Dans ma bulle Travail de Fin d’Etude Diplôme d’Etat Infirmier Présenté par Fanny ACEVEDO DEL HOYO Promotion 2011-2014 IFSI Capelette Note aux lecteurs Il s’agit d’un travail personnel effectué dans le cadre d’une scolarité à l’Institut de Formation en Soins Infirmiers de la Capelette et il ne peut faire l’objet d’une publication en tout ou partie sans l’accord de son auteur et de l’Institut de Formation aux Soins Infirmiers. J’atteste que ce travail est personnel et ne comporte pas de plagiat, je site systématiquement toute source utilisée entre guillemets. Remerciements A ma guidante, Mme Combes, pour tous ses conseils et son aide dans l’élaboration de ce travail de fin d’étude. A l’équipe pédagogique de mon institut de formation, pour m’avoir guidé jusqu’ici, notamment à Mme Roche pour son soutien au cours de ces trois années d’étude. A l’ensemble de l’équipe qui m’a accueilli au cours de mes recherches. Aux adolescents autistes rencontrés au cours de mon stage, à qui je dédie ce travail. A ma famille, à mon conjoint, à mes amis pour leur aide et leur patience. « Chaque être humain a son univers, son monde intérieur, et s’il ne l’avait pas ce serait extrêmement triste. […] Je me méfie des théories qui voudraient réduire l’être humain à un mécanisme d’horlogerie. Je crois que l’être humain est beaucoup plus composite, en mouvement. Ne l’enfermons pas, ne nous enfermons pas dans une case. Il nous en manquerait une. » Josef Schovanec, "Je suis à l'est" Sommaire : I) Introduction :........................................................................................................... 1 II) Contexte de recherche :........................................................................................... 2 1) Situation d’appel : ................................................................................................... 2 La phase exploratoire : méthodologie d’enquête : .............................................. 6 2) a. Premier outil d'enquète: apports théoriques: ………………………………...6 - Analyse des apports théoriques: …………………………………………...6 b. Deuxième outil d’enquête : le guide d’entretien : ........................................... 9 - Analyse des entretiens ……………………………………………………10 III) CADRE CONCEPTUEL : ..................................................................................... 17 A) L’interdisciplinarité : ......................................................................................... 17 B) Le projet personnalisé : ..................................................................................... 22 C) La relation soignant/ adolescent autiste : .......................................................... 25 IV) Hypothèse : ............................................................................................................ 30 V) Conclusion : ............................................................................................................ 31 Bibliographie Annexes: les entretiens Résumé I) Introduction : Je suis actuellement étudiante en troisième année à l’Institut de Formation en Soins Infirmiers de la Capelette. C’est dans le cadre de cette dernière année que je suis amenée à construire mon Travail de Fin d’Etude (TFE) à partir d’une situation m’ayant interpellé. Cette situation s’est déroulée auprès d’adolescents autistes au sein d’un Institut Médico-Educatif (IME) dans lequel j’ai effectué un stage au cours de cette troisième année. L’autisme fait partie des troubles envahissants du développement et est considéré comme un handicap. Il se caractérise par une triade autistique, dont je vous parlerai par la suite, rendant difficile la relation. A l’IME, ces adolescents autistes sont pris en charge par une équipe pluridisciplinaire de manière globale et adaptée. Dans un premier temps, je vous ferai part de la situation qui m’a conduit à traiter et à me questionner sur la prise en charge de l’adolescent autiste. Dans un deuxième temps, je vous ferai part des apports théoriques que mes recherches m’ont procurés. J’exposerai également l’analyse que j’ai pu faire à partir d’entretiens effectués auprès des professionnels de l’IME. Ensuite, je développerai trois concepts afin d’éclairer et de compléter ce travail. Enfin, je proposerai une hypothèse générale en lien avec ma problématique de départ et je conclurai. 1 II) Contexte de recherche : 1) Situation d’appel : La situation d’appel que j’ai choisi de vous présenter est celle que j’ai rencontrée lors de mon stage effectué au semestre 6 au sein d’un l’Institut Médico-Educatif (IME). Cet IME est autorisé à recevoir des enfants de 6 à 14ans déficients intellectuels et/ou autistes et des adolescents de 12 à 20 ans présentant une symptomatologie autistique. Le mot « institut » recouvre les différentes formules d’accueil : internat continu, internat de semaine, semi-internat. Durant ce stage, j’ai été amenée à prendre soin quotidiennement des enfants et adolescents autistes. Deux autistes m’ont particulièrement interpelée, je les appellerai Alexandre et René. Alexandre est un adolescent de 16ans, très imposant (100kg pour 1m86). Il présente un syndrome autistique à versant déficitaire diagnostiqué à l’âge de 2ans. Il a tendance à s’automutiler lorsqu’il est stressé (se mord l’avant-bras droit). Chaque matin, nous recevons Alexandre en salle de soins afin de soigner son bras mordu. Au cours de ce rendez-vous quotidien, je désinfecte la plaie, refais le pansement, lui explique chaque choses que je fais afin de le rassurer, je tente également d’évaluer sa douleur. Alexandre ne communique que très peu. Lorsque je lui demande « Alexandre est-ce que tu as quelque chose d’important à me dire ? », il répète « me dire, me dire ». Quand je lui demande « Alexandre, as-tu mal ? » il me dit « mal » ou « mal tête » ou encore « doliprane ». Il est alors très difficile d’évaluer réellement sa douleur car on ne sait pas s’il dit le mot « mal » pour répéter ce que je dis ou s’il a envie de nous faire part d’un ressenti. De même avec le mot doliprane. L’infirmière, que j’appellerai Christiane, propose du doliprane à Alexandre lorsque celui-ci dit le mot « mal » ou lorsqu’elle voit des signes de douleurs (faciès) ce qui arrive quasiment à chaque visite. Ainsi, Alexandre n’a-t-il pas encré le doliprane dans une sorte de rituel ? Comment savoir s’il a réellement mal ? 2 L’autre adolescent qui m’a interpelé est René, un adolescent de 17ans. Il présente un syndrome autistique à caractère déficitaire diagnostiqué à l’âge de 2ans et demi. Il est très agité, très fort et a tendance à taper les autres. Il ne comprend pas toutes les consignes qui lui sont données et est très angoissé notamment par le bruit. René vient chaque jour à l’infirmerie pour que l’on soigne une blessure à son pied (entaille au pied gauche car René se balade toujours pieds nus). Là encore, l’évaluation de la douleur est très difficile, encore plus difficile qu’avec Alexandre car René n’est pas du tout attentif à nos questions et ne parle pas. Un traitement antalgique est administré en systématique jusqu’à cicatrisation de son pied. La prise en charge infirmière d’un enfant autiste est différente de celle d’un enfant ne présentant pas de symptomatologie autistique. L’autisme fait partie des troubles envahissant du développement, c’est un trouble précoce, grave et durable dans lequel la communication verbale et non verbale est altérée, les comportements de l’enfant son répétitifs, stéréotypés, leurs intérêts sont restreints et les interactions sociales sont également altérées. Ils peuvent faire preuve d’agressivité et ont beaucoup de mal à s’adapter aux changements. La prise en charge de ces enfants est globale, elle nécessite une équipe pluridisciplinaire et la présence de la famille lorsque cela est possible. L’infirmier(e) doit donc prendre en compte toutes les particularités de l’enfant autiste pour une prise en charge optimale. Dans notre société, l’enfant est perçu comme vulnérable, on a envie de le protéger, d’en prendre soins. L’infirmier(e) doit réussir à créer un lien suffisant pour instaurer un climat de confiance. Il est difficile de soigner un enfant refusant tout contact, c’est un véritable enjeu selon moi. L’enfant autiste me semble d’autant plus vulnérable de par son trouble envahissant du développement qui l’empêche d’exprimer ou de demander certaines choses. La relation soignant-soigné est altérée par le manque de communication, le repli ou encore l’agressivité de l’enfant. Par exemple, comme j’ai pu le voir, la plupart des enfants autistes ne manifestent aucun signe quand ils ont mal. Or, l’évaluation de la douleur est essentielle. L’autisme se caractérise par des altérations qualitatives des interactions sociales, des problèmes de communication (langage et communication non verbale) ainsi que par des troubles du comportement (intérêts, activités restreintes, mouvements stéréotypés, répétitifs). Ainsi, les enfants autistes semblent difficilement accessibles aux autres, la 3 relation avec ces enfants nécessite de la patience et de l’ingéniosité. En effet, un autiste peut ne pas vous répondre, ne pas vous regarder et ne comprend souvent pas les émotions des autres. De nombreuses structures existent pour ces enfants telles que les Classes pour l’Inclusion Scolaire (CLIS), les Instituts Médico-Educatifs (IME), les Services d’Education Spécial et de Service A Domicile (SESSAD), les Unités Localisées pour l’Inclusion Scolaire (ULIS) ou encore les Centre Ressources Autisme (CRA) pour aider les familles. Le but de ces structures est d’accompagner l’enfant autiste, d’améliorer ses capacités à interagir avec le monde qui l’entoure, l’aider à s’y adapter, à devenir le plus autonome possible. L’équipe soignante, pluridisciplinaire, prend en compte les besoins spécifiques de l’autiste et lui apporte une prise en charge adaptée, individualisée, globale, précoce et souvent basée sur la médiation thérapeutique. En effet, face à une personne refusant tout contact, n’exprimant que très peu voire pas du tout ses besoins, ses envies, le soignant doit user de stratégies afin d’entrer en relation avec cette personne et cela n’est pas sans difficultés. Il n’est pas rare que le soignant se sente en situation d’échec face aux difficultés de la prise en charge et de l’évaluation de l’efficacité de cette dernière. Chaque autiste est différent, il faut s’adapter à chacun. Les échanges avec les enfants autistes se font d’autant plus facilement qu’ils nous connaissent. Il paraît essentiel de bien connaitre un enfant, ses craintes, ses angoisses, ses besoins, sa manière de communiquer… En effet c’est en sachant tout cela que l’on va savoir comment agir, comment se positionner face à cet enfant. Par exemple, Aurélia, une autre adolescente présentant une symptomatologie autistique, parvient à communiquer par le dessin. Lors des soins, l’infirmière lui propose donc une ardoise et des feutres pour qu’Aurélia s’exprime afin que l’on puisse mieux la comprendre et la soigner. A l’IME, il y a deux éducateurs référents par adolescent. Ces éducateurs sont présents au quotidien sur l’internat, un le matin, l’autre l’après-midi, ils font des activités avec eux, participent à leur socialisation, à leur éducation. Ce sont donc, selon moi, les professionnels qui connaissent le mieux l’enfant. Ils partagent cette connaissance de l’enfant avec tous les autres professionnels (psychiatre, psychologue, moniteur éducateur, institutrice, aide médico-psychologique…) au cours de réunions deux fois par semaine. Ces réunions sont très utiles car c’est à ce moment-là que chacun, dans le 4 cadre de leurs compétences échange sur leur connaissance de l’enfant, sur ses progrès, sur les conduites à tenir, sur les objectifs qu’ils se sont fixés afin que l’équipe soit cohérente et efficace dans la prise en charge de l’enfant. Mon intérêt pour les enfants autistes, mon envie de découvrir cette prise en charge différente, mon vécu, mes rencontres et mes recherches m’ont conduit au questionnement initial provisoire suivant : En quoi la collaboration et l’échange entre les membres de l’équipe pluridisciplinaire concernant l’enfant autiste permettent-ils à l’infirmier(e) d’adapter sa prise en charge ? Les principaux thèmes abordés sont : l’autisme et la communication, l’équipe pluridisciplinaire, les stratégies thérapeutiques utilisées pour entrer en relation et la prise en charge infirmière. 5 2) La phase exploratoire : méthodologie d’enquête : a. Premier outil d’enquête : apports théoriques : Analyse des apports théoriques : Le terme « autisme » vient du grec « auto » qui signifie « soi-même ». Il est employé en psychiatrie pour la première fois en 1911 par le psychiatre suisse Eugène Bleuer. Il l’utilise pour désigner, dans la schizophrénie adulte, la « perte du contact avec la réalité extérieure qui rend difficile ou impossible pour le patient toute communication avec l’Autre. ». Plus tard, d’autres auteurs le décriront comme un symptôme particulier, non spécifique de la schizophrénie, et en feront ainsi une pathologie à part entière. C’est le cas de l’américain L. Kanner en 1943 dans un article intitulé « Autistic Disturbance of Affective Contact ». Il décrit alors sous le terme d’ « autisme infantile précoce » un tableau clinique caractérisé par « l’incapacité pour le bébé, dès sa naissance, d’établir des contacts affectifs avec son entourage». Beaucoup de soignants ont consacré une partie de leur vie à tenter de comprendre la pathologie autistique et proposer des méthodes thérapeutiques adaptées. C’est le cas de la psychiatre américaine Margaret Mahler, du psychiatre et psychanalyste américain Bruno Bettelheim, de la pédiatre française Françoise Dolto, de la psychiatre britannique Frances Tustin, de l’éducateur spécialisé Fernand Deligny, de la psychanalyste lacanienne Maud Mannoni et de bien d’autres encore. Depuis, sa description en 1911 par E. Bleuer, les recherches sur l’autisme ont beaucoup évoluées, la définition de l’autisme également. L’autisme est une pathologie qui fait partie du TSA (Trouble du Spectre Autistique). En effet, connu depuis plusieurs années sous l’appellation générale de Trouble Envahissant du Développement (TED) dont il fait partie, l’autisme devient, avec le DSM-V une catégorie unique appelée TSA. Les symptômes représentent un continuum qui varie de léger à sévère. Selon la classification internationale des maladies éditées par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), l’autisme débute précocement avant l’âge de 3ans et se définit par la présence de trois types de perturbations (la triade autistique): - Altération qualitative des interactions sociales - Altération qualitative de la communication 6 - Caractère restreint, répétitif et stéréotypé du comportement, des intérêts et des activités Ainsi, l’autisme se caractérise par une spécificité du fonctionnement de la personne autiste. En effet, parce qu’elle ne sait pas comment entrer en relation et communiquer avec l’autre, la personne avec autisme semble isolée, inattentive, ne pas se soucier des autres. Elle ne nous regarde souvent pas dans les yeux, a du mal à partager des activités sociales. Elle a des difficultés à nous comprendre et à se faire comprendre car elle utilise souvent le langage de manière inadéquate voire n’utilise pas du tout le langage verbal. La personne avec autisme ne comprend pas non plus les conventions sociales, les mimiques et expressions du visage, certaines gestuelles ou encore les métaphores, le double langage, le mensonge. Il lui arrive de se comporter de manière inappropriée, de faire des gestes stéréotypés. Au niveau sensoriel, un autiste peut être hyper ou hypo sensible que ce soit pour les sons, la lumière, le toucher, le gout… Une personne avec autisme aime les habitudes, les rituels, l’organisation, la rigueur et manifeste de l’anxiété parfois massive devant les changements ou le non-respect des règles. Enfin, elle manifeste souvent des intérêts restreints et peut parler continuellement d’un même sujet. Même si ces spécificités du fonctionnement se retrouve chez la plupart des personnes avec autisme il faut savoir, et j’ai pu le constater lors de mon stage, qu’il y a autant de forme d’autisme qu’il y a de personne avec autisme, chaque autiste est différent. De la même manière, certains autistes présentent des troubles associés tel que le retard mental, l’épilepsie, les troubles du sommeil, les troubles sphinctériens… Cette diversité des troubles et des manifestations autistiques soulignent l’importance de la précocité du diagnostic et de l’évaluation de l’intensité des troubles afin de proposer une prise en charge adaptée le plus tôt possible. C’est également pour cela qu’il faut privilégier une prise en charge globale, pluridisciplinaire et personnalisée. Cette prise en charge personnalisée est permise notamment par la participation active de la famille au projet de vie ou projet personnalisé dont je vous parlerai plus tard dans ce dossier. En effet, ce sont eux qui vivent au quotidien avec leurs enfants, lorsque ceux-ci ne sont pas en internat, et ce sont eux qui connaissent les difficultés, les besoins, les attentes, de leurs enfants plus que quiconque. La prise en charge de la personne avec autisme doit être globale, adaptée, elle est médicale, éducative, sociale, psychologique, familiale, rééducative et surtout spécifique à la personne autiste. L’interdisciplinarité prend ainsi 7 tout son sens dans cette prise en charge. Cette dernière doit être réévaluée régulièrement par l’ensemble de l’équipe et la famille. De la même manière, afin d’optimiser cette prise en charge, les professionnels ont la possibilité d’accéder à des formations sur l’autisme comme le souligne l’article L6313-1 du code du travail. Afin de mieux traiter mon sujet, et parce que j’ai essentiellement travaillé avec cette population là au cours de mon stage, j’ai décidé de me concentrer sur les adolescents autistes (de 12 à 20ans) dits « non verbaux ». 