LUC DUPONT VERS UNE ANALYSE SOCIOLOGIOUI$ DE LA PUBLICITE ICONIOUE: 1987-1W Thèse présentée à la Faculté des études supérieures de l'Université Laval pour l'obtention du grade de Philosophiae Doctor (Ph.D,) JXparternent de sociologie FACULTÉ DES SCIENCES SOCIALES UNIVERSUI?LAVAL QUI~BEC O Luc Dupont, 2000 National Library BibliitMque nationale du Canada Acquisitions and Bibliographk Services Acquisitions et sen-icesbibliographiques 395 Wellington Street Onawa ON K1A ON4 395. nie W canada m ûtfawaON KlAONI cmmdm The author has granted a nonexclusive licence allowing the National Library of Canada to reproduce, loan, distribute or sel1 copies of this thesis in microform, paper or eiechonic formats. L'auteur a accordé une licence non exclusive permettant à la Bibliothèque nationale du Canada de reproduire, pr6ter, distribuer ou vendre des copies de cette thèse sous La forme de microfiche/^, de reproduction sur papier ou sur format électronique. The author retains ownership of the copyright in this thesis. Neither the thesis nor substantial extracts fiom it L'auteur conserve la propriété du droit d'auteur qui protège cette thèse. Ni la thèse ni des extraits substantiels de celle-ci ne doivent être imprimés ou autrement reproduits sans son may be printed or othenvise reproduced without the author's permission. autorisation. La présente étude vient jeter un regard sur la socîét6 occidentale à travers les images publicitaires. Plus spécifiquement, on cherche à identifier les thèmes et les symboles qui composent la rrace ou niveau neutre (Molino, 1975). Les observations des publicités étudiées nous font découvrir quatre figures du temps ainsi que huit types de configurations spatiales. Par ailleurs, on a constaté que le discours publicitaire est entretenu par le jeu des acteurs sociaux, notamment dans le langage non verbal. Enfin, une partie de la recherche a porté sur l'imaginaire dans la publicité. On a identifié et développé deux thèmes dominants de cet imaginaire: les personnages mythiques et le standing imaginaire. <<L'achat,la vente, l'appropriation de biens et d'objets-signes différenciés, constituent aujourd'hui notre langage, notre code, celui par où la societ6 entière communique et se par1e.u Jean Baudrillard, La societe de consommation La prksente étude vient jeter un regard sur la société occidentale à travers les images publicitaires. Plus spécifiquement, on cherche à identifier les thèmes et les symboles qui composent la trace ou niveau neutre (Molino, 1975). Pour procéder à l'analyse, on a constitué une grille qui a permis de procéder à la description exhaustive de la trace publicitaire. Les observations des publicités étudiées nous font découvrir quatre figures du temps (le temps biographique, le temps historique, le temps géré et le temps des rituels) ainsi que huit types de configurations spatiales (l'espace interstellaire, l'espace mondial, l'espace national, I'espace infranational, I'espace domestique, l'espace autre, I'espace religieux et l'espace cosmologique). Par ailleurs, on a constaté que le discours publicitaire est entretenu par le jeu des acteurs sociaux, notamment dans le langage non verbal. Ce discours s'exprime sur le plan corporel et contribue à construire l'image de l'homme et de la femme, de la sexualité et de la bonne forme physique. Enfin, une partie de la recherche a porté sur l'imaginaire dans la publicité. On a identifié et développé deux thèmes dominants de cet imaginaire: les personnages mythiques et le standing imaginaire. Cette 6tude sur la publicité vise à renouer avec la complexité des signes, des mythes et des symboles. On cherche à savoir ce que l'image publicitaire raconte sur la société. La trace publicitaire sera considérée n relhent de la comme un univers de signes et un mode de ~ i g ~ c a t i oqui sémiologie. On abordera donc l'image publicitaire comme un construit qui permet de mieux comprendre la société dam laquelle on vit. REMERCIEMENTS Il nous est agréable de remercier notre directeur de thèse, monsieur André Turmel, professeur au Département de sociologie de l'Université Laval, pour ses conseils, ses suggestions de lectures et ses remarques pertinentes. Non seulement monsieur Turmel a cru dès le départ à notre projet, nous guidant et nous soutenant dans notre démarche, mais il nous a également assuré de sa constante disponibilité, de ses conseils et de ses vastes connaissances, tout au long de nos recherches et de la rédaction de notre thèse de doctorat. Je me dois aussi de mentionner l'aide et le soutien apportés par monsieur Gabriel Dussault qui a réalisé la pré-lecture, monsieur Claude Cossene, professeur au Département d'information et de communication de l'université Laval, monsieur Denis Bachand, professeur au Département de communication de l'Université d'Ottawa, monsieur Pierre St-Arnaud, professeurs au Département de sociologie de l'université Laval et monsieur Jacques de Guise, professeur au Département d'information et de communication de l'université Laval. Je me dois enfin de remercier messieurs Jeannot Lefebvre et Michel Marcoux de la firme Mediacom, Denys Durocher de la fimie Métrornédia et Jocelyn Bernier, photographe. Luc Dupont ....................................................................................... REMERCIEMENTS ........................................................................ TABLE DES MATIÈRES ................................................................ INTRODUCTION .......................................................................... A . Présentation de la recherche ................................................. RÉSM Chapitre premier Revue de littérature et état de la question A . Introduction ........................................................................20 B . Revue de la littérature ........................................................ 21 1 . La perspective économique............................................. -21 2. La perspective sociologique.............................................25 2.1 Un phénodne culturel ..........................................25 2.2 Un système symbolique .........................................-27 2.3 Un proassus d'uniformisation culturelle ................ 28 30 2.4 Un outil de contrôle social ..................................... 3 . La perspective critique...................... .....................33 ......................35 3.1 La manipulation ...................... 3.2 La création de faux besoins ....................................37 3.3 Un biais culturel ....................................................38 -41 C. État de la question ............................................................... 1 . Critique du schdma mécaniste de la communication .......... 42 2. Critique des approches quantitatives .................................54 D. Conclusion........................................................................... 58 . . . . . . Chapitre 11 Élbments pour une problématique A . Introduction ........................................................................ 60 B . L'image publicitaiie: un phtnomène cultuml ...........................62 1 . Quelques remarques au sujet de la culture .........................62 2. Culture et image ............................................................64 3. Culture et publicité ........................................................ 68 C . Vie sociale et imaginaire ...................................................... -70 1. Le symbolique ............................................................... 72 1.1 Le problhe de la signification ..............................76 1-2La sémiologie .......................................................81 1.2.1 Le signe. le signifiant et le signifid ................84 1.2.2 Dénotation et connotation ............................ 85 1.2.3 La rhétorique ..............................................86 2. Le mythique ................................................................. -87 D. Conclusion ........ Chapitre III Méthodologie Introduction ........................................................................92 Présentation du corpus ..........................................................92 Question de recherche ......................................................... 96 Principes d'analyse .............................................................. 97 1 . L'intertextualité ...................................... ............ 2. L'interactivité ............................................................. Les messages iconiques ...................................................... 1 . Méthode d'analyse ....................................................... 2. La grille d'analyse ...................................................... 2.1 Les figures du temps ........................................... 2.2 Les figures de l'espace ........................................ 2.3 Les figures du corps ........................................... 2.4 Les figures de Fimaginaire .................................. 113 HypMh&se ....................................................................... 115 . . G.Conclusion ....................................................................... 116 DEUXIÈME PARTIE Chapitre IV Les figures du temps dans la publicité A . Introduction ...................................................................... B .Temps social et pubticité..................................................... 1. Le temps biographique................................................. 1.1 La premii?reenfance ........................................ 1.2 La deuxihe enfance .......................................... 1.3 LRs jeunes adultes .............................................. 1.4Le mariage ........................................................ 139 1.5 La famille .......................................................... 139 1.6 La vieillesse ....................................................... 141 1.7 La mort ............................................................ 