Profession 76 K r a n k e n p f l e g e I S o i n s i n f i r m i e r s I C u r e i n f e r m i e r i s t i c h e 2/2013 Reconnaissance légale de la responsabilité infirmière «Les soins autonomes» dans les rouages de la politique L’audition des experts en soins infirmiers menée en janvier dernier par une souscommission parlementaire constitue une étape de plus sur la voie d’une réglementation légale visant à diviser les soins infirmiers en un domaine de responsabilité propre et un domaine de co-responsabilité. Texte: Urs Lüthi / Photo: Gudrun Mariani «Ce fut un des meilleurs hearings auquel j’ai assisté», a affirmé le conseiller national Rudolf Joder à la fin de l’audition de quatre experts et expertes en soins infirmiers et deux représentants des médecins de famille. La sous-commission LAMal «assurance-maladie» de la Commission pour la sécurité sociale et la santé publique (CSSS) du Conseil national a interrogé le 9 janvier dernier ces experts au sujet de la mise en œuvre de l’initiative parlementaire «Reconnaissance légale de la responsabilité infirmière». Actuellement, il s’agit de concrétiser la nouvelle réglementation de la loi sur l’assurance-maladie et, au cours d’une phase ultérieure, d’obtenir la majorité des voix dans les deux CSSS et finalement au Parlement. Au printemps 2012, les CSSS du Conseil national et du Conseil des Etats ont approuvé l’initiative déposée par R. Joder en mars 2011. Afin d’examiner le point de vue de la recherche sur les services de santé, la souscommission avait invité Rebecca Spirig, directrice du centre des sciences infirmières cliniques de l’Hôpital universitaire de Zurich. Jacqueline Martin, directrice des soins et MTT à l’Hôpital universitaire de Bâle, Martha Storchenegger, responsable des prestations ambulatoires du service de soins à domicile Thurvita Wil et environs, présidente de la section St.Gall-Thurgovie-Appenzell de l’ASI, ainsi que Pierre-André Wagner, responsable du service juridique de l’ASI, repré- sentaient la profession infirmière. Les quatre experts se sont dits «très impressionnés» par les «discussions intenses» et les questions critiques posées par les onze conseillères et conseillers nationaux. Ils se sont sentis pris au sérieux, et ont perçu un réel intérêt pour cette initiative de la part de leurs interlocuteurs. Les séances des commissions étant confidentielles, il ne leur est pas possible de s’exprimer quant au contenu. Pour l’ASI, qui a porté l’initiative dès le début, il importe que la profession infirmière ne soit plus considérée comme une profession auxiliaire au service de la médecine et que la situation qui prévaut aujourd’hui dans les faits soit inscrite dans la LAMal. La répartition des prestations en un domaine de responsabilité propre et un domaine de co-responsabilité doit permettre d’éviter des doublons et de faire un meilleur usage des ressources financières et en personnel dans le domaine de la santé. Les actes médicaux ont pour but de guérir et de soulager en cas de maladie. Les soins infirmiers visent avant tout à soutenir les personnes dans la gestion de la maladie et des thérapies qu’elle nécessite. Comment faire la distinction? Rudolf Joder, conseiller national (4e depuis la gauche) avec les experts Martha Storchenegger, Pierre-André Wagner, Rebecca Spirig et Jacqueline Martin (de g. à dr.). Le domaine de responsabilité propre des soins infirmiers est défini par le processus de soins. Pour ce qui est des conséquences des maladies et des thérapies, de même que pour la prévention des atteintes à la santé, les infirmières procèdent à un recueil de données avec le patient, définissent des objectifs et pla- www.sbk-asi.ch >Politique professionnelle >Compétences infirmères >Association professionnelle K r a n k e n p f l e g e I S o i n s i n f i r m i e r s I C u r e i n f e r m i e r i s t i c h e 2/2013 nifient les mesures nécessaires. Dans le processus de soins, les infirmières assurent la direction et la coordination et sont les interlocutrices des patients, de leurs proches et d’autres spécialistes impliqués dans le processus. La responsabilité juridique de l’ensemble du processus de soins incombe aux infirmières. Le domaine co-responsable des soins comporte des activités médicales déléguées, des activités médicales prescrites ainsi que la participation lors des activités médicales dans les domaines du diagnostic, de la thérapie et de la prévention. La responsabilité de la prescription incombe au médecin et la responsabilité de l’application incombe aux deux groupes professionnels (voir également notre exemple ci-contre). Dans la présentation du texte de l’initiative, Joder met l’accent sur