Tfe fanny acevedo del hoyo - Association des Infirmières d`Institutions

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Dans ma bulle
Travail de Fin d’Etude
Diplôme d’Etat Infirmier
Présenté par Fanny ACEVEDO DEL HOYO
Promotion 2011-2014
IFSI Capelette
Note aux lecteurs
Il s’agit d’un travail personnel effectué dans le cadre d’une scolarité à l’Institut de
Formation en Soins Infirmiers de la Capelette et il ne peut faire l’objet d’une publication
en tout ou partie sans l’accord de son auteur et de l’Institut de Formation aux Soins
Infirmiers.
J’atteste que ce travail est personnel et ne comporte pas de plagiat, je site
systématiquement toute source utilisée entre guillemets.
Remerciements
A ma guidante, Mme Combes, pour tous ses conseils et son aide dans l’élaboration de
ce travail de fin d’étude.
A l’équipe pédagogique de mon institut de formation, pour m’avoir guidé jusqu’ici,
notamment à Mme Roche pour son soutien au cours de ces trois années d’étude.
A l’ensemble de l’équipe qui m’a accueilli au cours de mes recherches.
Aux adolescents autistes rencontrés au cours de mon stage, à qui je dédie ce travail.
A ma famille, à mon conjoint, à mes amis pour leur aide et leur patience.
« Chaque être humain a son univers, son monde intérieur, et s’il ne l’avait pas ce serait
extrêmement triste. […] Je me méfie des théories qui voudraient réduire l’être humain
à un mécanisme d’horlogerie. Je crois que l’être humain est beaucoup plus composite,
en mouvement. Ne l’enfermons pas, ne nous enfermons pas dans une case. Il nous en
manquerait une. »
Josef Schovanec, "Je suis à l'est"
Sommaire :
I)
Introduction :........................................................................................................... 1
II) Contexte de recherche :........................................................................................... 2
1) Situation d’appel : ................................................................................................... 2
La phase exploratoire : méthodologie d’enquête : .............................................. 6
2)
a.
Premier outil d'enquète: apports théoriques: ………………………………...6
- Analyse des apports théoriques: …………………………………………...6
b. Deuxième outil d’enquête : le guide d’entretien : ........................................... 9
- Analyse des entretiens ……………………………………………………10
III) CADRE CONCEPTUEL : ..................................................................................... 17
A) L’interdisciplinarité : ......................................................................................... 17
B) Le projet personnalisé : ..................................................................................... 22
C) La relation soignant/ adolescent autiste : .......................................................... 25
IV) Hypothèse : ............................................................................................................ 30
V) Conclusion : ............................................................................................................ 31
Bibliographie
Annexes: les entretiens
Résumé
I)
Introduction :
Je suis actuellement étudiante en troisième année à l’Institut de Formation en Soins
Infirmiers de la Capelette. C’est dans le cadre de cette dernière année que je suis amenée
à construire mon Travail de Fin d’Etude (TFE) à partir d’une situation m’ayant
interpellé.
Cette situation s’est déroulée auprès d’adolescents autistes au sein d’un Institut
Médico-Educatif (IME) dans lequel j’ai effectué un stage au cours de cette troisième
année.
L’autisme fait partie des troubles envahissants du développement et est considéré
comme un handicap. Il se caractérise par une triade autistique, dont je vous parlerai par
la suite, rendant difficile la relation. A l’IME, ces adolescents autistes sont pris en
charge par une équipe pluridisciplinaire de manière globale et adaptée.
Dans un premier temps, je vous ferai part de la situation qui m’a conduit à traiter et à
me questionner sur la prise en charge de l’adolescent autiste.
Dans un deuxième temps, je vous ferai part des apports théoriques que mes recherches
m’ont procurés. J’exposerai également l’analyse que j’ai pu faire à partir d’entretiens
effectués auprès des professionnels de l’IME.
Ensuite, je développerai trois concepts afin d’éclairer et de compléter ce travail.
Enfin, je proposerai une hypothèse générale en lien avec ma problématique de départ
et je conclurai.
1
II)
Contexte de recherche :
1) Situation d’appel :
La situation d’appel que j’ai choisi de vous présenter est celle que j’ai rencontrée lors
de mon stage effectué au semestre 6 au sein d’un l’Institut Médico-Educatif (IME).
Cet IME est autorisé à recevoir des enfants de 6 à 14ans déficients intellectuels et/ou
autistes et des adolescents de 12 à 20 ans présentant une symptomatologie autistique.
Le mot « institut » recouvre les différentes formules d’accueil : internat continu, internat
de semaine, semi-internat.
Durant ce stage, j’ai été amenée à prendre soin quotidiennement des enfants et
adolescents autistes. Deux autistes m’ont particulièrement interpelée, je les appellerai
Alexandre et René.
Alexandre est un adolescent de 16ans, très imposant (100kg pour 1m86). Il présente un
syndrome autistique à versant déficitaire diagnostiqué à l’âge de 2ans. Il a tendance à
s’automutiler lorsqu’il est stressé (se mord l’avant-bras droit). Chaque matin, nous
recevons Alexandre en salle de soins afin de soigner son bras mordu. Au cours de ce
rendez-vous quotidien, je désinfecte la plaie, refais le pansement, lui explique chaque
choses que je fais afin de le rassurer, je tente également d’évaluer sa douleur.
Alexandre ne communique que très peu. Lorsque je lui demande « Alexandre est-ce que
tu as quelque chose d’important à me dire ? », il répète « me dire, me dire ». Quand je
lui demande « Alexandre, as-tu mal ? » il me dit « mal » ou « mal tête » ou encore
« doliprane ». Il est alors très difficile d’évaluer réellement sa douleur car on ne sait pas
s’il dit le mot « mal » pour répéter ce que je dis ou s’il a envie de nous faire part d’un
ressenti. De même avec le mot doliprane. L’infirmière, que j’appellerai Christiane,
propose du doliprane à Alexandre lorsque celui-ci dit le mot « mal » ou lorsqu’elle voit
des signes de douleurs (faciès) ce qui arrive quasiment à chaque visite. Ainsi, Alexandre
n’a-t-il pas encré le doliprane dans une sorte de rituel ? Comment savoir s’il a réellement
mal ?
2
L’autre adolescent qui m’a interpelé est René, un adolescent de 17ans. Il présente un
syndrome autistique à caractère déficitaire diagnostiqué à l’âge de 2ans et demi. Il est
très agité, très fort et a tendance à taper les autres. Il ne comprend pas toutes les
consignes qui lui sont données et est très angoissé notamment par le bruit. René vient
chaque jour à l’infirmerie pour que l’on soigne une blessure à son pied (entaille au pied
gauche car René se balade toujours pieds nus). Là encore, l’évaluation de la douleur est
très difficile, encore plus difficile qu’avec Alexandre car René n’est pas du tout attentif
à nos questions et ne parle pas. Un traitement antalgique est administré en systématique
jusqu’à cicatrisation de son pied.
La prise en charge infirmière d’un enfant autiste est différente de celle d’un enfant ne
présentant pas de symptomatologie autistique. L’autisme fait partie des troubles
envahissant du développement, c’est un trouble précoce, grave et durable dans lequel la
communication verbale et non verbale est altérée, les comportements de l’enfant son
répétitifs, stéréotypés, leurs intérêts sont restreints et les interactions sociales sont
également altérées. Ils peuvent faire preuve d’agressivité et ont beaucoup de mal à
s’adapter aux changements. La prise en charge de ces enfants est globale, elle nécessite
une équipe pluridisciplinaire et la présence de la famille lorsque cela est possible.
L’infirmier(e) doit donc prendre en compte toutes les particularités de l’enfant autiste
pour une prise en charge optimale.
Dans notre société, l’enfant est perçu comme vulnérable, on a envie de le protéger, d’en
prendre soins. L’infirmier(e) doit réussir à créer un lien suffisant pour instaurer un
climat de confiance. Il est difficile de soigner un enfant refusant tout contact, c’est un
véritable enjeu selon moi. L’enfant autiste me semble d’autant plus vulnérable de par
son trouble envahissant du développement qui l’empêche d’exprimer ou de demander
certaines choses. La relation soignant-soigné est altérée par le manque de
communication, le repli ou encore l’agressivité de l’enfant. Par exemple, comme j’ai pu
le voir, la plupart des enfants autistes ne manifestent aucun signe quand ils ont mal. Or,
l’évaluation de la douleur est essentielle.
L’autisme se caractérise par des altérations qualitatives des interactions sociales, des
problèmes de communication (langage et communication non verbale) ainsi que par des
troubles du comportement (intérêts, activités restreintes, mouvements stéréotypés,
répétitifs). Ainsi, les enfants autistes semblent difficilement accessibles aux autres, la
3
relation avec ces enfants nécessite de la patience et de l’ingéniosité. En effet, un autiste
peut ne pas vous répondre, ne pas vous regarder et ne comprend souvent pas les
émotions des autres.
De nombreuses structures existent pour ces enfants telles que les Classes pour
l’Inclusion Scolaire (CLIS), les Instituts Médico-Educatifs (IME), les Services
d’Education Spécial et de Service A Domicile (SESSAD), les Unités Localisées pour
l’Inclusion Scolaire (ULIS) ou encore les Centre Ressources Autisme (CRA) pour aider
les familles. Le but de ces structures est d’accompagner l’enfant autiste, d’améliorer ses
capacités à interagir avec le monde qui l’entoure, l’aider à s’y adapter, à devenir le plus
autonome possible.
L’équipe soignante, pluridisciplinaire, prend en compte les besoins spécifiques de
l’autiste et lui apporte une prise en charge adaptée, individualisée, globale, précoce et
souvent basée sur la médiation thérapeutique. En effet, face à une personne refusant tout
contact, n’exprimant que très peu voire pas du tout ses besoins, ses envies, le soignant
doit user de stratégies afin d’entrer en relation avec cette personne et cela n’est pas sans
difficultés. Il n’est pas rare que le soignant se sente en situation d’échec face aux
difficultés de la prise en charge et de l’évaluation de l’efficacité de cette dernière.
Chaque autiste est différent, il faut s’adapter à chacun. Les échanges avec les enfants
autistes se font d’autant plus facilement qu’ils nous connaissent. Il paraît essentiel de
bien connaitre un enfant, ses craintes, ses angoisses, ses besoins, sa manière de
communiquer… En effet c’est en sachant tout cela que l’on va savoir comment agir,
comment se positionner face à cet enfant. Par exemple, Aurélia, une autre adolescente
présentant une symptomatologie autistique, parvient à communiquer par le dessin. Lors
des soins, l’infirmière lui propose donc une ardoise et des feutres pour qu’Aurélia
s’exprime afin que l’on puisse mieux la comprendre et la soigner.
A l’IME, il y a deux éducateurs référents par adolescent. Ces éducateurs sont présents
au quotidien sur l’internat, un le matin, l’autre l’après-midi, ils font des activités avec
eux, participent à leur socialisation, à leur éducation. Ce sont donc, selon moi, les
professionnels qui connaissent le mieux l’enfant. Ils partagent cette connaissance de
l’enfant avec tous les autres professionnels (psychiatre, psychologue, moniteur
éducateur, institutrice, aide médico-psychologique…) au cours de réunions deux fois
par semaine. Ces réunions sont très utiles car c’est à ce moment-là que chacun, dans le
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cadre de leurs compétences échange sur leur connaissance de l’enfant, sur ses progrès,
sur les conduites à tenir, sur les objectifs qu’ils se sont fixés afin que l’équipe soit
cohérente et efficace dans la prise en charge de l’enfant.
Mon intérêt pour les enfants autistes, mon envie de découvrir cette prise en charge
différente, mon vécu, mes rencontres et mes recherches m’ont conduit au
questionnement initial provisoire suivant : En quoi la collaboration et l’échange entre
les membres de l’équipe pluridisciplinaire concernant l’enfant autiste permettent-ils à
l’infirmier(e) d’adapter sa prise en charge ?
Les principaux thèmes abordés sont : l’autisme et la communication, l’équipe
pluridisciplinaire, les stratégies thérapeutiques utilisées pour entrer en relation et la prise
en charge infirmière.
5
2) La phase exploratoire : méthodologie d’enquête :
a. Premier outil d’enquête : apports théoriques :

Analyse des apports théoriques :
Le terme « autisme » vient du grec « auto » qui signifie « soi-même ». Il est employé
en psychiatrie pour la première fois en 1911 par le psychiatre suisse Eugène Bleuer. Il
l’utilise pour désigner, dans la schizophrénie adulte, la « perte du contact avec la réalité
extérieure qui rend difficile ou impossible pour le patient toute communication avec
l’Autre. ».
Plus tard, d’autres auteurs le décriront comme un symptôme particulier, non spécifique
de la schizophrénie, et en feront ainsi une pathologie à part entière.
C’est le cas de l’américain L. Kanner en 1943 dans un article intitulé « Autistic
Disturbance of Affective Contact ». Il décrit alors sous le terme d’ « autisme infantile
précoce » un tableau clinique caractérisé par « l’incapacité pour le bébé, dès sa
naissance, d’établir des contacts affectifs avec son entourage».
Beaucoup de soignants ont consacré une partie de leur vie à tenter de comprendre la
pathologie autistique et proposer des méthodes thérapeutiques adaptées. C’est le cas de
la psychiatre américaine Margaret Mahler, du psychiatre et psychanalyste américain
Bruno Bettelheim, de la pédiatre française Françoise Dolto, de la psychiatre britannique
Frances Tustin, de l’éducateur spécialisé Fernand Deligny, de la psychanalyste
lacanienne Maud Mannoni et de bien d’autres encore.
Depuis, sa description en 1911 par E. Bleuer, les recherches sur l’autisme ont
beaucoup évoluées, la définition de l’autisme également. L’autisme est une pathologie
qui fait partie du TSA (Trouble du Spectre Autistique). En effet, connu depuis plusieurs
années sous l’appellation générale de Trouble Envahissant du Développement (TED)
dont il fait partie, l’autisme devient, avec le DSM-V une catégorie unique appelée TSA.
Les symptômes représentent un continuum qui varie de léger à sévère.
Selon la classification internationale des maladies éditées par l’Organisation
Mondiale de la Santé (OMS), l’autisme débute précocement avant l’âge de 3ans et se
définit par la présence de trois types de perturbations (la triade autistique):
-
Altération qualitative des interactions sociales
-
Altération qualitative de la communication
6
-
Caractère restreint, répétitif et stéréotypé du comportement, des intérêts et des
activités
Ainsi, l’autisme se caractérise par une spécificité du fonctionnement de la personne
autiste. En effet, parce qu’elle ne sait pas comment entrer en relation et communiquer
avec l’autre, la personne avec autisme semble isolée, inattentive, ne pas se soucier des
autres. Elle ne nous regarde souvent pas dans les yeux, a du mal à partager des activités
sociales. Elle a des difficultés à nous comprendre et à se faire comprendre car elle utilise
souvent le langage de manière inadéquate voire n’utilise pas du tout le langage verbal.
La personne avec autisme ne comprend pas non plus les conventions sociales, les
mimiques et expressions du visage, certaines gestuelles ou encore les métaphores, le
double langage, le mensonge. Il lui arrive de se comporter de manière inappropriée, de
faire des gestes stéréotypés. Au niveau sensoriel, un autiste peut être hyper ou hypo
sensible que ce soit pour les sons, la lumière, le toucher, le gout… Une personne avec
autisme aime les habitudes, les rituels, l’organisation, la rigueur et manifeste de
l’anxiété parfois massive devant les changements ou le non-respect des règles. Enfin,
elle manifeste souvent des intérêts restreints et peut parler continuellement d’un même
sujet.
Même si ces spécificités du fonctionnement se retrouve chez la plupart des personnes
avec autisme il faut savoir, et j’ai pu le constater lors de mon stage, qu’il y a autant de
forme d’autisme qu’il y a de personne avec autisme, chaque autiste est différent. De la
même manière, certains autistes présentent des troubles associés tel que le retard mental,
l’épilepsie, les troubles du sommeil, les troubles sphinctériens… Cette diversité des
troubles et des manifestations autistiques soulignent l’importance de la précocité du
diagnostic et de l’évaluation de l’intensité des troubles afin de proposer une prise en
charge adaptée le plus tôt possible. C’est également pour cela qu’il faut privilégier une
prise en charge globale, pluridisciplinaire et personnalisée. Cette prise en charge
personnalisée est permise notamment par la participation active de la famille au projet
de vie ou projet personnalisé dont je vous parlerai plus tard dans ce dossier. En effet, ce
sont eux qui vivent au quotidien avec leurs enfants, lorsque ceux-ci ne sont pas en
internat, et ce sont eux qui connaissent les difficultés, les besoins, les attentes, de leurs
enfants plus que quiconque. La prise en charge de la personne avec autisme doit être
globale, adaptée, elle est médicale, éducative, sociale, psychologique, familiale,
rééducative et surtout spécifique à la personne autiste. L’interdisciplinarité prend ainsi
7
tout son sens dans cette prise en charge. Cette dernière doit être réévaluée régulièrement
par l’ensemble de l’équipe et la famille. De la même manière, afin d’optimiser cette
prise en charge, les professionnels ont la possibilité d’accéder à des formations sur
l’autisme comme le souligne l’article L6313-1 du code du travail.
Afin de mieux traiter mon sujet, et parce que j’ai essentiellement travaillé avec cette
population là au cours de mon stage, j’ai décidé de me concentrer sur les adolescents
autistes (de 12 à 20ans) dits « non verbaux ».
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b. Deuxième outil d’enquête : le guide d’entretien :
J’ai choisi le guide d’entretien comme outil pour mon enquête exploratoire. Mon
entretien sera semi-directif avec des questions ouvertes afin d’avoir des réponses plus
détaillées sur le sujet. J’ai choisi d’effectuer mes entretiens auprès de 2 infirmières
travaillant ou ayant travaillé dans un IME avec des enfants et adolescents autistes, un
médecin, un éducateur spécialisé, une monitrice éducatrice et une psychologue
travaillant au sein du même IME dans lequel j’ai effectué mon stage du semestre 6 qui
a duré 6 semaines.
Cet IME est autorisé à recevoir des enfants de 6 à 14 ans, déficients intellectuels et des
adolescents de 12 à 20 ans atteints de symptomatologie autistique.
Le mot « Institut » recouvre les différentes formules d’accueil : internat continu, internat
de semaine, semi-internat.
Les enfants et adolescents sont adressés à l’établissement sur décision de la CDAPH.
Après consultation de l’Équipe Technique de l’établissement qui se prononce à la
lecture du dossier et suite à une série d’entretiens avec les parents (ou services sociaux)
et l’enfant ou adolescent, l’admission est alors prononcée par le directeur après avis du
médecin psychiatre de l’établissement.
Cet Institut Médico-Éducatif a une capacité totale fixée à 44 lits et places ainsi réparties
:
Une section d’Éducation et d’Enseignement Spécialisé de 32 lits et places pour
Enfants de 6 à 14 ans (des deux sexes), déficients intellectuels moyens avec troubles
associés compatibles avec une scolarité adaptée, fonctionnant pour :
-10 lits en internat de semaine (du lundi au vendredi),
-22 places en semi-internat.
Une section d’Éducation Spécialisée de 12 lits et places pour Adolescents âgés de 12
à 20 ans (des deux sexes) atteints d’un syndrome de psychose à caractère déficitaire,
fonctionnant pour :
-6 lits en internat annuel (365 jours),
-6 places en semi-internat (365 jours).
9
 Analyse des entretiens :

