Le présent fichier est une publication en ligne reçue en dépôt légal, convertie en format PDF et archivée par Bibliothèque et Archives nationales du Québec. L’information contenue dans le fichier peut donc être périmée et certains liens externes peuvent être inactifs. Version visionnée sur le site Internet d’origine le 11 novembre 2015. Section du dépôt légal ÉDITORIAL Vision de Pharmactuel Julie Méthot1,2,3, B.Pharm., Ph.D., Louise Mallet4,5,6, B.Sc.Pharm., Pharm.D., CGP, FESCP Pharmacienne, Institut universitaire de cardiologie et de pneumologie de Québec, Québec (Québec) Canada; Professeure adjointe, Faculté de pharmacie, Université Laval, Québec (Québec) Canada; 3 Rédactrice en chef, Pharmactuel, Montréal (Québec) Canada; 4 Professeure titulaire de clinique, Faculté de pharmacie, Université de Montréal, Montréal (Québec) Canada; 5 Pharmacienne, Centre universitaire de santé McGill, Montréal (Québec) Canada; 6 Rédactrice adjointe, Pharmactuel, Montréal (Québec) Canada 1 2 Reçu le 3 février 2015; Accepté après révision le 25 février 2015 Le comité de rédaction de Pharmactuel tient à vous souhaiter ses meilleurs vœux pour l’année 2015. Étant jeune nous ne comprenions pas pourquoi nos aînés souhaitaient « la santé » lors de vœux du nouvel an. Avec le temps et l’expérience, nous avons été témoin d’un ami, d’un collègue, d’un parent ou d’un patient « injustement » atteint d’une maladie qui a perturbé la quiétude du quotidien. Notre souhait tout en sagesse : Que la santé et la prospérité soient présentes tout au long de cette année. Nous profitons aussi de ce moment pour remercier les membres du comité de rédaction qui ont su, encore une fois, relever le défi de la gestion éditoriale des articles avec l’objectif ultime de publier des articles d’intérêt et rigoureux. La tâche est importante pour faire avancer la culture de publication au Québec. Nous tenons à remercier les réviseurs, qui ont été cette année pour la majorité des pharmaciens, des médecins, des chercheurs ou d’autres professionnels de la santé qui se sont investis dans le processus de révision par les pairs. Une année nouvelle est aussi le temps de revoir ses objectifs et de refaire son plan d’action tant sur l’aspect professionnel que personnel. Cette année sera une année charnière. Pharmactuel s’associe à l’équipe de Multimed pour la mise en ligne du journal ainsi que différentes étapes du processus éditorial. Pharmactuel constitue leur premier partenaire francophone. Ce changement permettra une gestion centralisée des articles et une prise en charge de la révision linguistique et de la mise en forme des articles. Les plus vieux (pas tant que ça) se rappelleront que nous soumettions nos résumés et article par disquette dans les années 90 et le tout était envoyé par la poste…. Oui, il existe encore des dinosaures qui se souviennent… Nous poursuivons notre engagement envers notre lectorat francophone tant québécois qu’international. Au cours des dernières années, un à deux articles de l’international ont été publiés dans chacun des numéros de Pharmactuel. Nos statistiques web rapportent près de 15 600 visites en 2014. La distribution par pays des sessions consultées est la suivante : Canada (73 %), France (15 %), Suisse (3 %), Belgique (2 %), Algérie (2 %), États-Unis (1 %), Maroc (1 %), Brésil (1 %), Allemagne (1 %) et Tunisie (1 %), confirmant notre lectorat international. La force de Pharmactuel, sa disponibilité en ligne à tous incluant ses archives, demeurera en 2015. Pharmactuel poursuit sa mission de publier des œuvres originales et novatrices destinées à la pratique pharmaceutique en établissement de santé dans la francophonie. Pharmactuel jouit d’une tribune internationale. Le processus de révision par les pairs est bien en place pour les chroniques Recherche, Pharmacothérapie, Cas clinique en direct de l’unité et Évaluation critique d’un article scientifique. Notre objectif de déposer notre dossier pour indexation Medline est bien présent. Pourquoi publier? Voici un bon coup réalisé par M me Sylvie Carle. À la suite de la publication d’un article « Les antifongiques dans le traitement des infections invasives », elle a été contacté par un patient « désespéré » qui souffrait d’un problème de santé grave et voulait connaitre son avis sur le traitement à suivre1,2. M me Carle l’a mis en contact avec les spécialistes dans le domaine du Centre universitaire de santé McGill, ce qui a sauvé la vie de ce patient. Ce patient avait retracé l’article de Sylvie paru dans Pharmactuel et disponible en ligne à tous, ce qui a permis de l’orienter afin de personnaliser et d’optimiser son traitement. Il est intéressant de constater le chemin parcouru par cet article, qui avait d’ailleurs permis à M me Carle de remporter le prix du meilleur article de Pharmactuel Novopharm/Mayne Pharma – A.P.E.S. en 20033. Former la relève fait aussi partie de notre mission. Des membres du comité de rédaction s’engagent dans des cours de deuxième cycle au programme de Maîtrise en pharmacothérapie avancée de l’Université de Montréal et de l’Université Laval. On retrouve parmi les objectifs de ces cours : favoriser le développement d’une culture de l’écriture scientifique et leur faire vivre une expérience de rédaction aux résidents4. Respectivement, Julie Méthot et Louise Mallet sont responsables de ces cours à la faculté de Pharmacie de l’Université Laval et celle de l’Université de Montréal. Au cours des dernières années Roxane Therrien, ancienne rédactrice associée, Christine Hamel, rédactrice adjointe, Vincent Leclerc, rédacteur associé, Pour toute correspondance : Julie Méthot, Institut universitaire de cardiologie et de pneumologie de Québec, 2725, chemin Sainte-Foy, Québec (Québec) G1V 4G5, CANADA; Téléphone : 418 656-8711, poste 2947; Télécopieur : 418 656-4656; Courriel : [email protected] © APES tous droits réservés Pharmactuel 2015;48(1) 5 ainsi que les auteurs du présent éditorial ont collaboré soit à la prestation de cours ou à la première évaluation des articles des résidents. L’engagement des membres du comité a permis aux étudiants de vivre une expérience de rédaction et de révision par les pairs. À Montréal, depuis 2011, l’engagement des membres du comité a permis à deux cohortes d’étudiants (n = 65) de rédiger 24 articles dans cinq revues scientifiques différentes. L’expérience de mentorat en matière de publication a été partagée au niveau provincial, national et international5-7. La tribune offerte par ces cours permet d’aller de l’avant pour développer une culture d’écriture auprès de la relève. Financement À l’amorce de l’année 2015, l’équipe de rédaction de Pharmactuel souhaite à son lectorat une année épanouie d’un point de vue personnel et professionnel. En souhaitant recevoir vos articles pour publication au cours des prochains mois…. Autorisation Aucun financement en relation avec le présent article n’a été déclaré par les auteurs. Conflits d’intérêts Les auteurs ont rempli et soumis le formulaire de l’ICMJE pour la divulgation de conflits d’intérêts potentiels. Les auteurs n’ont déclaré aucun conflit d’intérêts en relation avec le présent article. Une autorisation écrite a été obtenue des personnes citées dans le présent article. Références 1. 2. Carle S. Les antifongiques dans le traitement des infections invasives. Pharmactuel 2003; 36:25-41. Centre universitaire de santé McGill. Infection inexplicable : du laboratoire au chevet des patients. [en ligne] http://cusm.ca/newsroom/a rticle/ infection-inexplicable-du-laboratoire-au- chevet-patients (site visité le 18 janvier 2015). 6 Pharmactuel 2015;48(1) 3. 4. Association des pharmaciens des établissements de santé du Québec. Les prix d’excellence et de reconnaissance 2003. [en ligne] ht tp://w w w.pharmactuel.com /sommaires %5C200403cf.pdf (site visité le 18 janvier 2015). Université de Montréal. PHA-62102. Communication scientifique en pharmacie 2. [en ligne] https://admission.umontreal.ca /cours-et- horaires/cours/pha-62102/ (site visité le 18 janvier 2015). 5. 6. 7. Mallet L, Méthot J. Mentorat pour la publication durant la maîtrise en pharmacothérapie avancée. Pharmactuel 2014;47:138. Méthot J, Mallet L. Mentoring for publication in a Master’s program in hospital pharmacy. Congrès annuel AFPC/CPERC 2014, mai-juin. Saskatoon (Saskatchewan), Canada. Mallet L, Methot J. Mentoring for publication in a Master’s degree program in hospital pharmacy. [en ligne] http://www.ease.org.uk/node/ 1012 (site visité le 18 janvier 2015). © APES tous droits réservés RÉVISEURS POUR LE VOLUME 47 - ANNÉE 2014 Remerciements aux réviseurs et aux membres du comité de rédaction pour 2014 Le Pharmactuel désire souligner le travail remarquable effectué par les réviseurs et le comité de rédaction au cours de l’année 2014. En effet, tous les articles ont fait l’objet d’une révision éditoriale et linguistique. De plus, les articles de quatre chroniques du Pharmactuel, soit Cas clinique en direct de l’unité, Évaluation critique de la documentation scientifique, Pharmacothérapie et Recherche ont bénéficié de la révision de deux pairs. Quant aux chroniques de nature clinique (Au centre de l’information; Gestion; Risques, qualité, sécurité; Votre expérience avec), elles ont fait l’objet de révision lorsque cela s’avérait nécessaire. L’expertise des réviseurs et le temps consacré aux révisions ont permis d’améliorer la qualité et le contenu des articles avant leur publication. Nous tenons également à remercier les auteurs qui ont effectué les changements demandés et ont répondu aux commentaires, parfois nombreux, des réviseurs. Leurs efforts ont été récompensés par la publication de leur article. Merci aux membres du comité de rédaction et du comité éditorial international qui s’investissent pour faire du Pharmactuel une revue de qualité. Jean-Philippe Adam Marie-Ève Leblanc Jocelyne Pépin Benoit Allenet Vincent Leclerc Marie-Claude Poulin René Blais Louise Mallet Roxane Pouliot Maude Blanchet Serge Maltais Christian Rochefort Jean-Philippe Boucher Dominic Martel Mounir Rhalimi Jean-Fraçois Buissières Richard Menzies Jacynthe Roy-Petit Jean Calop Julie Méthot Nancy Sheehan Marie-France Drolet Véronique Michaud Caroline Sirois Pierre Duranleau-Gagnon Catherine Ouellet Isabelle Taillon Ema Ferreira Louise Papillon-Ferland Rachel Therrien Marie-Andrée Fournier Mélissa Para Lise Tremblay Christine Hamel Martin Parent Ursula Winterfeld Comité de rédaction international Benoit Allenet, Pharm.D., Ph.D. France Jean Lefebvre, B.Pharm., Ph.D. Canada Pr Dolla Karam Sarkis Liban Pr Yahya Bensouda Maroc Linda Lévesque, B.Sc.Phm., M.Sc., Ph.D. Canada Anne Spinewine, M.Pharm., Ph.D. Belgique Pr Pascal Bonnabry Suisse Olivier Bugnon, Pharm.D., Ph.D. Suisse Bruno Charpiat, D.Pharm. France Chantal Csajka, Ph.D. Suisse Felicia Loghin, Pharm.D., Ph.D. Roumanie Claude Mailhot, B.Pharm., DPH, Pharm.D. Canada Pierre Moreau, B.Pharm., Ph.D. Koweït Bertrand Guignard, Ph.D. Suisse Paul Poirier, MD, Ph.D., FRCPC, FACC, FAHA Canada Lyne Lalonde, B.Pharm., Ph.D. Canada Mounir Rhalimi. D.Pharm. France © APES tous droits réservés Pr Christian Swine Belgique Jacques Turgeon, B.Pharm., Ph.D. Canada Régis Vaillancourt, OMM, CD, B.Pharm., Pharm.D. Canada Françoise Van Bambeke, Pharm.D., Ph.D. Belgique Pharmactuel 2015;48(1) 7 LETTRE AU RÉDACTEUR Stabilité hors emballage des comprimés de lansoprazole orodispersibles Alexandre Melkoumov1, B.Pharm., M.Sc., Grégoire Leclair2, B.Pharm., Ph.D. 1 2 Candidat au Ph.D., Faculté de pharmacie, Université de Montréal, Montréal (Québec) Canada; Professeur adjoint, Faculté de pharmacie, Université de Montréal, Montréal (Québec) Canada Article reçu le 27 octobre 2014; Article accepté après révision le 11 novembre 2014 Introduction La population pédiatrique est sujette au reflux gastroœsophagien, aux ulcères peptiques et à d’autres pathologies liées à l’acidité gastrique, et les cas les plus graves nécessitent une intervention pharmacologique1,2. Un des choix de traitement est l’administration d’un inhibiteur de la pompe à protons (IPP). Cependant, la majorité des IPP sont disponibles au Québec sous forme de comprimés solides. L’administration de ces comprimés à une population pédiatrique constitue donc un problème. Plusieurs préparations liquides d’IPP ont été proposées, mais aucune d’elles n’est réellement acceptable en raison de problèmes de stabilité et d’efficacité3,4. Entre autres, la solution de lansoprazole dans du bicarbonate de sodium n’est pas conforme aux exigences USP pour les formulations entériques. De plus, une formulation de lansoprazole dans l’Orablend (Laboratoires Paddock, MN, É.-U.) ne présente pas de stabilité à long terme acceptable4. Conséquemment, l’hôpital pédiatrique CHU Sainte-Justine a décidé de ne plus recommander les formulations liquides d’IPP, mais plutôt de proposer l’utilisation de comprimés de lansoprazole orodispersibles (Prevacid MD FasTab, Abbott Canada, Montréal, QC, Canada). Ces comprimés sont coupés en deux ou en quatre selon la dose désirée, puis dissous dans de l’eau et immédiatement administrés au patient. À défaut de connaître leur stabilité, les soignants jettent simplement les portions inutilisées. Étant donné le coût de ce médicament, il est intéressant de savoir si la moitié inutilisée, sortie de son emballage, est suffisamment stable pour être utilisée le lendemain. Nous avons donc réalisé une étude de stabilité sur des moitiés de comprimés de lansoprazole sortis de leur emballage. Les comprimés de lansoprazole orodispersibles (PrevacidMD FasTab 30 mg, Abbott Canada, lot 06038NB) ont d’abord été coupés en deux portions égales à l’aide d’un coupe-pilules. Nous avons évalué la variabilité entre les demi-comprimés en mesurant le coefficient de variation de leur masse (n = 12). Ces demi-comprimés ont ensuite été entreposés dans un contenant ouvert et conservés à l’abri de la lumière, à 40 °C et à 75 % d’humidité relative pendant trois ou sept jours (n = 6 pour chaque condition d’entreposage). Par la suite, des tests de dissolution ont permis d’évaluer la réaction des moitiés de comprimés soumis aux conditions de stabilité. Brièvement, les tests ont nécessité l’utilisation d’un appareil à dissolution, tel que le décrit la pharmacopée américaine pour les formulations à enrobage entérique (37 °C, 75 rpm, appareil II)5. Comme nous l’avons mentionné dans une étude antérieure4, nous avons d’abord exposé les demi-comprimés à de l’acide chlorhydrique (490 ml; 0,1 N; 60 min). Après le prélèvement d’un échantillon (25 ml), du tampon phosphate (475 ml, pH 6,8) a été ajouté au milieu de dissolution. Nous avons prélevé des échantillons (3 ml) à des moments prédéterminés (30, 45, 60 et 75 minutes après les 60 minutes initiales d’exposition à l’acide chlorhydrique) avant d’ajouter, après 75 minutes, de l’hydroxyde de sodium (100 ml, 1 N) au milieu de dissolution afin de dissoudre toute la quantité résiduelle de lansoprazole. Enfin, un dernier échantillon a été prélevé 30 minutes plus tard. Tous les échantillons ont été analysés selon une méthode éprouvée de chromatographie liquide à haute performance (CLHP)4. Six moitiés de comprimés ont été évaluées à chaque moment prédéterminé, et chaque injection CLHP a été effectuée en triplicata. Le coefficient de variation de la masse des demi-comprimés était de 9,1 % (n = 12). Normalement, le coefficient de variation de la masse des formes unitaires pharmaceutiques devrait être inférieur à 6 % . Ce coefficient plus élevé provient de la difficulté à couper de façon précise les comprimés orodispersibles de lansoprazole. Toutefois, le lansoprazole n’est pas un médicament à dose critique. Ainsi, l’imprécision de la coupe de ces comprimés ne devrait pas être considérée comme un frein au traitement. Les résultats que nous avons obtenus ne montrent aucun changement de profil de dissolution entre les comprimés qui sortent de l’emballage et ceux vieux de trois et sept jours (figure 1). Ces résultats témoignent de la stabilité de cette forme pharmaceutique de lansoprazole dans les conditions évaluées. En conclusion, il est possible de conserver les fractions de comprimés de lansoprazole orodispersibles pendant au moins une semaine à l’abri de la lumière et dans des conditions n’excédant pas 40 °C et 75 % d’humidité relative. De plus, les comprimés de lansoprazole sont difficiles à couper de façon précise, et il faut bien veiller à obtenir des demi-doses de masse correcte. Pour toute correspondance : Grégoire Leclair, Université de Montréal, Faculté de pharmacie, C.P. 6128, succursale Centre-ville, Montréal (Québec) H3C 3J7, CANADA; Téléphone : 514 343-6111 (0361); Télécopieur : 514 343-2102; Courriel : [email protected] 8 Pharmactuel 2015;48(1) © APES tous droits réservés Financement Les comprimés de lansoprazole orodispersibles ont été généreusement fournis par le département de pharmacie du CHU de Sainte-Justine. Conflits d’intérêts Tous les auteurs ont rempli et soumis le formulaire de l’ICMJE pour la divulgation de conflits d’intérêts potentiels. Les auteurs n’ont déclaré aucun conflit d’intérêts en relation avec le présent article. Figure 1. Pourcentage de lansoprazole dissous en fonction des conditions d’entreposage Abréviations : HR : humidité relative; min : minutes Références 1. Vandenplas Y, Rudolph CD, Di Lorenzo C, Hassall E, Liptak G, Mazur L et coll. Pediatric gastroesophageal reflux clinical practice guidelines: joint recommendations of the North American Society for Pediatric Gastroenterology, Hepatology, and Nutrition (NASPGHAN) and the European Society for Pediatric Gastroenterology, Hepatology, and Nutrition (ESPGHAN). J Pediatr Gastroenterol Nutr 2009;49:498-547. © APES tous droits réservés 2. 3. 4. Chelimsky G, Czinn S. Peptic ulcer disease in children. Pediatr Rev 2001;22:349-55. Blanc A, Melkoumov A. Reflux gastro-œsophagien : comment administrer le lansoprazole en pédiatrie? Québec Pharmacie 2012;59:7-8. Melkoumov A, Soukrati A, Elkin I, Forest JM, Hildgen P, Leclair G. Quality evaluation of extemporaneous delayed-release liquid formulations of lansoprazole. Am J Health Syst Pharm 2011;68:2069-74. 5. Lansoprazole delayed-release capsules monograph. United States Pharmacopeia 37 – National Formulary 32. Rockville, MD: The United States Pharmacopeia Convention 2014. p. 3499-500. Pharmactuel 2015;48(1) 9 LETTRE AU RÉDACTEUR Littérature décrivant le rôle du pharmacien et les retombées de son action : perceptions de décideurs en pharmacie hospitalière Aurélie Guérin1, Jean-François Bussières2,3, B.Pharm., M.Sc., MBA, FCSHP Interne en pharmacie, Université de Paris XI, Assistante de recherche à l’Unité de recherche en pratique pharmaceutique au Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine, Montréal (Québec) Canada; 2 Pharmacien, Chef du département de pharmacie et de l’Unité de recherche en pratique pharmaceutique, Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine, Montréal (Québec) Canada; 3 Professeur titulaire de clinique, Faculté de pharmacie, Université de Montréal, Montréal (Québec) Canada 1 Reçu le 1er décembre 2014; Accepté après révision le 30 décembre 2014 Le site Internet Impact Pharmacie, qui recense l’ensemble de la littérature concernant le rôle du pharmacien et les retombées de son action, a été officiellement lancé en octobre 2013 lors du séminaire administratif de l’Association des pharmaciens des établissements de santé du Québec (A.P.E.S.)1,2. Une année après le lancement de ce site, et au lendemain de la création du blogue Impact Pharmacie en mars 2014, il est opportun de faire le point sur la manière dont les décideurs en pharmacie perçoivent ces ressources3. Dans le cadre du séminaire de l’A.P.E.S. qui s’est tenu en octobre 2014, nous avons interrogé des décideurs en pharmacie hospitalière sur trois points : premièrement, leurs lectures portant sur la pharmacothérapie ou le rôle des pharmaciens et les retombées de leur action, deuxièmement, l’importance qu’ils accordent aux preuves et troisièmement, la manière dont ils perçoivent le site Internet Impact Pharmacie. Ce séminaire conviait des chefs de départements de pharmacie hospitalière et d’autres membres du département du Québec participant souvent à la gestion pharmaceutique. À partir d’un questionnaire composé de questions à choix multiples, nous avons évalué le nombre d’articles portant sur la pharmacothérapie ainsi que sur le rôle des pharmaciens et sur les retombées de leur action que lisaient les personnes interrogées4,5. Nous avons convié les participants au sondage à indiquer, sur une échelle de 0 à 10, à quel point ils étaient d’accord avec onze énoncés portant sur l’importance accordée aux preuves et à se prononcer sur six énoncés portant sur leur perception du site Internet Impact Pharmacie. Nous avons informé les pharmaciens interrogés de la publication des résultats de ce sondage. En répondant par écrit à notre enquête et en remettant leurs réponses au chercheur, les participants ont consenti à une telle publication. Des 87 participants au séminaire, 53 pharmaciens ont pris part à l’exercice (taux de réponse de 61 %). Une majorité des personnes ayant répondu au sondage (77 %) étaient des femmes possédant une moyenne de 21 ± 8,6 années d’expérience. En ce qui concerne la lecture d’articles portant sur la pharmacothérapie, 30 % des personnes interrogées avaient lu entre 1 et 5 articles au cours de la dernière année, 17 % entre 6 et 10 articles, 21 % entre 11 et 20 articles et 30 % plus de 20 articles. Toutefois, en ce qui concerne la lecture d’articles portant sur le rôle du pharmacien et les retombées de son action, 42 % des personnes ayant répondu au sondage n’avaient lu aucun article au cours de la dernière année, 43 % entre 1 et 5 articles, 11 % entre 6 et 10 articles, 2 % entre 11 et 20 articles et 2 % plus de 20 articles. Ces données montrent que les décideurs en pharmacie hospitalière lisent un nombre relativement limité d’articles portant sur le rôle du pharmacien et les retombées de son action. En ce qui concerne les 11 énoncés portant sur l’importance accordée aux preuves (tableau I), les résultats du sondage montrent que les pharmaciens sont plutôt convaincus de l’utilité des preuves scientifiques relatives notamment aux retombées de l’exercice de la pharmacie pour la révision des pratiques des pharmaciens, à la prise de décision du législateur favorisant la bonification de l’exercice de la pharmacie ainsi qu’aux décisions de remboursement des services et aux activités cognitives pharmaceutiques. Si les preuves liées à la pharmacothérapie revêtent une importance grandissante et une utilité manifeste pour les décideurs en pharmacie, nous pensons que la réalisation de tels sondages favorise les prises de conscience et peut contribuer à un usage plus convaincant des preuves relatives au rôle de pharmacien et aux retombées de son travail. Enfin, les personnes ayant répondu au questionnaire ont jugé le site Internet Impact Pharmacie utile, clair, pertinent et devant être intégré à la formation pharmaceutique et à la prise de décision en santé. Ainsi, il est raisonnable de penser que le partage de données probantes relatives au rôle du pharmacien et aux retombées de son travail peut contribuer à une meilleure hiérarchisation des services et des soins pharmaceutiques, un défi que les pharmaciens hospitaliers sont prêts à relever dans le cadre de l’optimisation du réseau de la santé québécois. Financement Aucun financement en relation avec le présent article n’a été déclaré par les auteurs. Pour toute correspondance : Jean-François Bussières, Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine, 3175, chemin de la Côte-Sainte-Catherine, Montréal (Québec) H3T 1C5, CANADA; Téléphone: 514 345-4603; Télécopieur : 514 345-4820; Courriel : [email protected] 10 Pharmactuel 2015;48(1) © APES tous droits réservés Tableau I : Importance que les décideurs en pharmacie hospitalière accordent aux preuves et manière dont ils perçoivent le site Internet Impact Pharmacie Catégorie Importance accordée aux preuves Perception vis-à-vis du site Internet Impact Pharmacie a Énoncés Résultatsa 1. Je pense que l’exposition d’un patient à des preuves scientifiques (p. ex. taux de cancer du poumon associé au tabagisme) amène de changements d’attitude 7,1 2. Je pense que l’exposition d’un pharmacien à des preuves scientifiques sur le médicament (p. ex. un nouvel article sur l’efficacité d’une statine) amène des changements de pratique 8,5 3. Je pense que l’exposition d’un pharmacien à des preuves scientifiques sur les pratiques professionnelles (p. ex. un nouvel article démontrant la capacité du pharmacien à améliorer significativement le ratio HDL/LDL) amène des changements de pratique 7,8 4. Je pense que les preuves scientifiques relatives aux retombées de l’exercice de la pharmacie sont utiles pour la décision de législateur afin d’élargir l’exercice de la pharmacie 8,3 5. Je pense que les preuves scientifiques relatives aux retombées de l’exercice de la pharmacie sont utiles pour la décision de gestionnaires pour financer des services pharmaceutiques 8,0 6. Je pense que les preuves scientifiques relatives aux retombées de l’exercice de la pharmacie sont utiles pour les décisions de remboursement des services et activités cognitives pharmaceutiques 7,3 7. Je pense que les preuves scientifiques relatives aux retombées de l’exercice de la pharmacie sont utiles pour la révision des pratiques des pharmaciens 8,6 8. Je pense que les preuves scientifiques relatives aux retombées de l’exercice de la pharmacie sont utiles pour influencer positivement la perception des autres professionnels vis-à-vis des pharmaciens 8,1 9. Je pense que les preuves scientifiques relatives aux retombées de l’exercice de la pharmacie sont utiles pour influencer positivement la perception des patients du rôle et de la portée de l’exercice de la pharmacie 7,2 10. J’intègre les données des preuves scientifiques dans ma pratique relative à la pharmacothérapie 8,1 11. J’intègre les données des preuves scientifiques dans ma pratique relative à l’évaluation des pratiques 6,5 12. Le contenu du site Impact Pharmacie est présenté clairement 8,4 13. Le contenu du site Impact Pharmacie est pertinent 8,8 14. Le contenu du site Impact Pharmacie devrait être intégré au cursus du Pharm.D. 8,8 15. Le contenu du site Impact Pharmacie devrait être intégré au cursus de la M.Sc. en pharmacothérapie avancée 9,0 16. Le contenu du site Impact Pharmacie devrait être utilisé en gestion afin d’informer les décideurs en santé 9,1 17. Le contenu du site Impact Pharmacie peut être utile à ma pratique personnelle 8,1 Échelle : 0 : parfaitement en désaccord et 10 parfaitement en accord Conflit d’intérêts Tous les auteurs ont rempli et soumis le formulaire de l’ICMJE pour la divulgation de conflit d’intérêts potentiel. Les auteurs n’ont déclaré aucun conflit d’intérêts en relation avec le présent article. Références 1. 2. Unité de recherche en pratique pharmaceutique. Impact Pharmacie. [en ligne] http://impact pharmacie.org/ (site visité le 30 novembre 2014). Guérin A, Tanguay C, Lebel D, Bussières JF. Recensement et analyse des preuves sur le rôle et sur les retombées de l’activité pharmaceutique : développement d’un outil sur Internet. Ann Pharm Fr 2015 doi : 10.1016/j. pharma.2014.09.004 en ligne] http://www.emconsulte.com/article/937513/recensement-etanalyse-des-preuves-sur-le-role-et- (site visité le 24 janvier 2015). © APES tous droits réservés 3. 4. Unité de recherche en pratique pharmaceutique. Blogue du site Impact Pharmacie. [en ligne] http://impactpharmacie.wordpress.com/ (site visité le 30 novembre 2014). Guérin A, Lebel D, Bussières JF. Littérature sur le rôle et les retombées du pharmacien : perceptions d’étudiants canadiens. CSHP’s 46th Professional Practice Conference 31 January – 4 February 2015, Toronto, Ontario, Canada. 5. Guérin A, Lebel D, Bussières JF. Littérature sur le rôle et les retombées du pharmacien : exposition et perception de pharmaciens québécois. Colloque annuel du Réseau Québécois de Recherche sur les Médicaments. 