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POSITIONS DU QUÉBEC DANS LES DOMAINES
CONSTITUTIONNEL ET INTERGOUVERNEMENTAL
de 1936 à mars 2001
Allocution d’ouverture de M. Jean-
Jacques Bertrand, premier ministre
du Québec, à la deuxième réunion de la
Conférence constitutionnelle, Ottawa,
10 février 1969 (extrait).
[…]
Je voudrais […] évoquer le souvenir
de celui qui dirigeait la délégation du
Québec lorsque cette conférence a entrepris
ses travaux en février 1968. Je n’ai pas
besoin de redire ici l’intérêt que portait aux
problèmes constitutionnels mon regretté
prédécesseur et ami, Daniel Johnson.
Ce fut toujours sa grande ambition de
voir notre pays se donner une constitution
entièrement nouvelle et entièrement cana-
dienne, capable de mettre fin aux malen-
tendus qui nous affligent, et d’asseoir sur
des bases stables, l’harmonie entre nos deux
communautés culturelles.
Certains se sont demandé quel effet
pourrait avoir la disparition soudaine de
monsieur Johnson, sur la politique consti-
tutionnelle du Canada ou du Québec. Le
style, bien sûr, peut changer; on compren-
dra toutefois que la substance de cette
politique ne saurait varier tellement. Les
hommes passent, mais la réalité québé-
coise demeure.
Je suis ici non pas pour modifier, ni
encore moins pour contredire les multiples
déclarations, mémoires et autres documents
officiels qui ont exprimé l’attitude du Québec
sur ce problème vital, avant ou après les
élections de juin 1966 ; mais pour appuyer
et préciser les solutions déjà proposées par
le Québec et montrer ici l’urgence de ces
solutions.
Quand, en mai 1963, j’ai présenté,
alors que j’étais député dans l’opposition,
au Parlement du Québec, une motion por-
tant création du comité parlementaire de la
Constitution, j’obéissais déjà à ce sentiment
d’urgence, sentiment d’ailleurs partagé
par tous les députés des deux côtés de la
Chambre au Parlement de Québec, puis-
que la motion fut adoptée à l’unanimité.
Nous étions tous conscients de la gravité
de cette crise que, dans son rapport préli-
minaire, publié en février 1965, la Com-
mission d’enquête sur le bilinguisme et le
biculturalisme – la commission Dunton-
Laurendeau – devait décrire comme : «la
crise majeure de notre histoire», une crise
«qui menace l’existence même du Canada».
Ce qui est en cause dans cette crise,
beaucoup plus que les droits de l’homme
ou que les droits linguistiques des minorités,
c’est quelque chose de plus profond et de
plus fondamental : «L’essentiel est menacé»,
disait-on dans ce premier rapport Dunton-
Laurendeau, «c’est-à-dire, la volonté de vi-
vre ensemble». Et le document disait aussi :
«C’est l’heure des décisions et des vrais
changements. Il en résultera soit la rupture,
soit un nouvel agencement des conditions
d’existence ».
Je sais que ces propos de la commission
Dunton-Laurendeau ont, au moment où ils ont
été rendus publics, été l’objet de discussions
profondes sur la scène canadienne, et que
les hommes politiques n’y ont pas cru. Mais
nous, du Québec, et monsieur Laurendeau
en particulier, qui était un des rédacteurs de
ce rapport Dunton-Laurendeau, qui connais-
sait bien les problèmes québécois, y a sans
doute profondément cru, puisqu’il a signé
ce rapport.
Heureusement, la Conférence sur la
Confédération de Demain, convoquée par
l’Ontario, par le premier ministre, monsieur
Robarts, que nous retrouvons de nouveau
à cette conférence, convoquée, dis-je, par
l’Ontario, en novembre 1967, a permis,
pour la première fois, d’entreprendre un
examen approfondi de la question. Et ici
même, en février 1968, nous avons convenu
qu’il fallait revoir ensemble les divers
aspects du problème constitutionnel, y
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