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SEQUENCE 06
LA REPARTITION DES REVENUS PRIMAIRES..........................................................................................94
INTRODUCTION .......................................................................................................................94
I.
LA NOTION DE REPARTITION ......................................................................................95
A. LA REPARTITION ..................................................................................................................... 95
1. Rappel : la fonction de répartition dans le circuit économique ........................................... 95
2. Définition ................................................................................................................................ 95
3. La répartition : partage de la valeur ajoutée, donc du PIB................................................... 96
II.
LES REVENUS PRIMAIRES : SALAIRES ET PROFITS...........................................101
A. LES REVENUS PRIMAIRES SONT LES REVENUS PERÇUS
EN CONTREPARTIE DIRECTE DE LA PRODUCTION ....................................................101
1. Les éléments des revenus primaires ....................................................................................101
2. La structure des revenus primaires ......................................................................................102
B. LES SALAIRES .........................................................................................................................102
1. Les éléments du coût des salaires ........................................................................................102
2. Comment sont fixés les salaires ?........................................................................................103
3. Le cas particulier du SMIC ..................................................................................................104
C. LES PROFITS ............................................................................................................................106
1. La structure des profits .........................................................................................................106
2. Le partage de la valeur ajoutée se fait à l’avantage des profits .........................................108
III. LES INEGALITES DE REVENUS.................................................................................110
A. LES INEGALITES DE REVENUS..........................................................................................110
1. Les inégalités de salaires en fonction des déterminants sociaux .......................................110
2. Les inégalités des revenus en fonction de la catégorie socioprofessionnelle et
du secteur d’activité..............................................................................................................111
3. Les inégalités de patrimoine ................................................................................................111
B. LA PAUVRETE ET L’EXCLUSION ......................................................................................113
CONCLUSION DE LA SEQUENCE ......................................................................................114
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LA REPARTITION DES REVENUS PRIMAIRES
Objectifs
1. Montrer que la répartition correspond au partage de la valeur ajoutée. (I)
2. Analyser les notions de salaire et profit. (II)
3. Souligner les inégalités de la répartition. (III)
(30 min)
(1 h 30)
(30 min)
MOTS CLEFS
Partie I : Répartition primaire et secondaire, partage de la valeur ajoutée.
Partie II : Revenus des facteurs de production, salaires, SMIC, profits.
Partie III : Inégalités de salaires, de revenus et de patrimoine, pauvreté et exclusion.
INTRODUCTION
Entrée en matière
Au cours de la séquence 02, nous avons vu qu’il y avait un macroéquilibre entre les fonctions de production,
de répartition et de consommation. En effet, comme nous l’avons vu dans le schéma circulaire, il y a une
interdépendance des fonctions économiques : ce qui est produit (= production) procure des revenus
(= répartition) qui sont alors consommés (= consommation).
Dans le cadre d’une analyse économique sous forme de circuit économique, production, répartition,
consommation sont des fonctions économiques interdépendantes et de valeurs égales.
Définition et intérêt du sujet
La répartition est la seconde fonction après la production. Elle correspond au partage de la valeur créée par la
fonction de production.
La répartition concerne d’abord des revenus dits primaires, puis ceux de la redistribution dits secondaires.
Problématique : Qu’est-ce que la répartition primaire des revenus ?
Plan
Pour répondre à cette question :
– nous expliciterons la notion de répartition (I),
– puis nous verrons que les revenus primaires sont essentiellement composés des salaires et des profits (II),
– enfin, nous constaterons que les revenus sont inégalement répartis, c’est l’inégalité des revenus (III).
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I. LA NOTION DE REPARTITION
A. LA REPARTITION
1.
Rappel : la fonction de répartition dans le circuit économique
PRODUCTION
CONSOMMATION
2.
