Effet de Lactobacillus LB inactivés et Milieu de Culture Fermenté sur

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Hegel Vol. 2 N° 2 – 2012
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DOI : 10.4267/2042/47403
LES AUTEURS NOUS EXPLIQUENT
Cette rubrique est destinée aux auteurs qui, ayant publié un travail
original dans une revue internationale, désirent le porter à la
connaissance d’un public francophone. Une analyse commentée des
auteurs est alors proposée.
Effet de Lactobacillus LB inactivés et Milieu
de Culture Fermenté sur la sévérité des
symptômes : Observatoire sur 297 patients
IBS diarrhéiques
The Effect of Inactivated Lactobacillus LB Fermented Culture
Medium on Symptom Severity: Observational Investigation
in 297 Patients with Diarrhea-Predominant Irritable Bowel
Syndrome
A.L. Tarrerias, V. Costil, F. Vicari, J.C. Létard, P. Adenis-Lamarre, A. Aisène, D. Batistelli, G. Bonnaud, S.
Carpentier, P. Dalbiès, S. Ecuer, J. Etienne, M. Fantoli, B. Grunberg, P. Lannoy, J. Lapuelle, A. Margulies, M.
Neumeier, J.M. Rouillon, L. Schmets, M.P. Pingannaud, P. Coulom, F. Kohler, J.M. Canard
Service d’Hématologie biologique, Centre Hospitalier Universitaire, F-54511 Vandoeuvre-les Nancy
Digestive Diseases 2011;29:558-91.
Mots-clés
Syndrome de l’intestin irritable ; Probiotiques ; Microflore ;
Diarrhée
Introduction
Le syndrome de l’intestin irritable (SII) concerne 20 % de la
population si on considère des critères simples de diagnostic et
5 % si on se limite aux critères de Rome [1,2]. Il entraîne une
altération de la qualité de vie, parfois difficile à évaluer et son origine
physiopathologique reste mal connue avec un aspect certainement
multifactoriel impliquant le système nerveux entérique, des processus
inflammatoires, la nutrition et plus récemment, le microbiote. Le
rôle de la flore est de permettre la digestion des sucres grâce à
la glycolyse dont les substrats finaux sont les acides gras volatils
(acétate, butyrate et propionate). Ces acides représentent un
apport énergétique et semblent capables d’interagir sur la micro
inflammation [3]. La protéolyse dont certaines bactéries du colon
sont capables apporte azote et carbone ; c’est la putréfaction. Ces
bactéries protègent aussi l’intestin d’une colonisation de bactéries
pathogènes. La composition de la flore est différente d’un individu
à l’autre et semble influencée par l’alimentation, et l’utilisation
d’antibiotiques.
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Les patients souffrant du syndrome de l’intestin irritable ont
tendance aussi à s’imposer des régimes alimentaires d’exclusion
parfois drastiques [4] sans que l’on puisse leur donner de conseils
scientifiquement prouvés, applicables à tous [5].
L’intensité des symptômes est mal connue pour les IBS diarrhéiques,
de même que les conséquences de leur maladie sur leur qualité
de vie. Le but de cet observatoire est donc de mieux évaluer les
symptômes de ces patients, et leur qualité de vie, en les quantifiant
à l’aide d’échelles visuelles analogiques. La population étudiée est
celle qui consulte un gastroentérologue pour IBS diarrhéique, il
n’y a donc pas de sélection vers une population particulièrement
sévère. Secondairement, nous avons voulu tester l’effet d’un
médicament probiotique utilisé depuis de nombreuses années dans
cette indication sur ces données quantitatives et qualitatives.
Méthode
Le CREGG (Club de Réflexion des Cabinets et Groupe de
Gastroentérologie), par l’intermédiaire de ses commissions, évalue
certaines pathologies par ses observatoires et l’intérêt d’intervenir
par le biais de thérapeutiques.
297 patients d’âge moyen 53,4 ± 17,3 ans ont été inclus
dans l’étude et 50 gastroentérologues ont participé à cette
étude. Chaque patient a rempli un questionnaire permettant :
Une évaluation qualitative de la maladie :
- l’existence ou non d’une relation des symptômes avec
l’alimentation et si oui quel aliment est considéré comme responsable ?
- la consistance des selles ;
- l’existence d’épisode d’incontinence fécale.
Une évaluation quantitative :
- Le nombre de selles par semaine ;
- les douleurs abdominales, les ballonnements et la qualité
de vie grâce à des échelles visuelles analogiques (EVA) pour
des scores de 0 à 100.
Ce questionnaire est complété à l’inclusion et après un mois de
traitement par Lactéol 2 gel/j.
Les gastroentérologues ayant participé à cette étude sont des
médecins libéraux ; ils ont prescrit le Lactéol dans ses indications
habituelles : traitement symptomatique d’appoint de la diarrhée.
Les critères qualitatifs sont comparés à l’aide d’un test Khi 2, les
critères quantitatifs par une analyse de la variance.
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Résultats
Les données quantitatives
• Le nombre de selles par semaine
Le nombre moyen de selles/semaine passe de 17,59 ± 0,6 à 12,83
± 0,61 après traitement (p<0,0001) (Figure 1).
• Les douleur s abdominales
Le score passe de 44,65 ± 1,53 sur 100 avant traitement à 27,97
±1,39 sur 100 après traitement (p<0,0001) (Figure 2).