22 et 23 septembre 2014, Orford, Québec, Canada. Pharmactuel 2015;48(1) 11 ÉVALUATION CRITIQUE DE LA DOCUMENTATION SCIENTIFIQUE La thérapie séquentielle pour l’éradication de l’Helicobacter pylori : y a-t-il un gain clinique? Fanny Courtemanche1,2, Pharm.D., Béatrice Benoit-Pépin2,3, Pharm.D. Candidate à la maîtrise en pharmacothérapie avancée au moment de la rédaction de l’article, Faculté de pharmacie, Université de Montréal, Montréal (Québec) Canada; 2 Pharmacienne, Institut universitaire de gériatrie de Montréal, Montréal (Québec) Canada; 3 Pharmacienne, CSSS de la Vallée-de-l’Or, Val-d’Or (Québec) Canada 1 Reçu le 18 septembre 2014, Accepté après révision par les pairs le 27 novembre 2014 Titre : Sequential versus triple therapy for the first-line treatment of Helicobacter pylori: a multicenter, open-label, randomised trial. Lancet 2013;381:205-131. Auteurs : Liou JM, Chen CC, Chen MJ, Chen CC, Chang CY, Fang YJ et coll., pour le consortium taiwanais sur l’Helicobacter. Commanditaires : L’étude a été financée par le National Taiwan University Hospital et le National Science Council, qui n’ont eu aucun autre rôle à jouer dans l’étude. Cadre de l’étude : Pourquoi s’intéresser à une étude portant sur le traitement de l’Helicobacter pylori (H. pylori) alors que cette infection est relativement peu fréquente dans les grands centres urbains au Canada 2,3? L’argument réside dans le fait que la résistance croissante aux antibiotiques de la bactérie rend son élimination de plus en plus difficile. Alors que la résistance de l’H. pylori au métronidazole semble stable au Canada (environ 20–25 %), la résistance de la bactérie à la clarithromycine a augmenté en flèche, atteignant les 15 % au début des années 2000 4. Ainsi, des efforts de recherche sont déployés afin de trouver de nouvelles stratégies de traitement. Cependant, peu d’études évaluent de façon adéquate la résistance de cette bactérie aux antibiotiques 5. Les initiatives scientifiques dans ce domaine étant peu nombreuses au Canada, les professionnels de la santé doivent se tourner vers la littérature scientifique internationale. Les Taïwanais se sont penchés sur la question en menant la première étude comparant l’efficacité d’une thérapie séquentielle de 10 ou 14 jours à la thérapie triple classique comme traitement de première intention pour l’éradication de l’H. pylori. Méthode : Il s’agit d’une étude ouverte, contrôlée, multicentrique, avec répartition aléatoire, offrant des analyses en intention de traiter et per protocole. La sélection des participants s’est effectuée dans des services de gastroentérologie de six centres médicaux taïwanais. Patients : Les patients dont l’âge était égal ou supérieur à 20 ans, souffrant d’une infection à l’H. pylori pouvaient participer à l’étude. Ceux ayant déjà reçu un traitement d’éradication de l’H. pylori, ayant un antécédent de gastrectomie ou ayant utilisé des antibiotiques dans les quatre semaines précédant l’étude en étaient exclus. Les femmes enceintes ou qui allaitaient, les patients ayant un antécédent de réaction allergique aux médicaments à l’étude et ceux ayant un cancer ou une comorbidité importante en étaient également exclus. Pour être sélectionnés, les patients chez qui on soupçonnait une infection à l’H. pylori devaient obtenir au moins deux résultats positifs aux examens diagnostiques utilisés, soit la culture, l’histologie, la sérologie ou le test rapide à l’uréase. Pour les patients asymptomatiques subissant un dépistage de cancer, la seule exigence pour leur inclusion dans l’étude était un résultat positif au test respiratoire à l’urée marquée au carbone 13 (13C). Pour éviter les interactions entre le test respiratoire à l’urée marquée au 13C et les médicaments réduisant l’acidité gastrique (inhibiteurs de la pompe à proton [IPP] et antagonistes des récepteurs à l’histamine 2 [anti-H2]), le patient devait cesser de prendre ces médicaments au moins deux semaines avant le test diagnostique. Interventions : Les patients étaient répartis de façon aléatoire dans trois groupes de traitement (voir tableau I) : une thérapie séquentielle de 14 jours (S-14), une thérapie séquentielle de 10 jours (S-10) ou une thérapie triple de 14 jours (T-14). Une entrevue standardisée à la fin du traitement a permis d’évaluer le degré de tolérance et d’adhésion des patients au traitement. Une période d’au moins six semaines après l’achèvement du traitement devait s’écouler avant que les patients ne subissent un test confirmant l’éradication de la bactérie. Pour toute correspondance : Béatrice Benoit-Pépin, CSSS de la Vallée-de-l'Or, 725, 6e Rue, Val-d’Or (Québec) J9P 3Y1, CANADA; Téléphone : 819-825-5858; Télécopieur: 819-825-7922; Courriel : [email protected] 12 Pharmactuel 2015;48(1) © APES tous droits réservés Points évalués : L’objectif primaire évalué était le taux d’éradication de l’H. pylori après le traitement de première intention, déterminé par le test respiratoire à l’urée marquée au 13C. Les objectifs secondaires étaient l’innocuité du traitement et l’adhésion au traitement (définie comme la prise d’au moins 80 % des comprimés). Les patients avaient reçu de l’information sur les effets indésirables communs potentiels et ils étaient tenus de les consigner dans un journal tout au long du traitement. Pour comparer les groupes de traitement, l’étude a mesuré les covariables suivantes : l’âge, le statut tabagique, la consommation d’alcool, la présence d’ulcère gastroduodénal, l’indice de masse corporelle, le génotypage du cytochrome P450 2C19 (CYP2C19), le génotypage de certaines mutations de l’H. pylori et la résistance aux antibiotiques. Tableau I. Traitements d’éradication de l’H. pylori utilisés dans l’étude Thérapies S-14 S-10 T-14 Médicamentsa Durées Lansoprazole 30 mg J1 à J14 Amoxicilline 1000 mg J1 à J7 Clarithromycine 500 mg J8 à J14 Métronidazole 500 mg J8 à J14 Lansoprazole 30 mg J1 à J10 Amoxicilline 1000 mg J1 à J5 Clarithromycine 500 mg J6 à J10 Métronidazole 500 mg J6 à J10 Lansoprazole 30 mg J1 à J14 Amoxicilline 1000 mg J1 à J14 Clarithromycine 500 mg J1 à J14 Coûtb 47,21 $ 33,72 $ 78,76 $ (161,76 $ pour le Hp-PACMD) Abréviations : J : jour; mg : milligrammes; S-10 : thérapie séquentielle de 10 jours; S-14 : thérapie séquentielle de 14 jours; T-14 : thérapie triple de 14 jours a Toutes les doses mentionnées sont administrées deux fois par jour b Coûts selon la Liste de médicaments publiée par la Régie de l’assurance maladie du Québec en novembre 2014 6 2553 patients évalués 1653 exclus au total 1406 H. pylori négatif 98 refus 149 non admissibles 900 patients répartis aléatoirement Thérapie S-14 300 patients dans l'analyse en intention de traiter 4 non adhérents perdus au suivi 5 adhérents perdus au suivi 6 non adhérents 285 patients dans l'analyse per protocole Thérapie S-10 300 patients dans l'analyse en intention de traiter 10 non adhérents perdus au suivi 2 adhérents perdus au suivi 3 non adhérents 285 patients dans l'analyse per protocole Thérapie T-14 300 patients dans l'analyse en intention de traiter 8 non adhérents perdus au suivi 6 adhérents perdus au suivi 7 non adhérents 279 patients dans l'analyse per protocole Figure 1. Schéma de l’étude. Adapté de la référence 1 : Lancet 2013;381:205-13 Abréviations : S-14 : thérapie séquentielle de 14 jours; S-10 : thérapie séquentielle de 10 jours; T-14 : thérapie triple de 14 jours © APES tous droits réservés Pharmactuel 2015;48(1) 13 Résultats : Au total, l’étude a sélectionné 900 patients, qu’elle a répartis dans les groupes de traitement (voir figure 1). Le taux d’éradication d’H. pylori en traitement de première intention était supérieur parmi les patients ayant reçu le S-14 par rapport à ceux ayant reçu le T-14 (90,7 % contre 82,3 %, p = 0,003) (voir tableau II). Ainsi, le nombre nécessaire à traiter est 12, c’est-à-dire que seulement 12 personnes doivent être traitées pour éviter un échec au traitement (intervalle de confiance à 95 % [IC 95 %] 7,2–34,5; p = 0,003). Aucune différence statistiquement significative n’a été relevée entre le S-14 et le S-10 (90,7 % contre 87,0 %) et entre le S-10 et le T-14 (87,0 % contre 82,3 %). Aucune différence statistiquement significative n’a été notée entre les trois groupes concernant les effets indésirables ou l’adhésion au traitement. La régression logistique effectuée par les auteurs pour les 552 patients dont les données de sensibilité aux antibiotiques étaient connues a révélé que pour tous les traitements, la résistance à la clarithromycine influençait le taux d’éradication de l’H. pylori et que la résistance au métronidazole affectait plutôt le taux d’éradication associé au S-14 et au S-10. Selon les analyses de sensibilité, le S-14 serait le traitement le plus efficace pour éradiquer l’H. pylori, comparé au S-10 ou au T-14, sauf lorsque les patients habitent dans des régions ayant un faible taux de résistance à la clarithromycine (inférieur à 5 %) et un très haut taux de résistance au métronidazole (supérieur à 80 %). Selon ces mêmes analyses, dans les régions où la résistance au métronidazole est inférieure à 40 %, le S-10 semblerait être plus efficace que le T-14. Grille d’évaluation critique LES RÉSULTATS SONT-ILS VALABLES? Les patients ont-ils été assignés de façon aléatoire aux groupes de traitement? OUI. Les patients ont été assignés de façon aléatoire, par blocs de six, dans les trois groupes de traitement mentionnés ci-dessus, selon un ratio 1:1:1. Les conclusions de l’étude tiennent-elles compte de tous les patients ayant participé à l’étude? Le suivi des patients a-t-il été mené à terme? OUI. L’analyse par intention de traiter de l’objectif primaire a inclus les résultats des 900 patients. Une analyse per protocole a permis de présenter les résultats des patients qui avaient adhéré au protocole. Les pertes au suivi étaient négligeables. L’analyse de l’objectif secondaire de l’innocuité a exclu six patients, sans que la raison en soit connue. Les patients ont-ils été évalués dans le groupe dans lequel ils avaient été répartis de façon aléatoire (intention de traiter)? OUI. L’objectif primaire a été évalué selon une analyse par intention de traiter et selon une analyse per protocole. Les traitements ont-ils été faits à « l’insu » des patients, des médecins et du personnel concerné? NON. Il s’agit d’une étude ouverte. Seule la séquence de répartition aléatoire a été réalisée à l’insu des chercheurs avant l’assignation. Les groupes étaient-ils similaires au début de l’étude? OUI et NON. Malgré des caractéristiques similaires, les groupes différaient néanmoins de plus de 5 % sur les points suivants : présence d’ulcère gastroduodénal, culture positive pour l’H. pylori, patient métabolisateur lent selon le génotype du CYP2C19. Cependant, d’après les analyses, ce génotype ne semble pas avoir eu d’effet sur le taux d’éradication de l’H. pylori. L’étude ne mentionne ni les médicaments concomitants ni la proportion de patients asymptomatiques. Les groupes ont-ils été traités de manière égale à l’extérieur du cadre de recherche? Aucune information n’est disponible sur les traitements concomitants utilisés à l’extérieur du cadre de l’étude. QUELS SONT LES RÉSULTATS? Quelle est l’ampleur de l’effet du traitement? L’analyse par intention de traiter de l’objectif primaire montre un taux d’éradication de l’H. pylori de près de 10 % supérieur parmi les patients ayant reçu le S-14 par rapport à ceux ayant reçu le T-14, et ce, de façon statistiquement significative. Ainsi, seulement 12 personnes doivent être traitées pour éviter un échec au traitement. Cependant, aucune différence statistiquement significative n’a été relevée entre le S-14 et le S-10 ou entre le S-10 et le T-14. Quelle est la précision de l’effet évalué? Un IC 95 % a été fixé. Ce dernier est relativement large pour le résultat du nombre de patients à traiter pour éviter un échec au traitement, ce qui démontre une précision plutôt faible. LES RÉSULTATS VONT-ILS M’ÊTRE UTILES DANS LE CADRE DE MES SOINS PHARMACEUTIQUES? Est-ce que les résultats peuvent être appliqués à mes patients? OUI et NON. Cette étude a porté sur une population asiatique. Habituellement les résultats des études en infectiologie sont rarement généralisables à d’autres régions du monde, notamment en raison des différences de résistance aux antibiotiques. Cependant, une comparaison des degrés de résistance mesurés pendant l’étude à ceux répertoriés au Canada permet une certaine extrapolation des résultats. En effet, les degrés de résistance au métronidazole sont similaires (environ 25 %) dans les deux régions, alors que le degré de résistance à la clarithromycine est plus élevé au Canada que dans la région de l’étude (environ 15 % au Canada contre 10 % dans l’étude) 4. Selon le modèle développé par les auteurs, le S-14 serait lui aussi supérieur au T-14 au Canada, vu le taux élevé de résistance à la clarithromycine observé dans ce pays. Est-ce que tous les résultats ou « impacts » cliniques ont été pris en considération? OUI. En plus d’évaluer l’efficacité de la thérapie séquentielle comme traitement de première intention, les auteurs ont évalué les effets secondaires du traitement ainsi que l’adhésion au traitement, par rapport à la thérapie triple. L’éradication de l’H. pylori pouvant réduire l’incidence de dyspepsie, de lymphome du tissu lymphoïde associé aux muqueuses et d’ulcères associés aux antiinflammatoires non stéroïdiens, il aurait aussi été pertinent d’explorer ces avenues7. Est-ce que les avantages obtenus sont cliniquement significatifs? OUI. Le taux d’éradication de l’H. pylori obtenu avec le S-14 est cliniquement supérieur à celui observé avec le T-14. En plus de coûter moins cher que la thérapie triple, seulement 12 patients doivent être traités avec le S-14 pour éviter un échec au traitement. L’étude n’avait cependant pas la puissance nécessaire pour détecter une différence entre le taux d’éradication de l’H. pylori par le S-10 et le T-14. 14 Pharmactuel 2015;48(1) © APES tous droits réservés Tableau II. Efficacité du traitement de première intention pour l’éradication de l’H. pylori Analyse par intention de traiter Analyse per protocole S-14 S-10 T-14 Valeur p 272/300 261/300 247/300 0,003a (90,7; 87,4 – 94,0) (87,0; 83,2 – 90,8) (82,3; 78,0 – 86,6) 269/285 258/285 243/279 (94,4; 91,7 – 97,1) (90,5; 87,1 – 93,9) (87,1; 83,2 – 91,0) n/N (%; IC 95 %) n/N (%; IC 95 %) 0,003a Abréviations : IC : intervalle de confiance; S-10 : thérapie séquentielle de 10 jours; S-14 : thérapie séquentielle de 14 jours; T-14 : thérapie triple de 14 jours a Valeur p pour S-14 contre T-14 Discussion Il est légitime de se demander pour quelles raisons l’H. pylori est si difficile à éradiquer : les raisons évoquées incluent notamment la charge bactérienne élevée, la forme dormante de la bactérie et le fait que cette dernière a tendance à se loger à de multiples endroits de l’estomac (dans le mucus, à la surface de l’épithélium ou à l’intérieur des cellules épithéliales)8. Étant donné que l’une des plus importantes variables prédictives de l’échec du traitement de l’H. pylori est la résistance de la bactérie aux antibiotiques, il convient ici d’aborder cette problématique8,9. Le métronidazole est l’antibiotique ayant la plus haute prévalence de résistance10. Cependant, une telle résistance peut partiellement se contrer par une augmentation de la dose du médicament et une prolongation de la durée du traitement8. La résistance à la clarithromycine, quoique de prévalence moindre, demeure problématique puisque de telles stratégies ne permettent pas de la surmonter8. La lévofloxacine, quant à elle, utilisée surtout pour les cas réfractaires, pose le même problème, et le taux de résistance de H. pylori à cet antibiotique augmente rapidement11. La résistance de la bactérie à l’amoxicilline ou à la tétracycline demeure rare en Amérique du Nord et aucune résistance au bismuth n’a été rapportée8,10. Il existe une théorie qui explique l’efficacité de la thérapie séquentielle. Lors de la première moitié du traitement, l’effet délétère de l’amoxicilline sur la paroi de la bactérie serait mis à contribution. En effet, il empêcherait la synthèse des pompes à efflux, un mécanisme de résistance potentiel contre la clarithromycine9. Cela aurait ainsi pour effet d’améliorer l’efficacité du doublet d’antibiotiques (métronidazole plus clarithromycine) pendant la seconde moitié de la thérapie9,12. Il est possible à présent de mentionner les forces et les limites de l’étude analysée. La taille de l’échantillon de cette étude était plus importante que celle des autres études dans ce domaine5. La répartition aléatoire a permis d’obtenir trois groupes équilibrés pour la majorité des caractéristiques. Cependant, comme les résultats des tests de sensibilité aux antibiotiques n’étaient connus que pour 61 % des patients, il est difficile de savoir si ce facteur était bien réparti entre les groupes. Malgré une apparente différence entre les groupes en ce qui concerne la proportion de patients métabolisateurs lents, qui semble favoriser l’éradication dans le groupe S-14 (plus de métabolisateurs lents), les analyses montrent que le génotype du CYP2C19 n’a pas eu d’effet sur l’éradication © APES tous droits réservés de l’H. pylori. Une méta-analyse a également démontré que le polymorphisme de ce cytochrome n’a pas d’influence sur l’efficacité des thérapies utilisant le lansoprazole13. Les critères d’exclusion de l’étude étaient peu restrictifs, et la faible proportion de patients exclus de la population source confirme ce fait. Cependant, un des critères d’exclusion n’était pas défini par les auteurs : les patients atteints d’une comorbidité importante. Nous ne savons pas exactement combien de patients ont été exclus pour cette raison, mais il est certain que cela représentait moins de 6 % des patients évalués. Le suivi était d’une durée assez longue, équivalente dans tous les groupes et il y a eu peu de pertes au suivi. Le choix du comparateur était adéquat. Les médicaments et les doses correspondent à ce qui est recommandé au Canada en traitement de première intention14,15. Cependant, la durée de traitement du comparateur est plus longue que celle recommandée au Canada14. Selon les lignes directrices internationales, le prolongement de 7 à 10 voire à 14 jours de la thérapie triple augmente le taux d’éradication respectivement de 4 % ou de 5–6 %11. Ainsi, le comparateur utilisé dans l’étude serait plus efficace pour l’éradication de l’H. pylori que la pratique actuelle au Canada. Les traitements concomitants permis pendant l’étude n’était pas connus, alors que certains (comme le bismuth) auraient pu avoir un effet sur l’éradication de l’H. pylori. L’adhésion au traitement semble avoir été bonne au cours de cette étude et similaire pour tous les groupes (environ 96 % des patients ont pris au moins 80 % des comprimés). Cependant, les auteurs ne mentionnent pas la manière dont ils l’ont évaluée. De plus, le conditionnement des comprimés et les conseils donnés aux patients ne sont pas décrits alors qu’ils peuvent avoir une influence sur l’adhésion, particulièrement pour le traitement de l’H. pylori16,17. Le caractère ouvert de l’étude en représente sa principale limite. Cependant, l’évaluation de l’objectif primaire faisait appel à des tests diagnostiques, ce qui permettait de réduire le biais d’information. Il était adéquat d’utiliser le test respiratoire à l’urée pour déterminer le taux d’éradication de l’H. pylori six semaines après la fin du traitement7,18,19. Les IPP et les anti-H2 ont été retirés au moins deux semaines avant ce test. Cependant, il était impossible de savoir si certains patients avaient pris du bismuth ou des antibiotiques dans les quatre semaines précédant le test d’éradication, ce qui aurait pu causer des faux négatifs et créer ainsi un biais d’information19. Il est possible que le lecteur se pose les questions suivantes : quelles sont les différences – sur le plan de l’efficacité, de l’innocuité et de l’adhésion au traitement – entre la thérapie séquentielle et la quadruple thérapie à base de bismuth (combinaison d’un IPP, du métronidazole, de la tétracycline et du subsalicyclate de bismuth)? Est-ce qu’une thérapie concomitante, d’apparence plus simple, qui comprend les mêmes médicaments que la thérapie séquentielle, mais administrés simultanément pendant 5 à 10 jours, serait préférable? Selon une récente méta-analyse comparant l’efficacité des thérapies pour l’éradication de l’H. pylori, la thérapie séquentielle sur 10 jours serait supérieure à la thérapie triple de 7 ou 10 jours, mais elle serait équivalente à la thérapie Pharmactuel 2015;48(1) 15 triple sur 14 jours, à la quadruple thérapie à base de bismuth et à la thérapie concomitante20. Il faut cependant demeurer vigilant vis-à-vis de ces conclusions, puisque les résultats de la plupart des comparaisons ont été combinés, malgré la présence d’hétérogénéité. Bien que le pharmacien canadien soit rarement confronté dans sa pratique à l’H. pylori, on prévoit aujourd’hui que cette bactérie sera de plus en plus difficile à éradiquer avec la thérapie triple de sept à dix jours proposée par les lignes directrices nationales14. Ce phénomène est en partie lié à la résistance du microorganisme à la clarithromycine, à un point tel que la fréquence d’une telle résistance dans une région donnée pourrait guider le choix du traitement initial. En effet, selon les lignes directrices internationales, en présence d’une prévalence supérieure à 20 % de résistance à la clarithromycine il faut considérer d’autres options thérapeutiques, comme la thérapie séquentielle ou la quadruple thérapie, pour réussir à atteindre un taux d’éradication souhaité supérieur à 80 %11,19. Encore faut-il avoir accès à ces données de résistances et que cellesci soient régulièrement mises à jour. Bien que le Canada ne semble pas encore avoir franchi ce cap, il ne faudrait pas s’étonner de voir émerger, d’ici quelques années seulement, d’autres thérapies pour remplacer la thérapie triple4. Une étude est d’ailleurs en cours aux États-Unis pour déterminer l’efficacité de la thérapie séquentielle pour une population nord-américaine21. Financement Aucun financement en relation avec le présent article n’a été déclaré par les auteurs. Conflits d’intérêts Tous les auteurs ont rempli et soumis le formulaire de l’ICMJE pour la divulgation de conflits d’intérêts potentiels. Les auteurs n’ont déclaré aucun conflit d’intérêts en relation avec le présent article. Remerciements Cet article a été réalisé dans le cadre du cours Communication scientifique de la Faculté de pharmacie de l’Université de Montréal. Les auteurs en remercient les responsables et collaborateurs. Une autorisation écrite a été obtenue de ces personnes. Références 1. 2. 3. 4. 5. 6. 7. Liou JM, Chen CC, Chen MJ, Chen CC, Chang CY, Fang YJ et coll. Sequential versus triple therapy for the first-line treatment of Helicobacter pylori: a multicentre, open-label, randomised trial. Lancet 2013;381:205-13. Goodman K, Jacobson K, Veldhuyzen van Zanten S. Helicobacter pylori infection in Canadian and related Arctic Aboriginal populations. 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[en ligne] http://clinicaltrials. gov/ct2/show/NCT01723059 (site visité le 22 novembre 2014). © APES tous droits réservés RECHERCHE Recherche évaluative du programme AP-STOP : AntiPsychotiques : Sensibilisation à leur bon usage pour les Troubles de compOrtement des Personnes âgées atteintes de démence Mélina Dufour1,2, B.Pharm., M.Sc., Savannah Gerardi1,2, B.Pharm., M.Sc., Marie-Ève Jodoin-Poirier1,2, Pharm.D., M.Sc., Claudie Richer1,3, Pharm.D., M.Sc., Judith Gravel2, B. Pharm., M.Sc., Martine Joncas2, B.Pharm. M.Sc., Sophie Rivard2, B Pharm., D.P.H., Djamal Berbiche4, Ph.D., Lyne Lalonde, B.Pharm., Ph.D.5,6,7 Candidate à la maîtrise en pharmacothérapie avancée, Faculté de pharmacie, Université de Montréal, Montréal (Québec) Canada au moment de la rédaction; 2 Pharmacienne, Hôpital Cité-de-la-Santé de Laval, Laval (Québec) Canada; 3 Pharmacienne, Hôpital Maisonneuve-Rosemont, Montréal (Québec) Canada; 4 Statisticien, Centre de recherche du Centre hospitalier de l’Université de Montréal, Montréal (Québec) Canada; 5 Professeure titulaire, Faculté de pharmacie, Université de Montréal, Montréal (Québec) Canada; 6 Chercheure, Centre de recherche du Centre hospitalier de l’Université de Montréal, Montréal (Québec) Canada; 7 Titulaire, Chaire Sanofi-Aventis en soins pharmaceutiques ambulatoires, Faculté de pharmacie, Université de Montréal et Centre de santé et de services sociaux de Laval, Montréal (Québec) Canada 1 Reçu le 24 juillet 2014; Accepté après révision par les pairs le 3 novembre 2014 Résumé Objectif : Une campagne AP-STOP de sensibilisation à l’usage optimal des antipsychotiques pour les troubles de comportement associés à la démence a été menée à l’Hôpital de la Cité-de-la-Santé de Laval. Notre étude évalue les retombées de cette campagne sur la réévaluation de l’usage des antipsychotiques pour les patients hospitalisés souffrant de troubles de comportement associés à la démence. Méthodologie : Cette étude quasi expérimentale s’est penchée sur le nombre de réévaluations des antipsychotiques pris par des patients hospitalisés, âgés de plus de 65 ans et atteints de démence. Elle a comparé la proportion de patients ayant subi une réévaluation de l’usage des antipsychotiques (rispéridone, quétiapine, olanzapine, halopéridol) avant et après une campagne de sensibilisation. La campagne, qui se déroulait sur huit semaines, comportait des activités individuelles de formation continue appuyées par un outil clinique, qui s’adressaient aux cliniciens. Les critères de réévaluation de l’antipsychotique se définissaient comme suit : suppression du médicament, réduction du dosage, tentative de suppression de l’antipsychotique ou de réduction du dosage de l’antipsychotique ou note médicale suggérant au médecin de famille de réévaluer l’antipsychotique, le tout bien expliqué dans le dossier médical du patient. En utilisant le modèle de Cox, nous avons comparé les éventualités de réévaluation de l’usage des antipsychotiques entre les deux groupes, tout en ajustant les résultats en fonction des caractéristiques des patients et de leur hospitalisation. Résultats : Nous avons évalué les dossiers médicaux de 616 patients et inclus 125 patients dans le groupe précédant la campagne et 85 patients dans celui succédant à la campagne. Le taux de réévaluation des antipsychotiques était de 35,4 % après la campagne, comparativement à 26,4 % avant la campagne (rapport de risque ajusté : 1,23; intervalle de confiance (IC) 95 % : 0,73–2,04). Conclusion : Cette étude ne permet pas de conclure qu’une campagne de sensibilisation améliore l’usage des antipsychotiques pour les troubles de comportement associés à la démence en milieu hospitalier. Mots clés : Agressivité, antipsychotique, démence, halopéridol, olanzapine, psychose, quétiapine, rispéridone, réévaluation, troubles de comportement associés à la démence, trouble de comportement Introduction Les troubles de comportement associés à la démence (TCAD) sont fréquents. Selon des données canadiennes récentes, le nombre de personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer passera de 500 000 à 1,1 million d’ici 2038. Une grande partie d’entre elles développeront un TCAD à un moment ou à un autre de la maladie1. Ces troubles de comportement sont classés en trois catégories distinctes, soit les troubles de l’humeur (anxiété, dépression et apathie), la psychose (hallucinations et délires) et l’agitation Pour toute correspondance : Lyne Lalonde, Centre de recherche du Centre hospitalier de l’Université de Montréal, 850, rue Saint-Denis, local S03.436, Montréal (Québec) H2X 0A9, CANADA; Téléphone : 514 890-8000, poste 15491; Télécopieur : 514 412-7038; Courriel : [email protected] © APES tous droits réservés Pharmactuel 2015;48(1) 17 (agressivité, cris, errance, bougeotte et déambulation)2,3. Bien que seule la rispéridone comporte l’indication officielle pour le traitement à court terme des TCAD graves (agressivité ou psychose), les antipsychotiques typiques ou atypiques constituent souvent la première ligne de traitement pharmacologique des TCAD4-6. La prescription des antipsychotiques atypiques est plus fréquente en raison de leur profil de tolérance plus favorable à court terme. Les patients recevant un diagnostic de démence représentent 35,2 % des utilisateurs d’antipsychotiques (typiques ou atypiques) parmi les personnes dont l’âge est égal ou supérieur à 65 ans au Québec7. Pourtant, les données probantes révèlent que ces médicaments ne sont efficaces que pour traiter les TCAD de type agressif ou psychotique, comme le montre l’étude CATIE-AD4-6. Le recours aux antipsychotiques comme traitement des autres TCAD n’est pas recommandé. Plusieurs études ont fait état des risques liés à l’usage des antipsychotiques. Selon l’étude DART-AD, les antipsychotiques augmentent le risque de décès, et ce risque continue d’augmenter après plus de 12 mois de traitement8. Une autre étude a démontré que les utilisateurs d’antipsychotiques ont plus d’accidents vasculaires cérébraux et cardiaques que ceux prenant un placebo9. Entre 2002 et 2005, Santé Canada a émis des avis concernant les risques associés à l’usage des antipsychotiques par les personnes âgées atteintes de démence11-12. Malgré cela, le recours à ces médicaments a augmenté de 13,3 % entre 2006 et 20097,10-12. Des études ont démontré les avantages de programmes éducationnels multidisciplinaires portant sur l’usage des antipsychotiques pour le traitement des TCAD13-16. Deux de ces études sont canadiennes15,16. L’une d’elles a rapporté la suppression des antipsychotiques pour 49,9 % des patients après des interventions multidisciplinaires, alors que l’autre étude a rapporté une augmentation non significative de l’usage des antipsychotiques après l’intervention éducationnelle interdisciplinaire. Ces deux études ont été réalisées dans un contexte ambulatoire. La seule étude réalisée en milieu hospitalier s’est penchée sur l’usage des benzodiazépines plutôt que sur celui des antipsychotiques17. Les auteurs ont observé une plus grande réévaluation de l’usage des benzodiazépines après l’intervention (47 % contre 21 %). Ces résultats positifs démontrent que ce genre de programme est possible en milieu hospitalier. Le département de pharmacie de l’Hôpital de la Cité-de-laSanté a mené une campagne de sensibilisation auprès du personnel hospitalier sur l’usage optimal des antipsychotiques pour la population âgée démente souffrant de TCAD. La campagne, nommée AP-STOP (AntiPsychotiques : Sensibilisation à leur bon usage pour les Troubles de cOmportement des Personnes âgées atteintes de démence), consiste en un programme de formation continue pour les médecins, infirmières et pharmaciens, un outil clinique et des interventions ciblées auprès des médecins responsables. L’objectif primaire visait à comparer la fréquence des réévaluations de l’usage des antipsychotiques avant et après la campagne AP-STOP, pour les patients hospitalisés atteints d’un TCAD, à l’aide d’une variable composite, ainsi que des éléments de cette variable, qui montrent l’utilité d’une réévaluation (tentative de diminution de dose ou de suppression de l’antipsychotique, diminution de dose, suppression de l’antipsychotique ou présence de notes 18 Pharmactuel 2015;48(1) destinées au médecin de famille) des antipsychotiques (objectifs secondaires). Méthode Protocole de recherche Nous avons réalisé une étude quasi expérimentale. La campagne de sensibilisation AP-STOP s’est déroulée du 4 mars au 26 avril 2013 à l’Hôpital de la Cité-de-la-Santé de Laval, un hôpital communautaire où la plupart des patients sont confiés aux soins d’un médecin de famille. La réévaluation de l’usage des antipsychotiques pour les patients hospitalisés dans quatre unités de soins avant la campagne (du 1er mai au 31 juillet 2012) et après la campagne (du 1er mai au 31 juillet 2013) a fait l’objet d’une description détaillée. Le logiciel de la pharmacie a permis d’identifier tous les patients de plus de 65 ans sous antipsychotique (quétiapine, rispéridone, olanzapine ou halopéridol), hospitalisés dans les unités de soins de longue durée, de médecine générale, de gériatrie active et de transition, durant les périodes ciblées précédant et suivant la campagne. Nous avons consulté les dossiers médicaux de ces patients. Ceux admissibles devaient répondre aux critères suivants : 1) avoir un diagnostic de démence; 2) avoir reçu l’antipsychotique visé par l’étude au moins quatre fois par semaine s’il était prescrit « au besoin » ou pendant au moins sept jours s’il était prescrit « régulièrement »; 3) être hospitalisés pendant un minimum de sept jours. Les patients étaient exclus s’ils répondaient