8 b. Deuxième outil d’enquête : le guide d’entretien : J’ai choisi le guide d’entretien comme outil pour mon enquête exploratoire. Mon entretien sera semi-directif avec des questions ouvertes afin d’avoir des réponses plus détaillées sur le sujet. J’ai choisi d’effectuer mes entretiens auprès de 2 infirmières travaillant ou ayant travaillé dans un IME avec des enfants et adolescents autistes, un médecin, un éducateur spécialisé, une monitrice éducatrice et une psychologue travaillant au sein du même IME dans lequel j’ai effectué mon stage du semestre 6 qui a duré 6 semaines. Cet IME est autorisé à recevoir des enfants de 6 à 14 ans, déficients intellectuels et des adolescents de 12 à 20 ans atteints de symptomatologie autistique. Le mot « Institut » recouvre les différentes formules d’accueil : internat continu, internat de semaine, semi-internat. Les enfants et adolescents sont adressés à l’établissement sur décision de la CDAPH. Après consultation de l’Équipe Technique de l’établissement qui se prononce à la lecture du dossier et suite à une série d’entretiens avec les parents (ou services sociaux) et l’enfant ou adolescent, l’admission est alors prononcée par le directeur après avis du médecin psychiatre de l’établissement. Cet Institut Médico-Éducatif a une capacité totale fixée à 44 lits et places ainsi réparties : Une section d’Éducation et d’Enseignement Spécialisé de 32 lits et places pour Enfants de 6 à 14 ans (des deux sexes), déficients intellectuels moyens avec troubles associés compatibles avec une scolarité adaptée, fonctionnant pour : -10 lits en internat de semaine (du lundi au vendredi), -22 places en semi-internat. Une section d’Éducation Spécialisée de 12 lits et places pour Adolescents âgés de 12 à 20 ans (des deux sexes) atteints d’un syndrome de psychose à caractère déficitaire, fonctionnant pour : -6 lits en internat annuel (365 jours), -6 places en semi-internat (365 jours). 9 Analyse des entretiens : Autisme et communication : Ce qui ressort de mes questionnaires et de mon expérience auprès des adolescents autistes est qu’il y a autant de manifestations autistiques qu’il y a d’autistes. Chaque autiste est différent. Les manifestations autistiques dépendent aussi de la sévérité de la maladie, du fait que l’autisme soit associé ou non à un retard mental ou à d’autres pathologies telles que l’épilepsie. Cependant on peut citer celles qui sont les plus fréquemment rencontrées telles que les difficultés à entrer en relation, l’isolement ou repli autistique, le besoin d’immuabilité (un autiste aime que rien ne change) qui va souvent de pair avec les rituels. Il y a également l’incapacité à faire un choix, des problèmes dans la délimitation corporelle (utilisation du bras d’une autre personne comme le prolongement de leur propre bras/corps). On observe surtout une altération de la communication (mutisme la plupart du temps) que l’on peut relier à une difficulté à entrer en relation. Il y a aussi les troubles de la compréhension (le traitement de l’information leur prend souvent plus de temps, surtout chez les autistes avec déficience mentale associée, ils ne comprennent pas les blagues ou les seconds degrés). On remarque aussi la fuite du regard de l’autre, l’absence de codes sociaux, d’expression des émotions, les écholalies, les mouvements stéréotypés, les intérêts restreints, les comportements auto ou hétéro agressifs, les troubles alimentaires, les troubles sphinctériens etc. Entrer en relation avec un jeune autiste est très difficile, elle ne dépend pas uniquement de nous mais également de la personne autiste. Si cette dernière en a envie, elle nous laisse faire mais si elle ne le veut pas cela devient compliqué. Cette entrée en relation peut être facilitée lorsque l’on connait la personne autiste car une relation de confiance s’installe et apaise les deux parties. L’ensemble des professionnels interrogés pense que pour entrer en relation il faut rester soi-même, avoir une voix calme, de la patience, un langage très simple voir un langage binaire, sans reformulation. Il faut être attentif, disponible, se mettre face à la personne autiste, à sa hauteur et respecter le besoin de distance ou de contact de la personne autiste. On peut également entrer en relation en chantant, en faisant des gestes, en utilisant des images, des dessins, des photos, en utilisant le langage des signes, en s’aidant d’une tierce personne, de la musique, de la nourriture, d’un jeu… 10 Concernant l’identification des envies, des besoins des jeunes autistes, tous sont unanime : c’est très compliqué lorsque le jeune ne parle pas. Deux professionnels comparent cette recherche de compréhension à la médecine animale car on a en face de soi quelqu’un qui a des envies, des besoins, des craintes, des douleurs et qui est incapable de nous les faire comprendre ce qui induit la plupart du temps une frustration et des comportements inadaptés. Pour parvenir à identifier les besoins d’une personne autiste qui ne parle pas, on peut utiliser les pictogrammes, les photos. Par exemple, à l’IME, lorsqu’un autiste veut voir l’infirmière, il montre le pictogramme ou la photo de l’infirmière. Cela marche également pour le bain, le repas, l’habillage et toute autre activité qui peut être pictographiée et comprise par le jeune autiste. Les personnes qui les accompagnent au quotidien doivent leur proposer des choses, poser des questions précises, simples, reformuler leur demande s’ils voient que ce n’est pas clair mais en laissant d’abord un temps de réflexion suffisamment long. Ils doivent également savoir décrypter les signes, les changements, cela nécessite une bonne connaissance de la personne autiste. En effet, c’est grâce à sa connaissance du jeune autiste que l’accompagnant va pouvoir discerner un changement de comportement, comprendre une demande, décrypter les signes, observer et analyser tout ce qu’il peut voir pour émettre ensuite une hypothèse. De plus, avec la connaissance vient la confiance et donc le lien. Le jeune autiste va alors plus facilement se diriger vers la personne de confiance lorsqu’il aura une demande. Cependant, certains accompagnants pensent qu’ils passent très souvent à côté des besoins et des envies des personnes autistes, qu’il s’agit en fait souvent d’une interprétation de ce que l’on imagine avoir besoin à la place du jeune et qu’on projette en fait des besoins, des envies qui ne sont pas les leurs. Stratégies thérapeutiques : L’ensemble des professionnels interrogés utilisent en tout premier lieu la communication verbale. Une des infirmières interrogées me rappelle à juste titre qu’un jeune autiste entend tout mais il va mettre un peu plus de temps que nous pour traiter l’information. Il est donc essentiel d’adapter cette communication verbale en faisant des phrases courtes, simples et ne pas les répéter car devant un silence on a tendance à reformuler trop rapidement. Or, pour un autiste, le fait que l’on reformule l’empêche de se concentrer sur la première question. Il reçoit trop d’informations en même temps et ne parvient pas à les traiter. Il faut également être très calme et adapter sa voix à la 11 personne autiste. Si elle a une hypersensibilité auditive, il est important de parler à voix basse et vice versa. Quand le langage verbal ne suffit pas, il est accompagné de gestes. Cela peut se faire au cours d’un soin par exemple. Si l’infirmière fait un pansement à un jeune, elle lui montre par des gestes le déroulement du soin sur une tierce personne pour qu’il soit rassuré. Les autistes aiment savoir ce qui va être fait et pourquoi. Le langage binaire est souvent utilisé pour les soins : « Est- ce que tu as mal ? Oui ? Non ? » . Il faut savoir que même le langage binaire est difficile pour un autiste car la plupart des autistes ne savent pas faire un choix. Les gestes peuvent également être un véritable langage, c’est le cas avec deux jeunes de l’IME qui comprennent et parlent la langue des signes. Le problème dans ce cas c’est qu’il faut une tierce personne capable de signer. Or, à l’IME seules deux éducateurs en sont capables, il n’y a pas eu de formation mise en place pour que tout le monde apprenne à parler en langue des signes. La plupart connaissent quelque signes mais pas suffisamment pour assurer un véritable dialogue. Autre moyen de communication : le chant. Certains autistes communiquent en chantant mais sans mot. On sait alors si ce qu’ils nous disent est positif ou négatif en fonction de l’intonation de leur voix mais cela nécessite une bonne connaissance du jeune. Les référents leur répondent en chantant mais avec des mots. Ils leur demandent de faire des choses en chantant, en posant leur voix en fonction de ce qu’ils veulent faire passer. Par exemple, quand le jeune fait quelque chose de bien, le réfèrent le dit en chantant joyeusement, lorsque ce n’est pas bien, il chante avec une voix grave. Les expressions du visage accompagnent le chant mais ce n’est pas toujours perçu ou compris par la personne autiste. La plupart des professionnels utilisent des supports à la communication. Ce peut être des pictogrammes, des photos, des dessins, des objets… Cependant cela reste très limité et très compliqué. Il y a tout un travail d’évaluation des jeunes avant cela pour voir si c’est envisageable car ils ne savent parfois pas faire le lien entre une image et l’action, ils ne reconnaissent pas forcément les mêmes choses. Par exemple pour le mot « manger », l’image d’une assiette va être reconnue par un jeune mais pour un autre jeune ce sera l’image d’une fourchette. Avant de comprendre cela il y a tout un travail à faire avec chaque jeune ce qui prend un temps considérable et qui n’est pas fait dans l’IME dans lequel j’étais en stage par manque de temps, de moyens, de personnel, de formation …). 12 Un autiste communique la plupart du temps par des gestes, par des cris. Il utilise souvent l’autre comme un « outil » pour obtenir ce qu’il veut. Par exemple, s’il veut ouvrir un bocal ou une bouteille, il va prendre la main de l’adulte et la poser sur le bouchon pour qu’il l’ouvre. Certains jeunes sont verbaux et s’expriment avec des mots à eux tels que « pain » pour manger », « rompich » pour dormir, « bo » pour boire, « allo » pour appeler etc. D’autres jeunes ont des problèmes d’articulation des mots. Ils s’expriment alors mieux par écrit. Ils ont des ardoises pour écrire quand ils le savent ou pour dessiner. Cependant, l’ensemble des professionnels se rejoint sur le fait qu’il n’y a pas de vrais moyens de communication mis à la disposition des jeunes autistes. De plus, certains outils fonctionnent bien pour un certain nombre de jeunes mais pas du tout pour d’autres. Certains jeunes n’ont, à l’heure actuelle, aucun moyen de communication du coup ils sont frustrés car incompris et cela se traduit souvent par des troubles du comportement. Ce qui ressort aussi de l’analyse de mes questionnaires et de mon expérience au sein de l’IME est que la communication ne peut quasiment pas se faire si on ne connait pas la personne autiste. En connaissant le jeune on peut décrypter les signes, les expressions, les sons, les gestes, les regards… De plus, grâce à cette connaissance, il se crée un climat de confiance qui aide beaucoup le jeune à se motiver et à savoir qu’il peut être compris par l’autre et faire ainsi passer un besoin, une envie. Enfin, le manque de formation et le fait que la population des jeunes autistes soit aussi hétérogène fait que la communication est difficile et les moyens de communication très pauvres. Trouver un outil adapté à chacun prend un temps considérable et lorsque certains outils fonctionnent très bien, comme la langue des signes, c’est souvent le personnel qui manque de formation et qui se retrouve dans l’incapacité de l’utiliser. Or, si l’outil n’est pas utilisé par tout le monde, ce n’est plus cohérent pour le jeune autiste. 13 Interdisciplinarité et prise en charge infirmière : Au niveau de l’équipe, chacun a un rôle précis que ce soit dans l’éducatif ou dans le médical mais tout le monde est complémentaire : « On ne peut pas travailler les uns sans les autres. » La psychologue observe le fonctionnement de l’équipe, les jeunes, les outils mis en place, l’organisation, les activités. Elle donne son avis sur tout ce qu’elle observe, aide à la mise en place de nouveaux outils, de protocoles. Les éducateurs spécialisés sont référents de 4 jeunes chacun. Ils éduquent le jeune autiste aux gestes de la vie quotidienne, les sociabilisent, ils sont en lien avec les familles ce qui les aide à mieux connaitre les jeunes dont ils s’occupent. Le médecin assure le suivi de la santé avec les visites médicales annuelles. Il implique les familles dans la santé de leurs enfants et le jeune lui-même. Les moniteurs éducateurs veillent à la mise en place des activités, des groupes d’activités, à leur bon déroulement en fonction du projet du jeune. Il accompagne au mieux le jeune dans son projet de vie et veille à son bien-être. L’infirmière veille au bien-être et à la santé du jeune. Elle soigne les jeunes en cas de blessures, elle assure la dispensation des thérapeutiques, la surveillance de leur efficacité et des effets secondaires, elle participe à la prévention (hygiène, sexualité, surpoids…). Elle travaille également l’habituation du jeune à la salle d’attente, à la prise de sang ou d’autres soins. L’infirmière accompagne également le jeune pour les rendezvous médicaux à l’extérieur lorsque la famille ne peut pas s’en charger. C’est d’ailleurs elle qui tient au courant les familles pour les rendez-vous que ce soit à l’IME pour les visites médicales ou en externe. Elle les reçoit avec le médecin lors des visites médicales, elle les appelle régulièrement pour donner des nouvelles des enfants etc… L’infirmière connait bien les enfants, mieux que le médecin qui n’est pas souvent là (deux fois par semaine pendant 3h). Elle informe donc le médecin sur l’état de santé des jeunes. Elle joue également le rôle d’intermédiaire entre l’équipe éducative et l’équipe médicale. Elle comprend les enjeux de l’équipe et sait discuter avec eux, elle a un rôle de tampon. L’une des infirmières interrogées dit que sa place est centrale car, selon elle, l’essentiel des troubles du comportement seraient dus à des problèmes somatiques et à l’incapacité de les exprimer. Son rôle est alors, à l’aide de ses connaissances à la fois de l’autisme, du corps humain et du jeune, de comprendre ce qui ne va pas. Il faut qu’elle observe, analyse, démêle, oriente le diagnostic pour le médecin. Elle dit également avoir 14 un rôle de réassurance car elle va « désangoisser » les médecins spécialistes qui n’ont pas l’habitude de s’occuper d’une personne autiste ce qui va permettre de « désangoisser » le jeune également. Lorsque je demande aux deux infirmières en quoi cette prise en charge est différente, je suis surprise qu’elles me répondent toutes les deux qu’elles apparenteraient cette prise en charge à de la médecine animale. Elles argumentent cela en disant que c’est dû au fait que le jeune autiste ne parle pas et n’exprime pas ce qu’il ressent ni où il a mal. Pour la première infirmière, cette prise en charge n’est pas complètement différente de la prise en charge d’une autre personne handicapée mentale hors mis le manque de parole. Pour la seconde infirmière, la prise en charge de la personne autiste n’est pas différente de celle d’une personne qui aurait une autre pathologie. Elle dit que l’autisme est une pathologie comme une autre et que le patient doit donc avoir la même prise en charge qu’un autre. Les infirmières que j’ai interviewé adaptent leur prise en charge en réévaluant en permanence leurs actes, leur posture, leur façon de faire. Elles essayent de nouvelles choses dès qu’elles le peuvent. Elles mettent un point d’honneur à individualiser leur prise en charge, en adaptant leurs langages, leurs regards, leurs gestes, le moment de la journée. Au sein de l’équipe, chacun à un rôle précis mais tout le monde est complémentaire. Chacun à sa connaissance du jeune qu’il prend en charge, chacun a une relation particulière avec lui et chacun partage cela avec le reste de l’équipe au moyen de réunions hebdomadaires ou encore grâce aux temps informels et aux transmissions. Cette connaissance partagée du jeune autiste, permise par cette entente interdisciplinaire et ce partage d’informations, va permettre une meilleure prise en charge du jeune. En connaissant mieux l’adolescent autiste ils sont plus à même de lui proposer des outils de communication adaptés, de créer une relation de confiance. Ils reconnaissent mieux les signes que les jeunes leur envoient, il est alors possible, comme nous l’avons vu, de discerner les comportements habituels et non habituels et surtout d’éviter tout facteur d’angoisse tel qu’un bruit trop fort, une lumière trop intense, des aliments qu’ils n’aiment pas etc. Tout cela contribue à leur évolution et à leur bien-être diminuant ainsi les troubles du comportement très violents parfois tant pour l’équipe que pour le jeune lui-même. 15 Cette enquête a été difficile car j’ai eu du mal à rencontrer autant d’infirmières que je souhaitais au départ (2 au lieu de 3). Cependant l’équipe qui m’a accueillie pendant mon stage a été très volontaire pour répondre à mes questionnaires. Cette expérience m’a permis de me rendre compte que mes questions peuvent être un peu redondantes mais le fait que ce soit un guide d’entretien facilite la fluidité, on n’est pas obligé de suivre toutes les questions une par une et on peut faire des questions de relance. Cela a confirmé mon choix du guide d’entretien au lieu du questionnaire. Cette enquête exploratoire et l’analyse des entretiens que j’ai effectué auprès des professionnels m’ont permis d’arriver au questionnement suivant : En quoi l’interdisciplinarité permet-elle à l’infirmière d’adapter sa prise en charge de l’adolescent autiste ? Les concepts que j’ai décidé d’exploiter sont l’interdisciplinarité, le projet personnalisé et la relation soignant-autiste. 