LES SYNDICATS AU CAMEROUN Genèse, Crises et Mutations Problématiques africaines Collection dirigée par Lucien AYISSI Il s'agit de promouvoir la pensée relative au devenir éthique et politique de l'Afrique dans un monde dont on proclame de plus en plus la fin de l'histoire et de la géographie. L'enjeu principal de cette pensée à promouvoir est la réappropriation conceptuelle, par les intellectuels africains (philosophes, politistes, et les autres hommes et femmes de culture), d'un débat qui est souvent initié et mené ailleurs par d'autres, mais dont les conclusions trouvent dans le continent africain, le champ d'application ou d'expérimentation. La pensée à promouvoir doit notamment s'articuler, dans la perspective de la justice et de la paix, autour des questions liées au vivreensemble et aux modalités éthiques et politiques de la gestion de la différence dans un espace politique où la précarité fait souvent le lit de la conflictualité. La collection « Problématiques africaines» a également l'ambition d'être un important espace scientifique susceptible de rendre de plus en plus présente l'Afrique dans les débats mondiaux relatifs à l'éthique et à la po litique. Joseph EPEE EKW ALLA LES SYNDICATS AU CAMEROUN Genèse, Crises et Mutations L'H~mattan Du même auteur L'avenir du syndicalisme unique en Afrique: le cas du Cameroun, Montréal (Québec), HEC - CET AI, 1996. Les Syndicats au Cameroun, Les cahiers de Collection THIOT, Cameroun (Douala), avril 2001. <9 L'Harmattan, 2009 5-7, rue de l'Ecole polytechnique; 75005 Paris http://www.librairieharmattan.com [email protected] harmattan [email protected] ISBN: 978-2-296-07907-6 EAN : 9782296079076 l'es tuaire, PRÉFACE Observons-le à brûle-pourpoint: le sujet que traite l'ouvrage du professeur Joseph EPEE EKWALLA, le syndicalisme, pourrait surprendre un public initié et avisé. En effet, « la fm de l'histoire» que claironne l'un des intellectuels organiques du libéralisme triomphant de ces dernières décennies, s'est accompagnée, du moins en apparence, de la défaite du socialisme et du communisme et, partant, du déclin de leurs alliés, singulièrement le mouvement ouvrier. Avec la montée en puissance des idéologies et forces capitalistes et, concomitamment, l'effacement progressif de celles de gauche, on assiste un peu partout, à travers le monde, à l'affaiblissement des syndicats dont les oiseaux de mauvais augure annoncent d'ailleurs la fm prochaine. Pour nombre d'analystes, « le dernier homme» de Francis FUKUYAMA sera libéral et démocrate mais assurément pas syndicaliste. Produire, dans cette perspective, un livre sur le syndicalisme, n'est-ce pas se voiler la face devant les réalités du monde contemporain? N'est-ce pas, pour un intellectuel, se condamner à tenir un discours éthéré, désincarné, sans aucune prise sur la société et sans aucune possibilité d'action sur celle-ci? Quelle serait alors l'utilité ou l'opérationnalité d'un tel discours et d'une telle démarche? A vrai dire, et au risque, inverse, de surprendre le lecteur, la publication du professeur Joseph EPEE EKW ALLA ne constitue nullement une œuvre de circonstance, connectée à je ne sais quelle actualité récente ou immédiate; c'est un travail qui se veut enraciné non seulement dans la durée historique mais encore dans la solidité et la permanence du sacro-saint principe de l'esprit scientifique, et donc de la méthode sociologique: la rupture objectivante. Construit par les pères fondateurs, en particulier par Emile DURKHEIM, ce principe prescrit au « savant» de toujours prendre du recul par rapport à la proximité des objets et des situations, en évitant ainsi d'être prisonnier ou victime de ses préjugés et de ses prénotions, pour aboutir à un minimum d'objectivité dans l'observation et l'analyse des faits sociaux. C'est une telle posture épistémique qui permet à l'auteur du présent livre de saisir, diachroniquement, le mouvement syndical camerounais, de la période coloniale, marquée par le conflit, à l'ère, plus apaisée, de la convention collective, en passant par l'étape du monolithisme syndical, caractéristique