Autisme et communication :
Ce qui ressort de mes questionnaires et de mon expérience auprès des adolescents
autistes est qu’il y a autant de manifestations autistiques qu’il y a d’autistes. Chaque
autiste est différent. Les manifestations autistiques dépendent aussi de la sévérité de la
maladie, du fait que l’autisme soit associé ou non à un retard mental ou à d’autres
pathologies telles que l’épilepsie.
Cependant on peut citer celles qui sont les plus fréquemment rencontrées telles que
les difficultés à entrer en relation, l’isolement ou repli autistique, le besoin
d’immuabilité (un autiste aime que rien ne change) qui va souvent de pair avec les
rituels. Il y a également l’incapacité à faire un choix, des problèmes dans la délimitation
corporelle (utilisation du bras d’une autre personne comme le prolongement de leur
propre bras/corps). On observe surtout une altération de la communication (mutisme la
plupart du temps) que l’on peut relier à une difficulté à entrer en relation. Il y a aussi les
troubles de la compréhension (le traitement de l’information leur prend souvent plus de
temps, surtout chez les autistes avec déficience mentale associée, ils ne comprennent
pas les blagues ou les seconds degrés). On remarque aussi la fuite du regard de l’autre,
l’absence de codes sociaux, d’expression des émotions, les écholalies, les mouvements
stéréotypés, les intérêts restreints, les comportements auto ou hétéro agressifs, les
troubles alimentaires, les troubles sphinctériens etc.
Entrer en relation avec un jeune autiste est très difficile, elle ne dépend pas
uniquement de nous mais également de la personne autiste. Si cette dernière en a envie,
elle nous laisse faire mais si elle ne le veut pas cela devient compliqué. Cette entrée en
relation peut être facilitée lorsque l’on connait la personne autiste car une relation de
confiance s’installe et apaise les deux parties.
L’ensemble des professionnels interrogés pense que pour entrer en relation il faut rester
soi-même, avoir une voix calme, de la patience, un langage très simple voir un langage
binaire, sans reformulation. Il faut être attentif, disponible, se mettre face à la personne
autiste, à sa hauteur et respecter le besoin de distance ou de contact de la personne
autiste. On peut également entrer en relation en chantant, en faisant des gestes, en
utilisant des images, des dessins, des photos, en utilisant le langage des signes, en
s’aidant d’une tierce personne, de la musique, de la nourriture, d’un jeu…
10
Concernant l’identification des envies, des besoins des jeunes autistes, tous sont
unanime : c’est très compliqué lorsque le jeune ne parle pas. Deux professionnels
comparent cette recherche de compréhension à la médecine animale car on a en face de
soi quelqu’un qui a des envies, des besoins, des craintes, des douleurs et qui est
incapable de nous les faire comprendre ce qui induit la plupart du temps une frustration
et des comportements inadaptés. Pour parvenir à identifier les besoins d’une personne
autiste qui ne parle pas, on peut utiliser les pictogrammes, les photos. Par exemple, à
l’IME, lorsqu’un autiste veut voir l’infirmière, il montre le pictogramme ou la photo de
l’infirmière. Cela marche également pour le bain, le repas, l’habillage et toute autre
activité qui peut être pictographiée et comprise par le jeune autiste. Les personnes qui
les accompagnent au quotidien doivent leur proposer des choses, poser des questions
précises, simples, reformuler leur demande s’ils voient que ce n’est pas clair mais en
laissant d’abord un temps de réflexion suffisamment long. Ils doivent également savoir
décrypter les signes, les changements, cela nécessite une bonne connaissance de la
personne autiste. En effet, c’est grâce à sa connaissance du jeune autiste que
l’accompagnant va pouvoir discerner un changement de comportement, comprendre
une demande, décrypter les signes, observer et analyser tout ce qu’il peut voir pour
émettre ensuite une hypothèse. De plus, avec la connaissance vient la confiance et donc
le lien. Le jeune autiste va alors plus facilement se diriger vers la personne de confiance
lorsqu’il aura une demande. Cependant, certains accompagnants pensent qu’ils passent
très souvent à côté des besoins et des envies des personnes autistes, qu’il s’agit en fait
souvent d’une interprétation de ce que l’on imagine avoir besoin à la place du jeune et
qu’on projette en fait des besoins, des envies qui ne sont pas les leurs.

Stratégies thérapeutiques :
L’ensemble des professionnels interrogés utilisent en tout premier lieu la
communication verbale. Une des infirmières interrogées me rappelle à juste titre qu’un
jeune autiste entend tout mais il va mettre un peu plus de temps que nous pour traiter
l’information. Il est donc essentiel d’adapter cette communication verbale en faisant des
phrases courtes, simples et ne pas les répéter car devant un silence on a tendance à
reformuler trop rapidement. Or, pour un autiste, le fait que l’on reformule l’empêche de
se concentrer sur la première question. Il reçoit trop d’informations en même temps et
ne parvient pas à les traiter. Il faut également être très calme et adapter sa voix à la
11
personne autiste. Si elle a une hypersensibilité auditive, il est important de parler à voix
basse et vice versa.
Quand le langage verbal ne suffit pas, il est accompagné de gestes. Cela peut se faire
au cours d’un soin par exemple. Si l’infirmière fait un pansement à un jeune, elle lui
montre par des gestes le déroulement du soin sur une tierce personne pour qu’il soit
rassuré. Les autistes aiment savoir ce qui va être fait et pourquoi. Le langage binaire est
souvent utilisé pour les soins : « Est- ce que tu as mal ? Oui ? Non ? » . Il faut savoir
que même le langage binaire est difficile pour un autiste car la plupart des autistes ne
savent pas faire un choix.
Les gestes peuvent également être un véritable langage, c’est le cas avec deux jeunes
de l’IME qui comprennent et parlent la langue des signes. Le problème dans ce cas c’est
qu’il faut une tierce personne capable de signer. Or, à l’IME seules deux éducateurs en
sont capables, il n’y a pas eu de formation mise en place pour que tout le monde
apprenne à parler en langue des signes. La plupart connaissent quelque signes mais pas
suffisamment pour assurer un véritable dialogue.
Autre moyen de communication : le chant. Certains autistes communiquent en
chantant mais sans mot. On sait alors si ce qu’ils nous disent est positif ou négatif en
fonction de l’intonation de leur voix mais cela nécessite une bonne connaissance du
jeune. Les référents leur répondent en chantant mais avec des mots. Ils leur demandent
de faire des choses en chantant, en posant leur voix en fonction de ce qu’ils veulent faire
passer. Par exemple, quand le jeune fait quelque chose de bien, le réfèrent le dit en
chantant joyeusement, lorsque ce n’est pas bien, il chante avec une voix grave. Les
expressions du visage accompagnent le chant mais ce n’est pas toujours perçu ou
compris par la personne autiste.
La plupart des professionnels utilisent des supports à la communication. Ce peut être
des pictogrammes, des photos, des dessins, des objets… Cependant cela reste très limité
et très compliqué. Il y a tout un travail d’évaluation des jeunes avant cela pour voir si
c’est envisageable car ils ne savent parfois pas faire le lien entre une image et l’action,
ils ne reconnaissent pas forcément les mêmes choses. Par exemple pour le mot
« manger », l’image d’une assiette va être reconnue par un jeune mais pour un autre
jeune ce sera l’image d’une fourchette. Avant de comprendre cela il y a tout un travail
à faire avec chaque jeune ce qui prend un temps considérable et qui n’est pas fait dans
l’IME dans lequel j’étais en stage par manque de temps, de moyens, de personnel, de
formation …).
12
Un autiste communique la plupart du temps par des gestes, par des cris. Il utilise
souvent l’autre comme un « outil » pour obtenir ce qu’il veut. Par exemple, s’il veut
ouvrir un bocal ou une bouteille, il va prendre la main de l’adulte et la poser sur le
bouchon pour qu’il l’ouvre. Certains jeunes sont verbaux et s’expriment avec des mots
à eux tels que « pain » pour manger », « rompich » pour dormir, « bo » pour boire,
« allo » pour appeler etc. D’autres jeunes ont des problèmes d’articulation des mots. Ils
s’expriment alors mieux par écrit. Ils ont des ardoises pour écrire quand ils le savent ou
pour dessiner.
Cependant, l’ensemble des professionnels se rejoint sur le fait qu’il n’y a pas de vrais
moyens de communication mis à la disposition des jeunes autistes. De plus, certains
outils fonctionnent bien pour un certain nombre de jeunes mais pas du tout pour
d’autres. Certains jeunes n’ont, à l’heure actuelle, aucun moyen de communication du
coup ils sont frustrés car incompris et cela se traduit souvent par des troubles du
comportement. Ce qui ressort aussi de l’analyse de mes questionnaires et de mon
expérience au sein de l’IME est que la communication ne peut quasiment pas se faire si
on ne connait pas la personne autiste. En connaissant le jeune on peut décrypter les
signes, les expressions, les sons, les gestes, les regards… De plus, grâce à cette
connaissance, il se crée un climat de confiance qui aide beaucoup le jeune à se motiver
et à savoir qu’il peut être compris par l’autre et faire ainsi passer un besoin, une envie.
Enfin, le manque de formation et le fait que la population des jeunes autistes soit aussi
hétérogène fait que la communication est difficile et les moyens de communication très
pauvres. Trouver un outil adapté à chacun prend un temps considérable et lorsque
certains outils fonctionnent très bien, comme la langue des signes, c’est souvent le
personnel qui manque de formation et qui se retrouve dans l’incapacité de l’utiliser. Or,
si l’outil n’est pas utilisé par tout le monde, ce n’est plus cohérent pour le jeune autiste.
13