16 III) CADRE CONCEPTUEL : A) L’interdisciplinarité : J’ai choisi ce concept car mes entretiens et l’expérience que j’ai eue en stage m’ont aidé à comprendre que la prise en charge d’une personne autiste est avant tout un travail d’équipe. Définissons tout d’abord les concepts de discipline et d’équipe. L’approche interdisciplinaire permet à chaque acteur de donner son propre point de vue en fonction de ce qu’il a appris, de son domaine, donc de sa discipline afin d’éclairer les autres membres de l’équipe et d’améliorer la prise en charge de l’enfant autiste. Selon Thomas Samuel Kuhn1, une discipline scientifique est « un ensemble de connaissances et de compétences construites et standardisées par un groupe de personnes ayant des intérêts communs en fonction d’un paradigme, pour répondre à des questions. » Selon Gérard Fourez2, «la discipline scientifique est une approche des présupposés, des savoirs (connaissances, compétences) construits et standardisés, par une communauté scientifique qui, d’une part, se reconnaît comme telle et d’autre part est reconnue comme telle par la société ». Toujours selon lui, « la discipline scientifique crée un langage particulier afin d’objectiver ce qu’elle observe ». Ainsi, Gérard Fourez nous explique que la discipline apporte un regard particulier tel que peuvent par exemple l’apporter les médecins en parlant de pathologies ou les infirmières en parlant de soins. Il explique que ces différentes visions mises les unes avec les autres créent la diversité et donc un point de vue plus ouvert, plus global sur la personne soignée et ce même si chaque discipline a ses propres valeurs, codes ou langages. Les compétences de chaque discipline se lient afin d’offrir une meilleure qualité de prise en charge, plus globale, optimale. 1 Thomas Samuel Kuhn, philosophe américain Gérard Fourez, philosophe américain, dans « Des représentations aux concepts disciplinaires et à l’interdisciplinarité ». Revue recherche en soins infirmiers n°66 2 17 Définissons à présent le concept d’équipe, selon le dictionnaire Larousse, l’équipe est « un groupe de personnes travaillant à une même tâche ou unissant leurs effets dans le même dessein ». Selon Abrami Philip C.3, « une équipe peut être définie comme étant un groupe de personnes interagissant afin de se donner ou d’accomplir une cible commune, laquelle implique une répartition des tâches et la convergence des efforts des membres de l’équipe ». Enfin, selon Pierre Cauvin4, « une équipe est le lieu où se développent les solidarités, où se renforcent les actions de chacun par le jeu des échanges, où s’unifie l’activité, où se crée un esprit commun ». Ainsi, il faut avoir la volonté de dépasser le contexte de sa propre discipline, s’ouvrir à celle des autres, partager, échanger, communiquer dans le but de créer « un esprit commun » : l’esprit d’équipe, pour travailler ensemble vers un projet unanime, partagé. Ce qui m’amène à vous parler du concept d’interdisciplinarité. Dans le mot « interdisciplinarité » il y a le préfixe « inter » qui signifie « entre », donc l’interdisciplinarité veut dire « entre les disciplines ». Il s’agit d’une répartition des rôles entre les disciplines, il y a donc une notion de relation mutuelle entre ces disciplines. En ce qui concerne les soins infirmiers, et notamment les soins infirmiers au sein d’un IME, l’interdisciplinarité a toute sa place. En effet, un être humain est un être complexe qu’il faut voir dans sa globalité, de manière holistique car, comme le dit Montaigne, « ce n’est pas une âme, ce n’est pas un corps […] c’est un Homme ». Selon Monique Formarier5, l’interdisciplinarité est « une interaction entre les disciplines qui peut aller de la simple communication des idées jusqu’à une intégration mutuelle des concepts directeurs, de l’épistémologie, de la terminologie, de la méthodologie et des procédures. » 3 Abrami Philip C. – Professeur de recherche – « L’apprentissage coopératif, théories méthodes et activités » 4 Pierre Cauvin, docteur en sciences sociales, dans « La cohésion des équipe, pratique du team building » 5 Monique Formarier, formateur ARSI dans « la place de l’interdisciplinarité dans les soins » 18 Selon Gérard Fourez6, « l’interdisciplinarité émerge face à la conscience des limites d’une approche disciplinaire et face à un besoin de se donner une représentation commune, dans un contexte, en vue d’un projet commun ». Toujours selon lui, « le travail interdisciplinaire est tout sauf le rejet du travail disciplinaire. Ce qui caractérise l’approche interdisciplinaire c’est, au contraire, l’utilisation méthodique des apports de diverses disciplines en vue de conceptualiser des situations singulières. » Selon Steve Fuller7, « l’efficience et l’efficacité des soins se trouvent accrues par la mise en place d’un encadrement professionnel favorisant le travail en interdisciplinarité […] il suppose une plus grande intercommunication et une collaboration plus active. » Autrement dit, l’interdisciplinarité est avant tout basée sur les échanges afin d’enrichir les savoirs et les connaissances de chacun. C’est une interaction, une collaboration entre les différents membres de l’équipe sans qu’aucun n’ait un rôle prédominant sur les autres. Pour cela, il est important que chaque membre de l’équipe, chaque acteur, ait conscience de sa place, de son rôle ainsi que de la place et du rôle de chacun des autres membres. On peut dire que l’interdisciplinarité est parfaitement adaptée à l’activité soignante et à l’activité médico-éducative car la vision interdisciplinaire ne se focalise pas sur la pathologie, sur le corps, sur l’esprit mais conçoit la prise en charge du patient (et ici de l’adolescent autiste) dans toute sa complexité en tenant compte de l’importance de le considérer dans sa globalité. Les membres de l’équipe travaillent en symbiose dans un but commun : apprendre à connaitre l’adolescent autiste et le prendre en charge de la manière la plus optimale possible. Ils unissent leurs connaissances pour qu’elles soient encore plus au service de cette prise en charge. Pour cela il est essentiel de communiquer, d’échanger, d’analyser, de se repositionner, d’observer, de savoir recevoir et donner aux autres, de confronter ses opinions, de se remettre en question etc. Selon Barbara Dufour8, « l’interdisciplinarité permet de tenir compte des différentes dimensions de la problématique de l’autisme. Elle évite les visions trop réductrices du problème et permet de prendre en compte la personne dans sa globalité. […] Que reste- Gérard Fourez : philosophe américain, dans « Des représentations aux concepts disciplinaires et à l’interdisciplinarité ». Revue recherche en soins infirmiers n°66 7 Steve Fuller, philosophe et sociologue britannique 6 8 Barbara Dufour, enseignante à la faculté Notre Dame de la Paix de Namur 19 t-il de l’intégrité de la personne autiste si l’on considère séparément son corps, son esprit, son cerveau, son mental… ». Par l’interdisciplinarité, les différents acteurs (médecin, psychiatre, psychologue, infirmier, éducateur spécialisé, moniteur éducateur, aide médico-psychologique, assistante sociale) réfléchissent ensemble à la meilleure prise en charge de l’adolescent autiste au cours de réunions dites de synthèse. Les membres de l’équipe son prévenus en début d’année des dates de ces synthèses afin qu’ils se préparent chacun avant le jour de l’écriture du projet de l’adolescent qui se fait au cours de cette synthèse. Il y en a deux fois par an pour chaque jeune. C’est au cours de ces réunions qu’ont réellement lieux les échanges sur chaque jeunes, sur les outils, les objectifs, les actions, les évolutions. Ainsi, tout le monde se met d’accord sur ce qui a marché, sur ce qui ne marche pas, sur la manière de faire progresser l’adolescent autiste. Ils apprennent également les uns des autres. Par exemple, au cours d’une synthèse sur un adolescent qui n’arrivait plus à être autonome sur l’habillage, la psychologue a proposé à l’éducatrice de procéder par « chaînage inverse » c’est-à-dire qu’elle lui proposait de faire des pictogrammes avec les différents vêtements à mettre et d’aider l’adolescent à s’habiller, selon l’ordre indiqué sur les pictogrammes tout en les lui montrant pour qu’il fasse le lien puis, après un mois, laisser le jeune s’habiller seul étape par étape. Autrement dit, la première semaine l’éducatrice devra laisser l’adolescent mettre seul le premier vêtement, la semaine d’après les deux premiers etc… Ainsi, le dialogue, l’échange, le partage de connaissances est bien présent au cours des réunions et contribue à un réel enrichissement de la prise en charge de l’adolescent autiste. Ces réunions permettent aux différents acteurs d’échanger leurs points de vue et leurs difficultés. Elles sont animées par le psychiatre et le directeur qui veillent à ce que chaque acteur ait un temps de parole identique. J’ai trouvé que leur organisation, au sein de cet IME, était particulièrement bien pensée, chaque interlocuteur respectait bien le temps de parole des autres, personne ne se coupait la parole, cela allait même jusqu’à la fabrication d’une « boîte à synthèse » dans laquelle étaient regroupés plusieurs petits papiers avec l’inscription de la profession des différents acteurs et ces 20 papiers étaient tirés au sort afin que ce ne soit pas toujours le même ordre de prise de parole. Pour une interdisciplinarité réussie il faut donc de l’organisation, de la régularité, de la communication mais également de la confiance et du respect entre les membres de l’équipe. Chacun doit connaître ses propres limites et savoir déléguer certaines tâches. Il faut également savoir coopérer, s’affirmer, être responsable, suffisamment autonome et savoir coordonner ses actions. Cependant, travailler en équipe n’est pas toujours facile. Selon Laurent Mucchielli9, « le travail d’équipe n’est pas inné. C’est une compétence qui s’apprend, se travaille. L’efficacité d’une équipe n’est pas seulement affaire de cohésion et d’organisation. Elle s’appuie sur des règles, une dynamique qui doivent être maîtrisées pour conduire à la réussite de l’équipe ». Selon Marie-Josée Couchaère10, « quatre qualités sont indispensables pour travailler en équipe : la cohérence (savoir se faire comprendre par les autres), la crédibilité (fiabilité vis-à-vis des compétences), la consistance (être quelqu’un qui tient ses engagements), et la congruence (harmonie entre ce que l’on dit et ce que l’on fait). ». Selon moi, il faut également que les membres de l’équipe aient des compétences de base telles que la gestion des émotions, des expressions, le sérieux, la ponctualité, la régularité, l’auto-disciplinarité, la confiance en soi etc. Lorsque l’interdisciplinarité fonctionne bien, elle peut être une véritable ressource. Prenons l’exemple de l’infirmière. Elle n’est pas toujours présente à l’IME (quatre jours par semaine), elle doit s’occuper à la fois de la section des enfants (qui se blessent régulièrement) et de la section des adolescents. Elle passe donc à côté de certaines choses malgré sa très grande implication auprès d’eux et connaît moins bien les adolescents que les éducateurs spécialisés qui sont plus souvent avec eux. C’est là que l’interdisciplinarité prend tout son sens et plus particulièrement le dialogue, le partage d’information, la communication interdisciplinaire. Les éducateurs transmettent à l’écrit et à l’oral ce qu’il s’est passé lorsque l’infirmière n’était pas là, ils communiquent également sur les changements de comportements observés, les survenues des cycles menstruels, les préoccupations sexuelles (masturbation…), les blessures, les ouvertures aux autres (câlin, parole…). Ils notent également comment se sont déroulées les nuits. 9 Laurent Mucchielli : sociologue français 10 Marie-Josée Couchaère, directrice du département interentreprise du groupe Centor Idep, dans « Travailler en équipe » édition Ellipses 21 Ainsi, grâce aux réunions, mais également aux transmissions, les informations utiles sont communiquées et cela aide chaque membre de l’équipe à approfondir sa connaissance des adolescents permettant ainsi de meilleures prises en charge et des projets de vie personnalisés et optimisés. Cela m’amène à vous parler du concept de projet personnalisé. B) Le projet personnalisé : Le projet personnalisé, dans le cadre de la prise en charge d’un enfant autiste, n’est pas « seulement » un projet de soins mais un projet de Vie. Ce projet est réalisé par l’ensemble de l’équipe pluridisciplinaire et réactualisé au cours des réunions dites de synthèse. Pour commencer, parlons du soin à la personne autiste. Selon Jacques Hochmann11: « Il existe autant de formes d’autisme qu’il y a de personnes autistes, le soin doit prioritairement être adapté à celui ou ceux à qui il s’adresse. Il y a nécessité d’une cohérence du projet de soin entre les différents acteurs de soin, la famille, les proches […]. Le soin pour être efficace, a continuellement besoin d’être inclus dans une pratique plus générale de réseau où il vient se confronter avec l’éducation. Il ne s’agit donc pas de préconiser une démarche ou une autre thérapeutique ou soignante […]. Il s’agit au contraire d’articuler soin et éducation. » Ainsi on comprend bien que prendre soin d’une personne autiste est complexe tant les disfonctionnements et les manifestations autistiques sont variés et différents d’un autiste à un autre. Il leur faut donc une prise en charge adaptée, cohérente, qui prend en compte tous les aspects de la pathologie autistique nécessitant une attention et un traitement particulier. C’est pourquoi le projet personnalisé est effectué par l’ensemble de l’équipe médico-sociale à savoir le médecin, le psychiatre, le psychologue, les éducateurs spécialisés, les moniteurs éducateurs, les aides médico-psychologiques, les aidessoignantes, l’infirmière etc. 11 Jacques Hochmann : « Pour soigner l’enfant autiste » Edition Odile Jacob, collection Opus Paris 1997 22 Parlons à présent du projet personnalisé de soins. Il représente la façon dont chacun des membres de l’équipe médico-sociale souhaite « prendre soin » de l’adolescent autiste. Chacun a un rôle bien définit avec des objectifs et des actions. Selon l’HAS, « le projet personnalisé de soins est un outil opérationnel proposé aux professionnels de santé pour organiser et planifier le parcours de soins des personnes ayant une ou plusieurs maladie(s) chronique(s). […] C’est un outil de coordination des différents professionnels participant à la prise en charge […]. Le projet personnalisé de soins est le support d’une démarche qui vise à assurer une planification coordonnée et prospective de la prise en charge. » Selon Brigitte Guerrin12, le projet de soins « représente l’orientation qu’un groupe de professionnels donne à son action. Le projet prend naissance dans la loi du 31 juillet 1991 portant sur la réforme hospitalière. Dans les établissements accueillant des personnes pour un long séjour, le projet de soins peut intégrer le projet de vie. » Cette citation m’amène donc à vous parler du projet de vie. Toujours selon Brigitte Guerrin, le projet de vie est « en lien avec la loi du 2 janvier 2002. Il est personnel et singulier, élaboré pour chaque personne. C’est un outil pour préserver l’identité du résident. » Le projet de vie, ramené au contexte de l’IME, ressemble un peu à un contrat dans lequel toute l’équipe participe et s’engage à l’occasion des réunions de synthèse. Le projet est alors élaboré et optimisé par la présence des différents membres de l’équipe. Cette manière de concevoir le projet de vie me fait penser à celle du professeur Yves Boulanger et de l’équipe de l’institut de réadaptation de Montréal. Ils l’appellent « le Plan d’Intervention Interdisciplinaire Individualisé » ou « PIII ». C’est « un outil de synthèse qui réunit les observations de l’équipe multidisciplinaire, les attentes du patient ou de sa famille, les objectifs spécifiques, les actions à mener. ». Afin de rapporter le concept de projet personnalisé à mon expérience, j’ai choisi de vous décrire les différentes parties qui constituent le projet personnalisé tel qu’il est fait dans l’IME dans laquelle j’ai effectué mon stage. 