REPARTITION
Définition
La répartition est donc le partage de la richesse créée, c’est-à-dire de la valeur ajoutée. Elle se fait en deux
temps :
REPARTITION
Primaire
Issue du partage
de la valeur ajoutée
Secondaire
Revenu disponible
après transferts et prélèvements
Revenus primaires
(Séquence 06 / II)
Redistribution
(Séquence 07)
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3.
La répartition : partage de la valeur ajoutée, donc du PIB
Question
À partir du document ci-dessous, quels sont les bénéficiaires du partage du PIB ?
Le produit intérieur brut est un gâteau
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Denis CLERC,
Déchiffrer l’économie, éd. Syros
Votre réponse
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Réponse
Les bénéficiaires du partage du PIB sont :
– les salariés (revenus du travail) ;
– les actionnaires ;
– les prêteurs (banques…) ;
– l’État ;
– l’entreprise pour son autofinancement.
Ce qui nous donne la répartition suivante :
1. Les revenus des facteurs de production :
– travail : salaires ;
– capital : financier (dividendes des actions + intérêts des obligations et prêts) + immatériel ;
– terre et propriété : loyer.
Ce sont donc essentiellement les revenus du travail et de la propriété.
2. Les impôts sur la production : pour le financement des dépenses collectives.
3. Les amortissements : pour mettre de l’argent de côté, assurer le remplacement des biens de production
qui vieillissent.
4. L’accumulation nette du capital qui permet de financer des investissements pour augmenter le capital
fixe :
l’amortissement et l’accumulation du capital correspondent donc à l’autofinancement.
Voici la répartition du PIB en 2002 :
Répartition du PIB en 2002
(Chiffres de 2002 ; milliards d’euros)
REVENUS DE FACTEURS
Revenus
du travail
Salaires
Revenus
non
salariaux
Revenus
du
capital
et
de la
propriété
IMPOTS SUR LA PRODUCTION
210 milliards d’euros
AMORTISSEMENTS
211 milliards d’euros
ACCUMULATION NETTE DE CAPITAL
bénéfices non distribués : 22 milliards d’euros
AUTOFINANCEMENT
1 521 milliards d’euros
PRODUIT INTERIEUR BRUT
1 085 milliards d’euros
EXTERIEUR
7 milliards d’euros
Denis CLERC,
Déchiffrer l’économie, éd. Syros, p. 37
Pour que ce schéma soit plus explicite, il est intéressant de le représenter sous forme de « gâteau » ou
diagramme circulaire, ce qui nous permet de voir plus facilement que :
– 70 % de la richesse produite rémunère le travail ou les revenus de la propriété privée,
– 15 % de la richesse produite est imposée pour le financement des services non marchands,
– 15 % de la richesse produite est utilisée pour l’autofinancement.
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Maintenant que nous avons compris que la répartition est le partage de la valeur ajoutée, nous allons nous
intéresser à la plus grosse part du gâteau, celle des revenus primaires. (II)
II. LES REVENUS PRIMAIRES : SALAIRES ET PROFITS
A. LES REVENUS PRIMAIRES SONT LES REVENUS PERÇUS EN CONTREPARTIE
DIRECTE DE LA PRODUCTION
1.
Les éléments des revenus primaires
Ce sont les revenus qui sont directement issus de l’acte productif via les facteurs de production : le travail, le
capital, la terre.
Nous allons surtout nous intéresser aux revenus primaires des ménages qui, comme nous l’avons vu, sont les
revenus du travail et de la propriété. Ils représentent plus de 70 % du partage de la valeur ajoutée.
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2.
La structure des revenus primaires
En France, en 2002, voici comment étaient répartis les 1 085 milliards d’euros des revenus de facteurs de
production.
B. LES SALAIRES
Le salaire est la rémunération en contrepartie du travail fourni auprès d’un employeur.
1.
Les éléments du coût des salaires
Le salaire brut comprend les cotisations sociales qui, comme vous avez pu le constater, représentent près de
30 % de la richesse créée par les facteurs de production. C’est pour cela que les cotisations sociales sont
comptabilisées dans les revenus primaires.
