Vitamine B1 La thiamine (vitamine B1, aneurine) est une vitamine hydrosoluble dont les carences ont été décrites en Chine dès l’an 2600 avant J.-C. Ce n’est qu’en 1885 qu’on rattacha à une cause nutritionnelle un syndrome polynévritique observé chez les mangeurs de riz. Cette maladie fut appelée béribéri. La thiamine est formée d’un noyau pyrimidique relié par un pont méthylène à un noyau thiazole contenant un azote quaternaire. Les sources naturelles les plus riches sont la levure de bière, les péricarpes des fruits et les germes de céréales. On en trouve aussi dans pratiquement tous les tissus animaux, le lait, les œufs. Les fruits et légumes verts apportent peu de thiamine, et ce d’autant que la vitamine B1, hydrosoluble, passe facilement dans l’eau de cuisson et est thermolabile. La thiamine non estérifiée est absorbée par l’intestin selon un processus de transport actif, puis passe dans la circulation générale. Elle est transformée au niveau cellulaire en pyrophosphate de thiamine (TPP), forme biologiquement active. Cette réaction s’effectue surtout dans le foie et, à un degré moindre, dans les muscles et le système nerveux. Dans le sang, les trois quarts de la thiamine sont sous forme de pyrophosphate et un quart sous forme libre. La vitamine B1 diffuse dans tous les tissus, en particulier le foie, le cerveau, les reins, le cœur. Les muscles striés sont pauvres en thiamine, à l’exception du myocarde qui est un des tissus les plus riches en TPP. L’élimination urinaire se fait sous forme de dérivés pyrimidiques ou thiazoliques, ainsi que de thiamine libre en cas d’apports importants. L’organisme contient environ 25 mg de thiamine, mais il n’existe pas de stockage tissulaire (même en cas d’excès d’apport), d’où la nécessité d’un apport quotidien suffisant : l’OMS recommande 1 à 1,5 mg/j chez l’adulte, en raison de l’élimination rapide par voie urinaire de tout excès. Les réserves de l’organisme étant très faibles, la surveillance du statut vitaminique est souhaitable en cas d’augmentation des besoins pour éviter l’apparition d’une carence. Ces besoins augmentent pendant la grossesse et l’allaitement, en cas de malabsorption ou de diarrhée prolongée, de consommation régulière d’alcool, de régime alimentaire riche en glucides (en particulier dans les alimentations parentérales exclusives). Sous forme de triphosphate, la vitamine B1 a un rôle de neurotransmetteur, elle potentialiserait les effets de l’acétylcholine. Sous forme de pyrophosphate, elle est le cofacteur de plusieurs réactions enzymatiques : • décarboxylation oxydative des acides α-cétoniques : le pyruvate est transformé en acétyl-coenzyme A, carrefour métabolique important du cycle de Krebs, de la synthèse des acides gras… ; • transcétolisation : voie secondaire de la glycolyse existant dans de nombreux tissus, en particulier les hématies. La thiamine est le principal cofacteur de la transcétolase. Le béribéri est encore fréquent en Inde, en Indonésie, aux Philippines ; il s’agit de la forme infantile ou du moins du jeune adulte. Il est exceptionnel en France. La carence d’apport s’observe après consommation prolongée uniforme d’aliments hautement raffinés (riz poli, farine blanche) ou déplétés en vitamines par suite de mise en conserve ou de stérilisation. Le déficit est souvent secondaire à une malabsorption intestinale, des vomissements ou des diarrhées. Les signes cliniques sont, outre une altération de l’état général avec amaigrissement et anorexie, des œdèmes, polynévrites et surtout bradycardies et cardiomégalie. Chez l’adulte, la carence en vitamine B1 se manifeste davantage par les troubles neurologiques, la cause la plus fréquente étant l’alcoolisme (la carence pouvant alors dépasser 30 %). En effet l’alcool, qui ne peut être métabolisé que sous forme d’acétate actif, provoque une importante consommation de thiamine, d’autant qu’il existe souvent une carence d’apport par déséquilibre de l’alimentation. De plus, l’atteinte hépatique qui en résulte s’oppose à l’utilisation normale de la thiamine par le foie. La carence est alors représentée par des complications neurologiques centrales : encéphalopathie de GayetWernicke (encéphalite hémorragique supérieure), syndrome de Korsakoff (troubles mentaux, désorientation et amnésie le plus souvent irréversible), accompagnées de signes généraux comme asthénie et anorexie. La polynévrite éthylique est plus complexe et résulte surtout de désordres nutritionnels auxquels participent les carences de toutes les autres vitamines du groupe B. Elle débute le plus souvent par des troubles de la marche évoluant vers une paralysie flasque symétrique se compliquant de troubles sensitifs et trophiques. Il en résulte une impotence avec une forte amyotrophie. En revanche, la myocardie de l’alcoolisme est en rapport direct avec le déficit en thiamine. L’usage de la vitamine B1 est donc proposé dans certaines affections neurologiques et algiques, et ce d’autant qu’il n’existe pas de risque d’hypervitaminose B1, sauf en cas de phénomènes d’hypersensibilité. On peut trouver une carence en B1 chez les grands buveurs de thé ainsi que chez les consommateurs de poisson cru, car ces éléments contiennent des antagonistes de la thiamine. Dans l’établissement du statut en vitamine B1, le dosage de la vitamine est un élément important car la thiamine circulante globale est le reflet de l’apport alimentaire et de l’étape d’absorption. Le dosage doit être effectué sur érythrocytes, la concentration étant 10 fois plus importante que celle du sérum et reflétant mieux les réserves de l’organisme. La mesure fait appel à la chromatographie liquide haute performance, les valeurs usuelles de l’érythrocyte étant de 66 à 200 nmol/l, soit 28 à 85 μg/l. L’exploration fonctionnelle de cette voie métabolique se complète par l’étude du pyruvate. Dans les carences en thiamine, on observe, bien que cela ne soit pas impératif, une acidose lactique avec augmentation du pyruvate et diminution du lactate entraînant donc un rapport normal, voire abaissé. On observe également une augmentation de l’α-cétoglutarate et de l’alanine comme en période de jeûne. ☞ Vitamines