Après quatre siècles de crises, la crise finale ? Au-delà de toute idéologie, depuis quatre cent ans, après plus d’une centaine de crises dont quatre majeures, quatre révolutions et deux guerres mondiales, c’est le même scénario qui se répète invariablement et procède du même mécanisme : engouement, emballement, crise de confiance et finalement krach. Nous devrions donc savoir que le « marché », ne peut pas s’autoréguler, il s’autodétruit inévitablement. La crise actuelle est le résultat d’une faillite intellectuelle majeure de "spécialistes" qui soutiennent, contre toute évidence, l’infaillibilité du dogme de « l’autorégulation du marché ». Leurs errements nous ont amenés là où nous sommes, néanmoins, cette crise sans précédent peut être l’opportunité de s'interroger et de tenir compte des leçons de l’histoire. La confiance base de l’économie Le terme économie est apparu à la fin du XIVème siècle sous la plume du Français Nicolas Oresme. Construit sur la racine grecque oikonomia, il signifie « administration de la maison » et désigne la gestion de la vie familiale. C’est la notion même de gestion du «bon père de famille » empreinte de prudence et de générosité, Tout le contraire de la témérité et de l’égoïsme. Son acceptation la plus commune aujourd’hui, n’apparaît qu’au XVIIème siècle où l’économie est essentiellement basée sur la confiance dans la production, puis l’échange des marchandises. Dès le XIVème siècle, les commerçants deviennent de véritables hommes d'affaires, ils achètent des chargements entiers de navires et des lots de marchandises. Les foires sont l'âme du commerce médiéval, elles se déroulent dans toutes l'Europe : Londres, Reims, Troyes, Cologne, Leipzig, Genève... Les foires durent plusieurs semaines selon un calendrier fixé à l’avance afin que les foires se déroulent d’une façon continue, ainsi, le marché reste actif toute l'année. Les affaires conclues au cours de ces rencontres encouragent la production industrielle et artisanale et stimulent les progrès techniques. Les marchands banquiers de Gênes, de Florence ou de Venise, prospèrent et développent la lettre de change déjà utilisée au XIIIème siècle par l’Ordre du temple. En effet les lettres de change, les billets à ordre, les chèques, les créances, le crédit et les payements à l'étranger ont été créés par l'Ordre des templiers devenu la première puissance financière de son temps. L'essor de la lettre de change a été fulgurant au XIVe siècle avec le développement des échanges à longue distance » La lettre de change permettait aux commerçants d’éviter le vol et le transport d’or, et évitait des déplacements inutiles. Dès ce moment l’or circula moins entre les pays d’occident. Ce moyen permet de payer une dette à distance, en passant par l'intermédiaire de deux banquiers qui correspondent entre eux. La lettre de change introduisit le crédit. Au cours de cette période, ce sont les riches familles italiennes, qui furent à l'avant-garde dans le domaine bancaire. Les Médicis installent des succursales à Bourges, Lyon et en Angleterre, Le monde changeait, les villes commerçantes croissaient au profit des riches bourgeois qui tenaient les rênes de l'économie. Ceci contribua à la naissance des États modernes. Début de la spéculation à grande échelle Au début du XVIIème siècle les crises financières provoquées par la spéculation et la cupidité conjuguée à la corruption, provoquent à une fréquence accélérée des crises avec des conséquences économiques et sociales d’une ampleur croissante, crises d’autant plus graves que l’économie est mondialisée. 1637. La tulipomanie (Tulpenmanie en néerlandais), souvent appelée « crise de la tulipe » en histoire économique), En février 1637, après plusieurs années de spéculation sur le cours des bulbes de tulipes qui survint dans le nord des Provinces-Unies au milieu du XVIIe siècle, les prix s'effondrent brusquement provoquant la ruine de nombreux spéculateurs. Le cours de l'oignon de tulipe qui avait atteint un niveau astronomique. Au plus fort de la tulipomanie, en février 1637, des promesses de vente pour un bulbe se négociaient à la hauteur de vingt fois le salaire annuel d'un artisan spécialisé. Cet épisode concernant le marché de la tulipe est considéré comme le premier exemple de bulle spéculative économique et financière de l’histoire. 