Le syndicalisme à l`épreuve de la Première Guerre mondiale

Le syndicalisme à l’épreuve de la Première Guerre mondiale
Colloque, Paris, 26-27 novembre 2014
Centre d’histoire sociale du XXe siècle de l’Université Paris 1
Institut CGT d’histoire sociale
PRESENTATION GENERALE
Intérêt du projet
La commémoration du centenaire de la Première Guerre mondiale va donner lieu, en France et dans le
monde, à un très grand nombre de manifestations mémorielles et scientifiques qui seront l’occasion forte de
manifester le caractère décisif de cette guerre dans l’histoire du XXe siècle, mais aussi que nombre des
questionnements posés autour de cette guerre restent d’une grande actualité.
Si les questions du nationalisme et de la construction d’un monde pacifié, ou celles des violences
dramatiques de guerre, comptent grandement, la Première Guerre mondiale, guerre totale, pose aussi les
questions d’une économie et d’une société mobilisée. La participation de l’État à l’économie et aux rapports
sociaux, l’accumulation accélérée du capital, les mutations brutales de l’organisation et des conditions de
travail et de la main d’œuvre constituent autant d’éléments d’une mutation longue des pratiques sociales.
Le syndicalisme sort grandi de la guerre. En ce sens il est un marqueur décisif de l’évolution des sociétés en
guerre, mais aussi des perspectives de reconstruction à court et à long terme. Il est porteur d’une modernité
dont les traces se retrouvent dans l’organisation mondiale du travail, dans les programmes économiques et
sociaux qui se développent dans tous les pays du monde (sous des modèles très différents certes) au XXe
siècle. La question d’une actualité de cette démarche est au cœur des rapports sociaux et du nouveau
développement économique des sociétés mondialisées.
Si les recherches sur le syndicalisme pendant la Grande Guerre ont paru marquer le pas ces quinze dernières
années, le colloque sera l’occasion à la fois d’un bilan d’ensemble et d’une stimulation de recherches
nouvelles sur cette dimension incontournable des sociétés en guerre.
Espace et temps, approche thématique
Il est apparu opportun aux institutions organisatrices de s’engager dans une double démarche spatiale.
L’essentiel des communications érudites sera consacré à la France, ce qui permettra, en particulier, de faire
remonter les travaux des Instituts professionnels ou régionaux de l’IHS. Mais une séance devra être
consacrée à la mise en perspective de la situation française avec la situation dans d’autres pays. Dans tous
les cas, le colloque vise à travailler le jeu des échelles qui rend pertinent la diversité des expériences de
guerre.
Si la période de la Première Guerre mondiale et de l’immédiat après-guerre est naturellement au cœur du
colloque, les communications qui réfléchiront, sans anachronisme, sur la portée longue de la Première
Guerre sur le mouvement syndical seront encouragées.
Dans la démarche générale, les communications devront se centrer sur le syndicalisme en prenant très
largement en compte les rapports sociaux, les luttes sociales…, avec des jeux d’échelle très diversifiés. Mais
ces communications devront toujours tenter de mettre en relation cette étude centrale du syndicalisme avec
les conditions nouvelles de leur action et de leur horizon d’attente de l’après-guerre. Le colloque s’en
tiendra au syndicalisme des salariés (le syndicalisme chrétien devra absolument être examiné) mais pourra
aborder le syndicalisme patronal dans le cadre d’études centrées sur les rapports sociaux.
LES AXES PRINCIPAUX DU COLLOQUE
Les communications pourront s’inscrire dans un ou plusieurs axes.
I-1Le syndicalisme, la guerre, la Défense nationale
-Si la question peut paraître ancienne, au regard de l’historiographie, elle n’en garde pas moins toute sa
pertinence et son actualité. Le ralliement à la défense nationale de la large majorité des syndicalistes mérite
une analyse approfondie ainsi que l’évolution plus diversifiée des syndicats sur cette question pendant la
guerre. Le syndicalisme international s’était dit avant 1914 prêt à une action vigoureuse contre une guerre
qu’il ne pouvait penser que comme impérialiste. Il n’en a rien été dans presque tous les pays. Comment ce
ralliement est-il analysé, comment la guerre est-elle perçue ?
On ne pourra d’autant se dispenser d’étudier cette question que, pendant la guerre, la question du conflit
armé, du front, des hommes au combat, de la mobilisation patriotique est présente au quotidien et
interpénètre tous les aspects de la vie sociale. Bien entendu le pacifisme, l’internationalisme participent des
aspects multiples de ce que certains appellent « cultures de guerre ». La guerre n’est pas seul repli national,
elle favorise aussi des circulations transnationales (entre alliés mais aussi par l’effet des conférences
pacifistes et de la révolution soviétique).