Interdisciplinarité et prise en charge infirmière :
Au niveau de l’équipe, chacun a un rôle précis que ce soit dans l’éducatif ou dans le
médical mais tout le monde est complémentaire : « On ne peut pas travailler les uns
sans les autres. »
La psychologue observe le fonctionnement de l’équipe, les jeunes, les outils mis en
place, l’organisation, les activités. Elle donne son avis sur tout ce qu’elle observe, aide
à la mise en place de nouveaux outils, de protocoles.
Les éducateurs spécialisés sont référents de 4 jeunes chacun. Ils éduquent le jeune
autiste aux gestes de la vie quotidienne, les sociabilisent, ils sont en lien avec les
familles ce qui les aide à mieux connaitre les jeunes dont ils s’occupent.
Le médecin assure le suivi de la santé avec les visites médicales annuelles. Il implique
les familles dans la santé de leurs enfants et le jeune lui-même.
Les moniteurs éducateurs veillent à la mise en place des activités, des groupes
d’activités, à leur bon déroulement en fonction du projet du jeune. Il accompagne au
mieux le jeune dans son projet de vie et veille à son bien-être.
L’infirmière veille au bien-être et à la santé du jeune. Elle soigne les jeunes en cas de
blessures, elle assure la dispensation des thérapeutiques, la surveillance de leur
efficacité et des effets secondaires, elle participe à la prévention (hygiène, sexualité,
surpoids…). Elle travaille également l’habituation du jeune à la salle d’attente, à la prise
de sang ou d’autres soins. L’infirmière accompagne également le jeune pour les rendezvous médicaux à l’extérieur lorsque la famille ne peut pas s’en charger. C’est d’ailleurs
elle qui tient au courant les familles pour les rendez-vous que ce soit à l’IME pour les
visites médicales ou en externe. Elle les reçoit avec le médecin lors des visites
médicales, elle les appelle régulièrement pour donner des nouvelles des enfants etc…
L’infirmière connait bien les enfants, mieux que le médecin qui n’est pas souvent là
(deux fois par semaine pendant 3h). Elle informe donc le médecin sur l’état de santé des
jeunes. Elle joue également le rôle d’intermédiaire entre l’équipe éducative et l’équipe
médicale. Elle comprend les enjeux de l’équipe et sait discuter avec eux, elle a un rôle
de tampon. L’une des infirmières interrogées dit que sa place est centrale car, selon elle,
l’essentiel des troubles du comportement seraient dus à des problèmes somatiques et à
l’incapacité de les exprimer. Son rôle est alors, à l’aide de ses connaissances à la fois
de l’autisme, du corps humain et du jeune, de comprendre ce qui ne va pas. Il faut qu’elle
observe, analyse, démêle, oriente le diagnostic pour le médecin. Elle dit également avoir
14
un rôle de réassurance car elle va « désangoisser » les médecins spécialistes qui n’ont
pas l’habitude de s’occuper d’une personne autiste ce qui va permettre de
« désangoisser » le jeune également.
Lorsque je demande aux deux infirmières en quoi cette prise en charge est différente,
je suis surprise qu’elles me répondent toutes les deux qu’elles apparenteraient cette prise
en charge à de la médecine animale. Elles argumentent cela en disant que c’est dû au
fait que le jeune autiste ne parle pas et n’exprime pas ce qu’il ressent ni où il a mal.
Pour la première infirmière, cette prise en charge n’est pas complètement différente de
la prise en charge d’une autre personne handicapée mentale hors mis le manque de
parole.
Pour la seconde infirmière, la prise en charge de la personne autiste n’est pas différente
de celle d’une personne qui aurait une autre pathologie. Elle dit que l’autisme est une
pathologie comme une autre et que le patient doit donc avoir la même prise en charge
qu’un autre.
Les infirmières que j’ai interviewé adaptent leur prise en charge en réévaluant en
permanence leurs actes, leur posture, leur façon de faire. Elles essayent de nouvelles
choses dès qu’elles le peuvent. Elles mettent un point d’honneur à individualiser leur
prise en charge, en adaptant leurs langages, leurs regards, leurs gestes, le moment de la
journée.
Au sein de l’équipe, chacun à un rôle précis mais tout le monde est complémentaire.
Chacun à sa connaissance du jeune qu’il prend en charge, chacun a une relation
particulière avec lui et chacun partage cela avec le reste de l’équipe au moyen de
réunions hebdomadaires ou encore grâce aux temps informels et aux transmissions.
Cette connaissance partagée du jeune autiste, permise par cette entente interdisciplinaire
et ce partage d’informations, va permettre une meilleure prise en charge du jeune. En
connaissant mieux l’adolescent autiste ils sont plus à même de lui proposer des outils
de communication adaptés, de créer une relation de confiance. Ils reconnaissent mieux
les signes que les jeunes leur envoient, il est alors possible, comme nous l’avons vu, de
discerner les comportements habituels et non habituels et surtout d’éviter tout facteur
d’angoisse tel qu’un bruit trop fort, une lumière trop intense, des aliments qu’ils
n’aiment pas etc.
Tout cela contribue à leur évolution et à leur bien-être diminuant ainsi les troubles du
comportement très violents parfois tant pour l’équipe que pour le jeune lui-même.
15
Cette enquête a été difficile car j’ai eu du mal à rencontrer autant d’infirmières que je
souhaitais au départ (2 au lieu de 3). Cependant l’équipe qui m’a accueillie pendant mon
stage a été très volontaire pour répondre à mes questionnaires. Cette expérience m’a
permis de me rendre compte que mes questions peuvent être un peu redondantes mais
le fait que ce soit un guide d’entretien facilite la fluidité, on n’est pas obligé de suivre
toutes les questions une par une et on peut faire des questions de relance. Cela a
confirmé mon choix du guide d’entretien au lieu du questionnaire.
Cette enquête exploratoire et l’analyse des entretiens que j’ai effectué auprès des
professionnels m’ont permis d’arriver au questionnement suivant : En quoi
l’interdisciplinarité permet-elle à l’infirmière d’adapter sa prise en charge de
l’adolescent autiste ?
Les concepts que j’ai décidé d’exploiter sont l’interdisciplinarité, le projet personnalisé
et la relation soignant-autiste.
16
III) CADRE CONCEPTUEL :
A) L’interdisciplinarité :
J’ai choisi ce concept car mes entretiens et l’expérience que j’ai eue en stage m’ont
aidé à comprendre que la prise en charge d’une personne autiste est avant tout un travail
d’équipe. Définissons tout d’abord les concepts de discipline et d’équipe.
L’approche interdisciplinaire permet à chaque acteur de donner son propre point de
vue en fonction de ce qu’il a appris, de son domaine, donc de sa discipline afin d’éclairer
les autres membres de l’équipe et d’améliorer la prise en charge de l’enfant autiste.
Selon Thomas Samuel Kuhn1, une discipline scientifique est « un ensemble de
connaissances et de compétences construites et standardisées par un groupe de
personnes ayant des intérêts communs en fonction d’un paradigme, pour répondre à
des questions. »
Selon Gérard Fourez2, «la discipline scientifique est une approche des présupposés,
des savoirs (connaissances, compétences) construits et standardisés, par une
communauté scientifique qui, d’une part, se reconnaît comme telle et d’autre part est
reconnue comme telle par la société ». Toujours selon lui, « la discipline scientifique
crée un langage particulier afin d’objectiver ce qu’elle observe ». Ainsi, Gérard Fourez
nous explique que la discipline apporte un regard particulier tel que peuvent par
exemple l’apporter les médecins en parlant de pathologies ou les infirmières en parlant
de soins. Il explique que ces différentes visions mises les unes avec les autres créent la
diversité et donc un point de vue plus ouvert, plus global sur la personne soignée et ce
même si chaque discipline a ses propres valeurs, codes ou langages. Les compétences
de chaque discipline se lient afin d’offrir une meilleure qualité de prise en charge, plus
globale, optimale.
1
Thomas Samuel Kuhn, philosophe américain
Gérard Fourez, philosophe américain, dans « Des représentations aux concepts disciplinaires et à l’interdisciplinarité ». Revue
recherche en soins infirmiers n°66
2
17
Définissons à présent le concept d’équipe, selon le dictionnaire Larousse, l’équipe
est « un groupe de personnes travaillant à une même tâche ou unissant leurs effets dans
le même dessein ».
Selon Abrami Philip C.3, « une équipe peut être définie comme étant un groupe de
personnes interagissant afin de se donner ou d’accomplir une cible commune, laquelle
implique une répartition des tâches et la convergence des efforts des membres de
l’équipe ».
Enfin, selon Pierre Cauvin4, « une équipe est le lieu où se développent les solidarités,
où se renforcent les actions de chacun par le jeu des échanges, où s’unifie l’activité, où
se crée un esprit commun ».
Ainsi, il faut avoir la volonté de dépasser le contexte de sa propre discipline, s’ouvrir à
celle des autres, partager, échanger, communiquer dans le but de créer « un esprit
commun » : l’esprit d’équipe, pour travailler ensemble vers un projet unanime, partagé.
Ce qui m’amène à vous parler du concept d’interdisciplinarité.
Dans le mot « interdisciplinarité » il y a le préfixe « inter » qui signifie « entre », donc
l’interdisciplinarité veut dire « entre les disciplines ». Il s’agit d’une répartition des rôles
entre les disciplines, il y a donc une notion de relation mutuelle entre ces disciplines.
En ce qui concerne les soins infirmiers, et notamment les soins infirmiers au sein d’un
IME, l’interdisciplinarité a toute sa place. En effet, un être humain est un être complexe
qu’il faut voir dans sa globalité, de manière holistique car, comme le dit Montaigne,
« ce n’est pas une âme, ce n’est pas un corps […] c’est un Homme ».
Selon Monique Formarier5, l’interdisciplinarité est « une interaction entre les
disciplines qui peut aller de la simple communication des idées jusqu’à une intégration
mutuelle des concepts directeurs, de l’épistémologie, de la terminologie, de la
méthodologie et des procédures. »
3
Abrami Philip C. – Professeur de recherche – « L’apprentissage coopératif, théories méthodes et activités »
4
Pierre Cauvin, docteur en sciences sociales, dans « La cohésion des équipe, pratique du team building »
5
Monique Formarier, formateur ARSI dans « la place de l’interdisciplinarité dans les soins »
18
Selon Gérard Fourez6, « l’interdisciplinarité émerge face à la conscience des limites
d’une approche disciplinaire et face à un besoin de se donner une représentation
commune, dans un contexte, en vue d’un projet commun ». Toujours selon lui, « le
travail interdisciplinaire est tout sauf le rejet du travail disciplinaire. Ce qui caractérise
l’approche interdisciplinaire c’est, au contraire, l’utilisation méthodique des apports
de diverses disciplines en vue de conceptualiser des situations singulières. »
Selon Steve Fuller7, « l’efficience et l’efficacité des soins se trouvent accrues par la
mise en place
d’un
encadrement
professionnel favorisant
le travail
en
interdisciplinarité […] il suppose une plus grande intercommunication et une
collaboration plus active. »
Autrement dit, l’interdisciplinarité est avant tout basée sur les échanges afin d’enrichir
les savoirs et les connaissances de chacun. C’est une interaction, une collaboration entre
les différents membres de l’équipe sans qu’aucun n’ait un rôle prédominant sur les
autres. Pour cela, il est important que chaque membre de l’équipe, chaque acteur, ait
conscience de sa place, de son rôle ainsi que de la place et du rôle de chacun des autres
membres. On peut dire que l’interdisciplinarité est parfaitement adaptée à l’activité
soignante et à l’activité médico-éducative car la vision interdisciplinaire ne se focalise
pas sur la pathologie, sur le corps, sur l’esprit mais conçoit la prise en charge du patient
(et ici de l’adolescent autiste) dans toute sa complexité en tenant compte de l’importance
de le considérer dans sa globalité. Les membres de l’équipe travaillent en symbiose dans
un but commun : apprendre à connaitre l’adolescent autiste et le prendre en charge de
la manière la plus optimale possible. Ils unissent leurs connaissances pour qu’elles
soient encore plus au service de cette prise en charge. Pour cela il est essentiel de
communiquer, d’échanger, d’analyser, de se repositionner, d’observer, de savoir
recevoir et donner aux autres, de confronter ses opinions, de se remettre en question etc.
Selon Barbara Dufour8, « l’interdisciplinarité permet de tenir compte des différentes
dimensions de la problématique de l’autisme. Elle évite les visions trop réductrices du
problème et permet de prendre en compte la personne dans sa globalité. […] Que reste-
Gérard Fourez : philosophe américain, dans « Des représentations aux concepts disciplinaires et à l’interdisciplinarité ». Revue
recherche en soins infirmiers n°66
7
Steve Fuller, philosophe et sociologue britannique
6
8
Barbara Dufour, enseignante à la faculté Notre Dame de la Paix de Namur
19
t-il de l’intégrité de la personne autiste si l’on considère séparément son corps, son
esprit, son cerveau, son mental… ».
Par l’interdisciplinarité, les différents acteurs (médecin, psychiatre, psychologue,
infirmier, éducateur spécialisé, moniteur éducateur, aide médico-psychologique,
assistante sociale) réfléchissent ensemble à la meilleure prise en charge de l’adolescent
autiste au cours de réunions dites de synthèse. Les membres de l’équipe son prévenus
en début d’année des dates de ces synthèses afin qu’ils se préparent chacun avant le jour
de l’écriture du projet de l’adolescent qui se fait au cours de cette synthèse. Il y en a
deux fois par an pour chaque jeune. C’est au cours de ces réunions qu’ont réellement
lieux les échanges sur chaque jeunes, sur les outils, les objectifs, les actions, les
évolutions. Ainsi, tout le monde se met d’accord sur ce qui a marché, sur ce qui ne
marche pas, sur la manière de faire progresser l’adolescent autiste. Ils apprennent
également les uns des autres. Par exemple, au cours d’une synthèse sur un adolescent
qui n’arrivait plus à être autonome sur l’habillage, la psychologue a proposé à
l’éducatrice de procéder par « chaînage inverse » c’est-à-dire qu’elle lui proposait de
faire des pictogrammes avec les différents vêtements à mettre et d’aider l’adolescent à
s’habiller, selon l’ordre indiqué sur les pictogrammes tout en les lui montrant pour qu’il
fasse le lien puis, après un mois, laisser le jeune s’habiller seul étape par étape.
Autrement dit, la première semaine l’éducatrice devra laisser l’adolescent mettre seul
le premier vêtement, la semaine d’après les deux premiers etc…
Ainsi, le dialogue, l’échange, le partage de connaissances est bien présent au cours
des réunions et contribue à un réel enrichissement de la prise en charge de l’adolescent
autiste. Ces réunions permettent aux différents acteurs d’échanger leurs points de vue
et leurs difficultés. Elles sont animées par le psychiatre et le directeur qui veillent à ce
que chaque acteur ait un temps de parole identique. J’ai trouvé que leur organisation,
au sein de cet IME, était particulièrement bien pensée, chaque interlocuteur respectait
bien le temps de parole des autres, personne ne se coupait la parole, cela allait même
jusqu’à la fabrication d’une « boîte à synthèse » dans laquelle étaient regroupés
plusieurs petits papiers avec l’inscription de la profession des différents acteurs et ces
20
papiers étaient tirés au sort afin que ce ne soit pas toujours le même ordre de prise de
parole. Pour une interdisciplinarité réussie il faut donc de l’organisation, de la régularité,
de la communication mais également de la confiance et du respect entre les membres
de l’équipe. Chacun doit connaître ses propres limites et savoir déléguer certaines
tâches. Il faut également savoir coopérer, s’affirmer, être responsable, suffisamment
autonome et savoir coordonner ses actions.
Cependant, travailler en équipe n’est pas toujours facile. Selon Laurent Mucchielli9, « le
travail d’équipe n’est pas inné. C’est une compétence qui s’apprend, se travaille.
L’efficacité d’une équipe n’est pas seulement affaire de cohésion et d’organisation. Elle
s’appuie sur des règles, une dynamique qui doivent être maîtrisées pour conduire à la
réussite de l’équipe ». Selon Marie-Josée Couchaère10, « quatre qualités sont
indispensables pour travailler en équipe : la cohérence (savoir se faire comprendre par
les autres), la crédibilité (fiabilité vis-à-vis des compétences), la consistance (être
quelqu’un qui tient ses engagements), et la congruence (harmonie entre ce que l’on dit
et ce que l’on fait). ». Selon moi, il faut également que les membres de l’équipe aient
des compétences de base telles que la gestion des émotions, des expressions, le sérieux,
la ponctualité, la régularité, l’auto-disciplinarité, la confiance en soi etc.
Lorsque l’interdisciplinarité fonctionne bien, elle peut être une véritable ressource.
Prenons l’exemple de l’infirmière. Elle n’est pas toujours présente à l’IME (quatre jours
par semaine), elle doit s’occuper à la fois de la section des enfants (qui se blessent
régulièrement) et de la section des adolescents. Elle passe donc à côté de certaines
choses malgré sa très grande implication auprès d’eux et connaît moins bien les
adolescents que les éducateurs spécialisés qui sont plus souvent avec eux. C’est là que
l’interdisciplinarité prend tout son sens et plus particulièrement le dialogue, le partage
d’information, la communication interdisciplinaire. Les éducateurs transmettent à
l’écrit et à l’oral ce qu’il s’est passé lorsque l’infirmière n’était pas là, ils communiquent
également sur les changements de comportements observés, les survenues des cycles
menstruels, les préoccupations sexuelles (masturbation…), les blessures, les ouvertures
aux autres (câlin, parole…). Ils notent également comment se sont déroulées les nuits.
9
Laurent Mucchielli : sociologue français
10
Marie-Josée Couchaère, directrice du département interentreprise du groupe Centor Idep, dans « Travailler en équipe » édition
Ellipses
21
Ainsi, grâce aux réunions, mais également aux transmissions, les informations utiles
sont communiquées et cela aide chaque membre de l’équipe à approfondir sa
connaissance des adolescents permettant ainsi de meilleures prises en charge et des
projets de vie personnalisés et optimisés. Cela m’amène à vous parler du concept de
projet personnalisé.
B) Le projet personnalisé :
Le projet personnalisé, dans le cadre de la prise en charge d’un enfant autiste, n’est
pas « seulement » un projet de soins mais un projet de Vie. Ce projet est réalisé par
l’ensemble de l’équipe pluridisciplinaire et réactualisé au cours des réunions dites de
synthèse.
Pour commencer, parlons du soin à la personne autiste. Selon Jacques Hochmann11:
« Il existe autant de formes d’autisme qu’il y a de personnes autistes, le soin doit
prioritairement être adapté à celui ou ceux à qui il s’adresse. Il y a nécessité d’une
cohérence du projet de soin entre les différents acteurs de soin, la famille, les proches
[…]. Le soin pour être efficace, a continuellement besoin d’être inclus dans une
pratique plus générale de réseau où il vient se confronter avec l’éducation. Il ne s’agit
donc pas de préconiser une démarche ou une autre thérapeutique ou soignante […]. Il
s’agit au contraire d’articuler soin et éducation. »
Ainsi on comprend bien que prendre soin d’une personne autiste est complexe tant les
disfonctionnements et les manifestations autistiques sont variés et différents d’un autiste
à un autre. Il leur faut donc une prise en charge adaptée, cohérente, qui prend en compte
tous les aspects de la pathologie autistique nécessitant une attention et un traitement
particulier. C’est pourquoi le projet personnalisé est effectué par l’ensemble de l’équipe
médico-sociale à savoir le médecin, le psychiatre, le psychologue, les éducateurs
spécialisés, les moniteurs éducateurs, les aides médico-psychologiques, les aidessoignantes, l’infirmière etc.
11
Jacques Hochmann : « Pour soigner l’enfant autiste » Edition Odile Jacob, collection Opus Paris 1997
22
Parlons à présent du projet personnalisé de soins. Il représente la façon dont chacun
des membres de l’équipe médico-sociale souhaite « prendre soin » de l’adolescent
autiste. Chacun a un rôle bien définit avec des objectifs et des actions.
Selon l’HAS, « le projet personnalisé de soins est un outil opérationnel proposé aux
professionnels de santé pour organiser et planifier le parcours de soins des personnes
ayant une ou plusieurs maladie(s) chronique(s). […] C’est un outil de coordination des
différents professionnels participant à la prise en charge […]. Le projet personnalisé
de soins est le support d’une démarche qui vise à assurer une planification coordonnée
et prospective de la prise en charge. »
Selon Brigitte Guerrin12, le projet de soins « représente l’orientation qu’un groupe de
professionnels donne à son action. Le projet prend naissance dans la loi du 31 juillet
1991 portant sur la réforme hospitalière. Dans les établissements accueillant des
personnes pour un long séjour, le projet de soins peut intégrer le projet de vie. »
Cette citation m’amène donc à vous parler du projet de vie. Toujours selon Brigitte
Guerrin, le projet de vie est « en lien avec la loi du 2 janvier 2002. Il est personnel et
singulier, élaboré pour chaque personne. C’est un outil pour préserver l’identité du
résident. »
Le projet de vie, ramené au contexte de l’IME, ressemble un peu à un contrat dans
lequel toute l’équipe participe et s’engage à l’occasion des réunions de synthèse. Le
projet est alors élaboré et optimisé par la présence des différents membres de l’équipe.
Cette manière de concevoir le projet de vie me fait penser à celle du professeur Yves
Boulanger et de l’équipe de l’institut de réadaptation de Montréal. Ils l’appellent « le
Plan d’Intervention Interdisciplinaire Individualisé » ou « PIII ». C’est « un outil de
synthèse qui réunit les observations de l’équipe multidisciplinaire, les attentes du
patient ou de sa famille, les objectifs spécifiques, les actions à mener. ».
Afin de rapporter le concept de projet personnalisé à mon expérience, j’ai choisi de
vous décrire les différentes parties qui constituent le projet personnalisé tel qu’il est fait
dans l’IME dans laquelle j’ai effectué mon stage.
12
Brigitte Guerrin, infirmière cadre de santé et formatrice IFSI
23
Les différentes parties sont les suivantes :
-
Vie quotidienne : autonomie sphinctérienne, repas, dextérité/motricité fine,
temps libres, participation à la vie collective, nuit…
-
Autonomie sociale : connaître son identité, être autonome dans les
déplacements, connaître l’heure, avoir la notion de l’argent, savoir passer un
appel téléphonique, savoir prendre les transports en commun…
-
Relationnel : avec les autres adolescents, avec l’équipe pluridisciplinaire, avec
les gens de l’extérieur, dans la vie intime, affective, sexuelle.
-
Communication : verbale/ non verbale
-
Groupes d’acquisition : emploi du temps, groupes d’acquisition auxquels
l’adolescent participe (piscine, poterie, équithérapie, horticulture, bibliothèque,
marche…)
-
Données sociales de l’année
-
Médical/paramédical
-
Suivi psychologique
-
Suivi psychiatrique
-
Partenariat avec les parents, les proches
Cette dernière partie du projet m’amène à vous parler de la place très particulière de la
famille. La famille fait également partie du contrat et elle doit valider le projet
personnalisé. Cette validation se fait au cours de la réunion dite de « post-synthèse » en
présence du directeur, du psychiatre et parfois de l’éducateur spécialisé référent et de
l’infirmière. C’est donc un véritable « partenariat » avec la famille, une collaboration
famille-équipe. Le projet personnalisé de soins est proposé à la famille et leur
consentement éclairé est recherché. C’est d’autant plus important lorsque l’adolescent
autiste ne parle pas.
24
C) La relation soignant/ adolescent autiste :
« La relation soignant-soigné est une rencontre singulière et unique, elle relève de la
prise de conscience de l’existence de la présence d’un autre être. […] Tous les soins
infirmiers, parce qu’ils s’adressent à une personne ou à un groupe, comprennent une
dimension relationnelle qui peut s’exprimer sous différents aspects de la relation. »13
Selon A. Manoukian14, d’autres facteurs interviennent dans une relation :
-
Les « facteurs psychologiques : principalement les valeurs personnelles, les
représentations, les préjugés, les émotions, les désirs, les enjeux particuliers de
cette communication etc. »
-
Les « facteurs sociaux : l’appartenance à une catégorie professionnelle, à une
classe d’âge, à une culture ainsi que les rôles et fonctions de chacun. »
-
Les « facteurs physiques : les perceptions propres à chacun, l’aspect
physique… »
De plus, selon l’article R4312-2 du code de la santé publique relatif à l’exercice de la
profession d’infirmier : « les soins infirmiers, préventifs, curatifs ou palliatifs, intègrent
qualité technique et qualité des relations avec le malade.»
La relation est la base d’une bonne prise en charge, cependant, dans le cas de la prise
en charge d’un adolescent autiste, cette relation peut être délicate à instaurer. Voyons à
présent les particularités de la relation soignant/autiste.
Comme nous l’avons vu plus haut, l’autisme se caractérise par ce que l’on appelle la
triade autistique. Cette dernière inclus une altération des interactions sociales. Ainsi,
une personne autiste ne va pas vers les autres, elle a tendance à se replier sur soi-même,
à fuir les regards, à fuir toute relation. Pour entrer en relation avec une personne autiste,
il faut d’abord apprendre à la connaître et qu’elle apprenne à nous connaître ou plus
précisément à nous accepter comme faisant partie de son environnement et de l’équipe.
Le soignant doit alors s’investir, c’est le cas de l’infirmière de l’IME qui passe du temps
Collectif SFAP : Daydé M-C, Lacroix M-L, Pascal C, Salabaras C – Relation d’aide en soins infirmiers : « Prendre soin : éthique
et pratiques »- Edition Elsevier Masson
13
14
14 : A. Manoukian avec la collaboration d’Anne Massebeuf – « La relation soignant-soigné » - Edition Lamarre
25
avec les adolescents sur l’internat, elle vient les voir le matin au petit déjeuner, s’installe
avec eux et les éducateurs, leur parle, vient les voir lors des activités, le soir au coucher,
dès qu’elle le peut. Cette infirmière me parlait d’ « apprivoisement » et je pense aussi
que c’est le cas. En effet, au début de mon stage, malgré la connaissance théorique de
l’autisme, le fait que j’étais venue passer quelques heures pour me présenter aux
adolescents et les observer quelques jours avant de commencer le stage et les conseils
que m’avait apporté une amie qui avait également effectué son stage là-bas, je ne me
sentais pas à l’aise, pas à ma place au milieu de ces adolescents. Tout portait à croire
qu’ils ne me voyaient pas. L’infirmière m’avait rassurée en me disant que c’était
normal, qu’au début ils préfèrent concentrer leur attention sur les personnes qu’ils
connaissent, en qui ils savent qu’ils peuvent avoir confiance. De plus, les autistes
n’aiment pas beaucoup le changement et la présence d’une nouvelle personne peut les
angoisser. Dans un premier temps je me suis donc contenté de suivre l’infirmière sur
les temps d’internat afin qu’ils me voient non pas comme une personne étrangère mais
une personne qui connaît l’infirmière et qui fait comme elle. Par la suite, je me rendais
seule sur l’internat, je participais aux activités, aux repas. C’est alors que les adolescents
se sont rapprochés de moi, ou du moins, m’ont accepté et n’étaient plus angoissés à
l’idée que je sois présente dans leur environnement.
Pour eux, j’étais devenue comme les autres membres de l’équipe et j’étais soulagée car
c’est difficile d’être présente sans vraiment l’être. Un des adolescents était même
particulièrement proche de moi, il me montrait ce qu’il faisait, ce qu’il dessinait, me
parlait lorsque je lui donnais les médicaments, me disait « merci Fanny » lorsque je le
soignais. C’est d’ailleurs cette expérience qui m’a amené à me dire que ce lien avec cet
adolescent avait été sans doute facilité par le fait qu’il sache parler. En effet, malgré ses
troubles autistiques il est capable d’instaurer une vraie communication verbale, limitée
mais suffisante pour se comprendre, comprendre certains de ses besoins, ses passions,
son univers. Autant d’éléments qui, selon moi, favorisent une relation. Ce qui ne veut
pas dire que l’on ne peut pas entrer en relation avec un adolescent qui ne parle pas, cela
m’a juste semblé plus difficile. C’est pourquoi j’ai choisi cette population là pour mon