143 2. Le temps historique .................................................... 146 ..................... 147 2.1 Le temps des an&tm .............. 2.2 Le temps premier ..................... .................... 149 2.3 Le temps contemporain ....................................... 150 2.4 Le temps de i'avenir............................................ 152 3 . Le temps géd ............................................................. 153 3.1 La journée ......................................................... 155 3.2 La semaine et le mois ......................................... 155 3.3 Les saisons ....................................................... 156 3.4 L'année ........................................................... 157 4. Le temps des rituels ..................................................... 157 C . Conclusion ........................................................................ 160 . . . . . Chapitre V Les figures de l'espace dans la publicité A . Introduction ..................................................................... 162 B . Espace et publicité ............................................................. 163 1 . L'espace interstellaire .................................................. 164 2. L'espace monciial ......................................................... 165 3 . L'espace national ......................................................... 166 3.1 Les hts-unis.................................................... 166 3.1.1 La Californie ........................................... 168 3.2 L'ex-URSS ........................................................170 3.3 Le Cana& ..........................................................171 3.4 L'Amérique latine .............................................. 171 3.5 L'Europe ........................................................... 172 3.6 L'Asie .............................................................. 173 3.7 Les pays arabes .................................................. 174 3.8 L'Océanie .......................................................... 174 3.9 L'Afrique .......................................................... 174 4. L'espace infranational ou oomrnunautaire ...........*.......... 175 4.1 Le rural ........................*................................... 176 4.2 L'urbain ............................................................ 178 .................................................... 5. L'espace domestique 182 6. L'espace autre ............................................................ 186 7. L'espace niigieux ....................................................... 189 8. L'espace cosmologique................................................. 8.1 L'eau ............................................................... 8.2 Le feu .............................................................. 8.3 L'air ................................................................. 8.4 La terre ........................................................... C. Conclusion ....................................................................... Chapitre VI Les figures du corps dans la publicité A . Introduction ..................................................................... B . La mise en scène publicitaire du corps ................................. 1. La tête ....................................................................... 2. Le visage ........*..*..............................*.....*..**...........*.. 3. Les yeux .................................................................... 4. Le nez ........................................................................ 5. Les oreilles ................................................................. 6. La bouche .................................................................. 7. Le cou ...................................................................... 8. Les épaules ............................................................... 9. Les bras .................................................................... 10. Les mains et les doigts ............................................... 11. Les seins ................................................................... . . . . . . .................................................................. 12 Le coeur 13 Le dos ..................................................................... 14 Le ventre et le nombril .............................................. 213 15 Les hanches .............................................................. 213 16. Les fesses ................................................................. 214 17 Les organes genitaux .................................................. 214 216 18 Les jambes et les pieds 19. Le squelette et la m~phologiedu corps 217 ................................... 219 C. Le corps de l'homme et de la femme 1 L'homme .................................................................... 220 2 La femme ............................................................ 