à un des critères suivants : 1) être en fin de vie ou bénéficier de soins de confort; 2) être hospitalisés dans les unités de psychiatrie, d’urgence, de soins intensifs ou de soins palliatifs; 3) avoir un diagnostic de troubles bipolaires ou de schizophrénie; 4) avoir fait partie des patients ayant eu une note au dossier ou une rencontre individuelle avec le médecin responsable au cours de la campagne de sensibilisation. Nous n’avons pas sélectionné les patients qui prenaient des antipsychotiques moins de quatre fois par semaine, car les risques associés à une utilisation à long terme des antipsychotiques sont liés à des prises régulières de ces médicaments. Nous avons évalué l’admissibilité des patients à la date index (T0), c’est-à-dire après sept jours d’hospitalisation et sept jours d’utilisation régulière d’un antipsychotique dans une des unités ciblées par l’étude. La réévaluation des antipsychotiques a été décrite entre T0 et la première des dates suivantes (Tf) : 1) la fin de la période de suivi prévue de 28 jours; 2) la fin de l’hospitalisation; 3) le décès. Le Comité scientifique et d’éthique de la recherche du Centre de santé et de services sociaux (CSSS) de Laval (Québec, Canada) a approuvé l’étude et la direction des Services professionnels l’a autorisée. Nous avons fixé la durée de la campagne de manière à toucher le plus grand nombre de médecins possible. En effet, chaque médecin est affecté à une semaine de garde toutes les six à huit semaines dans un secteur de l’Hôpital. La prise en compte des variations saisonnières nécessitait que les périodes de collecte des données avant et après la campagne soient similaires (de mai à juillet). Tout comme dans l’étude © APES tous droits réservés sur les benzodiazépines en milieu hospitalier, pour chaque patient à l’étude, la période d’observation a débuté après une semaine d’hospitalisation, pour permettre aux équipes soignantes de traiter au préalable les problèmes aigus ayant requis l’hospitalisation17. Campagne de sensibilisation AP-STOP Le département de pharmacie de l’Hôpital de la Cité-dela-Santé a conçu et lancé la campagne AP-STOP pour sensibiliser les médecins, les pharmaciens et les infirmières au bon usage des antipsychotiques pour les personnes âgées atteintes de démence. En accord avec la littérature scientifique disponible, la campagne a permis de transmettre les quatre messages clés suivants : 1) les antipsychotiques ne sont efficaces que pour les TCAD de type agressif ou psychotique; 2) les antipsychotiques augmentent le risque de décès des patients âgés atteints de démence; 3) il faut autant que possible limiter l’usage des antipsychotiques aux TCAD pour lesquels ils sont efficaces; 4) il faut réévaluer l’usage des antipsychotiques périodiquement, soit tous les deux à trois mois. La campagne AP-STOP présente plusieurs facettes et inclut des activités de formation continue, un outil clinique et des rencontres individuelles avec les médecins. Parmi les activités de formation continue, on trouve une capsule d’information sur la prise en charge des TCAD publiée dans Pharm’as-tu lu?, le journal du département de pharmacie du CSSS de Laval. Nous avons profité d’une réunion du Conseil des médecins, dentistes et pharmaciens (CMDP) du CSSS de Laval à l’hiver 2013 pour présenter la campagne AP-STOP et expliquer la pertinence de réévaluer l’usage des antipsychotiques pour les personnes âgées atteintes de démence. Les résidentes en pharmacie ont effectué des présentations d’une heure devant le Groupe de médecine de famille (GMF) de l’Hôpital, un Centre local de services communautaires (CLSC) et une unité de psychiatrie. Les présentations destinées aux infirmiers et aux préposés aux bénéficiaires des unités ciblées portaient plutôt sur les mesures non pharmacologiques comme première ligne de traitement des TCAD (établir une méthode, orienter et mobiliser le patient, diminuer le bruit, etc.). Un neurologue spécialisé en TCAD a également donné une présentation d’une heure aux professionnels de la santé intéressés par le sujet. Pour aider les cliniciens à traiter et à prendre en charge les TCAD, nous avons créé un algorithme décisionnel, en collaboration avec les médecins de famille et les pharmaciens experts en gériatrie. Cet algorithme rappelle les indications des antipsychotiques pour les TCAD, les doses à utiliser pour les patients âgés et la manière de réévaluer l’usage des antipsychotiques. L’outil ne priorisait aucun antipsychotique et laissait donc le choix au prescripteur. Après son approbation par le Comité de pharmacologie ainsi que par la direction des Services professionnels et hospitaliers de l’Hôpital de la Cité-de-la-Santé, l’algorithme a été distribué sous forme d’affiches aux unités ciblées et de cartons de poche plastifiés aux professionnels de la santé. L’outil était également accessible depuis la plateforme Web du CSSS de Laval (figures 1 et 2). Pour terminer, quatre résidentes en pharmacie ont mené des interventions ciblées auprès des médecins traitants © APES tous droits réservés de l’Hôpital de la Cité-de-la-Santé, soit en rencontrant les médecins de façon individuelle, soit en écrivant des notes dans le dossier des patients pour lesquels l’antipsychotique était jugé inadéquat selon l’algorithme décisionnel. Pour ce faire, nous avons utilisé le logiciel de la pharmacie afin d’obtenir une liste de patients ayant atteint ou dépassé 65 ans, qui recevaient un antipsychotique dans une des unités ciblées par l’étude au cours de la période allant du 4 mars au 26 avril 2013. Les rencontres individuelles avec les médecins duraient environ dix minutes. Elles visaient à présenter l’algorithme de traitement et à discuter du cas d’un patient lorsque cela était nécessaire. Collecte de données La réévaluation était motivée si la survenue d’un ou de plusieurs des événements suivants était confirmée dans le dossier médical : 1) suppression de l’antipsychotique en cours d’hospitalisation sans ajout d’un autre antipsychotique; 2) réduction du dosage de l’antipsychotique sans ajout d’un autre antipsychotique; 3) tentative de réduction du dosage de l’antipsychotique ou de suppression de l’agent sans ajout d’un autre antipsychotique; 4) note médicale faite par un médecin de l’Hôpital de la Cité-de-la-Santé au médecin de famille lors du congé hospitalier, conseillant de réévaluer l’usage de l’antipsychotique. L’utilisation d’un guide d’extraction a permis de standardiser la collecte d’informations entre les évaluateurs. Afin de nous assurer de la fiabilité de la collecte des données concernant la réévaluation, nous avons effectué à trois reprises un test de concordance entre deux évaluateurs sur 20 dossiers, soit à chaque changement d’évaluateur. Un coefficient de Kappa supérieur à 0,8 était nécessaire pour poursuivre la collecte. Nous avons décrit les variables potentiellement confondantes, à savoir les caractéristiques des patients (p. ex. : facteurs de risque ou médicaments pouvant précipiter un TCAD, polypharmacie) et celles de l’hospitalisation (p. ex. : présence d’une consultation en gériatrie, infirmière spécialisée en TCAD travaillant dans ce dossier). Analyses statistiques Des moyennes (écarts-types) et des proportions ont permis de décrire la population à l’étude. Nous avons mesuré la réévaluation de l’usage des antipsychotiques en comparant les moyennes et les proportions des dossiers patients présentant un des éléments de réévaluation avant et après la campagne. Pour chaque patient, l’apparition de chacun des événements a été décrite (oui ou non) et nous avons calculé la proportion de patients qui ont subi au moins un des évènements. Une analyse de survie (temps avant de présenter un des éléments évoquant la nécessité d’une réévaluation de l’usage des antipsychotiques) a permis de calculer les rapports de risque et leur intervalle de confiance à 95 % (IC 95 %) pour l’objectif primaire. Nous avons conçu et testé des modèles multivariés de Cox afin de tenir compte des variables potentiellement confondantes. Le modèle final a inclus toutes les variables qui ont influencé le rapport de risque d’au moins 10 % lorsque cette variable était ajoutée au modèle qui inclut le groupe d’étude. Nous avons répété l’analyse de survie en excluant les dossiers qui spécifiaient l’usage de l’antipsychotique pour une indication appuyée dans la littérature médicale (agressivité et troubles Pharmactuel 2015;48(1) 19 Trouble de comportement chez les personnes agées atteintes de démence (TCAD) INITIER LA PRISE D’UN ANTIPSYCHOTIQUE (AP) 1. Analyser le trouble de comportement associé à la démence - Si échec MNP et/ou comportement présente un danger pour le patient ou le personnel Fréquence, durée, nature Élément déclencheur Conséquences du comportement Cibler un symptôme spécifique : o Agitation : agressivité physique ou verbale, Indications AVEC EFFICACITÉ des AP démontrée en démence : agressivité, hallucinations, délire, paranoïa, violence, méfiance irritabilité, cris, bougeotte, errance, fugue, insultes o Psychotique : hallucinations, délire, méfiance, paranoïa Utilisations SANS EFFICACITÉ des AP démontrée en démence : comportements répétitifs dérangeants, bougeotte, errance, insomnie, apathie, anxiété, hypersexualité, dépression Éviter usage AP dans ces situations o Humeur : Dépression, anxiété, apathie 4. Envisager AP pour une courte durée - Médicale : infections1, douleur, delirium, - Si prescription AP prise régulière désirée : Débuter 1 seul agent à faible dose et titrer graduellement. - Options possibles (Choisir agent selon effets secondaires et comorbidités): o Rispéridone 0,25 mg bid, ↑ q3-5j si nécessaire (dose max en gériatrie 2 mg/j) o Olanzapine 2,5 mg die, ↑ q5-7j si nécessaire (dose max en gériatrie 10 mg/j) o Quétiapine 12,5 mg die-bid ↑ q3-5j si nécessaire (dose max en gériatrie 200 mg/j) - Médicamenteuse : narcotiques, anticholinergiques2, - Si prescription AP prise PRN désirée, privilégier : Halopéridol PO/IM 0,25-0,5 mg 2. Exclure toute cause réversible pouvant expliquer le TCAD avant de songer aux AP déshydratation, constipation, insomnie, intervention chirurgicale récente, handicap visuel ou auditif q1h PRN, préciser nb max dose/jour (dose max recommandée GER 1 à 3 mg/jour) - Si l’AP est prescrit PRN, l’indication (symptôme (s) à traiter) doit être spécifiée. - Si l’AP est administré > 4 fois par semaine, envisager prescription d’un AP à antihistaminiques, benzodiazépines, corticostéroïdes, AINS - Psychiatrique: trouble d’anxiété, trouble dépressif - Environnemental : bruits, contentions, changement prise régulière de chambre, sur ou sous-stimulation - Surveiller l’apparition d’effets secondaires o Rigidité, tremblements : halopéridol > rispéridone > olanzapine > quétiapine o Hypotension orthostatique : Risperidone = quétiapine > olanzapine o Somnolence : olanzapine = quétiapine > rispéridone o Effets anticholinergiques : olanzapine > quétiapine > risperidone 3. Favoriser les mesures non pharmacologiques (MNP), par exemple : - Orienter patient (photo, calendrier, horloge) - Routine quotidienne / régularité du personnel - Mobilisation du patient - Diminution / augmentation des stimuli - Réévaluer l’indication de l’AP q2-3 mois (voir 2e algorithme au verso) o Si impossible à faire en contexte hospitalier, déléguer le suivi au MD de famille 1 2 Notez que la bactériurie asymptomatique n’est pas une indication de traitement antibiotique dans ce contexte Vous référer au portail section «Approche adaptée à la personne âgée» pour des exemples de médicaments anticholinergiques Figure 1. Recto de l’algorithme décisionnel pour le traitement et la prise en charge des TCAD La direction des Services professionnels et hospitaliers de l’Hôpital de la Cité-de-la-Santé a autorisé la publication de cet algorithme. Abréviations : AINS : anti-inflammatoire non stéroïdien; AP : antipsychotique; bid : deux fois par jour; die : chaque jour; GER : gériatrie; h : heure; IM : intramusculaire; j : jour; MD : médecin; MNP : mesures non pharmacologiques; nb : nombre; PO : par voie orale; PRN; au besoin; q : tous les/toutes les; TCAD : troubles de comportement associés à la démence psychotiques). Cette analyse, réalisée post-hoc afin de ne tenir compte que de l’usage des antipsychotiques jugé inapproprié, a fait appel au logiciel SPSS 20.0. En supposant une erreur de type I de 5 %, un total de 170 patients par groupe d’étude était requis pour permettre la détection avec une puissance statistique de 80 % d’une différence de 15 % entre la proportion de patients avant et après la campagne AP-STOP qui avaient bénéficié d’une réévaluation de l’usage des antipsychotiques en cours d’hospitalisation. Les études sur les programmes de sensibilisation à l’usage des antipsychotiques dans le traitement des TCAD montraient des différences qui variaient entre 10 % et 49 %13,16-18. Résultats Campagne de sensibilisation AP-STOP Entre mars et avril 2013, nous avons effectué quatre présentations aux professionnels de la santé sur l’usage des antipsychotiques (réunion du CMDP, unité de psychiatrie, GMF, CLSC), ainsi que 19 présentations au personnel 20 Pharmactuel 2015;48(1) infirmier et aux préposés aux bénéficiaires sur les mesures non pharmacologiques. Cent-soixante-dix médecins, pharmaciens et infirmiers du CSSS de Laval ont assisté à l’une de ces présentations. De plus, 71 professionnels de la santé ont assisté à la conférence animée par un neurologue invité spécialisé en TCAD. La grande majorité des médecins ont bénéficié d’une rencontre individuelle (63/86 médecins, soit 73,3 % des omnipraticiens travaillant dans les unités ciblées) et plusieurs notes ont été rédigées dans les dossiers des patients pour qui l’usage de l’antipsychotique en TCAD était jugé inadéquat (14 notes sur 62 dossiers, soit 22,6 %). Pour terminer, nous avons distribué plus de 250 algorithmes décisionnels aux médecins lors de la campagne de sensibilisation. Population à l’étude Les périodes précédant et suivant la campagne ont coïncidé avec la révision de respectivement 341 et 275 dossiers médicaux (figure 3). De ce nombre, 216 (63,3 %) et 190 (69,1 %) dossiers étaient ceux de patients non admissibles. Les principales raisons d’exclusion étaient l’absence de mention d’un diagnostic de démence au dossier médical, © APES tous droits réservés RÉÉVALUER LA PRISE DE L’ANTIPSYCHOTIQUE (AP) chez le patient dément avec trouble de comportement (TCAD) ** Cet aide mémoire ne s’applique pas aux patients avec troubles psychiatriques tel que la schizophrénie. ** En tout temps, - Favoriser l’application des mesures non-pharmacologiques à titre préventif et curatif chez le pt dément - Se rappeler des risques inhérents aux AP (↑ risque AVC et mort de toute cause après 12 sem usage régulier) et de l’efficacité modeste dans les TCAD 1. Le pt présente-t-il un TCAD présentement? Non Oui Cesser graduellement l’AP par pallier de 25-50% de la dose par semaine 2. Y a-t-il présence d’une cause réversible pouvant expliquer/aggraver le TCAD? - Médicale : infections1, douleur, delirium, déshydratation, constipation, insomnie, intervention chirurgicale récente, handicap visuel ou auditif - Médicamenteuse : narcotiques, anticholinergiques2, antihistaminiques, benzodiazépines, corticostéroïdes, AINS Oui - Psychiatrique: trouble d’anxiété, trouble dépressif - Environnemental : bruits, contentions, changement de chambre, Agir sur la cause d’abord Puis passer à #3 si TCAD persiste malgré tout sur ou sous stimulation Non 3. S’agit-il d’une indication où l’efficacité des AP a été démontrée? - Utilisations SANS EFFICACITÉ des AP démontrée en démence: comportements répétitifs dérangeants, bougeotte, errance, insomnie, apathie, anxiété, hypersexualité, dépression - Indications AVEC EFFICACITÉ des AP démontrée en démence: agressivité, hallucinations, délire, paranoïa, violence, méfiance Oui Non Cesser graduellement l’AP par pallier de 25-50% de la dose par semaine puis passer à D Envisager l’une des 4 options suivantes A. ↑ dose (sans dépasser max en gériatrie) B. Tenter un autre AP C. Demander une consultation en gériatrie ou en pharmacie D. Envisager alternatives pour le traitement des TCAD - inh acétylcholinestérase (donepezil, galantamine, rivastigmine) - ISRS: citalopram, sertraline - Mémantine TCAD était respectivement de 70,4 % et de 83,5 %, . Les facteurs de risque de TCAD les plus fréquents étaient la présence d’infection, de douleur et de constipation. En ce qui concerne les médicaments concomitants pouvant précipiter un TCAD, les plus fréquemment prescrits étaient les médicaments anticholinergiques, les benzodiazépines et les narcotiques. La durée moyenne entre la date d’admission du patient à l’hôpital et la fin de la période d’observation était respectivement de 39,3 jours et de 30,9 jours pour les groupes précédant et suivant la campagne. Finalement, pour les deux groupes, la raison d’admission la plus fréquente était directement liée à la démence, à savoir une perte d’autonomie ou un TCAD. Usage des antipsychotiques Dans les deux groupes, la majorité des ordonnances d’antipsychotiques correspondait à des renouvellements de prescriptions plutôt qu’à de nouvelles ordonnances (tableau II), et l’antipsychotique le plus prescrit était la quétiapine. Les autres agents antipsychotiques le plus souvent prescrits étaient, dans l’ordre, la rispéridone, l’olanzapine et l’halopéridol. Dans les deux groupes, plus de 97 % des antipsychotiques étaient pris régulièrement et prescrits à des doses considérées adéquates en gériatrie pour le traitement des TCAD. Après la campagne, l’indication de l’antipsychotique était clairement inscrite au dossier médical de 77,6 % des dossiers évalués (66/85), comparativement à 70,4 % (88/125) des dossiers avant la campagne. Finalement, la proportion de patients pour lesquels l’antipsychotique était utilisé pour une indication appuyée par la littérature médicale, soit l’agressivité, les hallucinations et la paranoïa, était similaire entre les deux groupes (avant la campagne : 29,6 % [37/125]; après la campagne : 30,6 % [26/85]). Réévaluation des antipsychotiques Figure 2. Verso de l’algorithme décisionnel pour le traitement et la prise en charge des TCAD La direction des Services professionnels et hospitaliers de l’Hôpital de la Cité-de-la-Santé a autorisé la publication de cet algorithme. Abréviations : AINS : anti-inflammatoire non stéroïdien; AP : antipsychotique; AVC : accident vasculaire cérébral; CMDP : Conseil des médecins, dentistes et pharmaciens du Centre de santé et de services sociaux de Laval; CSSS : Centre de santé et de services sociaux de Laval; Inh : inhibiteur; ISRS : inhibiteur sélectif de la recapture de la sérotonine; max : dose maximale; pt : patient; sem : semaines; TCAD : troubles de comportement associés à la démence la prise régulière d’antipsychotique pendant moins de sept jours, la prise d’antipsychotique au besoin pendant moins de quatre jours par semaine et une hospitalisation de moins de sept jours entre le 1er mai et le 31 juillet. Un total de 125 (36,7 %) patients ont été inclus dans l’étude avant la campagne et de 85 patients (30,9 %) après la campagne. Les caractéristiques démographiques et cliniques de la population étaient similaires dans les deux groupes (tableau I). L’âge moyen des patients était de 83 ans dans les deux groupes. Dans les groupes précédant et suivant la campagne, le pourcentage de patients qui présentaient au moins un facteur de risque de TCAD était respectivement de 92 % et de 98,8 %, et celui des patients qui prenaient au moins un médicament susceptible de déclencher un © APES tous droits réservés Nous avons calculé des coefficients Kappa adéquats de 0,89, 1,00 et 0,85 lors des changements d’évaluateurs pendant la période de collecte. La réévaluation de l’usage des antipsychotiques a touché 26,4 % (33/125) des patients avant la campagne et 35,3 % (30/85) des patients après la campagne (tableau III). Après la campagne, les patients avaient 45 % plus de chance d’obtenir une réévaluation de leur traitement. En effet, le rapport de risque était de 1,45, mais il n’était pas statistiquement significatif (IC 95 % : 0,88–2,39). Le rapport de risque passe à 1,23 (IC 95 % : 0,73–2,04) après l’ajustement en fonction des variables confondantes (facteurs de risque ou médicaments pouvant précipiter un TCAD, polypharmacie, présence d’une consultation en gériatrie, infirmière spécialisée en TCAD active dans ce dossier). Après la campagne, chacun des événements propres à entraîner une réévaluation de l’usage des antipsychotiques était également plus discernable, même si les différences n’étaient pas statistiquement significatives. Nous avons également mesuré la réévaluation des antipsychotiques lors d’une analyse de sous-groupe qui excluait les patients sous antipsychotique pour une indication appuyée par la littérature médicale (l’agressivité et les symptômes psychotiques). Les résultats de cette analyse montrent une réévaluation du traitement pour 28,4 % (25/88) des patients dans le groupe précédant la campagne, comparativement à 37,3 % (22/59) des patients dans le groupe postérieur à la campagne. Un rapport de Pharmactuel 2015;48(1) 21 Figure 3. Schéma de l’étude Pré-campagne 1 mai au 31 juillet 2012 er Dossiers évalués, N = 341 Campagne de : Interventions sensibilisation : mars et avril 2013 mars et avril 2013 Dossiers évalués, N = 275 (Patients de 65 ans ou plus, avec prescription d’antipsychotique [quétiapine, rispéridone, olanzapine, halopéridol], hospitalisés entre le 1er mai et le 31 juillet 2013 dans les unités ciblées) (Patients de 65 ans ou plus, avec prescription d’antipsychotique [quétiapine, rispéridone, olanzapine, halopéridol], hospitalisés entre le 1er mai et le 31 juillet 2012 dans les unités ciblées) Post-campagne 1 mai au 31 juillet 2013 er Dossiers exclus, n = 216 (63,3 %) Dossiers exclus, n = 190 (69,1 %) – Aucun diagnostic de démence inscrit dans le dossier médical : n = 99 (45,8 %) – Aucun diagnostic de démence inscrit dans le dossier médical : n = 95 (50 %) – Prescription d’antipsychotique pris régulièrement pendant moins de 7 jours : n = 27 (12,5 %) – Prescription d’antipsychotique pris régulièrement pendant moins de 7 jours : n = 19 (10 %) - Prescription d’un antipsychotique au besoin pris moins de 4 fois par semaine : n = 26 (12,0 %) - Prescription d’un antipsychotique au besoin pris moins de 4 fois par semaine : n = 26 (13,7 %) – Hospitalisation d’une durée inférieure à 7 jours entre le 1er mai et le 31 juillet : n = 61 (28,2 %) – Hospitalisation d’une durée inférieure à 7 jours entre le 1er mai et le 31 juillet : n = 62 (32,6 %) – Hospitalisation à l’urgence ou aux soins intensifs au moment de la date index : n = 1 (0,5 %) (soins intensifs) – Hospitalisation à l’urgence ou aux soins intensifs au moment de la date index : n = 2 (1,1 %) (soins intensifs) – Patients en fin de vie ou en soins de confort : n = 14 (6,5 %) – Patients en fin de vie ou en soins de confort : n = 23 (12,1 %) – Patients avec un diagnostic de troubles bipolaire, schizo-affectif, schizophrénique : n = 28 (13,0 %) – Patients avec un diagnostic de troubles bipolaire, schizo-affectif, schizophrénique : n = 24 (12,6 %) – Hospitalisation aux unités de psychiatrie ou de soins palliatifs : n = 0 – Hospitalisation aux unités de psychiatrie ou de soins palliatifs : n = 1 (0,5 %) – Présence d’une note de la pharmacie liée à l’intervention : n = 0 – Présence d’une note de la pharmacie liée à l’intervention : n = 0 À noter que 40 patients (18,5 %) présentaient plus d’un critère d’exclusion À noter que 56 patients (29,5 %) présentaient plus d’un critère d’exclusion Dossiers inclus pour analyse n = 125 (36,7 %) Dossiers inclus pour analyse n = 85 (30,9 %) Figure 3. Schéma de l’étude risque ajusté de 1,27 (IC 95 % : 0,70–2,31) indique que la différence n’est pas statistiquement significative. Discussion La prescription de médicaments en gériatrie nécessite une attention particulière portée aux molécules choisies et aux doses prescrites, car les personnes âgées sont plus sensibles aux effets indésirables des médicaments (p. ex. effets anticholinergiques). Une campagne de sensibilisation sur le bon usage des antipsychotiques pour les TCAD, comportant 22 Pharmactuel 2015;48(1) un algorithme, des activités de formation continue pour les médecins, les infirmières et les pharmaciens ainsi que des rencontres individuelles avec les médecins travaillant dans les unités ciblées par l’étude, a été implantée sur une période de huit semaines dans un centre hospitalier universitaire de soins généraux. La réévaluation des 37 la tentative antipsychotiques, définie comme la diminution, de diminution ou la suppression de de l’antipsychotique, ou encore une note destinée au médecin de famille suggérant de réévaluer l’antipsychotique en externe, est passée de 26,4 % avant la campagne à 35,3 % après la campagne. © APES tous droits réservés Cependant, cette amélioration n’était pas statistiquement significative étant donné le rapport de risque ajusté de 1,23 (IC 95 % : 0,73–2,04). Cette étude ne permet donc pas de conclure que notre programme de sensibilisation dans un centre hospitalier de soins généraux améliore l’usage des antipsychotiques. Ce résultat pourrait s’expliquer par le manque de puissance statistique. En effet, 170 patients dans chacun des groupes étaient nécessaires pour permettre la détection d’une différence de 15 % entre les deux groupes d’étude. Malheureusement, l’étude n’a pu sélectionner que 125/341 dossiers pour le groupe précédant la campagne et 85/275 dossiers pour le Tableau I. Caractéristiques des patients Groupes à l’étude Caractéristique Pré-campagne (N = 125) Post-campagne (N = 85) 83,3 ± 6,3 82,7 ± 7 n (%) n (%) Homme 48 (38,4) 33 (38,8) Femme 77 (61,6) 52 (61,2) n (%) n (%) Âge (année)a – M ± ÉT Sexe Facteurs de risque de TCAD Infection 50 (40) 40 (47,1) Douleur 74 (59,2) 49 (57,6) Déshydratation 14 (11,2) 11 (12,9) Insomnie 27 (21,6) 6 (7,1) Immobilité 22 (17,6) 28 (32,9) Constipation 70 (56) 50 (58,8) Chirurgie 15 (12) 9 (10,6) 32 (25,6) 38 (44,7) Handicap visuel ou auditif Au moins un facteur de risque 115 (92) 84 (98,8) Nombre de facteurs de risque par patient ± ÉT 2,4 ± 1,4 2,7 ± 1,2 Polypharmacieb 94 (75,2) 54 (63,5) Narcotiques 26 (20,8) 22 (25,9) Benzodiazépines 48 (38,4) 45 (52,9) 51 (40,8) 40 (47,1) Médicaments augmentant le risque de TCAD Anticholinergiques c Antihistaminiques (1 génération) re Corticostéroïdes AINSd 2 (1,6) 5 (5,9) 5 (4) 11 (12,9) 6 (4,8) 3 (3,5) 88 (70,4) 71 (83,5) Période d’observation (jours) – M ± ÉT 19,3 ± 10,3 17,46 ± 10,2 Durée entre la date d’admission à la CSL et la fin de la période d’observation (jours) – M ± ÉT 39,3 ± 25,8 30,9 ± 20,9 Au moins un médicament pouvant augmenter le risque de TCAD Raison de l’hospitalisation Infection n (%) n (%) 17 (13,6) 16 (18,8) Problème cardiaque 5 (4) 6 (7,1) Problème pulmonaire 3 (2,4) 9 (10,6) Problème neurologique 5 (4) 4 (4,7) Problème gastro-intestinal 5 (4) 7 (8,2) TCAD/Perte d’autonomie 47 (37,6) 16 (18,8) Fracture 13 (10,4) 9 (10,6) Chute 13 (10,4) 12 (14,1) Délirium/Confusion 12 (9,6) 3 (3,5) 5 (4) 3 (3,5) Autres © APES tous droits réservés Pharmactuel 2015;48(1) 23 Tableau I. Caractéristiques des patients (suite) Caractéristique Groupes à l’étude Pré-campagne (N = 125) Post-campagne (N = 85) 2,86 ± 1,76 3,33 ± 2,03 n (%) n (%) 1 (0,8) 0 (0) Unité de transition 16 (12,8) 13 (15,3) Gériatrie active 29 (23,2) 7 (8,2) Médecine générale 72 (57,6) 66 (77,6) Soins longue durée 31 (24,8) 21 (24,7) 82 (65,6) 42 (49,4) Présence d’une note d’une infirmière spécialisée dans la prise en charge des TCAD 9 (7,2) 6 (7,1) Présence d’une note de la pharmacie liée aux TCAD 4 (3,2) 2 (2,4) Nombre de médecins ayant suivi le patient durant la période d’observation – M ± ÉT Unité de soins fréquentée par le patient durant la période d’observation Soins intensifs Présence d’une consultation en gériatrie Abréviations : AINS : anti-inflammatoire non stéroïdien; CSL : Hôpital de la Cité-de-la-Santé; M ± ÉT : moyenne ± écart-type; TCAD : troubles de comportement associés à la démence a L’âge a été calculé au 1er mai 2012 pour le groupe de pré-campagne et au 1er mai 2013 pour le groupe de post-campagne b Définie comme la prise de plus de huit médicaments c Définis à l’aide de la classification de Pharmactuel : « Comment évaluer la charge anticholinergique? » d N’inclut pas l’aspirine à 80 mg en prévention cardiovasculaire groupe suivant la campagne. Les deux principaux critères d’exclusion qui ont limité le nombre de patients étaient l’absence de diagnostic de démence dans le dossier médical et une durée d’hospitalisation de moins de sept jours. En pratique, le traitement des problèmes aigus prenait souvent moins de sept jours, et les patients sortaient de l’hôpital avant de pouvoir être inclus dans l’étude. Une durée minimale d’hospitalisation inférieure à sept jours aurait permis de sélectionner un plus grand nombre de patients. L’ampleur de l’effet de la campagne était également moindre que celle attendue. Dans notre étude, la proportion de patients qui ont bénéficié d’une réévaluation de l’usage des antipsychotiques a augmenté de 8,9 % (35,3 % contre 26,4 %) alors que nous nous attendions à une augmentation de 15 %. Les différences observées dans la littérature médicale variaient entre 10 % et 49 % selon les études13,16-18. L’étude qui avait rapporté un écart important évaluait les mêmes patients avant et après la campagne de sensibilisation; il y a donc une surestimation possible de l’effet de la campagne16. Il faut noter que ces études se sont déroulées dans un contexte ambulatoire, où l’équipe médicale était plus restreinte et plus stable (moins de rotation du personnel); de plus, elles portaient sur des patients qui présentaient moins de facteurs de risque de TCAD. L’étude réalisée en milieu hospitalier visant un meilleur usage des benzodiazépines a démontré des résultats significatifs17. Dans cette étude, la méthode d’intervention différait de la nôtre puisqu’elle consistait en des audits effectués à trois reprises sur six mois. D’autres résultats laissent entendre que les interventions combinant à la fois une revue médicamenteuse à des mesures éducatives multidisciplinaires pourraient être plus efficaces19,20. De plus, la répétition des interventions de sensibilisation sur plusieurs mois pourrait également être plus efficace qu’une seule séance éducative13. En ce sens, le fait que la campagne de sensibilisation AP-STOP n’ait pu se poursuivre au-delà de huit semaines en raison de contraintes de temps pourrait en partie expliquer nos résultats. 