REVALORISER LE TRAVAIL
Texte mis à jour le 13 juin 2006
Il y a une ligne directrice qui conduit nos réactions à l’actualité sociale. Elle avait
déjà été affirmée au moment de l’élection présidentielle, puisqu’elle faisait l’objet d’une
des dix propositions de JPC dans son discours de Vincennes : revaloriser le travail.
Cet axe fort nous permet de fonder solidement nos prises de position.
1 Ne pas détruire le droit du travail
Certes, notre droit du travail est parfois jugé compliqué. Mais cette complexité est
souvent le fait de ceux-là mêmes qui lui font ce reproche. La multiplication des
possibilités de contourner les règles de l’ordre public social résulte des lois Aubry
(volonté d’application rapide des 35 heures à tout le monde, ce qui a multiplié les
dérogations sans y parvenir vraiment) et des lois libérales du gouvernement Juppé ou du
gouvernement Raffarin (ouverture dans tous les domaines de la possibilité de déroger
aux règles dans chaque entreprise), pouvant aller jusqu’aux tentatives avortées de SMIC
jeunes (Balladur) ou récemment de CPE pour les jeunes (Villepin).
Il faut réaffirmer quelques règles simples, qui ne souffrent aucune dérogation. La
productivité du travail ne se maintiendra à un haut niveau que si les salariés se sentent
en sécurité, par des règles simples applicables à tous sans exception et des accords de
branche ouvrant des droits complémentaires adaptés.
2 L’opposition aux délocalisations
Il ne s’agit pas, pour nous, de nous opposer au développement économique dans
d’autres régions du monde, mais de nous opposer à la mise en concurrence des salariés
entre eux, qui prend appui sur la possibilité de délocaliser pour faire baisser les
protections sociales.
Pour cela, il n’y a pas de miracle : seule une politique industrielle déterminée,
s’appuyant sur un fort potentiel de recherche et d’innovation, et une politique
monétaire tournant le dos à l’euro fort, sont de nature à armer la France (et l’Europe) à
moyen terme contre les délocalisations.
Le « patriotisme économique » ne peut pas être seulement un slogan : il doit irriguer la
politique industrielle, mais encore faut-il que celle-ci existe.
3 La sécurité sociale professionnelle
Pour la première fois, la taxation des licenciements est même évoquée dans le rapport
Camdessus (qu’il ne faut donc pas rejeter en bloc, même si Sarkozy s’en inspire). Nous
n’y sommes pas hostiles, dans le contexte d’une politique économique d’expansion. Tout
ce qui peut contribuer à ne pas regarder le travail comme une simple marchandise, mais
le travailleur comme un citoyen qui a des droits, dont celui de la garantie de son emploi,
est à soutenir. Mais il ne faut pas cacher le risque de la taxation : c’est de monétariser le
licenciement. Or, il a déjà un coût (indemnités), qui n’empêche pas une gestion
« boursière » des effectifs.
Une piste plus féconde doit être explorée, c’est celle de la sécurité sociale professionnelle,
laquelle fait sans doute appel à une taxation des licenciements, mais pour aller plus loin :
mettre sur pied une véritable mutualisation non seulement du risque de licenciement,
mais aussi du coût du reclassement.
4 Solidarité contre charité
L’un des grands dangers du plan Borloo est qu’il se situe dans le prolongement de
toutes les politiques sociales menées par la droite, mais aussi par la gauche depuis 20
ans : réduire le coût de la solidarité d’un côté, développer la charité publique et privée
de l’autre. C’était déjà la démarche du RMI il y a 15 ans.
Au fond, les politiques sociales sont aujourd’hui conduites non pas pour retisser du lien
social, mais pour aider les exclus (sans les « inclure » pour autant).
Il nous faut refonder les politiques sociales sur le travail. Cela ne veut pas dire que
l’ensemble des charges de ces politiques doive se traduire par des cotisations. Mais le
discours sur la lutte contre l’exclusion n’a de sens que si l’on revalorise le travail, et les
avantages qui y sont liés.
