La qualité, Pourquoi ? Comment - Banque de données en santé

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~1 MÉTHODOLOGIE DE LA RECHERCHE ~
La qualité,
Pourquoi ? Comment ?
par
Geneviève POIRIER-COUTANSAIS
G. POIRIER-COUTANSAIS, Infirmière générale, chercheur dans le cadre des recherches en soins
infirmiers.
L’évaluation de la qualité des soins est devenue un concept à la mode. Le Guide Infirmier, sur
ce thème, vient de paraître. Récemment, Madame le Ministre de la Santé a nommé un Comité de
Sages chargé de réfléchir et de travailler dans ce domaine. Enfil, une association’ pluridisciplinaire
comprenant médecins, infirmières, économistes, cadres de direction, ,,. a vu le jour en France. Elle
aussi s’est donné comme objectif de “favoriser la recherche, les études et le développement opérationnel et la diffusion de l’évaluation des soins, notamment de l’évaluation des techniques, des
stratégies et de résultats”.2
Pourquoi un article sur l’évaluation de la qualité des ‘soins dans une revue de recherche ?
L’évaluation de la qualité, si elle est menée avec rigueur, est de la recherche. Le plus souvent, elle
prend la forme de recherche action dont les objectifs sont de faire évoluer et d’induire des changements grâce au processus de recherche. Ces buts correspondent parfaitement à de nombreuses
évaluations de la qualité des soins.
Cet article se déroulera en deux parties :
- la première sera orientée sur les généralités
- la deuxième sera consacrée à la méthode de construction “d’outil” dans le cadre d’une évaluation de qualité des soins centrée sur l’approche d’un soin, les résultats d’actions de soins.
La qualité
Depuis quelques années, que ce soit dans les domain&
santé, on évoque partout la qualité, l’excellence.
économiques, industriels, de services, de
Se limite-t-elle au produit final, ou concerne-t-elle aussi le processus d’élaboration 2
Quel est le coût de la non-qualité pour les différents services qui la produisent, mais aussi pour
les hommes qui, de près ou de loin, en subissent le prix ?
que
Réduire la non-qualité permet de diminuer les’prix,
sa satisfaction.
d’améliorer le service rendu au client, ainsi
L’enjeu de la qualité “peut se résumer dans la recherche de sept zéro : zéro défaut, zéro délai,
zéro panne, zéro stock, zéro papier zéro accident, zéro mépris ,., qui est souvent une cause importante de non-qualité.“3
“La qualité est une démarche qui permet de rompre avec la conception Taylorienne de l’organisation du travail la qualité implique la participation, elle autorise le travail de groupe, elle
permet aux salariés, quel que soit leur niveau hiérarchique, de coucoutir à la conception et à
l’amélioration de leur propre tâche. En un mot, elle permet à chacun de s’approprier son travail.“4
La qualité ne s’impose pas par des textes, c’est aux hommes de s’y engager et d’en donner les
IIIOYUIS.
Après avoir réfléchi à la notion de qualité en général, qu’en est-il de la qualité dans le domaine
des soins et de la santé ?
La non-qualité se situe à différents niveaux :
- coûts humains (souffrances physiques, psychologiques, morales, handicaps, . ..) qui auraient pu
être évités par des soins de qualité.
- coûts humains vécus par les soignants entraînant démotivation et souffrance.
- coûts financiers qui sont représentés par le gaspiilage, des temps perdus, des
disfonctionnements, etc...
Recherche em soins~infumiers
No1041 - Décembre 1987
Il semble important de travailler à réduire tous ces coûts en instituant des démarches de qualité.
Pour les réaliser, les professionnels de santé ont, entre autre, à leur disposition, l’évaluation de la
qualité des soins.
Pourquoi l’évaluation de la qualité des soins ?
Aujourd’hui, l’évaluation de la qualité des soins devient nécessaire. Les coûts économiques liés
à la santé, le progrès des techniques, l’exigence des .p opulations
.%.j ui réclament plus d’informations,
lus de résultats, les doutes des malades et des faml les VIS-~.-V~S
u système de soins, enfin le dévePoppement des médecines parallèles, médecines douces, sont le reflet d’une insatisfaction, d’une interrogation.