12 Brigitte Guerrin, infirmière cadre de santé et formatrice IFSI 23 Les différentes parties sont les suivantes : - Vie quotidienne : autonomie sphinctérienne, repas, dextérité/motricité fine, temps libres, participation à la vie collective, nuit… - Autonomie sociale : connaître son identité, être autonome dans les déplacements, connaître l’heure, avoir la notion de l’argent, savoir passer un appel téléphonique, savoir prendre les transports en commun… - Relationnel : avec les autres adolescents, avec l’équipe pluridisciplinaire, avec les gens de l’extérieur, dans la vie intime, affective, sexuelle. - Communication : verbale/ non verbale - Groupes d’acquisition : emploi du temps, groupes d’acquisition auxquels l’adolescent participe (piscine, poterie, équithérapie, horticulture, bibliothèque, marche…) - Données sociales de l’année - Médical/paramédical - Suivi psychologique - Suivi psychiatrique - Partenariat avec les parents, les proches Cette dernière partie du projet m’amène à vous parler de la place très particulière de la famille. La famille fait également partie du contrat et elle doit valider le projet personnalisé. Cette validation se fait au cours de la réunion dite de « post-synthèse » en présence du directeur, du psychiatre et parfois de l’éducateur spécialisé référent et de l’infirmière. C’est donc un véritable « partenariat » avec la famille, une collaboration famille-équipe. Le projet personnalisé de soins est proposé à la famille et leur consentement éclairé est recherché. C’est d’autant plus important lorsque l’adolescent autiste ne parle pas. 24 C) La relation soignant/ adolescent autiste : « La relation soignant-soigné est une rencontre singulière et unique, elle relève de la prise de conscience de l’existence de la présence d’un autre être. […] Tous les soins infirmiers, parce qu’ils s’adressent à une personne ou à un groupe, comprennent une dimension relationnelle qui peut s’exprimer sous différents aspects de la relation. »13 Selon A. Manoukian14, d’autres facteurs interviennent dans une relation : - Les « facteurs psychologiques : principalement les valeurs personnelles, les représentations, les préjugés, les émotions, les désirs, les enjeux particuliers de cette communication etc. » - Les « facteurs sociaux : l’appartenance à une catégorie professionnelle, à une classe d’âge, à une culture ainsi que les rôles et fonctions de chacun. » - Les « facteurs physiques : les perceptions propres à chacun, l’aspect physique… » De plus, selon l’article R4312-2 du code de la santé publique relatif à l’exercice de la profession d’infirmier : « les soins infirmiers, préventifs, curatifs ou palliatifs, intègrent qualité technique et qualité des relations avec le malade.» La relation est la base d’une bonne prise en charge, cependant, dans le cas de la prise en charge d’un adolescent autiste, cette relation peut être délicate à instaurer. Voyons à présent les particularités de la relation soignant/autiste. Comme nous l’avons vu plus haut, l’autisme se caractérise par ce que l’on appelle la triade autistique. Cette dernière inclus une altération des interactions sociales. Ainsi, une personne autiste ne va pas vers les autres, elle a tendance à se replier sur soi-même, à fuir les regards, à fuir toute relation. Pour entrer en relation avec une personne autiste, il faut d’abord apprendre à la connaître et qu’elle apprenne à nous connaître ou plus précisément à nous accepter comme faisant partie de son environnement et de l’équipe. Le soignant doit alors s’investir, c’est le cas de l’infirmière de l’IME qui passe du temps Collectif SFAP : Daydé M-C, Lacroix M-L, Pascal C, Salabaras C – Relation d’aide en soins infirmiers : « Prendre soin : éthique et pratiques »- Edition Elsevier Masson 13 14 14 : A. Manoukian avec la collaboration d’Anne Massebeuf – « La relation soignant-soigné » - Edition Lamarre 25 avec les adolescents sur l’internat, elle vient les voir le matin au petit déjeuner, s’installe avec eux et les éducateurs, leur parle, vient les voir lors des activités, le soir au coucher, dès qu’elle le peut. Cette infirmière me parlait d’ « apprivoisement » et je pense aussi que c’est le cas. En effet, au début de mon stage, malgré la connaissance théorique de l’autisme, le fait que j’étais venue passer quelques heures pour me présenter aux adolescents et les observer quelques jours avant de commencer le stage et les conseils que m’avait apporté une amie qui avait également effectué son stage là-bas, je ne me sentais pas à l’aise, pas à ma place au milieu de ces adolescents. Tout portait à croire qu’ils ne me voyaient pas. L’infirmière m’avait rassurée en me disant que c’était normal, qu’au début ils préfèrent concentrer leur attention sur les personnes qu’ils connaissent, en qui ils savent qu’ils peuvent avoir confiance. De plus, les autistes n’aiment pas beaucoup le changement et la présence d’une nouvelle personne peut les angoisser. Dans un premier temps je me suis donc contenté de suivre l’infirmière sur les temps d’internat afin qu’ils me voient non pas comme une personne étrangère mais une personne qui connaît l’infirmière et qui fait comme elle. Par la suite, je me rendais seule sur l’internat, je participais aux activités, aux repas. C’est alors que les adolescents se sont rapprochés de moi, ou du moins, m’ont accepté et n’étaient plus angoissés à l’idée que je sois présente dans leur environnement. Pour eux, j’étais devenue comme les autres membres de l’équipe et j’étais soulagée car c’est difficile d’être présente sans vraiment l’être. Un des adolescents était même particulièrement proche de moi, il me montrait ce qu’il faisait, ce qu’il dessinait, me parlait lorsque je lui donnais les médicaments, me disait « merci Fanny » lorsque je le soignais. C’est d’ailleurs cette expérience qui m’a amené à me dire que ce lien avec cet adolescent avait été sans doute facilité par le fait qu’il sache parler. En effet, malgré ses troubles autistiques il est capable d’instaurer une vraie communication verbale, limitée mais suffisante pour se comprendre, comprendre certains de ses besoins, ses passions, son univers. Autant d’éléments qui, selon moi, favorisent une relation. Ce qui ne veut pas dire que l’on ne peut pas entrer en relation avec un adolescent qui ne parle pas, cela m’a juste semblé plus difficile. C’est pourquoi j’ai choisi cette population là pour mon travail de fin d’étude. 26 L’infirmière qui m’a encadré pendant mon stage m’a énormément conseillé. Les qualités relationnelles d’une infirmière travaillant auprès des autistes sont nombreuses. En effet, elle doit tout d’abord observer car lorsqu’un adolescent ne parle pas, il faut pouvoir relever des informations sur son comportement etc. Lorsque l’infirmière reçoit un adolescent pour un soin, elle fait attention à tout, ne s’occupe plus de ce qu’il y a autour, elle observe ses gestes, son faciès… Par exemple, un jour l’infirmière accueille un adolescent pour son injection mensuelle de neuroleptique. En arrivant cet adolescent, que nous appellerons Steven, a retiré sa chaussure gauche. L’infirmière a alors demandé à Steven s’il avait quelque chose à lui montrer. Steven s’est mis à se balancer, elle lui a alors dit de s’allonger pour qu’elle puisse regarder son pied et il avait en effet une ampoule qui s’était ouverte probablement à cause des frottements. C’est un exemple parmi tant d’autres mais sans cette capacité d’observation, l’infirmière se serait probablement focalisée sur le soin initialement prévu à savoir l’injection et serait passée à côté de la douleur de Steven. Une autre qualité indispensable à l’infirmière est la disponibilité. En effet, elle doit faire comprendre aux adolescents qu’elle est là et pour cela sa présence sur l’internat est très importante. Plus l’infirmière se rend disponible, plus elle passe de temps avec les adolescents, plus ils se connaissent et une relation de confiance s’installe alors. Pour être soignant auprès d’adolescent autistes il faut également être authentique tout en sachant gérer ses émotions car un autiste réagit souvent en miroir, s’il sent qu’on a peur par exemple, il va également avoir peur. Enfin, la qualité qui est essentielle selon moi est l’adaptation. Je l’ai mise dans les qualités relationnelles car chaque relation avec un adolescent autiste est différente. Ils ont chacun leur manière de fonctionner, leurs particularités et l’infirmière doit adapter sa manière d’entrer en relation avec eux. Elle doit notamment adapter sa posture, sa voix, sa manière d’effectuer les soins (avec ou sans lumière, avec ou sans musique, avec ou sans accompagnateur, avec ou sans médiateur) et adapter sa manière de communiquer. Je vais donc vous parler d’un élément indispensable à la relation : la communication. 27 Selon Cabin P et Dortier J-P15, « Nous communiquons pour nouer des relations, pour partager […]. » La communication c’est le « fait de communiquer, de transmettre quelque chose »16. Elle suppose un émetteur, un message et un récepteur. Le but est que le message soit bien compris, décodé. Cependant, cela n’est pas toujours simple avec une personne autiste qui ne vous regarde pas, qui ne vous répond pas, qui parfois ne vous entend ou ne vous comprend pas. Il existe différents types de communication : verbale et non verbale. Les adolescents autistes dits « non verbaux » utilisent la communication verbale mais au travers des sons, de rires, des soupirs, des cris… Parler avec l’adolescent, même si il ne nous répond pas, est essentiel, notamment au cours des soins par exemple pour leur expliquer ce que l’on fait afin de diminuer leur angoisse. La communication non verbale ce sont les gestes, les regards lorsque cela est possible, les expressions du visage parfois comprises par l’adolescent, la façon de se vêtir (pas de blouse blanche), les postures du corps avec notamment la notion de distance vis-àvis de leur « bulle ». Communiquer sans réel échange, que ce soit avec les mots ou avec les regards est difficile. La médiation a alors toute sa place (musique, objets, chant, pictogrammes…). Grace à ces médiateurs, autisme et communication ne sont pas indissociables d’autant plus lorsque l’infirmière connaît bien l’adolescent et le médiateur à utiliser. La connaissance amène également à la construction de la relation de confiance et cette relation va permettre aussi de faciliter les échanges car la personne autiste va se sentir moins angoissée et se repliera moins sur elle-même. Pour finir, je tenais à parler de la relation que peut entretenir l’infirmière avec la famille de l’adolescent, notamment les parents. En effet, l’infirmière les appelle régulièrement pour leur donner des nouvelles de leurs adolescents. Elle cherche également à les investir un maximum dans les rendezvous extérieurs (dentiste, podologue…). Son but étant de maintenir les liens qui sont parfois altérés par la distance, par l’absence. La présence de l’infirmière auprès des parents lors de rendez-vous est également importante pour les écouter. 15 Cabin P et Dortier J-P : « La communication : état des savoirs » - Edition sciences humaines 16 Dictionnaire Larousse 28 Souvent, les parents souffrent du manque d’affection, de la violence, de l’incompréhension de leur adolescent. Ils se sentent coupables, frustrés, impuissants et ont besoin du soutien de l’infirmière. Les entretiens sont des moments où les familles se livrent et se libèrent de leurs tensions où ils trouvent des réponses à leurs questions, où leurs silences sont respectés, leur douleur entendue. Aider à la libération est essentielle car les parents des adolescents autistes sont une ressource tant pour l’adolescent que pour l’équipe. Pour conclure cette partie, je dirai que la relation avec l’adolescent autiste nécessite beaucoup de patience et de stratégies. Comme dit Howard Buten 17, travailler auprès d’autistes « exige des efforts importants et difficiles. Important parce qu’il faut tout réinventer chaque jour, parce que nos efforts doivent être aussi importants […], parce que rien n’est jamais acquis » 17 Howard Buten : « Il y a quelqu’un là-dedans. » Editions Odile Jacob 29 IV) Hypothèse : Comme nous l’avons vu, l’autisme est un handicap nécessitant un diagnostic précoce afin d’apporter aux personnes autistes une prise en charge globale et individualisée le plus rapidement possible ce qui nécessite une bonne connaissance de la personne autiste. Mes recherches et mon expérience m’ont montré que cette connaissance s’acquière principalement grâce au temps passé avec la personne autiste mais également grâce à la communication et la collaboration interdisciplinaires. Ces dernières permettent un échange, non seulement, d’informations essentielles à la prise en charge mais également d’idées, de points de vue différents qui permettent une analyse approfondie de la situation de la personne autiste. Par cette analyse, chacun des membres de l’équipe, notamment l’infirmière, va apporter sa prise en charge et ainsi fournir un projet personnalisé. Je propose donc comme hypothèse, qu’au sein d’un institut médico-éducatif, la collaboration interdisciplinaire semble être la garantie d’une prise en charge optimisée. 30 V) Conclusion : Une prise en charge pluridisciplinaire, globale, adaptée, effectuée le plus tôt possible est nécessaire si l’on espère que la personne autiste devienne la plus autonome possible. Les moyens déployés et les prises en charges sont aussi nombreux que l’équipe est pluridisciplinaire (prise en charge médicale, paramédicale, éducative, psychologique…). L’infirmière a un rôle important auprès des adolescents autistes car la plupart d’entre eux nécessitent des soins quotidiens (soins de confort, contrôle de l’alimentation, du poids, prévention, éducation à la santé, administration des thérapeutiques et surveillance de l’efficacité et des effets secondaires, soins relationnels…). Il est donc essentiel, pour elle comme pour les autres membres de l’équipe, de parvenir à entrer en relation avec la personne autiste, d’apprendre à communiquer avec elle. Cela s’acquière avec l’expérience, la connaissance de l’autisme et des adolescents autistes mais également grâce à la collaboration et à la communication interdisciplinaire. Mon expérience en stage m’a amené à me rendre compte qu’entrer en relation avec la personne autiste n’est pas facile, d’autant plus lorsque cette dernière ne parle pas. Cependant, l’aide de l’équipe, notamment celle de l’infirmière, m’a permis de dépasser cette difficulté au moyen de différents supports ou médiateurs. Ils m’ont appris à trouver et à utiliser le bon médiateur, le bon outil pour le bon adolescent afin d’améliorer les échanges, de mieux le comprendre, le connaitre et de créer une relation de confiance avec lui. Au travers de mes recherches, mes lectures et de tout ce que l’équipe de l’IME m’a apporté, j’ai pu comprendre que lorsque la prise en charge est optimisée, que les troubles somatiques sont traités, que les adolescents autistes sont mieux compris, les troubles du comportement diminuent. Ainsi, il semblerait que cette optimisation permette aux autistes d’améliorer leurs conditions de vie. Cependant, cela ne se fait pas en un jour et il ne faut pas oublier que l’on ne « guérit » pas de l’autisme. Pour finir, je vous propose une citation de Jim Sinclair, personne autiste : « Être autiste ne signifie pas être inhumain. Cela signifie être étranger. Cela signifie que ce qui est normal pour les autres ne l'est pas pour moi et ce qui est normal pour moi ne l'est pas pour les autres. A certains égards je suis très mal équipé pour 31 survivre dans ce monde comme un extraterrestre échoué sur la terre sans manuel d'orientation. Mais ma personnalité est intacte, ma conscience de moi n'est pas altérée. Je trouve beaucoup de sens et de valeur à ma vie et je n'ai aucune envie d'être guéri de moi-même. Si vous voulez m'aider, n'essayez pas de me confiner à une mince partie du monde que vous pouvez changer pour me caser. Accordez-moi la dignité de me rencontrer selon mes propres termes. Reconnaître que nous sommes également étrangers l'un à l'autre, que ma façon d'être n'est pas simplement une version déficiente de la vôtre. Interrogez-vous sur vos présupposés. Définissez vos mots. Travaillez avec moi à construire davantage de ponts entre nous. » 32 BIBLIOGRAPHIE Livres: Howard BUTEN : Il y a quelqu’un là-dedans – Edition Odile jacob. 2009.195 pages. Howard BUTEN : Ces enfants qui ne viennent pas d’une autre planète- Gallimard. 61pages Gersande et Francis PERRIN : Louis pas à pas – Edition JC Lattès – 230 pages Sean et Judy BARRON : moi l'enfant autiste – Edition J’ai lu – 315 pages Josef SCHOVANEC je suis à l'est – Edition Plon – 256 pages Pierre FERRARI l'autisme infantile- éditions PUF – 127 pages FORMARIER M : Les concepts en sciences infirmières, ARSI - Edition Mallet collection GRIESSER AC : Petit précis d’organisation des soins interdisciplinarité, Edition Lamarre FORMARIER M : La place de l’interdisciplinarité dans les soins, Recherche en soins infirmiers n°79, décembre 2004, page 12 à 18 GASSEAU N : L’équipe et l’interdisciplinarité, Soins psychiatrie n°198, octobre 1998, page 6 à 10 Wendy LAWSON : Comprendre et accompagner la personne autiste » - collection psychothérapie pathologie Sites internet : Vaincre l’autisme: http://www.vaincrelautisme.org/ Autistes sans frontières: http://www.autistessansfrontieres.com/ Autism support network: http://www.autismsupportnetwork.com/ Centre Ressources Autisme: http://www.cra-mp.info/ SERPSY: http://www.serpsy.org/ Sésame autisme : http://www.sesame-mp.fr/accueil.html Autisme : la HAS et l’Anesm recommandent un projet personnalisé d’interventions pour chaque enfant : http://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_1224096/autisme-la-haset-lanesm-recommandent-un-projet-personnalise-dinterventions-pour-chaque-enfant Autisme france : http://www.autisme-france.fr/autisme-france Autisme diffusion : http://www.autismediffusion.com/ La maison des oiseaux : http://www.atiredaile.org/ Collectif autisme : http://www.collectif-autisme.org/ Plan autisme 2013-2017 : http://circulaires.legifrance.gouv.fr/pdf/2014/03/cir_38023.pdf Autisme et autres TED, interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées : http://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_953959/autisme-et-autres-troublesenvahissants-du-developpement-interventions-educatives-et-therapeutiquescoordonnees-chez-lenfant-et-ladolescent Autisme et autres TED : http://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_935617/autisme-etautres-troubles-envahissants-du-developpement Inserm, dossier d’informations sur l’autisme : http://www.inserm.fr/thematiques/neurosciences-sciences-cognitives-neurologiepsychiatrie/dossiers-d-information/autisme Psychiatrie infirmière : http://psychiatriinfirmiere.free.fr/infirmiere/formation/psychiatrie/enfant/pathologie/au tiste.htm Votre prochain patient est atteint d’autisme ?: http://www.autisme- france.fr/offres/file_inline_src/577/577_P_24082_1.pdf: Autisme formation : http://www.autisme-formation.net/ Association Nationale des Centres de Ressources Autisme : http://www.autismes.fr/ Films : « Temple Grandin » de Mick Jackson « Rain man » de Barry Levinson « Elle s’appelle Sabine » de Sandrine Bonnaire « Adam » de Max Mayer « Mon petit frère de la lune » de Frédéric Philibert « Le cerveau d'Hugo » de Sophie Révil Articles : - Soins psychiatrie : N°283 p6 « lancement des rencontres régionales de l’autisme » et N°280 p5 « 2012 : année de l’autisme. » MAZET, P ; HOUZEL D – « Autisme infantile et psychoses précoces de l’enfant. » Encyclopédie médico-chirurgicale, 