223 ....................................................... 225 D. Le corps et la sexualité E. Le culte de la bonne forme physique ................................... 228 1. Modernité et décontraction ........................................... 228 2. La virilité ...................................................................229 3. Les lieux sportifs ......................................................... 230 4 Les sports d'équipe ..................................................... 231 F. Conclusion ....................................................................... 231 . . . .............................................. ....................... Chapitre VI1 L'imaginaire dans la publicitd A . Introduction ................................................................... 234 B . Les personnages et les animaux mythiques ........................... 235 1. Les personnages humains ..............................................236 1.1 Les stars ........................................................... 237 1.1.1 Les stars de cinéma d'hier .......................... 237 1.1.2 Les stars de cinéma d'aujourd'hui ............... 238 1.2Les gens cé18bres ................................................ 239 1.2.1 Les sportifs .............................................. 239 1.2.2 Les politiciens et les militaires .................. 240 1.2.3 Les peintreslchanteurdd6couvreurs ............ 241 1.2.4 Les savants .............................................. 241 1.3 Les personnages de contes et de légendes............... 241 ............................. 245 1.4 Les personnages institutio~els 1.5 Les personnages de la bande dessinée .................... 248 1.6 Les personnages fictifs ....................................... 249 2. Les animaux et les insectes............................................ 249 2.1 Les chiens et les chats ......................................... 251 2.2 Le cheval ........................................................... 252 2.3 Lm animawr sauvages ......................................... 252 2.4 La faune traditionnelle ........................................ 254 2.5 Les oiseaux ........................................................ 256 2.6 Les insectes ....................................................... 258 2.7 Le monde de l'eau ..............................................259 C. Standing et publicit6 ........................................................... 260 1. Les personnages .......................................................... 261 2. Les objets ..................................................................263 3. La marque .................................................................. 265 4. La culture ................................................................. 266 4.1 Lm ................................................................ 267 4.2 La musique ........................................................ 267 4.3 Le plaisir des sens .............................................. 268 5. Les espaces de la richesse ............................................. 268 6. Les sports et les loisirs ............................................. 269 7. L'argent ..................................................................... 270 D . Conclusion ........................................................................ 271 CONCLUSION ............................................................................ 273 BIBLIOGRAPHIE ........................................................................ 279 Auteurs cités ......................................................................... 279 Auteurs consultés .............................................................. 301 ANNEXE A: Le temps ANNEXE B: L'espace ANNEXE C: Le corps ANNEXE D: L'imaginaire Introduction Comme objet de discussion, La publicité peut déclencher des réactions favorables ou hostiles. Partout dans les milieux académiques et intellectuels, par «principe»,il existe un cynisme certain qui condamne la pub!icité à cause de l'utilisation fréquente de symboles et d'images faisant appel à des clichés ou goûts vulgaires (McCracken, 1982; Olson, 1995). Pourtant, selon Boorstin, cette attitude est malsaine et contre-productive d'un point de vue scientifique: «Notre zèle frénétique à dénoncer la publicité, notre peur de la publicité et notre incapacité à la faire phétrer dans les vieilles alvéoles familières de l'expérience - tout cela empêche d'en considérer la signification universelle de pierre de touche de notre concept changeant du savoir et de la réalitem (Boorstin, 1971: 309). Bien sQr,se concentrer sur les images publicitaires, comme on le fera dans cette thèse, c'est décider de travailler presque exclusivement sur des oeuvres de fiction tout en leur accordant un statut de documents. Depuis plusieurs décennies déjà, des disciplines, telle la sociologie, ne se satisfont plus de sources dites classiques. Comme l'ont rappel4 Ferro (1975: 13), Giroux (1988) et Frith (1997), des pans entiers