risque qui touche toute
les populations même si les années de vie perdues attri-
buables à la seule obésité diffèrent selon l’âge et les
ethnies [2, 3]. Le rôle de l’environnement est également
important puisqu’il conditionne l’expression des gènes
qui régulent la distribution du tissu adipeux, son métabo-
lisme, sa réponse à l’exercice physique ou au régime. On
estime à près de 40 le nombre de sites sur le génome
humain qui sont sensibles à l’environnement et au déve-
loppement d’une obésité [4].
Les anomalies métaboliques s’ajoutent à des anoma-
lies vasculaires et cardiaques et parfois potentialisent ces
dernières. Les dernières années ont mis en évidence un
rôle délétère direct du tissu adipeux sur la structure et le
fonctionnement myocardique. Le tissu adipeux n’est plus
seulement considéré comme un tissu de stockage. Ce tissu
est véritablement actif puisque capable de sécréter un
grand nombre de peptides (les adipokines). Ces peptides
ont des effets pléiotropes délétères et font en partie le lien
entre obésité et complication cardiovasculaire. Au sein du
tissu adipeux, c’est essentiellement le tissu adipeux viscé-
ral qui est métaboliquement le plus actif. On attribue à
l’augmentation de la quantité et du fonctionnement de ce
tissu adipeux viscéral le risque de développement des
complications cardiovasculaires. Ainsi la libération des
facteurs prothrombogènes (PAI) des facteurs proinflamma-
toires (TNFa, IL-6) sont autant de facteurs responsables
d’une augmentation des lésions d’athérosclérose [5]. On
estime que plus de 30 % d’IL-6 circulant est d’origine
adipocytaire. Cette cytokine est capable de moduler la
formation de CRP par le foie et ainsi promouvoir entre
autre l’athérosclérose coronaire [6]. Ces informations sou-
lignent qu’il existe, au-delà des comorbidités, un lien
direct entre excès de tissu adipeux et complications car-
diovasculaire. La perte de poids peut dans certains cas
s’accompagner d’une régression des anomalies cardiovas-
culaires associées à l’obésité, par diminution de la produc-
tion adipocytaire de ces différents facteurs. Cette associa-
tion rend donc compte du risque accru de développer une
coronaropathie, une insuffisance cardiaque ou un tableau
de mort subite lorsqu’on est obèse [7].
Cardiopathie de l’obèse
Elle fait l’objet d’un article détaillé dans ce même
numéro (voir p. 176-186). Deux mécanismes sous-tendent
l’apparition de cette cardiopathie, un mécanisme infiltratif
qui se traduit par l’accumulation de dépôts adipeux entre
les fibres myocardiques désorganisant l’architecture du
ventricule gauche et conduisant à la survenue d’une dys-
fonction. À ceci s’ajoute la lipotoxicité des acides gras
libres circulants dont les effets sur le cardiomyocyte se
traduisent par une apoptose qui potentialise le risque de
dysfonction ventriculaire gauche [8]. À côté de ces méca-
nismes directs, les modifications hémodynamiques (aug-
mentation du volume sanguin circulant, augmentation de
la pré- et post-charge, dysfonction diastolique, présence
d’une hypertrophie ventriculaire gauche) augmentent en-
core le risque pour un sujet obèse de développer une
insuffisance cardiaque dont le diagnostic reste compliqué
dans cette population [9].