1716. La monarchie ruinée par le règne de Louis XIV croule sous les dettes, le régent, Philippe d’Orléans concède à la Banque générale de l’écossais John Law le droit d’émettre du papier-monnaie, des billets gagés sur les richesses effectives ou à venir du royaume. En réalité le capital de la banque est aux trois-quarts constitué de dettes de l’Etat. Certes l’Etat payait des intérêts, mais pour obtenir des sommes plus rapidement, le crédit est ouvert aux particuliers, qui peuvent gager de l’or à la Banque. En 1717, John Law fonde la Compagnie d'Occident, avec laquelle il obtient le monopole du commerce en Louisiane (fondation de la Nouvelle-Orléans en 1718) et au Mississipi, favorisant ainsi le développement des ports de l'Atlantique tels que Bordeaux, Nantes et Lorient. En 1719 la Compagnie d'Occident devient la Compagnie Française des Indes, fruit de la fusion entre la Compagnie d'Occident de John Law et l'ancienne Compagnie des Indes Orientales, créée en 1604. Son capital de 100 millions de livres, divisé en actions fait l'objet d'une véritable spéculation. Une foule d’actionnaires se presse d’investir dans la colonie, Les investisseurs achètent en masse les titres de cette compagnie qui n'avait pas à véritablement d'activité propre. Le cours de l'action fut multiplié par 3,5 avant que la bulle spéculative n'éclate. Le système de Law s'écroule en 1721. La faillite de la Banque Law entraîne la Compagnie des Indes dans la banqueroute et la ruine de nombreux épargnants. 1774 A la fin du règne de Louis XV, la France est à nouveau ruinée, 5% de déficit, 67% d’endettement, c’est l’une des causes de la révolution française. La Révolution française La Révolution française commence en 1789 avec la réunion des États généraux et la prise de la Bastille et s'achève avec le coup d'État du 18 brumaire (9-10 novembre 1799) de Napoléon Bonaparte. C'est un moment fondamental de l’histoire de France, marquant la fin de l'Ancien Régime et le passage à une monarchie constitutionnelle puis à la Première République qu'ait connue le pays. La Révolution française mit fin à la royauté, à la société d'ordres et à tous les privilèges. Avec la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, elle proclama l'égalité des citoyens devant la loi, les libertés fondamentales et la souveraineté de la Nation, apte à se gouverner au travers de représentants élus. Plusieurs facteurs ont permis le déclenchement de la Révolution française. On distingue généralement des causes structurelles profondes, auxquelles se sont combinées d'autres causes dues à la conjoncture de la période. La révolution n'est pas due à un seul événement mais à un ensemble d'événements qui, associés, ont créé un choc suffisamment important pour occasionner des transformations irréversibles dans la conception de l'organisation du pouvoir politique, de la société et des libertés individuelles. La société est hiérarchisée en trois ordres inégalitaires. De ce fait les inégalités s’accroissent, les riches sont de plus en plus riches et les pauvres, de plus en plus pauvres. Cette organisation de la société est figée par des principes dépassés, d’une autre époque car il ne prend pas en compte l’ascension récente de la bourgeoisie. La société d’ordres et de privilèges est contestée par les non privilégiés. 1797. Le 26 février, la Banque d'Angleterre, à court de réserves, décide de suspendre les paiements en espèces, il en résultera ce qui est considéré comme la première panique bancaire. 1819. C’est la première crise financière de grande ampleur aux Etats-Unis elle provoque une vague de faillites et une profonde récession agricole et industrielle. Principales crises économiques de l’époque contemporaine Depuis la fin du XIXe siècle, les périodes de crise économique internationale se sont enchaînées. 