travail de fin d’étude.
26
L’infirmière qui m’a encadré pendant mon stage m’a énormément conseillé. Les
qualités relationnelles d’une infirmière travaillant auprès des autistes sont nombreuses.
En effet, elle doit tout d’abord observer car lorsqu’un adolescent ne parle pas, il faut
pouvoir relever des informations sur son comportement etc. Lorsque l’infirmière reçoit
un adolescent pour un soin, elle fait attention à tout, ne s’occupe plus de ce qu’il y a
autour, elle observe ses gestes, son faciès… Par exemple, un jour l’infirmière accueille
un adolescent pour son injection mensuelle de neuroleptique. En arrivant cet adolescent,
que nous appellerons Steven, a retiré sa chaussure gauche. L’infirmière a alors demandé
à Steven s’il avait quelque chose à lui montrer. Steven s’est mis à se balancer, elle lui a
alors dit de s’allonger pour qu’elle puisse regarder son pied et il avait en effet une
ampoule qui s’était ouverte probablement à cause des frottements. C’est un exemple
parmi tant d’autres mais sans cette capacité d’observation, l’infirmière se serait
probablement focalisée sur le soin initialement prévu à savoir l’injection et serait passée
à côté de la douleur de Steven.
Une autre qualité indispensable à l’infirmière est la disponibilité. En effet, elle doit
faire comprendre aux adolescents qu’elle est là et pour cela sa présence sur l’internat
est très importante. Plus l’infirmière se rend disponible, plus elle passe de temps avec
les adolescents, plus ils se connaissent et une relation de confiance s’installe alors.
Pour être soignant auprès d’adolescent autistes il faut également être authentique tout
en sachant gérer ses émotions car un autiste réagit souvent en miroir, s’il sent qu’on a
peur par exemple, il va également avoir peur.
Enfin, la qualité qui est essentielle selon moi est l’adaptation. Je l’ai mise dans les
qualités relationnelles car chaque relation avec un adolescent autiste est différente. Ils
ont chacun leur manière de fonctionner, leurs particularités et l’infirmière doit adapter
sa manière d’entrer en relation avec eux. Elle doit notamment adapter sa posture, sa
voix, sa manière d’effectuer les soins (avec ou sans lumière, avec ou sans musique, avec
ou sans accompagnateur, avec ou sans médiateur) et adapter sa manière de
communiquer. Je vais donc vous parler d’un élément indispensable à la relation : la
communication.
27
Selon Cabin P et Dortier J-P15, « Nous communiquons pour nouer des relations, pour
partager […]. »
La communication c’est le « fait de communiquer, de transmettre quelque chose »16.
Elle suppose un émetteur, un message et un récepteur. Le but est que le message soit
bien compris, décodé. Cependant, cela n’est pas toujours simple avec une personne
autiste qui ne vous regarde pas, qui ne vous répond pas, qui parfois ne vous entend ou
ne vous comprend pas.
Il existe différents types de communication : verbale et non verbale. Les adolescents
autistes dits « non verbaux » utilisent la communication verbale mais au travers des
sons, de rires, des soupirs, des cris… Parler avec l’adolescent, même si il ne nous répond
pas, est essentiel, notamment au cours des soins par exemple pour leur expliquer ce que
l’on fait afin de diminuer leur angoisse.
La communication non verbale ce sont les gestes, les regards lorsque cela est possible,
les expressions du visage parfois comprises par l’adolescent, la façon de se vêtir (pas
de blouse blanche), les postures du corps avec notamment la notion de distance vis-àvis de leur « bulle ».
Communiquer sans réel échange, que ce soit avec les mots ou avec les regards est
difficile. La médiation a alors toute sa place (musique, objets, chant, pictogrammes…).
Grace à ces médiateurs, autisme et communication ne sont pas indissociables d’autant
plus lorsque l’infirmière connaît bien l’adolescent et le médiateur à utiliser. La
connaissance amène également à la construction de la relation de confiance et cette
relation va permettre aussi de faciliter les échanges car la personne autiste va se sentir
moins angoissée et se repliera moins sur elle-même. Pour finir, je tenais à parler de la
relation que peut entretenir l’infirmière avec la famille de l’adolescent, notamment les
parents. En effet, l’infirmière les appelle régulièrement pour leur donner des nouvelles
de leurs adolescents. Elle cherche également à les investir un maximum dans les rendezvous extérieurs (dentiste, podologue…). Son but étant de maintenir les liens qui sont
parfois altérés par la distance, par l’absence. La présence de l’infirmière auprès des
parents lors de rendez-vous est également importante pour les écouter.
15
Cabin P et Dortier J-P : « La communication : état des savoirs » - Edition sciences humaines
16
Dictionnaire Larousse
28
Souvent, les parents souffrent du manque d’affection, de la violence, de
l’incompréhension de leur adolescent. Ils se sentent coupables, frustrés, impuissants et
ont besoin du soutien de l’infirmière. Les entretiens sont des moments où les familles
se livrent et se libèrent de leurs tensions où ils trouvent des réponses à leurs questions,
où leurs silences sont respectés, leur douleur entendue. Aider à la libération est
essentielle car les parents des adolescents autistes sont une ressource tant pour
l’adolescent que pour l’équipe.
Pour conclure cette partie, je dirai que la relation avec l’adolescent autiste nécessite
beaucoup de patience et de stratégies. Comme dit Howard Buten 17, travailler auprès
d’autistes « exige des efforts importants et difficiles. Important parce qu’il faut tout
réinventer chaque jour, parce que nos efforts doivent être aussi importants […], parce
que rien n’est jamais acquis »
17
Howard Buten : « Il y a quelqu’un là-dedans. » Editions Odile Jacob
29
IV) Hypothèse :
Comme nous l’avons vu, l’autisme est un handicap nécessitant un diagnostic précoce
afin d’apporter aux personnes autistes une prise en charge globale et individualisée le
plus rapidement possible ce qui nécessite une bonne connaissance de la personne
autiste. Mes recherches et mon expérience m’ont montré que cette connaissance
s’acquière principalement grâce au temps passé avec la personne autiste mais également
grâce à la communication et la collaboration interdisciplinaires. Ces dernières
permettent un échange, non seulement, d’informations essentielles à la prise en charge
mais également d’idées, de points de vue différents qui permettent une analyse
approfondie de la situation de la personne autiste. Par cette analyse, chacun des
membres de l’équipe, notamment l’infirmière, va apporter sa prise en charge et ainsi
fournir un projet personnalisé.
Je propose donc comme hypothèse, qu’au sein d’un institut médico-éducatif, la
collaboration interdisciplinaire semble être la garantie d’une prise en charge
optimisée.
30
V) Conclusion :
Une prise en charge pluridisciplinaire, globale, adaptée, effectuée le plus tôt possible
est nécessaire si l’on espère que la personne autiste devienne la plus autonome possible.
Les moyens déployés et les prises en charges sont aussi nombreux que l’équipe est
pluridisciplinaire
(prise
en
charge
médicale,
paramédicale,
éducative,
psychologique…).
L’infirmière a un rôle important auprès des adolescents autistes car la plupart d’entre
eux nécessitent des soins quotidiens (soins de confort, contrôle de l’alimentation, du
poids, prévention, éducation à la santé, administration des thérapeutiques et surveillance
de l’efficacité et des effets secondaires, soins relationnels…). Il est donc essentiel, pour
elle comme pour les autres membres de l’équipe, de parvenir à entrer en relation avec
la personne autiste, d’apprendre à communiquer avec elle. Cela s’acquière avec
l’expérience, la connaissance de l’autisme et des adolescents autistes mais également
grâce à la collaboration et à la communication interdisciplinaire.
Mon expérience en stage m’a amené à me rendre compte qu’entrer en relation avec la
personne autiste n’est pas facile, d’autant plus lorsque cette dernière ne parle pas.
Cependant, l’aide de l’équipe, notamment celle de l’infirmière, m’a permis de dépasser
cette difficulté au moyen de différents supports ou médiateurs. Ils m’ont appris à trouver
et à utiliser le bon médiateur, le bon outil pour le bon adolescent afin d’améliorer les
échanges, de mieux le comprendre, le connaitre et de créer une relation de confiance
avec lui.
Au travers de mes recherches, mes lectures et de tout ce que l’équipe de l’IME m’a
apporté, j’ai pu comprendre que lorsque la prise en charge est optimisée, que les troubles
somatiques sont traités, que les adolescents autistes sont mieux compris, les troubles du
comportement diminuent. Ainsi, il semblerait que cette optimisation permette aux
autistes d’améliorer leurs conditions de vie. Cependant, cela ne se fait pas en un jour et
il ne faut pas oublier que l’on ne « guérit » pas de l’autisme.
Pour finir, je vous propose une citation de Jim Sinclair, personne autiste :
« Être autiste ne signifie pas être inhumain. Cela signifie être étranger. Cela signifie
que ce qui est normal pour les autres ne l'est pas pour moi et ce qui est normal pour
moi ne l'est pas pour les autres. A certains égards je suis très mal équipé pour
31
survivre dans ce monde comme un extraterrestre échoué sur la terre sans manuel
d'orientation. Mais ma personnalité est intacte, ma conscience de moi n'est pas altérée.
Je trouve beaucoup de sens et de valeur à ma vie et je n'ai aucune envie d'être guéri de
moi-même. Si vous voulez m'aider, n'essayez pas de me confiner à une mince partie du
monde que vous pouvez changer pour me caser. Accordez-moi la dignité de me
rencontrer selon mes propres termes. Reconnaître que nous sommes également
étrangers l'un à l'autre, que ma façon d'être n'est pas simplement une version déficiente
de la vôtre. Interrogez-vous sur vos présupposés. Définissez vos mots. Travaillez avec
moi à construire davantage de ponts entre nous. »
32
BIBLIOGRAPHIE
 Livres:
Howard BUTEN : Il y a quelqu’un là-dedans – Edition Odile jacob. 2009.195 pages.
Howard BUTEN : Ces enfants qui ne viennent pas d’une autre planète- Gallimard.
61pages
Gersande et Francis PERRIN : Louis pas à pas – Edition JC Lattès – 230 pages
Sean et Judy BARRON : moi l'enfant autiste – Edition J’ai lu – 315 pages
Josef SCHOVANEC je suis à l'est – Edition Plon – 256 pages
Pierre FERRARI l'autisme infantile- éditions PUF – 127 pages
FORMARIER M : Les concepts en sciences infirmières, ARSI - Edition Mallet
collection
GRIESSER AC : Petit précis d’organisation des soins interdisciplinarité, Edition Lamarre
FORMARIER M : La place de l’interdisciplinarité dans les soins, Recherche en soins
infirmiers n°79, décembre 2004, page 12 à 18
GASSEAU N : L’équipe et l’interdisciplinarité, Soins psychiatrie n°198, octobre 1998,
page 6 à 10
Wendy LAWSON : Comprendre et accompagner la personne autiste » - collection
psychothérapie pathologie
 Sites internet :
Vaincre l’autisme: http://www.vaincrelautisme.org/
Autistes sans frontières: http://www.autistessansfrontieres.com/
Autism support network: http://www.autismsupportnetwork.com/
Centre Ressources Autisme: http://www.cra-mp.info/
SERPSY: http://www.serpsy.org/
Sésame autisme : http://www.sesame-mp.fr/accueil.html
Autisme : la HAS et l’Anesm recommandent un projet personnalisé d’interventions
pour chaque enfant : http://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_1224096/autisme-la-haset-lanesm-recommandent-un-projet-personnalise-dinterventions-pour-chaque-enfant
Autisme france : http://www.autisme-france.fr/autisme-france
Autisme diffusion : http://www.autismediffusion.com/
La maison des oiseaux : http://www.atiredaile.org/
Collectif autisme : http://www.collectif-autisme.org/
Plan autisme 2013-2017 :
http://circulaires.legifrance.gouv.fr/pdf/2014/03/cir_38023.pdf
Autisme et autres TED, interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées :
http://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_953959/autisme-et-autres-troublesenvahissants-du-developpement-interventions-educatives-et-therapeutiquescoordonnees-chez-lenfant-et-ladolescent
Autisme et autres TED : http://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_935617/autisme-etautres-troubles-envahissants-du-developpement
Inserm, dossier d’informations sur l’autisme :
http://www.inserm.fr/thematiques/neurosciences-sciences-cognitives-neurologiepsychiatrie/dossiers-d-information/autisme
Psychiatrie infirmière :
http://psychiatriinfirmiere.free.fr/infirmiere/formation/psychiatrie/enfant/pathologie/au
tiste.htm
Votre
prochain
patient
est
atteint
d’autisme
?:
http://www.autisme-
france.fr/offres/file_inline_src/577/577_P_24082_1.pdf:
Autisme formation : http://www.autisme-formation.net/
Association Nationale des Centres de Ressources Autisme : http://www.autismes.fr/
 Films :
« Temple Grandin » de Mick Jackson
« Rain man » de Barry Levinson
« Elle s’appelle Sabine » de Sandrine Bonnaire
« Adam » de Max Mayer
« Mon petit frère de la lune » de Frédéric Philibert
« Le cerveau d'Hugo » de Sophie Révil
 Articles :
-
Soins psychiatrie : N°283 p6 « lancement des rencontres régionales de
l’autisme » et N°280 p5 « 2012 : année de l’autisme. »
MAZET, P ; HOUZEL D – « Autisme infantile et psychoses précoces de
l’enfant. » Encyclopédie médico-chirurgicale, 2000, pages 1-28.
-
VST. Vie Sociale et Traitement 2009/2 n°102 Olivier Lejeune : « Moi et
l’autisme, moi et les autres. »
-
La vie psychique des personnes handicapées - Véronique Pautrel : « Douleur,
angoisse, plainte : La tienne ? La mienne ? »
-
Organisation mondiale de la santé. CIM-10. « Classification statistique
international des maladies et des problèmes de santé connexes. » 10e révision.
Genève : OMS; 1999.
-
Les autistes hypersensibles aux mini-changements – 2 avril 2013- Inserm :
http://www.inserm.fr/actualites/rubriques/actualites-recherche/les-autisteshypersensibles-aux-mini-changements
-
L’autisme,
grande
cause
nationale
http://www.inserm.fr/content/view/full/50389
2012
–
Inserm-
ANNEXES
Annexe 1 : Guide d’entretien
Annexe 2 : Entretien n°1, Mme C. infirmière de l’IME
Annexe 3 : Entretien n°2 Mme S. infirmière
Annexe 4 : Entretien n°3 Mr J. éducateur spécialisé à l’IME
Annexe 5 : Entretien n°4 Mr C. médecin de l’IME
Annexe 6 : Entretien n°5 Mme B. monitrice éducatrice à l’IME
Annexe 7 : Entretien n°6 Mme M. psychologue des adolescents à l’IME
Annexe 1 :
Le guide d’entretien :
Questions d’introduction :
- Depuis combien de temps êtes-vous diplômé(e) ?
- Depuis quand travaillez-vous ici ?
 Autisme et communication:
- Objectifs :
- Identifier les différentes manifestations autistiques
- Mettre en évidence les difficultés que peuvent rencontrer les enfants autistes dans leur
vie sociale
- Questions :
- Quelles sont les différentes manifestations autistiques que vous avez pu rencontrer ?
(type de comportement, altération des interactions sociales, de la communication…)
- Comment parvenez-vous à entrer en relation avec l’enfant autiste ?
- Parvenez-vous à identifier les besoins, les envies de ces enfants ? Si oui, comment ?
 Stratégies thérapeutiques:
- Objectifs :
- Identifier les différentes stratégies thérapeutiques utilisées dans la prise en charge de
ces enfants
- Mettre en évidence l’importance de ces moyens
- Questions :
- Quels sont les différents moyens de communication que vous utilisez au quotidien
pour vous faire comprendre, pour communiquer avec ces enfants ?
- Quels sont les outils mis à leur disposition afin de leur permettre de se faire
comprendre et de communiquer avec vous ?
- Comment sont mis en place, sont pensés ces outils? Par qui sont-ils trouvés ?
 Pluridisciplinarité de l’équipe :
- Objectifs :
- Identifier le rôle de chacun dans la prise en charge de l’enfant autiste
- Mettre en évidence le fait que la connaissance de l’enfant autiste par les différents
professionnels permet une prise en charge adaptée et cohérente
- Questions :
- Quel est votre rôle et votre place au sein de l’équipe pluridisciplinaire et dans la prise
en charge de l’enfant autiste ?
- Quelles sont les compétences et les savoirs faire nécessaires pour exercer votre
profession ?
- Par quels moyens parvenez-vous à identifier les besoins de chaque enfant ?
- En quoi le fait de mieux connaitre l’enfant permet-elle une meilleure prise en charge
selon vous ?
- Par quels moyens transmettez-vous vos connaissances de l’enfant aux autres membres
de l’équipe ? Dans quel but le faite vous?
 Autisme et relation :
- Objectifs :
- Identifier le rôle et la place de l’infirmière dans la prise en charge de l’enfant autiste
- Avoir le ressenti et le vécu de professionnels
- Questions :
- Quel est votre rôle et votre place dans la prise en charge de l’enfant autiste ?
- En quoi la prise en charge de ces enfants est-elle différente des autres prises en charge ?
- Comment parvenez-vous à entrer en relation avec ces enfants ?
- De quelle façon adaptez-vous votre prise en charge ?
- Par quels moyens et avec l’aide de qui parvenez-vous à approfondir votre connaissance
de chaque enfant ?
- En quoi la connaissance de l’enfant facilite-t-elle la prise en charge de ce dernier ?
Annexe 2 :
Entretien n°1 : Mme C. infirmière
 Questions d’introduction :
- Depuis combien de temps êtes-vous diplômé(e) ?
« Depuis 1983, infirmière »
- Depuis quand travaillez-vous ici ?
« Depuis 1999 »
- Quelle tranche d’âge ont les personnes autistes que vous accueillez ?
« Enfants : 6ans-14ans
Ados : 12ans-20ans »
 Autisme et communication:
- Objectifs :
- Identifier les différentes manifestations autistiques
- Mettre en évidence les difficultés que peuvent rencontrer les enfants autistes dans leur
vie sociale
- Questions :
- Quelles sont les différentes manifestations autistiques que vous avez pu rencontrer ?
(type de comportement, altération des interactions sociales, de la communication…)
« Alors il y a des troubles du comportement, je développerai après j’essaie de structurer
ma pensée, il y a des troubles de la relation, des troubles de compréhension.
En premier je dirais troubles de la compréhension, c’est-à-dire que quand tu poses une
question à un autiste, t’es pas sûr qu’il comprenne ta question et après c’est compliqué
pour lui de te répondre.
Il y a des troubles de la relation qui sont un peu en lien avec les troubles de la
communication. Comment entrer en relation avec un autiste ? Au départ c’est
compliqué parce ce qu’il faut un peu « l’apprivoiser » donc c’est vrai que ça fait partie
des difficultés que l’on rencontre et qui demande souvent un tiers dans la relation,
quelqu’un qui connait bien l’enfant, du quotidien au moins au départ. »
- Comment parvenez-vous à entrer en relation avec l’enfant autiste ?
« Alors avec l'aide d'une personne de son quotidien. »
Question de relance : « Cela peut être un éducateur, un AMP …? »
« Oui, un éducateur, un parent. Ça c’est quand je ne les connais pas bien. Et même
quand je les connais bien j’ai quand même besoin de quelqu’un du quotidien parce que,
des fois, je vais poser des questions, l’autiste ne va pas pouvoir répondre donc c’est
bien que la personne qui l’accompagne puisse répondre à une question par exemple.
Après, ça c’est ce dont j’ai besoin globalement, dans ma relation plus particulière avec
le jeune, j’entre en relation avec le langage, avec un langage très particulier, avec des
mots simples, parfois même aves des ordres concis du style « assieds-toi là » « enlève
tes chaussures ». Donc voilà, je suis plutôt directive, avec tous, avec les conciliants
comme avec les non conciliants. Du coup il me faut assez de patience parce que quand
je donne un ordre il faut que j’attende la réponse. Par exemple si je dis « Enlève ta
chaussure » et que je n’attends pas qu’il enlève sa chaussure, je vais être en décalage,
je vais poser plusieurs questions et je vais me retrouver en grande difficulté. Il faut être
en adéquation avec leur rythme. Quand j’ai une question à poser, comme je sais que
c’est très difficile de répondre, j’essaie de faire une question à laquelle on peut me
répondre oui ou non (langage binaire), ou je demande de me localiser un endroit du
corps en leur proposant moi-même les parties. Si je sens que la question n’est pas
comprise, je m’aide de la personne de confiance présente avec le jeune. Je peux parfois
m’aider de dessins de parties du corps mais ça reste très compliqué, ça ne fonctionne
pas avec tout le monde. De même quand je leur demande de me montrer sur eux où ils
ont mal, ce n’est pas toujours compris. Quand il n’y a pas de mots c’est très compliqué,
donc là du coup on passe à autre chose que le langage, on passe à l’observation. C’està-dire que je vais me servir de l’observation du jeune, de ce que je sais des observations
transmises par les personnes de confiance sur le terrain, des observations que je fais
en réunion de résidents. Du coup mon interrogatoire sur les observations va se faire
auprès des éducateurs : « Qu’est-ce que vous avez observez ? Qu’est-ce qu’il s’est passé
?... »
J’ai plusieurs outils, j’ai l’approche directe avec le langage, j’ai l’observation
indirecte, on va dire, c’est-à-dire mes observations et celles des personnes présentes au
quotidien. Ce sont mes deux grandes aides.
Je peux m’aider également de la musique quand je sens qu’ils sont fatigués ou stressés.
Les pictogrammes, les photos, les dessins, c’est ce qui est le moins efficace à mon avis.
Après ça m’arrive de les utiliser.
Je peux également utiliser une question dans l’immédiateté, c’est-à-dire « Si tu veux
voir le docteur, viens avec moi. » Si il me suit dans le quart d’heure, j’en déduis qu’il
veut voir le médecin.
Il y a plein de petites stratégies comme ça. Certains autistes ont besoin d’être dans
l’immédiateté donc je suis obligé de leur proposer quelque chose de possible ici et
maintenant.
Un autre moyen d’entrer en relation c’est d’être bien présente pour le jeune, de ne pas
discuter avec quelqu’un d’autre pendant le soin par exemple, être attentive aux gestes
qu’il peut faire, à ses réactions. Par exemple une fois un jeune est venu me voir pour
que je soigne sa main, il a retiré ses chaussures, j’en ai déduis que quelque chose le
gênait. Et en effet, il avait un problème au pied. Leur comportement est souvent là pour
me guider, me donner une piste donc je reste vigilante. Tout a de l’importance. »
- Parvenez-vous à identifier les besoins, les envies de ces enfants ? Si oui, comment ?
« Alors, moi je ne suis pas trop dans les envies puisque je suis dans le soin infirmier
donc plus dans le besoin, le besoin de soins. Je sais que sur les groupes il peut y avoir
ma photo en pictogramme, donc l’éducateur peut identifier la demande de soins. Mais
c’est la première étape. Après moi je peux identifier le besoin, parce que le jeune va se
rapprocher de moi lorsque je suis sur le terrain, parce qu’en réunion de résidents il va
m’interpeller d’une manière ou d’une autre. Mais la majeure partie du temps je vais
identifier ses besoins grâce à une tierce personne. Ce sera rarement moi qui vais
l’identifier en direct. Après moi je vais affiner, je vais essayer de savoir ce qui va et ce
qui ne va pas mais je suis au bout de l’entonnoir on va dire.
La connaissance du jeune nous aide également beaucoup. C’est parce que tu le connais
que tu vois qu’il y a quelque chose de différent. Et lui te fait confiance. Un autiste qui
n’a pas confiance ne te guidera pas. Il faut qu’il ait confiance en toi, que tu aies fait
quelque chose qui l’ait rassuré et une fois la relation de confiance installée, c’est bon.
Cela ne veut pas dire qu’il va être « au top » à chaque fois avec toi mais il te fait
confiance. Il sait que tu es capable de faire telles choses, que tu es capable de
comprendre certaines choses et qu’il peut te faire confiance pour ça. »
 Stratégies thérapeutiques:
- Objectifs :
- Identifier les différentes stratégies thérapeutiques utilisées dans la prise en charge de
ces enfants
- Mettre en évidence l’importance de ces moyens
- Questions :
- Quels sont les différents moyens de communication que vous utilisez au quotidien
pour vous faire comprendre, pour communiquer avec ces enfants ?
« Avant tout, le langage, je leur parle. »
- Quels sont les outils mis à leur disposition afin de leur permettre de se faire
comprendre et de communiquer avec vous ?
« Le pictogramme avec ma photo. L’interpellation, en évitant de me taper si possible
mais pourquoi pas. Par exemple, un des jeunes est venu me voir une fois en me rentrant
les ongles dans la main. Les moyens qu’eux utilisent c’est souvent malheureusement les
troubles du comportement. Aujourd’hui on n’a pas de vrais moyens de communication.
On a pas trouvé de vrais moyens de communication à leur offrir et du coup la manière
qu'ils ont la plus efficace de nous interpeller en tout cas ce sont les troubles du
comportement, du moins c'est ce que l'on pense. Parce que quand on est attentifs à ce
qu'ils nous disent il y a moins de troubles du comportement. C'est comme l'histoire du
jeune qui a enlevé sa chaussure, peut-être que si je n'avais pas compris, il se serait
énervé et du coup on se serait dit « ah il s'énerve, c'est qu'il y a peut-être quelque
chose. » »
Question de relance: Et le carnet de S., est ce que cela va se reproduire pour d'autres
jeunes?
« Je ne sais pas, je sais qu'à l'heure actuelle il l'a perdu. On essaie de se pencher sur
des moyens de communication par objets, photos ou pictogrammes. Actuellement il y a
des photos sur les groupes mais à l'infirmerie, je n'ai pas d'outils, j'en avais pendant un
temps, des photos et pictogrammes essentiellement mais ça ne fonctionnait pas
tellement. Je m'en sors beaucoup mieux en les observant. »
Question de relance: Et tu m'avais parlé d'une mise en place d'un tableau photo avec les
parties du corps de chaque jeune, est ce que tu penses l'utiliser prochainement?
« Je ne sais pas encore, je réfléchis. Ce que j'aimerais c'est avoir le même genre de
matériel qu'ils utilisent sur les groupes, donc j'attends de voir si cela marche sur les
groupes avant de le mettre moi-même en place. Avec la même présentation mais plus
ciblée sur le soin infirmier. Pour le moment j'utilise surtout l'observation, le langage et
l'habituation dont je parlerai ensuite.
L'observation est difficile, il faut pouvoir les observer tout en leur parlant. Par exemple
un jeune est mal, il vient nous voir, il faut chercher où il a mal. Je vais lui dire "Est ce
que tu as mal aux yeux... aux oreilles....au bras..." et j'observe ses réactions en fonction
de ces différentes nominations des parties du corps. S'il y a un changement, une réaction
pour une de ces parties du coup ça va m'orienter. Donc il faut être très attentif, ils nous
signifient des choses, il faut pouvoir les capter. Mais vu que pour la plupart le schéma
corporel n'est pas intégré, c'est vraiment difficile de localiser une douleur. Du coup je
n'ai souvent pas d'autres choix que de soulager la douleur avec un antalgique sans
savoir réellement où il a mal. »
- Comment sont mis en place, sont pensés ces outils? Par qui sont-ils trouvés ?
« Là le souci c'est qu’il n’y a pas forcement d'outil au sens strict. Donc je ne peux pas
vraiment répondre à cette question. Mais je dirais que c'est l'équipe qui pense à tout
cela. On ne peut pas travailler seul face à un autiste. Et je pense que pour individualiser
les outils on peut se baser sur les référents de chaque jeune.
Comme outil pour évaluer la douleur j'ai la grille algoplus. C'est moi qui l'ai mise en
place après avis du médecin. »
 Pluridisciplinarité de l’équipe :
- Objectifs :
- Identifier le rôle de chacun dans la prise en charge de la personne autiste
- Mettre en évidence le fait que la connaissance de la personne autiste par les différents
professionnels permet une prise en charge adaptée et cohérente
- Questions :
- Selon vous, quel est le rôle et la place de chacun au sein de l’équipe pluridisciplinaire
et dans la prise en charge de la personne autiste ?
« Alors c'est très compliqué ça. Je trouve que déjà connaitre son propre rôle et sa place
c'est déjà beaucoup. Ce qui est sûr c'est qu'on ne peut pas travailler les uns sans les
autres, c'est un réel travail en équipe pluridisciplinaire. Je te conseille de regarder les
fiches de poste de chacun, cela t'aiderait beaucoup. »
- Par quels moyens vous sont transmises les connaissances de la personne autiste par
les autres membres de l’équipe?
« Alors nous avons une réunion de résidents une fois par semaine, une synthèse une fois
par an, jeune par jeune, réfléchie par les professionnels référents. Ensuite on a le projet
personnalisé et normalement il doit être lu en réunion d'équipe qui a lieu une fois par
semaine après la réunion des résidents. Mais ce n'est pas toujours le cas
malheureusement. »