l’importance d’ancrer les compétences des infirmières dans la loi. La nouvelle réglementation des compétences ne vise pas à définir de nouveaux fournisseurs de prestations mais à délimiter clairement les tâches des médecins et celles des infirmières. Compte tenu de la situation précaire en matière de personnel qui prévaut actuellement, la nouvelle réglementation contribue à accroître l’attractivité de la profession infirmière. Exemple de cas Responsable et co-responsable dans la pratique L’exemple fictif ci-dessous – il s’agit d’une patiente atteinte d’une maladie chronique souffrant d’une infection devant régulièrement être traitée en urgence – montre dans quels domaines les infirmières agissent de manière autonome et à quel moment elles sont coresponsables. Co-responsabilité: elles effectuent la planification de sortie selon prescription médicale et organisent le suivi des soins. Aux urgences: Transfert à l’EMS: Responsabilité propre: • saisie infirmière et début des premiers soins; • contrôle régulier des signes vitaux; • mesures complémentaires destinées à faire baisser la fièvre; • soins corporels et mesures de positionnement pour éviter les escarres; • informations au médecin et discussion au sujet des interventions; • informations aux patients et aux proches. Responsabilité propre: • poursuite des mesures de soins et adaptation au contexte de l‘EMS; • contrôle du suivi des traitements et de la médication; • mise en place des mesures nécessaires pour éviter les complications; • contrôle régulier, afin de pouvoir prendre des mesures en cas de complications. Co-responsabilité: les infirmières diplômées exécutent des mesures diagnostiques et thérapeutiques (antibiotiques, prises de sang) sur prescription médicale. Dans le service: Ne plus être auxiliaire Ce point est également important aux yeux de Jacqueline Martin. Elle rejette l’argument fréquemment avancé selon lequel une modification de la loi n’est pas nécessaire puisque cela ne changerait en rien la situation existante. «Cette modification de la loi est primordiale pour nous», souligne-t-elle. Car pour accroître l’attractivité de la profession et assurer une bonne prise en charge à l’avenir, il est extrêmement important que la profession infirmière ne soit plus considérée comme une profession auxiliaire. Selon Yvonne Ribi, secrétaire générale de l’ASI, l’association met tout en œuvre pour que cette initiative soit acceptée. Elle a mis en place toute une organisation qui englobe les principaux acteurs des soins infirmiers ainsi que des associations telles que l’Association des services d’aide et de soins à domicile, Curaviva et H+. Mais en réalité, tous les professionnels sont concernés: «Engagez-vous en tant qu’infirmière pour une revalorisation de notre profession attendue de longue date!» Responsabilité propre: • en cas de fièvre élevée, contrôle de la respiration, du pouls, de la pression, du bilan hydrique, de l’état de la peau; • prévention des complications telles qu’embolie pulmonaire, thromboses, raideurs articulaires, escarres, etc.; • soutien au patient pour les activités de la vie quotidienne telles que soins corporels, alimentation, élimination; • coordination de la collaboration entre les différents groupes professionnels. Co-responsabilité: les infirmières poursuivent les mesures diagnostiques et thérapeutiques. Préparation à la sortie: Responsabilité propre: • planification de la sortie avec le patient; • instruction et formation à la prise en charge autonome, enseignement aux proches; • assurer le transfert d’informations au personnel des soins à domicile; • organisation des interventions d’une experte en soins de plaies pour un suivi optimal; Co-responsabilité: elles font appel au médecin de famille pour la prescription des mesures de soins, pour d’éventuelles adaptations médicamenteuses et en cas de complications. Transfert à la maison avec soins à domicile: Responsabilité propre: • poursuite des mesures de soins et adaptation à la vie à domicile; • instructions aux proches, p.ex. pour le transfert du fauteuil au lit; • prévention des complications (pneumonie, escarres, thromboses, infections); • coordination et informations aux personnes impliquées dans la prise en charge; • assurer l’accès aux moyens auxiliaires nécessaires à domicile. Co-responsabilité: elles font appel au médecin de famille pour la prescription des mesures de soins, pour d’éventuelles adaptations médicamenteuses et en cas de complications. Il s’agit ici de la version raccourcie et légèrement modifiée d’un exemple présenté par les représentants des soins infirmiers aux conseillers nationaux de la sous-commission de la CSSS. 77