1873. La Grande Dépression Le 1er mai 1873, l’Exposition universelle de Vienne a ouvert ses portes, avec 53.000 exposants, au milieu du bois du Prater, sur un terrain de plus de 233 hectares. Cette exposition des superlatifs est restée dans la mémoire collective comme une catastrophe due au krach de la Bourse. La Grande Dépression débute le vendredi 9 mai 1873 à Vienne où la Bourse s’effondre sous le poids de la spéculation, provoquant la faillite de plusieurs banques viennoises, sous le poids des emprunts hypothécaires. La récession est rapide : les banques européennes manquent de liquidités et ne se font plus confiance, rendant les prêts interbancaires extrêmement coûteux. Cette «Grande dépression » se répandra dans toute l’Europe en particulier en Allemagne ainsi qu’aux Etats-Unis. C’est le début d’une période de stagnation qui durera 23 ans, jusqu’en 1896. La période de crise rompt avec le développement relativement continu de l’activité économique depuis le début du XIXe siècle en remettant en cause les mécanismes du marché. Le secteur immobilier explose à Paris, Vienne et Berlin, et les financiers n'hésitent pas à s'endetter pour investir dans la construction, se basant sur l'envolée des prix immobiliers pour rentabiliser leurs investissements. Une série de nouvelles institutions se sont mises à émettre des prêts hypothécaires dans les domaines de la construction municipale et résidentielle », des produits financiers assurant un rendement constant aux actionnaires apparaissent, crées par notamment par le Crédit mobilier. Les grandes banques d’affaire venaient de connaître un développement sans antécédent, leur inexpérience contribuant à l’irrationalité financière et à l’apparition de bulles spéculatives est à l’origine des krachs. 1914-1918. La Première Guerre mondiale La Première Guerre mondiale est un conflit militaire qui s'est principalement déroulé en Europe de 1914 à 1918. Un des évènements marquants du XXe siècle, cette guerre a atteint une échelle et une intensité inconnues jusqu'alors. Elle a mis en jeu plus de soldats, provoqué plus de décès et causé plus de destruction matérielle que toute guerre antérieure. Plus de 60 millions de soldats y ont pris part. Pendant cette guerre, environ 9 millions de personnes sont décédées et environ 8 millions sont devenues invalides. D'autres évènements survenus pendant cette période : le génocide arménien (1915-1916), la première Bataille de l'Atlantique (1917), la Révolution russe (1917) et la grippe de 1918, ont augmenté la détresse des populations civiles. Pour toutes ces raisons, cette époque a marqué de façon indélébile ceux qui l'ont vécue. Cette guerre a amené de profonds changements géopolitiques, lesquels ont profondément modifié le cours du XXe siècle. Elle a causé l'effondrement ou la fragmentation des empires austro-hongrois, russe et ottoman. L'Empire allemand a disparu et l'Allemagne a vu son territoire réduit. Conséquemment, les cartes de l'Europe et du Moyen-Orient ont été redessinées. Des monarchies ont été remplacées par des États communistes ou par des républiques démocratiques. Pour la première fois, une institution internationale a été créée dans le but de prévenir les guerres : la Société des nations (SDN). Cette guerre se distingue des conflits précédents en ce qu’elle est aussi la première « guerre industrielle ». 1923. l'hyperinflation allemande. Billet de 500 millions de mark émis par la commune de Dantzig. Le 1er novembre 1923, 500 gr de pain valaient 260 milliards de marks ! En Allemagne, l'hyperinflation atteint son apogée en novembre 1923. Sa cause immédiate est l'exigence française de réparations de guerre. L'armée française occupe la Ruhr comme gage, paralysant la première région industrielle du pays. En quelques mois, les denrées s'achètent en milliards de marks et il faut une brouette pour transporter les billets. La crise monétaire s'aggrave d'une agitation intérieure (communistes en Saxe et Thuringe, putsch d’Hitler