du système du parti unique. Au total, en mobilisant, autour de la sociologie, un ensemble pertinent de sciences sociales et humaines, tels que le droit, l'histoire et la science politique, l'auteur parvient à faciliter l'intelligibilité du syndicalisme camerounais dont le lecteur pourra découvrir les diverses interconnexions avec les mouvements de lutte pour la dignité et la liberté du peuple camerounais. Avec ce troisième essai, le professeur Joseph EPEE EKWALLA entend s'affIrmer de plus en plus comme un spécialiste incontesté de la sociologie du travail et des organisations, en particulier du mouvement ouvrier, au Cameroun. Puisse donc le lecteur réserver bon accueil à la présente publication et en tirer le meilleur profit possible pour enrichir sa connaissance de notre pays. Yaoundé, le 15 octobre 2007 Professeur Valentin NGA NDONGO Chef de Département de Sociologie-Anthropologie Université de Yaoundé I 6 INTRODUCTION Pendant la période coloniale, le fait syndical eut beaucoup du mal à paraître en Afrique. Partout, l'Etat colonial se montra hostile au syndicalisme. Les travailleurs européens eux-mêmes tolérèrent mal la constitution des syndicats purement africains. Ainsi, en Tunisie, la création d'une centrale tunisienne déclencha l'opposition de la Confédération Générale du Travail (CGT) française et de la presse socialiste; en 1925, elle fut dissoute et les chefs syndicalistes condamnés à des peines sévères. Pour l'Afrique noire de mouvance française, J. Suret-Canale remarque que: «Les !)Indicatseuropéenssont souvent d'un racisme qui ne le cèdeguère à celui de l'administration coloniale)). Les «petits blancs» en concurrence directe avec les Africains de qualification équivalente, sont les plus aptes à défendre leurs privilèges. Au Zimbabwe (ancienne Rhodésie), les mineurs européens s'opposèrent à la création de syndicats africains. Dans les années quarante, Dave Welensky, frère de Roy, et vice-président de l'Union Européenne des Syndicats des Mineurs (UESM) s'opposait encore à cette création et les tentatives d'intégrer les travailleurs africains aux syndicats européens échouèrent elles aussi. Cependant, malgré l'hostilité de l'autorité coloniale et des employeurs, un syndicalisme de fait apparut, parfois sous la forme d'organisation de type traditionnel afin d'échapper à la répression. En outre, indépendamment de l'existence d'organisation à caractère syndical, il y eut de bonne heure, une action syndicale, notamment sous forme de grèves, parfois violentes, prolongées et durement réprimées (nous y reviendrons). Ainsi, il y a un parallélisme étroit entre le fait politique, en tant qu'il engendre des partis politiques, et le fait social qui donne naissance à des organisations syndicales. Dans les deux cas, la situation coloniale manifeste une opposition farouche à ces deux types d'organisation. Mais, elle ne peut empêcher ni l'action politique, ni l'action syndicale, encore moins l'apparition d'organisations qui préludent à la création de véritables partis ou syndicats. Contrairement à l'opinion dominante à cette époque, le syndicalisme n'a pas été un phénomène purement artificiel plaqué sur les réalités africaines. En fait, comme cela se passe dans tous les pays du monde, le syndicalisme se trouve être la réponse naturelle des travailleurs africains, plus durement exploités que les travailleurs européens par le système colonial. Il faudrait se souvenir que, pendant longtemps, ces travailleurs étaient soumis à un régime de discrimination raciale qui les privait des libertés les plus élémentaires. C'est donc une erreur de faire remonter l'histoire du syndicalisme africain à sa reconnaissance légale (au sens diplomatique du terme) par l'autorité coloniale. Cette reconnaissance fut partout tardive. Elle se situe aux alentours de la deuxième guerre mondiale. Mais, presque partout, il existait avant leur reconnaissance légale des syndicats ou un syndicalisme de fait, aguerri par la lutte sociale et politique menée contre le système colonial. Dans une deuxième phase, les syndicats sont reconnus légalement. A