 Prise en charge infirmière:
- Objectifs :
- Identifier le rôle et la place de l’infirmière dans la prise en charge de la personne autiste
- Avoir le ressenti et le vécu de professionnels
- Questions :
- Quel est votre rôle et votre place dans la prise en charge de la personne autiste ?
« Alors moi j'ai essentiellement un rôle dans le somatique sachant que j'ai mis
longtemps à trouver cette place là, ce n'était pas gagné d'emblée. Et dans la santé
globale c'est à dire que je ne fais pas de la bobologie. C'est plus complexe que cela.
Je suis en lien avec la famille, l'équipe, le médecin, les intervenants extérieurs. J'ai
l'impression que ma place est un peu centrale vu que je pense qu'une grande partie des
troubles du comportement chez les autistes sont dues à des problèmes somatiques et à
l'incapacité de les exprimer. Il faut que j'arrive à observer, analyser, démêler et orienter
le diagnostic pour le médecin, en étant la personne intermédiaire auprès du médecin
quel qu'il soit.
Je peux également « désangoisser » les médecins et les intervenants extérieurs. Je leur
explique comment fonctionne un autiste, comment agir avec eux. Et je « désangoisse »
par la même occasion l'autiste.
Je suis une sorte de médiateur au même titre que l'équipe, que la famille etc.
Pour résumer je dirais que ma place est une place de réassurance. D'ailleurs j'ai
l'impression que lorsqu'on est là il se passe beaucoup moins de choses que lorsque l'on
n'est pas là.
Pour moi la place infirmière est centrale. Le rôle est un vrai rôle de soignant. »
- En quoi la prise en charge de ces personnes autistes est-elle différente de la prise en
charge de personnes ne souffrant pas de ce handicap ?
« Par rapport à des personnes saines la différence c'est que ça se rapproche un peu de
la médecine vétérinaire dans le sens qu'on a en face de soi quelqu'un qui ne s'exprime
pas, qui ne dit pas ce qui ne va pas, avec qui on ne peut pas échanger et qui peut parfois
être agressif. Du coup il faut apprendre d'autres systèmes pour entrer en relation.
De plus ils ont vraiment un problème de représentation corporelle. Du coup même avec
la meilleure volonté du monde parfois on a pas d'autre choix que de leur faire passer
des examens plus approfondis pour comprendre.
Autre caractéristique, le langage que l'on doit utiliser: pas de second degré, mots
simples, phrases courtes. Je pense de plus en plus que lorsque l'on parvient à parler
avec des autistes alors on peut parler avec tout le monde. C'est une bonne école. »
- Par quels moyens et avec l’aide de qui parvenez-vous à approfondir votre connaissance
de chaque personne autiste ?
« En questionnant l'entourage, en faisant le travail d'habituation, par des petits soins,
par des rencontres sur les groupes de vie, par les réunions de résidents et en me faisant
repérer comme infirmière c'est à dire que je fais partie de l'équipe et ils peuvent, les
autistes, m'interpeller. En étant disponible, je passe plus de temps avec eux et donc
j'apprends à les connaitre. Je les reçois pendant plusieurs jours de suite lorsqu'ils ont
un "bobo" ou autre. Au départ j'utilisais beaucoup ce que me disaient les éducateurs,
ils m'aidaient à mieux connaitre chaque jeune. Tout comme moi je le fais avec toi. Je
t'apprends des choses sur les jeunes, tu t'aides de moi pour en savoir plus. »
- En quoi la connaissance de la personne autiste facilite-t-elle la prise en charge de ce
dernier ?
« Comme le travail est en grande partie de l'observation, on va noter ce qui change
d'habitude. Or si tu ne connais pas les habitudes tu ne peux pas noter de changements.
Ça va te servir à décrypter les changements de comportement ou les signes envoyés
etc. »
- De quelle façon adaptez-vous votre prise en charge ?
« Je l'adapte déjà individuellement à chacun. J'adapte mon comportement, mon
langage, mon positionnement dans l'espace, mon regard. D'où l'importance de bien les
connaitre.
Je l'adapte également au moment, si un jeune n'a pas envie ou n'a pas le temps de me
voir je reporte, je recherche la coopération à 100%. »