Voici comment est structuré un salaire : la part qui revient au salarié, mais aussi tout ce qu’il coûte
réellement à l’entreprise.
Les éléments du coût salarial
J-Y. CAPUL et O. GARNIER,
Dictionnaire d’économie et de sciences sociales,
éd. Hatier, p. 368
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TEF 2005-2006, p. 98
2.
Comment sont fixés les salaires ?
Aujourd’hui le salaire net moyen en France est d’environ 1 700 (somme des salaires divisée par le nombre
de salariés) alors que le salaire médian est de 1 400 (50 % des salariés reçoivent moins de 1 400 et 50 %
plus que cette somme). Cette différence entre salaire moyen et médian montre les disparités de revenus en
France aujourd’hui.
Qu’est-ce qui explique ces différences de salaires ? Pour le comprendre, nous allons étudier quels sont les
déterminants des salaires.
De façon empirique, nous savons que les salaires sont fixés en fonction des conventions collectives ; au
salaire lui-même il faut ajouter les cotisations sociales. Le salarié peut aussi bénéficier de primes diverses, de
primes d’intéressement… (Vous allez le voir en cours de Droit.)
Pourtant, en économie, il existe plusieurs conceptions pour expliquer la formation du niveau des salaires.
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Selon les courants de pensée dominants
Classique : le salaire correspond au minimum pour survivre : c’est le revenu de subsistance.
Néoclassique : le prix du salaire dépend de la loi de l’offre et de la demande.
Marxiste : le salaire est sous-évalué par l’employeur afin d’augmenter les profits et l’accumulation
du capital.
Keynésien : l’État doit maintenir le niveau des salaires pour soutenir la demande.
Les nouvelles approches économiques
La théorie de la segmentation du travail et des « insiders/outsiders »
Le marché du travail est segmenté en deux catégories de salariés :
– la première, stable, concerne les salariés qualifiés et/ou qui travaillent dans des entreprises
prospères,
leurs salaires sont avantageux : ce sont les « insiders » ;
– la seconde, vulnérable, concerne des salariés peu qualifiés, travaillant de façon précaire (en
intérim par exemple),
leurs salaires sont difficilement négociables : ce sont les « outsiders ».
De plus les outsiders ont des difficultés à intégrer le clan des « insiders ».
La théorie des contrats implicites
Compte tenu du risque de chômage, les salariés acceptent des salaires inférieurs aux salaires qu’ils
seraient « en droit » d’obtenir. C’est un peu comme s’il existait un accord tacite entre les salariés et
les employeurs : une renonciation à un meilleur salaire contre une protection vis-à-vis du
chômage.
La théorie du salaire d’efficience
C’est aussi une forme d’accord tacite entre les salariés et les employeurs : le salarié est mieux payé
pour plusieurs raisons :
– avec des salaires attractifs, l’entreprise attire les salariés les plus performants ;
– le salarié est plus motivé et donc plus productif ;
– il est fidèle à l’entreprise et ne cherche pas un travail mieux rémunéré dans une autre
entreprise ;
– il travaille honnêtement et est incité à faire de son mieux (reconnaissance envers l’entreprise).
La théorie du capital humain
L’entreprise doit prendre en compte la formation des individus et le salarié doit être valorisé par
son salaire.
3.
Le cas particulier du Smic
Le Smig (le salaire minimum interprofessionnel garanti) a été créé en 1950 dans la mouvance de la
reconstruction et des acquis sociaux, suite au désastre humain de la Seconde Guerre mondiale. Chaque
salarié était sûr de travailler pour un salaire, certes modeste, mais décent. De plus, le Smig était indexé sur la
hausse des prix, c’est-à-dire qu’il était valorisé pour suivre l’augmentation des prix et permettre la
conservation d’un pouvoir d’achat rendant possible la couverture des besoins vitaux. Mais, comme il
n’intégrait pas les gains de productivité, il faisait partie des revendications citoyennes de mai 68.