l'hostilité succède le paternalisme, c'est-à-dire l'acception officielle du syndicalisme; mais un syndicalisme canalisé et contrôlé par l'autorité coloniale de façon à réduire les risques de contestation. Il faut mettre les syndicats sous tutelle afin qu'ils deviennent des instruments politiques, des substituts des partis politiques qu'ils ont parfois précédés. Ceci explique les dispositions restrictives de la législation. Partout, les centrales syndicales métropolitaines s'efforcent d'encadrer le syndicalisme africain en l'assimilant à un modèle qui ne peut être que celui de ces centrales métropolitaines. Même dans les territoires britanniques, le « Trade Union Congress)) joua un rôle considérable au point de susciter parfois l'hostilité des travailleurs africains. La conséquence de cette intervention fut de fragmenter les syndicats africains en organisations syndicales multiples et de leur imposer une idéologie étrangère. Ainsi, le paternalisme est venu affaiblir un syndicalisme dont les conditions socio-économiques africaines (faible 8 industrialisation, analphabétisme, petit nombre de salariés, manque de cadres syndicaux, faiblesse de ressources financières, tribalisme, etc.) ne prédisposaient pas la constitution d'une force de première importance. Cependant, on aurait tort de négliger le rôle politique joué par les syndicats au cours de cette seconde phase. Malgré la répression sévère, les syndicats furent une force de contestation non négligeable. Dans une troisième phase qui commence à partir des années 45, on relève une tendance des syndicats africains à réaliser leur unité par une réaction contre le pluralisme hérité du colonisateur et à s'affranchir de la tutelle imposée par les centrales syndicales métropolitaines. Parallèlement, l'Europe politique des syndicats s'accroît. En même temps que les partis politiques passent à la contestation, c'est-à-dire, de la lutte à l'intérieur du système colonial au nationalisme véritable, c'est-àdire, à la lutte contre le système en vue de le détruire, les syndicats font passer à l'arrière-plan les luttes sociales pour faire prédominer la lutte politique, plus précisément la lutte pour l'indépendance. En fait, au cours de cette phase, il y eut une coopération étroite et efficace entre les partis nationalistes et les syndicats. Certains chefs politiques comme Ruben Um Nyobé, Sékou Touré, furent d'ailleurs des militants syndicalistes avant de se consacrer à titre principal à l'action politique. Cette jonction de l'action syndicale et de l'action des partis nationalistes était d'autant naturelle que le nationalisme ne fût pas uniquement politique mais également économique, social et culturel. Notre travail comporte deux parties: la première est consacrée à l'évolution du mouvement syndical en général et au Cameroun en particulier; la seconde nous permettra de saisir les nouveaux rapports (endogènes et exogènes) entre le parti et le syndicat. Trois chapitres constitueront l'objet de notre travail: le premier est consacré essentiellement à l'analyse des années 4560, période charnière du syndicalisme en Afrique. Le deuxième 9 décrit le cheminement du syndicalisme unique au Cameroun, d'une part, le processus d'instauration du multipartisme jusqu'à l'avènement du pluralisme syndical, d'autre part. Enfin, nous aborderons les problèmes relatifs aux rapports patronat syndicat des travailleurs et syndicat - pouvoir politique. Dans un premier temps nous essaierons quelques notions générales sur le syndicalisme. 10 de donner Chapitre premier: Qu'est-ce que le syndicalisme? 