24 Pharmactuel 2015;48(1) Dans le même ordre d’idées, la période d’observation de quatre semaines était peut-être trop courte pour observer une réévaluation, surtout lorsque l’on considère que la réévaluation des antipsychotiques doit se faire chaque deux à trois mois après le début du traitement. Dans d’autres études, la période d’observation était de plus de trois mois, ce qui ne pouvait s’appliquer à notre étude pour des raisons logistiques16,18. Finalement, alors que certaines études ont démontré que la diminution de la prescription des antipsychotiques se traduisait par une plus grande utilisation de stratégies non conventionnelles18,19, notre étude ne permet pas de déterminer si une telle tendance s’est produite. Deux variables incluses dans le modèle multivarié diminuaient le rapport de risque de plus de 10 % : il s’agit de la présence d’un séjour en médecine générale et du laps de temps entre la date d’admission et la date de fin d’observation du patient. Ainsi, plus les patients étaient hospitalisés longtemps, moins ils étaient susceptibles d’obtenir une réévaluation de leur antipsychotique. Il est possible que les patients hospitalisés pendant plus longtemps souffrent de TCAD plus graves. La probabilité de réévaluer l’usage des antipsychotiques pour les patients hospitalisés dans les unités de médecine générale était moindre comparativement à celle observée pour les patients des autres unités. On peut penser que les patients hospitalisés dans ces unités représentent des cas plus complexes qui ne sont pas liés à la gériatrie et pour lesquels la réévaluation des antipsychotiques est moins prioritaire. Ces résultats mettent en lumière les difficultés d’influencer l’usage des antipsychotiques pour les patients hospitalisés pour une condition aigüe. La majorité des patients de l’étude présentaient plusieurs facteurs de risque de TCAD liés à l’hospitalisation. Les facteurs de risque les plus fréquents (présence d’une infection, d’une douleur et de constipation) sont réversibles, et il est possible de les corriger avant de démarrer un traitement par antipsychotique. Après la campagne, le taux d’hospitalisation pour un TCAD ou une perte d’autonomie © APES tous droits réservés Tableau II. Description de l’usage des antipsychotiques Caractéristiques Statut de la première prescription à l’hôpital Groupes à l’étude Pré-campagne (N = 125) Post-campagne (N = 85) n (%) n (%) Nouvelle ordonnance 54 (43,2) 29 (34,1) Renouvellement de la prescription à l’admission 71 (56,8) 56 (65,9) Agent antipsychotique utiliséa Halopéridol 3 (2,4) 2 (2,3) Quétiapine 76 (60,8) 50 (58,8) Olanzapine 14 (11,2) 5 (5,9) Rispéridone 43 (34,4) 30 (35,3) 11 (8,8) 2 (2,4) 124 (99,2) 83 (97,7) Changement d’antipsychotique durant la période d’observation Fréquence d’administration de l’antipsychotique Régulière Au besoin b Dose de l’antipsychotique (mg) 1 (0,8) 2 (2,4) M ± ET M ± ET Halopéridol 0,67 ± 0,26 0,43 ± 0,11 Quétiapine 43,81 ± 50,03 53,27 ± 62,84 Olanzapine 7,12 ± 4,91 4,14 ± 2,61 Rispéridone 0,65 ± 0,59 0,56 ± 0,43 Doses adéquates en gériatrie n (%) n (%) Halopéridol 3/3 (100) 2/2 (100) Quétiapine 75/76 (98,7) 48/50 (96) Olanzapine 12/14 (85,7) 5/5 (100) Rispéridone 42/43 (97,7) 30/30 (100) 132/136 (97,1) 85/87 (97,7) 88 (70,4) 66 (77,6) n (%) n (%) c Total Indication de l’antipsychotique présente au dossier Nature de l’indication TCAD avec efficacité reconnue Agressivité 17 (13,6) 17 (20) Hallucination 10 (8) 5 (5,8) Agressivité et hallucination 5 (4) 1 (1,2) Paranoïa 5 (4) 2 (2,4) 37 (29,6) 26 (30,6) Agitation 3 (2,4) 4 (4,7) Confusion 1 (0,8) 1 (1,2) Cris 5 (4) 2 (2,4) Volubilité 0 (0) 3 (3,5) Irritabilité 1 (0,8) 0 (0) Errance 2 (1,6) 1 (1,2) Autre 1 (0,8) 2 (2,4) Total TCAD sans efficacité reconnue Total 15 (12) 15 (17,6) Délirium 36 (28,8) 24 (28,2) Absence d’indication inscrite au dossier 37 (29,6) 20 (23,5) Abréviations : M ± ÉT : moyenne ± écart-type; TCAD : troubles de comportement associés à la démence a Antipsychotique au besoin non comptabilisé si un antipsychotique était administré régulièrement b Le patient devait prendre l’antipsychotique au besoin plus de quatre fois par semaine pour être inclus dans l’étude c Doses jugées adéquates en gériatrie selon l’algorithme décisionnel approuvé par le Comité de pharmacologie de l’Hôpital de la Cité-de-la-Santé © APES tous droits réservés Pharmactuel 2015;48(1) 25 Tableau III. Résultats obtenus pour les objectifs primaire et secondaire Analyse principale de l’ensemble des patients à l’étude Groupe à l’étude Rapport de risque Pré-campagne (N = 125) n (%) Post-campagne (N = 85) n (%) Brut (IC 95 %) Ajustéa (IC 95 %) 33 (26,4) 30 (35,3) 1,45 (0,88 – 2,39) 1,23 (0,73 – 2,04) Note écrite au médecin de famille suggérant de réévaluer l’antipsychotique 3 (2,4) 5 (5,9) 1,35 (0,82 – 2,24) 1,12 (0,66 – 1,90) Arrêt de l’antipsychotique 12 (9,6) 10 (11,8) 1,34 (0,81 – 2,21) 1,21 (0,72 – 2,01) Réduction de la dose d’antipsychotique 12 (9,6) 14 (16,5) 1,28 (0,77 – 2,11) 1,14 (0,69 – 1,90) 10 (8) 7 (8,2) 1,40 (0,85 – 2,31) 1,26 (0,76 – 2,10) Réévaluation de l’usage de l’antipsychotique Tentative de diminution ou de suppression de l’antipsychotique Analyse secondaire incluant seulement les patients sous antipsychotique pour une indication non recommandée Réévaluation de l’usageb Pré-campagne (N = 88) n (%) Post-campagne (N = 59) n (%) Brut (IC 95 %) Ajustéa (IC 95 %) 25 (28,4) 22 (37,3) 1,39 (0,78 – 2,49) 1,27 (0,70 – 2,31) Abréviations : IC : Intervalle de confiance a Ajusté pour l’unité de médecine générale et la durée entre la date d’admission et la date de fin d’observation du patient b La réévaluation de l’usage est confirmée si un des évènements suivants est présent dans le dossier médical au cours de la période d’observation : 1) présence d’une note au médecin de famille du patient suggérant de réévaluer l’antipsychotique; 2) suppression du traitement; 3) réduction de la dose; 4) tentative de réduction ou de suppression de l’antipsychotique était moins élevé (18,8 %, contre 37,6 % avant la campagne) et le nombre de patients hospitalisés dans l’unité de gériatrie avait diminué (8,2 %, contre 23,2 % avant la campagne). De telles différences pourraient s’expliquer par une diminution ou une réévaluation de la prescription d’antipsychotiques dans les sept premiers jours suivant l’intervention des médecins qui travaillent en gériatrie, étant donné que la campagne AP-STOP les mettait à contribution. Par ailleurs, un plus grand nombre de consultations en gériatrie ont fait l’objet d’une description détaillée avant l’intervention (65,6 %, contre 49,4 % après l’intervention), ce qui pourrait avoir augmenté le taux de réévaluation des antipsychotiques avant la campagne. Un plus faible nombre de traitements aux antipsychotiques ont été entrepris après la campagne (34,1 %) par rapport à avant la campagne (43,2 %), ce qui renforce l’hypothèse d’un meilleur usage de ce type de médicament après la campagne. Il n’est toutefois pas exclu qu’en 2012, les patients aient été plus nombreux à présenter un TCAD qu’en 2013. La proportion de dossiers patients contenant une indication claire d’antipsychotique a également augmenté après la campagne (77,6 % contre 70,4 %). Cette proportion était nettement plus élevée que celle rapportée dans une autre étude (35 % des dossiers)15. Dans les deux groupes, environ 30 % seulement des antipsychotiques étaient prescrits pour une indication appuyée par la littérature médicale (agressivité et symptômes psychotiques), ce qui démontre que la campagne n’a pas eu d’effet sur ce critère. Somme toute, la dose d’antipsychotiques prescrite était déjà adéquate pour la population gériatrique avant la campagne, et elle l’est restée après la campagne. Forces et limites de l’étude La principale limite de notre étude est attribuable à l’absence de groupe témoin. Cela empêche de distinguer l’effet de la campagne de celui d’autres événements sur l’usage des antipsychotiques. Il n’aurait pas été possible de constituer 26 Pharmactuel 2015;48(1) un groupe témoin dans certaines unités, car les médecins ne travaillent pas toujours dans les mêmes unités de soins, et le risque de contamination entre les groupes aurait été élevé. Le manque de ressources et les contraintes de temps ne nous ont pas permis de sélectionner des patients dans d’autres centres hospitaliers. Pour ces mêmes raisons, nous n’avons pas pu assigner les unités de soins de façon aléatoire. En 2012, le CSSS de Laval a décidé de donner la priorité aux soins gériatriques afin de satisfaire aux exigences du ministère de la Santé et des Services sociaux. En mai 2012, soit pendant la phase précédant la campagne, l’Institut national d’excellence en santé et en services sociaux a dressé un portrait de l’usage des antipsychotiques, entre autres, pour les personnes d’un âge égal ou supérieur à 65 ans ayant reçu un diagnostic de démence7. Ce rapport a pu encourager les cliniciens à modifier leurs pratiques et à se mettre à jour selon les lignes directrices médicales en gériatrie. Ces deux événements auraient pu entrainer une surestimation de l’effet de la campagne AP-STOP. On ne peut exclure certains biais. Les médecins traitants avaient peut-être de la difficulté à différencier un TCAD d’un délirium dans certains dossiers ou à savoir si les deux troubles coexistaient. Pour cette raison, le délirium n’a pas été retenu comme critère ni d’inclusion ni d’exclusion. De plus, certaines données des dossiers étaient peut-être imprécises, illisibles ou absentes. Ces deux éléments peuvent entraîner un biais d’information non différentiel, ainsi qu’une sous-estimation de l’effet de la campagne. Aucune information sur la gravité de la démence et le degré d’autonomie des patients n’a été recueillie. Ces facteurs peuvent influencer le degré de TCAD du patient et augmenter ainsi le risque lié à l’antipsychotique. De plus, la collecte et l’analyse des données n’ont pu se faire à l’aveugle, puisque la date d’admission indiquait si le candidat était dans la phase précédant ou suivant la campagne. Différents évaluateurs ont collecté les données avant et après la campagne. Il est possible que les évaluateurs aient été plus attentifs à la présence d’une réévaluation lors de la collecte de données après la campagne, afin de montrer les effets de © APES tous droits réservés cette dernière. Ce biais d’information différentiel potentiel occasionnerait une surestimation de l’effet de la campagne AP-STOP. Pour diminuer ce biais, nous avons utilisé un guide d’extraction afin de standardiser la collecte des données ainsi qu’un test de concordance Kappa dont les résultats se sont révélés satisfaisants. La validité externe de l’étude est limitée, car celle-ci se déroule dans un seul centre hospitalier. L’Hôpital de la Citéde-la-Santé de Laval est un centre universitaire de soins généraux, et ses pratiques ne reflètent peut-être pas celles d’autres centres hospitaliers. L’important roulement du personnel hospitalier peut diminuer l’effet d’une campagne ponctuelle à long terme. Dans le même ordre d’idées, notre étude a évalué le groupe postérieur à la campagne immédiatement après AP-STOP, ce qui ne permet pas d’en détecter les répercussions à long terme. Les patients étaient inclus dans cette étude après un minimum de sept jours d’hospitalisation et de prise régulière d’un antipsychotique, ce qui ne permet pas d’extrapoler les résultats à des patients dont le séjour hospitalier est plus court ou qui reçoivent un antipsychotique pendant moins longtemps. L’étude comporte également des forces. La campagne APSTOP a permis de mettre à contribution plusieurs corps professionnels, autant par des activités de formation continue présentées par un expert que par des rencontres individuelles. D’ailleurs 73 % des omnipraticiens travaillant dans les unités ciblées ont bénéficié d’une rencontre individuelle. La diffusion de l’information sur les antipsychotiques s’est donc bien déroulée. Plusieurs stratégies ont permis de diminuer le risque de biais de confusion et d’améliorer la validité interne de cette étude. Premièrement, la période de l’année correspondant à la collecte des données et au ciblage des unités était identique pour les deux groupes (de mai à juillet), ce qui augmente leur similarité. Deuxièmement, nous avons ajusté nos résultats pour les caractéristiques des patients et celles de leur hospitalisation. © APES tous droits réservés La présente étude est pertinente puisqu’elle est la première à évaluer les répercussions d’un programme éducationnel multidisciplinaire sur l’usage des antipsychotiques pour traiter les TCAD en milieu hospitalier. Contrairement à d’autres études, celle-ci n’a pas évalué l’effet de la campagne pendant son déroulement, ce qui donne des résultats plus représentatifs de l’influence réelle de cette dernière sur les pratiques16. Elle pourrait servir à l’élaboration de campagnes de sensibilisation futures. Conclusion Après huit semaines de campagne, nous avons observé la présence d’une réévaluation des antipsychotiques dans 35,3 % des cas, comparativement à 26,4 % avant la campagne. Bien que cette augmentation ne soit pas significative, on note néanmoins après la campagne une tendance de la part des cliniciens à accroître le nombre de réévaluations des antipsychotiques pour les patients hospitalisés. Cette étude ne fournit toutefois aucun indice sur les effets d’une campagne de sensibilisation en milieu hospitalier. Il est possible que la répétition d’une telle campagne de sensibilisation soit nécessaire pour aboutir à des résultats favorables et durables. La mise en place d’une démarche interdisciplinaire périodique de réévaluation des antipsychotiques, en plus d’une campagne de sensibilisation, pourrait s’avérer plus efficace. Financement Aucun financement en relation avec le présent article n’a été déclaré par les auteurs. Conflits d’intérêts Tous les auteurs ont rempli et soumis le formulaire de l’ICMJE pour la divulgation de conflit d’intérêts potentiel. Les auteurs n’ont déclaré aucun conflit d’intérêts en relation avec le présent article. Pharmactuel 2015;48(1) 27 Références 1. 2. 3. 4. 5. 6. 7. 8. Moore A, Patterson C, Lee L, Vedel I, Bergman H. Quatrième conférence consensuelle sur le diagnostic et le traitement de la démence. Can Fam Physician 2014;60:e244-50. Lavoie M, Mallet L, Grenier L. Les troubles du comportement associés à la démence. Dans : Guidmond J, Barbeau G, rédacteurs. Manuel de soins pharmaceutiques en gériatrie : Presses de l’Université Laval 2003. p. 33-53. Sadowsky CH, Galvin JE. 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Held over an eight-week period, the campaign included a continuing education program for the clinicians, with individual training activities supported by a clinical tool. An antipsychotic was considered reevaluated if any of the following occurred: a discontinuation or an attempted discontinuation of the antipsychotic; a dosage reduction or an attempted dosage reduction of the antipsychotic; a pharmacy note documented in the patient’s medical record to reevaluate the antipsychotic. Using a Cox model, the likelihood of reevaluation was compared between the two groups, adjusting for patient characteristics and features of their hospital stay. Results: The medical records of 616 patients were examined, and 125 patients and 85 patients were included in the pre-campaign and post-campaign group, respectively. After the campaign, 35.4 % of the antipsychotics were reevaluated compared with 26.4 % before the campaign (adjusted hazard ratio: 1.23; 95 % CI: 0.73–2.04). Conclusion: This study does not permit the conclusion that an awareness campaign improves the use of antipsychotics for behavioural problems related to dementia in hospitals. Key words: Aggression, antipsychotic, behavioural disturbance dementia, haloperidol, olanzapine, psychosis, quetiapine, reevaluation, risperidone 28 Pharmactuel 2015;48(1) © APES tous droits réservés CAS CLINIQUE EN DIRECT DE L’UNITÉ Traitement à la clonidine par voie orale pour une patiente atteinte d’hyperemesis gravidarum réfractaire Maud Blin Mathieu1,2, D.Pharm., M.Sc., Josiane Larochelle1,3, B.Pharm., M.Sc., Marie-Hélène Turgeon1,4, Pharm.D., M.Sc. Candidate à la maîtrise en pharmacothérapie avancée au moment de la soumission de l’article, Université de Montréal, Montréal (Québec) Canada; Pharmacienne, Centre universitaire de santé McGill, Montréal (Québec) Canada; 3 Pharmacienne, CSSS-Institut universitaire de gériatrie de Sherbrooke, Sherbrooke (Québec) Canada; 4 Pharmacienne, Centre hospitalier de l’Université de Montréal, Montréal (Québec) Canada 1 2 Reçu le 5 décembre 2013; Accepté après révision par les pairs le 28 janvier 2014 Résumé Objectif : Décrire un cas d’hyperemesis gravidarum réfractaire aux traitements standards dont l’état de santé s’est amélioré à la suite de la prise de clonidine par voie orale. Résumé du cas : Il s’agit d’une femme de 32 ans souffrant de vomissements depuis le début de sa grossesse. L’aggravation de son état de santé a nécessité son hospitalisation à 14 semaines de grossesse. Les vomissements s’accompagnaient d’une hypersalivation, d’une épigastralgie, d’une perte de poids, d’une cétonurie et d’une hypokaliémie, ce qui a permis de poser un diagnostic d’hyperemesis gravidarum. Plusieurs traitements ont été entrepris pour soulager les symptômes : hydratation, pyridoxine, diphénhydramine, métoclopramide, ranitidine, pantoprazole et ondansétron. Finalement, l’ajout de la clonidine orale a permis d’obtenir un soulagement important et durable des symptômes d’hyperemesis gravidarum. Discussion : L’hyperemesis gravidarum complique jusqu’à 2 % des grossesses. Il est possible de recourir à plusieurs médicaments dans cette indication, mais certaines patientes ne répondent pas aux traitements habituels. La clonidine est un agoniste alphaadrénergique central principalement utilisé comme antihypertenseur. Peu de données de la littérature scientifique appuient son utilisation pour le traitement de l’hyperemesis gravidarum réfractaire. D’un point de vue chronologique et clinique, on peut considérer comme probable l’efficacité de la clonidine pour le soulagement de l’hyperemesis gravidarum dans le cas présenté ici. Conclusion : Ce rapport de cas décrit l’utilisation de la clonidine pour une patiente réfractaire aux traitements standards. L’efficacité de cet agent devra être évaluée dans le cadre d’études cliniques pour mieux établir sa place dans la thérapie. Mots-clés : Clonidine, grossesse, hyperemesis gravidarum, vomissement Introduction L’hyperemesis gravidarum (HG), survenant chez 0,5 à 2 % des femmes enceintes, constitue la forme la plus grave des nausées et vomissements liés à la grossesse1. La persistance des nausées et des vomissements augmente le risque de complications maternelles, comme la déshydratation, les déséquilibres électrolytiques, les carences nutritionnelles, l’œsophagite et l’encéphalopathie de Wernicke, et peut affecter considérablement la qualité de vie des patientes2,3. L’HG peut, dans les cas les plus graves, mener à une réduction significative du poids du nouveau-né et, exceptionnellement, à une augmentation du risque de prématurité2,3. Il existe différentes options pharmacologiques pour traiter l’HG, tels que les antihistaminiques de première génération, les phénothiazines, la pyridoxine et les prokinétiques comme le métoclopramide. Néanmoins, ces traitements habituels ne soulageront pas toutes les patientes. Une série de cas propose l’utilisation de la clonidine en timbre transdermique (non disponible sur le marché canadien) pour traiter les femmes réfractaires au traitement usuel de l’HG2. Le cas présenté dans cet article décrit une patiente atteinte d’HG réfractaire aux traitements habituels, dont l’état s’est amélioré après l’ajout de clonidine par voie orale. Il s’agit, à notre connaissance, de la publication du premier cas d’utilisation de la clonidine par voie orale dans cette indication. Description du cas Il s’agit d’une femme de 32 ans d’origine ghanéenne enceinte de 14 semaines. Elle présente des vomissements depuis le début de sa grossesse, qui se sont aggravés au cours des trois jours précédant son hospitalisation. Pour toute correspondance : Maud Blin Mathieu, Département de pharmacie, Centre universitaire de santé McGill, 1001, boulevard Décarie, Montréal (Québec) H4A 3J1, CANADA; Téléphone : 514 412-4400, poste 22280; Télécopieur : 514 412-4344 © APES tous droits réservés Pharmactuel 2015;48(1) 29 Il s’agit de sa deuxième grossesse. Elle a déjà un enfant né à 36 semaines de grossesse avec un retard de croissance intra-utérin, sans autre anomalie congénitale. La patiente ne fume pas, ne prend pas d’alcool et ne souffre d’aucune allergie médicamenteuse. Ses antécédents médicaux montrent notamment un diabète gestationnel probable et une HG lors de sa première grossesse. La patiente avait alors été hospitalisée et avait reçu un traitement intraveineux de métoclopramide associé à de la diphénhydramine suivi d’un relais par voie orale au métoclopramide et à l’hydroxyzine. Une réaction extrapyramidale (rigidité de la mâchoire et difficulté à parler) avait nécessité l’arrêt du métoclopramide. L’hydroxyzine avait ensuite été remplacée par l’association de doxylamine et de pyridoxine (DiclectinMD). Lors de la première visite médicale à 11 semaines de sa deuxième grossesse, la patiente souffrait de nausées et de vomissements depuis une dizaine de jours. Une perfusion intraveineuse continue de solution saline à 0,9 % avec du dextrose à 5 % avait permis de la réhydrater. Elle était repartie avec une ordonnance de doxylamine et de pyridoxine (six comprimés par jour). Une semaine plus tard, la patiente s’est présentée au service d’urgence pour une récidive des nausées avec une moyenne de quatre épisodes de vomissements par jour. Bien qu’elle arrivait à s’alimenter et à s’hydrater et que les cétones urinaires étaient négatives, un diagnostic de gastrite érosive avait nécessité l’ajout de ranitidine par voie orale (150 mg deux fois par jour) et d’acide alginique (après chaque repas et au coucher). À son hospitalisation, la patiente, enceinte de 14 semaines, présente jusqu’à cinq ou six épisodes de vomissements par jour et n’est pas capable de s’alimenter ni de s’hydrater. Elle présente les symptômes suivants : une détérioration de l’état général, une hypersalivation, une hématémèse, des céphalées, des gaz intestinaux et une douleur abdominale diffuse avec épigastralgie augmentant d’intensité lors des vomissements. Sur le plan obstétrical, la patiente ne présente ni pertes sanguines, ni pertes de liquides, ni contractions utérines. Ses signes vitaux sont normaux. Depuis le début de sa grossesse, la patiente a perdu 16 kg, ce qui correspond à environ 22 % de son poids d’avant la grossesse. L’analyse urinaire montre la présence de cétones. Le tableau I présente les résultats détaillés des analyses de laboratoires et des signes vitaux. À l’admission, la patiente prend les médicaments suivants : 150 mg de ranitidine une fois par jour, une multivitamine de grossesse une fois par jour ainsi que huit comprimés par jour de doxylamine et de pyridoxine. L’urgentiste diagnostique un HG et une gastrite érosive. La prise en charge initiale de la patiente comporte l’hospitalisation, le démarrage du protocole de traitement de l’HG du CHU Sainte-Justine (figure 1) ainsi que la réalisation d’un bilan hépatique et d’une échographie abdominale. Aucun dépistage d’Helicobacter pylori n’est effectué. La patiente reçoit donc une perfusion d’hydratation et les médicaments suivants par voie intraveineuse : thiamine, diphénhydramine, métoclopramide en perfusion continue, pyridoxine, ranitidine et multivitamines. Le tableau II présente l’évolution de la médication de la patiente pendant son hospitalisation. Au jour deux, étant donné la détérioration de l’état de la patiente dans la nuit malgré le traitement médical initial, une thérapie à l’ondansétron par voie intraveineuse est entreprise 30 Pharmactuel 2015;48(1) à une dose de 4 mg toutes les huit heures. La perfusion de métoclopramide, augmentée le matin à 65 mg par jour, est finalement interrompue compte tenu de l’antécédent de réaction extrapyramidale de la patiente lors de sa grossesse antérieure. L’hydratation intraveineuse, l’administration de diphénhydramine, de pyridoxine et de multivitamines sont poursuivies. Puisque le soulagement de l’épigastralgie demeure faible, on remplace la ranitidine par 40 mg de pantoprazole par voie intraveineuse une fois par jour, avec une optimisation rapide à 40 mg par voie intraveineuse toutes les 12 heures. L’échographie abdominale ne révèle aucune anomalie. Le matin du jour trois, étant donné la persistance des nausées, des vomissements et de l’hypersalivation, l’équipe traitante augmente l’ondansétron à 8 mg par voie intraveineuse toutes les huit heures. Puisque la fréquence des vomissements est encore élevée et que la patiente présente une hypersalivation importante, l’équipe traitante entreprend l’administration de clonidine par voie orale à une dose de 0,05 mg deux fois par jour. La perfusion d’hydratation intraveineuse, l’administration de diphénhydramine, de pantoprazole, de pyridoxine et de multivitamines se poursuivent. On note une diminution de la douleur épigastrique. Au jour quatre, l’état clinique de la patiente s’améliore. Elle n’a présenté des nausées que durant la nuit et aucun vomissement. Comme la tension artérielle de la patiente demeure acceptable (91–106/53–59 mm Hg), on augmente la dose de clonidine à la dose cible de 0,1 mg deux fois par jour. Après 24 heures sans vomissement, on entreprend l’alimentation liquide. L’épigastralgie évolue favorablement. La patiente continue à recevoir l’ondansétron, l’hydratation intraveineuse, le pantoprazole, la diphénhydramine, la pyridoxine et les multivitamines. Au jour cinq, la patiente entreprend un régime solide hypolipidique, qui est bien toléré. Les nausées, les vomissements, l’hypersalivation et le pyrosis ont disparu. Toujours sous clonidine, la patiente commence un traitement relais par voie orale à l’ondansétron. La ranitidine par voie orale (150 mg deux fois par jour) remplace le pantoprazole. On cesse l’hydratation intraveineuse, l’administration de pyridoxine et de multivitamines. L’hydroxyzine (25 mg par voie orale quatre fois par jour) remplace la diphénhydramine par voie intraveineuse. Au jour six, la patiente obtient son congé de l’hôpital, puisqu’elle tolère l’alimentation solide. À la sortie de l’hôpital, elle se voit prescrire les médicaments suivants, par voie orale : oméprazole, 20 mg deux fois par jour; ondansétron, 8 mg trois fois par jour; clonidine, 0,1 mg deux fois par jour; hydroxyzine, 25 mg quatre fois par jour au besoin. Les pharmaciennes de l’hôpital ont assuré un suivi téléphonique de la patiente toutes les deux à trois semaines, afin de réévaluer le traitement. Neuf jours après son congé, la patiente se portait bien et prenait toujours l’ondansétron (8 mg trois fois par jour), la clonidine (0,1 mg deux fois par jour), l’oméprazole (20 mg une fois par jour) et l’hydroxyzine (25 mg au coucher). Vingt-trois jours après son congé, on réduisait la dose d’ondansétron à une fois par jour et on cessait l’oméprazole. Lors de ce suivi, la réduction de la dose de clonidine a été discutée. Deux semaines plus tard, la patiente avait effectivement réduit sa dose à 0,1 mg une fois © APES tous droits réservés Tableau I. Résultats des analyses de laboratoire et des signes vitaux Paramètres cliniques Valeur normalea Jour 1b Jour 2 Jour 3 Jour 4 Jour 5 Poids (kg) NA 57,6 Cétonurie Négative ++ Jour 6 57,3 57,6 58,9 59,4 ND ++ Négative ND ND ND Créatinine (μmol/l) 53 – 97 52 ND 32 34 33 ND Urée (mmol/l) 2,5 – 7,0 1,07 ND < 0,4 ND 0,5 ND Sodium (mmol/l) 133 – 143 131 135 132 136 132 ND Potassium (mmol/l) 3,5 – 5,1 Tension artérielle (mm Hg) 3,6 3,7 3,1 4,0 3,7 ND 120/68 138/72 126/75 111/63 113/67 127/60 99/62 127/66 116/63 121/67 95/58 101/59 100/54 105/58 106/58 92/55 86/50 99/53 91/55 Abréviations : NA : non applicable; ND : non disponible ure 1: Algorithme de traitement des nausées et vomissements durant la grossesse du CHU Sainte-Just Valeurs normales pour les adultes; le taux de créatinine sérique diminue durant la grossesse 3 Jour 1 : arrivée à l’hôpital à 14 semaines de grossesse ntréal a b Nausées et/ou vomissements de la grossesse Autre(s) cause(s)? Oui Non Est-ce que la patiente réussit à s'alimenter et à s'hydrater adéquatement? Réussit-elle à fonctionner durant la journée? Traiter cause sous-jacente + antiémétiques selon la condition de la patiente. Oui Non Méthodes non pharmacologiques. Antiémétiques au besoin. Déshydratée ? Oui Non Hospitalisation, nil per os Hydratation IV + thiamine 100 mg IV x 1 + métoclopramide IV + diphénhydramine IV. Méthodes non pharmacologiques + pyridoxine ou doxylamine + pyridoxine ou dimenhydrinate/diphénhydramine orale. Améliorée? Améliorée? Oui Oui Non Après 48 heures de traitement IV et si la diète solide est bien tolérée, passer aux médicaments par voie orale pendant au moins une semaine puis sevrage graduel. Ajouter pyridoxine IV. Augmenter la dose de métoclopramide IV jusqu'à dose maximale. À partir du 2e trimestre Ondansétron IV Méthylprednisolone IV. Continuer les médicaments au moins une semaine de façon régulière puis sevrage graduel. Non Si la patiente est déshydratée, hospitaliser et suivre le traitement ci-contre. Sinon, augmenter doses des médicaments et/ou ajouter métoclopramide par voie orale. Algorithme du CHU Sainte-Justine de Montréal pour le traitement des nausées et vomissements durant la grossesse gende: Figure 1. IV: intraveineux; Ex.: exemple. Abréviations : IV : intraveineux; Ex. : exemple Figure adaptée 3. Ce protocole représente la la pratique actuelle au CHU Sainte-Justine ure adaptée dedelala réf. réf.3. Représente pratique actuelle au CHU Ste-Justine. Reproduction de cet algorithme avec les autorisations requises des Éditions du CHU Sainte-Justine orisations obtenues pour reproduire la figure. 