à Munich). Américains et Britanniques, qui ont de gros intérêts en Allemagne, convainquent la France de réduire ses prétentions et d'évacuer la Ruhr. Le krach de 1929 Le krach de 1929 est une crise boursière qui se déroula à la Bourse de New York entre le 24 octobre et le 29 octobre 1929. Cet événement marque le début de la Grande dépression, la plus grande crise économique du XXe siècle. Le krach de 1929 est consécutif à une bulle spéculative, dont la genèse remonte à 1927. La bulle est amplifiée par le nouveau système d'achat à crédit d'actions, qui depuis 1926 est permis à Wall Street. Les investisseurs peuvent ainsi acheter des titres avec une couverture de seulement 10 %. L'économie, elle, montre des signes de faiblesse dès le début 1929 : ainsi, la production automobile chute de 622000 véhicules à 416000 entre mars et septembre. La production industrielle, elle, recule de 7 % entre mai et octobre. Ce ralentissement est en partie dû à un phénomène d'asphyxie : les capitaux disponibles accourent à la bourse plutôt que vers l'économie « réelle ». Quelques jours avant le krach (les 18, 19 et 23 octobre), les premières ventes massives ont lieu. Ce sont encore des prises de bénéfices, mais elles commencent à entraîner les cours à la baisse. Le jeudi 24 octobre (jeudi noir ou Black Thursday) marque la première vraie panique. Le matin, il ne se trouve presque pas d'acheteurs, quel que soit le prix, et les cours s'effondrent. À midi, l'indice Dow Jones a perdu 22,6 %. Une émeute éclate à l'extérieur du New York Stock Exchange. Entre le 22 octobre et le 13 novembre, l'indice Dow Jones passe de 326,51 à 198,69 (-39 %), ce qui correspond à une perte virtuelle de 30 milliards de dollars, dix fois le budget de l'État fédéral américain et plus que ce que les États-Unis avaient dépensé pendant toute la Première Guerre mondiale. 1939-1945. La seconde guerre mondiale La Seconde Guerre mondiale est un conflit armé à l'échelle planétaire qui dura de septembre 1939 à septembre 1945. Provoquée par le règlement insatisfaisant de la Première Guerre mondiale de 19141918 et par les ambitions expansionnistes et hégémoniques des trois nations de l’Axe (Allemagne nazie, Italie fasciste et Empire du Japon), elle consista en la convergence, à partir du 3 septembre 1939, d’un ensemble de conflits régionaux respectivement amorcés le 18 juillet 1936 en Espagne (la guerre d'Espagne), le 7 juillet 1937 en Chine (la guerre sino-japonaise), et le 1er septembre 1939 en Pologne (campagne de Pologne). Le conflit planétaire ainsi généré opposa schématiquement deux camps — les Alliés et l’Axe. Il prit fin en Europe le 8 mai 1945 par la capitulation sans condition du IIIe Reich, puis s’acheva en Asie et dans le monde le 2 septembre 1945 par la capitulation sans condition du Japon, dernière nation de l’Axe à connaître la défaite. La Seconde Guerre mondiale promeut les États-Unis et l’URSS, principaux vainqueurs, comme les deux superpuissances appelées à dominer le monde pour près de 40 ans. Elle accélère l’affaissement de l’Europe et le processus de décolonisation en Asie, dans le monde arabe puis en Afrique, achevé au début des années 1960. Paradoxalement, la Seconde Guerre mondiale est le dernier grave conflit en Europe, désormais à la recherche de son unification, et la difficile reconstruction est vite suivie d’une période de prospérité sans précédent. Après la Seconde Guerre mondiale, on a connu une période de croissance stable relativement importante, qui provenait en grande partie de la reconstruction d’après-guerre. 