L’évaluation est un outil ui permet de mesurer certains phénomènes ou domaines. Elle aide à
l’émergence des problèmes. E9le est un excellent moyen pour garantir aux malades un service de
qualité par une remise en cause permanente des modes de fonctionnement. Elle donne un éclairage
sur les résultats obtenus. Cette pratique implique les infirmiers dans la qualité et l’évolution de leurs
prestations.
Par une auto-évaluation, elle a une action sur l’évolution des soignants. Par son approche et sa
méthode, elle oblige à la formation.
Cette prise directe sur les résultats de ce qu’ils produisent implique et motive les soignants.
L’évaluation de la qualité a aussi comme but de clarifier et d’actualiser~les normes et références
professionnelles. Un des gros handicaps des connaissances infirmières réside en la carence de notre
savoir qui ne constitue par encore une science reconnue.
Définition de l’évaluation de la qualité des soins
“Évaluer une qualité consiste à estimer un écart existant entre une situation observée et une situation considérée comme optimale.“5
La qualité est la concordance de la réalité aux exigences attendues. Estimer l’écart, c’est évaluer, c’est porter un jugement objectif et non un jugement de valeur. Cette démarche permet d’appréhender la réalité.
Mais comment dire qu’un soin, ou ce qui est observé, est de qualité ? C’est justement en les
mettant en regard avec les “normes professionnelles” et en estimant l’écart.
Après ces concepts, qu’il est indispensable de préciser, quelques mots régulièrement employés
vont être définis.
Normes ou principe, règle, idéal. “État habituel conforme à la majorité des ca~.“~
Ces synonymes et définitions correspondent aux deux aspects de ce terme. Souvent les normes
professionnelles sont des représentations mentales générales et abstraites. Elles ne peuvent être utilisées telles quelles. Elles ne sont pas quantifiables sous cette forme. Il faut sélectionner des indicateurs ou critères qui permettront d’apprécier la qualité par rapport au concept.,
Par exemple, si une norme professionnelle est que les infirmières utilisent la démarche de soin,
ainsi énoncée cette norme n’est pas quantifiable.
Par contre, si l’on sait que la démarche de soins est composée d’un certain nombre d’étapes :
-
recueil des données,
- planification des soins,
exécution,
évaluation,
réajustement,
La qualité, Pourquoi ? Comment ?
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- &
109
I
lors de l’évaluation il sera possible d’observer ou de noter si l’infirmière utilise la démarche en
vérifiant si les différentes phases ont été exécutées.
Les normes professionnelles sont donc concrétisées par un ou plusieurs indicateurs.
Les normes, comme la définition le précise, peuvent être aussi des fréquences désirables à atteindre. Elles se situent entre 0 et 100 % de résultats.
Par exemple, la norme optimale représente la qualité idéale que doit atteindre le ou les soins
infirmiers. Ce sont 100 % de réussite ou 0 défaut comme par exemple 0 surinfection urinaire chez
les malades porteurs de sondes vésicales depuis 5 jours.
La norme minimale est le seuil a” delà duquel la sécurité n’est plus atteinte.
La norme habituelle se situe souvent entre la “orme optimale rarement atteinte et la norme
minimale. Elle est calculée en faisant la moyenne des résultats obtenus sur des groupes de contrôle.
Si l’on reprend un exemple de la surinfection urinaire, il est malheureusement illusoire d’espérer
obtenir 0 surinfection après 5 jours de sondes. La norme habituelle ou tolérée sera, par exemple,
3 % de surinfection.
Critère : “c’est un signe qui permet de distinguer “ne chose, “ne notion et de porter s”r un
objet un jugement d’appréciation.“’
Par exemple : l’infirmière vérifie le nom du malade avant l’injection, ou : le malade a le choix
de son menu. Ces critères peuvent être vérifiés. Ils sont sans ambiguité. Aucune subjectivité n’y est
introduite.
Les critères vont nous permettre d’appréhender la réalité et le niveau de qualité des prestations
évaluées.
Quel+s sont les domaines qui peuvent être explorés par l’évaluation de la
qualrté des soins ainsi que les méthodes ?
Les domaines habituellement retenus selon le modèle H. DONABEDIAN sont : les ressources,
le processus, les résultats.
Les ressources : on y retrouve les moyens nécessaires pour assurer des soins de qualité, Ce
sont :
- les moyens
*
architecturaux
*
matériels (locaux, équipements)
*
humains (effectifs, qualification)
- le type d’organisation
la philosophie de soins du service infirmier, etc.