3 © APES tous droits réservés Pharmactuel 2015;48(1) 31 Tableau II. Médication et état clinique au cours de l’hospitalisation et au congé de l’hôpital Jour 1 État clinique • 5 à 6 Vo • Hématémèse • Hypersalivation Alimentation Nil per os Soluté d’hydratation NaCl 0,9 % + D5 % + KCl 20 meq/l IV à 150 ml/h Thiamine 100 mg IV (1 dose) Diphénhydramine 50 mg IV toutes les 6 heures Jour 2 • 10 Vo (nuit) • 3 Vo (journée) • Hématémèse • Hypersalivation Jour 3 Jour 4 • 7 Vo (nuit) • 7 Vo (journée) • Hypersalivation •Aucun Vo depuis la veille au soir •Nausées légères •Diminution de l’hypersalivation Alimentation liquide NaCl 0,9 % + D5 % + KCl 40 meq/l IV à 150 ml/h 45 mg IV dans 250 ml NaCl 0,9 % à 10 ml/h (perfusion IV continue) Ranitidine 50 mg IV toutes les 8 heures Pantoprazole Jour 6 Alimentation solide hypolipidique Arrêt 25 mg po quatre fois par jour Prescription externe : 25 mg po quatre fois par jour au besoin 150 mg po deux fois par jour Arrêt 65 mg IV en CESSÉ perfusion continue Arrêt 40 mg IV une fois par jour 40 mg IV deux fois par jour Arrêt Oméprazole Prescription externe : 20 mg po deux fois par jour Ondansétron 4 mg IV toutes les 8 heures Clonidine Pyridoxine Multivitamines Congé Arrêt Hydroxyzine Métoclopramide Jour 5 •Aucun Vo •Aucune hypersalivation 8 mg IV toutes les 8 heures 0,05 mg po deux fois par jour Arrêt; Relais po 4 à 8 mg toutes les 8 heures au besoin 0,1 mg po deux fois par jour Prescription externe : 8 mg po trois fois par jour Prescription externe : 0,1 mg po deux fois par jour 25 mg/l de soluté IV (90 mg par jour) Arrêt 10 ml IV une fois par jour Arrêt Abréviations : D5 % : soluté de dextrose à 5 %; h : heure; IV : intraveineux; KCl : chlorure de potassium; NaCl : soluté de chlorure de sodium; po : par voie orale; Vo : vomissement par jour, et elle prenait toujours l’ondansétron (8 mg une fois par jour). La patiente a finalement poursuivi et bien toléré la prise de clonidine (0,1 mg une fois par jour), d’ondansétron (8 mg une fois par jour) et d’hydroxyzine (25 mg une fois par jour) pendant toute sa grossesse jusqu’à l’accouchement à 38 semaines. Elle a donné naissance à une petite fille de 2 950 g, née à terme et en bonne santé. Analyse L’HG se caractérise par des nausées et des vomissements persistants, accompagnés d’une perte de poids supérieure à 5 % du poids d’avant la grossesse, d’une déshydratation, d’une cétonurie et de déséquilibres acidobasiques et électrolytiques, comme l’hypokaliémie1,3. Bien qu’on ne connaisse pas précisément l’étiologie des nausées et des vomissements de la grossesse, les facteurs contributifs comprennent la stase 32 Pharmactuel 2015;48(1) gastrique, les désordres hormonaux liés à la grossesse et la prise de multivitamines prénatales3. La prise en charge de l’HG consiste en une hospitalisation possible, une hydratation intraveineuse, l’arrêt de la prise d’aliments et l’administration d’antiémétiques, soit seuls, soit en combinaison3. De plus, l’administration d’une dose de thiamine parentérale préviendra l’encéphalopathie de Wernicke3. Par ailleurs, puisque les nausées et vomissements peuvent s’associer à des brûlures d’estomac et à un reflux gastro-œsophagien, il est nécessaire de les traiter4. Il est possible d’essayer plusieurs médicaments : les antiacides, le sucralfate et la ranitidine en premier recours, et les inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) en deuxième recours. Plusieurs auteurs ont passé en revue la littérature médicale portant sur l’efficacité et la sécurité des médicaments utilisés pour le traitement de l’HG5,6. Une diminution des nausées et des vomissements a été observée sous l’effet © APES tous droits réservés du métoclopramide, des antihistaminiques de type H1, de la pyridoxine, des phénothiazines, des corticostéroïdes et de l’ondansétron5,6. Toutefois, il n’a pas été possible de déterminer leur efficacité relative en raison du manque d’études comparatives6. De plus, aucun facteur ne permet de prédire la réponse individuelle aux antiémétiques6. En ce qui concerne l’innocuité des médicaments durant la grossesse, le métoclopramide, les antihistaminiques de type H1, la pyridoxine et les phénothiazines ne sont pas associés à un risque accru de malformations majeures du nouveau-né3,5. En raison de l’expérience clinique plus limitée avec l’ondansétron, ce dernier est réservé aux patientes réfractaires aux traitements habituels7,8. Par ailleurs, certaines études ont démontré une augmentation du risque de fente labiopalatine chez l’enfant avec l’utilisation des corticostéroïdes, spécifiquement lors d’un traitement entre la huitième et la onzième semaine de grossesse1. Même si le risque absolu demeure faible, leur utilisation au cours du premier trimestre de grossesse devrait se limiter aux patientes réfractaires, en favorisant la prednisone ou la méthylprednisolone1,3. En ce qui concerne l’utilisation des IPP pour la femme enceinte, on favorise l’oméprazole en raison de son innocuité mieux documentée et, dans les cas où la voie intraveineuse est nécessaire, il est possible d’utiliser le pantoprazole3. Le profil d’effets indésirables est un élément important à prendre en considération. Le métoclopramide et les phénothiazines sont susceptibles de causer de la somnolence et des réactions extrapyramidales3. L’ajout d’antihistaminiques, en plus de potentialiser l’effet de ces médicaments sur les nausées et les vomissements, aide à prévenir les réactions extrapyramidales3. Une étude appuie l’utilisation de la clonidine pour des patientes que les traitements habituels ne soulagent pas2. La clonidine est un agoniste alpha-adrénergique central, principalement utilisé comme antihypertenseur2. Elle a démontré son efficacité dans d’autres indications, notamment pour la réduction de la douleur et des nausées postopératoires9-12. Son mécanisme d’action comme antiémétique n’est actuellement pas connu2. Deux hypothèses principales sont avancées : une réduction sélective de la stimulation adrénergique cérébrale et une interaction avec les récepteurs imidazoline de la partie ventrale du tronc cérébral12,13. De plus, la clonidine, en réduisant la stimulation adrénergique cérébrale, serait efficace pour contrôler l’hypersalivation de différentes populations non obstétricales14. Cet effet pourrait être avantageux pour les patientes présentant une hypersalivation, car ce trouble est susceptible d’aggraver les nausées et les vomissements, en plus d’être en lui-même très incommodant15. Les publications sur l’utilisation de la clonidine pour traiter l’HG sont limitées. La seule qui existe consiste en une série de cas qui évaluait un traitement à la clonidine transdermique entrepris entre 8 et 16 semaines de grossesse par douze femmes enceintes présentant une HG réfractaire aux traitements habituels2. Le traitement consistait en un timbre de 5 mg de clonidine, libérant 0,2 mg par jour, qu’il fallait changer tous les cinq à six jours2. Les patientes recevaient en parallèle une hydratation intraveineuse2. Elles continuaient à prendre les antiémétiques (prométhazine, métoclopramide, dompéridone et ondansétron) et bénéficiaient d’un traitement © APES tous droits réservés contre le reflux et l’acidité gastrique (ranitidine, oméprazole)2. Quatre patientes ont reçu des corticostéroïdes, mais ces derniers ne montraient qu’une efficacité temporaire sur le contrôle des nausées et des vomissements2. L’observation des patientes à l’aide de deux échelles cliniques (l’échelle PUQE [Pregnancy Unique Quantification of Emesis] et l’échelle visuelle analogue) a démontré une amélioration significative des symptômes2. En effet, l’efficacité du traitement est apparue 36 à 48 heures après l’application du timbre et s’est maintenue jusqu’à la fin de l’hospitalisation2. Cependant, la durée de traitement n’était pas précisée pour certaines des patientes. Quatre patientes ont poursuivi le traitement au-delà de la quatorzième semaine de grossesse avec un sevrage graduel, et deux patientes l’ont poursuivi jusqu’à l’accouchement2. Les effets indésirables se sont avérés négligeables, sans que des symptômes d’hypotension aient été rapportés2. Par ailleurs, quelques patientes ont présenté une xérostomie ou une dysgueusie2. Du côté des nouveaunés, on n’a signalé aucune malformation ou effet indésirable2. Toutefois, on note trois accouchements prématurés, dont deux en raison d’une rupture prématurée des membranes2. Les données sur la clonidine pour la femme enceinte relèvent de son utilisation en tant qu’antihypertenseur2. Une étude de surveillance et une étude de cohorte ne montrent pas d’augmentation du taux de malformations majeures chez 65 nouveau-nés exposés lors du premier trimestre de grossesse16,17. De plus, une autre étude ne montre pas de différence sur le contrôle de l’hypertension, de la morbidité maternelle ainsi que de la mortalité et de la morbidité fœtales entre les groupes exposés à la clonidine (n = 47) ou au méthyldopa (n = 48) aux deuxième et troisième trimestres18. Récemment, une analyse de cohorte rétrospective a démontré un effet inconstant de la clonidine sur le débit cardiaque maternel et sur la croissance intra-utérine19. Bien que nous disposions de peu d’information sur l’innocuité de la clonidine, l’expérience avec la méthyldopa, un autre alpha2adrénergique central et agent antihypertenseur de première ligne dans les cas de grossesse, est rassurante17. On pourrait envisager d’utiliser la clonidine pour les cas d’HG réfractaires aux traitements habituels. Discussion La clonidine, qui combine une action antiémétique à une réduction de l’hypersalivation, semble avoir été bénéfique pour la patiente. D’un point de vue chronologique, le soulagement des vomissements et de l’hypersalivation pourrait être attribuable à la clonidine. En effet, les nausées et l’hypersalivation ont cessé environ 12 heures après la première dose, et la patiente n’a pas eu de récidive de vomissements. Ce soulagement s’est maintenu, car elle a commencé à tolérer l’alimentation liquide au jour cinq et l’alimentation solide au jour six de l’hospitalisation. De plus, l’état de la patiente ne s’est pas détérioré lors des suivis après la sortie de l’hôpital. Par contre, aucune échelle clinique de gravité des symptômes pour évaluer l’efficacité du traitement n’a été utilisée. Il faut obligatoirement pouvoir exclure tous les autres facteurs susceptibles de soulager les nausées et les vomissements avant de pouvoir attribuer l’amélioration de l’état de la patiente à la clonidine. Dans environ 80 % des cas, les nausées et Pharmactuel 2015;48(1) 33 vomissements de la grossesse atteignent habituellement une intensité maximale à la neuvième semaine et se résorbent avant la vingtième semaine3. La nécessité de poursuivre le traitement à la clonidine pendant toute la grossesse de la patiente témoigne de l’absence de résolution spontanée. Lorsqu’une hospitalisation est nécessaire, les patientes prises en charge selon le protocole de traitement de l’HG au CHU Sainte-Justine se sentent habituellement mieux dès les premières 24 heures de traitement et obtiennent leur congé de l’hôpital après trois jours de thérapie. Dans le cas présenté, la durée d’hospitalisation de six jours et l’absence d’amélioration après 48 heures témoignent de la gravité de la maladie. Lorsque la patiente a commencé à prendre la clonidine, elle prenait déjà de la pyridoxine, de l’ondansétron et du pantoprazole. La pyridoxine avait été administrée au jour un, sans entraîner d’amélioration de l’état de la patiente. L’ondansétron avait été ajouté au jour deux et optimisé au jour trois, sans qu’une amélioration de l’HG s’ensuive, alors qu’on pouvait s’attendre à un début d’action au bout de 30 minutes. Il est toutefois impossible d’exclure le fait que cet agent ait peutêtre contribué au soulagement des vomissements de la patiente, étant donné que l’augmentation de la dose de ce médicament est intervenue le jour même de l’instauration du traitement à la clonidine. Le métoclopramide avait été administré, mais il a été retiré au jour deux à cause de l’antécédent de réaction extrapyramidale de la patiente. La ranitidine intraveineuse avait été tentée pour traiter la gastrite érosive. Mais comme elle n’avait entraîné aucune amélioration de l’état de la patiente, on l’avait remplacée par le pantoprazole intraveineux, qui est l’IPP qui s’impose lorsqu’un patient ne tolère pas de traitement par voie orale. En traitant la gastrite érosive, le pantoprazole peut avoir contribué au soulagement des nausées et des vomissements de la patiente. Toutefois, malgré la diminution des douleurs épigastriques, la persistance des nausées et des vomissements montre que le pantoprazole n’était pas suffisant pour contrôler les symptômes. La poursuite du traitement à l’ondansétron et à l’hydroxyzine jusqu’à la fin de la grossesse pourrait avoir contribué au maintien de l’amélioration de l’état de la patiente après son congé de l’hôpital. L’effet indésirable principal de la clonidine à prendre en considération est l’hypotension, étant donné qu’une perfusion utéroplacentaire adéquate est nécessaire au développement fœtal. La tension artérielle de cette patiente est demeurée dans les normes après l’ajout de la clonidine ainsi que lors de l’augmentation de la dose de ce médicament, avec une diminution de la tension artérielle à une seule reprise sous le seuil d’hypotension, fixé à 90/45 mm Hg par le médecin traitant. L’issue de cette grossesse est normale sur le plan de l’âge gestationnel, du poids à la naissance et de l’absence de malformations majeures. La série de cas de Maina et coll. rapporte l’utilisation du timbre transdermique de 5 mg de clonidine, libérant 0,2 mg par jour, et remplacé tous les cinq à six jours2. L’absorption du timbre est d’environ 60 %, mais pourrait théoriquement 34 Pharmactuel 2015;48(1) être supérieure lors d’une grossesse20. Si l’on envisage une absorption orale de 75 à 100 %, une dose orale de clonidine de 0,1 mg deux fois par jour peut être jugée équivalente à la dose du timbre transdermique21. Malgré l’absence d’études sur la clonidine par voie orale pour le traitement de l’HG, le fait que les timbres transdermiques de clonidine n’existent pas sur le marché canadien a favorisé le choix de la clonidine par voie orale2. Cette voie semble avoir été efficace et bien tolérée dans le cas présent. En effet, bien que la voie intraveineuse ait été utilisée pour tous les médicaments au moment de la mise en route du traitement à la clonidine, la patiente a réussi à prendre des comprimés de clonidine par voie orale dès la première dose. Il n’existe pas d’autres voies d’administration disponibles pour la clonidine au Canada. L’utilisation de la clonidine pour traiter l’HG suscite l’intérêt de la recherche. En effet, l’étude clinique CLONEMESI à répartition aléatoire, contrôlée avec placebo est en cours pour évaluer l’efficacité et l’innocuité de la clonidine transdermique pour le soulagement des symptômes graves de l’HG chez les femmes dont la grossesse se situe entre 6 et 12 semaines22. Conclusion Le cas présenté est celui d’une femme souffrant d’HG réfractaire aux traitements usuels, mais ayant vu son état s’améliorer après avoir pris de la clonidine par voie orale. Lorsque les traitements habituels sont inefficaces, la clonidine constitue une option thérapeutique à explorer, particulièrement en présence d’hypersalivation, qui peut aggraver les nausées et les vomissements. Il existe peu de données sur l’innocuité de la clonidine administrée aux femmes enceintes. De plus, peu de publications scientifiques appuient l’utilisation de la clonidine pour soulager les vomissements réfractaires pendant la grossesse. Des études sont en cours pour clarifier son utilité dans cette indication. Financement Aucun financement en relation avec le présent article n’a été déclaré par les auteurs. Conflits d’intérêts Tous les auteurs ont rempli et soumis le formulaire de l’ICMJE pour la divulgation de conflit d’intérêts potentiel. Les auteurs n’ont déclaré aucun conflit d’intérêts en relation avec le présent article. Remerciements Cet article a été réalisé dans le cadre du cours Communication scientifique de la Faculté de pharmacie de l’Université de Montréal. Les auteurs remercient les responsables ainsi que Caroline Morin, pharmacienne au CHU Sainte-Justine, pour les commentaires reçus lors de la rédaction de cet article. Une autorisation écrite a été obtenue de ces personnes. © APES tous droits réservés Références 1. 2. 3. 4. 5. 6. 7. 8. Arsenault MY, Lane CA, MacKinnon CJ, Bartellas E, Cargill YM, Klein MC et coll. The management of nausea and vomiting of pregnancy. J Obstet Gynaecol Can 2002;24:817-31. Maina A, Todros T. A novel approach to hyperemesis gravidarum: evaluation by a visual analogue score and treatment with transdermal clonidine. Obstet Med 2011;4:156-9. Ferreira E, Caron N. Nausées et vomissements. Dans : Ferreira E, Martin B, Morin C, rédacteurs. Grossesse et allaitement, guide thérapeutique. 2e éd. Montréal : Éditions du CHU Sainte-Justine; 2013. p. 471-90. Gauthier L, Maisonneuve E. Reflux gastro-oesophagien et ulcère gastro-duodénal. Dans : Ferreira E, Martin B, Morin C, rédacteurs. 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She was vomiting, with hypersalivation, epigastralgia, weight loss, ketonuria and hypokalemia, leading to a diagnosis of hyperemesis gravidarum. Several treatments were used to relieve the symptoms: hydration, pyridoxine, diphenhydramine, metoclopramide, ranitidine, pantoprazole, and ondansetron. Finally, oral clonidine was prescribed, resulting in the patient’s significant and lasting symptomatic relief from hyperemesis gravidarum. Discussion: Hyperemesis gravidarum is a complication of pregnancy in up to 2% of cases. A number of drugs can be used for this condition, but some patients do not respond to the usual treatment. Clonidine is a central alphaadrenergic agonist used mainly as an antihypertensive. Limited data exist in the scientific literature to support its use in the treatment of refractory hyperemesis gravidarum. From a chronological and clinical standpoint, clonidine was effective in relieving hyperemesis gravidarum in this patient. Conclusion: This case report describes the use of clonidine in a patient with hyperemesis gravidarum that was refractory to standard treatment. The efficacy of this agent should be evaluated in clinical trials to better determine its therapeutic role. Keywords: Clonidine, hyperemesis gravidarum, pregnancy, vomiting © APES tous droits réservés Pharmactuel 2015;48(1) 35 VOTRE EXPÉRIENCE AVEC... Évaluation de la prévalence d’une carence en thiamine chez des patients insuffisants cardiaques traités à long terme au furosémide Amélie Fournier1,2, B.Pharm., M.Sc., Maude Blanchet2, B.Pharm., M.Sc., Sarah Lessard2, B.Pharm., M.Sc., Paul Poirier 3,4, M.D., Ph.D. Candidate à la maîtrise en pharmacothérapie avancée au moment de la rédaction de l’article, Faculté de pharmacie, Université Laval, Québec (Québec) Canada; 2 Pharmacienne, Hôpital de l’Enfant-Jésus du Centre hospitalier universitaire de Québec, Québec (Québec) Canada; 3 Cardiologue, Institut universitaire de cardiologie et de pneumologie de Québec, Québec (Québec) Canada; 4 Professeur titulaire, Faculté de pharmacie, Université Laval, Québec (Québec) Canada 1 Reçu le 22 juillet 2014; Accepté après révision le 6 novembre 2014 Résumé Objectif : Évaluer la prévalence et les conséquences d’une carence en thiamine chez des patients insuffisants cardiaques prenant quotidiennement du furosémide. Mise en contexte : Une grave carence en thiamine peut provoquer une symptomatologie similaire à celle de l’insuffisance cardiaque et être ainsi un facteur potentiellement aggravant de cette maladie. Résultats : Les 26 patients inclus dans l’étude prenaient une dose moyenne quotidienne de furosémide de 144 ± 69,6 mg. Aucun patient ne présentait de carence plasmatique en thiamine (concentration plasmatique moyenne de 40,8 ± 21,7 nmol/l). La fraction d’éjection ventriculaire gauche des patients ayant un taux de thiamine plasmatique inférieur à la médiane de l’échantillon (35 nmol/l; p = 0,13) n’était pas significativement inférieure. L’alimentation de trois patients était carencée en thiamine. Les patients ayant un taux de thiamine plasmatique supérieur ou égal à 35 nmol/l tendaient à avoir une meilleure qualité de vie (p = 0,06). Discussion : La prise quotidienne d’un diurétique de l’anse de Henlé devrait être considérée comme un facteur de risque de carence en thiamine, et ce, indépendamment de la dose reçue. Les résultats obtenus semblent indiquer que la diminution du taux de thiamine plasmatique entraîne une dégradation cliniquement significative de la qualité de vie. Conclusion : Les données sont insuffisantes pour conclure à un lien entre la prise d’une forte dose de furosémide et une prédisposition à une carence en thiamine plasmatique. Mots clés : Carence, fraction d’éjection du ventricule gauche, furosémide, insuffisance cardiaque, qualité de vie, thiamine Introduction L’insuffisance cardiaque (IC) touche 1 à 2 % de la population canadienne, soit plus de 400 000 individus1,2. Malgré les avancées thérapeutiques, le taux de mortalité lié à l’IC dépasse 50 % après cinq ans, et l’incidence de la maladie ne cessera de croître au rythme du vieillissement de la population2,3. Cette maladie représente la première cause d’hospitalisation des patients de plus de 65 ans, et les coûts associés à cette maladie sont un sujet de préoccupation constant3,4. Une relation inverse existe entre la fraction d’éjection du ventricule gauche (FEVG) et le taux de mortalité5. Le but des thérapies reconnues par les lignes directrices canadiennes est donc d’améliorer la fonction cardiaque ainsi que la symptomatologie des patients. Cependant, d’autres solutions permettant une prise en charge optimale des patients atteints d’IC sont à l’étude. Un lien entre les taux sanguins de micronutriments et la fonction cardiaque est connu depuis une soixantaine d’années6. Une grave carence en thiamine, notamment, peut provoquer une symptomatologie similaire à celle de l’IC et être ainsi un facteur potentiellement aggravant de cette maladie. En effet, une carence en thiamine peut mener à une rétention hydrosodée, une vasodilatation périphérique, une fatigue, des palpitations, une dyspnée, un œdème et une atteinte neurologique7. En outre, les patients atteints d’IC sont plus susceptibles de présenter une carence en thiamine en raison non seulement de leur médication, mais également de leur âge avancé, de leur fonction rénale souvent diminuée ainsi que de leur apport alimentaire limité tant en raison de l’anorexie engendrée par l’augmentation de la surcharge liquidienne que par les restrictions alimentaires imposées par leur état de santé6. Pour toute correspondance : Amélie Fournier, Hôpital Enfant-Jésus du Centre hospitalier universitaire de Québec, 1401, 18e Rue, Québec (Québec) G1J 1Z4 CANADA; Téléphone : 418 649-0252; Télécopieur : 418 649-5923; Courriel : [email protected] 36 Pharmactuel 2015;48(1) © APES tous droits réservés La prise de diurétiques, traitement symptomatique fondamental de l’IC, entraîne une augmentation de l’excrétion urinaire de la thiamine chez le rat8,9. La prévalence de la carence en thiamine est de 3 à 96 % dans des populations de patients insuffisants cardiaques10. Cette variabilité s’explique par l’utilisation de techniques de dosage différentes, la petite taille des échantillons, l’état nutritionnel variable des patients, la présence de comorbidités diverses, la diversité de la médication concomitante (y compris les doses et les types de diurétiques utilisés) ainsi que la sous-déclaration de l’usage de suppléments vitaminiques10. En 2006, Hanninen et coll. ont publié une étude observationnelle menée auprès de 100 patients insuffisants cardiaques hospitalisés. De ces patients, 33 % présentaient une carence en thiamine, comparativement à 12 % dans le groupe témoin11. L’effet d’une supplémentation en thiamine demeure toutefois à définir, quoique quelques petites études aient démontré une amélioration de la FEVG allant jusqu’à 22 % en seulement six semaines avec un traitement de suppléance en thiamine12,13. Devant ces résultats, d’autres études sont requises. L’objectif principal de l’étude est d’évaluer la prévalence de la carence en thiamine chez des patients adultes insuffisants cardiaques qui reçoivent une dose moyenne quotidienne de furosémide supérieure ou égale à 80 mg depuis au moins trois mois. Les objectifs secondaires visent à évaluer s’il existe un lien entre la carence en thiamine et la dose moyenne quotidienne de furosémide, la FEVG, la classe fonctionnelle NYHA (New York Heart Association), la qualité de vie (QdV) et la durée d’utilisation du diurétique. Un autre objectif secondaire consiste à déterminer l’effet de différents facteurs confondants potentiels sur le taux plasmatique en thiamine, tels que l’âge, la prise d’une multivitamine, l’association de diurétiques, la présence de diabète, le taux de magnésium sanguin, la fonction rénale ou la prise de digoxine. Méthode Protocole de recherche et méthode L’étude présentée est une étude unicentrique, descriptive et transversale. Les échantillons plasmatiques sont recueillis prospectivement. À la fin de la période de sélection des participants, un envoi commun achemine ces échantillons à In-Common Laboratories Inc. (Toronto, Ontario, Canada) aux fins d’analyse rétrospective. Population à l’étude Cette étude cible les patients atteints d’IC systolique ou diastolique utilisant du furosémide à une dose moyenne minimale quotidienne de 80 mg. Les patients ont été identifiés à l’aide d’une revue de l’utilisation du furosémide au sein de l’unité de cardiologie de l’Hôpital de l’Enfant-Jésus, effectuée grâce au logiciel GESPHARX8MD (CGSI@solution-TI INC, Québec, Canada). La collaboration de l’infirmière de pratique spécialisée en cardiologie, travaillant à la clinique externe des maladies cardiaques subaigües, a également été précieuse pour identifier les patients lors des suivis quotidiens auprès des patients insuffisants cardiaques qui lui sont adressés. Enfin, la collaboration du cardiologue, du pharmacien clinicien et de l’assistante infirmière chef en © APES tous droits réservés cardiologie a été requise pour l’identification des candidats potentiels lors de leur admission. Pour être inclus dans cette étude, les patients devaient être âgés d’au moins 18 ans et avoir reçu un diagnostic d’IC systolique ou diastolique. De plus, ils devaient être traités avec du furosémide à domicile à une dose moyenne quotidienne supérieure ou égale à 80 mg, pour une durée minimale de trois mois. Tous devaient fournir leur consentement libre et éclairé. Afin d’être comparable à celle des études déjà publiées sur le sujet, la taille de l’échantillon a été estimée à un minimum de 60 patients. Les critères d’exclusion étaient ceux qui pouvaient affecter le métabolisme de la thiamine ou en limiter l’apport exogène. Ainsi, les patients étaient exclus s’ils consommaient régulièrement de l’alcool éthylique (un maximum de trois consommations par jour en moyenne sur sept jours), ou s’ils présentaient un état hypermétabolique (p. ex. : néoplasie active, infection générale grave, infection par le virus d’immunodéficience humaine)14. Les autres facteurs d’exclusion étaient une suppléance rénale, des antécédents de chirurgie bariatrique et la prise régulière d’une multivitamine contenant de la thiamine à une dose égale ou supérieure à 50 mg 6. Collecte de données La collecte des données s’est effectuée de façon prospective, du 29 octobre 2012 au 28 février 2013, à l’aide de trois outils regroupant toutes les variables pertinentes. L’outil principal contenait les données anthropométriques, médicales, biochimiques, diététiques et pharmacologiques du patient. Elles incluaient les facteurs confondants potentiels, soit l’âge, la prise d’une multivitamine, la prise de diurétiques concomitants, la présence de diabète, le taux de magnésium sanguin, la fonction rénale et la prise de digoxine. La collecte de ces données était à visée prospective lors du recueil des antécédents pharmacothérapeutiques. Le calcul de la dose moyenne quotidienne de furosémide reçue par le patient depuis les trois derniers mois s’est effectué à partir d’un recensement de toutes les doses reçues et de la durée d’exposition respective, selon le dossier pharmacologique de la pharmacie privée. L’intervalle normal attendu pour la concentration plasmatique en thiamine était de 7 à 44 nmol/l, soit l’intervalle suggéré par le laboratoire. Le second outil a été réalisé avec l’aide de la nutritionniste afin de faciliter la mise en évidence d’une carence alimentaire quotidienne en thiamine. La carence alimentaire en thiamine était définie comme un apport inférieur à la quantité quotidienne minimale recommandée par le Guide alimentaire canadien, soit 1,2 mg pour les hommes et 1,1 mg pour les femmes. La nutritionniste a analysé tous les questionnaires alimentaires. Le troisième outil utilisé est le questionnaire Minnesota Living with Heart Failure (MLHFQ), qui concerne la qualité de vie. Ce questionnaire de 21 questions permet d’évaluer dans quelle mesure les symptômes cardiaques du patient nuisent à la réalisation des activités quotidiennes. Ce questionnaire a été validé pour une population atteinte d’insuffisance cardiaque15. Le projet a reçu l’approbation du comité d’éthique de la recherche du Centre hospitalier affilié de Québec. En raison du Pharmactuel 2015;48(1) 37 caractère prospectif de l’étude et du prélèvement d’échantillons biologiques aux fins d’analyse, chaque patient inclus dans l’étude (ou son curateur lorsque le patient était inapte à donner son consentement) a reçu et signé librement un formulaire d’information et de consentement. Analyse statistique Résultats Des 221 dossiers consultés, nous en avons sélectionné 28, dont 17 (60,7 %) de patients hospitalisés. La raison principale de l’exclusion de 123 patients (63,7 %) est due au fait qu’ils n’avaient pas reçu la dose de furosémide quotidienne moyenne minimale requise de 80 mg sur une période de trois mois. De plus, 27 patients ont refusé de participer au projet de recherche. Parmi ces derniers, 18 (66,7 %) provenaient de la clinique externe des maladies cardiaques subaigües. Nous avons exclu un patient, car il prenait une multivitamine contenant 250 mg de thiamine. Nous avons exclu deux des 28 patients enrôlés en raison de l’impossibilité d’analyser leur échantillon sanguin. Par conséquent, la population étudiée est composée de 26 patients. Le schéma d’inclusion et de la répartition des patients exclus est présenté à la figure 1. Le tableau