Le Smic (salaire minimum interprofessionnel de croissance) a été institué après mai 68 pour permettre non
seulement de suivre la hausse des prix mais aussi de bénéficier des gains de la croissance et de la
productivité. Depuis, il est revalorisé en juillet si l’indice des prix à la consommation augmente et aussi pour
tenir compte de l’augmentation du pouvoir d’achat des autres salariés.
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En 2006, le Smic brut est de 1 254,18 (Smic horaire 8,27 e pour 35 h de travail hebdomadaire, soit une
augmentation de 3,5 % pour un Smic net de 984,61 e). 15 % de la population active est rémunérée au niveau
du Smic. Ce sont surtout des salariés peu qualifiés, notamment des services et des commerces, qui touchent
ce salaire.
En fait, le Smic s’inscrit dans une logique de salaire minimum garanti de façon à ce que le marché ne fixe
pas les salaires en les nivelant par le bas.
Questions d’analyse
D’après vous, quels sont les intérêts économiques du Smic ? À quel courant de pensée le rattachez-vous ?
Faudrait-il le revaloriser ?
Votre réponse
1. Intérêts économiques :
2. Courant de pensée :
3. Valorisation du Smic ?
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SEQUENCE 06
Réponse
1. Intérêts économiques
Maintien d’un pouvoir d’achat minimum Soutien de la demande Débouchés pour l’offre plus
favorables à la cohésion sociale
2. Courants de pensée
A priori, on pourrait penser que le Smic s’inscrit dans une perspective keynésienne, qu’il pourrait même être
apparenté aux nouvelles théories du salaire, notamment à la théorie des contrats implicites : accepter une
rémunération Smic serait une forme d’acceptation pour se protéger du chômage. Mais n’oserions-nous pas
finalement accepter l’idée qu’aujourd’hui le Smic, comme le disaient les classiques, est un salaire de
subsistance qui suffit à peine à se nourrir modestement auprès des hard- discounters, se loger auprès d’un
bailleur public aux loyers conventionnés et se vêtir uniquement chez Kiabi ? Sachant que, le plus souvent, ce
sont des femmes dans le secteur des commerces qui reçoivent ces salaires minimums (par exemple des
hôtesses de caisses de grandes surfaces), ne pouvons-nous pas faire un lien avec l’analyse marxiste selon
laquelle le Smic est un moyen légal de sous-payer les salariés pour faire encore plus de bénéfices ?
3. Valorisation du Smic
Effectivement cette analyse du Smic est percutante mais, malheureusement, la réalité économique est trop
complexe pour permettre ce genre de raccourci. En effet, si certaines entreprises comme Carrefour font de
beaux bénéfices, beaucoup d’autres, notamment les PME et les TPE, qui emploient autant de salariés que les
grands groupes, ont des difficultés. De nombreuses entreprises se plaignent du poids du salaire, des
cotisations patronales ; le coût trop élevé de la masse salariale les incite, bon gré mal gré, à faire des
investissements de productivité et donc à remplacer les hommes par les machines. En jargon d’économiste,
ce processus se définit comme « substitution du capital au travail » (cela pourrait être d’ailleurs bientôt le cas
dans la grande distribution quand nos articles seront comptabilisés par lecture optique générale du caddie !).
Pour les entreprises dont la production le permet, les délocalisations représentent autant d’opportunités.
De plus, si le Smic était relevé, par effet de ricochet, l’ensemble des salaires serait en augmentation. Cela
risquerait de raviver les tensions inflationnistes de hausse des prix, et finalement, il n’y aurait peut-être pas
de gain de pouvoir d’achat.
C. LES PROFITS
1.
La structure des profits
Les profits sont donc les revenus issus de la propriété privée.
Ce sont les revenus :
– des biens immobiliers : loyers des terres, logements ;
– des placements financiers : intérêts sur les obligations, sur les placements d’assurance, dividendes des
actions.
Voici comment se sont répartis les revenus en 2003.