Insuffisance veineuse, thrombose
veineuse et embolie pulmonaire
La présence d’œdèmes des membres inférieurs est
fréquente au cours de l’obésité, on les attribue à l’augmen-
tation des pressions de remplissage des ventricules même
lorsque le débit cardiaque est normal. À ces phénomènes
s’ajoutent la surcharge de la circulation lymphatique,
l’augmentation du volume sanguin circulant chez des
sujets souvent immobiles, ce qui réduit encore plus la
fonction « pompe » des muscles du pied et des mollets qui
contribuent activement au retour veineux. Dans ce
contexte d’hyperpression veineuse, on observe une in-
compétence valvulaire associée qui majore encore les
tableaux d’œdèmes. Le risque principal de cette stase
Liste des abréviations
AVC : accident vasculaire cérébral
HTA : hypertension artérielle
HTAP : hypertension artérielle pulmonaire
IL-6 : interleukine 6
IMC : indice de masse corporelle
NO : monoxyde d’azote
PAI : inhibiteur de l’activateur de plasminogène
SAS : syndrome d’apnées du sommeil
VD : ventricule droit
VG : ventricule gauche
Obésité et maladies cardiovasculaires
mt cardio, vol. 3, n° 3, mai-juin 2007
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prolongée reste la survenue d’ulcérations prétibiales qui
peuvent se compliquer de cellulite. En l’absence d’insuf-
fisance cardiaque droite, la prise en charge chirurgicale de
l’excès de poids peut corriger la stase veineuse chez un
grand nombre de patients. Cette situation prédispose le
patient obèse à une incidence accrue de thrombose vei-
neuse et son corollaire l’embolie pulmonaire, dont le
risque de survenue augmente chez la femme mais pas
chez l’homme obèse [10].
Dysfonction endothéliale
L’obésité s’associe à une diminution de la fonction
endothéliale. La baisse de la production de NO est le
mécanisme initiateur le plus fréquent et s’explique par le
stress oxydatif qui accompagne l’obésité comme par l’effet
direct des cytokines pro-inflammatoires produites par les
adipocytes. On retrouve dans la population de Framin-
gham une association entre IMC et les concentrations
urinaires de PGF2a, un marqueur de stress oxydatif. La
diminution de la production de NO entraîne une tendance
à la vasoconstriction, à l’augmentation des résistances
vasculaires périphériques et prédispose à l’émergence des
complications cardiovasculaires, dont l’hypertension arté-
rielle [11].
Hypertension artérielle (HTA)
Cette complication fait aussi l’objet d’un article spéci-
fique (voir p. 169-177). L’HTA est plus fréquente chez les
sujets obèses et les sujets hypertendus développent plus
facilement une surcharge pondérale ! Cette observation
épidémiologique explique le lien qui existe entre HTA et
obésité. Un excès pondéral de 10 kg s’associe à une
augmentation de 3 mmHg de la systolique et de 2,3 mm
de la pression diastolique [12]. La traduction clinique en
est une augmentation du risque de développer une mala-
die coronaire de 12 % et d’accident vasculaire cérébral de
24 %. L’augmentation de la pression artérielle est beau-
coup plus marquée dans les obésités dites abdominales.
Les mécanismes en sont multiples : effets hémodynami-
ques (augmentation de la fréquence cardiaque, du débit
cardiaque, du volume sanguin circulant), augmentation
des résistances vasculaires périphériques par l’activation
du système sympathique, dysfonction endothéliale, méca-
nismes d’insulinorésistance voire état subinflammatoire
associés à l’obésité. Quels que soient les mécanismes mis
en jeu, la perte de poids permet de réduire le niveau de
pression artérielle des patients. On estime que chaque kilo
de poids perdu entraîne en moyenne une réduction de la
pression artérielle systolique de 1 à 4 mmHg et de la
pression artérielle diastolique de1à2mmHg [13]. La
persistance de cet effet sur la pression sanguine artérielle
s’estompe à l’arrêt de la perte de poids.
Syndrome d’apnées du sommeil
(SAS)
La prévalence des anomalies du sommeil est très im-
portante chez le sujet obèse et l’obésité constitue un des
facteurs de risque modifiable les plus importants des trou-
bles du sommeil. Cette association morbide explique en
partie la prévalence de l’HTA et de l’insuffisance cardia-
que associée à l’obésité. Les sujets obèses ont, de base, un
travail respiratoire accru, avec des volumes courants plus
prononcés dans un contexte d’insuffisance des muscles
respiratoires, avec réduction des capacités fonctionnelles,
du volume expiratoire et la réduction des shunts fonction-
nels. L’ensemble de ces anomalies rend compte d’une
inadéquation entre les territoires perfusés et ventilés qui se
majore au cours du décubitus. L’obésité est donc une
cause classique d’hypoventilation alvéolaire. La perte de
poids reste à ce titre un traitement efficace mais souvent
partiel du SAS [14].