A la limite de cet axe se situe la question, également longtemps largement débattue, mais qui reste centrale,
de l’Union sacrée. En effet cette attitude complexe et diversifiée renvoie à la rencontre de la Défense
nationale et du gouvernement qui la conduit. Mais le concept peut aussi plus largement rencontrer tous les
modes de collaboration qui s’introduisent entre salariés et patrons, certes sur la base de la défense
nationale, mais aussi sur la base d’une possible réorganisation de plus longue durée des rapports sociaux.
Sur ces questions, des débats rudes ont eu lieu dans les syndicats du monde entier, conduisant à des choix
gravement divergents.
I-2-Les syndicalistes en guerre.
Les divisions examinées d’un point de vue idéologique et de celui des pratiques syndicales et sociales issues
de la guerre méritent aussi d’être comprises du point de vue de l’expérience de guerre des militants, des
destins individuels ou collectifs. L’expérience des syndicalistes au front, leur rencontre, inusuelle, avec des
non syndiqués ou d’autres groupes sociaux, leur action éventuelle parmi les soldats doivent être examinées.
En ce sens, il semble très important de développer, pour le moins, une approche typologique des
syndicalistes qui doit croiser leur situation avant la guerre (déjà adhérent, déjà responsable, à quel niveau,
leur orientation), pendant la guerre (ralliement ou non à l’union sacrée, combattant ou à l’arrière, adhérent
nouveau pendant la guerre, retour à l’arrière avec ou sans changement de métier ou travail, éloignement du
syndicalisme ou prise de responsabilité…) et après la guerre (retour du front et génération dite du feu
reprise ou non de l’action syndicale, CGT ou CGTU, etc. etc..). Le tout bien sûr devant être diversifié suivant
les branches et les territoires. Les études prosopographiques et les biographies seront les approches
possibles.
II-1-Le syndicalisme dans l’économie de guerre.
Le premier trait du syndicalisme pendant la guerre est son attitude devant l’économie de guerre.
Progressivement se met en place une économie, très largement contrôlée et soutenue par l’État, dont le but
premier est la fourniture d’une production toujours plus massive pour les armées. Cette économie de
guerre, qui est restée massivement privée, a requis une réorganisation générale des entreprises, la création
et l’extension de nouvelles usines, l’organisation d’une production qui empreinte, inégalement, au
taylorisme et aux idées d’une économie rationnelle : il s’agit de produire plus avec moins d’hommes. Cette
action a-t-elle un effet sur l’extrême dureté de la condition ouvrière issue de l’entrée en guerre ? Si le
chômage disparaît, la productivité aiguë, la hausse des prix affectent la situation sociale.
Les États mettent aussi en place tout un système de ravitaillement des populations, de lutte contre le
chômage, etc etc…
Cette grande administration de l’économie de guerre se situe à plusieurs niveaux territoriaux et
professionnels qu’il conviendra d’examiner et qui offrent aux syndicats que l’État souhaite profondément
intégrer à cette nouvelle économie (que ce soit Albert Thomas ou Loucheur…) toute une gamme d’instances
de collaboration ou de présence qu’il conviendra d’étudier plus attentivement du point de vue des syndicats.
Comment les ont-ils investies ? Qu’en ont-ils fait ?... Le syndicalisme français d’avant-guerre souvent réticent
à l’intervention de l’État ou aux liens avec le politique se remet-il alors en cause ? À terme le productivisme
semble aussi toucher nombre de syndicats et est une des pierres de touche, avec les nationalisations, du
programme minimum de la CGT adopté en 1918 par une grande majorité des syndicats. La question de la
concurrence économique internationale apparaît aussi avec toute son acuité à la fin de la guerre.
Mais le niveau de l’entreprise ou de la branche ne doit pas être méconnu pour autant. Car l’économie de
guerre favorise aussi paradoxalement certains types d’action directe ouvrière, voire même les grèves, qui
atteignent un haut niveau dès 1917. La conscience de classe peut être plus vive au regard de l’image de
l’industriel profiteur de guerre. Ces grèves de la guerre ou de l’immédiat après-guerre ont aussi des traits
particuliers dans leur déroulement, leur mode de généralisation, leurs revendications, leurs réussites. Ces
luttes s’appuient(ou conduisent à) sur des structures nouvelles : les syndicats d’industrie se généralisent, des
formes de contrôle ouvrier apparaissent.
