Session professionnelle 313
l’aviation, de l’énergie nucléaire, des transports routiers et du sport, A. Heins et B. Euerle
ont trouvé des résultats identiques : les mesures de performance se détériorent avec le
manque de sommeil et le travail de nuit [4]. Les pilotes d’avion représentent une popu-
lation d’étude intéressante, en matière de fatigue. Une étude des pilotes qui ont traversé
6 fuseaux horaires en vol, a montré que l’exécution des tâches simples est récupérée en 3
jours et les tâches plus complexes en plus de 5 jours [5]. Luna a analysé la performance
et le travail posté chez les contrôleurs aériens. Il décrit une diminution de performance
lors du travail de nuit mais, donne des résultats équivoques sur l’incidence des erreurs
commises [6]. Les études menées dans l’industrie automobile ont montré que la majorité
des accidents surviennent pendant ou juste après une nuit de travail [7]. Le travail de
Mitler et al. indique que les chauffeurs de poids lourds comptabilisent moins d’heures
de sommeil (4,78 h) que nécessaire pour être vigilant au travail, entraînant inattention
et augmentation du taux d’erreurs [8]. Le minimum requis pour maintenir une vigilance
et des fonctions cognitives acceptables est estimé à 5 h [9].
Aux Etats-Unis, la majorité des études de la population médicale sur le manque de
sommeil ont été menées chez les médecins en voie de formation ou juniors (résidents
et internes). On y distingue un prol : les résidents tolèrent d’autant mieux les gardes
qu’ils sont jeunes, « du soir », ont une capacité à surmonter un état de somnolence,
qu’ils peuvent dormir n’importe quand et qu’ils n’ont pas d’enfant [10]. Les médecins
urgentistes sont devenus aux USA, l’objet de nombreuses études, du fait de la vigilance
soutenue nécessaire à leur pratique et de leurs horaires de travail.
Dans un article plus ancien, Smith-Coggins et al. avaient mis en évidence une aug-
mentation du temps d’intubation de mannequins, chez des urgentistes conrmés, après
une garde de 24 h [11]. Selon Harrison et al., les médecins sont moins aptes à raisonner
après 36 h sans sommeil [12]. Ces conclusions coïncident avec celles de l’étude de Taf-
ndor et coll. [13] montrant que les chirurgiens éveillés toute la nuit font plus d’erreurs
et opèrent moins vite que ceux qui ont eu une nuit complète de repos, étude corroborée
par le très récent travail prospectif de Grantcharov [14]. G. Kuhn a retrouvé, chez les
médecins, des résultats similaires avec un traitement des informations altéré par le man-
que de sommeil, entraînant une augmentation du temps de réponse, plus lors d’activités
prolongées ou continues que lors de tâches brèves [15]. Les conséquences du manque
de sommeil ne sont pas différentes dans notre spécialité ; plus la tâche est complexe
dans la conduite de l’anesthésie, plus la mémoire s’altère et plus oublis et défauts de
vigilance surviennent [16]. Environ 41 % des anesthésistes en formation ont avoué des
erreurs due à la fatigue [17]. Une étude néo-zélandaise récente, menée chez les médecins
anesthésistes juniors et seniors, rapportait un nombre croissant d’erreurs médicales liées
à la fatigue dès que l’impliqué avait dépassé sa propre limite de sécurité, différente pour
chaque individu, en matière d’heures de travail [18]. Plus étonnantes, en revanche, sont
les conclusions d’une étude de Dawson et Reid : la performance psychomotrice d’un
individu après 24 h de veille est la même que celle d’un individu avec une alcoolémie à
1 g.L-1 [19]. Les résultats de cette étude sont recoupés par ceux d’une étude plus récente
comparant l’effet du manque de sommeil sur, entre autres, les réactions, la réalisation
des tâches, le raisonnement, la mémoire. Trente-neuf mêmes volontaires ont été testés
après 28 h d’éveil et après consommation croissante d’alcool. Un comportement similaire
a été retrouvé chez les participants lorsqu’ils n’avaient pas dormi depuis 17 à 19 h et
lorsqu’ils atteignaient une alcoolémie de 0,5 g.L-1, de même après 18 à 20 h d’éveil et
sous l’inuence d’une alcoolémie à 1 g.L-1 [20].
Nous avons étudié, chez des médecins seniors, le retentissement de la garde sur le
sommeil et l’activité de jour, pendant une période de 15 jours comprenant au moins 3
gardes, en utilisant des actimètres [21]. Il s’agit de moniteurs miniaturisés conçus pour être