Les éducateurs d'écoles maternelles savent fort bien émerveiller les enfants à travers contes et
comptines. Mais peut-être ne pensent-ils pas à utiliser le florilège surréaliste pour renouveler leur
inspiration. Je cherche à favoriser ici l'exploration de cette poésie, moins étudiée que la poésie classique.
Nous verrons tout d'abord ce qu'est le surréalisme et quels procédés les poètes utilisent pour aider le
hasard objectif afin qu'il devienne accident contrôlé. Dans une deuxième partie, je sélectionnerai quelques jeux
surréalistes qui peuvent être utilisés en maternelle, en les illustrant par des productions enfantines récoltées
lors de séances d'orthophonie ou d'ateliers d'expression poétique.
Faire jaillir la vie, la vie cachée, c'est bien cela que dadaïstes et surréalistes ont eu pour but en faisant
éclater les structures classiques du langage. Pour faire un poème dadaïste,
Prenez un journal,
prenez des ciseaux.
choisissez dans ce journal un article
ayant la longueur que vous comptez
donner à votre poème.
Découpez l'article,
découpez ensuite avec soin chacun des mots
qui forment cet article et mettez-les dans un sac.
Agitez doucement.
Sortez ensuite chaque coupure l'une après l'autre
dans l'ordre où elles ont quitté le sac.
Copiez consciencieusement Le poème vous ressemblera.
(Tristan Tzara, Sept manifestes Dada, 1924)
Cette technique étant sans doute un peu trop limitée, les poètes surréalistes en ont mis d'autres au
point pour atteindre la partie non révélée et pourtant révélable de notre être, la féérie inférieure. André Breton
a proposé de faire une exploration systématique de l'inconscient grâce notamment à l'écriture automatique et au
compte rendu des rêves. Il conseille de se laisser guider par les associations d'idées (comme en
psychanalyse), de laisser venir les phrases qui cognent à la vitre.
Dans cette démarche poétique, les objets sont libérés de leur forme fixe, ils reprennent leur liberté de
métamorphose:
L'oiseau-lyre joue
Et l'enfant chante...
et les vitres redeviennent sable
l'encre redevient eau
les pupitres redeviennent arbres
la craie redevient falaise
le porte-plume redevient oiseau
(Jacques Prévert, Page d'écriture)
La poésie rejoint les mythes et les contes, au gré du désir du poète et selon la loi de l'analogie
poétique. C'est l'émotion qui surgit lorsqu'on laisse venir une idée donnée et sa répondante, sorte de court-
circuit qui met le poète dans un état d'extase, de sentiment océanique où il se sent soudain empoigné par plus
fort que lui (André Breton).