2000, pages 1-28. - VST. Vie Sociale et Traitement 2009/2 n°102 Olivier Lejeune : « Moi et l’autisme, moi et les autres. » - La vie psychique des personnes handicapées - Véronique Pautrel : « Douleur, angoisse, plainte : La tienne ? La mienne ? » - Organisation mondiale de la santé. CIM-10. « Classification statistique international des maladies et des problèmes de santé connexes. » 10e révision. Genève : OMS; 1999. - Les autistes hypersensibles aux mini-changements – 2 avril 2013- Inserm : http://www.inserm.fr/actualites/rubriques/actualites-recherche/les-autisteshypersensibles-aux-mini-changements - L’autisme, grande cause nationale http://www.inserm.fr/content/view/full/50389 2012 – Inserm- ANNEXES Annexe 1 : Guide d’entretien Annexe 2 : Entretien n°1, Mme C. infirmière de l’IME Annexe 3 : Entretien n°2 Mme S. infirmière Annexe 4 : Entretien n°3 Mr J. éducateur spécialisé à l’IME Annexe 5 : Entretien n°4 Mr C. médecin de l’IME Annexe 6 : Entretien n°5 Mme B. monitrice éducatrice à l’IME Annexe 7 : Entretien n°6 Mme M. psychologue des adolescents à l’IME Annexe 1 : Le guide d’entretien : Questions d’introduction : - Depuis combien de temps êtes-vous diplômé(e) ? - Depuis quand travaillez-vous ici ? Autisme et communication: - Objectifs : - Identifier les différentes manifestations autistiques - Mettre en évidence les difficultés que peuvent rencontrer les enfants autistes dans leur vie sociale - Questions : - Quelles sont les différentes manifestations autistiques que vous avez pu rencontrer ? (type de comportement, altération des interactions sociales, de la communication…) - Comment parvenez-vous à entrer en relation avec l’enfant autiste ? - Parvenez-vous à identifier les besoins, les envies de ces enfants ? Si oui, comment ? Stratégies thérapeutiques: - Objectifs : - Identifier les différentes stratégies thérapeutiques utilisées dans la prise en charge de ces enfants - Mettre en évidence l’importance de ces moyens - Questions : - Quels sont les différents moyens de communication que vous utilisez au quotidien pour vous faire comprendre, pour communiquer avec ces enfants ? - Quels sont les outils mis à leur disposition afin de leur permettre de se faire comprendre et de communiquer avec vous ? - Comment sont mis en place, sont pensés ces outils? Par qui sont-ils trouvés ? Pluridisciplinarité de l’équipe : - Objectifs : - Identifier le rôle de chacun dans la prise en charge de l’enfant autiste - Mettre en évidence le fait que la connaissance de l’enfant autiste par les différents professionnels permet une prise en charge adaptée et cohérente - Questions : - Quel est votre rôle et votre place au sein de l’équipe pluridisciplinaire et dans la prise en charge de l’enfant autiste ? - Quelles sont les compétences et les savoirs faire nécessaires pour exercer votre profession ? - Par quels moyens parvenez-vous à identifier les besoins de chaque enfant ? - En quoi le fait de mieux connaitre l’enfant permet-elle une meilleure prise en charge selon vous ? - Par quels moyens transmettez-vous vos connaissances de l’enfant aux autres membres de l’équipe ? Dans quel but le faite vous? Autisme et relation : - Objectifs : - Identifier le rôle et la place de l’infirmière dans la prise en charge de l’enfant autiste - Avoir le ressenti et le vécu de professionnels - Questions : - Quel est votre rôle et votre place dans la prise en charge de l’enfant autiste ? - En quoi la prise en charge de ces enfants est-elle différente des autres prises en charge ? - Comment parvenez-vous à entrer en relation avec ces enfants ? - De quelle façon adaptez-vous votre prise en charge ? - Par quels moyens et avec l’aide de qui parvenez-vous à approfondir votre connaissance de chaque enfant ? - En quoi la connaissance de l’enfant facilite-t-elle la prise en charge de ce dernier ? Annexe 2 : Entretien n°1 : Mme C. infirmière Questions d’introduction : - Depuis combien de temps êtes-vous diplômé(e) ? « Depuis 1983, infirmière » - Depuis quand travaillez-vous ici ? « Depuis 1999 » - Quelle tranche d’âge ont les personnes autistes que vous accueillez ? « Enfants : 6ans-14ans Ados : 12ans-20ans » Autisme et communication: - Objectifs : - Identifier les différentes manifestations autistiques - Mettre en évidence les difficultés que peuvent rencontrer les enfants autistes dans leur vie sociale - Questions : - Quelles sont les différentes manifestations autistiques que vous avez pu rencontrer ? (type de comportement, altération des interactions sociales, de la communication…) « Alors il y a des troubles du comportement, je développerai après j’essaie de structurer ma pensée, il y a des troubles de la relation, des troubles de compréhension. En premier je dirais troubles de la compréhension, c’est-à-dire que quand tu poses une question à un autiste, t’es pas sûr qu’il comprenne ta question et après c’est compliqué pour lui de te répondre. Il y a des troubles de la relation qui sont un peu en lien avec les troubles de la communication. Comment entrer en relation avec un autiste ? Au départ c’est compliqué parce ce qu’il faut un peu « l’apprivoiser » donc c’est vrai que ça fait partie des difficultés que l’on rencontre et qui demande souvent un tiers dans la relation, quelqu’un qui connait bien l’enfant, du quotidien au moins au départ. » - Comment parvenez-vous à entrer en relation avec l’enfant autiste ? « Alors avec l'aide d'une personne de son quotidien. » Question de relance : « Cela peut être un éducateur, un AMP …? » « Oui, un éducateur, un parent. Ça c’est quand je ne les connais pas bien. Et même quand je les connais bien j’ai quand même besoin de quelqu’un du quotidien parce que, des fois, je vais poser des questions, l’autiste ne va pas pouvoir répondre donc c’est bien que la personne qui l’accompagne puisse répondre à une question par exemple. Après, ça c’est ce dont j’ai besoin globalement, dans ma relation plus particulière avec le jeune, j’entre en relation avec le langage, avec un langage très particulier, avec des mots simples, parfois même aves des ordres concis du style « assieds-toi là » « enlève tes chaussures ». Donc voilà, je suis plutôt directive, avec tous, avec les conciliants comme avec les non conciliants. Du coup il me faut assez de patience parce que quand je donne un ordre il faut que j’attende la réponse. Par exemple si je dis « Enlève ta chaussure » et que je n’attends pas qu’il enlève sa chaussure, je vais être en décalage, je vais poser plusieurs questions et je vais me retrouver en grande difficulté. Il faut être en adéquation avec leur rythme. Quand j’ai une question à poser, comme je sais que c’est très difficile de répondre, j’essaie de faire une question à laquelle on peut me répondre oui ou non (langage binaire), ou je demande de me localiser un endroit du corps en leur proposant moi-même les parties. Si je sens que la question n’est pas comprise, je m’aide de la personne de confiance présente avec le jeune. Je peux parfois m’aider de dessins de parties du corps mais ça reste très compliqué, ça ne fonctionne pas avec tout le monde. De même quand je leur demande de me montrer sur eux où ils ont mal, ce n’est pas toujours compris. Quand il n’y a pas de mots c’est très compliqué, donc là du coup on passe à autre chose que le langage, on passe à l’observation. C’està-dire que je vais me servir de l’observation du jeune, de ce que je sais des observations transmises par les personnes de confiance sur le terrain, des observations que je fais en réunion de résidents. Du coup mon interrogatoire sur les observations va se faire auprès des éducateurs : « Qu’est-ce que vous avez observez ? Qu’est-ce qu’il s’est passé ?... » J’ai plusieurs outils, j’ai l’approche directe avec le langage, j’ai l’observation indirecte, on va dire, c’est-à-dire mes observations et celles des personnes présentes au quotidien. Ce sont mes deux grandes aides. Je peux m’aider également de la musique quand je sens qu’ils sont fatigués ou stressés. Les pictogrammes, les photos, les dessins, c’est ce qui est le moins efficace à mon avis. Après ça m’arrive de les utiliser. Je peux également utiliser une question dans l’immédiateté, c’est-à-dire « Si tu veux voir le docteur, viens avec moi. » Si il me suit dans le quart d’heure, j’en déduis qu’il veut voir le médecin. Il y a plein de petites stratégies comme ça. Certains autistes ont besoin d’être dans l’immédiateté donc je suis obligé de leur proposer quelque chose de possible ici et maintenant. Un autre moyen d’entrer en relation c’est d’être bien présente pour le jeune, de ne pas discuter avec quelqu’un d’autre pendant le soin par exemple, être attentive aux gestes qu’il peut faire, à ses réactions. Par exemple une fois un jeune est venu me voir pour que je soigne sa main, il a retiré ses chaussures, j’en ai déduis que quelque chose le gênait. Et en effet, il avait un problème au pied. Leur comportement est souvent là pour me guider, me donner une piste donc je reste vigilante. Tout a de l’importance. » - Parvenez-vous à identifier les besoins, les envies de ces enfants ? Si oui, comment ? « Alors, moi je ne suis pas trop dans les envies puisque je suis dans le soin infirmier donc plus dans le besoin, le besoin de soins. Je sais que sur les groupes il peut y avoir ma photo en pictogramme, donc l’éducateur peut identifier la demande de soins. Mais c’est la première étape. Après moi je peux identifier le besoin, parce que le jeune va se rapprocher de moi lorsque je suis sur le terrain, parce qu’en réunion de résidents il va m’interpeller d’une manière ou d’une autre. Mais la majeure partie du temps je vais identifier ses besoins grâce à une tierce personne. Ce sera rarement moi qui vais l’identifier en direct. Après moi je vais affiner, je vais essayer de savoir ce qui va et ce qui ne va pas mais je suis au bout de l’entonnoir on va dire. La connaissance du jeune nous aide également beaucoup. C’est parce que tu le connais que tu vois qu’il y a quelque chose de différent. Et lui te fait confiance. Un autiste qui n’a pas confiance ne te guidera pas. Il faut qu’il ait confiance en toi, que tu aies fait quelque chose qui l’ait rassuré et une fois la relation de confiance installée, c’est bon. Cela ne veut pas dire qu’il va être « au top » à chaque fois avec toi mais il te fait confiance. Il sait que tu es capable de faire telles choses, que tu es capable de comprendre certaines choses et qu’il peut te faire confiance pour ça. » Stratégies thérapeutiques: - Objectifs : - Identifier les différentes stratégies thérapeutiques utilisées dans la prise en charge de ces enfants - Mettre en évidence l’importance de ces moyens - Questions : - Quels sont les différents moyens de communication que vous utilisez au quotidien pour vous faire comprendre, pour communiquer avec ces enfants ? « Avant tout, le langage, je leur parle. » - Quels sont les outils mis à leur disposition afin de leur permettre de se faire comprendre et de communiquer avec vous ? « Le pictogramme avec ma photo. L’interpellation, en évitant de me taper si possible mais pourquoi pas. Par exemple, un des jeunes est venu me voir une fois en me rentrant les ongles dans la main. Les moyens qu’eux utilisent c’est souvent malheureusement les troubles du comportement. Aujourd’hui on n’a pas de vrais moyens de communication. On a pas trouvé de vrais moyens de communication à leur offrir et du coup la manière qu'ils ont la plus efficace de nous interpeller en tout cas ce sont les troubles du comportement, du moins c'est ce que l'on pense. Parce que quand on est attentifs à ce qu'ils nous disent il y a moins de troubles du comportement. C'est comme l'histoire du jeune qui a enlevé sa chaussure, peut-être que si je n'avais pas compris, il se serait énervé et du coup on se serait dit « ah il s'énerve, c'est qu'il y a peut-être quelque chose. » » Question de relance: Et le carnet de S., est ce que cela va se reproduire pour d'autres jeunes? « Je ne sais pas, je sais qu'à l'heure actuelle il l'a perdu. On essaie de se pencher sur des moyens de communication par objets, photos ou pictogrammes. Actuellement il y a des photos sur les groupes mais à l'infirmerie, je n'ai pas d'outils, j'en avais pendant un temps, des photos et pictogrammes essentiellement mais ça ne fonctionnait pas tellement. Je m'en sors beaucoup mieux en les observant. » Question de relance: Et tu m'avais parlé d'une mise en place d'un tableau photo avec les parties du corps de chaque jeune, est ce que tu penses l'utiliser prochainement? « Je ne sais pas encore, je réfléchis. Ce que j'aimerais c'est avoir le même genre de matériel qu'ils utilisent sur les groupes, donc j'attends de voir si cela marche sur les groupes avant de le mettre moi-même en place. Avec la même présentation mais plus ciblée sur le soin infirmier. Pour le moment j'utilise surtout l'observation, le langage et l'habituation dont je parlerai ensuite. L'observation est difficile, il faut pouvoir les observer tout en leur parlant. Par exemple un jeune est mal, il vient nous voir, il faut chercher où il a mal. Je vais lui dire "Est ce que tu as mal aux yeux... aux oreilles....au bras..." et j'observe ses réactions en fonction de ces différentes nominations des parties du corps. S'il y a un changement, une réaction pour une de ces parties du coup ça va m'orienter. Donc il faut être très attentif, ils nous signifient des choses, il faut pouvoir les capter. Mais vu que pour la plupart le schéma corporel n'est pas intégré, c'est vraiment difficile de localiser une douleur. Du coup je n'ai souvent pas d'autres choix que de soulager la douleur avec un antalgique sans savoir réellement où il a mal. » - Comment sont mis en place, sont pensés ces outils? Par qui sont-ils trouvés ? « Là le souci c'est qu’il n’y a pas forcement d'outil au sens strict. Donc je ne peux pas vraiment répondre à cette question. Mais je dirais que c'est l'équipe qui pense à tout cela. On ne peut pas travailler seul face à un autiste. Et je pense que pour individualiser les outils on peut se baser sur les référents de chaque jeune. Comme outil pour évaluer la douleur j'ai la grille algoplus. C'est moi qui l'ai mise en place après avis du médecin. » Pluridisciplinarité de l’équipe : - Objectifs : - Identifier le rôle de chacun dans la prise en charge de la personne autiste - Mettre en évidence le fait que la connaissance de la personne autiste par les différents professionnels permet une prise en charge adaptée et cohérente - Questions : - Selon vous, quel est le rôle et la place de chacun au sein de l’équipe pluridisciplinaire et dans la prise en charge de la personne autiste ? « Alors c'est très compliqué ça. Je trouve que déjà connaitre son propre rôle et sa place c'est déjà beaucoup. Ce qui est sûr c'est qu'on ne peut pas travailler les uns sans les autres, c'est un réel travail en équipe pluridisciplinaire. Je te conseille de regarder les fiches de poste de chacun, cela t'aiderait beaucoup. » - Par quels moyens vous sont transmises les connaissances de la personne autiste par les autres membres de l’équipe? « Alors nous avons une réunion de résidents une fois par semaine, une synthèse une fois par an, jeune par jeune, réfléchie par les professionnels référents. Ensuite on a le projet personnalisé et normalement il doit être lu en réunion d'équipe qui a lieu une fois par semaine après la réunion des résidents. Mais ce n'est pas toujours le cas malheureusement. » Prise en charge infirmière: - Objectifs : - Identifier le rôle et la place de l’infirmière dans la prise en charge de la personne autiste - Avoir le ressenti et le vécu de professionnels - Questions : - Quel est votre rôle et votre place dans la prise en charge de la personne autiste ? « Alors moi j'ai essentiellement un rôle dans le somatique sachant que j'ai mis longtemps à trouver cette place là, ce n'était pas gagné d'emblée. Et dans la santé globale c'est à dire que je ne fais pas de la bobologie. C'est plus complexe que cela. Je suis en lien avec la famille, l'équipe, le médecin, les intervenants extérieurs. J'ai l'impression que ma place est un peu centrale vu que je pense qu'une grande partie des troubles du comportement chez les autistes sont dues à des problèmes somatiques et à l'incapacité de les exprimer. Il faut que j'arrive à observer, analyser, démêler et orienter le diagnostic pour le médecin, en étant la personne intermédiaire auprès du médecin quel qu'il soit. Je peux également « désangoisser » les médecins et les intervenants extérieurs. Je leur explique comment fonctionne un autiste, comment agir avec eux. Et je « désangoisse » par la même occasion l'autiste. Je suis une sorte de médiateur au même titre que l'équipe, que la famille etc. Pour résumer je dirais que ma place est une place de réassurance. D'ailleurs j'ai l'impression que lorsqu'on est là il se passe beaucoup moins de choses que lorsque l'on n'est pas là. Pour moi la place infirmière est centrale. Le rôle est un vrai rôle de soignant. » - En quoi la prise en charge de ces personnes autistes est-elle différente de la prise en charge de personnes ne souffrant pas de ce handicap ? « Par rapport à des personnes saines la différence c'est que ça se rapproche un peu de la médecine vétérinaire dans le sens qu'on a en face de soi quelqu'un qui ne s'exprime pas, qui ne dit pas ce qui ne va pas, avec qui on ne peut pas échanger et qui peut parfois être agressif. Du coup il faut apprendre d'autres systèmes pour entrer en relation. De plus ils ont vraiment un problème de représentation corporelle. Du coup même avec la meilleure volonté du monde parfois on a pas d'autre choix que de leur faire passer des examens plus approfondis pour comprendre. Autre caractéristique, le langage que l'on doit utiliser: pas de second degré, mots simples, phrases courtes. Je pense de plus en plus que lorsque l'on parvient à parler avec des autistes alors on peut parler avec tout le monde. C'est une bonne école. » - Par quels moyens et avec l’aide de qui parvenez-vous à