5 Le niveau des salaires directs
La revalorisation du travail doit se traduire dans le niveau des salaires directs. La
proposition du rapport Camdessus de limiter à la seule inflation la progression du SMIC
doit être combattue. Un écart suffisant entre SMIC et RMI doit exister, pour éviter toute
« désincitation » au travail, facteur d’exclusion.
La progression des salaires, et en particulier des bas salaires, est possible par la
poursuite d’une politique de réduction des charges et de crédit d’impôt, mais la solution
à terme est le glissement de points de cotisations sociales vers la TVA pour les premiers
euros de salaire, comme l’a évoqué le président de la République à l’occasion de ses
vœux pour 2006. Encore faut-il commencer de le mettre en œuvre.
La part des salaires par rapport aux profits dans la répartition de la valeur ajoutée a
depuis vingt ans fortement diminué.
La question des rémunérations des patrons des entreprises du CAC 40 doit être évoquée.
Le caractère scandaleusement élevé de rémunérations qui sont sans rapport avec le
risque qu’ils prennent (les patrons de petites entreprises risquent leurs économies et
parfois leur maison, mais ceux des grands groupes ne risquent rien), et même sans
rapport avec ce qu’ils apportent à leur groupe (combien de patrons ayant conduit leurs
entreprises à la catastrophe sont en plus surpayés).
6 L’affaire des 35 heures
La réduction tendancielle de la durée du travail est une donnée liée au développement de
la productivité du travail. Pour autant, nous n’avons jamais été des doctrinaires des 35
heures. Ségolène Royal ne dit pas autre chose.
En effet, elles ont été conçues par Martine Aubry dans une perspective axée sur les
grands groupes. Les conséquences sur la fonction publique (où elles se sont traduites par
une baisse du service rendu) et sur les petites entreprises (où elles se sont traduites par
une baisse des salaires et une augmentation de la flexibilité des horaires) sont patentes. Il
faut certes s’opposer à l’esprit revanchard et doctrinaire de la droite, mais aussi
soutenir les assouplissements qui sont négociés équitablement, c’est-à-dire avec une
réelle contrepartie au niveau des salaires.
Aujourd’hui, il ne s’agit pas de « défendre les 35 heures », qui ne sont pas une
revendication véritable, mais de défendre les intérêts des salariés, dans le cadre d’une
exigence de revalorisation du travail.
7 L’accès à la citoyenneté
Le niveau du chômage ne doit pas nous rendre muets sur un objectif majeur : assurer,
notamment par l’accès à l’emploi qualifié, un véritable accès à la citoyenneté des jeunes
issus des quartiers sensibles. Des politiques volontaristes sont nécessaires, en s’appuyant
sur les talents de ces jeunes, et sans se livrer à une discrimination positive qui serait à
juste titre regardée comme insultante.
Les entreprises privées doivent aussi faire un effort pour diversifier leurs recrutements,
et refuser l’exclusion des jeunes français issus de l’immigration. La progression des
carrières doit aussi donner à chacun sa chance.
Mais c’est surtout au niveau de l’orientation professionnelle et des cursus scolaires qu’il
faut une véritable politique d’accès à la citoyenneté sur le fondement du mérite : par
exemple, par la diversification des accès à la fonction publique avec des formations
rémunérées assorties d’engagements de servir, par l’accès aux classes préparatoires et
assimilées en prenant les 10 % meilleurs de chaque lycée, etc.
La revalorisation du travail passe par l’accès à l’emploi de ceux qui en sont durablement
et structurellement exclus.
Le programme du PS est à l’égard de ces objectifs assez décevant en ce sens qu’il se
contente de surfer sur quelques-unes de ces idées sans les reprendre vraiment comme
des axes d’une politique publique.
Comme on le voit, l’axe de la revalorisation du travail est une des dimensions originales
de notre projet, ancré dans la tradition de la république sociale.
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