I présente les caractéristiques détaillées des patients à l’étude. L’analyse des variables quantitatives, tant discrètes que continues, s’est effectuée à l’aide de mesures de tendance centrale (moyennes, médianes) et de mesures de dispersion (écarts-types, étendue). Les variables qualitatives ont été analysées en termes de proportions. Le test de corrélation de Pearson a permis de mesurer le lien entre la gravité de la carence en thiamine et les différentes variables mesurées. En cas d’absence de deux variables quantitatives respectant une loi normale, nous avons utilisé le test de corrélation de Spearman. Une comparaison statistique entre le groupe ayant un taux plasmatique en thiamine inférieur à la médiane Aucun des 26 dosages de thiamine plasmatique n’est et le groupe ayant un taux supérieur ou égal à la médiane inférieur à 7 nmol/l (moyenne de 40,8 ± 21,7 nmol/l). La devait être effectuée à l’aide d’un test du Khi carré. De plus, médiane se situe à 35 nmol/l avec une étendue de 15 à dans le cas d’un petit échantillon, le test de Fisher exact a été 111 nmol/l. En l’absence de patients présentant une carence utilisé, alors que le test t de Student était utilisé dans le cas en thiamine plasmatique, nous avons créé deux groupes de comparaison de moyennes. Toutes les valeurs de p étaient au sein de l’échantillon, à partir de la valeur médiane. Les résultats sont présentés dans le tableau II. bilatérales, et le seuil de signification a été fixé à une valeur inférieure à 5 %. Figure 1. Schéma d’inclusion et raisons d’exclusion des patients de l’étude 38 Pharmactuel 2015;48(1) 221 patients ciblés 193 exclusions Dose moyenne quotidienne minimale de 80 mg de furosémide non atteinte 123 Durée d’exposition insuffisante au furosémide aux doses adéquates 1 Prise quotidienne de Prise de furosémide pour une multivitamine ≥ 50 mg de raison médicale autre que l’insuffisance cardiaque thiamine 16 1 28 inclusions Ponctions veineuses ne pouvant être analysées 2 26 inclusions Figure 1. Schéma d’inclusion et raisons d’exclusion Refus de participer 27 Incapacité à consentir 3 Départ 2 Éthylisme 1 Cancer 3 Décès 7 Inconnue 9 des patients de l’étude © APES tous droits réservés Les patients hospitalisés ont des taux plasmatiques inférieurs à ceux suivis en clinique externe à la limite de la différence statistique (32,6 ± 15,6 nmol/l contre 48,9 ± 24,4 nmol/l, p = 0,05). En outre, les autres caractéristiques anthropométriques, telles que le sexe, l’âge, le poids et l’indice de masse corporelle (IMC) n’influencent pas de façon statistiquement significative les taux de thiamine plasmatique. Comme seulement deux patients sont d’une origine autre que nord-américaine, nous n’avons pu mener aucune analyse en fonction de ce facteur. Parmi les données biochimiques, nous avons observé une différence statistiquement significative de la clairance à la créatinine. En effet, cette dernière est plus importante dans le groupe ayant un taux de thiamine plasmatique inférieur à 35 nmol/l que dans le groupe ayant un taux de thiamine plasmatique minimal de 35 nmol/l (57,2 ± 24,2 contre 34,2 ± 11,5 ml/min, p = 0,0049). Enfin, le dosage des ions collectés, notamment du magnésium et du potassium, a révélé des valeurs normales au moment de la sélection des patients, ce qui limite donc une telle analyse. La dose de furosémide moyenne quotidienne est la seule variable liée à la prise de médication pour laquelle une différence entre les deux groupes est statistiquement significative. En effet, la dose est supérieure dans le groupe ayant un taux de thiamine plasmatique supérieur ou égal à 35 nmol/l (166,6 ± 72,7 mg contre 113,0 ± 33,0 mg, p = 0,02). La comparaison des deux groupes en ce qui concerne la durée d’exposition au furosémide ainsi que la prise de diurétiques supplémentaires, tels que la spironolactone (n = 7), l’éplérénone (n = 3), la métolazone (n = 1) ou une association d’agents (n = 10), ne montre pas de différences statistiquement significatives (respectivement p = 0,82 et p = 0,64). Les patients exposés à la médication pendant une période de plus de cinq ans n’avaient pas de taux Tableau I. Caractéristiques des patients à l’étude Caractéristiques Nombre de patientsa Classe fonctionnelle NYHA Caractéristiques générales (n = 26) Classe I 2 (7,7) Hommes 17 (65,4) Classe II 9 (34,6) Caucasiens 24 (92,3) Classe III 13 (50) Patients hospitalisés 13 (50) Classe IV 2 (7,7) Âge moyen (années ± écart-type) 76 ± 11 Poids moyen (kg ± écart-type) 82,3 ± 18,9 Indice de masse corporelle moyen (kg/m2 ± écart-type) 29,8 ± 8,6 Qualité de vie moyenne (0 à 105 ± écart-type) Médicaments (n = 26) Diurétiques Dose moyenne de furosémide (mg ± écart-type) 43 ± 19 Prise de plus d’un diurétique 10 (38,5) Spironolactone 7 (26,9) Éplérénone 2 (7,7) Apport alimentaire quotidien (mg/jour ± écart-type) Hommes 1,8 ± 0,8 Femmes 1,4 ± 0,4 Carence en thiamine alimentaire Éplérénone et métolazone IECA 3 (11,5) Caractéristiques médicales (n = 26) FEVG moyenne (% ± écart-type) 37 ± 13 FEVG ≤ 40 % 16 (61,5) 138,3 ± 62,7 1 (3,8) 11 (42,3) FEVG ≤ 40 % (n = 16) 9 (56,3) Ischémie (n = 17) 7 (41,1) ARA 1 (3,9) Patients diabétiques 10 (38,5) FEVG ≤ 40 % (n = 16) 0 (0) Insuffisance rénale (< 60 ml/minb) 22 (84,6) Ischémie (n = 17) 0 (0) Clairance de la créatinine moyenne (ml/min ± écart-type) b 45 ± 22 Bêta-bloqueur Stade d’insuffisance rénale Stade 1 (≥ 90 ml/min) 2 (7,7) Stade 2 (60 à 89 ml/min) 2 (7,7) Stade 3 (30 à 59 ml/min) 17 (65,4) Stade 4 (15 à 29 ml/min) Stade 5 (< 15 ml/min) Causes de l’insuffisance cardiaque Insuffisance valvulaire 6 (23,1) Infection virale 1 (3,8) 2 (7,7) a 2 (7,7) b © APES tous droits réservés 14 (82,4) 11 (42,3) FEVG ≤ 40 % (n = 16) 9 (56,3) Ischémie (n = 17) 7 (41,1) Digoxine 4 (15,4) Multivitamine 1 (3,8) Abréviations : ARA : antagoniste des récepteurs de l’angiotensine II; FEVG : fraction d’éjection du ventricule gauche; IECA : inhibiteur de l’enzyme de conversion de l’angiotensine II ; NYHA : New York Heart Association Hypertension artérielle Inconnue Ischémie (n = 17) IECA + Bêta-bloqueur 0 (0) 15 (57,7) 14 (87,5) Double thérapie 5 (19,2) Ischémie 23 (88,5) FEVG ≤ 40 % (n = 16) Les données sont présentées sous forme de n (%) ou moyenne (écart-type), sauf indication contraire Formule Cockcroft-Gault utilisée selon le poids réel pour un indice de masse corporelle (IMC) ≤ 34 kg/m2 et selon le poids de dosage pour un IMC > 35 kg/m2 16 Pharmactuel 2015;48(1) 39 Tableau II. Caractéristiques des patients en fonction de leur taux plasmatique de thiamine Thiaminep < 35 nmol/l N = 13 Thiaminep ≥ 35 nmol/l N = 13 Puissance statistique (valeur p) Facteurs descriptifs et anthropométriques Hommes, n (%) Âge (années ± écart-type) Poids (kg ± écart-type) Indice de masse corporelle (kg/m2 ± écart-type) Ethnie autre que caucasienne, n (%) 9 (69,2) 73 ± 13 88 ± 24 31,3 ± 11,4 1 (7,7) 8 (61,5) 79 ± 8 78 ±12 27,6 ± 4,5 1 (7,7) 1 0,19 0,19 0,29 1 Facteurs liés à la médication Furosémide Dose moyenne quotidienne (mg ± écart-type) Durée d’exposition (années ± écart-type) Exposition < 5 ans, n (%) Codiurétiques (> 1 diurétique), n (%) Spironolactone, n (%) 113 ± 33 4,5 ± 3,6 6 (46,2) 5 (38,5) 3 (23,1) 166,6 ± 72,7 5,3 ± 3,8 6 (46,2) 5 (38,5) 4 (30,8) 0,02 0,64 1 1 1 Facteurs médicaux Patients hospitalisés, n (%) FEVG moyenne (% ± écart-type) Diabète, n (%) Cause ischémique, n (%) 10 (76,9) 34 ± 12 7 (53,8) 7 (53,8) 3 (23,1) 40 ± 14 8 (61,5) 8 (61,5) 0,017 0,13 1 1 Qualité de vie (score Minnesota moyen ± écart-type) 50 ± 16,6 35 ± 20,4 0,058 Évaluation nutritionnelle Apport moyen (mg/jour ± écart-type) 1,6 ± 0,5 1,9 ± 1 0,42 57,2 ± 24,2 9 (69,2) 34,2 ± 11,5 13 (100) 0,0049 0,096 Facteurs biochimiques Clairance de la créatinine moyenne (ml/min ± écart- type) Stade d’insuffisance rénale 3 à 5 (< 60 ml/min), n (%) Abréviations : FEVG : fraction d’éjection du ventricule gauche; Thiaminep : thiamine plasmatique Les données sont présentées sous forme de n (%) ou moyenne (écart-type), sauf indication contraire plasmatiques de thiamine statistiquement inférieurs à ceux y étant exposés depuis moins longtemps (33,1 ± 13,1 nmol/l contre 46,4 ± 26,2 nmol/l, p = 0,12). Parmi les facteurs médicaux pouvant influencer la prévalence d’une carence en thiamine, une IC de cause ischémique ou un diabète ne sont pas associés à une baisse du taux de thiamine plasmatique (p = 1 dans les deux cas). De plus, ni la FEVG ni la classe fonctionnelle NYHA n’influencent de manière statistiquement significative les concentrations plasmatiques de thiamine des patients (respectivement p = 0,13 et p = 0,39). L’évaluation nutritionnelle indique que la prise alimentaire quotidienne de thiamine est adéquate chez 88,5 % des patients. Le groupe ayant un taux de thiamine plasmatique inférieur à la valeur médiane de l’échantillon, soit 35 nmol/l n’a pas un apport exogène quotidien estimé en thiamine inférieur à celui du groupe dont le taux de thiamine plasmatique est supérieur ou égal à 35 nmol/l (1,6 ± 0,5 mg contre 1,9 ± 1,0 mg, p = 0,42). Deux des trois patients présentant une carence alimentaire en thiamine font partie du premier groupe, avec des taux respectifs de thiamine plasmatique de 15 et 29 nmol/l. En outre, nous avons évalué la qualité de vie de chacun des patients. Ceux ayant un taux de thiamine plasmatique inférieur à 35 nmol/l obtiennent un score plus élevé selon le MLHFQ que ceux dont le taux plasmatique est plus élevé, soit 40 Pharmactuel 2015;48(1) un résultat à la limite de la différence statistique (50 ± 16,6 contre 35 ± 20,4, p = 0,06). Rappelons que plus le score se rapproche du maximum théorique (105 points), plus la qualité de vie est mauvaise. Discussion Cette étude fait suite à quelques petites études publiées sur le sujet, ayant démontré des prévalences de carence en thiamine très variables (entre 3 et 96 %) dans des populations atteintes d’IC. De plus, cette étude est la première à s’intéresser au lien potentiel entre une carence en thiamine et une diminution de la qualité de vie. Malgré les quelques lacunes de la méthode utilisée et les embûches rencontrées, notamment la complexité administrative entourant la gestion des dosages en dehors de la province, la petite taille de l’échantillon et les multiples intervenants ayant participé à la cueillette de données, la principale force de cette étude est son protocole prospectif nécessaire à l’évaluation de la qualité de vie. En effet, bien qu’ils ne répondent pas aux attentes initiales, les résultats présentés et discutés ci-dessus sont bien appuyés par une collecte de données exhaustive. Enfin, notre méthode est comparable à celles des diverses études consultées sur le sujet, tant par la nature des variables recueillies que par les analyses statistiques menées, ce qui permet ainsi une analyse comparative des résultats. © APES tous droits réservés Premièrement, aucun patient ne s’est avéré carencé en thiamine, selon le seuil prédéterminé de 7 nmol/l. Ce résultat va à l’encontre de l’hypothèse initiale consistant à observer une prévalence de carence en thiamine d’environ 33 % au sein de l’échantillon. Cette divergence s’explique principalement par la non atteinte d’une puissance statistique suffisante. De plus, en l’absence de patients présentant une carence en thiamine plasmatique, une analyse de stratification des taux de thiamine plasmatique a permis de classifier les patients. Nous n’avons pas recensé une telle procédure dans les textes consultés. Ainsi, l’interprétation des dosages en thiamine plasmatique est limitée au seuil fixé par le laboratoire ontarien ayant effectué les dosages. Par contre, bien que la moyenne des taux de thiamine plasmatiques se situe à 40,8 nmol/l, ces taux varient de 15 à 111 nmol/l, ce qui laisse présager l’existence de certains facteurs qui peuvent expliquer un tel écart entre les patients. Description de la population Les caractéristiques des patients sélectionnés reflètent bien la population insuffisante cardiaque17-20. En effet, l’IC est une maladie qui prévaut dans une population âgée, majoritairement masculine et ayant de multiples comorbidités4. De plus, les caractéristiques de l’échantillon se comparent bien à celles de l’étude menée par Hanninen et coll., à l’exception de l’âge moyen de la population, plus élevé dans notre échantillon (76 ans) que dans celui de l’étude de Hanninen et coll. et d’autres études portant sur l’IC11,19,21,22. Cependant, cette valeur reflète bien le type de patients hospitalisés à l’unité de cardiologie ou suivis en clinique externe des maladies cardiaques subaigües de l’Hôpital de l’Enfant-Jésus, soit des patients davantage gériatriques et ayant une IC de stade plus avancé11,21,22. Différentes références traitant de la thiamine et des facteurs de risque d’une carence de cette vitamine mentionnent que l’âge peut augmenter la prévalence d’une carence chez les patients hospitalisés ou résidant dans les centres de soins de longue durée10,23. Cependant, l’étude actuelle n’a pu établir de corrélation similaire de façon significative. Elle montre même des patients légèrement plus âgés dans le groupe, ayant un taux de thiamine plasmatique supérieur ou égal à la médiane (p = 0,19). Le seul élément distinguant notre échantillon de celui des études menées dans le domaine de l’IC est la présence d’un IMC moyen plus élevé, soit 29,8 kg/m2 18,19. Une étude menée sur les facteurs de risque de dénutrition parmi les patients IC hospitalisés a obtenu, sur un échantillon de 666 patients, un IMC moyen de 27,7 kg/m2 24. Il est possible que dans notre échantillon, le poids des patients hospitalisés en phase aigüe de décompensation de leur IC ait été surévalué, en raison d’une surcharge liquidienne ou d’un œdème important. De plus, puisque la majorité de nos patients (88,5 %) n’ont pas présenté de carence alimentaire, il est possible que leur alimentation puisse compenser les pertes urinaires substantielles en thiamine engendrées par la prise de diurétiques par des patients ayant conservé l’appétit. Un seul des patients inclus dans l’étude prenait quotidiennement une multivitamine contenant 1,2 mg de thiamine. Bien qu’il ait été exposé à une moyenne quotidienne de 160 mg de furosémide, en plus de 75 mg de spironolactone, sa concentration en thiamine plasmatique © APES tous droits réservés était de 111 nmol/l, soit la valeur maximale observée dans notre échantillon. De plus, ce patient avait conservé l’appétit, et son apport alimentaire quotidien dépassait la valeur minimale requise par jour. Ces observations laissent entendre que la prise quotidienne d’une très petite quantité de thiamine, tant alimentaire que par la prise d’une multivitamine, peut prévenir efficacement une carence tant alimentaire que secondaire à la prise d’un diurétique. Enfin, 56,3 % et 87,5 % des 16 patients sélectionnés ayant une FEVG inférieure ou égale à 40 % prenaient respectivement un inhibiteur de l’enzyme de conversion de l’angiotensine II (IECA) et un bêtabloqueur à domicile. Lorsque nous comparons nos résultats avec ceux des dernières études menées dans le domaine de l’IC, nous observons que les taux de prise de ces médicaments à domicile ne sont pas optimaux. À noter que pour cette étude, nous n’avons compilé aucune information sur la tolérance ou les diverses contre-indications aux médicaments. Association entre divers facteurs et le dosage plasmatique en thiamine Plusieurs tests sont disponibles sur le marché afin de mesurer les concentrations en thiamine, soit sérique, érythrocytaire, plasmatique, urinaire ou par évaluation de l’activité de la transkétolase érythrocytaire. Ce dernier test a été majoritairement utilisé dans les études similaires à la nôtre, afin de mieux caractériser la carence par un pourcentage de la fonction érythrocytaire suivant un apport exogène en thiamine. Cependant, ce test demeure non spécifique et peut être influencé par l’apport oral de thiamine. Le test permettant le mieux d’évaluer une carence en thiamine est l’analyse de la concentration sérique ou érythrocytaire en thiamine, qui reflète davantage les réserves corporelles totales (80 %) et est peu influencée par les apports oraux2,10. Le dosage de la thiamine plasmatique est un test d’analyse discutable pour stratifier, voire même diagnostiquer une carence en thiamine. En effet, la thiamine plasmatique représente 20 % de la concentration sanguine de la vitamine, et son taux est fortement affecté par l’apport alimentaire récent, tout comme la thiamine urinaire. Cependant, comme aucun test de mesure du taux de thiamine n’est disponible au Québec et que nous voulions avoir recours à un test abordable et accessible, nous avons choisi, pour cette étude, de mesurer les concentrations en thiamine plasmatique. L’exposition à une dose moyenne quotidienne de 138 mg de furosémide est légèrement inférieure aux moyennes et écarts observés dans différentes études21,22. Nous avons déterminé le seuil initial de 80 mg de furosémide en tenant compte des résultats des études de Zenuk et coll. et de Brady et coll., qui ont observé respectivement une carence en thiamine chez 96 % et 21 % des patients recevant une dose quotidienne de furosémide supérieure ou égale à 80 mg. Plus précisément, Zenuk et coll. ont mené leur étude auprès de 32 patients, en comparant un groupe prenant plus de 80 mg de furosémide par jour à un groupe en prenant 40 mg par jour, et ont démontré que les patients prenant une plus forte dose de furosémide étaient plus susceptibles de développer une grave carence en thiamine (96 % contre 57 %; RC:18,0; IC 95 % :1,1 à 601,3). Hanninen et coll. ont inclus des patients prenant divers diurétiques, dont 80 % prenaient du furosémide à domicile (dose médiane de 60 mg par jour). Par conséquent, Pharmactuel 2015;48(1) 41 NYHAI NYHAII NYHAIII NYHAIV 2 2 8 7 5 4 5 4 4 5 1 1 1 1 80 à 119 mg 120 mg et plus < 35 nmol/L 35 nmol/L Dose de furosémide quotidienne moyenne Concentration plasmatique en thiamine Figure 2. Répartition des sujets selon leur classe fonctionnelle NYHA, la dose de furosémide quotidienne moyenne prise à domicile et leur concentration plasmatique en thiamine l’exclusion des patients prenant une dose inférieure à 80 mg de furosémide nous semblait essentielle pour l’obtention de résultats significatifs. Par contre, 63 % des exclusions de notre étude s’expliquent par la non atteinte du seuil minimal de furosémide requis, ce qui en fait une limite majeure de l’étude. Cependant, la technique de dosage de thiamine effectuée dans les études de Zenuk et coll. et Hanninen et coll., soit l’analyse de l’activité de la transkétolase érythrocytaire, permettait une meilleure évaluation de la carence en thiamine que le dosage plasmatique utilisé dans notre étude, ce qui pourrait expliquer la prévalence plus importante de carences en thiamine observée dans ces études. De plus, les résultats de la présente étude contredisent les résultats précédemment cités, puisque la dose moyenne quotidienne de furosémide est supérieure dans le groupe ayant un taux de thiamine plasmatique élevé (p = 0,02). Le simple fait de prendre quotidiennement un diurétique de l’anse de Henlé, tel que le furosémide, serait alors à considérer comme facteur de risque de carence en thiamine, indépendamment de la dose reçue (figure 2). Bien qu’il soit contre-intuitif de conclure à une association allant en ce sens, un tel résultat appuie la conclusion émise par Hanninen et coll., soit qu’il n’y a pas de relation entre une forte dose de furosémide et une plus grande carence en thiamine. De plus, contrairement aux résultats présentés par Hanninen et coll., voulant que la prise de spironolactone soit associée à une maladie plus avancée, ce qui prédit une carence en thiamine, l’usage de codiurétiques (réparti de façon égale dans les deux groupes), n’est pas un élément prédictif d’une carence en thiamine plasmatique9. Par ailleurs, nous n’avons démontré aucune relation entre la durée d’exposition au furosémide et le taux plasmatique de thiamine. Dans l’étude menée par Hanninen et coll., l’exposition moyenne au furosémide était de 14 mois, soit une exposition de loin inférieure à celle observée dans la présente étude (58,8 mois). Cependant, les chercheurs ontariens n’ont pas analysé les conséquences de la durée 42 Pharmactuel 2015;48(1) d’exposition sur les taux sériques de thiamine. Zenuk et ses collaborateurs, pour leur part, n’ont observé aucune corrélation entre la durée d’exposition et une carence en thiamine chez les patients exposés depuis plus de trois mois au furosémide, quelle que soit la dose quotidienne reçue21. Les résultats de notre étude, bien qu’ils soient limités par un accès restreint à l’information et un très petit échantillon, correspondent donc à ceux obtenus par Zenuk et coll. À l’instar des trois études citées précédemment, nous observons une tendance se dessiner entre une baisse du taux de thiamine plasmatique et une diminution de la FEVG. En effet, bien que la valeur p ne soit pas statistiquement significative, les chiffres absolus démontrent une différence en faveur de l’hypothèse initiale, à savoir que le groupe montrant une baisse du taux de thiamine plasmatique a une plus faible FEVG que le groupe ayant un taux de thiamine plasmatique supérieur à la médiane (33,8 ± 12,2 % contre 40,3 ± 13,8 %, p = 0,13). Par ailleurs, le fait d’avoir une IC de cause ischémique qui soit indépendante de la FEVG ne semble pas être un élément prédicteur d’une carence en thiamine (p = 1), un point qui n’a pas été soulevé par les autres études menées sur le sujet. En outre, les patients ayant une classe fonctionnelle NYHA supérieure ou égale à III sont exposés à des doses de furosémide plus élevées que ceux des classes NYHA inférieures et ont dans une plus grande proportion un taux de thiamine plasmatique inférieur à 35 nmol/l. Ceci appuie l’hypothèse initiale que les patients qui prennent de fortes doses quotidiennes de furosémide et qui présentent une baisse du taux de thiamine plasmatique voient leur capacité davantage diminuée à l’effort. Par ailleurs, la qualité de vie est plus faible dans le groupe ayant une concentration en thiamine plasmatique inférieure à 35 nmol/l (50 points contre 35 points au MLHFQ, p = 0,057), bien que la différence ne soit pas statistiquement significative15. En 2003, dans le cadre d’une étude comparant différents questionnaires sur la qualité de vie, Bennett et coll. ont statué que la différence minimale cliniquement significative relative au MLHFQ est de 5 points25. Ainsi, bien que ce résultat puisse être attribué à la chance, la différence de 15 points observée dans la présente étude peut être qualifiée de cliniquement significative, à défaut de pouvoir démontrer une différence statistique entre les deux groupes. Cependant, il est impossible de déterminer si la carence en thiamine a des conséquences directes sur la qualité de vie ou si l’association observée est due aux multiples facteurs confondants, dont principalement la présence de comorbidités, telles les maladies respiratoires et l’insuffisance vasculaire, qui n’ont pas été recensées dans la présente étude. Conséquemment, aucun un lien de cause à effet ne peut être mis en évidence dans l’étude actuelle. Il s’agit, par contre, de la première description d’un lien cliniquement significatif faite et quantifiée par une étude, bien que le lien entre la qualité de vie et une baisse du taux de thiamine plasmatique soit non statistiquement significatif. De tous les facteurs confondants potentiels, seuls deux sont confirmés par les résultats de cette étude. Premièrement, les patients hospitalisés semblent être plus susceptibles de présenter une carence en thiamine, ce qui a déjà été démontré par le passé dans d’autres études2,10,26,27. En effet, en contexte de soins aigus, le corps est en état d’hypermétabolisme. Il © APES tous droits réservés est soumis à un stress, à une diminution de l’appétit et à une restriction des apports alimentaires. De plus, l’usage de furosémide intraveineux, souvent à dose élevée, permet d’accroître l’efficacité du diurétique pris par voie orale, dont l’absorption intestinale est limitée par l’ascite et l’œdème. Il en résulte donc une perte majorée de thiamine par voie urinaire. Deuxièmement, on observe une nette différence de la fonction rénale entre les deux groupes de concentration en thiamine plasmatique. En effet, la baisse de la fonction rénale est un facteur protecteur contre l’hypovitaminose; cela s’explique par une diminution de l’excrétion urinaire de la thiamine. Ceci avait été souligné dans l’étude d’Hanninen et coll. ainsi que dans divers textes traitant de la thiamine2,10,11. Ce résultat est d’autant plus intéressant que la différence a pu être détectée au sein d’un petit échantillon de 26 patients. Tous les autres facteurs confondants potentiels (le diabète, l’âge, l’IMC, un déficit ionique) n’ont pu être associés à une diminution du taux plasmatique de thiamine. La prise de digoxine, pour sa part, bien qu’elle soit sous-représentée dans l’échantillon actuel, s’est avérée être associée à une baisse du taux de thiamine plasmatique pour deux patients. L’un des deux dosages de digoxine était à un niveau suprathérapeutique (3,6 nmol/l) et associé à un taux de thiamine plasmatique de 18 nmol/l, ce qui appuie l’hypothèse émise par Zangen et coll. que la prise de ce médicament, en association avec un diurétique de l’anse de Henlé, peut influencer à la baisse les réserves en thiamine corporelle28. Enfin, l’apport alimentaire en thiamine était proche de l’apport quotidien minimal pour trois patients, ce qui n’a pas permis d’analyses statistiques compte tenu de la petite taille de ce sous-groupe. Limites La principale limite de ce projet de recherche vient de la petite taille de l’échantillon. L’objectif initial étant l’inclusion d’un minimum de 60 patients, la puissance obtenue avec 26 patients est insuffisante pour détecter une prévalence de 33 % de patients présentant une carence en thiamine. Une dose seuil inférieure à 80 mg de furosémide par jour aurait permis d’inclure un plus grand nombre de patients, sans pour autant détecter davantage de patients carencés, vu leur faible exposition aux diurétiques. La seconde limite de l’étude est le test utilisé pour le dosage de la thiamine, qui a entraîné une perte de précision dans l’analyse et l’interprétation du taux plasmatique. Ce dernier ne représente que 20 % de la réserve corporelle en thiamine et il est fortement influencé par les apports oraux récents. L’analyse de l’apport alimentaire et de l’appétit ainsi que des autres apports oraux (multivitamine) a été prise en considération, ce qui a diminué l’effet de ces facteurs sur l’analyse globale. Cependant, nous n’avons pas © APES tous droits réservés analysé le temps écoulé entre le dernier apport alimentaire et la prise de sang. La durée de conservation de l’information dans les pharmacies du secteur privé est un biais d’information présent dans cette étude. Selon les logiciels utilisés, la majorité de ces pharmacies conservent les données pendant cinq ans. Ainsi, on a probablement sous-estimé le nombre de patients ayant reçu du furosémide depuis plus de cinq ans. Enfin, un biais de confusion engendré par la présence de multiples comorbidités chez des patients âgés aux prises avec des symptômes pulmonaires ou des limitations physiques n’étant pas en relation avec l’IC a pu affecter l’évaluation de la qualité de vie et la classe fonctionnelle. Cependant, l’utilisation de questionnaires standardisés et validés pour cette population a diminué les conséquences de ce biais sur les résultats présentés15. Conclusion Les données sont insuffisantes pour conclure à un lien entre une forte dose de furosémide et une prédisposition à une carence en thiamine plasmatique. Cependant, cette étude invite à étudier sur un plus grand nombre de patients le lien entre la qualité de vie et une baisse du taux de thiamine plasmatique. C’est la première fois que l’on souligne un lien possible entre ces deux variables. De plus, cette étude appuie les données antérieurement observées, liant le taux de thiamine plasmatique à la FEVG et à la classe fonctionnelle. Cependant, avant de pousser davantage les recherches sur les micronutriments dans l’objectif de favoriser la prise en charge globale des patients insuffisants cardiaques, il serait important d’évaluer l’offre de services et le suivi effectué auprès de patients hospitalisés à l’Hôpital de l’Enfant-Jésus en cardiologie et suivis à la clinique externe d’IC subaigüe afin que les thérapies ayant fait leurs preuves quant à l’amélioration de la survie en IC soient utilisées de façon optimale. Financement Les auteurs ont reçu un financement de Sandoz Canada, de Servier Canada et de Boehringer Ingelheim pour effectuer cette étude. Conflits d’intérêts Tous les auteurs ont rempli et soumis le formulaire de l’ICMJE pour la divulgation de conflit d’intérêts potentiel. Les auteurs n’ont déclaré aucun conflit d’intérêts en relation avec le présent article. Pharmactuel 2015;48(1) 43 Références 1. Chow CM, Donovan L, Manuel D, Johansen H, Tu JV. Regional variation in self-reported heart disease prevalence in Canada. Can J Cardiol 2005;21:1265-71. 2. Wooley JA. Characteristics of thiamin and its relevance to the management of heart failure. Nutr Clin Pract 2008;23:487-93. 3. Johansen H, Strauss B, Arnold JM, Moe G, Liu P. On the rise: the current and projected future burden of congestive heart failure hospitalization in Canada. Can J Cardiol 2003;19:430-5. 4. Lepage S. Acute decompensated heart failure. Can J Cardiol 2008;24(suppl. B):6B-8B. 5. Solomon SD, Anavekar N, Skali H, McMurray JJ, Swedberg K, Yusuf S et coll. Influence of ejection fraction on cardiovascular outcomes in a broad spectrum of heart failure patients. Circulation 2005;112:3738-44. 6. Sriram K, Manzanares W, Joseph K. Thiamine in nutrition therapy. Nutr Clin Pract 2012;27:41-50. 7. 