de recherche font maintenant appel aux traditions non écrites, à la culture orale, aux corpus de légendes ou à la publicité. Toutes ces formes cultureIles fonctionnent en effet comme des révélateurs qui permettent de dresser un tableau éclairant d'un imaginaire collectif, à la fois comme «témoin de son temps» et source de clichés culturels. Cet aspect est décrit par Moles (1%9) lorsqu'il présente l'image publicitaire comme une construction de l'expérience en société et un document à caractère éducationnel. Le discours pubticitaire est d'autant plus important qu'il est à la fois matraquage et redondance, qu'il suggere généralement la vraisemblance de l'histoire racontée tout en rendant très humains les personnages. Certes les statistiques établies ne sont pas toujours sûres, mais elles permettent néanmoins de situer la publicité de façon objective dans la société moderne. En 1995, l'ensemble des sommes consacrées à la publicité au Canada était d'environ 20 milliards $, tandis qu'aux États-unis, Adverfishg Age évalue que les investissements publicitaires s'élevaient à 160 milliards $ pour la même période. Au-delà de la publicité, qui est là comme un arbre cachant la forêt, la visibilité étend son impératif et bouscule l'ancien partage entre privé et public. On retrouve de la pubiicitb dans les journaux, les magazines, à la télévision, à la radio, sur internet et sur les panneaux-affiches. Qui plus est, elle apparaît maintenant sur les camions, dans le d t m et les autobus, sur le toit des taxis, sur les insignes, les banderoles, les casquettes, les nappes, les briquets, les stylos, les cartons d'allumettes, les billets de spectacle, les sacs de provisions, les macarons, les parcomètres et les gaminets. Il y a même de la publicité sur les coquilles d'oeufs, dans les sailes de bains, sur les bancs des parcs et sur les poubelles! En 1991, McKenna (1991) évalue que les Américains sont potentiellement exposés à 3 000 messages par jour, ou 1 095 000 publicités chaque année. À titre de comparaison, Raymond Augustive Bauer et Stephen Greyser (1968) estimaient qu'au milieu des années soixante Les consommateurs étaient exposés iî 350 messages publicitaires par jour. Ces éléments signalent à la fois l'importance de s'interroger sur ce que dit la publicité et l'exigence de considérer le phénomène publicitaire comme un mode d'acculturation typique des sociétés développées. En décrivant la vie quotidienne, la publicité parle du choc des générations, des hommes et des femmes, ce que sont les traditions, la culture ou le statut social. Pour paraphraser Mattelard, les créateurs publicitaires posent et exposent des styles de vie: comment on s'habille et on se déshabille, comment on travaille ou on s'amuse, comment on sera éternellement jeune, aimé et heureux, ce qu'est la réussite et l'amour, comment on perçoit les relations familiales et interpersonnelles. Les thèmes et les mythes de la publicité contribuent ainsi à construire les grands mythes - Progrès, Abondance, Loisirs, Jeunesse et Bonheur. Discours de l'expérience en société, la publicité a donc des fonctions latentes d'ordre culturel. Comme le fait remarquer Friedman (1971), la tendance actuelle des études consacrées iî la publicité est de acontester une fonction économique à la publicité et, par contre, de souligner l'importance de sa fonction "affective", "symboiique", ou "culturelle"». La publicité est considérée alors comme un fait social dynamique en relation avec son contexte, toujours en train de se faire, avec ses esquives, ses détours et ses plissements. «La publicité est l'une des faces les plus visibles de la société (...) et son utilité se confond avec tout le tissu social» (Bogart, 1984: 1). «La publicité est un des plus importants facteurs qui contribuent à façonner la vie d'aujourd'hui. Elle est omniprésente; même si vous ne lisez pas le journal ou ne regardez pas la télé, vous ne pouvez échapper à l'emprise des images qui envahissent l'espace urbain. Elle est dans tous les médias, sans exception aucune, au point de former une immense superstructure avec son existence autonome» (Williamson, 1978, 11). «[La publicité] fait, dans nos vies, plus que vendre des produits. Elle est éducative et culturelle dans le sens le plus développé, car elle se trouve à la base du sens à domer à la structure de notre société» (Key,1981: 182). À l'instar du film, de la télévision et du roman, la publicité est un lieu oii s'expriment la conception et l'interprétation qu'une société se fait d'ellemême. Dépassant sa vocation de wendeum et de «persuasion», à laquelle trop souvent les chercheurs veulent h tort la réduire, la publicitb est aussi un construit. Globalement, l'image publicitaire est porteuse de sens (Goldman et Papson, 1996). Elle est l'un des moyens qu'a la soci6t6 de parler d'elle- même, au même titre que ses discours politiques, ses rites de mariage, de mort, de naissance, etc. Elle est un mode de production de l'imaginaire et l'une de ses manifestations particuli&res. Les