approfondir votre connaissance de chaque personne autiste ? « En questionnant l'entourage, en faisant le travail d'habituation, par des petits soins, par des rencontres sur les groupes de vie, par les réunions de résidents et en me faisant repérer comme infirmière c'est à dire que je fais partie de l'équipe et ils peuvent, les autistes, m'interpeller. En étant disponible, je passe plus de temps avec eux et donc j'apprends à les connaitre. Je les reçois pendant plusieurs jours de suite lorsqu'ils ont un "bobo" ou autre. Au départ j'utilisais beaucoup ce que me disaient les éducateurs, ils m'aidaient à mieux connaitre chaque jeune. Tout comme moi je le fais avec toi. Je t'apprends des choses sur les jeunes, tu t'aides de moi pour en savoir plus. » - En quoi la connaissance de la personne autiste facilite-t-elle la prise en charge de ce dernier ? « Comme le travail est en grande partie de l'observation, on va noter ce qui change d'habitude. Or si tu ne connais pas les habitudes tu ne peux pas noter de changements. Ça va te servir à décrypter les changements de comportement ou les signes envoyés etc. » - De quelle façon adaptez-vous votre prise en charge ? « Je l'adapte déjà individuellement à chacun. J'adapte mon comportement, mon langage, mon positionnement dans l'espace, mon regard. D'où l'importance de bien les connaitre. Je l'adapte également au moment, si un jeune n'a pas envie ou n'a pas le temps de me voir je reporte, je recherche la coopération à 100%. » Annexe 3: Entretien n°2 : Mme S. infirmière Questions d’introduction: - Depuis combien de temps êtes-vous diplômé(e)? « 29 avril 2011 » - Depuis quand travaillez-vous ici? « 16 mai 2011, bientôt 3 ans déjà. » - Quelle tranche d’âge ont les personnes autistes que vous accueillez? « Alors mon service accueille des patients âgés de 18 à 60ans atteints de psychoses infantiles vieillissantes (dont des autistes ou des patients atteints de troubles autistiques) ou de pathologies mentalement déficitaires (arriération mentale, schizophrénie déficitaire). C'est un service d'hospitalisation psychiatrique mais j’ai déjà travaillé au sein d’un IME. » Autisme et communication: - Objectifs: - Identifier les différentes manifestations autistiques - Mettre en évidence les difficultés que peuvent rencontrer les personnes autistes dans leur vie sociale - Questions: - Quelles sont les différentes manifestations autistiques que vous avez pu rencontrer? (type de comportement, altération des interactions sociales, de la communication…) « Il y a tellement de manifestations autistiques ! Je ne sais même pas par quoi commencer. Tout d'abord l'isolement autistique (le repli autistique comme chez les schizophrènes), les autistes sont dans leur bulle. Ils ont du mal avec le contact avec les autres. Ensuite l'immuabilité. Pour un autiste rien ne doit bouger, changer. Tout doit rester comme il est sinon c’est la crise d'angoisse assurée. Puis le déficit intellectuel mais en fonction de la prise en charge, des patients, de l'environnement il peut être plus ou moins élevé. Par exemple un autiste asperger est souvent ultra intelligent. Ensuite il y a les problèmes d'interaction sociale. Un autiste ne fait pas la différence entre lui, les autres, l'extérieur. Par exemple un autiste qui veut demander quelque chose va prendre la main de son interlocuteur pour montrer un objet; le bras de l'autre est la continuité de son bras. Il y a aussi les troubles de la communication, un autiste (un vrai, qui n'a pas été pris en charge) ne parle pas, il émet des sons, des cris. Ensuite dans le désordre en troubles autistiques tu as tous les rituels (faire toujours le même parcours pour aller à un endroit, s'asseoir toujours à la même table...), les mouvements ritualisant ("battre des ailes" avec ses bras, se balancer, tourner sur soi-même, marcher sur la pointe des pieds...), les comportements auto et hétéro agressifs (automutilations), tous les troubles alimentaires (mange son vomi, choisis des aliments, ne mâche pas, se gave...), les troubles sphinctériens (incontinence ou au contraire constipation car un autiste joue beaucoup avec le vide/plein)... en fait la liste est tellement longue et variable des signes autistiques. Ah oui j'allais oublier le 1er signe visible à la naissance : la fuite du regard. Un vrai autiste ne regarde pas dans les yeux, il détourne toujours le regard. Alors qu'un patient avec trouble autistique peut regarder dans les yeux parfois. » - Comment parvenez-vous à entrer en relation avec la personne autiste? « C'est difficile mais faisable avec beaucoup de patience. Sinon et bien on communique par la voix, par des pictogrammes, par des gestes. C’est très varié. » - Parvenez-vous à identifier ses besoins, ses envies? Si oui, comment? « Très difficilement. Je compare souvent la prise en charge des patients autistes avec la médecine animale : la personne a mal quelque part mais ne le dis pas. Il faut chercher, tester et des fois tu mets des jours ou des semaines à savoir ce qu'il veut. Certains peuvent exprimer leurs besoins, leurs envies, mais pas tous. Cela dépend aussi de comment ils ont été pris en charge plus tôt. Certains autistes ont pu avoir accès au langage par des prises en charge aba, teach, denver... » Stratégies thérapeutiques: -Objectifs: - Identifier les différentes stratégies thérapeutiques utilisées dans la prise en charge de ces personnes -Mettre en évidence l’importance de ces moyens - Questions: - Quels sont les différents moyens de communication que vous utilisez au quotidien pour vous faire comprendre, pour communiquer avec les personnes autistes? « La parole. Ne jamais oublié qu'un autiste est une personne et entend tout ! Sinon les gestes, les pictogrammes (les pictogrammes c'est super) » - Quels sont les outils mis à leur disposition afin de leur permettre de se faire comprendre et de communiquer avec vous? « Idem au-dessus. Pictogrammes, langage, gestes. Certains patients parlent par mot ou son. Par exemple "rompich"=dormir, "pain"=manger, "bo"=boire, "allo"=appeler... » - Comment sont mis en place, sont pensés ces outils? Par qui sont-ils trouvés? « Normalement il existe des formations par exemple pour les pictogrammes. Mais nous dans mon service on fait un peu comme on peut, avec les moyens du bord. Certains patients arrivent en hospitalisation avec déjà des moyens de communication comme les pictogrammes, nous on fait juste continuer ce moyen. » Pluridisciplinarité de l’équipe: -Objectifs: - Identifier le rôle de chacun dans la prise en charge de la personne autiste - Mettre en évidence le fait que la connaissance de la personne autiste par les différents professionnels permet une prise en charge adaptée et cohérente - Questions: - Selon vous, quel est le rôle et la place de chacun au sein de l’équipe pluridisciplinaire et dans la prise en charge de la personne autiste? « Mon équipe est composée de : 1 médecin psychiatre, 1 médecin généraliste, 6 ide, 10 aides-soignants, 2 aide médico-psychologique, 2 ASH, 1 psychologue pour le personnel qui vient 1h tous les vendredis, 1 psychologue pour les patients qui vient tous les lundi matin. Ensuite nous avons 1 assistante sociale, 1ide+1éducateur sportif pour le sport adapté, 1 musicothérapeute, 1 art-thérapeute. Après chacun a un rôle précis mais on est tous complémentaires. Ce sont les médecins qui décident des traitements, des prises en charges; les AMP eux font les activités surtout et sont plus dans l'éducatifs. Alors que nous infirmières et AS sommes plus dans le soin, du coup ça créé pas mal de tensions. » - Par quels moyens vous sont transmises les connaissances de la personne autiste par les autres membres de l’équipe? « Des formations. On a une ide du service qui a fait une formation sur l'autisme. Sinon on essaye de se passer des livres, des films pour être formé. J’ai demandé une formation cette année sur l'autisme mais je ne sais pas si je l'aurai vu le peu de moyen de l'hôpital public. » Prise en charge infirmière: - Objectifs: - Identifier le rôle et la place de l’infirmière dans la prise en charge de la personne autiste - Avoir le ressenti et le vécu de professionnels - Questions: - Quel est votre rôle et votre place dans la prise en charge de la personne autiste? « Mon rôle est surtout médical. Je suis là pour bien veiller à la prise du traitement, à faire le lien entre les as/amp et les médecins (enfin faire souvent le tampon), faire tous les soins (pansements, lavements...). Je participe également aux soins de nursing (une heure de toilette tous les matins), à participer aux activités et aux sorties. En fait mon rôle n'est pas facile. Déjà les patients nous voient, nous ide, comme le mauvais objet car c'est nous qui donnons les traitements, qui faisons les soins qui font mal, qui mettons en place les isolements et contentions. Et ça les patients le savent ! Alors que les amp par contre ont le beau rôle : les activités, les sorties... et puis c'est nous qui devons dire aux médecins quand ça ne va pas, c'est nous qui devons essayer de faire le lien entre tous et ce n’est pas facile. L’ide est souvent au cœur des conflits car une équipe va dire "tel patient va bien" et les autres "ah non ça ne va pas" et on doit faire tampon. » - En quoi la prise en charge de ces personnes autistes est-elle différente de la prise en charge de personnes ne souffrant pas de ce handicap? « Pour moi c'est la même prise en charge et à la fois différente. La même car ce sont des patients comme les autres. L’autisme au même titre qu'un cancer, qu'un diabète, c'est une pathologie, handicapante certes mais une pathologie donc le patient doit avoir la même prise en charge qu'un autre. Après différente car bien sûr ce sont souvent des patients qui ne parlent pas donc difficile de savoir ce qu’ils veulent, où ils ont mal... » - De quelle façon adaptez-vous votre prise en charge? « Ben comme on peut. Si quelque chose marche tant mieux. Si ça ne marche, on réévalue et on essaye autre chose. On n'a pas d'autre moyen. » - Par quels moyens et avec l’aide de qui parvenez-vous à approfondir votre connaissance de chaque personne autiste? « Ben la famille ou les anciennes structures où ont été les patients, eux nous apprennent beaucoup sur les patients. Sinon et bien on observe. L’observation est primordiale pour comprendre quelqu'un quel qu'il soit. Ensuite les médecins et les psychologues nous apportent beaucoup sur la pathologie autistique. Et enfin et bien, se renseigner soimême, lire, voir des films, des reportages ou faire des formations. » - En quoi la connaissance de la personne autiste facilite-t-elle la prise en charge de ce dernier? « On reconnait plus vite les signes, on peut mettre en place de nouvelles choses (nouveaux moyens de communication par exemple ou de prise en charge de l'automutilation), on peut les aider à évoluer, à calmer leurs angoisses. Et pourquoi pas à l'extrême à les sortir un peu de leur autisme. » Annexe 4 : Entretien n°3 : Mr J. Educateur spécialisé Questions d’introduction : - Depuis combien de temps êtes-vous diplômé(e) ? « Cela fera 3ans en juin. » - Depuis quand travaillez-vous à l’IME? « Ça fait 2ans. » - Quelle tranche d’âge ont les personnes autistes que vous accueillez ? « Enfants : 6ans-14ans Ados : 12ans-20ans » Autisme et communication: - Objectifs : - Identifier les différentes manifestations autistiques - Mettre en évidence les difficultés que peuvent rencontrer les personnes autistes dans leur vie sociale - Questions : - Quelles sont les différentes manifestations autistiques que vous avez pu rencontrer ? (type de comportement, altération des interactions sociales, de la communication…) « On va dire qu’il y a autant de manifestations qu’il y a d’autistes. On retrouve les trucs classiques, les stéréotypies, les écholalies, les intérêts restreints, le retrait, il y a aussi des sortes de toc… » - Comment parvenez-vous à entrer en relation avec la personne autiste ? « C’est difficile à définir comme ça. J’ai la sensation que la relation elle se fait à deux donc ce n’est pas que moi qui entre en relation, c’est aussi lui ou elle qui entre en relation ou du moins qui m’en donne la possibilité. Avec certains ça va être plus compliqué qu’avec d’autres. Il ne faut pas en avoir mais je sais que moi j’ai un chouchou. Ce qui est négatif dans ce terme c’est qu’en général le chouchou on le favorise. Or, moi, mon chouchou je ne le favorise pas, c’est juste que le courant passe mieux, on se comprend mieux. Il faut rester soit même, resté congruent, essayer de le mettre en confiance. Cette mise en confiance selon moi est d’autant plus importante lorsque l’enfant est autiste du fait de leur problématique d’enfermement, de repli sur soi…Si la personne autiste a décidé qu’elle ne rentrerait pas en relation avec nous il est clair qu’elle ne le fera pas. Maintenant nous on a la chance d’être une équipe nombreuse donc il y en a toujours un avec qui ça passera mieux, ou qui trouvera le petit truc qui va faire que, la petite amorce (autour de la nourriture, le jeu etc…) » - Parvenez-vous à identifier ses besoins, ses envies? Si oui, comment ? « Alors c’est très difficile. Je suis même certain de souvent passer à côté de leurs besoins et envies. Je pense que très souvent on interprète nous en fonction de ce que nous on imaginerait avoir envie ou besoin. Au fur et à mesure qu’on les connait on arrive à reconnaitre certaines choses. Certains vont être capables de faire des demandes. L’essentiel c’est vraiment la connaissance des jeunes, l’observation, de voir un peu comment ils se comportent, de décrypter des signes mais avec des autistes on est tout le temps dans l’observation, l’analyse et l’hypothèse. Je pense que la plupart du temps on arrive à trouver plus ou moins mais je pense qu’on se plante aussi assez souvent et qu’on projette des besoins qui ne sont pas les leurs. » Stratégies thérapeutiques: - Objectifs : - Identifier les différentes stratégies thérapeutiques utilisées dans la prise en charge de ces personnes - Mettre en évidence l’importance de ces moyens - Questions : - Quels sont les différents moyens de communication que vous utilisez au quotidien pour vous faire comprendre, pour communiquer avec les personnes autistes ? « Ici on en a très peu, à l’époque ils fonctionnaient un peu avec des pictogrammes. Mais moi j’utilise surtout l’observation, l’écoute, le langage simple, les ordres. » - Quels sont les outils mis à leur disposition afin de leur permettre de se faire comprendre et de communiquer avec vous ? « Il y a les pictogrammes. Je pense que pour certains jeunes c’est très bien mais que c’est pas du tout adapté à d’autres jeunes. Un de nos jeunes avait un carnet de pictogrammes et de photos pour demander par exemple à boire, à manger, à se laver… c’est un jeune chez qui cela fonctionne bien car il est intelligent et il a facilement repéré que le fait de montrer la photo lui apportait une réponse à son envie, son besoin. Pour d’autres jeunes c’est encore beaucoup trop abstrait. On n’est pas sûr de ce qu’ils comprennent réellement. On ne sait pas si la photo ou le pictogramme fait réellement sens pour eux. A l’heure actuelle moi sur mon groupe, des outils de communication on n’en a pas trop si ce n’est que l’observation, la parole. On a aussi le bâton dit de parole, que les jeunes s’échangent lorsque l’on fait le temps de parole en table ronde. Ils savent que quand ils ont ce bâton ils peuvent s’exprimer, avec ou sans mots et c’est alors à nous d’observer, d’analyser, de tacher de comprendre. » - Comment sont mis en place, sont pensés ces outils? Par qui sont-ils trouvés ? « Alors, ici c’est un peu chacun se débrouille comme il le peut. Maintenant dans la logique, je prends l’exemple du petit calepin de l’un de nos jeune, moi je n’ai pas été associé à ce projet si ce n’est en réunion lorsque l’on décidait en fonction de la photo le mot à associer. Je pense que logiquement ça devrait être travaillé en réunion d’équipe. Si c’est par exemple un AMP qui va trouver un outil, il va en parler en réunion AMP et ensuite en réunion d’équipe puis présenté au jeune ensuite. Mais ce n’est pas toujours le cas, on est nombreux, ce n’est pas toujours évident de se concerter. Tout le monde n’est pas forcément présent aux réunions d’équipe donc c’est parfois fait chacun dans son coin. Apres c’est souvent présenté en équipe et discuté, quand même. Par contre je trouve que l’on manque de formation, sur par exemple la méthode pecs, la langue des signes. L’autre problème c’est qu’on est une grande équipe, il y aura toujours des personnes qui ne se sentiront pas concerné, qui ne s’impliqueront pas autant parce que le jeune ne fait pas partie de son groupe ou encore parce qu’il n’a pas été présent à la réunion lorsqu’on en a parlé et qu’on lui a transmis peut être trop en coup de vent l’information… » Pluridisciplinarité de l’équipe : - Objectifs : - Identifier le rôle de chacun dans la prise en charge de la personne autiste - Mettre en évidence le fait que la connaissance de la personne autiste par les différents professionnels permet une prise en charge adaptée et cohérente - Questions : - Quel est votre rôle et votre place au sein de l’équipe pluridisciplinaire et dans la prise en charge de la personne autiste ? « Je suis éducateur spécialisé (ES). En tant qu’éducateur j’ai un rôle d’éducation à la vie quotidienne. Mais en vrai je fais aussi un peu le boulot d’aide médico psychologique (AMP), de moniteur éducateur (ME). Au final, AMP, ME et ES on fait tous un peu le même boulot. Le seul truc que je fais et que les autres ne font pas ce sont les écrits. Tous ce qui est protocole, projet personnalisé c’est moi qui l’écris et qui le présente ensuite en réunion. Mais ça n’empêche pas que j’écoute toujours les idées des autres avant d’écrire. On le travaille ensemble mais c’est moi qui prends en charge cette écriture et la présentation. On est un peu le coordinateur, l’observateur, mais on n'a pas une place à part. Du moins, moi j’ai choisi