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Background: Severe thiamine deficiency can cause a symptomatology similar to that of heart failure and can therefore be an exacerbating factor of this disease. Results: The mean daily dose of furosemide in the 26 patients was 144 ± 69.6 mg. None of the patients had thiamine deficiency (mean: 40.8 ± 21.7 nmol/L). Left ventricular ejection fraction was not significantly lower in the patients with a thiamine level < 35 nmol/L, the sample median (p = 0.13). Three patients had a diet deficient in thiamine. The quality of life of the patients with a thiamine level ≥ 35 nmol/L tended to be better (p = 0.06). Discussion: Daily dosing with a loop diuretic should be considered a risk factor for thiamine deficiency, regardless of the dose. The results of the evaluation of quality of life in relation to the thiamine level seem to indicate a clinically significant impact. Conclusion: The data are insufficient to conclude that there is a link between high-dose furosemide and a predisposition to thiamine deficiency. Keywords: Deficiency, furosemide, heart failure, left ventricular ejection fraction, quality of life, thiamine 44 Pharmactuel 2015;48(1) © APES tous droits réservés GESTION Gestion de la qualité et des risques au sein d’un département de pharmacie Charlotte Ballandras1, Suzanne Atkinson2, B.Pharm., M.Sc., DESS, Aurélie Guérin3, Denis Lebel4, B.Pharm., M.Sc., FCSHP, Jean-François Bussières5,6, B.Pharm., M.Sc., MBA, FCSHP Interne en pharmacie, Université de Marseille, Assistante de recherche à l’Unité de recherche en pratique pharmaceutique au Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine, Montréal (Québec) Canada; 2 Pharmacienne, Chef adjointe du département de pharmacie, Unité de recherche en pratique pharmaceutique, Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine, Montréal (Québec) Canada; 3 Interne en pharmacie, Université de Paris XI, Assistante de recherche, Unité de recherche en pratique pharmaceutique, Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine, Montréal (Québec) Canada; 4 Pharmacien, Chef adjoint du département de pharmacie, Unité de recherche en pratique pharmaceutique, Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine, Montréal (Québec) Canada; 5 Pharmacien, Chef du département de pharmacie et de l’Unité de recherche en pratique pharmaceutique, Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine, Montréal (Québec) Canada; 6 Professeur titulaire de clinique, Faculté de pharmacie, Université de Montréal, Montréal (Québec) Canada 1 Reçu le 5 mai 2014; Accepté après révision le 30 décembre 2014 Résumé Objectif : Revoir les modalités de gestion de la qualité et des risques au sein du département de pharmacie d’un centre hospitalier universitaire québécois. Description de la problématique : L’exercice de la pharmacie a considérablement évolué au cours des dernières décennies, particulièrement à cause des changements législatifs et normatifs et de la prise en charge toujours plus complète du circuit du médicament. Actuellement, nous sommes confrontés à un défi de taille : assurer la gestion de la qualité et des risques, tout en offrant des services et des soins pharmaceutiques de façon continue. Discussion : Nous avons effectué une revue de la littérature scientifique, rencontré les gestionnaires de la qualité et des risques d’autres unités fonctionnelles, et passé en revue les titres d’emplois et les formations relatives à ce domaine. Nous avons pu mettre en évidence cinq principes directeurs et établir un calendrier d’audits. Notre démarche souligne la nécessité d’établir un programme cohérent, réaliste et continu de gestion de la qualité et des risques. Conclusion : Cet article met en lumière la pertinence de créer un titre d’emploi spécifique au sein des départements de pharmacie de centres hospitaliers universitaires et d’établir un programme structuré d’évaluation. Mots clés : Centre hospitalier universitaire, gestion de la qualité et des risques, organisation, pharmacie d’établissement Introduction Description de la problématique L’exercice de la pharmacie a considérablement évolué au cours des dernières décennies, notamment en raison des changements législatifs et normatifs et de la prise en charge de plus en plus complète du circuit du médicament1. En 2014, les départements de pharmacie font face à un défi de taille : assurer la gestion de la qualité et des risques, tout en offrant des services et des soins pharmaceutiques de façon continue. Est-il encore réaliste de relever ce défi sans ressources spécifiques? Est-il encore possible, sans programme structuré, d’offrir la meilleure qualité possible tout en réduisant les risques au maximum? L’objectif de cet article vise à revoir les modalités de gestion de la qualité et des risques au sein d’un département de pharmacie d’un centre hospitalier universitaire québécois. Le Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine (CHU Sainte-Justine) est un établissement de santé de 500 lits, à vocation mère-enfant. Le circuit du médicament est placé sous la responsabilité du chef de département de pharmacie. La distribution unitaire centralisée représente annuellement plus de 1,4 million de transactions, plus de 0,6 million de préparations et près de 60 000 demandes d’information. À l’heure actuelle, la gestion de la qualité et des risques est répartie entre un adjoint au chef de département pour les soins, l’enseignement et la recherche, et un adjoint au chef de département pour les services pharmaceutiques. Le premier adjoint joue le rôle de gestionnaire des risques pour le département de pharmacie et siège au comité central de gestion des risques de l’établissement. Il tient un tableau Pour toute correspondance : Jean-François Bussières, Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine, 3175, chemin de la Côte-Sainte-Catherine, Montréal (Québec) H3T 1C5, CANADA; Téléphone : 514 345-4603; Télécopieur : 514 345-4820; Courriel : [email protected] © APES tous droits réservés Pharmactuel 2015;48(1) 45 de bord et suit des indicateurs de qualité. Le deuxième adjoint s’assure que le circuit des médicaments est respecté, autant dans la pharmacie que dans tout l’établissement, notamment en ce qui concerne la gestion des substances contrôlées, des médicaments de niveau d’alerte élevé et de la tenue physique des lieux. Il collabore avec des pharmaciens chefs d’équipe de trois secteurs, entre autres pour la formation et la certification des assistants techniques en pharmacie et pour le respect des normes au sein du département. lois, de règlements et de normes. Si certaines normes n’ont pas de portée juridique au Québec (p. ex. le chapitre 800 de la United States Pharmacopeia8), elles ont une influence sur les pratiques. Autrement dit, le clinicien ajuste son arsenal thérapeutique quand une étude convaincante est publiée, peu importe le lieu de réalisation de l’étude. De même, un gestionnaire clinicien devrait réfléchir aux changements à apporter à l’organisation de son service lorsqu’une norme propose de nouvelles façons de faire. Ce sont principalement les étudiants et les assistants de recherche de l’Unité de recherche en pratique pharmaceutique qui se chargent de l’évaluation de la qualité et des risques. Puisque plusieurs personnes se partagent la gestion de la qualité et des risques, il devient difficile de rassembler de l’information, d’assurer le suivi et de mettre en place des mesures correctrices en vue d’obtenir des résultats. Afin de valider et de comprendre ce cadre normatif, nous avons rencontré les gestionnaires administratifs des secteurs d’imagerie médicale et de laboratoire afin de déterminer les modalités de gestion de la qualité et des risques. Dans le département d’imagerie médicale du CHU Sainte-Justine, la gestion de la qualité et des risques ne relève pas d’un gestionnaire particulier, mais est placée sous la responsabilité du chef de service, qui assume aussi de très nombreuses autres tâches. Par contre, même si ce dernier est soumis à plusieurs contraintes légales et normatives, le volume d’activité du département d’imagerie médicale n’est pas nécessairement comparable à celui de notre département. De plus, au cours des dernières années, les départements de pharmacie du Québec se sont vus confrontés à de nombreux audits externes (p. ex. : Santé Canada, différents groupes de recherche internationaux, Ordre des pharmaciens du Québec [OPQ], Agrément Canada, Direction de la cancérologie du Québec). À ces audits externes il faut ajouter plusieurs auto-évaluations volontaires associées à la publication de lignes directrices et d’articles de documentation primaire. La gestion de ces nombreuses vérifications est complexe, notamment pour les raisons suivantes : nombre important de recommandations à évaluer et à mettre en place, difficulté à gérer des recommandations similaires ou contradictoires, complexité à classer les recommandations par ordre de priorité, perte de la vue d’ensemble de tous les écarts à corriger et impression de perte de contrôle parce que l’exercice semble interminable. En outre, la survenue périodique de ces audits externes ne contribue pas forcément à établir une culture continue de la qualité, mais plutôt à exercer une pression ciblée et artificielle sur l’ensemble des employés afin de satisfaire un organisme dans un temps donné. En somme, l’ensemble du cadre normatif est complexe, les écarts nombreux et le suivi difficile à réaliser dans le contexte actuel. Résolution de la problématique Dans un premier temps, nous avons établi six étapes de révision des modalités de gestion de la qualité et des risques au sein de notre établissement : 1) revue documentaire; 2) rencontre avec les gestionnaires d’autres unités; 3) recherche des titres d’emploi applicables à la gestion de la qualité et des risques dans le réseau de la santé du Québec; 4) détermination de la formation requise pour un gestionnaire de la qualité et des risques; 5) élaboration des principes directeurs d’un programme de gestion de la qualité et des risques; 6) création d’un échéancier d’audits. La revue documentaire nous a permis de mettre en évidence quelques ouvrages en gestion de la qualité et des risques2-7. Dans un deuxième temps, nous avons recensé et comparé les éléments du cadre législatif et normatif en matière de gestion de la qualité et des risques au sein des unités d’imagerie médicale, de laboratoire et de pharmacie. Cet examen a mis en évidence un cadre normatif tout aussi exigeant pour les trois secteurs, avec l’obligation d’appliquer plusieurs dizaines de 46 Pharmactuel 2015;48(1) Aux laboratoires, la gestion de la qualité et des risques est par contre sous la gouverne d’une personne affectée à cette tâche, à savoir un cadre-conseil en assurance qualité et biosécurité. Ce cadre a notamment la responsabilité d’assurer la mise en place d’un programme d’assurance qualité et de coordonner chacun des audits, y compris la reddition de comptes, les signatures de registres et de rapports, et la supervision des mesures correctrices. La gestion du programme est informatisée sur une plateforme exclusive (LBXwebMD)9. En terme de volume d’activité, les laboratoires se comparent davantage au département de pharmacie; le cadre-conseil supervise un total de huit laboratoires différents, chacun ayant des normes ou des lois particulières à suivre (p. ex. : banque de sang, laboratoire de biochimie). Ces constats ont mis en évidence la possibilité de regrouper sous un même titre d’emploi l’ensemble des responsabilités concernant la gestion de la qualité et des risques en pharmacie d’établissement. À cet effet, nous avons recensé les titres d’emploi relatifs à la gestion de la qualité et des risques à partir de la nomenclature des titres d’emploi du réseau de la santé et des services sociaux du Québec10,11. En recherchant le mot « qualité » dans cette nomenclature, on retrouve 22 titres d’emploi (p. ex. : spécialiste clinique en biologie médicale, coordonnateur technique en inhalothérapie, chargé clinique de sécurité transfusionnelle, conseiller en soins infirmiers). Cependant, ce terme regroupe des titres d’emploi très différents, qui font référence à plusieurs aspects de la qualité. Les titres d’emploi qui font allusion à la qualité des soins sont le plus souvent cités. Ces titres d’emploi touchent plusieurs domaines et professions du système de santé, de l’administration générale aux services cliniques, en passant par les secteurs médicaux-techniques. Force est de constater qu’aucun titre d’emploi existant ne convient parfaitement aux rôles et responsabilités propres à la gestion de la qualité et des risques spécifiques au domaine de la pharmacie. Si cette tâche peut être confiée à un pharmacien ou à un assistant technique expérimenté en pharmacie (voire à un assistant technique en pharmacie), nous pensons qu’il est préférable d’utiliser un titre d’emploi distinct, afin d’éviter © APES tous droits réservés l’effet domino inhérent au partage du même titre d’emploi entre collègues, notamment en cas d’absentéisme (c.-à-d. pour éviter que le gestionnaire de la qualité et des risques ne serve qu’à remplacer les collègues absents). Ce nouveau titre d’emploi serait un poste de cadre, placé sous la responsabilité de l’adjoint au chef de département pour les services pharmaceutiques. Nous avons donc recherché des cursus d’études différents, qui pourraient mener à un titre de gestionnaire de la qualité et des risques en pharmacie d’établissement. de l’OPQ12-14 ainsi que des diverses lois qui s’appliquent, nous avons établi une liste des audits pertinents pour un programme de gestion de la qualité et des risques en pharmacie d’établissement. Nous avons détaillé ces audits, notamment le thème, les critères, la nature de la visite externe, la durée totale anticipée, y compris les observations directes, les analyses rétrospectives et prospectives, la détermination des écarts et des mesures correctrices, et les organismes responsables des sources normatives. Le tableau I présente un résumé des thèmes proposés. En recherchant le terme qualité dans l’ensemble des formations disponibles sur le site Internet de l’Université de Montréal, on retrouve 43 formations. Nous avons exclu 22 formations qui abordaient la recherche qualitative et non la qualité, ainsi que huit autres formations appartenant à différentes disciplines sans lien avec la qualité en santé. En ce qui concerne les 13 programmes restants, il nous est impossible à cette étape de notre réflexion de déterminer avec certitude la liste des programmes à cibler pour un poste de gestionnaire de la qualité et des risques en pharmacie. Nous pensons toutefois qu’il serait bon d’explorer la pertinence d’embaucher des candidats ayant obtenu le baccalauréat en sciences biopharmaceutiques de la Faculté de pharmacie de l’Université de Montréal. Même si nous croyons qu’une formation universitaire est préférable étant donné les responsabilités envisagées, il existe peut-être des formations collégiales appropriées, que des cours universitaires de gestion pourraient améliorer. Pour chaque audit, nous avons créé une procédure d’audit qui précise notamment le lieu de l’audit, les personnes ressources, le processus audité, les critères de conformité, les méthodes d’observation et les outils. Par ailleurs, une grille personnalisée pour chaque audit et un rapport à destination du personnel audité ont été créés (figure 1). Un programme cohérent, réaliste et continu de gestion de la qualité et des risques repose sur les principes directeurs suivants : a) s’arrimer au cadre normatif et au calendrier de visites des organismes externes (p. ex. : visite d’Agrément Canada); b) intégrer à ce programme les normes de pratique pour les pharmaciens et le personnel technique de l’OPQ; c) englober l’ensemble des étapes du circuit du médicament, particulièrement celles qui ne comportent pas de critères normatifs établis par d’autres organismes; d) allouer suffisamment de temps à la mise en place de plans pour effectuer des mesures correctrices et pas seulement du temps consacré aux audits et aux observations directes; e) assurer la mise en place d’un processus légitime, objectif, transparent et collégial. À partir des exigences d’Agrément Canada, des standards de pratique et des normes 2012.01, 2014.01 et 2014.02 © APES tous droits réservés L’intranet du département de pharmacie comporte une section consacrée à la gestion de la qualité et des risques, dont une page par audit pour y noter les observations et recommandations. En outre, nous évaluerons la possibilité d’utiliser un outil Web de gestion des audits (p. ex. : Omniassistant). Conclusion Il existe peu de données sur l’encadrement à donner en gestion de la qualité et des risques en pharmacie. Cet article met en évidence la pertinence de créer un titre d’emploi propre à cette gestion, particulièrement au sein des départements de santé de taille importante, et d’établir un programme structuré d’évaluation. Financement Aucun financement en relation avec le présent article n’a été déclaré par les auteurs. Conflits d’intérêts Tous les auteurs ont rempli et soumis le formulaire de l’ICMJE pour la divulgation de conflit d’intérêts potentiel. Les auteurs n’ont déclaré aucun conflit d’intérêts en relation avec le présent article. Pharmactuel 2015;48(1) 47 Tableau I. Profil des audits pertinents pour un programme de gestion de la qualité et des risques en pharmacie d’établissement Thèmes Administration des médicaments Circuit du médicament Circuit du médicament à l’étage Circuit du médicament en consultations externes Délégation au personnel technique Visite externe Durée prévue de l’audit (semaines) Sources normatives principales Oui 3 OIIQ Obligatoire tous les 4 ans 8 Agrément Canada Non 2 OPQ, OIIQ Non 1 – Possible 2 OPQ Collecte d’information sur les activités pharmaceutiques au sein des cinq axes Non 1 MSSS, OPQ Gestion des médicaments en émergence (p. ex. : programme d’accès spécial de Santé Canada) Possible 1 Santé Canada, OPQ Non 1 OPQ Gestion des stocks, de la commande à l’entreposage Possible 2 Santé Canada, OPQ, CMQ Gestion des technologies hors pharmacie (p. ex. : chariots, cabinets automatisés décentralisés) Gestion des substances désignées Non 2 OPQ Gestion des technologies intrapharmacie (p. ex. : ensachage, pompes, robots) Non 1 OPQ Obligatoire tous les 5 ans 8 OPQ, ASSTSAS Préparations magistrales stériles et non stériles Prescription des médicaments Recherche clinique en hémato-oncologie Recherche clinique hors oncologie Possible 2 OPQ, CMQ Oui 3 COG, FACT Possible 3 Santé Canada, COG, FACT Services pharmaceutiques Possible tous les 5 ans 2 OPQ Soins pharmaceutiques Possible tous les 5 ans 3 OPQ Technologies de l’information Non 1 OPQ Utilisation de médicaments qui demandent la participation du comité de pharmacologie et de ses sous-comités (p. ex. : pharmacovigilance, gestion des antimicrobiens) Non 3 INESSS, MSSS, OPQ – 49 – Total Abréviations : ASSTSAS : Association paritaire pour la santé et la sécurité au travail du secteur affaires sociales; CMQ : Collège des médecins du Québec; COG : Children Oncology Group; FACT : Foundation for the Accreditation of Cellular Therapy; INESSS : Institut national d’excellence en santé et services sociaux; MSSS : ministère de la Santé et des Services sociaux; OIIQ : Ordre des infirmiers et infirmières du Québec; OPQ : Ordre des pharmaciens du Québec 48 Pharmactuel 2015;48(1) © APES tous droits réservés Références 1. Figure 1 : Exemple des documents utilisés pour la réalisation d’un audit Les noms présents dans la figure sont fictifs. © APES tous droits réservés Pharmactuel 2015;48(1) 49 Références 1. 2. 3. 4. 5. Bussières JF, Tanguay C. Perspective québécoise et canadienne de la pratique en établissement de santé – 2011–2012. Pharmactuel 2013;46:112-42. Phillips MS, Chisholm-Burns MA. Chapitre 14 : Quality Improvement. Dans : Chisholm-Burns MA, Vaillancourt AM, Shepherd M. Pharmacy management, leadership, marketing, and finance. 2e éd. Burlington : Jones & Bartlett Learning; 2014. p. 216-34. Baker KR. The Basics of Managing Risk, Chaptitre 20 : The Basics of Managing Risk. Dans : Chisholm-Burns MA, Vaillancourt AM, Shepherd M. Pharmacy management, leadership, marketing, and finance. 2e éd. Burlington : Jones & Bartlett Learning; 2014. p. 339-51. Sporull B. The Ultimate Improvement Cycle— Maximizing Profits through the Integration of Lean, Six Sigma, and the Theory of Constraints. 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We identified five guiding principles and established an audit schedule. This work brought to light the need to create a consistent, realistic and ongoing risk and quality management program. Conclusion: This article underscores the need to create a dedicated job title, particularly in university hospital pharmacy departments, and to put a structured evaluation program in place. Keywords: Institutional pharmacy, organization, risk and quality management, university health centre 50 Pharmactuel 2015;48(1) © APES tous droits réservés RISQUE, QUALITÉ, SÉCURITÉ Initiative face à la sous-déclaration des effets indésirables médicamenteux dans un centre hospitalier : mise en place d’un système de pharmacovigilance active Thomas Ameye1, Jérémy Perron1, Alain Adehossi2, Pharm.D., Emilie Guillocheau2, Pharm.D., Bénédicte Schmit2, Pharm.D. Interne en pharmacie, Centre hospitalier de Beauvais, Beauvais, France; Pharmacien, Centre hospitalier de Beauvais, Beauvais, France 1 2 Reçu le 12 décembre 2014; Accepté après révision le 17 janvier 2015 Résumé Objectif : Le but de cette étude est d’instaurer une culture de pharmacovigilance chez les soignants de notre centre hospitalier, en les aidant à signaler les effets indésirables médicamenteux au centre régional de pharmacovigilance. Description de la problématique : En juin 2012, nous avons mis en place un système de pharmacovigilance proactive afin de remédier au faible taux de déclaration des effets indésirables médicamenteux au sein de notre établissement. Ainsi, un interne en pharmacie prend régulièrement contact avec les soignants de 15 unités de soins. En décembre 2013, nous avons établi un calendrier de rendez-vous hebdomadaires entre l’interne et une personne de référence de l’unité de soins préalablement sensibilisée à cette question. La personne de référence est chargée d’établir la liste de tous les effets indésirables médicamenteux suspectés. Ces rencontres visent à permettre à l’interne et au soignant des échanges directs d’information sur tout cas rapporté. Discussion : En 2012, 73 effets indésirables ont été déclarés, contre 21 en 2011. L’efficacité de la démarche s’est maintenue en 2013 avec 79 effets indésirables signalés, qui impliquaient principalement les anticoagulants (28 % des cas). Cette initiative a permis de multiplier par quatre le nombre de cas déclarés, et l’ajout du calendrier de rendez-vous de l’interne a dynamisé le recueil de ces situations. Les soignants ont porté une attention particulière aux nouveaux anticoagulants oraux. Conclusion : L’augmentation des déclarations des effets indésirables médicamenteux et la bonne collaboration entre les soignants et le département de pharmacie témoignent du succès de notre démarche. Mots clés : Effets indésirables médicamenteux, pharmacovigilance Introduction Les processus d’évaluation et d’amélioration de la sécurité des médicaments contribuent au bon usage du médicament, car ils permettent de mettre en évidence les risques d’effets indésirables médicamenteux (EIM) et de les prévenir. Avant l’obtention d’une autorisation de mise sur le marché (AMM) ou d’une autorisation temporaire d’utilisation (ATU), des essais cliniques (phases I à III) étudient le profil d’innocuité du médicament pour des indications précises1,2. Cependant, les échantillons de population des essais ne sont très souvent pas représentatifs de la population des patients rencontrés en pratique. En effet, pour des raisons éthiques ou de frilosité de la part des promoteurs, les essais n’incluent généralement pas les patients âgés ou présentant plusieurs pathologies, les enfants et les femmes enceintes3. De plus, la durée relativement courte des études ne rend pas forcément compte des effets indésirables à long terme. De même, le nombre de sujets relativement restreint complique la détection des effets indésirables rares4. L’évaluation du risque lié au médicament après l’obtention de l’AMM ou de l’ATU (phase IV) est donc indispensable1. Elle repose majoritairement sur les déclarations spontanées d’effets indésirables médicamenteux signalés par les professionnels de la santé, les patients, les associations de patients et les industriels. En France, les centres régionaux de pharmacovigilance recueillent les déclarations, déterminent la responsabilité du médicament et transmettent l’information à l’Agence nationale de la sécurité du médicament (ANSM), qui envoie des alertes ascendantes5. Selon leur fréquence et leur gravité, ces déclarations peuvent conduire les autorités sanitaires à prendre des mesures telles qu’une modification du résumé des caractéristiques du produit1. Ces modifications peuvent se traduire par l’ajout de précautions d’emploi, des modalités de prescription Pour toute correspondance : Alain Adehossi, Centre hospitalier de Beauvais, 40 avenue Léon Blum, 60000 Beauvais, FRANCE; Téléphone : 03 44 11 25 99; Télécopieur : 03 44 11 23 11; Courriel : [email protected] © APES tous droits réservés Pharmactuel 2015;48(1) 51 particulières ou des restrictions d’AMM allant jusqu’au retrait du marché lorsque le rapport avantages-risques est jugé défavorable au médicament6. L’ensemble des professionnels de la santé reçoit alors un retour d’information ainsi que des recommandations (alertes descendantes), par l’intermédiaire notamment des centres régionaux de pharmacovigilance et des correspondants locaux de pharmacovigilance. Notre objectif est d’instaurer une culture de pharmaco­ vigilance chez les soignants de notre établissement en les aidant à signaler les EIM et en intégrant cette discipline au sein de la pratique clinique. La limite principale de ce système, rencontrée dans la plupart des pays, demeure la sous-déclaration. En effet, les données de la littérature médicale rapportent une estimation du taux de déclaration inférieur à 10 % de l’ensemble des EIM7-9. La qualité inégale des déclarations est également problématique : quand elles sont trop pauvres en renseignements cliniques, elles ne permettent pas d’affirmer avec certitude le lien de causalité. Des déclarations incomplètes peuvent également incriminer à tort un médicament, ce qui peut conduire à des restrictions de l’indication, voire au retrait de médicaments efficaces6,9. En juin 2012, notre établissement a mis en place un système de pharmacovigilance dite « active ». Ce système consiste en la prise de contact régulière d’un interne en pharmacie avec les soignants de diverses unités de soins. Un interne en pharmacie hospitalière est un étudiant en pharmacie ayant terminé sa cinquième année d’études, qui suit une formation rémunérée afin de devenir pharmacien hospitalier. Ces prises de contact visent à discuter des cas pouvant faire l’objet d’une déclaration d’EIM et, le cas échéant, à aider à la rédaction de la déclaration destinée au centre régional de pharmacovigilance. Face à ces difficultés, les autorités sanitaires européennes et mondiales ont pour mission de promouvoir les activités de pharmacovigilance et de donner aux professionnels de la santé des clés favorisant l’efficience des interventions dans ce domaine. L’European Medicines Agency (EMA) publie des bonnes pratiques de pharmacovigilance pour promouvoir une harmonisation des pratiques en Europe10. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) rappelle que l’efficacité de la pharmacovigilance dépend de la participation active de tous les professionnels de la santé concernés par la prise en charge du patient. En effet, des études ont montré que les diverses catégories de professionnels de la santé observent différents types de problèmes liés au médicament11,12. L’OMS encourage la mise en place de systèmes innovants et souligne le rôle important du pharmacien dans la lutte contre l’iatrogénie médicamenteuse13. En juin 2013, nous avons établi un calendrier de rendezvous hebdomadaires des visites pour 15 unités de soins de médecine et de chirurgie. En décembre 2013, un entretien avec une personne de référence sensibilisée à la question et chargée de centraliser les EIM signalés a permis de formaliser la pharmacovigilance active. Le cadre de santé, personne responsable de l’encadrement du personnel paramédical, est choisi pour son rôle central dans l’organisation des unités de soins, ce qui lui permet d’interagir avec toutes les personnes susceptibles de signaler un EIM. L’objectif est donc de prendre en compte aussi bien les déclarations des médecins que celles du personnel paramédical, de manière à couvrir tout le spectre des EIM possibles. Néanmoins, lorsque la déclaration provient d’un membre du personnel paramédical, il est souvent nécessaire de contacter également le médecin prescripteur. Alors que la fréquence des EIM reste difficile à déterminer en raison de l’hétérogénéité des différentes estimations publiées dans la littérature médicale et de la sous-déclaration de ces effets, le taux d’hospitalisations liées à ces EIM est quant à lui mieux connu et varie entre 3 et 7 % selon les données de la littérature scientifique14-18. Ces hospitalisations consécutives aux EIM influent sensiblement sur la qualité de vie des patients et représentent un coût considérable pour les systèmes de santé14,19. Après avoir découvert un cas d’EIM qui prête à suspicion, l’interne en pharmacie et le soignant chargé de la déclaration remplissent le formulaire national de déclaration. Il est possible de retrouver des informations complémentaires dans le dossier patient informatisé, notamment en ce qui concerne les données cliniques et biologiques du patient. Il est également possible de consulter le patient lorsqu’il s’agit d’un effet qu’il ressent ou lorsque l’effet est apparu avant l’hospitalisation. Notre centre hospitalier général compte 50 000 hospitalisa­ tions de patients par an, pour 850 lits. Au vu de ce volume d’activité, le taux de déclarations d’EIM était considéré comme très insuffisant : 19 EIM ont été déclarés en 2010 et 21 en 2011. Ces statistiques plaçaient notre centre hospitalier au bas du classement régional des établissements les plus performants en termes de déclaration des EIM, d’après des données non publiées du centre régional de pharmacovigilance auquel se rattache notre établissement. La discussion avec le personnel soignant visant à décrire le contexte de manière exhaustive, suivie de la synthèse des informations, permet d’améliorer la qualité des déclarations. Les informations recueillies par l’interne en pharmacie permettant de remplir le formulaire de déclaration concernent les antécédents du patient ou les facteurs ayant pu favoriser l’apparition de l’EIM, la liste des médicaments pris par le patient (posologie, voie d’administration) avec la chronologie de leur instauration, la date de survenue de l’EIM ainsi que sa gravité, sa prise en charge et son évolution (délai de disparition, le cas échéant). L’interne en pharmacie se charge de faire parvenir la déclaration au centre régional de pharmacovigilance. Les principales raisons de la sous-notification évoquées dans la littérature médicale sont le manque de temps, le manque de connaissances (notamment la conviction que seuls les EIM graves ou inattendus doivent être déclarés, ou encore que seuls les EIM avérés peuvent être déclarés et non ceux suspectés)20,21. La difficulté à se procurer un formulaire de déclaration et l’indifférence, dans une plus faible mesure, contribuent également à la sous-déclaration des EIM22. 