Hypertension artérielle pulmonaire
(HTAP)
Il est difficile de distinguer l’HTAP de la présence d’un
SAS chez le sujet obèse. Cette HTAP représente 15-20 %
des sujets avec un SAS et accompagne le plus souvent une
hypoxie diurne. Cette HTAP dans l’obésité s’explique
entre autre par une augmentation de la volémie. Elle ne
justifie pas un traitement spécifique et reste modérée
(PAPS entre 20 et 35 mmHg). Il faut bien entendu toujours
rechercher l’existence d’une pathologie pulmonaire chro-
nique et éliminer la consommation ancienne d’anorexigè-
nes. L’HTAP de l’obèse est le plus souvent d’effort, fré-
quemment associée à l’obésité morbide et présence d’une
hypertrophie de la paroi artériolaire. C’est l’association de
l’obésité avec un SAS ou une hypoventilation alvéolaire,
deux facteurs reconnus d’hypoxie alvéolaire, qui favorise
le plus souvent la vasoconstriction pulmonaire et l’HTAP.
L’HTAP peut enfin être d’origine médicamenteuse, on sait
depuis l’étude PPH l’imputabilité de certains anorexigè-
nes dans la survenue de ce type de troubles. À cet égard,
l’interrogatoire de patients obèses devra comporter systé-
matiquement une enquête pharmacologique sur l’exposi-
tion à ces médicaments.
Accident vasculaire cérébral (AVC)
Un grand nombre d’études observationnelles rappor-
tent une association entre l’IMC, le rapport taille sur hanche
et la survenue d’AVC. Chaque augmentation d’un point de
l’IMC augmente le risque de développer un accident isché-
mique de 4 % et hémorragique de 6 %. Cependant, la
sévérité de l’accident n’est pas influencée par l’IMC.
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Cette association peut s’expliquer en partie par la fré-
quence des comorbidités présentes chez le sujet obèse qui
augmentent le risque de développer un AVC (HTA, dia-
bète), ceci est favorisé par l’état prothrombotique et pro-
inflammatoire qui accompagne souvent l’excès de poids
[15].
Coronaropathies
Des études post mortem réalisées chez des sujets jeu-
nes âgés de 15 à 34 ans, décédés dans les suites d’une
mort « violente », révèlent que la taille et la complexité
(présence de chape fibreuse, de calcification ou d’ulcéra-
tions) des lésions lipidiques dans la coronaire droite ou
dans l’aorte abdominale étaient associés à la présence
d’une obésité et au volume du pannicule adipeux [16]. Les
sujets de race noire avaient des lésions plus étendues que
les caucasiens et les hommes des lésions plus complexes
dans la coronaire droite que les femmes [17]. Enfin, la
densité maximale de macrophages dans les lésions était
associée significativement à la présence d’une obésité
viscérale. Chez les femmes obèses, les lésions lipidiques
artérielles s’accentuent surtout après la ménopause. Les
études de cohortes nord-américaines confirment toutes
que l’obésité est un facteur de risque indépendant de
coronaropathie [18]. En revanche, chez des sujets qui ont
une maladie coronaire patente, l’obésité définie par l’IMC
est inversement corrélée à la mortalité alors que l’obésité
abdominale est associée à une augmentation de la morta-
lité chez l’homme [19]. Cette observation souligne qu’au-
delà de la surcharge pondérale, c’est probablement la
distribution du tissu adipeux qui influence le plus la pro-
gression de la coronaropathie.
