Bretton Woods
Qui a dit : « "Nous devons aller vers une refonte de l’architecture financière internationale,
vers un nouveau Bretton Woods. » ? Nicolas Sarkozy ? Faux, en tout cas pas tout à fait vrai.
C’est Lionel Jospin, en 1998. Il était alors premier ministre et la planète était secouée par une
violente crise financière venue d’Asie puis de Russie, deux régions du monde qui, affirmaient
de bons docteurs libéraux, ne se contentaient pas de nous exporter leurs virus. Les capitaux
refluaient d’Hong Kong, Bangkok, Singapour, Moscou, bousculant au passage les économies
des pays capitalistes développés. Jacques Chirac, encore président de la République, avançait
sur ce sujet du même pas que son premier ministre, lui aussi réclamait « la refonte des
institutions internationales de Bretton Woods ».
Dix ans plus tard, effectivement, le 15 octobre dernier, devant l’assemblée des vingt-sept pays
de l’Union européenne, Nicolas Sarkozy déclare également : « Il nous faut un nouveau
Bretton Woods ».
En juillet 1944, s’ouvrait à Bretton Woods, une bourgade perdue aux Etats-Unis, une
conférence regroupant 44 pays. A sa suite, un nouveau système monétaire international voyait
le jour. Censées à l’origine assurer la stabilité monétaire mondiale et une bonne allocation des
ressources, les institutions issues de Bretton Woods, le FMI, la Banque mondiale, assurèrent
essentiellement le remplacement définitif du sterling britannique par le dollar. La base en était
l’hégémonie mondiale de la monnaie américaine rattachée à l’or.
Dans les années soixante-dix, Nixon, qui avait besoin de financer la guerre du Vietnam,
décrétait unilatéralement la fin de la convertibilité du dollar en or. En 1974, à la Jamaïque, les
dirigeants des grands pays capitalistes entérinaient la fin du régime de taux de change fixe
entre les monnaies au bénéfice du régime flottant que nous connaissons toujours aujourd’hui.
L’hégémonie du dollar s’en trouvait renforcée, l’instabilité monétaire mondiale également.
Depuis, les crises financières et monétaires se sont succédées.
Aujourd’hui, il n’est plus possible de dénoncer, comme certains ont pu le faire à l’époque, le
laxisme des autorités mexicaines (crise de 1994), ou l’alcoolisme des dirigeants russes, ou la
corruption des hommes politiques thaïlandais (crises de 1997-1998), il s’agit bien d’une crise
du capitalisme mondialisé, surgie de sa Mecque, de Wall street, des Etats-Unis eux-mêmes.
Comme notre regretté ami Okba Lamarani le notait à l’époque, face à ces ambitions
réformatrices récurrentes, une question se pose : Il faut certes un nouveau Bretton Woods,
mais « pour changer quoi ? » Il faut transformer complètement les relations monétaires et
financières, internationales, mais s’agit-il de permettre à l’euro de jouer des coudes avec le
dollar afin qu’il prenne place à ses côtés au banquet des multinationales et de la rentabilité à
15 % ? Une véritable réforme consisterait à créer tout au contraire des relations
internationales fondées sur la coopération qui permettent d’aider enfin au développement de
tous les hommes en favorisant leur accès à des financements sans devoir se soumettre pour
cela aux règles glacées de la valorisation maximum des capitaux.
L’accès au financement à des taux abaissés, à taux zéro même, pour faire aboutir des projets
permettant de développer l’emploi, la formation, les salaires est une question politique
décisive pour le dépassement du capitalisme car le capitalisme, on ne le dit jamais assez, c’est
d’abord la maîtrise de l’argent. Cela passe à l’échelle internationale, notamment par une
transformation du rôle de la banque centrale européenne, la BCE, par une réforme du FMI.
Mais nous aurons l’occasion de revenir sur ces deux points.
Pierre Ivorra