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Résumé
Le cancer du pancréas est la quatrième cause de décès par cancer dans les pays
occidentaux. Son pronostic sombre est principalement dû à un diagnostic tardif et un
manque de traitements efficaces. À ce jour, l'amélioration de la détection et le
développement de nouvelles thérapies constituent les principales pistes pour une
meilleure prise en charge du cancer du pancréas. Le développement de ce cancer
implique des changements dans les profils de méthylation de l'ADN. Ces
changements conduisent à la réactivation de séquences normalement réprimées et à
la répression de gènes suppresseurs de tumeurs. Dans différents cancers, il a été
décrit la surexpression précoce des enzymes responsables de la méthylation de
l'ADN : les méthyltransférases de l’ADN. Cependant, le rôle exact joué par ces
protéines et les conséquences exactes de la méthylation de l'ADN dans la
carcinogénèse restent à être prouvés.
Lors de nos travaux, nous avons d'abord cherché à déterminer l'évolution des profils
de méthylation de l'ADN à travers l'étude de l'expression d'un microARN particulier:
miR-148a. Ce microARN est réprimé dans plusieurs cancers, ce qui suggère un rôle
suppresseur de tumeur. Nous avons confirmé la répression de miR-148a par la
méthylation de l'ADN dans plusieurs lignées cellulaires dérivées de cancer du
pancréas ainsi que dans des échantillons de tumeurs humaines, et nous avons
montré l'utilité de cette marque pour le diagnostic différentiel entre cancer du
pancréas et pancréatite chronique. De plus, la répression précoce de miR-148a
suggère très fortement le rôle suppresseur de tumeur de ce microARN, au moins
dans un contexte pancréatique. Nous avons alors évalué le potentiel thérapeutique
de miR-148a en rétablissant son expression dans des lignées cellulaires dérivées de
cancer du pancréas ainsi que dans un modèle de tumeurs préétablies chez la souris,
par transfert de gènes in vivo. Nous n’avons observé aucun changement significatif
dans le comportement des cellules/tumeurs surexprimant miR-148a. Ceci indique
que sa répression est une altération mineure accompagnant la cancérogenèse plutôt
qu'un phénomène crucial du développement tumoral. Comme la surexpression des
méthyltransférases de l'ADN et la méthylation de l'ADN sont deux évènements
précoces de la carcinogénèse pancréatique, nous avons élargi notre étude pour
déterminer si la seule surexpression de méthyltransférases de l'ADN est capable de
transformer des cellules pancréatiques normales. Nous avons observé que la
surexpression stable de ces protéines affecte considérablement le comportement
des cellules en ce qui concerne la prolifération cellulaire et la clonogénicité in vitro,
ainsi que leur profil de méthylation et d'expression génique. De manière intéressante,
ces lignées cellulaires ne sont pas capables d’induire la formation de tumeurs in vivo.
Ainsi, malgré la nécessité de valider ces résultats, ceux-ci suggèrent fortement que la
méthylation de l'ADN facilite la carcinogénèse, mais n'est pas suffisante pour
déclencher la formation de tumeurs.
Ces travaux contribuent à une meilleure compréhension de la carcinogénèse
pancréatique, et plus précisément, du rôle joué par la méthylation de l'ADN. De plus,
nos résultats récents sur les profils de méthylation de l'ADN et l'expression des
gènes en réponse à la surexpression des méthyltransférases de l'ADN ouvrent de
nouveaux horizons pour la recherche des cibles spécifiques de ces enzymes et le
rôle potentiellement oncogène de la méthylation de l'ADN.