1944. Les accords de Bretton Woods Les accords de Bretton Woods sont des accords économiques ayant dessiné les grandes lignes du système financier international après la Seconde Guerre mondiale. Leur objectif principal fut de mettre en place une organisation monétaire mondiale et de favoriser la reconstruction et le développement économique des pays touchés par la guerre. Ils furent signés le 22 juillet 1944 à Bretton Woods aux États-Unis après trois semaines de débats entre 730 délégués représentant l’ensemble des 44 nations alliées. Il y avait également un observateur soviétique. Les deux protagonistes principaux de cette conférence ont été John Maynard Keynes, qui dirigeait la délégation britannique, et Harry Dexter White, assistant au secrétaire au Trésor des États-Unis, qui avaient tous deux préparé un plan d'ensemble. Le plan Keynes fut ébauché dès 1941 et préparait un système monétaire mondial basé sur une unité de réserve non nationale, le bancor. La partie américaine mettait en avant le rôle de pivot du dollar américain et proposait plutôt de créer un fonds de stabilisation construit sur les dépôts des États membres et une banque de reconstruction pour l'après-guerre. Au final, c'est la proposition de White qui prévalut, organisant le système monétaire mondial autour du dollar américain, mais avec un rattachement nominal à l'or. Le Gold Exchange Standard mis en place dans le cadre des accords de Bretton Woods après la guerre de quarante réduisit la convertibilité au seul dollar américain. Dans un tel système les Etats "défendent " leur parité, aidés éventuellement par des prêts mutualisés (c'était le rôle du FMI). Mais, avec l'accord général des ajustements restent possibles, si les dévaluations restent raisonnables. Deux organismes ont vu le jour lors de cette conférence, qui sont toujours en activité : La Banque mondiale (BM) formé de la Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD) et de l'Association internationale de développement (IDA) et Le Fonds monétaire international (FMI). Un troisième organisme aurait dû être créé, chargé du commerce international. Mais en l'absence d'accord, il ne verra le jour qu'en 1995 avec la création de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) après les cycles de négociations du General agreement on tariffs and Trade (GATT). La fin des accords de Bretton Woods, les chocs petroliers et la déréglementation sont à l'origne de la crise actuelle. La crise actuelle est l’aboutissement d’une remise en cause profonde du modèle né après la guerre à Bretton Woods. La crise de 1929 et la guerre de 1939-1945 avaient imposé trois stabilisateurs : la solidarité nationale (Sécurité sociale), la politique volontariste budgétaire (keynésienne) et le fordisme liant le travailleur à l’entreprise. L’inconvertibilité en or du dollar décidée unilatéralement le 15 août 1971 par les Etats-Unis met fin aux accords de Bretton Woods et au Gold-Exchange Standard. En 1973, la crise éclate lorsque les pays de l’OPEP (Organisation des pays exportateurs de pétrole) ont quadruplé le prix du pétrole et l’ont à nouveau doublé en 1979. Les chocs pétroliers ont mis un terme, à la croissance des « Trente glorieuses », le moteur économique a commencé à s’enrayer. A la fin des années 1970, la dérégulation opérée par Ronald Reagan et Margaret Thatcher, lève tous les freins à la financiarisation de l’économie, encourage la sophistication de la finance et la montée en puissance des produits dérivés. Les produits « dérivés », déconnexion de l’économie « réelle » Les autorités ont dérégulé un nombre important d’opérations financières et stimulé la spéculation en bourse, même pour les particuliers. Un flux continu de nouveaux produits financiers n’ont cessé d’envahir le marché. La spéculation à très court terme s’est substituée à l’investissement à long terme dans l’économie réelle. Le krach boursier de 1987 et l’éclatement de la bulle Internet en 2000 marquent le début de la montée en puissance des produits dérivés. Ce que Michel Rocard résume comme suit : « La montée en puissance des produits dérivés résulte d’une désorganisation de l’économie réelle, qui elle-même découle de la décision prise en 1971 de décrocher le dollar de l’or. Le commerce qui, jusque-là travaillait à changes fixes, a été menacé par des changes flottants. Tout est devenu volatile, imprévisible. Il a fallu se couvrir, inventer les combines les plus tordues pour tenter de réguler la valeur des titres sur lesquels on travaille. Cela a donné les