Centre de Ressources A uti sme Etablissement Public de Santé Alsace Nor d 141, avenue de Strasbourg 67170 BRUMATH Présentation Réseau inter professionnel du 17 janvier 2008 Emotions et autisme Considérées pendant longtemps comme un frein au fonctionnement mental, les émotions sont considérées aujourd’hui comme centrales dans l’établissement des liens interhumains. Pour le nourrisson, elles ont d’abord une fonction d’appréhension de soi puis reconnues par la mère, elles deviennent créateurs de lien avant d’être plus tard dans le développement de l’enfant nommées comme telles. Elles ont donc une fonction d’expression et de communication. Ultérieurement elles font partie intégrante du processus de socialisation. La clinique neurologique et l’observation de patients présentant une lésion du cortex préfrontal montrent que les émotions sont nécessaires à la prise de décisions, à la hiérarchisation des choix dans le domaine personnel et social. L’approche raisonnée, logique ne suffit pas, il faut aussi le ressenti de la situation. C’est la fonction d’accordage affectif. Les émotions remplissent donc des fonctions multiples : - établissement du lien intersubjectif pour le nourrisson - maintien du lien par le nouage entre émotion et mémoire des évènements - appui au processus de personnalisation (Santiago-Dellefosse 2000) Kanner a relevé très tôt les troubles émotionnels dans le tableau clinique de l’autisme. La perturbation de la réciprocité sociale et émotionnelle est un des domaines des interactions sociales qui fait partie du diagnostic actuel de l’autisme. Michel Lemay (l’autisme aujourd’hui, 2004) se demande quel est le devenir des émotions et en particulier de l’anxiété pour l’enfant autiste. Il insiste sur l’importance de l’immuabilité pour les personnes les plus atteintes. Elles manifestent de l’attachement pour les parents ou au moins un des deux, elles ont une vigilance à l’égard du partenaire adulte,- regard quand il se déplace, mouvement brusque de fusion, plaintes lorsqu’il s’éloigne trop -, en même temps ils n’arrivent pas à l’intégrer parce qu’il échappe au besoin qu’à l’enfant autiste de figer son environnement. Il formule l’hypothèse que cette recherche de l’identique est liée à la difficulté d’intégrer les stimuli, le besoin de maintenir une structure sensorielle connue. Ce qui lui permet de faire le lien avec l’automutilation comme tentative justement de retrouver ce contrôle. De même cette impossibilité de réguler les sensations va orienter l’enfant vers les objets, les formes, les textures qui peuvent procurer une certaine sécurité plutôt que vers l’autre humain trop imprévisible. Il pose à juste titre la question de la difficulté que nous pouvons avoir pour démêler l’anxiété de la personne autiste et les nôtres quand nous nous retrouvons devant une telle détresse qui ne peut être nommée. La personne semble subir des états de tension qui ne peuvent se résoudre qu’à travers une décharge corporelle. Toute intervention de notre part peut donc provoquer cette tension qui se 1 Centre de Ressources A uti sme Etablissement Public de Santé Alsace Nor d 141, avenue de Strasbourg 67170 BRUMATH résoudra dans des cris, ou des coups sur lui-même ou sur l’autre. Tout changement même minime dans l’environnement peut provoquer un malaise (un son inhabituel, la texture d’un vêtement). Il est toujours difficile retrouver la cause de ces états. Pour les personnes ayant dont les capacités cognitives sont mieux préservées, ils emploieront des mots comme cassé, brisé. Lorsque les personnes peuvent dire quelque chose sur ce qu’elles éprouvent, ils diront par exemple : Il y avait trop de bruit, ou j’étais trop fatigué sans pouvoir expliquer l’état de panique Je tourne sur moi-même quand je me sens mal Je fais un casse-tête, ça recolle les morceaux Cela pourrait correspondre à un besoin de désorganiser la sensation de brouillage perceptif ou d’accumulation par un agir ou un comportement ritualisé. Même s’ils ne peuvent pas s’exprimer au sujet des crises qu’ils traversent, ils trouvent des solutions, s’envelopper dans une couverture, un autre s’enferme dans sa chambre et demande à ce qu’on lui attache les bras parce qu’il cogne dans les meubles et ne veut pas les abîmer. Les personnes dont les capacités cognitives sont intactes, de haut niveau se rendent compte du fait qu’elles ne peuvent mettre des mots sur les émotions. Ce sont elles qui nous font découvrir toutes les difficultés liées aux perceptions sensorielles et à la compréhension des émotions des autres. Trois vignettes cliniques : Il s’agit d’observations qui concernent des personnes présentant un autisme très déficitaire, sans langage, peu de compensation par la communication non verbale. Mlle X : profite quand la porte est ouverte pour rentrer dans le local des infirmières, vide la cafetière dans l’évier et éclate de rire, c’est la seule initiative qu’elle prend et qui provoque ce type de réaction. Mr Y : pris en charge en hôpital de jour, la maladie de la maman, victime d’un accident vasculaire cérébral entraînera son hospitalisation à temps complet. Dans les semaines qui suivent l’admission, il gratte le plâtre dans sa chambre, décolle les carrelages et descelle les WC. Mlle Z. : alors que je revenais de congé, elle traverse le couloir en courant les bras ouverts. Au moment où elle me prend dans les bras, elle me gifle avec violence. ___________________________ 2