de ne pas en avoir une à part. Si je voulais rester bête et méchant je ne ferais que mon métier selon ma fiche de poste mais je préfère aider mes collègues ME et AMP. Par contre au niveau du suivi des jeunes qui sont partis, pendant 3ans, c’est que nous. Le lien avec les familles aussi, ça va être plus nous que les AMP ou les ME. » - En quoi le fait de mieux connaitre la personne autiste permet-il une meilleure prise en charge selon vous ? « Ben moi je reste quand même septique. Pour moi, connaitre la personne autiste c’est un bien grand mot. On connait ce qu’il ou elle veut bien nous dévoiler, nous montrer. Mais souvent, quand je les observe je me dis « Mais à quoi il pense ? ». J’aimerais parfois être dans leurs têtes pour savoir ce qu’ils pensent, mais pas trop longtemps parce que je pense que cela me ferai peur. Pour vraiment avoir une idée de ce qu’il s’y passe, de comment ils nous perçoivent, comment ils se perçoivent. Ensuite je sais dissocier un comportement qui va être normal pour tel ou tel jeune d’un comportement anormal. Mais il y a des jeunes pour lesquels on ne sait toujours pas pourquoi tel ou tel comportement anormal se déclenche. Un de nos jeunes a tendance à déchirer ses vêtements, parfois on le change 5 à 10 fois par jour. Il va se mettre à déchirer sans que l’on ne sache pourquoi et peu importe le lieu, une fois il l’a fait en voiture alors que cela faisait 30min que l’on roulait et que rien d’anormal, du moins pour nous, ne s’est passé. On est incapable, même après des années, de savoir pourquoi il fait cela. Est-ce qu’il déchire parce qu’il est angoissé, parce qu’il s’ennuie, parce qu’il veut de l’attention, parce que ça le gène… ? C’est très compliqué de comprendre, et pourtant je connais très bien ce jeune, c’est mon chouchou. Comme quoi, on peut connaitre un jeune mais quand même passer à côté de pas mal de chose, ce qui fait qu’au fond, on ne le connait pas vraiment. C’est ce qui est intéressant dans notre métier avec cette population-là, on se remet perpétuellement en question, on est toujours en train de réfléchir. » - Par quels moyens transmettez-vous vos connaissances de la personne autiste aux autres membres de l’équipe ? Dans quel but le faite vous? « Les réunions, quand on se croise, les moments sur le groupe. » Prise en charge infirmière: - Objectifs : - Identifier le rôle et la place de l’infirmière dans la prise en charge de la personne autiste - Avoir le ressenti et le vécu de professionnels - Questions : - Selon vous, quel est le rôle et la place de l’infirmière au sein de l’équipe pluridisciplinaire et dans la prise en charge de la personne autiste ? « Je pense qu’elle est indispensable. Déjà de base parce que c’est plus que nécessaire pour tout ce qui est petits soins, l’infirmière est plus à même que nous à savoir les petits gestes à faire, quel pansement, quelle crème, doliprane ou non etc… En plus moi les traitements ça me fait peur. J’ai toujours peur de ne pas donner le bon, ou la bonne dose. Du coup ça me rassure que l’infirmière fasse les piluliers, je l’appelle avant de donner un « si besoin »… En plus on a la chance d’avoir une infirmière passionnée par l’autisme, qui a elle-même un fils autiste, et qui a une grande connaissance de l’autisme. Du coup elle nous apporte beaucoup aussi à ce niveau-là. Je ne comprends pas les lieux où il n’y a pas une infirmière tous les jours. » Annexe 5 : Entretien n°4 : Mr C. médecin Questions d’introduction : - Depuis combien de temps êtes-vous diplômé(e) ? « Depuis 4ans, depuis 2010. » - Depuis quand travaillez-vous ici ? « Depuis 3ans » Autisme et communication: - Objectifs : - Identifier les différentes manifestations autistiques - Mettre en évidence les difficultés que peuvent rencontrer les personnes autistes dans leur vie sociale - Questions : - Quelles sont les différentes manifestations autistiques que vous avez pu rencontrer ? (type de comportement, altération des interactions sociales, de la communication…) « Ici on a des manifestations qui sont très diverses. Ça dépend de la sévérité de la maladie, du fait que ce soit associé ou non à un retard sévère ou à d’autres pathologies comme l’épilepsie. Ce qu’on rencontre surtout ici c’est un certain repli, souvent aussi il y a des intérêts restreints et puis après, les troubles du comportement, des difficultés à entrer en relation… ce que moi j’identifie de ma place c’est par exemple la difficulté à avoir une conversation soutenue on va dire, avoir du mal à capter un regard, des difficultés à comprendre parfois le sens de ce qui est demandé, des difficultés à avoir un second degré par exemple, ce qui peut parfois induire des incompréhensions avec les personnes avec qui on parle. Après il y a des troubles qui peuvent être un peu plus importants, des agitations, des automutilations, de l’hétéro agressivité, des difficultés à exprimer toute sorte de choses telles que la douleur, les problèmes somatiques (constipation, problèmes orl…) donc des difficultés à comprendre leurs besoins, leurs problèmes. La plupart n’ont pas de langage parlé, et même avec d’autres moyens parfois c’est très limité, chez nos jeunes en tout cas. » - Comment parvenez-vous à entrer en relation avec la personne autiste ? « C’est surtout le fait de les voir souvent, les connaitre de mieux en mieux, de travailler avec des personnes qui les connaissent mieux. L’infirmière en premier lieu parce que c’est avec elle que je travaille tout le temps, et aussi les éducateurs bien sûr qui sont au contact des jeunes au quotidien. Il y a aussi les médecins psychiatres, mes collègues. Et puis effectivement, certains jeunes, ceux qui n’ont pas accès au langage ça peut prendre, 10, 15, 20 consultations avant de cerner un petit peu mieux les choses ou pas. Il y a deux de nos jeunes avec qui c’est vraiment très compliqué. » - Parvenez-vous à identifier ses besoins, ses envies? Si oui, comment ? « Heu, je dirais non. Enfin, je dirais non de manière générale hein. De ma place c’est très complexe. Seul non. Disons que, je parviens à identifier le fait que parfois ils viennent me voir moi parce qu’ils ont un problème donc ça c’est positif puisque ils arrivent à dire les choses, ils connaissent ma place, mon rôle, et ça c’est sûr que d’un point de vue de la communication ils savent qu’ils peuvent venir quand il y a un problème pour certains. Par contre c’est difficile. Ceux qui s’expriment le mieux oui j’arrive à comprendre où ils ont mal par exemple… Il y en a d’autres c’est beaucoup plus compliqué parce qu’ils ne s’expriment que d’un point de vue comportemental, on ne sait pas s’il s’agit d’un mal être ou d’une difficulté particulière ou alors d’un trouble plus somatique. Et on essaie de faire la part des choses avec des échelles etc. mais pour l’instant on n’a pas trouvé encore un élément qui marche à coup sûr, on s’adapte vraiment à chaque jeune. » Stratégies thérapeutiques: - Objectifs : - Identifier les différentes stratégies thérapeutiques utilisées dans la prise en charge de ces personnes - Mettre en évidence l’importance de ces moyens - Questions : - Quels sont les différents moyens de communication que vous utilisez au quotidien pour vous faire comprendre, pour communiquer avec les personnes autistes ? « Moi directement je n’ai pas de stratégies qui sont très élaborées pour être honnête. J’explique le but des visites à chacun des jeunes, leur déroulement. J’essaie de faire ça en début de consultation, pour qu’ils aient une marche à suivre, leur donner un repère temporel. Ils ont déjà le repère géographique puisqu’ils se déplacent jusqu’au bureau médical. On a aussi deux pièces bien séparées, une pour le temps des questions avec la famille et l’autre pour le temps de l’exploration. Ils ont également un petit pictogramme « médecin » qui leur est montré pour les visites médicales et ces dernières sont toujours programmées. Après les stratégies c’est effectivement de parler le plus simplement et calmement possible, être apaisant…Mais je n’ai pas de stratégie de communication qui a réellement été réfléchie et discutée en équipe. » - Quels sont les outils mis à leur disposition afin de leur permettre de se faire comprendre et de communiquer avec vous ? « Cela dépend. Il y a différents outils suivant si on est sur la section des enfants ou des ados. Ils ont la réunion des résidents chez les ados qui leur permet de communiquer s’ils en ont envie, ils ont la possibilité de se rendre ici par exemple, ils ont des pictogrammes mais je ne sais pas s’ils s’en servent trop chez les ados… (Regard vers l’infirmière qui dit : « Ben pour l’instant c’est vrai que ce n’est pas trop élaboré, on est en train de les mettre en place. ») Mais c’est vrai que pour l’instant c’est surtout le biais de l’habituation, le fait de répéter les consultations pour que les demandes se fassent de plus en plus facilement parce que c’est parfois très difficile, je pense aux émotions, aux éléments extérieurs qui viennent complètement parasiter la consultation, parfois on comprend ce que c’est parfois on ne peut pas du tout comprendre (un bruit une image etc.) et s’inscrire dans la régularité permet aussi de faire mieux émerger les demandes. Chez les enfants on a certains jeunes qui utilisent le cube d’expression là tu sais (regard vers l’infirmière qui répond : « Oui, le go talk 9 mais ça ne marche pas très bien »). C’est vrai qu’ici on n’utilise pas trop à ma connaissance de technique de communication et je pense que c’est vraiment un problème. Je suis médecin généraliste mais j’aimerais bien être formé au même titre que l’équipe à ces techniques de communication. (Intervention de l’infirmière : « Moi je pense qu’on devrait tous apprendre la langue des signes. Parce que ce que je vois moi de ceux qui sont autistes non verbaux, ils refusent les moyens de communications qu’on leur propose. J’avais fait un carnet pour un de nos jeunes il n’en a jamais voulu… »). Oui et puis on a un de nos jeunes qui s’exprime parfois mieux par écrit que par oral alors on lui laisse une ardoise et un stylo pour qu’il écrive, qu’il dessine… mais encore une fois ça reste très personnalisé, on a une population très hétérogène et pas forcément d’outil pour chacun… » - Comment sont mis en place, sont pensés ces outils? Par qui sont-ils trouvés ? « Ben pour l’instant c’est effectivement au cas par cas. C’est intéressant parce qu’on essaie de cerner les besoins de chaque jeune. L’impression que j’ai c’est qu’il faudrait quand même un langage commun et qu’après, en fonction de ce langage-là, pouvoir l’adapter à chaque jeune, continuer à s’adapter soi-même à chaque jeune. » Pluridisciplinarité de l’équipe : - Objectifs : - Identifier le rôle de chacun dans la prise en charge de la personne autiste - Mettre en évidence le fait que la connaissance de la personne autiste par les différents professionnels permet une prise en charge adaptée et cohérente - Questions : - Quel est votre rôle et votre place au sein de l’équipe pluridisciplinaire et dans la prise en charge de la personne autiste ? « Ben mon rôle c’est le suivi de la santé de nos jeunes, un rôle un peu différent selon la section. Chez les enfants je me contente d’une visite annuelle et de coordonner les rendez-vous avec les différents spécialistes. Chez les ados en internat, j’ai un rôle un peu plus important dans leur santé étant donné qu’ils résident une bonne part de leur temps ici donc je m’occupe aussi de la problématique de leur maladie x ou y, de leurs problèmes de santé. Mon rôle c’est aussi aider les familles à suivre la santé des jeunes mais aussi d’impliquer les jeunes eux même dans leur santé, de leur faire comprendre les enjeux, l’importance d’aller chez un spécialiste, de continuer à aller chez un neurologue ou un généticien, d’essayer d’anticiper les problèmes de prise de poids etc… En plus, quand il y en a un qui tousse ou qui est constipé etc. je le reçois. Avant on avait des jeunes avec de plus gros problèmes d’épilepsie, c’était plus compliqué, il y avait plus de rendez-vous chez les spécialistes… la ça reste quand même des petits problèmes de santé que l’on soigne au quotidien. Du coup on peut un peu plus se concentrer sur l’articulation avec les familles. » - Quelles sont les compétences et les savoirs faire nécessaires pour exercer votre profession ? « Il en faut plein! Je ne prétends pas les avoir mais je fais tout pour m’améliorer. D’abord les connaissances, médicales et de base on va dire, d’un médecin généraliste sur les pathologies au quotidien. La curiosité parce qu’on a plein de pathologies qui sont très rares. Une capacité à se remettre en question, à accepter les critiques du reste de l’équipe, savoir tenir compte de leur avis contrairement à un médecin seul dans son cabinet ce qui permet de progresser soi-même. » - En quoi le fait de mieux connaitre la personne autiste permet-il une meilleure prise en charge selon vous ? « Oui on connait mieux leur spécificité, leurs réactions. Ici on a un jeune, quand il n'a pas envie il fait exprès d’être très impressionnant, de se frapper, de se mordre, de se griffer, de crier pour pas qu’on l’embête. Si on pousse un peu il arrive à un peu mieux s’exprimer. On a également une jeune fille qui a tendance à tout ranger, mais si elle s’enferme trop dedans elle risque de ne plus faire grand-chose, il faut la laisser faire un peu mais ne pas la laisser trop longtemps le faire, ne pas la laisser rentrer complétement dans ses manies. Chaque jeune est complétement différent et il faut composer en fonction de chacun. » - Par quels moyens transmettez-vous vos connaissances de la personne autiste aux autres membres de l’équipe ? Dans quel but le faite vous? « J’ai l’avantage d’avoir toujours un membre de l’équipe qui vient, on peut discuter de la prise en charge. Je vais de temps en temps aux réunions d’AMP pour échanger car il y a beaucoup d’angoisse vis-à-vis de la santé de nos jeunes. » Prise en charge infirmière: - Objectifs : - Identifier le rôle et la place de l’infirmière dans la prise en charge de la personne autiste - Avoir le ressenti et le vécu de professionnels - Questions : - Selon vous, quel est le rôle et la place de l’infirmière au sein de l’équipe pluridisciplinaire et dans la prise en charge de la personne autiste ? « Ben c’est un rôle de médiation en fait, sur la santé. Il est vraiment multiple. C’est identifier les enjeux et les besoins en sante des jeunes parce que c’est la seule dans une équipe pluridisciplinaire à bien connaitre nos jeunes et une bonne connaissance du point de vue somatique. Elle va identifier des besoins de santé publique, de prévention (surpoids, sexualité, contraception etc.). C’est elle qui est au cœur de tout ça car c’est elle qui côtoie les jeunes au quotidien. Elle doit faire la médiation entre une équipe éducative et une équipe médicale. Elle fait le lien entre des décisions médicales et des interrogations éducatives et permet si elle fait bien son travail, si elle a une bonne connaissance de l’équipe, de l’expérience et du temps, d 'apporter le plus possible de réflexions collégiales et d’amener chacun à s’exprimer, à donner son points de vue, sur une problématique de santé car chez nos jeunes avec autisme c’est pas simple d’identifier ça, d’en faire la synthèse, le retour aux équipes et d’en discuter avec les médecins pour que la décision médicale ne soit pas qu’une décision médicale mais une concertation d’équipes pluridisciplinaire en sachant qu’après la personne qui décide, décide toujours et parfois ça peut être à l’encontre de certains avis mais il faut toujours maintenir le dialogue. Et puis la santé c’est aussi les dents, identifier un réseau de soins, se mettre en lien avec d’autres établissements pouvant avoir des problématiques identiques. Pour moi c’est plus son rôle que de distribuer les médicaments ou de faire les injections, c’est vraiment plus un rôle de promotion de la santé qu’un rôle de dispensation de thérapeutiques, de soins. On n’a pas d’autistes lourdement handicapés, donc on envisage autrement son rôle. Mais ce n’est pas pour autant qu’ils n’ont pas de problématique de sante. L’ide a plus un rôle d’ambassadrice qui va se poser des questions sur la sante au vue des difficultés d’expression des jeunes surtout et la compétence technique en second plan. On a besoin d’une infirmière qui comprend les enjeux de l’équipe qui sait discuter avec une équipe, faire tampon entre une équipe et un médecin, s’exporter vers l’extérieur car notre objectif c’est que l’on soit bien contenant pour nos jeunes mais qu’on puisse aussi s’exposer vers l’extérieur qu’on puisse les amener vers d’autres consultations, qu’ils soient préparés, surtout au monde extérieur et de la vie dite normale car ce sont des jeunes comme les autres sauf qu’ils ont une pathologie qu’est l’autisme. Autre rôle est le lien avec les familles. C’est une évidence de travailler avec elles, de les recevoir, de correspondre avec elles, de les impliquer dans les soins en leur demandant par exemple de conduire eux-mêmes leur enfant a un rendez-vous à l’extérieur pour qu’ils soient eux-mêmes dépositaires de la santé de leurs enfants. » Annexe 6 : Entretien n°5 : Mme B. monitrice éducatrice Questions d’introduction : - Depuis combien de temps êtes-vous diplômé(e) ? « Depuis 2003- Certificat d’aptitude aux fonctions de moniteur éducateur » - Depuis quand travaillez-vous ici ? « 2006-2013 : section ados 2013 à maintenant : section enfants » Autisme et communication: - Objectifs : - Identifier les différentes manifestations autistiques - Mettre en évidence les difficultés que peuvent rencontrer les personnes autistes dans leur vie sociale - Questions : - Quelles sont les différentes manifestations autistiques que vous avez pu rencontrer ? (type de comportement, altération des interactions sociales, de la communication…) « Perturbation de la relation, absence de contact (refus/indifférence). Altération de la communication : mutisme, absence de codes sociaux ou d’émotion. Peu