Dire le diagnostic ?
Autrefois, les maladies graves
ne s’annonçaient pas. Ac-
tuellement, une maladie comme
le cancer est annoncée, parfois
même sans ménagement. L’an-
nonce du diagnostic est certes
moins difficile aujourd’hui, mais
qu’en est-il de l’annonce d’une
rechute ? En psychiatrie tradi-
tionnelle, l’information est très
contrôlée, notamment en ce qui
concerne les traitements. La per-
sonne vivant un problème de santé
mentale est souvent reléguée à un
rôle de malade objet, voire de fou.
Le diagnostic psychiatrique per-
met d’écarter les troubles soma-
tiques des troubles mentaux.
«Une fois le diagnostic de la mala-
die ou des troubles de la personnalité
établi, cela permet d’oublier celui-ci,
et l’on peut se concentrer sur le po-
tentiel sain de sa personne. C’est la
résilience. Il est probable que l’on
trouve en soi les solutions et cela aide
à se reconstruire (c’est l’instinct de
survie) », explique Dominique
Laurent de l’association “Destina-
tion Avenir”. Pour lui, un patient
peut entendre même s’il ne com-
prend pas tout. Tout est dans la
manière d’annoncer le diagnostic.
Denis Chiro, psychiatre au CHS
Paul-Guiraud (Villejuif) cite
F.J. Bayle et al. qui, dans une pu-
blication récente, avance que
«l’image péjorative de la schizophré-
nie semblerait expliquer la réticence
à donner un diagnostic précis ».Et de
poursuivre : «Dire le diagnostic, à
quoi cela peut-il servir ? La difficulté
n’est pas seulement celle de l’image de
la schizophrénie et, par extension, de
la maladie mentale, envisagée dans
son aspect pronostique ».Tout se si-
tue en deux mots : diagnostic et
dire. Pour le psychiatre, “l’opéra-
tion diagnostic” ne peut être com-
parée au diagnostic dans les disci-
plines somatiques. Car le dire
sous-entend l’interprétation du pa-
tient et doit tenir compte de la co-
hérence de celui-ci. En psychiatrie,
la raison est-elle plus présente
qu’on ne le croit ?
Se pose aussi la question de l’ac-
cès au dossier de soins. La per-
sonne atteinte d’un trouble psy-
chiatrique a, en principe, les
mêmes droits que les autres. Mais
il se trouve qu’en santé mentale,
«nombre de pathologies altèrent le
jugement, au moins un moment
donné. L’état de vulnérabilité doit
être pris en compte d’une manière
générale et particulière (loi de
1990). Il faut voir également le cas
des personnes légalement protégées
et l’article 434/3 du Code pénal »,
souligne Stanislas Filliol, repré-
sentant de l’Unafam.
Pour Annick Perrin-Niquet, in-
firmière au CHS Le Vinatier, le
cadre infirmier contribue à l’in-
formation après «une analyse des
bénéfices, des limites et des diffi-
cultés pour la personne soignée,
pour l’institution psychiatrique et
pour les professionnels. Il doit trans-
former ce qui est perçu ou vécu
comme une nouvelle contrainte en
un levier d’actions pour repenser les
pratiques de soins autour du patient
et le sens du soin psychiatrique dans
notre société.»
A.-L.P.
D’après les propos tenus
lors de la Journée mondiale de la santé
“Santé mentale : non à l’exclusion,
oui aux soins”, avril 2001.
La notion d’usager émerge avec une acuité particulière
en santé mentale. Comment traduire le caractère
d’hypothèse et non d’affirmation de certaines pistes
diagnostiques dans la mesure où la pathologie
psychiatrique évolue en fonction de nombreux facteurs
existentiels ?
Santé mentale
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Professions Santé Infirmier Infirmière - No26 - mai 2001