Annexe 3:
Entretien n°2 : Mme S. infirmière
Questions d’introduction:
- Depuis combien de temps êtes-vous diplômé(e)?
« 29 avril 2011 »
- Depuis quand travaillez-vous ici?
« 16 mai 2011, bientôt 3 ans déjà. »
- Quelle tranche d’âge ont les personnes autistes que vous accueillez?
« Alors mon service accueille des patients âgés de 18 à 60ans atteints de psychoses
infantiles vieillissantes (dont des autistes ou des patients atteints de troubles
autistiques) ou de pathologies mentalement déficitaires (arriération mentale,
schizophrénie déficitaire). C'est un service d'hospitalisation psychiatrique mais j’ai
déjà travaillé au sein d’un IME. »

 Autisme et communication:
- Objectifs:
- Identifier les différentes manifestations autistiques
- Mettre en évidence les difficultés que peuvent rencontrer les personnes autistes dans
leur vie sociale
- Questions:
- Quelles sont les différentes manifestations autistiques que vous avez pu rencontrer?
(type de comportement, altération des interactions sociales, de la communication…)
« Il y a tellement de manifestations autistiques ! Je ne sais même pas par quoi
commencer. Tout d'abord l'isolement autistique (le repli autistique comme chez les
schizophrènes), les autistes sont dans leur bulle. Ils ont du mal avec le contact avec les
autres. Ensuite l'immuabilité. Pour un autiste rien ne doit bouger, changer. Tout doit
rester comme il est sinon c’est la crise d'angoisse assurée. Puis le déficit intellectuel
mais en fonction de la prise en charge, des patients, de l'environnement il peut être plus
ou moins élevé. Par exemple un autiste asperger est souvent ultra intelligent. Ensuite il
y a les problèmes d'interaction sociale. Un autiste ne fait pas la différence entre lui, les
autres, l'extérieur. Par exemple un autiste qui veut demander quelque chose va prendre
la main de son interlocuteur pour montrer un objet; le bras de l'autre est la continuité
de son bras. Il y a aussi les troubles de la communication, un autiste (un vrai, qui n'a
pas été pris en charge) ne parle pas, il émet des sons, des cris. Ensuite dans le désordre
en troubles autistiques tu as tous les rituels (faire toujours le même parcours pour aller
à un endroit, s'asseoir toujours à la même table...), les mouvements ritualisant ("battre
des ailes" avec ses bras, se balancer, tourner sur soi-même, marcher sur la pointe des
pieds...), les comportements auto et hétéro agressifs (automutilations), tous les troubles
alimentaires (mange son vomi, choisis des aliments, ne mâche pas, se gave...), les
troubles sphinctériens (incontinence ou au contraire constipation car un autiste joue
beaucoup avec le vide/plein)... en fait la liste est tellement longue et variable des signes
autistiques. Ah oui j'allais oublier le 1er signe visible à la naissance : la fuite du regard.
Un vrai autiste ne regarde pas dans les yeux, il détourne toujours le regard. Alors qu'un
patient avec trouble autistique peut regarder dans les yeux parfois. »
- Comment parvenez-vous à entrer en relation avec la personne autiste?
« C'est difficile mais faisable avec beaucoup de patience. Sinon et bien on communique
par la voix, par des pictogrammes, par des gestes. C’est très varié. »
- Parvenez-vous à identifier ses besoins, ses envies? Si oui, comment?
« Très difficilement. Je compare souvent la prise en charge des patients autistes avec
la médecine animale : la personne a mal quelque part mais ne le dis pas. Il faut
chercher, tester et des fois tu mets des jours ou des semaines à savoir ce qu'il veut.
Certains peuvent exprimer leurs besoins, leurs envies, mais pas tous. Cela dépend aussi
de comment ils ont été pris en charge plus tôt. Certains autistes ont pu avoir accès au
langage par des prises en charge aba, teach, denver... »

 Stratégies thérapeutiques:
-Objectifs:
- Identifier les différentes stratégies thérapeutiques utilisées dans la prise en charge de
ces personnes
-Mettre en évidence l’importance de ces moyens
- Questions:
- Quels sont les différents moyens de communication que vous utilisez au quotidien
pour vous faire comprendre, pour communiquer avec les personnes autistes?
« La parole. Ne jamais oublié qu'un autiste est une personne et entend tout ! Sinon les
gestes, les pictogrammes (les pictogrammes c'est super) »
- Quels sont les outils mis à leur disposition afin de leur permettre de se faire
comprendre et de communiquer avec vous?
« Idem au-dessus. Pictogrammes, langage, gestes. Certains patients parlent par mot ou
son. Par exemple "rompich"=dormir, "pain"=manger, "bo"=boire, "allo"=appeler... »
- Comment sont mis en place, sont pensés ces outils? Par qui sont-ils trouvés?
« Normalement il existe des formations par exemple pour les pictogrammes. Mais nous
dans mon service on fait un peu comme on peut, avec les moyens du bord. Certains
patients arrivent en hospitalisation avec déjà des moyens de communication comme les
pictogrammes, nous on fait juste continuer ce moyen. »



 Pluridisciplinarité de l’équipe:
-Objectifs:
- Identifier le rôle de chacun dans la prise en charge de la personne autiste
- Mettre en évidence le fait que la connaissance de la personne autiste par les différents
professionnels permet une prise en charge adaptée et cohérente
- Questions:
- Selon vous, quel est le rôle et la place de chacun au sein de l’équipe pluridisciplinaire
et dans la prise en charge de la personne autiste?
« Mon équipe est composée de : 1 médecin psychiatre, 1 médecin généraliste, 6 ide, 10
aides-soignants, 2 aide médico-psychologique, 2 ASH, 1 psychologue pour le personnel
qui vient 1h tous les vendredis, 1 psychologue pour les patients qui vient tous les lundi
matin. Ensuite nous avons 1 assistante sociale, 1ide+1éducateur sportif pour le sport
adapté, 1 musicothérapeute, 1 art-thérapeute. Après chacun a un rôle précis mais on
est tous complémentaires. Ce sont les médecins qui décident des traitements, des prises
en charges; les AMP eux font les activités surtout et sont plus dans l'éducatifs. Alors
que nous infirmières et AS sommes plus dans le soin, du coup ça créé pas mal de
tensions. »
- Par quels moyens vous sont transmises les connaissances de la personne autiste par
les autres membres de l’équipe?
« Des formations. On a une ide du service qui a fait une formation sur l'autisme. Sinon
on essaye de se passer des livres, des films pour être formé. J’ai demandé une formation
cette année sur l'autisme mais je ne sais pas si je l'aurai vu le peu de moyen de l'hôpital
public. »

 Prise en charge infirmière:
- Objectifs:
- Identifier le rôle et la place de l’infirmière dans la prise en charge de la personne autiste
- Avoir le ressenti et le vécu de professionnels
- Questions:
- Quel est votre rôle et votre place dans la prise en charge de la personne autiste?
« Mon rôle est surtout médical. Je suis là pour bien veiller à la prise du traitement, à
faire le lien entre les as/amp et les médecins (enfin faire souvent le tampon), faire tous
les soins (pansements, lavements...). Je participe également aux soins de nursing (une
heure de toilette tous les matins), à participer aux activités et aux sorties. En fait mon
rôle n'est pas facile. Déjà les patients nous voient, nous ide, comme le mauvais objet
car c'est nous qui donnons les traitements, qui faisons les soins qui font mal, qui mettons
en place les isolements et contentions. Et ça les patients le savent ! Alors que les amp
par contre ont le beau rôle : les activités, les sorties... et puis c'est nous qui devons dire
aux médecins quand ça ne va pas, c'est nous qui devons essayer de faire le lien entre
tous et ce n’est pas facile. L’ide est souvent au cœur des conflits car une équipe va dire
"tel patient va bien" et les autres "ah non ça ne va pas" et on doit faire tampon. »
- En quoi la prise en charge de ces personnes autistes est-elle différente de la prise en
charge de personnes ne souffrant pas de ce handicap?
« Pour moi c'est la même prise en charge et à la fois différente. La même car ce sont
des patients comme les autres. L’autisme au même titre qu'un cancer, qu'un diabète,
c'est une pathologie, handicapante certes mais une pathologie donc le patient doit avoir
la même prise en charge qu'un autre. Après différente car bien sûr ce sont souvent des
patients qui ne parlent pas donc difficile de savoir ce qu’ils veulent, où ils ont mal... »
- De quelle façon adaptez-vous votre prise en charge?
« Ben comme on peut. Si quelque chose marche tant mieux. Si ça ne marche, on réévalue
et on essaye autre chose. On n'a pas d'autre moyen. »
- Par quels moyens et avec l’aide de qui parvenez-vous à approfondir votre connaissance
de chaque personne autiste?
« Ben la famille ou les anciennes structures où ont été les patients, eux nous apprennent
beaucoup sur les patients. Sinon et bien on observe. L’observation est primordiale pour
comprendre quelqu'un quel qu'il soit. Ensuite les médecins et les psychologues nous
apportent beaucoup sur la pathologie autistique. Et enfin et bien, se renseigner soimême, lire, voir des films, des reportages ou faire des formations. »
- En quoi la connaissance de la personne autiste facilite-t-elle la prise en charge de ce
dernier?
« On reconnait plus vite les signes, on peut mettre en place de nouvelles choses
(nouveaux moyens de communication par exemple ou de prise en charge de
l'automutilation), on peut les aider à évoluer, à calmer leurs angoisses. Et pourquoi pas
à l'extrême à les sortir un peu de leur autisme. »
Annexe 4 :
Entretien n°3 : Mr J. Educateur spécialisé
Questions d’introduction :
- Depuis combien de temps êtes-vous diplômé(e) ?
« Cela fera 3ans en juin. »
- Depuis quand travaillez-vous à l’IME?
« Ça fait 2ans. »
- Quelle tranche d’âge ont les personnes autistes que vous accueillez ?
« Enfants : 6ans-14ans
Ados : 12ans-20ans »
 Autisme et communication:
- Objectifs :
- Identifier les différentes manifestations autistiques
- Mettre en évidence les difficultés que peuvent rencontrer les personnes autistes dans
leur vie sociale
- Questions :
- Quelles sont les différentes manifestations autistiques que vous avez pu rencontrer ?
(type de comportement, altération des interactions sociales, de la communication…)
« On va dire qu’il y a autant de manifestations qu’il y a d’autistes. On retrouve les trucs
classiques, les stéréotypies, les écholalies, les intérêts restreints, le retrait, il y a aussi
des sortes de toc… »
- Comment parvenez-vous à entrer en relation avec la personne autiste ?
« C’est difficile à définir comme ça. J’ai la sensation que la relation elle se fait à deux
donc ce n’est pas que moi qui entre en relation, c’est aussi lui ou elle qui entre en
relation ou du moins qui m’en donne la possibilité. Avec certains ça va être plus
compliqué qu’avec d’autres. Il ne faut pas en avoir mais je sais que moi j’ai un
chouchou. Ce qui est négatif dans ce terme c’est qu’en général le chouchou on le
favorise. Or, moi, mon chouchou je ne le favorise pas, c’est juste que le courant passe
mieux, on se comprend mieux.
Il faut rester soit même, resté congruent, essayer de le mettre en confiance. Cette mise
en confiance selon moi est d’autant plus importante lorsque l’enfant est autiste du fait
de leur problématique d’enfermement, de repli sur soi…Si la personne autiste a décidé
qu’elle ne rentrerait pas en relation avec nous il est clair qu’elle ne le fera pas.
Maintenant nous on a la chance d’être une équipe nombreuse donc il y en a toujours
un avec qui ça passera mieux, ou qui trouvera le petit truc qui va faire que, la petite
amorce (autour de la nourriture, le jeu etc…) »
- Parvenez-vous à identifier ses besoins, ses envies? Si oui, comment ?
« Alors c’est très difficile. Je suis même certain de souvent passer à côté de leurs besoins
et envies. Je pense que très souvent on interprète nous en fonction de ce que nous on
imaginerait avoir envie ou besoin. Au fur et à mesure qu’on les connait on arrive à
reconnaitre certaines choses. Certains vont être capables de faire des demandes.
L’essentiel c’est vraiment la connaissance des jeunes, l’observation, de voir un peu
comment ils se comportent, de décrypter des signes mais avec des autistes on est tout le
temps dans l’observation, l’analyse et l’hypothèse. Je pense que la plupart du temps on
arrive à trouver plus ou moins mais je pense qu’on se plante aussi assez souvent et
qu’on projette des besoins qui ne sont pas les leurs. »

 Stratégies thérapeutiques:
- Objectifs :
- Identifier les différentes stratégies thérapeutiques utilisées dans la prise en charge de
ces personnes
- Mettre en évidence l’importance de ces moyens
- Questions :
- Quels sont les différents moyens de communication que vous utilisez au quotidien
pour vous faire comprendre, pour communiquer avec les personnes autistes ?
« Ici on en a très peu, à l’époque ils fonctionnaient un peu avec des pictogrammes. Mais
moi j’utilise surtout l’observation, l’écoute, le langage simple, les ordres. »
- Quels sont les outils mis à leur disposition afin de leur permettre de se faire
comprendre et de communiquer avec vous ?
« Il y a les pictogrammes. Je pense que pour certains jeunes c’est très bien mais que
c’est pas du tout adapté à d’autres jeunes. Un de nos jeunes avait un carnet de
pictogrammes et de photos pour demander par exemple à boire, à manger, à se laver…
c’est un jeune chez qui cela fonctionne bien car il est intelligent et il a facilement repéré
que le fait de montrer la photo lui apportait une réponse à son envie, son besoin. Pour
d’autres jeunes c’est encore beaucoup trop abstrait. On n’est pas sûr de ce qu’ils
comprennent réellement. On ne sait pas si la photo ou le pictogramme fait réellement
sens pour eux.
A l’heure actuelle moi sur mon groupe, des outils de communication on n’en a pas trop
si ce n’est que l’observation, la parole.
On a aussi le bâton dit de parole, que les jeunes s’échangent lorsque l’on fait le temps
de parole en table ronde. Ils savent que quand ils ont ce bâton ils peuvent s’exprimer,
avec ou sans mots et c’est alors à nous d’observer, d’analyser, de tacher de
comprendre. »
- Comment sont mis en place, sont pensés ces outils? Par qui sont-ils trouvés ?
« Alors, ici c’est un peu chacun se débrouille comme il le peut. Maintenant dans la
logique, je prends l’exemple du petit calepin de l’un de nos jeune, moi je n’ai pas été
associé à ce projet si ce n’est en réunion lorsque l’on décidait en fonction de la photo
le mot à associer. Je pense que logiquement ça devrait être travaillé en réunion
d’équipe. Si c’est par exemple un AMP qui va trouver un outil, il va en parler en réunion
AMP et ensuite en réunion d’équipe puis présenté au jeune ensuite. Mais ce n’est pas
toujours le cas, on est nombreux, ce n’est pas toujours évident de se concerter. Tout le
monde n’est pas forcément présent aux réunions d’équipe donc c’est parfois fait chacun
dans son coin. Apres c’est souvent présenté en équipe et discuté, quand même.
Par contre je trouve que l’on manque de formation, sur par exemple la méthode pecs,
la langue des signes.
L’autre problème c’est qu’on est une grande équipe, il y aura toujours des personnes
qui ne se sentiront pas concerné, qui ne s’impliqueront pas autant parce que le jeune
ne fait pas partie de son groupe ou encore parce qu’il n’a pas été présent à la réunion
lorsqu’on en a parlé et qu’on lui a transmis peut être trop en coup de vent
l’information… »