d’intérêts, mouvements répétitifs » - Comment parvenez-vous à entrer en relation avec la personne autiste ? « Voix calme, distance sociale » - Parvenez-vous à identifier ses besoins, ses envies? Si oui, comment ? « Différentes propositions, reformulation » Stratégies thérapeutiques: - Objectifs : - Identifier les différentes stratégies thérapeutiques utilisées dans la prise en charge de ces personnes - Mettre en évidence l’importance de ces moyens - Questions : - Quels sont les différents moyens de communication que vous utilisez au quotidien pour vous faire comprendre, pour communiquer avec les personnes autistes ? « Communication non verbale/ gestuelle/ Pictogramme/ Langue des signes » - Comment sont mis en place, sont pensés ces outils? Par qui sont-ils trouvés ? « En équipe Pluridisciplinarité de l’équipe : - Objectifs : - Identifier le rôle de chacun dans la prise en charge de la personne autiste - Mettre en évidence le fait que la connaissance de la personne autiste par les différents professionnels permet une prise en charge adaptée et cohérente - Questions : - Quel est votre rôle et votre place au sein de l’équipe pluridisciplinaire et dans la prise en charge de la personne autiste ? « Moniteur éducateur : j’ai pour rôle et fonction de veiller à la mise en place des activités, des groupes d’acquisitions, à leur bon déroulement en fonction du projet du jeune. Accompagner au mieux le jeune dans son projet de vie, veiller à son bien-être. » - Quelles sont les compétences et les savoirs faire nécessaires pour exercer votre profession ? « Patience, écoute, organisation » - Par quels moyens parvenez-vous à identifier les besoins de chacun ? « Observation et prise de recul » - En quoi le fait de mieux connaitre la personne autiste permet-il une meilleure prise en charge selon vous ? « La relation de confiance » Prise en charge infirmière: - Objectifs : - Identifier le rôle et la place de l’infirmière dans la prise en charge de la personne autiste - Avoir le ressenti et le vécu de professionnels - Questions : - Selon vous, quel est le rôle et la place de l’infirmière au sein de l’équipe pluridisciplinaire et dans la prise en charge de la personne autiste ? « Veiller au bien-être et à la santé du jeune » Annexe 7 : Entretien n°6 : Mme M. psychologue Questions d’introduction : - Depuis combien de temps êtes-vous diplômé(e) ? « Depuis juin 2010, diplôme de psychologue » - Depuis quand travaillez-vous ici ? « Depuis le 13 janvier 2014 » - Quelle tranche d’âge ont les personnes autistes que vous accueillez ? « Je m’occupe de la section ados, ils ont entre 12 et 20ans » Autisme et communication: - Objectifs : - Identifier les différentes manifestations autistiques - Mettre en évidence les difficultés que peuvent rencontrer les personnes autistes dans leur vie sociale - Questions : - Quelles sont les différentes manifestations autistiques que vous avez pu rencontrer ? (type de comportement, altération des interactions sociales, de la communication…) « Sur la section des ados il y a beaucoup de troubles du comportement, du fait très souvent du manque de moyens de communication, car il y a beaucoup de jeunes non verbaux. Parallèlement il n’y a pas forcement de méthode de communication mise en place ce qui fait qu’on arrive à des troubles du comportement dus à des besoins non compris ou à des douleurs. C’est très souvent lorsque l’on a du mal à comprendre une envie, une demande que les troubles du comportement apparaissent. Exemple de l’un de nos jeunes qui va manger de la terre ou autre pendant les temps de flottements où il n’est pas en activité parce qu’il ne sait pas quoi faire. Ça ce sont les principales manifestations que je peux observer. Après il y a beaucoup de repli, par exemple l’un de nos jeunes est mieux quand il est éloigné du groupe, ça c’est assez typique de l’autisme qui se retrouve chez pas mal de nos jeunes. Il y a beaucoup de mouvements stéréotypés également, des écholalies… » - Comment parvenez-vous à entrer en relation avec la personne autiste ? « Pour commencer je me mets à leur hauteur, c’est-à-dire que je ne leur parle pas quand ils sont éloignés, ou de dos. Il faut se mettre en face à face, à leur hauteur. J’utilise également un langage très simple, court, sans reformuler les demandes car il y a un temps de latence au niveau du traitement de l’information et du coup si tu donnes deux demandes formulées différemment, ça fait deux traitements et tu les perds un peu. Langage très simple. Mon projet c’est de mettre en place quelque chose de l’ordre de la communication visuelle. Pour cela il faut évaluer les jeunes, voir si l’on peut mettre en place les pictogrammes, ce qui est déjà un peu amorcé avec un de nos jeunes qui a un carnet de communication avec des pictogrammes mais il l’a malheureusement perdu. Il va être refait mais il n’y a pas que lui qui peut en bénéficier, j’aimerais qu’ils soient les plus nombreux possibles à pouvoir communiquer de cette manière. Bien sûr il y a tout un travail d’évaluation des jeunes avant cela pour voir si c’est possible car ils ne reconnaissent pas forcément les mêmes choses. Par exemple, pour certains, le repas sera représenté par une fourchette, pour un autre par une assiette. Il faut instaurer ça progressivement et l’adapter à chaque jeune. » Question de relance : Et si cette méthode par les pictogrammes ne marche pas, comment allez-vous faire ? « Il y a d’autres méthodes. Il y a la langue des signes qui pourrait être un bon moyen à exploiter selon moi. » - Parvenez-vous à identifier ses besoins, ses envies? Si oui, comment ? « Ben c’est difficile parce que soit il y en a qui peuvent te prendre par la main pour t’amener devant l’objet ou autre et quand ils ne peuvent pas, quand on ne comprend pas ou qu’on ne perçoit pas ce qu’ils veulent nous dire alors il y a les troubles du comportement qui se mettent en place. Ça doit créer une certaine frustration, moi je me dis toujours que si je me retrouvais dans un pays étranger et que j’avais des besoins primaires, faim, soif, que je ne pouvais pas exprimer ce serait une réelle angoisse pour moi et j’aurais certainement des comportements inadaptés. Souvent on me rapporte qu’un tel cri, un tel tape… oui, mais pourquoi ? » Stratégies thérapeutiques: - Objectifs : - Identifier les différentes stratégies thérapeutiques utilisées dans la prise en charge de ces personnes - Mettre en évidence l’importance de ces moyens - Questions : - Quels sont les différents moyens de communication que vous utilisez au quotidien pour vous faire comprendre, pour communiquer avec les personnes autistes ? « Gestes, paroles, photos, images, objets… » - Quels sont les outils mis à leur disposition afin de leur permettre de se faire comprendre et de communiquer avec vous ? « Ici c’est assez pauvre, il y a les pictogrammes. Certains jeunes sont verbaux et savent dire ce qu’ils veulent ou ne veulent pas. Du coup c’est vrai qu’au-delà des pictogrammes ou de la langue des signes, il serait intéressant de mettre en place quelque chose d’assez simple, d’assez basique qui est le « oui/non » ou langage binaire, « je veux/je ne veux pas ; j’aime/je n’aime pas »… Cela me parait essentiel de pouvoir exprimer ce que l’on veut ou non. Alors comment je ne sais pas encore mais c’est une base que je souhaite mettre en place puis généraliser avec des mots simples. » - Comment sont mis en place, sont pensés ces outils? Par qui sont-ils trouvés ? « Alors moi dans ma pratique ça a été dès mon master, un master éducation et handicap ce qui fait que j’ai été très vite sensibilisée à tous les outils que l’on pouvait mettre en place avec un public handicapé plus mental que moteur. Après un psychologue qui n’a pas forcement ce master-là peut se former de manière individuelle (internet, livres, rencontres avec d’autres psychologues, colloques, articles…) Je pense que c’est un devoir de notre part de s’informer, de se former, de savoir ce qu’il se fait ou non, de ne pas rester sur la pratique sans s’intéresser à tout ça, d’avoir cette soif de connaissances. Moi je regarde beaucoup ce qui se fait au Québec. Ils ont beaucoup d’outils, une réflexion bien plus avancée qu’en France. Après moi je ne suis pas trop méthode ABA (Autisme Behavior Analysis) : méthode hyper structurée de l’environnement de travail, des taches proposées à l’enfant et ils préconisent 40h par semaines d’intervention et je trouve que c’est trop lourd. Ça risque d’être une dérive. Par exemple j’avais un enfant à qui l’intervenante ABA apprenait le pointage, 20h par semaine, et c’était tellement rabâché qu’à la moindre demande, même sur autre chose, l’enfant pointait de manière mécanique, sans sens. Et d’ailleurs il oubliait tout pendant les vacances. C’est comme la lecture, il y a beaucoup d’enfants autistes qui peuvent savoir lire des textes mais le problème c’est que ça va être très mécanique, ils associent bien les syllabes etc. mais le sens ils ne le comprennent pas. Moi dans ce cas-là, pour qu’ils parviennent à comprendre le sens des mots, je repars sur des exercices très simples, très souvent sur l’imagé. Je prends une image et je la décrits ou alors avec les photos. Je demande aux parents de faire des photos de leurs enfants pendant les vacances, pendant des activités à la maison, au quotidien et je leur mets plusieurs phrases en proposition dont une qui décrit bien la photo et je leur demande de choisir la bonne. Il y a aussi la technique de la liste de consignes, où on voit parfaitement s’ils ont compris ce qu’ils lisent. Par exemple si la première consigne de la liste c’est « Lève-toi et va chercher un crayon bleu » et que l’enfant ne se lève pas alors on sait qu’il l’a lu sans la comprendre. Pluridisciplinarité de l’équipe : - Objectifs : - Identifier le rôle de chacun dans la prise en charge de la personne autiste - Mettre en évidence le fait que la connaissance de la personne autiste par les différents professionnels permet une prise en charge adaptée et cohérente - Questions : - Quel est votre rôle et votre place au sein de l’équipe pluridisciplinaire et dans la prise en charge de la personne autiste ? « Pour l’instant, vu que ça ne fait pas très longtemps que je suis arrivée, mon rôle est surtout de voir comment l’équipe fonctionne, de recenser les outils mis en place, comment ils organisent leurs prises en charge, leurs activités. Je suis beaucoup dans l’observation pour le moment. Je commence un peu à donner mon avis, à dire ce que je pense de certaines activités, de certaines pratiques. Ça je peux le faire en ETA (Equipe Technique Adolescents), c’est une réunion ou il y a la psychiatre, le directeur adjoint et moi. On discute un peu de ce que j’observe. Je participe également aux réunions des éducateurs spécialisés pour voir comment on peut mettre en place des outils de structuration du temps et de communication visuelle, ça ce sont nos deux grands axes. Structuration du temps, c’est la mise en place d’un planning des activités par exemple quand je suis arrivée, le planning était hebdomadaire. Or pour de nombreux jeunes, la notion de semaine est très abstraite. Donc on a réfléchit ensemble sur la mise en place déjà d’un planning journalier car sinon cela n’avait plus de sens. En revanche un de nos jeunes lui en a besoin, il connait les jours de la semaine et a besoin de se projeter, de savoir comment va se dérouler la semaine. Ça va vraiment dépendre des jeunes. Ce qui peut également se faire ce sont des emplois du temps non pas avec des photos mais avec des objets dans des filets de rangement. Il faut des objets qui parlent au jeune en question. Pour cela il faut donc évaluer quel objet est significatif d’une action, d’une demande, d’une activité. Chaque jeune peut avoir une représentation très différente, ça s’évalue. On présente ensuite ce dont on a parlé au reste de l’équipe au cours des réunions d’équipe. Je redéfinis également les activités en les décomposant en plusieurs temps pour rassurer le jeune, pour qu’il sache où il en est dans l’activité. Par exemple pour la musique, il y a un temps d’écoute musicale puis une pause, puis ils jouent des instruments, puis encore écoute musicale et enfin ils se rassemblent pour aller manger. L’idée c’est de structurer au maximum pour éviter le stress. C’est comme toi si je te dis de venir, que j’enlève tout moyen de connaitre l’heure et que je ne te dis pas quand tu pars ça va t’angoisser, tu seras perdue. Le séquençage est important. Le mercredi je passe environ une heure avec la psychiatre, pour faire le point sur la semaine, à se concerter un peu sur ce que l’on aimerait mettre en place. C’est une grande chance de pouvoir travailler comme ça en binôme. Il n’y a pas de clivage entre les membres de l’équipe. Pour moi l’avis de tout le monde est important. Chacun a son bagage, sa formation, ses idées, ses expériences, ses compétences… » - Quelles sont les compétences et les savoirs faire nécessaires pour exercer votre profession ? « Savoir faire le lien avec la formation mais ne pas se contenter de ça. Compétences, adaptation, remise en question sont essentielles. Etre à l’écoute des jeunes, des équipes. Savoir travailler en équipe. » - En quoi le fait de mieux connaitre la personne autiste permet-il une meilleure prise en charge selon vous ? « Souvent, les autistes ont des intérêts restreints, c’est souvent exacerbé. Si on sait ce qui leur plait et ce qui ne leur plait pas on pourra plus facilement les aborder. Le sensoriel est également important, que ce soit visuel, tactile, gustatif, auditif il y a les hyper et les hypo sensibles. Parfois, sans connaitre une personne, tu vas lui proposer telle ou telle chose et en fait tu vas droit dans le mur. Chose que l’on peut éviter justement lorsque l’on connait la personne. Au plus tu connais la personne, au plus tu pourras adapter les activités, la prise en charge et du coup ça se passe mieux pour tout le monde. Par exemple, un de nos jeunes a une aversion pour tout ce qui est rouge ou orange, y compris les aliments. Ça si on ne le savait pas, on serait capable de lui donner des carottes à midi et on se recevrait très certainement l’assiette en pleine figure, il ne mangera pas, et on ne comprendrait pas pourquoi, on se dirait peut être qu’il a mal au ventre, qu’il ne veut pas manger parce qu’il n’a pas faim alors qu’en fait le problème c’est juste la couleur. Les autistes sont très sensibles aux détails et il faut en tenir compte. » - Par quels moyens transmettez-vous vos connaissances de la personne autiste aux autres membres de l’équipe ? Dans quel but le faite vous? « Réunions d’équipe ou temps informels avec l’éducateur référent. Il y a aussi les classeurs des transmissions de jour et de nuit. » Prise en charge infirmière: - Objectifs : - Identifier le rôle et la place de l’infirmière dans la prise en charge de la personne autiste - Avoir le ressenti et le vécu de professionnels - Questions : - Selon vous, quel est le rôle et la place de l’infirmière au sein de l’équipe pluridisciplinaire et dans la prise en charge de la personne autiste ? « Etant donné qu’il n’y a pas de médecin à temps plein ici je pense que l’infirmière peut beaucoup aider dans la compréhension de la douleur des jeunes, et dans tout ce qui est somatique. Ça permet d’éliminer une cause somatique avant de dire qu’il y a un trouble typique du comportement. Elle propose alors un soin adapté. Donc cet aspect de soin déjà somatique, pour moi c’est la première chose. Elle a également un rôle de relai avec le médecin, de prévention aussi, sur ce qui est lié à la sexualité, à l’hygiène corporelle, dentaire par exemple. Elle travaille également beaucoup sur l’habituation autour des soins, par exemple pour la prise de sang ou l’habituation à l’attente en salle d’attente. » Résumé L’autisme fait partie des troubles envahissants du développement et se caractérise par des comportements stéréotypés, des intérêts restreints, une altération des interactions sociales et de la communication. C’est au cours de mon stage au sein d’un institut médico-éducatif accueillant, entre autre, des adolescents autistes que je me suis rendu compte de la complexité de leur prise en charge. Au cours de ce stage, j’ai appris à travailler avec l’ensemble de l’équipe pluridisciplinaire. Cela m’a amené à me poser la question suivante : En quoi l’interdisciplinarité permet-elle à l’infirmière d’adapter sa prise en charge de l’adolescent autiste ? Pour tenter de répondre à cette question, je me suis documenté, j’ai également enquêté auprès de professionnels travaillant ou ayant travaillé avec des adolescents autistes. Les analyses de ces recherches et entretiens ont montré que l’interdisciplinarité permettait bien une amélioration de la qualité des soins et de la prise en charge infirmière et je vous propose de découvrir comment en lisant mon travail de fin d’étude. Mots clés : Autisme, troubles envahissants du développement, interdisciplinarité, soins infirmiers, communication. Abstract Autism is a part of pervasive developmental disorders and is characterized by a stereotypical behavior, restricted interests, changes in the social interactions and communication. It is during my internship in a medical educational institute welcoming, amongst others, autistic teenagers that I realized how complex their cares are. During this internship, I have learnt to work with the whole multidisciplinary team, bringing me to my research question: “In what way does interdisciplinarity allow the nurse to adapt the cares given to an autistic teenager?” To try to elude this question, I gathered some theoretical informations and also interviewed professionals who work or have worked with autistic teenagers. The analysis of these researches and interviews showed that interdisciplinarity enabled an improvement of the care quality and nurse care and I invite you to discover it by reading my final thesis. Key words: autism, pervasive developmental disorders, interdisciplinarity, nursing cares, communication.