Ces ressources sont des moyens indispensables mais ils ne sont pas obligatoirement suffkmts pour
assurer un service de qualité.
II se définit comme “l’ensemble des activités infirmières dont l’exécution a été jugée nécessaire
pour couvrir les besoins des patients.“8
Le processus correspond à la démarche employée pour l’exécution des soins, ce qui est le plus
so”ve”t l’identification des besoins, la planification et la réalisation d’un soin. Cette démarche peut
être employée par de nombreuses évaluations. Elle peut être par exemple :
la planification des soins,
- l’exécution des soins
7 Dictionnaire ROBERT
8
JACQUERYE A. Les Méthodes d’évaluation de la qualité des soins infirmiers / Laquelle choisir ? Aspects Pratiques
Journées de recherche en S.I. Association suisse des infirmières et infirmiers (ASI) P 10 22 janvier 1987 à Berne
Méthodologie de la
recherche
-
la surveillance des malades,
l’éducation des malades, etc...
Les moyens utilisés seront habituellement les observations directes sur le terrain ou des dossiers
de soins. L’inconvénient de l’analyse des dossiers permet de savoir que l’action a été exécutée, mais
il n’est pas possible d’en connaître la qualité d’exécution. Il est donc important de compléter l’étude
des dossiers par l’observation directe de l’exécution des soins pour s’assurer de la qualité. Par
exemple, si l’on veut évaluer l’exécution d’un soin, il ne suffit pas de savoir que la perfusion a été
posée à telle heure, il est nécessaire de savoir si elle correspond à la prescription, si la préparation
a respecté les règles d’asepsie et de protection des médicaments, de vérifier la qualité de la pose et
de la surveillance... L’observation mstantanée à l’aide d’une grille composée de critères permet
d’évaluer le processus de ce soin.
Les résultats
Ils correspondent à l’évaluation du “Produit Fini” ou à la mesure des effets obtenus par les soins.
Au premier regard, cette méthode est séduisante, mais en réalité elle est assez difficile car il n’est
pas aisé de détermmer la part des résultats qui revient aux actions infirmières ou médicales.
Par exemple, si l’on étudie les cau& de morbidité ou de mortalité, comment distinguer la part
médicale ou infirmière des complications infectueuses
post-opératoires ?
Ou encore, si l’on veut mesurer le degré de satisfaction des malades, et là, cela est peut-être plus
facile, comment séparer certaines réactions face aux soins’médicaux, infirmiers sans oublier toute la
part de subjectivite du malade ?
Cependant, cette approche est intéressante pour évaluer un résultat attendu comme, par exemple, l’eilïcacité de l’éducation d’un malade diabétique ou d’un malade sous an&coagulant.
Une évaluation de la qualité des soins consiste soit en une évaluation d’un de ces axes, soit en
une évaluation conjuguée des trois axes ? 10
Eqsi
Eqsi
Eqsi
+
f
+
Eqsi =
PrOCeSSUS
Résultats
ReSSOUrCW
Pour évaluer ces différents domaines, il existe plusieurs méthodes. Elles peuvent être globales
OU partielles.
Les méthodes d’évaluation partielles sont basées sur les problèmes, les incidents critiques. Elles
sont utilisées en auto-évaluation ou dans les programmes d’assurance de qualité.
Dans cette première partie, seules les généralités ont été absorbées. Un prochain article sera
consacré aux différentes étapes de l’élaboration d’un outil d’évaluation partiel!e.
G. POIRIER-COUTANSAIS
s ‘,
La qualité, Pourquoi ? Comment ?
5’
Yb
111
I
ECHANGES
Madame,
Par le présent courrier, permettez-moi de préciser que le travail que vous avez publié
dans la revue “Rec&che en Soins Infirmiers” de Juin 1987, est une synthèse du mémoire
que j’ai réalisé à 1’Ecole de Cadres de Limoges.
11 n’est pas le résultat d’une étude effectuée en tant que surveillante, comme la présence de ma fonction sur la page’titre de la publication, pourrait le laisser penser.
Je souhaiterais donc, si cela vous est possible, que cette précision soit apportée dans
un prochain numéro de votre revue.
NDLR :
Voilà qui est fait !
Il s’agit de la recherche intitulée : “L’infirmière et l’intimité du malade”
publiée dans RSI no 9.
Recherche em w&s idirmiers
N’10-11 - DCecmbrc
1987
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