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Dans la liérature classique, où la personnication des choses est monnaie
courante, la disparité des genres grammaticaux entre les langues cause souvent bien du
tracas aux traducteurs.
Ainsi, on lit dans Hesperus (1795) de Jean-Paul : “Freilich ist Achtung die Muer der Liebe; aber
die Tochter wird oft einige Jahre älter als die Muer.”
Dans Hesperus (1930), Albert Béguin
traduit : “Assurément, le respect est la mère de l’amour; mais souvent la lle survit de quelques années à sa
mère.”
L’amour et le respect sont malheureusement du masculin dans la langue française.
Ainsi, on peut lire dans le Heinrich von Ofterdingen (1802) de Novalis : “Ich danke dir für
deinen guten Willen sagte Fabel; man sieht dir jet die gute Zeit an; dir fehlt nur noch das Stundenglas und
die Hippe, so siehst du ganz wie der Bruder meiner schönen Basen aus.”
Dans leur Henri d’Ofterdingen
(1908), Georges Polti et Paul Morisse traduisent : “Merci de tes bons sentiments, riposta Fable, on voit que
le temps actuel t’est favorable; il ne te manque plus que le sablier et la faux pour ressembler au frère de mes
belles parentes.”
Sans l’aide d’aucune note, le lecteur ne peut comprendre qu’il s’agisse ici de la Mort,
qui est du genre féminin en français. Dans son Henri d’Ofterdingen (1942), Marcel Camus traduit : “Je
te remercie de tes bonnes intentions, dit Fable, on lit sur ta gure combien l’époque actuelle te réussit: il ne te
manque plus que le sablier et la faux, et tu ressemblerais tout à fait au frère de mes jolies parentes.”
Le
traducteur ajoute ici en note : “La mort est du masculin en allemand.”
C‘est déjà mieux, mais c’est
insusant. Dans son Henri d’Ofterdingen (1967), Robert Rovini traduit : “Je te remercie de tes bontés,
répondit Fable. C’est temps béni pour toi, il n’y a qu’à te regarder; il ne te manque plus que le sablier et la faux
pour ressembler tout à fait à la sœur de mes jolies cousines.“
Traduire der Bruder par la sœur était
eectivement la meilleure solution.
Il faut bien prendre garde, quand on traduit de l’allemand en français des
substantifs allemands de genre diérent, de pratiquer aussi la transposition lexicale à
propos des pronoms qui remplacent ces noms.
Ainsi, dans Die Taube (1987) de Patrick Süskind, on lit : “Sie sasz vor seiner Tür, keine
zwanzig Zentimeter von der Schwelle entfernt, im blassen Widerschein des Morgenlichts, das durch das
Fenster kam. Sie hockte mit roten, kralligen Füszen auf den ochsenblutroten Fliesen des Ganges, in bleigrauem,
glaem Geeder: die Taube.”
Dans Le pigeon (1987), Bernard Lortholary traduit : “Il était posé devant sa
porte, à moins de vingt centimètres du seuil, dans la lueur blafarde du petit matin qui ltrait par la fenêtre. Il
avait ses paes rouges et crochues plantées sur le carrelage sang de bœuf du couloir, et son plumage lisse était
d’un gris de plomb: le pigeon.”
Un traducteur novice ou inaentif aurait pu commencer par traduire
les pronoms au féminin, puis, arrivé au bout du passage, les y laisser par inadvertance.
Jean Paul, Werke, Hrsg. von Norbert Miller, Erster Band, Carl Hanser Verlag, München, 1960, p. 865.
Jean-Paul Richter, Hespérus, Tr. de l’all. par Albert Béguin, Tome 1er, Librairie Stock, Paris, 1930, p. 285.
Novalis, Heinrich von Ofterdingen, Traduit par Marcel Camus, Éditions Montaigne, Paris, 1942, p. 318.
Novalis, Henri d’Ofterdingen, Traduit par Georges Polti et Paul Morise, Société du Mercure de France, Paris,
1908, p. 215.
Novalis, Henri d’Ofterdingen, Traduit par Marcel Camus, Éditions Montaigne, Paris, 1942, p. 319.
Novalis, Henri d’Ofterdingen, Traduit par Marcel Camus, Éditions Montaigne, Paris, 1942, p. 441.
Novalis, Henri d’Ofterdingen, Tr. nouv. par Robert Rovini, Union Générale d’Éds, Paris, 1967, pp. 213-214.
Patrick Süskind, Die Taube, Présentation, annotations et glossaire par B. Lortholary, Librairie Gle Française,
Paris, 1995, p. 26.
Patrick Süskind, Le pigeon, Tr. de l’all. par Bernard Lortholary, Librairie Générale Française, 1996, p. 14.