1.1. LE SYNDICALISME: THEORIQUES FONDEMENTS Le syndicalisme est aujourd'hui un des éléments reconnus de la vie sociale comme de la vie économique. Certains s'en réjouissent, d'autres le déplorent encore, mais le plus grand nombre l'accepte comme un fait acquis et nul ne songe plus guère à contester le rôle actuel et la force des organisations de travailleurs. A l'origine du terme syndicat, il yale syndic, venant lui-même du grec sundikos, c'est-à-dire celui qui représente et défend les intérêts d'une ville, puis d'un groupe différent du groupe municipal, un conseil, un avocat (le syndic, étymologiquement, appuie un client dans une action en justice). Le syndic assume les mêmes rôles. C'est le mouvement qui vise à unifier les travailleurs dans les organisations, les syndicats, pour défendre leurs intérêts communs (hausse des salaires, meilleures conditions de travail, baisse du temps de travail, lutte contre le licenciement. . .). Un syndic est donc une association privée formée par des individus qui se regroupent pour défendre leurs intérêts communs. Un syndicat professionnel défend des intérêts économiques liés à une profession. unifier l'action Le syndicalisme est donc le mouvement qui vise à les travailleurs dans les organisations. Il est aussi militante qui cherche à poursuivre les buts d'un syndicat. Selon trois fonctions: P. Rosanvallon 1 les syndicats ont ~ une fonction de représentation (expression des revendications de la classe ouvrière) ; ~ une fonction de régulation sociale (canaliser les revendications et résoudre ainsi pacifiquement les conflits) ; ~ une fonction de solidarité (facteur de cohésion et d'identité de la classe ouvrière). Par ailleurs, on ne peut parler de mouvement ouvrier avant la révolution industrielle. Cela ne veut pas dire qu'il n'y avait pas auparavant des travailleurs organisés au sein d'institutions spécifiques, mais les corporations relèvent d'une autre logique que celle du syndicalisme, née du machinisme et de la séparation du travail et du capital. Organisation de classe selon la théorie marxiste, le syndicat est l'émanation de la classe ouvrière qui lutte pour la réalisation de son unité, pour sa prise de conscience et pour la défense des intérêts prolétariens face à la bourgeoisie. C'est entre 1830 et 1842 que les travailleurs accèdent à un niveau supérieur de leur organisation de classe en créant leurs premiers syndicats et leurs premiers partis politiques. Les crises cycliques de surproduction de 1825 - 1830 et de 1835 - 1837 se sont traduites par la mise au chômage de nombreux salariés. Le chômage apparaît depuis comme un péril qui peut s'abattre à tout moment sur les travailleurs. A l'occasion des crises, le patronat organise la concurrence entre les travailleurs afin de maintenir au plus bas les salaires de ceux qu'il emploie en les menaçant de les remplacer par les chômeurs. Marx décrira ces chômeurs 1 Rosanvallon, Pien-e, La question syndicale - Histoire et avenir d'une forme sociale, Paris, Calmann-Lévy, 12 1987. comme « l'armée de réserve du capital »2. Le syndicat apparaît alors comme un moyen pour le prolétaire de faire face aux dangers de la situation. Par le syndicat et dans le syndicat, les travailleurs se présentent en bloc devant le patron qu'ils obligent à traiter avec eux collectivement et non séparément et isolément. Sur la base d'une entreprise et plus tard d'un secteur industriel, les syndicats se constituent et se fédèrent progressivement en établissant un front de classe contre l'exploitation capitaliste. Le plus souvent, la formation du syndicat est liée à la grève à laquelle les ouvriers ont recours pour préserver leurs moyens d'existence, qu'on peut confondre à cette époque avec leurs moyens de survie. 1.2. LE SYNDICALISME: Rappel historique Parce qu'ils défendent les intérêts des travailleurs, parce qu'ils représentent un instrument de combat, les syndicats dès leur origine ont suscité la méfiance et les réactions défavorables parmi les classes dominantes. Quoi qu'il en soit, l'histoire regroupe le mouvement syndical dans les pays capitalistes en trois courants: libéral, marxiste et chrétien. Le courant libéral s'est développé dans les pays d'idéologie capitaliste et visait essentiellement l'amélioration des conditions du travailleur. Ce courant est né en GrandeBretagne au début du 18ème siècle, plus précisément en 1720, par une lettre au Parlement écrite par les maîtres tailleurs de Londres par laquelle ceux-ci l'informent qu'ils viennent de former une association. Mais, l'agitation provoquée par les ouvriers textiles du Yorkshire et du Lankashira, va susciter de sérieuses inquiétudes du côté des pouvoirs publics. Le roi va ainsi, en 1799, publier un texte 2 Karl Marx, Le Capital, Paris, Ed Quadrige, PUF, 1993. 