Intéressons-nous particulièrement aux :
– revenus des terrains et gisements (loyers des exploitants agricoles par exemple),
– revenus immobiliers (loyers des particuliers),
et
– revenus de la propriété attribués aux assurés (revenus des placements techniques des sociétés
d’assurance),
– revenus distribués des sociétés (des actions),
– intérêts (des obligations et autres placements).
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SEQUENCE 06
Question
Que pouvons-nous ajouter au commentaire du journaliste ?
« Les chiffres de l’économie », Alternatives économiques, hors-série, n° 62, 2005
Votre réponse
Réponse
Certes, des placements financiers représentent 10 % des revenus, mais ce qui est aussi frappant, c’est que les
revenus les plus rémunérateurs sont ceux de la propriété immobilière qui représentent 11 %.
Les revenus de la propriété représentent 20 % des revenus et les salaires environ 50 %.
NOTA BENE
Dans ce graphique, les cotisations ont été ventilées différemment que sur le graphique de 2002.
Alternatives économiques, n° 249 p. 10
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Ce phénomène est d’autant plus important que les revenus du capital et du patrimoine sont en nette
progression comme vous pouvez l’apprécier sur ce graphique.
2.
Le partage de la valeur ajoutée se fait à l’avantage des profits
Comme vous l’avez remarqué, le PIB évolue peu d’une année sur l’autre. La croissance dépasse
difficilement les 3 %.
Au sein des entreprises, les profits peuvent :
– soit être redistribués aux salariés sous forme d’intéressement aux bénéfices, voire d’augmentation des
salaires,
– soit être mis de côté par l’entreprise pour augmenter son autofinancement,
– soit être distribués aux actionnaires qui détiennent des parts du capital de l’entreprise.
Aujourd’hui, les entreprises distribuent les bénéfices aux actionnaires pour diverses raisons, mais surtout du
fait de la pression qu’ils exercent (il ne faut pas qu’ils revendent leurs actions car cela nuirait à la cotation de
l’action et donc à l’attractivité de l’entreprise).
Voici comment a évolué la répartition de la valeur ajoutée au sein des dernières années.
Le partage de la valeur ajoutée, une question qui agite les économistes
La répartition de la richesse entre les salariés, les actionnaires et l’État est au cœur des relations
économiques et sociales.
C’est le Medef qui a relancé le débat le 11 janvier, lors de la présentation de son document
statistique fétiche, « Cartes sur table ». Ernest-Antoine Seillière, président de l’organisation
patronale, a ainsi affirmé que le partage de la valeur ajoutée (VA) entre actionnaires et salariés
n’avait pas varié depuis 1970, contestant les affirmations des syndicats qui s’appuient sur le
déséquilibre de ce partage au profit des détenteurs de capitaux pour réclamer une hausse du
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SEQUENCE 06
pouvoir d’achat. Question éminemment sensible, donc... Impossible, d’ailleurs, de recenser
l’ensemble des travaux français et internationaux qui lui ont été consacrés.
Le partage de la VA est, en effet, au cœur des relations économiques et des tensions sociales d’un
pays, puisqu’il s’agit d’identifier comment la richesse produite par une société est répartie, in fine,
entre trois grands bénéficiaires : les ménages, qui perçoivent les revenus du travail (salaires),
l’État, qui réalise des prélèvements obligatoires (impôts, cotisations sociales), et les actionnaires,
dont on rétribue le capital. D’Adam Smith à Keynes, en passant par Marx, nombre de penseurs se
sont penchés sur le sujet, mais aucune théorie, jusqu’à maintenant, n’a réussi à définir ce que
pourrait être « le » partage optimal de la VA.