 Pluridisciplinarité de l’équipe :
- Objectifs :
- Identifier le rôle de chacun dans la prise en charge de la personne autiste
- Mettre en évidence le fait que la connaissance de la personne autiste par les différents
professionnels permet une prise en charge adaptée et cohérente
- Questions :
- Quel est votre rôle et votre place au sein de l’équipe pluridisciplinaire et dans la prise
en charge de la personne autiste ?
« Je suis éducateur spécialisé (ES). En tant qu’éducateur j’ai un rôle d’éducation à la
vie quotidienne. Mais en vrai je fais aussi un peu le boulot d’aide médico psychologique
(AMP), de moniteur éducateur (ME). Au final, AMP, ME et ES on fait tous un peu le
même boulot. Le seul truc que je fais et que les autres ne font pas ce sont les écrits. Tous
ce qui est protocole, projet personnalisé c’est moi qui l’écris et qui le présente ensuite
en réunion. Mais ça n’empêche pas que j’écoute toujours les idées des autres avant
d’écrire. On le travaille ensemble mais c’est moi qui prends en charge cette écriture et
la présentation. On est un peu le coordinateur, l’observateur, mais on n'a pas une place
à part. Du moins, moi j’ai choisi de ne pas en avoir une à part. Si je voulais rester bête
et méchant je ne ferais que mon métier selon ma fiche de poste mais je préfère aider
mes collègues ME et AMP. Par contre au niveau du suivi des jeunes qui sont partis,
pendant 3ans, c’est que nous. Le lien avec les familles aussi, ça va être plus nous que
les AMP ou les ME. »
- En quoi le fait de mieux connaitre la personne autiste permet-il une meilleure prise en
charge selon vous ?
« Ben moi je reste quand même septique. Pour moi, connaitre la personne autiste c’est
un bien grand mot. On connait ce qu’il ou elle veut bien nous dévoiler, nous montrer.
Mais souvent, quand je les observe je me dis « Mais à quoi il pense ? ». J’aimerais
parfois être dans leurs têtes pour savoir ce qu’ils pensent, mais pas trop longtemps
parce que je pense que cela me ferai peur. Pour vraiment avoir une idée de ce qu’il s’y
passe, de comment ils nous perçoivent, comment ils se perçoivent.
Ensuite je sais dissocier un comportement qui va être normal pour tel ou tel jeune d’un
comportement anormal. Mais il y a des jeunes pour lesquels on ne sait toujours pas
pourquoi tel ou tel comportement anormal se déclenche. Un de nos jeunes a tendance
à déchirer ses vêtements, parfois on le change 5 à 10 fois par jour. Il va se mettre à
déchirer sans que l’on ne sache pourquoi et peu importe le lieu, une fois il l’a fait en
voiture alors que cela faisait 30min que l’on roulait et que rien d’anormal, du moins
pour nous, ne s’est passé. On est incapable, même après des années, de savoir pourquoi
il fait cela. Est-ce qu’il déchire parce qu’il est angoissé, parce qu’il s’ennuie, parce
qu’il veut de l’attention, parce que ça le gène… ? C’est très compliqué de comprendre,
et pourtant je connais très bien ce jeune, c’est mon chouchou. Comme quoi, on peut
connaitre un jeune mais quand même passer à côté de pas mal de chose, ce qui fait
qu’au fond, on ne le connait pas vraiment. C’est ce qui est intéressant dans notre métier
avec cette population-là, on se remet perpétuellement en question, on est toujours en
train de réfléchir. »
- Par quels moyens transmettez-vous vos connaissances de la personne autiste aux
autres membres de l’équipe ? Dans quel but le faite vous?
« Les réunions, quand on se croise, les moments sur le groupe. »
 Prise en charge infirmière:
- Objectifs :
- Identifier le rôle et la place de l’infirmière dans la prise en charge de la personne autiste
- Avoir le ressenti et le vécu de professionnels
- Questions :
- Selon vous, quel est le rôle et la place de l’infirmière au sein de l’équipe
pluridisciplinaire et dans la prise en charge de la personne autiste ?
« Je pense qu’elle est indispensable. Déjà de base parce que c’est plus que nécessaire
pour tout ce qui est petits soins, l’infirmière est plus à même que nous à savoir les petits
gestes à faire, quel pansement, quelle crème, doliprane ou non etc… En plus moi les
traitements ça me fait peur. J’ai toujours peur de ne pas donner le bon, ou la bonne
dose. Du coup ça me rassure que l’infirmière fasse les piluliers, je l’appelle avant de
donner un « si besoin »… En plus on a la chance d’avoir une infirmière passionnée par
l’autisme, qui a elle-même un fils autiste, et qui a une grande connaissance de l’autisme.
Du coup elle nous apporte beaucoup aussi à ce niveau-là. Je ne comprends pas les lieux
où il n’y a pas une infirmière tous les jours. »
Annexe 5 :
Entretien n°4 : Mr C. médecin
Questions d’introduction :
- Depuis combien de temps êtes-vous diplômé(e) ?
« Depuis 4ans, depuis 2010. »
- Depuis quand travaillez-vous ici ?
« Depuis 3ans »
 Autisme et communication:
- Objectifs :
- Identifier les différentes manifestations autistiques
- Mettre en évidence les difficultés que peuvent rencontrer les personnes autistes dans
leur vie sociale
- Questions :
- Quelles sont les différentes manifestations autistiques que vous avez pu rencontrer ?
(type de comportement, altération des interactions sociales, de la communication…)
« Ici on a des manifestations qui sont très diverses. Ça dépend de la sévérité de la
maladie, du fait que ce soit associé ou non à un retard sévère ou à d’autres pathologies
comme l’épilepsie. Ce qu’on rencontre surtout ici c’est un certain repli, souvent aussi
il y a des intérêts restreints et puis après, les troubles du comportement, des difficultés
à entrer en relation… ce que moi j’identifie de ma place c’est par exemple la difficulté
à avoir une conversation soutenue on va dire, avoir du mal à capter un regard, des
difficultés à comprendre parfois le sens de ce qui est demandé, des difficultés à avoir
un second degré par exemple, ce qui peut parfois induire des incompréhensions avec
les personnes avec qui on parle. Après il y a des troubles qui peuvent être un peu plus
importants, des agitations, des automutilations, de l’hétéro agressivité, des difficultés
à exprimer toute sorte de choses telles que la douleur, les problèmes somatiques
(constipation, problèmes orl…) donc des difficultés à comprendre leurs besoins, leurs
problèmes. La plupart n’ont pas de langage parlé, et même avec d’autres moyens
parfois c’est très limité, chez nos jeunes en tout cas. »
- Comment parvenez-vous à entrer en relation avec la personne autiste ?
« C’est surtout le fait de les voir souvent, les connaitre de mieux en mieux, de travailler
avec des personnes qui les connaissent mieux. L’infirmière en premier lieu parce que
c’est avec elle que je travaille tout le temps, et aussi les éducateurs bien sûr qui sont au
contact des jeunes au quotidien. Il y a aussi les médecins psychiatres, mes collègues. Et
puis effectivement, certains jeunes, ceux qui n’ont pas accès au langage ça peut
prendre, 10, 15, 20 consultations avant de cerner un petit peu mieux les choses ou pas.
Il y a deux de nos jeunes avec qui c’est vraiment très compliqué. »
- Parvenez-vous à identifier ses besoins, ses envies? Si oui, comment ?
« Heu, je dirais non. Enfin, je dirais non de manière générale hein. De ma place c’est
très complexe. Seul non. Disons que, je parviens à identifier le fait que parfois ils
viennent me voir moi parce qu’ils ont un problème donc ça c’est positif puisque ils
arrivent à dire les choses, ils connaissent ma place, mon rôle, et ça c’est sûr que d’un
point de vue de la communication ils savent qu’ils peuvent venir quand il y a un
problème pour certains. Par contre c’est difficile. Ceux qui s’expriment le mieux oui
j’arrive à comprendre où ils ont mal par exemple… Il y en a d’autres c’est beaucoup
plus compliqué parce qu’ils ne s’expriment que d’un point de vue comportemental, on
ne sait pas s’il s’agit d’un mal être ou d’une difficulté particulière ou alors d’un trouble
plus somatique. Et on essaie de faire la part des choses avec des échelles etc. mais pour
l’instant on n’a pas trouvé encore un élément qui marche à coup sûr, on s’adapte
vraiment à chaque jeune. »


 Stratégies thérapeutiques:
- Objectifs :
- Identifier les différentes stratégies thérapeutiques utilisées dans la prise en charge de
ces personnes
- Mettre en évidence l’importance de ces moyens
- Questions :
- Quels sont les différents moyens de communication que vous utilisez au quotidien
pour vous faire comprendre, pour communiquer avec les personnes autistes ?
« Moi directement je n’ai pas de stratégies qui sont très élaborées pour être honnête.
J’explique le but des visites à chacun des jeunes, leur déroulement. J’essaie de faire ça
en début de consultation, pour qu’ils aient une marche à suivre, leur donner un repère
temporel. Ils ont déjà le repère géographique puisqu’ils se déplacent jusqu’au bureau
médical. On a aussi deux pièces bien séparées, une pour le temps des questions avec la
famille et l’autre pour le temps de l’exploration. Ils ont également un petit pictogramme
« médecin » qui leur est montré pour les visites médicales et ces dernières sont toujours
programmées. Après les stratégies c’est effectivement de parler le plus simplement et
calmement possible, être apaisant…Mais je n’ai pas de stratégie de communication qui
a réellement été réfléchie et discutée en équipe. »
- Quels sont les outils mis à leur disposition afin de leur permettre de se faire
comprendre et de communiquer avec vous ?
« Cela dépend. Il y a différents outils suivant si on est sur la section des enfants ou des
ados. Ils ont la réunion des résidents chez les ados qui leur permet de communiquer
s’ils en ont envie, ils ont la possibilité de se rendre ici par exemple, ils ont des
pictogrammes mais je ne sais pas s’ils s’en servent trop chez les ados… (Regard vers
l’infirmière qui dit : « Ben pour l’instant c’est vrai que ce n’est pas trop élaboré, on est
en train de les mettre en place. ») Mais c’est vrai que pour l’instant c’est surtout le
biais de l’habituation, le fait de répéter les consultations pour que les demandes se
fassent de plus en plus facilement parce que c’est parfois très difficile, je pense aux
émotions, aux éléments extérieurs qui viennent complètement parasiter la consultation,
parfois on comprend ce que c’est parfois on ne peut pas du tout comprendre (un bruit
une image etc.) et s’inscrire dans la régularité permet aussi de faire mieux émerger les
demandes. Chez les enfants on a certains jeunes qui utilisent le cube d’expression là tu
sais (regard vers l’infirmière qui répond : « Oui, le go talk 9 mais ça ne marche pas
très bien »). C’est vrai qu’ici on n’utilise pas trop à ma connaissance de technique de
communication et je pense que c’est vraiment un problème. Je suis médecin généraliste
mais j’aimerais bien être formé au même titre que l’équipe à ces techniques de
communication. (Intervention de l’infirmière : « Moi je pense qu’on devrait tous
apprendre la langue des signes. Parce que ce que je vois moi de ceux qui sont autistes
non verbaux, ils refusent les moyens de communications qu’on leur propose. J’avais
fait un carnet pour un de nos jeunes il n’en a jamais voulu… »). Oui et puis on a un de
nos jeunes qui s’exprime parfois mieux par écrit que par oral alors on lui laisse une
ardoise et un stylo pour qu’il écrive, qu’il dessine… mais encore une fois ça reste très
personnalisé, on a une population très hétérogène et pas forcément d’outil pour
chacun… »
- Comment sont mis en place, sont pensés ces outils? Par qui sont-ils trouvés ?
« Ben pour l’instant c’est effectivement au cas par cas. C’est intéressant parce qu’on
essaie de cerner les besoins de chaque jeune. L’impression que j’ai c’est qu’il faudrait
quand même un langage commun et qu’après, en fonction de ce langage-là, pouvoir
l’adapter à chaque jeune, continuer à s’adapter soi-même à chaque jeune. »


 Pluridisciplinarité de l’équipe :
- Objectifs :
- Identifier le rôle de chacun dans la prise en charge de la personne autiste
- Mettre en évidence le fait que la connaissance de la personne autiste par les différents
professionnels permet une prise en charge adaptée et cohérente
- Questions :
- Quel est votre rôle et votre place au sein de l’équipe pluridisciplinaire et dans la prise
en charge de la personne autiste ?
« Ben mon rôle c’est le suivi de la santé de nos jeunes, un rôle un peu différent selon la
section. Chez les enfants je me contente d’une visite annuelle et de coordonner les
rendez-vous avec les différents spécialistes. Chez les ados en internat, j’ai un rôle un
peu plus important dans leur santé étant donné qu’ils résident une bonne part de leur
temps ici donc je m’occupe aussi de la problématique de leur maladie x ou y, de leurs
problèmes de santé. Mon rôle c’est aussi aider les familles à suivre la santé des jeunes
mais aussi d’impliquer les jeunes eux même dans leur santé, de leur faire comprendre
les enjeux, l’importance d’aller chez un spécialiste, de continuer à aller chez un
neurologue ou un généticien, d’essayer d’anticiper les problèmes de prise de poids
etc…
En plus, quand il y en a un qui tousse ou qui est constipé etc. je le reçois. Avant on avait
des jeunes avec de plus gros problèmes d’épilepsie, c’était plus compliqué, il y avait
plus de rendez-vous chez les spécialistes… la ça reste quand même des petits problèmes
de santé que l’on soigne au quotidien. Du coup on peut un peu plus se concentrer sur
l’articulation avec les familles. »
- Quelles sont les compétences et les savoirs faire nécessaires pour exercer votre
profession ?
« Il en faut plein! Je ne prétends pas les avoir mais je fais tout pour m’améliorer.
D’abord les connaissances, médicales et de base on va dire, d’un médecin généraliste
sur les pathologies au quotidien. La curiosité parce qu’on a plein de pathologies qui
sont très rares. Une capacité à se remettre en question, à accepter les critiques du reste
de l’équipe, savoir tenir compte de leur avis contrairement à un médecin seul dans son
cabinet ce qui permet de progresser soi-même. »
- En quoi le fait de mieux connaitre la personne autiste permet-il une meilleure prise en
charge selon vous ?
« Oui on connait mieux leur spécificité, leurs réactions. Ici on a un jeune, quand il n'a
pas envie il fait exprès d’être très impressionnant, de se frapper, de se mordre, de se
griffer, de crier pour pas qu’on l’embête. Si on pousse un peu il arrive à un peu mieux
s’exprimer. On a également une jeune fille qui a tendance à tout ranger, mais si elle
s’enferme trop dedans elle risque de ne plus faire grand-chose, il faut la laisser faire
un peu mais ne pas la laisser trop longtemps le faire, ne pas la laisser rentrer
complétement dans ses manies. Chaque jeune est complétement différent et il faut
composer en fonction de chacun. »
- Par quels moyens transmettez-vous vos connaissances de la personne autiste aux
autres membres de l’équipe ? Dans quel but le faite vous?
« J’ai l’avantage d’avoir toujours un membre de l’équipe qui vient, on peut discuter de
la prise en charge. Je vais de temps en temps aux réunions d’AMP pour échanger car
il y a beaucoup d’angoisse vis-à-vis de la santé de nos jeunes. »
 Prise en charge infirmière:
- Objectifs :
- Identifier le rôle et la place de l’infirmière dans la prise en charge de la personne autiste
- Avoir le ressenti et le vécu de professionnels
- Questions :
- Selon vous, quel est le rôle et la place de l’infirmière au sein de l’équipe
pluridisciplinaire et dans la prise en charge de la personne autiste ?
« Ben c’est un rôle de médiation en fait, sur la santé. Il est vraiment multiple. C’est
identifier les enjeux et les besoins en sante des jeunes parce que c’est la seule dans une
équipe pluridisciplinaire à bien connaitre nos jeunes et une bonne connaissance du
point de vue somatique. Elle va identifier des besoins de santé publique, de prévention
(surpoids, sexualité, contraception etc.). C’est elle qui est au cœur de tout ça car c’est
elle qui côtoie les jeunes au quotidien. Elle doit faire la médiation entre une équipe
éducative et une équipe médicale. Elle fait le lien entre des décisions médicales et des
interrogations éducatives et permet si elle fait bien son travail, si elle a une bonne
connaissance de l’équipe, de l’expérience et du temps, d 'apporter le plus possible de
réflexions collégiales et d’amener chacun à s’exprimer, à donner son points de vue, sur
une problématique de santé car chez nos jeunes avec autisme c’est pas simple
d’identifier ça, d’en faire la synthèse, le retour aux équipes et d’en discuter avec les
médecins pour que la décision médicale ne soit pas qu’une décision médicale mais une
concertation d’équipes pluridisciplinaire en sachant qu’après la personne qui décide,
décide toujours et parfois ça peut être à l’encontre de certains avis mais il faut toujours
maintenir le dialogue. Et puis la santé c’est aussi les dents, identifier un réseau de soins,
se mettre en lien avec d’autres établissements pouvant avoir des problématiques
identiques. Pour moi c’est plus son rôle que de distribuer les médicaments ou de faire
les injections, c’est vraiment plus un rôle de promotion de la santé qu’un rôle de
dispensation de thérapeutiques, de soins. On n’a pas d’autistes lourdement handicapés,
donc on envisage autrement son rôle. Mais ce n’est pas pour autant qu’ils n’ont pas de
problématique de sante. L’ide a plus un rôle d’ambassadrice qui va se poser des
questions sur la sante au vue des difficultés d’expression des jeunes surtout et la
compétence technique en second plan. On a besoin d’une infirmière qui comprend les
enjeux de l’équipe qui sait discuter avec une équipe, faire tampon entre une équipe et
un médecin, s’exporter vers l’extérieur car notre objectif c’est que l’on soit bien
contenant pour nos jeunes mais qu’on puisse aussi s’exposer vers l’extérieur qu’on
puisse les amener vers d’autres consultations, qu’ils soient préparés, surtout au monde
extérieur et de la vie dite normale car ce sont des jeunes comme les autres sauf qu’ils
ont une pathologie qu’est l’autisme. Autre rôle est le lien avec les familles. C’est une
évidence de travailler avec elles, de les recevoir, de correspondre avec elles, de les
impliquer dans les soins en leur demandant par exemple de conduire eux-mêmes leur
enfant a un rendez-vous à l’extérieur pour qu’ils soient eux-mêmes dépositaires de la
santé de leurs enfants. »
Annexe 6 :
Entretien n°5 : Mme B. monitrice éducatrice
Questions d’introduction :
- Depuis combien de temps êtes-vous diplômé(e) ?
« Depuis 2003- Certificat d’aptitude aux fonctions de moniteur éducateur »
- Depuis quand travaillez-vous ici ?
« 2006-2013 : section ados
2013 à maintenant : section enfants »
 Autisme et communication:
- Objectifs :
- Identifier les différentes manifestations autistiques
- Mettre en évidence les difficultés que peuvent rencontrer les personnes autistes dans
leur vie sociale
- Questions :
- Quelles sont les différentes manifestations autistiques que vous avez pu rencontrer ?
(type de comportement, altération des interactions sociales, de la communication…)
« Perturbation de la relation, absence de contact (refus/indifférence). Altération de la
communication : mutisme, absence de codes sociaux ou d’émotion.
Peu d’intérêts, mouvements répétitifs »
- Comment parvenez-vous à entrer en relation avec la personne autiste ?
« Voix calme, distance sociale »
- Parvenez-vous à identifier ses besoins, ses envies? Si oui, comment ?
« Différentes propositions, reformulation »