produits dérivés, des échanges d’option pour l’avenir sans échange de produits réels. A partir de là, l’économie a été plus abstraite. Tout s’est mis à reposer sur la confiance, tout est devenu plus fragile. On a eu une bulle sur l’immobilier, une autre sur le pétrole, qui ont crevé lorsque les prix du marché ont cessé d’augmenter régulièrement. Voilà comment l’appétissante finance mondiale fait supporter à l’ensemble de la société un taux de risque anormal ». La mondialisation des capitaux s’amplifie et prend le pas sur le développement économique réel et sur la mobilité des hommes. L’hyper rentabilité financière s’impose dans les décisions stratégiques des entreprises. C’est le passage d’un capitalisme de manager à un capitalisme financier. Tout bascule dans les années 80 avec la montée en puissance du pouvoir des actionnaires. Un véritable nettoyage des entreprises les moins rentables provoque d’importantes restructurations dans les secteurs de l’exploitation minière, de l’acier, du verre, du textile et de la construction navale. C’est la principale cause de la déstabilisation du système monétaire international et de la destruction de l’appareil productif et de l’emploi. Une économie d’endettement La crise économique révèle les effets d’une économie d’endettement généralisé, l’Etat, les collectivités locales, les entreprises et les particuliers s’endettent au-delà de leurs possibilités de remboursement. La Dette de la France, le 19 février 2009 à 17h30 était de 1.277.739.261.124 euros elle augmente de 2500 euros à la seconde ! Les entreprises s’endettent pour pouvoir verser aux actionnaires des dividendes à un niveau que leurs profits ne permettent pas. Comment résister à 15% de marge à court terme alors que l’économie réelle elle ne dépasse guère une croissance annuelle de 3% ? Depuis, le secteur financier a connu une croissance trois fois plus rapide que celle du secteur de production. Tandis que le PIB au niveau mondial connaissait une croissance de cinq pour cent, le secteur financier lui augmentait de quinze pour cent. Mais cette économie financière en réalité vit du secteur de production. Tôt ou tard, ce système devait s’effondrer et c’est ce qui se passe en ce moment. La forte rémunération du travail qui soutenait la demande a laissé la place au crédit comme moteur de la croissance. Dans un système où le capital rapporte plus que le travail, le but essentiel de l’entreprise n’est plus alors de produire de la richesse permettant elle-même de produire de la protection sociale mais avant tout d’être toujours plus rentable. Emballement de la spéculation Une nouvelle demande, dans l’immobilier ou une innovation technologique suscitent l’engouement d’agents économiques bien informés qui investissent dans un secteur porteur avant d’entraîner une masse de spéculateurs appâtés par la montée des prix et des actions. Cette phase d’emballement se retourne brutalement lorsque les rendements obtenus ne sont pas ceux espérés, c’est la crise de confiance, tous les agents cherchent alors à se débarrasser de leurs actifs d’un seul coup et c’est l’inéluctable krach. Dès le début des années 80, on observe une augmentation de la fréquence des crises : krach du marché d’actions d’octobre 1987, crise monétaire et financière en Asie en 1997, éclatement de la bulle Internet en 2000, scandale des « subprimes » entre 2007 et 2008 aux Etats-Unis. Les Etats-Unis ont développé face à la crise une politique leur permettant de maintenir artificiellement une consommation élevée. Sous le président Reagan, on a réduit de manière considérable les impôts des riches qui se retrouvaient ainsi avec plus d’argent à dépenser. Plus tard, on a également poussé les pauvres à consommer en facilitant les emprunts. Dès 2000, les gens ont pu contracter un emprunt hypothécaire sans devoir fournir le moindre justificatif quant à leurs revenus, c’est ainsi que six millions de personnes non solvables ont acheté une maison. Fin 2006, de plus en plus d’emprunteurs américains ne peuvent plus rembourser