Tout se complique – encore un peu plus – avec les doutes émis par beaucoup d’experts... sur la
pertinence du calcul de la répartition de la valeur ajoutée. Ainsi les comparaisons de la rétribution
du facteur travail entre des périodes rapprochées semblent hasardeuses puisqu’elles ne peuvent pas
prendre en compte les changements de statuts des salariés qui décident de devenir travailleurs
indépendants ou l’inverse. « Par conséquent, confirme Philippe Askenazy, chercheur au Centre
national de la recherche scientifique (CNRS) et au Centre d’études prospectives d’économie
mathématique appliquée à la planification (Cepremap), toute analyse sur l’évolution du partage de
la valeur ajoutée d’une année sur l’autre est largement sujette à discussion. Il vaut mieux
raisonner en termes de tendances de long terme. »
Que constate-t-on alors ? « Depuis un siècle, reprend l’économiste, auteur d’une comparaison
internationale sur le partage de la VA en France et aux États-Unis (Économie et statistique
n° 363-364, 2003), quels que soient les pays du monde auxquels on s’intéresse, on trouve, si l’on
s’intéresse aux grandes masses bien sûr, un rapport deux tiers pour les salaires/un tiers pour la
rémunération du capital. C’est le cas au Japon, aux États-Unis, au Royaume-Uni, etc. » Puisque
aucune théorie ne donne une clé de lecture, ce sont les chercheurs en mathématiques qui tentent
aujourd’hui de décoder le mystère. Sans y être parvenus, pour le moment.
Certes, il y a des variations autour de ce nombre d’or que les accidents conjoncturels ne suffisent
pas à expliquer. L’exemple français est, sur ce point, assez instructif. À regarder de près
l’évolution du partage de la VA au sein de l’Hexagone, on peut définir quatre périodes.
La première – les années 1960 et le début des années 1970 – montre une certaine stabilité du
rapport entre salaires et profits (62 %/38 %) : la France est en pleine croissance, le chômage est
faible, les salaires augmentent, mais les gains de productivité réalisés permettent de maintenir les
bénéfices des entreprises. En 1973, le choc pétrolier (+25 % de hausse des prix de l’énergie entre
l’été 1973 et l’été 1974) casse cet équilibre. Les salaires indexés sur le taux d’inflation
progressent, le rapport passe à 67 %/33 % environ, et ce jusqu’en 1983, qui inaugure la troisième
période, celle d’une chute féroce de la part de la VA dédiée aux salaires : « Les économistes
l’expliquent surtout, reprend Philippe Askenazy, par la désindexation des salaires sur les prix et la
politique de rigueur menée par Jacques Delors [alors ministre de l’économie] pour rétablir la
compétitivité française. Mais il faut plonger davantage dans les structures économiques du pays
pour comprendre le rééquilibrage brutal qui s’opère alors en faveur des entreprises. » Le
chercheur cite ainsi deux secteurs : le textile et la sidérurgie, piliers de l’industrie à l’époque, où le
partage de la VA était dans le premier cas à plus de 100 % pour les salaires et pas loin de 100 %
pour le second « tant les deux secteurs accumulaient des pertes et étaient gardés sous perfusion ».
Une bulle qui s’est effondrée lors du remodelage de la politique macroéconomique.
Dernière période enfin, celle qui s’ouvre au début de la décennie 1990, où l’on revient à une
stabilité entre salaires et profits, comme dans les années 1960, mais à un niveau plus favorable
(entre deux ou trois points de mieux) pour les profits. Le fort taux de chômage, qui ne met pas les
organisations syndicales en position de force pour négocier une hausse des rémunérations, ajoutée
à la pression des actionnaires sur les dirigeants d’entreprise pour améliorer la profitabilité, ne
permet pas aux salariés de regrignoter le terrain perdu.
Marie-Béatrice BAUDET,
Le Monde, 25 janvier 2005
Ces mutations récentes du partage de la valeur ajoutée au bénéfice des revenus de la propriété privée
rendent persistantes les inégalités (III).
109
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SEQUENCE 06
III. LES INEGALITES DE REVENUS
A. LES INEGALITES DE REVENUS
1.
Les inégalités de salaires en fonction des déterminants sociaux
En fonction de la région, de l’origine (notamment les populations issues de l’immigration) et du sexe, les
salaires sont inégaux.