13 qui déclare punissable sera levée en 1826. toute coalition. Mais cette prohibition En France, certaines organisations corporatives ou mutuelles prennent, dès le 18ème siècle, le nom de chambre syndicale. Elles seront cependant supprimées par la loi Le Chapelier du 14 juin 1791 (nous allons y revenir) sous prétexte qu'elles constituaient des corps intermédiaires entre l'Etat et l'individu. Le terme syndicat, en tant qu'association ouvrière, apparaît en 1839. Et une loi Waldeck-Rousseau établit fmalement le droit syndical qui devient effectif en 1901. Le courant marxiste par contre est révolutionnaire. Ses revendications sont matérielles et politiques. Ce courant connaît un essor considérable dès 1848 quand Karl Marx fait cette déclaration:» Prolétaires de tous les pays unissezvous! »3. Cependant, il a fallu attendre la fm du siècle, pour le voir se généraliser en Russie. Dès 1905, les premiers soviets (conseils) des délégués ouvriers réclament l'institution d'un régime démocratique, ce qui provoque la colère du Tsar qui considère les syndicats comme de dangereux foyers révolutionnaires. La répression qui suivra ne découragera pas les syndicats dans leurs entreprises, puisque leur action sera couronnée de succès grâce à la révolution de 1917. Le courant chrétien, enfm, s'oppose à la violence sous toutes ses formes, patronales ou ouvrières, ainsi qu'à l'idéologie marxiste qui anime les anarchistes et les socialistes. Ce courant se retrouve uniquement dans les pays marqués par la religion chrétienne comme l'Italie et l'Espagne. Il est d'ailleurs confIrmé dans l'encyclopédie pontifIcale quadragésimo anno publié en 1931. 3 Karl Marx et Friedrich Engels, Manifeste du parti communiste, Paris, Flammarion, ColI GF, 1998. 14 Après cette analyse sommaire des fondements théoriques du syndicalisme, passons à présent à l'analyse de la naissance du mouvement ouvrier camerounais. Mais avant de le faire, nous nous proposons de faire une brève historique du syndicalisme dans trois pays où celui-ci est né. Il s'agit des cas anglais, français et américain notamment. Le syndicalisme en Angleterre Les premiers syndicats ouvriers sont apparus dans ce pays vers la fm du 18ème siècle. Ainsi, entre 1799 et 1815, deux lois furent votées. La première d'anti-coalition et la seconde supprimant toute législation du travail. Jusqu'ici le syndicalisme s'y est développé dans la clandestinité. Ce n'est qu'en 1825 que le parlement lève son interdiction sur les coalitions. Les années 1830-1850 ont été marquées par une période de révolution du mouvement syndicat anglais. L'année 1830 est une période marquée par l'influence de Robert OWEN qui préconisait l'abolition du salariat. 1834, une autre date, qui annonce la naissance de la Great Consolidated Trade Union et suivra l'année1840, période sous l'influence du Charitarisme. Ce n'est qu'en 1850 et 1860 que ces unions se coordonnent et se disciplinent. En 1868, le puissant Trade Union Congress (TUC) fut fondé, ce qui a permis qu'en 1875, l'on reconnaisse la légalité des syndicats par la« Trade Union Act ». Le Trade Union a tenté de regrouper les hommes de métier et essayé de se répandre dans la grande masse. V ers 1906, est né le parti politique Labour Party et chaque fois que ce parti a pris le pouvoir au 20ème siècle, il a fait avancer les intérêts des travailleurs. C'est ainsi qu'en 1907, le parti travailliste a fait élire des membres de la Trade Union aux communes. En 1962, le parti conservateur «Trade Dispute Act» restreint les possibilités d'actions politiques et sociales des travailleurs. 15 De 1945 à 1951, le parti travailliste revient pouvoir et réalise un vaste programme de nationalisations le pouvoir d'achat des travailleurs se voit revalorisé. 