SOINS PALLIATIFS EN PSYCHIATRIE, au-delà des préjugés LYON, 9 Octobre 2013 Djea SARAVANE, MSc, MD Chef de Service-Directeur de l’Enseignement Membre Associé CHUS Sherbrooke-Canada CENTRE REGIONAL DOULEUR EN SANTE MENTALE CONFLITS D’INTERETS • JE N’AI AUCUN CONFLITS D’INTERETS Maladie mentale et troubles somatiques • Diminution de l’espérance de vie de 25 ans des patients souffrant de maladie mentale (Parks et al., 2008) – 40% par suicide et mort accidentelle – 60% par maladies physiques • Le retentissement des comorbidités somatiques participe à la diminution de l’espérance de vie de 20% des schizophrènes par rapport à la population générale (Newman et al., 1991) Maladie mentale et troubles somatiques Etude de mortalité Causes principales de décès de patients schizophrènes des secteurs de psychiatrie adulte Pathologie Observés Attendus Maladies Infectieuses 5 1,0 Sida 10 2,0** Tumeurs 38 29,9* Maladies de l’appareil circulatoire 35 12,1** Maladies de l’appareil respiratoire 14 2,4** Fausses routes 9 *: p< 0,05 Casadebaig et Philippe, 2002 **: p<0,001 ETUDE RECENTE • 3470 patients schizophrènes, suivis pendant 11 ans • 14% de décès pendant ce suivi • 74 patients : décès par cancer, 2ième cause de décès après le suicide, avec un Rapport standardisé de mortalité (RSM) global de 1,5 (RSM= 1 pour la population générale) • Pour l’ensemble des cancers, les RSM étaient de 1,4 chez les hommes et de 1,9 chez les femmes • Localisation : K du poumon chez les hommes, K du sein chez les femmes Tran E, Rouillon F, Loze Jy et al: Cancer (2009) 115, 3555-3562 ALORS ? • Toute démarche de soins doit inscrire la double dimension: corps et psyché • Mais dans la pratique clinique , la dichotomie existe encore comme si l’examen physique ne pouvait se mêler à l’écoute physique • La démarche des soins palliatifs : question pour le soignant, passer d’une médecine du corps à une médecine de l’homme tout en respectant son mode culturel, social, relationnel et psychique TRIPLE DEFI • Les pathologies psychiatriques: - modifient l’approche des symptômes somatiques: expression de la douleur - peuvent entrainer un comportement: refus, agressivité, délire rendant la prise en charge du confort difficile TRIPLE DEFI • Problème de communication: - délire, confusion, agressivité, absence de communication verbale… point commun; alors: - comment évaluer la douleur, interpréter les plaintes, évaluer l’effet d’un traitement? - comment rassurer le patient, lui expliquer un traitement? - comment maintenir un équilibre entre le traitement psychiatrique et somatique? - comment aborder la mort? - comment associer les proches/la famille? Observation et la connaissance de la communication non verbale de chaque patient sont alors primordiales TRIPLE DEFI • L’institution: lieu de vie: - certains patients vivent à l’hôpital depuis plus de 20 ou 30 ans: ils sont chez eux - liens sociaux et affectifs: certains ont de la famille , d’autres pas ou n’ont jamais eu - le personnel et les autres patients/résidents: seule famille - l’accompagnement d’un patient dans ce milieu de vie: scénario difficile à gérer, dans la relation humaine, on dépasse parfois le cadre purement professionnel LE PATIENT • Reconnaitre ce patient comme une personne entière • Accompagner ce corps physique et psyché malades • Savoir valoriser la dimension humaine PATHOLOGIE ORGANIQUE GRAVE ET PATHOLOGIE MENTALE • Savoir accompagner jusqu’au dernier moment et au sein de son lieu de vie qui est l’hôpital et si c’est sa propre volonté • Respecter au mieux son intégrité psychique, sociale, relationnelle et culturelle • Le soignant est plongé dans une inconnue qui est l’accompagnement du patient en fin de vie ne serait-ce que dans la complexité de l’expression de sa douleur et de sa relation avec la mort LES SOINS PALLIATIFS ? • Charte du patient hospitalisé • Loi du 22 avril 2005: droits des malades • Certification V2010: - Critère 12 a: Prise en charge de la douleur - Critère 13a: Prise en charge et droits des patients en fin de vie LES DIFFICULTES Reconnaitre la douleur n’est pas simple chez les patients atteints de pathologie mentale Phénomène subjectif qui fait intervenir le discours du patient dans bien des cas Or que devient dans ces conditions l’expérience d’un sujet ayant un discours inintelligible: délire, hallucinations ? Difficultés pour le patient à exprimer ou à percevoir les stimulations douloureuses Mythe de l’insensibilité à la douleur qui persiste L’ACCOMPAGNEMENT SPECIFIQUE • Prendre soin et accompagner ces patients vers leur fin de vie , est-ce donc tellement différent? • La spécificité réside dans le fait de la présence même de la pathologie mentale qui va demander , de la part des soignants ‘ un savoir faire’ et un ‘ savoir être’ adapté à la différence, adapté également à la difficulté ou au manque parfois de communication verbale L’ACCOMPAGNEMENT SPECIFIQUE • Maintenir les liens relationnels • Préserver les repères sensoriels habituels autour du patient • Travail d’équipe trouve ici toute sa valeur et son importance : solliciter le dialogue avec chacun des intervenants , de partager , de se donner les moyens d’envisager ensemble les valeurs à promouvoir, les orientations d’approche, les méthodes de travail EVALUATION ET GESTION DE LA DOULEUR • L’accompagnement demande aussi une certaine compétence dans l’évaluation et le contrôle de la douleur • Parfois les soignants ‘ naviguent à l’aveugle’: par exemple le patient crie ou se frappe: a-t-il mal? A-t-il peur? Veut-il dire quelque chose? A-t-il faim?... • Difficulté de décodage EVALUATION ET GESTION DE LA DOULEUR • Parfois une réponse dans l’urgence, sans pouvoir réellement répondre à la demande cachée • Difficulté à mettre en évidence la présence de la douleur • Mode de réactivité différent à la douleur • C’est dans le champ de la communication non verbale que va s’élaborer sa plainte, sa détresse et sa souffrance EVALUATION ET GESTION DE LA DOULEUR • Toute modification du comportement observée devra attirer l’attention et faire penser à une problématique de douleur • Croire en la plainte douloureuse chez le patient communicant • Le dialogue se fonde sur des modes non verbaux , qui s’ancrent dans le jeu corporel. C’est au niveau de la posture, du tonus, de l’intonation, du rythme et de la mélodie gestuelle ou vocale que va se jouer la relation CONCLUSION • Perte de chance de nos patients? • Dans le souci de l’autre et du corps de l’autre, le principe de dignité, selon lequel un être humain doit être traité comme tel, trouve tout son sens dans cette approche globale du patient en santé mentale • Possibilité de prendre en charge des patients en fin de vie en psychiatrie nécessite un partage des connaissances et un travail en inter et pluridisciplinaire POUR EN SAVOIR PLUS • Réseau National douleur en santé mentale: site: anp3sm.com • Association Nationale pour la Promotion des Soins Somatiques en Santé Mentale: site:anp3sm.com • Congrès National Douleur et Santé Mentale: PARIS, 24-25-26 JUIN 2014 contact:[email protected]