chercheurs constatent que le discours publicitaire exprime une «vision du monde»: structure de l'espace et du temps; structure des acteurs sociaux; structure des thèmes, des symboles et des mythes; autant d'éléments qui constituent l'architecture invisible de l'ueuvre publicitaire, révélatrice d'une conception de la société. L'étude de la publicité permet alors de mieux saisir l'«imaginaire social». «La publicité décrit les objets qui sont disponibles à la vente à un moment donné. Ceux-ci rendent compte de l'état de la technologie, des styles et des modes dans le vêtement, l'ameublement et d'autres produits. (...) Elle nous fournit amplement les indications nécessaires à la compréhension du rôle social (ou à tout le moins elle le suggère) de produits variés» (Marchand, 1985: 165). <<Unechose que la publicité peut faire est de répandre l'information touchant le système des valeurs de la majorité à une plus large audience. Alors, en un sens, elle fait savoir à une partie de notre culture ce que le systeme prédominant représente, tel qu'il est refléte par le message et la mise en page de la publicité)) (Sissors, 1978: 30). Par le biais d'une combinaison d'images, de paroles, de gestes et de regards, la publicité dessine les contours de la socibté. Elle rapporte une abondante information concernant toute une civilisation, sa vie matérielle et les fantasmes collectifs dont elle est imbnquk (Atwan, 1979: préface). Les définitions et les enjeux qu'elle soulève sont alors actualisés par des pratiques et des discours multiples, différents, qui s'entrecroisent, s'entrechoquent et se disputent leur sens. À la fois divertissement. entreprise commerciale et phénomène culturel, la publicité est un élément de l'édification de l'imaginaire collectif. À titre de construit, la publicité s'inscrit dans la lignde des ph6noménes mythologiques et symboliques. On parlera donc de la publicité en tant que construit d'un imaginaire social. «La relation spectatorielle sera d'abord un va-et-vient entre le réel et l'imaginaire où "le réel est en quelque sorte imaginaire, et l'imaginaire est en quelque sorte réelw»(Morin, 1969: 29). Mythe contemporain certes, mais dont l'origine trouve sa source dans l'antique besoin éprouvé par l'homme de conter et de raconter le monde, de l'expliquer et de le mettre en images. D'où la nécessité de s'intéresser à l'image publicitaire. A. PRÉSENTATION DE LA RECHERCHE Dans cette étude, nous voulons jeter un regard sur la société à travers les images publicitaires. On cherche à savoir ce que la publicité iconique raconte sur la société occidentale. La publicitk sera donc comprise en tant que construit. Cette thèse ne s'intéressera donc pas à la production ou aux effets de la publicité; on ne cherchera pas non plus i établir des différences entre la publicité canadie~edes années trente et des m é e s quatre-vingt; ni A comparer la publicité demande à la publicité canadienne ou française. Nous voulons plutôt aborder l'image comme un univers de signes et un mode de signification qui relèvent de la sémiologie du point de vue de la méthode. Cet essai est constitué de deux parties et subdivisé en sept chapitres. Dans la première partie, on procède à une revue de la littérature et à un état de la question (chapitre 1). puis on fait état du cadre thiorique privilégié (chapitre 2). Dans le chapitre suivant, on décrit la méthodologie de recherche, i.e. le corpus, la question de recherche ,les principes d'analyse, la grille d'analyse et l'hypothèse (chapitre 3). Cette première partie constitue la base théorique de cette thèse. Dans la deuxième section, on présente les rbsultats de l'analyse. D'abord, dans les chapitres 4 et 5, on expose la signification du discouts social sous les angles du temps et de l'espace, Le temps et l'espace sont considérés comme des a priori de toute expérience et de toute reprdsentation. Ils instruisent et apprennent des choses sur la figuration - sur 1'imaginîi.m. «Si on lit les sociologues», &rit Moscovici, «on constate qu'il y a une diversité des conceptions, des notions d'espace et de temps, liée pratiquement à chaque peuple, à chaque civilisation» (Moscovici, 1983: 261). L'expérience se déploie dans l'espace et dans le temps, mais l'espace et le temps sont constamment construits, traduits ou exprimés par l'entremise d'images publicitaires. Dans le chapitre 6, on s'intéresse aux diffdrents types d'&?changesnon verbaux entretenus sur le plan corporel: mise en scène du corps, de la bonne forme, de la sexualité et de l'image corporelle de l'homme et de la femme. Quant au chapitre 7, il porte sur l'imaginaire dans la publicite iconique. A cet effet, on a identifié deux thèmes dominants de cette fiction dans le corpus. On présente tout d'abord les différents types de personnages mythiques (humains et animaux) que l'on retrouve dans l'image publicitaire. Ensuite, on s'intéresse au culte du luxe et ii la recherche du statut social imaginaire dans la publicité. On retrouve en annexe les images comment&x