1945, les travaillistes abrogent la plupart des dispositions la loi de 1917 sur la législation par le Royal « commission industrial relation» et élaborent de nouvelles lois sur relations de travail. au et En de on les En 1974, une loi est votée sur les syndicats et les relations politiques; la closeshop vail ou atelier fermé devient légal. Ainsi la loi de 1975 sur la protection de l'emploi aura une importance déterminante. Actuellement, en Angleterre, on compte plusieurs centaines de syndicats. Environ 140 sont affiliés à l'unique centrale nationale (Trade Union Congress) TUe. Le nombre total des membres de ces syndicats est supérieur à 10 millions sur une population de 24 millions de travailleurs. Les trois principaux syndicats sont: ~ Ie Transport and General Worker's Unin (TGWU); ~ l'Amalgomated Union of Engineering Worker's (AUEW) ; ~ Ie General and Municipal Work's Union (GMWU). Il faut noter que 40 à 45% de l'ensemble des travailleurs britanniques sont syndiqués, avec des variations considérables d'un secteur à l'autre. Le syndicalisme français Les associations et les mutuelles ont été les premières formes d'organisations ouvrières que l'on ait connues en France avant 1791. Avec la loi Le Chapelier, passée en 1791 à la demande des charpentiers, le gouvernement français s'est révélé plus autoritaire qu'en Angleterre en prohibant les associations dans la clandestinité. Mais en 1860, il y avait 16 déjà l'apparition des chambres syndicales et des bourses du travail ce qui fait qu'en 1864, le droit de grève est reconnu. En 1884, la loi Waldeck-Rousseau est votée: elle rappelle les principes de la loi Le Chapelier et autorise en plus le syndicalisme des bourses du travail. Celles-ci étaient largement répandues en France, puisqu'elles sont devenues une indication du marché du travail pour les travailleurs et des centres de résistance et d'assistance lors des conflits. En 1985, la Confédération Générale du Travail (CGT) est née et le droit d'association lui a été défini. En 1906, les syndicalistes obtiennent une charte dénommée « la charte d'Amiens» qui donne naissance au syndicalisme révolutionnaire lors du congrès d'Amiens. Ce fut l'idéologie des bourses du travail qui a triomphé à travers la doctrine officielle de la CGT. Une bonne partie de cette doctrine est restée présente dans le syndicalisme français d'aujourd'hui. Après 1914, les syndicats cherchent des compromis avec les pouvoirs publics et en 1919, la Confédération Française des Travailleurs Chrétiens (CFTC) voit le jour. Les grèves de mai-juin 1968 ont conduit à l'accord de Matignon et permis un défoulement des ressentiments accumulés depuis des années. Elles ont également été l'occasion de formuler un certain nombre de revendications. C'est à travers celles-ci que la CGT a pu obtenir d'un seul coup l'essentiel, notamment la conciliation et l'arbitrage. Mais en 1964, la CGT, affaiblie par les divisions internes, éclate en deux centrales distinctes: la CGT et la FO (Force Ouvrière). En 1950, une loi sur les conventions collectives est votée. En 1963, la CFTC devient la CFDT (Conférence Française Démocratique du Travail). contexte La grève politique déclenchée au mois de mai dans un explosif a permis d'aboutir au protocole 17 de Grenelle dont les clauses ont consacré « les plus grandes conquêtes professionnelles du salariat d'après-guerre ». Ce protocole a permis au gouvernement, aux confédérations syndicales et au Conseil National du Patronat Français (CNPF) de prendre des engagements sur de multiples points, tels que l'augmentation du taux horaire minimal (SMIG), la réduction de la durée du travail. Par ailleurs, les syndicats français d'aujourd'hui se caractérisent par la diversité des idéologies qu'ils défendent et par la faiblesse relative de leurs organisations. Les principaux syndicats sont: ~ la Confédération ~ ~ ~ ~ ~ Générale du Travail (CGT) à majorité communiste; la Confédération Française Démocratique du Travail (CFDT) ancien syndicat chrétien, aspire à l'autogestion et à la décentralisation; la Force Ouvrière (FO) issue de la scission avec la CGT est particulièrement implantée chez les fonctionnaires, les banques, les compagnies d'assurance. Elle est profondément anticommuniste et hostile à la grève; la Fédération de l'Education