 Stratégies thérapeutiques:
- Objectifs :
- Identifier les différentes stratégies thérapeutiques utilisées dans la prise en charge de
ces personnes
- Mettre en évidence l’importance de ces moyens
- Questions :
- Quels sont les différents moyens de communication que vous utilisez au quotidien
pour vous faire comprendre, pour communiquer avec les personnes autistes ?
« Communication non verbale/ gestuelle/ Pictogramme/ Langue des signes »
- Comment sont mis en place, sont pensés ces outils? Par qui sont-ils trouvés ?
« En équipe


 Pluridisciplinarité de l’équipe :
- Objectifs :
- Identifier le rôle de chacun dans la prise en charge de la personne autiste
- Mettre en évidence le fait que la connaissance de la personne autiste par les différents
professionnels permet une prise en charge adaptée et cohérente
- Questions :
- Quel est votre rôle et votre place au sein de l’équipe pluridisciplinaire et dans la prise
en charge de la personne autiste ?
« Moniteur éducateur : j’ai pour rôle et fonction de veiller à la mise en place des
activités, des groupes d’acquisitions, à leur bon déroulement en fonction du projet du
jeune. Accompagner au mieux le jeune dans son projet de vie, veiller à son bien-être. »
- Quelles sont les compétences et les savoirs faire nécessaires pour exercer votre
profession ?
« Patience, écoute, organisation »
- Par quels moyens parvenez-vous à identifier les besoins de chacun ?
« Observation et prise de recul »
- En quoi le fait de mieux connaitre la personne autiste permet-il une meilleure prise en
charge selon vous ?
« La relation de confiance »
 Prise en charge infirmière:
- Objectifs :
- Identifier le rôle et la place de l’infirmière dans la prise en charge de la personne autiste
- Avoir le ressenti et le vécu de professionnels
- Questions :
- Selon vous, quel est le rôle et la place de l’infirmière au sein de l’équipe
pluridisciplinaire et dans la prise en charge de la personne autiste ?
« Veiller au bien-être et à la santé du jeune »
Annexe 7 :
Entretien n°6 : Mme M. psychologue
Questions d’introduction :
- Depuis combien de temps êtes-vous diplômé(e) ?
« Depuis juin 2010, diplôme de psychologue »
- Depuis quand travaillez-vous ici ?
« Depuis le 13 janvier 2014 »
- Quelle tranche d’âge ont les personnes autistes que vous accueillez ?
« Je m’occupe de la section ados, ils ont entre 12 et 20ans »
Autisme et communication:
- Objectifs :
- Identifier les différentes manifestations autistiques
- Mettre en évidence les difficultés que peuvent rencontrer les personnes autistes dans
leur vie sociale
- Questions :
- Quelles sont les différentes manifestations autistiques que vous avez pu rencontrer ?
(type de comportement, altération des interactions sociales, de la communication…)
« Sur la section des ados il y a beaucoup de troubles du comportement, du fait très
souvent du manque de moyens de communication, car il y a beaucoup de jeunes non
verbaux. Parallèlement il n’y a pas forcement de méthode de communication mise en
place ce qui fait qu’on arrive à des troubles du comportement dus à des besoins non
compris ou à des douleurs. C’est très souvent lorsque l’on a du mal à comprendre une
envie, une demande que les troubles du comportement apparaissent. Exemple de l’un
de nos jeunes qui va manger de la terre ou autre pendant les temps de flottements où il
n’est pas en activité parce qu’il ne sait pas quoi faire. Ça ce sont les principales
manifestations que je peux observer.
Après il y a beaucoup de repli, par exemple l’un de nos jeunes est mieux quand il est
éloigné du groupe, ça c’est assez typique de l’autisme qui se retrouve chez pas mal de
nos jeunes.
Il y a beaucoup de mouvements stéréotypés également, des écholalies… »
- Comment parvenez-vous à entrer en relation avec la personne autiste ?
« Pour commencer je me mets à leur hauteur, c’est-à-dire que je ne leur parle pas
quand ils sont éloignés, ou de dos. Il faut se mettre en face à face, à leur hauteur.
J’utilise également un langage très simple, court, sans reformuler les demandes car il
y a un temps de latence au niveau du traitement de l’information et du coup si tu donnes
deux demandes formulées différemment, ça fait deux traitements et tu les perds un peu.
Langage très simple.
Mon projet c’est de mettre en place quelque chose de l’ordre de la communication
visuelle. Pour cela il faut évaluer les jeunes, voir si l’on peut mettre en place les
pictogrammes, ce qui est déjà un peu amorcé avec un de nos jeunes qui a un carnet de
communication avec des pictogrammes mais il l’a malheureusement perdu. Il va être
refait mais il n’y a pas que lui qui peut en bénéficier, j’aimerais qu’ils soient les plus
nombreux possibles à pouvoir communiquer de cette manière. Bien sûr il y a tout un
travail d’évaluation des jeunes avant cela pour voir si c’est possible car ils ne
reconnaissent pas forcément les mêmes choses. Par exemple, pour certains, le repas
sera représenté par une fourchette, pour un autre par une assiette. Il faut instaurer ça
progressivement et l’adapter à chaque jeune. »
Question de relance : Et si cette méthode par les pictogrammes ne marche pas, comment
allez-vous faire ?
« Il y a d’autres méthodes. Il y a la langue des signes qui pourrait être un bon moyen à
exploiter selon moi. »
- Parvenez-vous à identifier ses besoins, ses envies? Si oui, comment ?
« Ben c’est difficile parce que soit il y en a qui peuvent te prendre par la main pour
t’amener devant l’objet ou autre et quand ils ne peuvent pas, quand on ne comprend
pas ou qu’on ne perçoit pas ce qu’ils veulent nous dire alors il y a les troubles du
comportement qui se mettent en place. Ça doit créer une certaine frustration, moi je me
dis toujours que si je me retrouvais dans un pays étranger et que j’avais des besoins
primaires, faim, soif, que je ne pouvais pas exprimer ce serait une réelle angoisse pour
moi et j’aurais certainement des comportements inadaptés. Souvent on me rapporte
qu’un tel cri, un tel tape… oui, mais pourquoi ? »
Stratégies thérapeutiques:
- Objectifs :
- Identifier les différentes stratégies thérapeutiques utilisées dans la prise en charge de
ces personnes
- Mettre en évidence l’importance de ces moyens
- Questions :
- Quels sont les différents moyens de communication que vous utilisez au quotidien
pour vous faire comprendre, pour communiquer avec les personnes autistes ?
« Gestes, paroles, photos, images, objets… »
- Quels sont les outils mis à leur disposition afin de leur permettre de se faire
comprendre et de communiquer avec vous ?
« Ici c’est assez pauvre, il y a les pictogrammes. Certains jeunes sont verbaux et savent
dire ce qu’ils veulent ou ne veulent pas.
Du coup c’est vrai qu’au-delà des pictogrammes ou de la langue des signes, il serait
intéressant de mettre en place quelque chose d’assez simple, d’assez basique qui est le
« oui/non » ou langage binaire, « je veux/je ne veux pas ; j’aime/je n’aime pas »… Cela
me parait essentiel de pouvoir exprimer ce que l’on veut ou non.
Alors comment je ne sais pas encore mais c’est une base que je souhaite mettre en place
puis généraliser avec des mots simples. »
- Comment sont mis en place, sont pensés ces outils? Par qui sont-ils trouvés ?
« Alors moi dans ma pratique ça a été dès mon master, un master éducation et handicap
ce qui fait que j’ai été très vite sensibilisée à tous les outils que l’on pouvait mettre en
place avec un public handicapé plus mental que moteur.
Après un psychologue qui n’a pas forcement ce master-là peut se former de manière
individuelle (internet, livres, rencontres avec d’autres psychologues, colloques,
articles…)
Je pense que c’est un devoir de notre part de s’informer, de se former, de savoir ce qu’il
se fait ou non, de ne pas rester sur la pratique sans s’intéresser à tout ça, d’avoir cette
soif de connaissances.
Moi je regarde beaucoup ce qui se fait au Québec. Ils ont beaucoup d’outils, une
réflexion bien plus avancée qu’en France.
Après moi je ne suis pas trop méthode ABA (Autisme Behavior Analysis) : méthode
hyper structurée de l’environnement de travail, des taches proposées à l’enfant et ils
préconisent 40h par semaines d’intervention et je trouve que c’est trop lourd. Ça risque
d’être une dérive. Par exemple j’avais un enfant à qui l’intervenante ABA apprenait le
pointage, 20h par semaine, et c’était tellement rabâché qu’à la moindre demande,
même sur autre chose, l’enfant pointait de manière mécanique, sans sens. Et d’ailleurs
il oubliait tout pendant les vacances. C’est comme la lecture, il y a beaucoup d’enfants
autistes qui peuvent savoir lire des textes mais le problème c’est que ça va être très
mécanique, ils associent bien les syllabes etc. mais le sens ils ne le comprennent pas.
Moi dans ce cas-là, pour qu’ils parviennent à comprendre le sens des mots, je repars
sur des exercices très simples, très souvent sur l’imagé. Je prends une image et je la
décrits ou alors avec les photos. Je demande aux parents de faire des photos de leurs
enfants pendant les vacances, pendant des activités à la maison, au quotidien et je leur
mets plusieurs phrases en proposition dont une qui décrit bien la photo et je leur
demande de choisir la bonne. Il y a aussi la technique de la liste de consignes, où on
voit parfaitement s’ils ont compris ce qu’ils lisent. Par exemple si la première consigne
de la liste c’est « Lève-toi et va chercher un crayon bleu » et que l’enfant ne se lève pas
alors on sait qu’il l’a lu sans la comprendre.
Pluridisciplinarité de l’équipe :
- Objectifs :
- Identifier le rôle de chacun dans la prise en charge de la personne autiste
- Mettre en évidence le fait que la connaissance de la personne autiste par les différents
professionnels permet une prise en charge adaptée et cohérente
- Questions :
- Quel est votre rôle et votre place au sein de l’équipe pluridisciplinaire et dans la prise
en charge de la personne autiste ?
« Pour l’instant, vu que ça ne fait pas très longtemps que je suis arrivée, mon rôle est
surtout de voir comment l’équipe fonctionne, de recenser les outils mis en place,
comment ils organisent leurs prises en charge, leurs activités. Je suis beaucoup dans
l’observation pour le moment. Je commence un peu à donner mon avis, à dire ce que je
pense de certaines activités, de certaines pratiques. Ça je peux le faire en ETA (Equipe
Technique Adolescents), c’est une réunion ou il y a la psychiatre, le directeur adjoint
et moi. On discute un peu de ce que j’observe.
Je participe également aux réunions des éducateurs spécialisés pour voir comment on
peut mettre en place des outils de structuration du temps et de communication visuelle,
ça ce sont nos deux grands axes.
Structuration du temps, c’est la mise en place d’un planning des activités par exemple
quand je suis arrivée, le planning était hebdomadaire. Or pour de nombreux jeunes, la
notion de semaine est très abstraite. Donc on a réfléchit ensemble sur la mise en place
déjà d’un planning journalier car sinon cela n’avait plus de sens. En revanche un de
nos jeunes lui en a besoin, il connait les jours de la semaine et a besoin de se projeter,
de savoir comment va se dérouler la semaine. Ça va vraiment dépendre des jeunes.
Ce qui peut également se faire ce sont des emplois du temps non pas avec des photos
mais avec des objets dans des filets de rangement. Il faut des objets qui parlent au jeune
en question. Pour cela il faut donc évaluer quel objet est significatif d’une action, d’une
demande, d’une activité. Chaque jeune peut avoir une représentation très différente, ça
s’évalue.
On présente ensuite ce dont on a parlé au reste de l’équipe au cours des réunions
d’équipe.
Je redéfinis également les activités en les décomposant en plusieurs temps pour
rassurer le jeune, pour qu’il sache où il en est dans l’activité. Par exemple pour la
musique, il y a un temps d’écoute musicale puis une pause, puis ils jouent des
instruments, puis encore écoute musicale et enfin ils se rassemblent pour aller manger.
L’idée c’est de structurer au maximum pour éviter le stress. C’est comme toi si je te dis
de venir, que j’enlève tout moyen de connaitre l’heure et que je ne te dis pas quand tu
pars ça va t’angoisser, tu seras perdue. Le séquençage est important.
Le mercredi je passe environ une heure avec la psychiatre, pour faire le point sur la
semaine, à se concerter un peu sur ce que l’on aimerait mettre en place. C’est une
grande chance de pouvoir travailler comme ça en binôme. Il n’y a pas de clivage entre
les membres de l’équipe. Pour moi l’avis de tout le monde est important. Chacun a son
bagage, sa formation, ses idées, ses expériences, ses compétences… »
- Quelles sont les compétences et les savoirs faire nécessaires pour exercer votre
profession ?
« Savoir faire le lien avec la formation mais ne pas se contenter de ça. Compétences,
adaptation, remise en question sont essentielles. Etre à l’écoute des jeunes, des équipes.
Savoir travailler en équipe. »
- En quoi le fait de mieux connaitre la personne autiste permet-il une meilleure prise en
charge selon vous ?
« Souvent, les autistes ont des intérêts restreints, c’est souvent exacerbé. Si on sait ce
qui leur plait et ce qui ne leur plait pas on pourra plus facilement les aborder. Le
sensoriel est également important, que ce soit visuel, tactile, gustatif, auditif il y a les
hyper et les hypo sensibles.
Parfois, sans connaitre une personne, tu vas lui proposer telle ou telle chose et en fait
tu vas droit dans le mur. Chose que l’on peut éviter justement lorsque l’on connait la
personne. Au plus tu connais la personne, au plus tu pourras adapter les activités, la
prise en charge et du coup ça se passe mieux pour tout le monde. Par exemple, un de
nos jeunes a une aversion pour tout ce qui est rouge ou orange, y compris les aliments.
Ça si on ne le savait pas, on serait capable de lui donner des carottes à midi et on se
recevrait très certainement l’assiette en pleine figure, il ne mangera pas, et on ne
comprendrait pas pourquoi, on se dirait peut être qu’il a mal au ventre, qu’il ne veut
pas manger parce qu’il n’a pas faim alors qu’en fait le problème c’est juste la couleur.
Les autistes sont très sensibles aux détails et il faut en tenir compte. »
- Par quels moyens transmettez-vous vos connaissances de la personne autiste aux
autres membres de l’équipe ? Dans quel but le faite vous?
« Réunions d’équipe ou temps informels avec l’éducateur référent. Il y a aussi les
classeurs des transmissions de jour et de nuit. »
Prise en charge infirmière:
- Objectifs :
- Identifier le rôle et la place de l’infirmière dans la prise en charge de la personne autiste
- Avoir le ressenti et le vécu de professionnels
- Questions :
- Selon vous, quel est le rôle et la place de l’infirmière au sein de l’équipe
pluridisciplinaire et dans la prise en charge de la personne autiste ?
« Etant donné qu’il n’y a pas de médecin à temps plein ici je pense que l’infirmière peut
beaucoup aider dans la compréhension de la douleur des jeunes, et dans tout ce qui est
somatique. Ça permet d’éliminer une cause somatique avant de dire qu’il y a un trouble
typique du comportement. Elle propose alors un soin adapté. Donc cet aspect de soin
déjà somatique, pour moi c’est la première chose.
Elle a également un rôle de relai avec le médecin, de prévention aussi, sur ce qui est lié
à la sexualité, à l’hygiène corporelle, dentaire par exemple.
Elle travaille également beaucoup sur l’habituation autour des soins, par exemple pour
la prise de sang ou l’habituation à l’attente en salle d’attente. »
Résumé
L’autisme fait partie des troubles envahissants du développement et se caractérise par
des comportements stéréotypés, des intérêts restreints, une altération des interactions
sociales et de la communication.
C’est au cours de mon stage au sein d’un institut médico-éducatif accueillant, entre
autre, des adolescents autistes que je me suis rendu compte de la complexité de leur
prise en charge. Au cours de ce stage, j’ai appris à travailler avec l’ensemble de l’équipe
pluridisciplinaire. Cela m’a amené à me poser la question suivante : En quoi
l’interdisciplinarité permet-elle à l’infirmière d’adapter sa prise en charge de
l’adolescent autiste ?
Pour tenter de répondre à cette question, je me suis documenté, j’ai également enquêté
auprès de professionnels travaillant ou ayant travaillé avec des adolescents autistes.
Les analyses de ces recherches et entretiens ont montré que l’interdisciplinarité
permettait bien une amélioration de la qualité des soins et de la prise en charge
infirmière et je vous propose de découvrir comment en lisant mon travail de fin d’étude.
Mots clés : Autisme, troubles envahissants du développement, interdisciplinarité,
soins infirmiers, communication.
Abstract
Autism is a part of pervasive developmental disorders and is characterized by a
stereotypical behavior, restricted interests, changes in the social interactions and
communication.
It is during my internship in a medical educational institute welcoming, amongst others,
autistic teenagers that I realized how complex their cares are.
During this internship, I have learnt to work with the whole multidisciplinary team,
bringing me to my research question: “In what way does interdisciplinarity allow the
nurse to adapt the cares given to an autistic teenager?”
To try to elude this question, I gathered some theoretical informations and also
interviewed professionals who work or have worked with autistic teenagers.
The analysis of these researches and interviews showed that interdisciplinarity enabled
an improvement of the care quality and nurse care and I invite you to discover it by
reading my final thesis.
Key words: autism, pervasive developmental disorders, interdisciplinarity, nursing
cares, communication.
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