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DÉCEMBRE 1969
vement de revenu sont, dans le cadre de la révolution tran-
quille, apparus comme étant quelques-uns des multiples as-
pects d'une espèce de régénérescence de la société canadien-
ne-française. La révolution scolaire, la mise au point d'un ap-
pareil administratif et gouvernemental plus étoffé, l'aménage-
ment du territoire, l'expansion industrielle et la reconversion
de l'économie ont été compris comme autant de pivots ou de
leviers d'une société arrivant enfin à maturité. I1 ne s'agit pas
ici de chercher à déterminer s'il était heureux ou malheureux
qu'il en soit ainsi, le fait est que c'est ainsi qu'on a perçu, pen-
dant plusieurs années, la révolution tranquille.
Création de nouvelles institutions ...
Dans l'ordre économique, on s'est rendu compte très tôt
qu'une action du gouvernement n'était possible qu'à deux con-
ditions: d'une part, l'État devait être doté d'un certain nombre
d'institutions dont, jusqu'alors, il avait été singulièrement dé-
muni et, d'autre part, il devait mettre au point un programme
d'action de façon à déterminer comment on se servirait de ces
nouvelles institutions.
La création des institutions a procédé assez rapidement.
Même si l'on peut critiquer certains délais, il est tout de même
surprenant que des gouvernements constitués en majorité
d'hommes politiques qui appartiennent à une génération qui
n'a pas l'habitude des transformations radicales ou des mou-
vements rapides, ont pu, en 6 ou 7 ans, mettre sur pied la So-
ciété générale de financement, la Caisse de dépôts et de place-
ment, la Société québécoise d'exploration minière, Sidbec,
l'Office de crédit industriel, le Parc industriel de Bécancourt,
et se soient finalement attaqués à la réalisation d'un Centre de
recherches scientifiques et industrielles. Si on ajoute à cela la
nationalisation des compagnies d'électricité et la création de
l'Office d'habitation du Québec, il faut reconnaître que, en ef-
fet, le gouvernement du Québec est beaucoup mieux équipé
qu'il ne l'a jamais été de moyens et de leviers nécessaires pour
oeuvrer au niveau de la structure de l'économie et pour procé-
der directement à des transformations qui ne pouvaient pas
être provoquées dans le cadre budgétaire traditionnel.
... mais sans véritable programme d'action
Au contraire, la deuxième condition d'une action efficace
n'a pas été réalisée. Il s'agissait d'obtenir un programme, « une
feuille de route » pour guider les programmes de développe-
ment et les décisions gouvernementales et, jusqu'à un certain
point, celles du secteur privé. Cette tâche fut confiée au Con-
seil d'orientation économique, dont la première tentative fut
de mettre au point un plan de développement.
On a beaucoup parlé dans notre milieu, depuis plusieurs
années, de plan et de planification. Cela se comprend aisé-
ment. Au début des années de la présente décennie, plusieurs
pays d'Europe avaient, dans le cadre de planifications plus ou
moins souples ou indicatives, atteint un rythme de croissance
remarquable. Les techniques de planification française, en
particulier, attiraient l'attention.
Il faut bien reconnaître que, au Québec, la tentative de
monter un plan a échoué. Il y a à cela plusieurs explications.
En premier lieu, le partage des ressources et des dépenses
gouvernementales à peu près également entre le gouverne-
ment central, d'une part, et le gouvernement du Québec et ses
municipalités, d'autre part, dans un climat de tension et de
suspicion permanentes, se prête fort mal à une action concer-
tée. En second lieu, dans le secteur privé, trop d'entreprises ou
d'établissements relèvent de centres de décision qui sont es-
sentiellement extérieurs au Québec et dont les programmes
sont mondiaux. Enfin, le Conseil d'orientation économique a
toujours souffert d'être isolé du processus budgétaire.
Cela ne veut pas dire que le Conseil d'orientation n'a joué
aucun rôle. Ses comités servirent de cadre à la préparation de
plusieurs des institutions qui ont été mentionnées dans les pa-
ragraphes précédents. Mais le fait est qu'il n'y a pas eu de
« feuille de route », tout au moins dans ce sens qu'il n'y a pas
eu de plan général intégré.
Politique d'aménagement et
confusion des structures politiques
I1 y a eu, cependant, l'amorce d'un programme du dévelop-
pement régional (la région étant alors définie comme une par-
tie du Québec et non pas, comme on la définissait au début de
cet article, comme une province ou un groupe de provinces).
Les données du programme sont bien connues. Montréal tend
à attirer les activités économiques essentielles, tout au moins
celles qui ne sont pas liées à l'exploitation des richesses natu-
relles. Les régions périphériques perdent souvent les éléments
les plus internes ou les plus dynamiques de leur population et
finissent pas présenter un état de désorganisation économique
et social tel qu'elles sont incapables d'atteindre à un rythme de
croissance satisfaisant. À la fin de 1965 et au début de 1966,
un plan de développement régional avait été élaboré au Con-
seil d'orientation économique, basé sur le regroupement d'un
certain nombre de services, d'activités et d'investissements
dans des capitales régionales appelées à devenir les pôles du
développement à venir. M. Lesage avait, au début de 1966,
esquissé les grandes lignes de ce projet et rendu publique la
liste des capitales. Clairement, un programme s'amorçait rapi-
dement, dont les effets se seraient fait sentir au cours des an-
nées suivantes.
L'arrivée au pouvoir du gouvernement de l'Union Natio-
nale a marqué la fin de cette tentative. Cela se comprend aisé-