52 Pharmactuel 2015;48(1) Méthode Le centre régional de pharmacovigilance offre par courrier un retour d’information à la pharmacie et au personnel de l’unité de soin. Ce courrier, qui mentionne la responsabilité du ou des médicaments suspectés, est incorporé au dossier © APES tous droits réservés Un tableur Excel permet de suivre le passage de l’interne en pharmacie dans l’unité de soins et de retrouver les déclarations d’EIM qui en découlent. Il permet d’analyser les caractéristiques démographiques des patients ainsi que celles des EIM signalés en 2013. La gravité de l’EIM est définie par le décès du patient, l’hospitalisation ou la prolongation du séjour hospitalier, l’incapacité ou l’invalidité permanente, ou la mise en jeu du pronostic vital. Le caractère « inattendu » des EIM est également étudié : un effet indésirable inattendu est défini comme n’étant pas mentionné dans le résumé des caractéristiques du produit du médicament. Enfin, les médicaments responsables d’EIM sont regroupés en fonction de leur classification anatomique, thérapeutique et chimique (ATC). 90 Nombre d'EIM signalés au CRPV patient et témoigne ainsi de la survenue de l’EIM lors des hospitalisations ultérieures. L’interne en pharmacie travaille sous la responsabilité du correspondant local de pharmacovigilance de l’établissement et avec son soutien tout au long du processus. 80 70 60 50 40 30 20 10 0 2010 2011 Année 2012 2013 Figure 1. Nombre annuel d’effets indésirables médicamenteux signalés au centre régional de pharmacovigilance par notre centre hospitalier Abréviations : CRPV : centre régional de pharmacovigilance; EIM : effets indésirables médicamenteux Résultats En 2011, le centre régional de pharmacovigilance avait reçu 11 déclarations d’EIM au deuxième semestre (dont 8 graves) et 21 sur l’année entière. La pharmacovigilance « active », débutée en juin 2012, a permis de déclarer en six mois 54 EIM au centre régional de pharmacovigilance (dont 34 graves). Au total, nous avons enregistré la déclaration de 152 EIM depuis la mise en place de la pharmacovigilance active, avec 79 déclarations d’EIM (dont 49 graves, soit 62 %) pour l’année 2013. Cette initiative a donc multiplié par quatre le nombre de déclarations d’EIM par rapport à 2011. L’âge moyen des patients pour lesquels nous avons signalé au moins un EIM en 2013 est de 69 ± 16 ans. Le ratio homme-femme est de 0,8. La totalité des EIM correspond à des effets indésirables attendus. La classe ATC responsable du plus grand nombre d’EIM est celle des médicaments agissant sur le sang et les organes hématopoïétiques (notamment les anticoagulants), avec 28 % des EIM signalés. Les classes des antinéoplasiques et des anti-infectieux (notamment les antibiotiques) sont également fréquemment incriminées, avec respectivement 23 % et 20 % des EIM signalés. En 2013 les nouveaux anticoagulants oraux sont incriminés dans 12 EIM (15 % des déclarations), dont 7 accidents vasculaires ou hémorragiques. Sept de ces 12 EIM sont graves, dont un qui a abouti à un décès et un autre à une mise en jeu du pronostic vital. Discussion Notre initiative a permis d’augmenter de façon importante et croissante les déclarations d’EIM au sein de notre établissement. L’ajout d’un calendrier de rendez-vous hebdomadaire de l’interne en pharmacie a continué à dynamiser le recueil des déclarations en 2013. Ces résultats nous ont permis de devenir le second centre hospitalier de notre région qui a signalé le plus d’EIM en 2013. Le centre hospitalier en tête de liste s’appuie également sur des étudiants en pharmacie pour signaler les EIM. © APES tous droits réservés Figure 2. Nombre d’effets indésirables médicamenteux signalés en 2013 en fonction de l’âge du patient Abréviations : EIM : effets indésirables médicamenteux Les sujets âgés sont plus susceptibles de développer des EIM, en raison notamment du déclin physiologique associé à une modification des caractéristiques pharmacocinétiques et de leur polymédication qui augmente les risques d’interactions médicamenteuses23. En effet, l’âge moyen des patients pour lesquels on a signalé un EIM est élevé. Aucun EIM n’a été signalé parmi les patients âgés de moins de 20 ans, alors que des études montrent que les enfants sont également sujets aux EIM24. La mise en place d’une pharmacovigilance active en pédiatrie (prévue dans un deuxième temps) pourrait permettre l’augmentation du nombre de déclarations des EIM portant sur ce groupe. Les équipes se focalisent sur la détection des EIM connus, mais expriment plus de difficultés à faire le lien entre un EIM inattendu et le médicament qui pourrait en être responsable. Les soignants ont porté une attention particulière aux anticoagulants oraux directs, qui représentent 15 % des déclarations en 2013. En effet, la classe des anticoagulants oraux est connue pour représenter une source d’iatrogénie médicamenteuse non négligeable. Il faut rappeler que ces médicaments, qui sont relativement récents, n’ont pas d’antidote spécifique à ce jour. L’ANSM a communiqué une information substantielle sur le bon usage des anticoagulants Pharmactuel 2015;48(1) 53 Figure 3. Pourcentage des médicaments responsables d’un effet indésirable médicamenteux selon la classe ATC, signalé par notre centre hospitalier en 2013 Abréviations : ATC : classification anatomique, thérapeutique et chimique; EIM : effets indésirables médicamenteux oraux directs, en diffusant des études de pharmacoépidémiologie comparant les risques observés en présence de cette nouvelle classe à ceux associés aux antagonistes de la vitamine-K. De même, l’ANSM a publié un communiqué sur la surveillance des anticoagulants oraux dans la pratique courante. Enfin, ces médicaments font l’objet d’un plan de gestion des risques au niveau européen25. La proportion importante des EIM signalés qui sont liés aux antinéoplasiques peut s’expliquer par l’étroite collaboration, au sein de notre centre hospitalier, entre le service d’hospitalisation de jour d’hémato-oncologie et le service de pharmacie responsable de la reconstitution et de la gestion des poches de médicaments cytotoxiques. La littérature médicale mentionne souvent les antibiotiques à l’origine d’une proportion importante des EIM signalés26,27. Une des principales contraintes de notre système de pharmacovigilance active demeure la formation de l’interne lors de son accès à ce poste, d’où la nécessité d’un système de procédures très complet. Des changements de personnel dans les unités de soin, notamment le changement de la personne de référence, peuvent également nécessiter un nouvel entretien de sensibilisation avec le remplaçant. Même si nous n’avons pas étudié le temps hebdomadaire nécessaire à la mise en application de ce système de pharmacovigilance, un investissement personnel assez important est requis. D’autres publications ont démontré les effets bénéfiques sur le taux de déclarations des EIM d’une visite régulière d’un professionnel de la santé directement auprès des soignants au sein des unités de soins26. En outre, on retrouve dans la littérature médicale d’autres types d’initiatives qui 54 Pharmactuel 2015;48(1) Tableau I. Effets indésirables médicamenteux liés aux nouveaux anticoagulants oraux en 2013 Effets indésirables médicamenteux signalés Nombre Pourcentage (%) Total 12 100 Non graves 5 42 Graves 7 58 Mise en jeu du pronostic vital 1 8 Décès 1 8 relèvent d’une démarche active visant à potentialiser le nombre de déclarations spontanées. Certaines s’appuient sur l’informatisation des données liées au patient, avec le développement de systèmes d’alertes automatisées permettant de signaler les EIM28,29. D’autres reposent sur des messages de sensibilisation auprès des professions médicales et paramédicales30,31. L’expérience a démontré qu’un retour d’information sur le médicament incriminé de la part du centre régional de pharmacovigilance peut également avoir une influence32. La plupart du temps, ces initiatives nécessitent un investissement personnel important, mais s’inscrivent dans le cadre d’une participation pluridisciplinaire27. Conclusion La pharmacovigilance instaurée dans notre centre hospitalier a eu des répercussions positives indéniables sur la croissance du nombre de déclarations de pharmacovigilance, tant au © APES tous droits réservés point de vue quantitatif que qualitatif. L’interne en pharmacie représente un acteur important pour favoriser la déclaration des EIM. Les raisons de notre succès sont multiples. En plus d’augmenter les déclarations d’EIM, la régularité des visites de l’interne affecté aux déclarations a permis une meilleure sensibilisation des soignants et un gain de temps lors de l’enregistrement des déclarations. Un climat de confiance s’est instauré entre le personnel des unités de soins et l’équipe pharmaceutique, ce qui nous permet de prévoir une pérennisation de la pratique et par conséquent une augmentation des déclarations d’EIM. Financement Aucun financement en relation avec le présent article n’a été déclaré par les auteurs. Conflits d’intérêts Tous les auteurs ont rempli et soumis le formulaire de l’ICMJE pour la divulgation de conflit d’intérêts potentiel. Les auteurs n’ont déclaré aucun conflit d’intérêts en relation avec le présent article. Références 1. Agence national de la sécurité du médicament et des produits de santé. Site de l’Agence national de la sécurité du médicament et des produits de santé. [en ligne] http://ansm.sante.fr/Activites/ Autorisations-de-Mise-sur-le-Marche-AMM/LAMM-et-le-parcours-du-medicament/(offset)/1 (site visité le 13 janvier 2015). 2. Agence national de la sécurité du médicament et des produits de santé. 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Reporting of adverse drug reactions may be influenced by feedback to the reporting doctor. Eur J Clin Pharmacol 2007;63:505-8. Pharmactuel 2015;48(1) 55 Abstract Objective: The purpose of this study was to create a pharmacovigilance culture in our hospital by helping health care professionals to report adverse drug effects to the regional pharmacovigilance centre. Background: In our hospital we had a low rate for reporting adverse reactions to drugs to the regional pharmacovigilance center. In June 2012, we instituted a proactive pharmacovigilance system in which a pharmacy intern contacts the care providers on 15 wards on a regular basis. In December 2013, a schedule of weekly visits between the intern and a preinstructed contact person in the ward was set up. The latter is responsible for centralizing information on suspected adverse reactions to drugs. The goal is to have direct communication between the intern and the reporting care provider to discuss the cases. Results: In 2012, 73 adverse reactions were reported, compared with 21 in 2011. In 2013, 79 adverse reactions were reported, with the main drugs involved being anticoagulants in 28% of the cases. Discussion: This initiative led to a fourfold increase in the number of reports. The addition of scheduled visits by the intern gave new impetus to the gathering of these reports. Care providers paid special attention to the new oral anticoagulants. Conclusion: The increase in the number of reported adverse reactions to drugs, along with cooperation between the care providers and the Department of Pharmacy, have made this initiative a success. Keywords: Drug adverse effects, pharmacovigilance 56 Pharmactuel 2015;48(1) © APES tous droits réservés AU CENTRE DE L’INFORMATION Création de tableaux : lignes directrices du Pharmactuel Christian M. Rochefort1,2,3,4,5, Inf., Ph.D. Infirmier, Ph.D., Professeur adjoint, École des sciences infirmières Ingram, Université McGill, Montréal (Québec) Canada; Membre associé, Département d’épidémiologie, de biostatistiques et de santé au travail, Université McGill, Montréal (Québec) Canada; 3 Membre associé, Département de médecine de famille, Université McGill, Montréal, Québec, Canada; 4 Groupe de recherche en informatique clinique et de la santé, Université McGill, Montréal, (Québec) Canada; 5 Rédacteur associé, Chronique Recherche, Pharmactuel, Montréal (Québec) Canada 1 2 Reçu le 4 décembre 2014; Accepté après révision le 15 décembre 2014 Mise en contexte 1.1 Numéro et titre du tableau Depuis 2012, le Pharmactuel revoit ses politiques éditoriales dans le but de mieux répondre aux divers besoins de son lectorat mais aussi afin qu’elles soient conformes aux nouvelles normes internationales en matière d’édition. Les lignes directrices qui suivent visent à guider les auteurs qui désirent soumettre un manuscrit au Pharmactuel lors de la création de tableaux. Elles sont inspirées de la 10e édition de l’American Medical Association (AMA) Manual of Style – A Guide for Authors and Editors1. Chaque tableau doit avoir un titre bref qui en décrit le contenu de manière précise. Les tableaux doivent aussi être numérotés en chiffres romains, de manière consécutive, selon l’ordre avec lequel ils sont mentionnés dans le texte. Le mot « Tableau » et le numéro du tableau font partie du titre; ils doivent être en caractère gras, suivis d’un point. Ils sont suivis de la phrase du titre, qui doit être en italique, sans caractère gras. Le titre du tableau ne doit pas se terminer par un point. Exemples : Présentation des données sous la forme de tableaux Le tableau constitue le meilleur moyen de présenter, d’organiser ou de résumer un grand volume d’informations dans un manuscrit scientifique ou encore de démontrer les relations entre les données. Les informations présentées dans un tableau ne devraient pas être redondantes avec le texte. De plus, un tableau devrait pouvoir former un tout à part entière. On devrait être en mesure de lire et de comprendre aisément le contenu d’un tableau sans devoir recourir au texte du manuscrit. Un tableau doit être concis et communiquer un message clair et précis. L’information doit y être présentée de manière logique. Par exemple, les informations de même nature doivent être regroupées dans une même section du tableau. De même, si les données sont ordonnées dans le temps (p. ex. avant et après une intervention), ceci doit se refléter dans l’ordre de présentation des informations dans le tableau. 1.0 Les parties d’un tableau Un tableau comporte 5 parties : 1) le numéro et le titre du tableau; 2) le titre des colonnes; 3) le titre des lignes; 4) le champ de données; 5) les abréviations et les notes de bas de tableau. Ces informations sont présentées dans le tableau I. Les sections qui suivent décrivent les lignes directrices à suivre pour chacune de ces parties. Tableau II. S ignes et symptômes du syndrome de détresse respiratoire aigüe Tableau III. Relation entre la pression artérielle et la pression intraoculaire chez les patients souffrant d’un glaucome à angle ouvert 1.2 Titre des colonnes Les principales catégories d’informations dans un tableau doivent se retrouver dans des colonnes distinctes. Pour les études décrivant la relation entre une variable indépendante et dépendante, la colonne contenant l’information au sujet de la variable indépendante doit précéder celle contenant l’information concernant la variable dépendante. Chaque colonne doit avoir un titre bref qui identifie et décrit l’ensemble des éléments placés en dessous. Le cas échéant, l’unité de mesure doit être indiquée entre parenthèses après le titre de la colonne, à moins qu’elle ne fasse partie du titre de la ligne (voir section 2.3); [p. ex. : Pression artérielle systolique (mm Hg)]. L’unité de mesure ne doit pas être répétée dans les cellules de la colonne. Si les données sont présentées de manière identique pour toute la colonne, ceci peut être indiqué après le titre de la colonne ou les unités, selon le cas; p. ex. : moyenne (écart type). Les titres des colonnes doivent être en caractères gras. Il est possible au besoin de donner des sous-titres aux colonnes (voir tableau II). Les longs titres peuvent être abrégés, mais la signification des abréviations doit être expliquée dans les notes de bas de tableau. Pour toute correspondance : Christian M. Rochefort, Groupe de recherche en informatique clinique et de la santé, 1140, avenue des Pins Ouest, Montréal (Québec) H3A 1A3, Canada; Téléphone : 514 934-1934, poste : 32999; Télécopieur : 514 843-1551; courriel : [email protected] © APES tous droits réservés Pharmactuel 2015;48(1) 57 Le numéro et le titre du tableau Tableau ICaractéristiques . Caractéristiques es patients de l’entrée dans etl’étude et du Tableau I. des dpatients lors delors l’entrée dans l’étude du premier suivi premier suivi Entrée dans Entrée dans Premier l’étude l’étude Premier suivi suivi (n = 111) (n = 61) Caractéristiques (n = 111) (n = 61) Age, M (ÉT) 60 (11,2) 60 (11,1) Age, M (ÉT) 60 (11,2) 60 (11,1) Femmes, n (%) 33 (30,0) 21 (34,4) Femmes, n (%) 33 (30,0) 21 (34,4) Poids (kg), M (ÉT) 82,5 (12,2) 81,2 (11,2) Poids (kg), M (ÉT) 82,5 (12,2) 81,2 (11,2) Taille (cm), M (ÉT) 173,7 (25,8) 173,0 (25,3) Taille (cm), M (ÉT) 173,7 (25,8) 173,0 (25,3) Clairance de la créatinine M (ÉT)(mmol/l), M (ÉT) 75,0 (10,5) 76,0 (10,5) Clairance de la c(mmol/l), réatinine 75,0 (10,5) 76,0 (10,5) Race, n (%)n (%) Race, Blanche 85 (43) 63 (43) Blanche 85 (43) 63 (43) 64 (33) Noire Noire 64 (32) (32) 48 48(33) Hispanique Hispanique 32 (16) (16) 19 19(13) 32 (13) a a Autre Autre 17 17 17(11) 17 (9)(9) (11) Caractéristiques Les titres des lignes Abréviations cm : centimètres; ÉT kg : : ékilogrammes; cart type; kM : g moyenne : kilogrammes; M : moyenne Abréviations : cm : :centimètres; ÉT : écart type; a a La catégorie « autre » comprend toute autre race non représentée par les autres La catégorie « autre » comprend toute autre race non représentée par les autres catégories susmentionnées catégories susmentionnées 1.3 Titre des lignes La colonne située à l’extrême gauche du tableau contient le titre des lignes. Le titre de ligne sert à nommer le contenu d’une ligne du tableau et doit s’appliquer à chacun des éléments de celle-ci. Si le titre de la colonne ne spécifie pas d’unité de mesure (voir section 1.2), celle-ci doit figurer entre parenthèses à la suite du titre de la ligne (voir tableau III). Les titres de lignes sont justifiés à gauche. Les composantes d’un titre de ligne sont placées en retrait par rapport à ce dernier. Pour ce faire, utilisez l’outil de création de tableaux dans Word afin de fractionner en deux les cellules se trouvant immédiatement sous celle du titre de ligne en question. Cette opération vous permettra de décaler le contenu des cellules légèrement vers la droite. Il faut éviter d’utiliser des espaces ou des tabulations pour déplacer le contenu des cellules, car elles seront perdues lors de la mise en page des articles. Chaque ligne de données doit être placée dans une ligne distincte du tableau. 1.4 Champ de données Comme son nom l’indique, le champ de données contient les données à présenter. Chaque élément de donnée doit avoir sa propre cellule. Une cellule est définie par l’intersection d’une ligne et d’une colonne. Les cellules peuvent contenir du texte, des chiffres, des symboles ou encore une combinaison de tous ces éléments. Par exemple, une même cellule peut contenir un nombre suivi d’un pourcentage, ou une mesure de tendance centrale (p. ex. : moyenne, médiane) suivie d’une mesure de dispersion (p. ex. : écart type, étendue interquartile). Il ne faut pas utiliser le caractère gras pour mettre en évidence certaines informations du tableau. Par ailleurs, l’alignement vertical à l’intérieur d’une colonne est important pour la présentation visuelle des données. Autant que possible, les colonnes de données doivent être justifiées à droite. Il ne faut pas avoir recours aux tabulations ou aux espaces pour aligner les éléments des cellules. 58 Pharmactuel 2015;48(1) Les titres des colonnes Le champ de données Les notes de bas de tableau Tableau II. Risque relatif de mortalité après un diagnostic d’insuffisance cardiaque selon les critères de Framingham Risque relatif (intervalle de confiance à 95 %) Age (années) 1979 – 1984 1985 – 1990 1991 – 1995 1996 – 2000 Hommes 60 1 [Référence] 0,84 (0,69 – 1,02) 0,63 (0,50 – 0,80) 0,48 (0,36 – 0,64) 70 1 [Référence] 0,84 (0,73 – 0.97) 0,74 (0,63 – 0,88) 0,59 (0,49 – 0,74) 80 1 [Référence] 0,85 (0,72 – 1,00) 0,88 (0,75 – 1,04) 0,72 (0,61 – 0,87) Femmes 60 1 [Référence] 0,80 (0,63 – 1,03) 0,95 (0,73 – 1,24) 0,67 (0,48 – 0,92) 70 1 [Référence] 0,91 (0,77 – 1,06) 0,99 (0,83 – 1,18) 0,79 (0,64 – 0,98) 80 1 [Référence] 1,02 (0,90 – 1,15) 1,03 (0,90 – 1,17) 0,94 (0,82 – 1,09) 10 1.5 Abréviations et notes de bas de tableau Les abréviations et les notes de bas de tableau doivent être placées immédiatement sous le tableau. La police de caractère utilisée pour ces deux éléments peut être plus petite que celle employée dans le reste du tableau (p. ex. : Times New Roman 8). Toutes les abréviations utilisées dans un tableau doivent être définies en italique au bas de celui-ci. Les abréviations et leurs définitions doivent être présentées par ordre alphabétique, précédées de la mention « Abréviations : » en italique, de la manière suivante : l’abréviation suivie de la description, avec deux points (:) entre les deux. La première lettre de chaque abréviation doit être en minuscule, à moins que l’abréviation entière ne soit composée de lettres majuscules. Chaque élément doit être © APES tous droits réservés Tableau III. Caractéristiques des patients ayant un accident vasculaire cérébral et recevant un traitement avec l’activateur tissulaire du plasminogène Caractéristiques Tous les patients traités avec l’ATP n (%) Groupes d’âge (années) < 55 294 (17,7) 55 – 64 443 (26,7) 65 – 74 ≥ 75 Ceci est un exemple. 525 (31,7) 396 (23,9) Sexe Femmes 697 (42,0) Hommes 961 (58,0) Temps entre le début des symptômes et l’arrivée à l’hôpital (heures) < 3 1508 (91,0) ≥ 3 150 (9,0) Comorbidités Diabète Hypertension 395 (23,8) 1158 (69,8) Antécédents d’AVC 180 (10,9) Fibrillation auriculaire 496 (29,9) Signes neurologiques Faiblesse/parésie 1436 (86,6) Aphasie 777 (46,9) Dysarthrie 580 (35,0) Diminution du niveau de conscience 407 (24,6) Abréviations : ATP : activateur tissulaire du plasminogène; AVC : accident vasculaire cérébral séparé par un point-virgule. Aucune ponctuation ne suit le dernier élément. Exemple : cm : centimètres; IM : intramusculaire; kg : kilogrammes Les notes de bas de tableau peuvent contenir de l’information s’appliquant à la totalité du tableau, à des parties de ce dernier (p. ex. : une colonne ou une ligne en entier) ou encore au contenu d’une cellule en particulier. À l’intérieur du tableau, les notes sont indiquées par des lettres (de a à z) placées en exposant. La lettre qui renvoie à une note s’appliquant à l’ensemble d’un tableau doit être placée à la suite du titre du tableau en question. La lettre qui renvoie à une note s’appliquant à une colonne ou à une ligne en entier doit être placée à la suite du titre de la colonne ou de la ligne en question. Enfin, la lettre qui renvoie à une note s’appliquant au contenu d’une seule cellule doit être placée après l’élément de donnée de la cellule en question. En bas du tableau, les notes doivent commencer par la lettre correspondante, placée en exposant et suivie d’une espace. La note ne doit pas se terminer par un point. La note qui suit commencera à la ligne suivante (voir tableau IV). Afin d’économiser de l’espace, la liste des notes sous les tableaux peut se présenter en deux colonnes distinctes. © APES tous droits réservés Parfois, une note de bas de tableau peut aussi servir à en préciser la provenance ainsi que la permission de publier cette adaptation du tableau (p. ex. : Adapté de : [citer la référence au complet] avec permission; voir tableau IV). Dans un tel cas, la lettre renvoyant à cette note doit être placée à la suite du titre du tableau. Par ailleurs, lorsqu’une référence est citée dans un tableau, il est nécessaire qu’elle soit aussi citée dans la liste des références selon l’ordre d’apparition des autres références dans le texte. Si le texte du manuscrit a déjà cité la référence en question, il faut utiliser le même numéro de référence dans le tableau. Par contre, si c’est la première fois que cette source est citée, elle doit être numérotée en fonction de la position du tableau dans le texte. Par exemple, si la dernière référence citée dans le texte avant l’insertion du tableau porte le numéro 30, la référence citée dans le tableau doit être numérotée 31 (voir tableau IV, note a). 2. Autres recommandations 2.1 Nombres, unités de mesure et signification statistique Les décimales sont séparées du chiffre qui précède par une virgule (p. ex. 2,3). Un nombre représentant une valeur doit être présenté avec un degré de précision identique aux résultats de la mesure. Par exemple, si la mesure d’un poids donne un nombre entier de kilogrammes, ce dernier doit figurer sous la forme d’un entier (p. ex. 75 kg et non 75,0 kg). Par ailleurs, les pourcentages doivent présenter le même degré de précision que le dénominateur. Par exemple, le pourcentage découlant de la proportion de 9 dans 28 doit s’écrire 32 % ou 0,32, et non 32,1 % ou 0,321. Dans ce dernier cas, il faut arrondir en suivant les règles suivantes : a) Augmenter le chiffre correspondant au degré de précision désiré d’une unité si le chiffre suivant est supérieur ou égal à 5 (p. ex. 0,327 serait arrondit à 0,33); b) conserver le chiffre correspondant au degré de précision désiré si le chiffre suivant est inférieur strictement à 5 (p. ex. 0,321 serait arrondit à 0,32). Dans la plupart des cas, les valeurs p doivent être exprimées par deux décimales (p. ex. p = 0,01), à moins que les deux premières décimales soient des zéros. Dans ce cas, trois décimales peuvent être employées (p. ex. : p = 0,002). Les valeurs p inférieures à 0,001 doivent s’exprimer sous la forme p < 0,001. Il ne faut pas utiliser la mention « NS » (non significatif) pour les valeurs non statistiquement significatives. Dans un tel cas, il faut rapporter la valeur p exacte, en suivant les règles mentionnées ci-dessus. Pour les intervalles de confiance, le nombre de décimales doit correspondre au nombre de décimales de l’estimation pour laquelle il a été calculé. Par exemple, pour un rapport de cote de 2,45, l’intervalle de confiance à 95 % doit être rapporté avec deux décimales (p. ex. : RC : 2,45; IC 95% : 1,32 – 4,78). 2.2 Données manquantes et espaces blancs Les données manquantes et les espaces laissés blancs peuvent créer de la confusion dans un tableau. Lorsque certaines données d’un tableau sont manquantes, on peut utiliser Pharmactuel 2015;48(1) 59 Tableau IV. Risques physiques associés à la pratique de différents sports par les jeunes âgés de plus de six ansa Risque par millions de participations Sport Nombre total de blessures Lésions permanentes Blessures gravesb Chirurgies Os fracturés Football 3800 42 500 270 910 Soccer 2400 38 300 ND ND Basketball 1900 58 300 160 180 Cheerleading 1700 ND 100 ND ND Baseball 1400 61 300 120 30 800 ND 200 20 170 Skateboard Abréviations : ND : non disponible a Adapté de : American Sports Data (2005)31 avec permission b Les blessures graves font référence à celles entrainant un traitement aux urgences, un séjour à l’hôpital, une chirurgie ou une physiothérapie et empêchant la participation à une activité physique pour une période d’au moins un mois la mention NA (non applicable) ou ND (non disponible). Cependant, la signification de la mention NA ou ND doit apparaître dans la liste des abréviations (voir tableau IV). Enfin, lorsque le contenu d’une cellule est égal à zéro, il faut utiliser le chiffre zéro pour l’indiquer. New Roman 12 doit être employée. Dans le texte, à l’endroit où le tableau doit s’insérer, l’auteur doit mettre la mention « insérer tableau X » et la mettre en surbrillance en jaune. Les tableaux sont insérés à la fin du document principal (fichier texte), après les références. Les tableaux ne doivent pas faire plus d’une page de longueur. 2.3 Totaux et pourcentages Il faut vérifier les totaux et pourcentages présentés dans un tableau afin qu’ils correspondent aux valeurs présentées dans le résumé et le manuscrit. Tout écart (p. ex. : lorsque la somme des pourcentages ne totalise pas 100 en raison des arrondissements) doit être expliqué dans les notes de bas de tableau. 2.4 Ombrages et couleurs Les tableaux ne doivent comporter ni couleur ni ombrage. 2.5 Autres considérations Il faut utiliser l’outil de création de tableaux de Word pour créer les tableaux. Les tableaux ne doivent pas être insérés sous la forme d’une image ou téléchargés à partir d’une image. À l’instar du texte, les tableaux doivent être présentés à double interligne et la police de caractères Times Conclusion Le comité de rédaction du Pharmactuel espère que ces lignes directrices aideront les auteurs à représenter de manière judicieuse et efficace leurs données sous forme de tableaux lors de la préparation de leur manuscrit. Financement Aucun financement en relation avec le présent article n’a été déclaré par l’auteur. Conflits d’intérêts L’auteur a rempli et soumis le formulaire de l’ICMJE pour la divulgation de conflits d’intérêts potentiels. L’auteur n’a déclaré aucun conflit d’intérêts en relation avec le présent article. Références 1. Iverson C, Christiansen S, Flanagin A, Fontanarosa PB, Glass RM, Gregoline B et coll. Visual presentation of data. Dans : American medical association manual of style: A guide for authors and editors. 10e éd. New York : Oxford University Press; 2007. p. 81-124. 60 Pharmactuel 2015;48(1) © APES tous droits réservés