On se saurait cependant réduire l’économie à l’industrie de guerre, les autres industries, les services, les
régions occupées doivent aussi être pris en compte.
II-2-Le syndicalisme dans la société en guerre.
La mobilisation militaire et économique conduisent ou se lient à une mobilisation de toute la société. On
souhaiterait que ce colloque soit l’occasion d’évoquer quelques aspects qui sont particulièrement liés au
syndicalisme.
Mais avant la mobilisation, il y a une phase de déstructuration où tant la condition ouvrière que
l’organisation syndicale sont gravement –mais inégalement remises en cause. Il faut du temps pour que
s’organisent les mobilisations et un certain ordre des choses. Dans tous les cas, des conditions nouvelles
pèsent sur les syndicats et les syndicalistes (sur leur droit de réunion, le droit de se syndiquer, le droit de
presse, le droit de manifester… - avec les cas spécifiques des zones des armées et de la zone occupée par les
Allemands). Le choix de l’adaptation et/ou de la résistance se pose.
La mobilisation de la main d’œuvre est la principale question sociale qui rejaillit sur le syndicalisme. La
mobilisation des hommes jeunes exige, en remplacement, celle d’une nouvelle main d’œuvre (ou d’une
réorientation de celle-ci) : affectés spéciaux, main d’œuvre féminine, immigrée, coloniale… (voire prisonniers
parfois) vient massivement grossir les rangs des travailleurs. Les situations particulières de ces nouvelles
mains d’œuvre –où se pose la question accentuée de l’apprentissage-seront examinées. La question devient
vite brûlante pour le mouvement syndical les tensions abondent. Pourrait-on conclure à une occasion
ratée ? En particulier devant l’afflux des femmes aux syndicats.
La mobilisation est aussi morale : l’arrière doit tenir et la menace de dénonciation de l’embusqué est
partout. Les syndicats doivent maintenir leur force et les conquêtes ouvrières sous les regards de leurs
camarades du front, conserver des liens avec ceux de l’avant. La « famille » syndicale a-t-elle résisté au
désordre de la guerre ? De ce fait un lexique moral et parfois militarisé se glisse dans les syndicats. Peut-on
se réunir dans les cafés ? Peut-on aller au cinéma ? Que deviennent les Bourses du Travail ? Pour autant
faut-il voir dans ces phénomènes l’expression d’une culture de guerre ?
Les identités syndicales et professionnelles, les cultures syndicales sont, ainsi, en grande partie bouleversées
par la guerre ; une situation qui favoriserait l’éclatement ? le conservatisme ? ou tout au contraire la
conscience de classe ?
Au bilan, il apparaît bien qu’il est possible de parler d’une vraie vague de syndicalisation de masse, sans
doute la première, dans la période 1917-1920, ce qui indique une sensible rencontre du syndicalisme et du
monde du travail et au-delà La place du syndicalisme dans la société à reconstruire paraît grandie. La loi
des huit heures est un signe de ce nouveau rapport de forces.
III-Une vue transnationale
Sur tous ces points, il apparaît que la guerre est tout à la fois une parenthèse refermée en 1919 et un
formidable laboratoire d’anticipation économique et sociale. Il est dès lors nécessaire de conclure le
colloque autour d’une réflexion sur la portée à moyen et long terme de la Première Guerre mondiale sur
l’histoire du syndicalisme et des sociétés européennes (occidentales ?). Les modèles syndicaux de l’avant-
guerre (syndicalisme révolutionnaire d’action directe, syndicalisme social-démocrate, syndicalisme
travailliste et local de contrôle) paraissent remplacés par une division ternaire qu’exprime l’existence de
trois confédérations (CGT, CGTU, CFTC) et de trois ? Internationales. La division porterait désormais sur les
relations avec un État reconnu auquel il faut s’adapter ou qu’il faut profondément révolutionner ? Mais
l’exacerbation des discours créée par et sur la guerre pèse gravement dans ce schisme. C’est au prisme de la
comparaison internationale que nous nous proposons de développer cette réflexion au travers de trois
communications transnationales sur l’après-guerre.
I-Les syndicats et la reconstruction économique et sociale
II-La reconstruction des Internationales (professionnelles et interprofessionnelles)
III-De nouveaux modèles du syndicalisme – continuités et ruptures.
Les propositions sont à retourner à
Thérèse Lortolary – Centre d’Histoire sociale du 20
ème
siècle
9 rue Malher – 75181 Paris cedex 04
Therese.Lortolary@univ-paris1.fr
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