leurs « subprimes », trois millions se retrouvent aujourd’hui sans maison. Il s’agissait-là d’une immense bulle financière engendrée par une politique laxiste du crédit. Ce sont des crédits à haut risque de non remboursement (taux élevé et garantie hypothécaire sur le logement). La crise des « subprimes » dégénère à l’été 2007 en crise de confiance généralisée envers le système de créances au niveau mondial (via les systèmes financiers sophistiqués appelés « titrisation » de transfert des risques). A l’automne 2008, une deuxième crise oblige les banques centrales à injecter massivement des liquidités dans le marché interbancaire. La crise de liquidité se transforme en crise de solvabilité globale des banques dont la faillite du géant Lehman Brothers miseptembre en est le symbole. L’affaire Madoff laisse aussi supposer que la corruption a atteint la « haute finance » et que les organismes chargés de veiller à la régularité des opérations de bourse ont fait, par laxisme, la preuve de leur inefficacité. La crise actuelle 2008. La crise actuelle débute le 15 septembre 2008 par la faillite de la banque Lehman Brothers qui avait traversé la crise de 1929, mais n'a pas résisté à la crise des « subprimes ». Le cours de Bourse de Lehman Brothers était à 85,80 dollars le 4 février 2007, le 15 septembre 2008, avant cessation définitive de la cotation, l'action ne valait plus que 13 cents. Depuis le « lundi noir », 15 septembre 2008, les bourses, les banques et le système financier international ont été très violemment ébranlé. La crise de 2008 n’est pas comparable à celle de 1929, mais plutôt à la crise de 1873 qui a les mêmes caractéristiques. 1873 La bourse s’effondre sous le poids de la spéculation et des emprunts hypothécaires, provoquant la faillite de grandes banques. Les banques manquent de liquidités et ne se font plus confiance, rendant les prêts interbancaires extrêmement coûteux. Cette «Grande dépression» se propage dans toute l'économie. Début d’une période de récession qui durera 23 ans ! 2008 La bourse s’effondre sous le poids de la spéculation et des emprunts hypothécaires, provoquant la faillite de grandes banques. Les banques manquent de liquidités et ne se font plus confiance, rendant les prêts interbancaires extrêmement coûteux. Cette «Grande dépression» se propage dans toute l'économie. Début d’une période de récession qui durera … un certain temps ... Plus rien ne sera comme avant, le monde est passé à un doigt de la crise systémique, le danger d’effondrement général n’a pas disparu. "Les pays industrialisés doivent absolument comprendre que nous avons vécu au-dessus de nos moyens. Nous avons fait un emprunt sur l’avenir sans en avoir produit la contre-valeur dans l’économie réelle, et à la longue, cela aura de graves conséquences." Angela Merkel, Chancelière d’Allemagne 8 janvier 2009 à Paris. Conclusion Derrière cette crise financière spectaculaire se cache une crise économique prête à présent à se développer complètement. L'économie mondiale a été « dopée », depuis les années 80 par la consommation artificielle, le crédit et la spéculation. Aujourd’hui ces stimulants sont épuisés, c’est donc un modèle de croissance qui s’essouffle. La crise actuelle marque les limites d’une économie de l’endettement et probablement la fin d’un cycle d’excès, elle semble s'ouvrir sur un possible retour aux sources de l’économie et le début d’un nouveau cycle pouvant renouer avec les valeurs industrieuses et éthiques de l’entreprise. La sortie de crise implique des changements radicaux, « une gouvernance mondiale de l’économie », en quelque sorte un nouveau "Bretton Woods", incluant dans un système multilatéral tous les pays émergents, notamment la Chine, l’Inde et le Brésil. Pour l’Amérique, un plan d'une ampleur très supérieure au New Deal de Roosevelt, pour l'Europe, une construction politique lui permettra de se doter de l’indispensable capacité de gouvernance économique, l’euro ayant permis, dans un premier temps, d’éviter le pire. Claude Mauriange 19 février 2009