Revascularisation coronaire
chez les patients obèses
La plupart de temps, malgré les comorbidités, la mala-
die coronaire se caractérise par une atteinte monotroncu-
laire. La difficulté technique du geste réside dans la com-
plexité de la voie d’abord, les problèmes de pénétration
tissulaire des rayons X, la capacité de la table à supporter
le poids du patient. À ceci on oppose le « paradoxe » de
l’obèse puisque les fréquences des complications locales
ne sont pas plus importantes chez les sujets qui présentent
une obésité non morbide. Seuls les patients dont les IMC
sont bas ou trop élevés (obésité morbide, IMC > 35 kg/m
2
)
présentent davantage de complications sur les voies
d’abord. Le pronostic à long terme de l’efficacité d’une
angioplastie repose semble-t-il surtout sur le bon contrôle
glycémique. On note ce facteur pronostique, dans les
suites de pontage aorto-coronaire, ou le déséquilibre gly-
cémique promeut la progression des lésions d’athérosclé-
rose sur les territoires artériels non pontés. Enfin, contrai-
rement à ce qui est communément admis l’obésité
n’augmente pas la mortalité cardiovasculaire dans les
suites d’une chirurgie de pontage coronaire. On observe
cependant une tendance plus importante des infections
superficielles (trajet de la saphène, incision sternale), des
arythmies auriculaires ou de la nécessité de maintenir une
ventilation artificielle chez les patients avec une obésité
morbide [20].
Arythmies cardiaques
Les sujets obèses ont un risque de développer une
arythmie et/ou une mort subite d’origine cardiaque aug-
menté et ce même en l’absence de comorbidités arythmo-
gènes (diabète, HTA ou insuffisance cardiaque). Cette
association est observée dans les deux sexes et l’étude
Framingham estime que le risque de mort subite cardiaque
(MSC) est multiplié d’un facteur 40 par rapport à une
population témoin non obèse [21, 22]. Les mécanismes
physiopathologiques à l’origine de cette observation sont
multiples. On retient entre autre la prolongation de l’inter-
valle QT dont la durée est directement corrélée à l’aug-
mentation de l’IMC. On estime que 30 % des sujets obèses
avec insulinorésistance ont une augmentation de l’inter-
valle QT. Ces modifications de la repolarisation ventricu-
laire sot souvent présentes chez des sujets qui présentent
une dysautonomie. Ainsi, on estime que l’augmentation
du poids de 10 % entraîne une diminution proportion-
nelle du tonus parasympathique (considéré comme pro-
tecteur vis-à-vis des arythmies ventriculaires). Les détermi-
nants de cette baisse du tonus vague sont multiples mais
l’insulinorésistance et l’inflammation contribuent large-
ment à cette anomalie du tonus autonome qui explique
avec l’augmentation du tonus orthosympathique (absolue
et relative) la tachycardie du patient obèse [23, 24]. La
perte de poids entraîne une restauration du tonus vague et
constitue une mesure non médicamenteuse de protection
vis-à-vis des arythmies. À côté des mécanismes neuro-
naux, l’hyperglycémie chronique en diminuant la syn-
thèse et la disponibilité du NO (voir paragraphe dysfonc-
tion endothéliale) augmente à son tout le risque
d’instabilité électrique.
Effets de la perte de poids
Bénéfice de la réduction pondérale
La perte de poids est un des moyens d’améliorer le
pronostic des comorbidités cardiovasculaires associées à
l’obésité. Le tableau 1 résume les effets bénéfiques de la
perte de poids sur le système cardiovasculaire.
La perte de poids par approche chirurgicale (mise en
place d’un anneau de gastroplastie) entraîne une perte de
Obésité et maladies cardiovasculaires
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poids avec des effets bénéfiques cardiovasculaires dont
l’intensité et proportionnelle à la perte de poids. On
attribue à l’hyperactivité sympathique un rôle dans la
genèse de l’HTA mais aussi de l’insuffisance cardiaque et
de l’hypertrophie ventriculaire gauche du sujet obèse et la
perte de poids diminue le tonus sympathique tout en
restaurant l’activité vagale. D’autres systèmes et facteurs
sont influencés par la perte de poids qui entraîne une
diminution de l’hyperinsulinisme responsable par ses ef-
fets trophiques de l’hypertrophie ventriculaire gauche,
une baisse de l’activité du système rénine angiotensine
aldostérone, une diminution de l’activité prothromboti-
que et pro-inflammatoire de certaines adipokines [25, 26].