• Les ballonnements
Le score passe de 44,92 ± 1,77 à 25,59 ± 1,52 sur 100 (p<0,0001)
(Figure 2).
• L a qualité de vie
Le score, d’autant plus bas que la qualité de vie est meilleure,
passe de 59,96 ±1,42 à 39,27 ±1,61. Dans notre cohorte, le
taux d’incontinence anale secondaire à la diarrhée est nettement
supérieur à la prévalence dans la population générale : 18 % versus
9 à 10 % en fonction des études [6] (Figure 2).
Figure 1 Nombre de selles par semaine
avant et après un mois
de traitement
par Lactéol
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Figure 2 Effet du Lactéol sur
les symptômes fonctionnels
Les données qualitatives
• Avant traitement, 54 % des patient s souf fraient de selles
liquides, les autres ayant des selles molles ; en fin de traitement,
ils ne sont plus que 18,5 % à avoir des selles liquides, et 34
% d’entre eux ont des selles normales en f in de traitement.
• 52 % des patient s at tr ibuent leur s symptômes à leur
alimentation et incriminent les légumes dans 34 % des cas,
les fruits pour 29 %, le lait pour 15 %, les graisses pour 15 %,
les piments et épices pour 6 % et le sucre pour 4 %.
Discussion
Si de nombreuses études épidémiologiques montrent une
altération de la qualité de vie des patients IBS [7,8], peu
d’études se sont limitées à celle des patients IBS diarrhéiques.
Si l’on peut comprendre pourquoi la diarrhée constitue un
problème dans la vie d’un actif, nous ne nous attendions pas à
des scores aussi sévères de qualité de vie, d’autant plus que
notre cohorte est composée de patients non sélectionnés au
départ sur la sévérité de leurs symptômes. Les impériosités
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et l’incontinence anale participent certainement à l’altération de
la qualité de vie qui s’améliore lorsque l’on corrige le nombre de
selles et leur consistance. Les ballonnements font aussi partie
des symptômes qui gênent la vie courante ; beaucoup d’études
relient la production de gaz à l’excès de fermentation et donc à un
transit lent [9] or notre observatoire semble au contraire montrer
des scores assez élevés, en moyenne à 45 sur une échelle de 100.
Cela ne signifie pas nécessairement une hyper fermentation mais
peut-être une hypersensibilité digestive à la présence de ces gaz
dans le colon puisqu’il est montré que les IBS diarrhéiques ont plus
souvent, une hypersensibilité colique au barostat [10]. Mais c’est
une physiopathologie à démontrer par des études complémentaires.
Le mode d’action du Lactéol est lié à la capacité du probiotique
(souche LB) à tapisser la muqueuse colique, la protégeant ainsi de
l’adhésion et de l’invasion par les micro-organismes pathogènes,
mécanisme impliqué dans les diarrhées d’origine infectieuse. Mais
on considère aussi la capacité du milieu de culture fermenté du
Lactéol à posséder une action antibactérienne ciblée sur certains
germes opportunistes [11] ou encore à stimuler la flore acidogène
de défense et la synthèse d’IGA, ce qui conduit ainsi à conseiller le
lactobacillus LB dans les diarrhées d’origine infectieuse. Cependant,
comme pour tous les probiotiques leur mode d’action reste théorique
avec des effets encore mal évalués dans la colopathie fonctionnelle,
et mal évalués pour des traitements de fond chez l’IBS.
L’efficacité du Lactéol est discutable sur une étude ouverte sans
groupe contrôle et nos résultats méritent donc que l’on envisage
une étude contrôlée, randomisée en double aveugle. Xiao et coll.
[12] ont comparé le Lactéol à du Lacidophilin (lactobacilles revivifiables), sur une étude contrôlée, randomisée en double aveugle
incluant 137 patients. La différence est significative en faveur du
Lactéol pour ce qui est de la fréquence et la consistance des selles,
les douleurs abdominales, et les ballonnements. Ce probiotique
est utilisé depuis de nombreuses années dans l’indication de la
diarrhée. Cette étude est confortée par Halpern et coll. [13] qui
ont testé le Lactéol contre placebo chez 18 patients souffrant d’IBS
à forme diarrhéique en cross-over avec une efficacité en faveur
du Lactéol chez la moitié des patients. On peut reprocher à cet
essai de Halpern un faible échantillon, à celui de Xiao, l’utilisation
d’un lactobacille mais ces 2 études sont concordantes avec nos
résultats, non seulement sur les mêmes symptômes mais avec des
évaluations par EVA également.
Conclusion
Cet observatoire met en lumière l’importante baisse de qualité
de vie des patients atteint d’IBS à forme diarrhéique et un taux
anormalement élevé de patients souffrant d’impériosités voire
d’incontinence anale secondaire. Ces données placent le syndrome
de l’intestin irritable comme une maladie à part entière pour laquelle
l’objectif doit être le traitement de nos patients et non plus un
simple objectif de confort. Les probiotiques prennent une place de
plus en plus grande dans la prise en charge de ce syndrome et en
ce qui concerne la forme diarrhéique, le Lactéol est un médicament
intéressant dont l’efficacité doit être confortée par une étude
randomisée contre placebo en double aveugle. Il faudrait alors
évaluer avec un test spécifique son effet sur la continence anale
secondaire à la diarrhée ce que nous n’avons pas fait dans cette
étude car nous n’attendions pas un tel taux d’incontinence anale,
très supérieur à celui de la population générale.
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