Nationale (FEN) : elle rassemble en majorité les enseignants. Les socialistes y sont majoritaires; la Confédération Française des Travailleurs Chrétiens (CFTC) : elle est essentiellement conservatrice; la Confédération Générale des Cadres (CGC). Le syndicalisme américain Les Etats-Unis n'ont jamais eu de textes qui interdisent les coalitions ouvrières. Toutefois, ils ont hérité de la Cornmon Law britannique, ce qui fait que la doctrine de la conspiration criminelle s'est appliquée aux USA où elle 18 a servi à réprimer l'action syndicale. Des actions à caractère pénal ont été souvent utilisées par les tribunaux à la demande des employeurs. Entre 1840 et 1850, les premières unions nationales de métier (National Trade Union) se sont formées. En 1986, on assiste à la formation de la première centrale syndicale (la National Labour Union) et à la création de l'ordre des chevaliers du travail. Un autre syndicat, celui d'affaires, émerge avec la formation en 1866 de la Fédération Américaine du Travail (AFL) sous la responsabilité de Samuel COMPERS. Pendant que l'AFL devenait le prototype de l'organisation des travailleurs américains, elle avait un concurrent dans l'Ouest des USA: les Industrial Worker's of the Word (IWW) étaient une centrale née en 1905 à Chicago chez les bûcherons et les mineurs, recrutant une maind'œuvre non qualifiée et dont les conditions de travail étaient pénibles. Celle-ci représentait un syndicalisme de type industriel. Les effets de la crise de 1929 ont poussé les industriels à demander au gouvernement d'intervenir. En 1933, le président ROOSEVELT fait passer le «National Industrial Recovery Action» (NIRA) dans lequel est proclamé explicitement le droit pour les travailleurs de s'organiser dans un syndicat de leur choix et de négocier de bonne foi une convention de travail avec leurs employeurs. En 1935, cette loi est testée par la cour suprême qui la déclare anticonstitutionnelle. La même année, ROOSEVELT fait passer une autre loi, le «Wagner Action» ou National Labour Relation Action (NLRA). Cette loi réitère les mêmes droits que la NIRA pour les travailleurs et prohibe les syndicats contrôlés par les patrons, en détaillant une série d'actions interdites de la part du patron. Elle met aussi sur pied une commission de relations de travail en 1936. Ce qui provoque une scission au 19 sein de l'AFL (Fédération Américaine du Travail) et la création d'un comité des organisations industrielles. Celui-ci se transforme en 1938 en syndicat: le Congrès des Organisations Industrielles (CIO). Mais en 1947, la nouvelle loi sur les syndicats apparaît comme un recul énorme sur la loi WAGNER dans la mesure où elle a remis en chantier une forme de tutelle aux syndicats en les obligeant à donner des détails sur leur statut, leur gestion financière, leurs cotisations... Elle a rendu également les syndicats passibles de lourdes amendes et de dommages d'intérêts s'ils contrevenaient à l'une de ses clauses. En 1955, on assiste à la fusion de deux grandes formations syndicales: la Fédération Américaine du Travail (AFL) et le Congrès des Organisations Ouvrières (CIO) pour donner naissance à la toute puissante fédération syndicale du monde Occidental (AFL-CIO) avec 16 millions de membres. Déjà en 1977, le total des effectifs syndicaux représentait environ 30% de la main-d'œuvre active aux Etats-Unis. 1.3. LES ORIGINES OUVRIER DU MOUVEMENT Il est difficile d'étudier le syndicalisme camerounais sans se référer aux origines du mouvement ouvrier français. Tellement leur cheminement se ressemble. Au Mqyen-Age en France, la majorité des travailleurs de l'industrie et du commerce sont organisés en corporations et maîtrises, aux règlements étroits. Le maître produit avec l'aide de compagnons et d'apprentis: il s'agit de défendre les intérêts du métier. Dans les manufactures royales, la discipline relève du roi, dans l'agriculture, c'est le servage. Au XVI' siècle, le capital prend une part croissante dans l'industrie et le commerce: manufactures, fabriques et grands commerces remplacent l'atelier artisanal. Les rapports 20