L’arrivée sur le marché d’une nouvelle classe pharma-
cologique, les antagonistes du système endocannabinoï-
des dont le chef de file est le rimonabant a montré dans un
programme d’essai clinique (essais RIO [27]) un intérêt
comme traitement adjuvant d’une prise en charge adapté
de l’obésité (régime hypocalorique, activité physique). Le
blocage du système endocannabinoïdes entraîne une
perte de poids significative par rapport aux groupes pla-
cebo avec un effet sur les taux de HDL-cholestérol mais
également sur l’inflammation. Les études de morbimorta-
lité sont en cours pour confirmer la place de ce médica-
ment dans la prise en charge des obésités au long cours
[28].
Complications associées à la perte de poids
La perte de poids peut également représenter un dan-
ger potentiel. La plupart des procédures (jeûne, régime
protidique, régime hypocalorique et même la chirurgie de
l’obésité) s’accompagnent d’une augmentation de l’inter-
valle QT. Ce sont essentiellement les régimes protéinés qui
ont été incriminés dans la survenue d’arythmies ventricu-
laires malignes. Ces observations justifient une vigilance
particulière pour prévenir les carences associées à ce type
de régime qui augmente le risque d’arythmie (hypokalié-
mie, déficit en micronutriments) [29].
La fenfluramine et la dexfenfluramine, deux anorexi-
gènes agissent en augmentant la concentration de séroto-
nine dans les synapses hypothalamiques ont été associés à
une augmentation du risque de valvulopathie et d’HTAP,
qui ont conduit à leur retrait dans les années 1990 [30].
Enfin, l’orlistat et la sibutramine, un apparenté des
amphétamines, semblent des molécules dont l’intérêt
dans la prise en charge de l’obésité et des complications
associées est limité. La sibutramine augmente la pression
artérielle et la fréquence cardiaque, par un effet sympatho-
mimétique. Ces propriétés justifient les précautions d’em-
ploi dans l’HTA de l’obèse non contrôlée et sa contre
indication chez des sujets avec une cardiopathie ou anté-
cédents d’AVC.
Conclusion
L’obésité est une maladie métabolique chronique fré-
quemment associée aux maladies cardiovasculaires et de
ce fait à une morbimortalité accrue. L’accumulation de
tissu adipeux s’accompagne d’effets sur la fonction et la
structure du système cardiovasculaire. On sait désormais
que ces modifications sont indépendantes des comorbidi-
tés associées, dont les facteurs de risque cardiovasculaire.
Pour satisfaire aux besoins métaboliques du tissu adipeux,
la volémie et le débit cardiaque augmentent. À côté,
l’adipocyte, cellule active, en secrétant certaines adipoki-
nes, majore le risque de développer des complications
cardiovasculaires. La perte de poids apparaît comme un
moyen efficace pour ralentir ou faire régresser la progres-
sion des maladies cardiovasculaires. L’enjeu des années à
venir reste l’identification de nouvelles cibles thérapeuti-
ques pour contrer la progression de cette épidémie gran-
dissante.
Références
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6. Trayhurn P, Wood IS. Signalling role of adipose tissue : adipokines
and inflammation in obesity. Biochem Soc Trans 2005 ; 33 : 1078-81.
Tableau 1.Bénéfices de la perte de poids
sur le système cardiovasculaire
Diminution de la volémie
Diminution du volume d’éjection systolique
Diminution du débit cardiaque
Diminution de la pression dans les capillaires pulmonaires
Diminution de la masse ventriculaire gauche
Amélioration de la fonction systolique et diastolique du VG
Diminution de la consommation myocardique en oxygène au repos
Diminution de la pression artérielle systolique et diastolique
Diminution des pressions de remplissage du VG et du VD
Diminution des résistances vasculaires périphériques
Diminution de la fréquence cardiaque de repos
Diminution de l’intervalle QT
Amélioration de la variabilité sinusale
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