La richesse et l’accès à l’emploi sont inégalement répartis sur le territoire national. Les régions les plus
créatrices d’emplois sont les zones urbaines dynamiques comme Paris, Lyon/Grenoble, Toulouse, Bordeaux,
Marseille et Lille.
La différence est très frappante concernant les salaires des femmes. En France, les femmes ne perçoivent que
70 à 80 % de la rémunération d’un homme, comme vous pouvez le lire dans le graphique ci-après (salaires
nets).
Alternatives économiques, n° 228, p. 52, septembre 2004
110
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SEQUENCE 06
2.
Les inégalités des revenus en fonction de la catégorie socioprofessionnelle et du
secteur d’activité
Comme nous pouvons aussi le voir dans le graphique précédent, les inégalités de revenus sont importantes
non seulement en fonction de la catégorie socioprofessionnelle, mais aussi en fonction du secteur d’activité.
Attention, il s’agit de revenus moyens bruts et, comme nous l’avons vu, ces moyennes cachent de fortes
disparités.
Tableau de l’économie française 2004-2005, Insee
3.
Les inégalités de patrimoine
Les inégalités de patrimoine sont d’autant plus importantes qu’elles sont une fonction croissante du revenu.
C’est-à-dire que ceux qui disposent d’un revenu conséquent peuvent investir dans l’immobilier, la bourse.
Ces investissements, le plus souvent rémunérateurs, créent à leur tour des revenus. C’est donc un processus
cumulatif. En revanche, ceux qui ont de faibles revenus non seulement ne peuvent pas avoir d’autres revenus
que ceux de leur activité professionnelle mais, de plus, ne peuvent investir.
Question
Quelles sont les raisons des inégalités de patrimoine ?
111
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SEQUENCE 06
J.-M. HOURIEZ, La société française et ses factures, Cahiers français, n° 314,
mai-juin 2003, p. 54-55 ; Les inégalités de revenus et de patrimoine
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SEQUENCE 06
Votre réponse
Réponse
Les inégalités de patrimoine proviennent :
– des inégalités de revenus et donc d’épargne : plus les revenus sont importants, plus il y a de possibilités
d’épargne et de placements financiers,
– des différences de statut professionnel,
– des possibilités d’héritage,
– des parcours personnels (histoire familiale, les accidents de la vie),
– des préférences personnels et des choix de vie (investissement futur ou consommation présente).
B. LA PAUVRETE ET L’EXCLUSION
Bien que le revenu médian en France soit de 1 400 , il existe de fortes disparités et les revenus du travail ne
suffisent pas pour quelque 3 millions de personnes en France. Les ménages aisés peuvent investir pour
obtenir des « revenus de la propriété », mais ceux qui n’ont rien d’autre « que leur force de travail » ont de
réelles difficultés à gagner des revenus suffisants pour vivre décemment.
Pour quelques références sur la pauvreté et l’exclusion, je vous invite à lire l’article qui suit.
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SEQUENCE 06
Alternatives économiques, hors-série, n° 66, p. 42-43
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SEQUENCE 06
CONCLUSION DE LA SEQUENCE
Résumé
La répartition des revenus correspond au partage de la valeur ajoutée, notamment des salaires et des profits
qui représentent les 2/3 des revenus répartis.
Mais cette répartition, au regard de nos normes sociales, est inégale. D’abord parce qu’en proportion, cette
répartition est de plus en plus à l’avantage des détenteurs de capitaux et de profits. Ensuite parce que, malgré
les 1 000 milliards d’euros de revenus de facteurs, la pauvreté et l’exclusion existent encore en France.
Ouverture
Cela explique l’importance de la répartition secondaire des revenus, c’est-à-dire de la redistribution dont une
des raisons est de pallier et prévenir les phénomènes d’exclusion et de pauvreté de certains citoyens. Ce sera
l’objet de la séquence 07.
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ECONOMIE GENERALE
P9602-F1/2
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