dans les quatre chapitres du développement (chapitres 4, 5, 6 et 7). Pour faciliter le repérage, chaque chapitre correspond à une lettre de l'alphabet. Ainsi, les images du chapitre 4 portant sur le temps sont classées dans l'annexe A; les images du chapitre 5 sur l'espace dans l'annexe 8; les images du chapitre 6 sur le corps dans l'annexe C; et les images du chapitre 7 sur l'imaginaire dans l'annexe D. Par ailleurs, pour faciliter la consultation, les images publicitaires ont été cataloguées numériquement. Cette étude a voulu répondre A une triple exigence méthodologique, On a d'abord tenté de collecter, de répertorier et de synthétiser les informations déjà disponibles (chapitre 1). On a ensuite cherché à organiser ces informations selon une problématique théorique qui a servi de fil conducteur (chapitre 2 et 3). On s'est efforcé, enfin, de privilégier une forme de présentation que l'on a voulu pédagogique, tant par l'ordre d'exposition du texte que par les illustrations et les exemples dont elle est assortie (chapitres 4, 5, 6 et 7). Évidemment, les tentatives pour etablir une classification des images ne sont pas nouvelles. Mhestier propose une classification en quatre types: les images d'art, les images persuasives, les images scientifiques et les images symboliques. Plecy (1971) suggère une classification des photos en quatre genres: la photo technique, la photo tdrnoin, la photo d'art et la photolangage. Taylor, Grubbs et Haley (19%) ont construit une typologie basée sur quatre catégories: la séduction, le spectacle, l'amour et l'humour. La recension des écrits révèle toutefois l'absence d'analyse sociologique et de recherche portant sur l'ensemble des thèmes développés par l'image publicitaire, ce que déplore d'ailleurs Cossette (1985), Victoroff (lm)et Barthes (1980: 76). Certes, l'image a été abordée du point de vue esthétique, sémiologique et des effets, mais elle a été délaissée par les spécialistes qui se sont en général peu penchés sur le discours publicitaire dans sa globalité. À cause de cela, on ne dispose guère aujourd'hui d'ouvrages critiques ou de répertoires portant sur le discours de l'image publicitaire dans son ensemble. Or, l'image constitue de nos jours un support important en publicité et aucun chercheur universitaire ne songerait aujourd'hui à considérer l'image comme un simple attrape-regarct. On souhaite que ces analyses d'artefacts publicitaires puissent fournir des pistes intéressantes pour la recherche ultérieure. On espère également que les informations recensées et articulées dans ce document (avenues théoriques, empiriques et bibliographiques) s'avereront utiles pour quiconque désire s'initier à une approche sociologique de la publicité iconique. Chapitre premier Revue de littérature et état de la question A. INTRODUCTION La publicité a été l'objet de nombreuses prises de positions de la part de ceux qui la pratiquent, qui l'observent ou la critiquent. Dans ce premier chapitre, on traite des traditions dominantes et des grandes problernatiques soulevies par Les scientifiques qui se sont intéressés à la publicité, Ce faisant, on évoquera les principaux discours et les critiques qui ont permis de rendre compte d'une appréhension plus raffinée de la problématique liée à la place qu'occupe la publicité dans la socidté. C e chapitre contient deux sections. Dans une première section, on expose Ies arguments des uns et des autres. Dans une sorte de revue de la littérature, on fait un court historique des representations que les chercheurs se sont donnés de la publicité. Dans une deuxictme section, on procédera à un état de la question: on s'interrogera tout d'abord sur le modèle dominant de la communication implicitement véhiculé par la recherche sur la publicite. On examinera ensuite la theone classique de la communication ainsi que les approches quantitatives. B. REVUE DE LA LITTÉRATURE Dans cette première section, on distingue trois grandes traditions dans l'étude de la publicité. On s'intéressera tout d'abord à deux traditions disciplinaires - la perspective économique et la perspective sociologique. Par la suite, on jettera un regard sur la perspective critique, une tradition plus spécifiquement intellectuelle, au sens de la critique intellectuelle. 1. La perspective économique La première grande tradition d'analyse de la publicité est de type économique. Il est difficile de citer une oeuvre maîtresse dans la perspective économique, tant sont omniprésentes plusieurs prises de position qui critiquent ou qui analysent. En étudiant de façon détaillée la publicitb, Dow (1974) présente une definition économique de la publicite qui est reprise dans de nombreux manuels. «En ce qui concerne la publicité, nous pouvons affirmer sans crainte d'erreur que son principal objectif est d'influencer le chiffre d'affaires de la compagnie» @ow, 1974: 461). Reprenant les descriptions de la publicité faites par plusieurs économistes, Brisoux résume le phénomène en disant que Ia publicité est d'abord a n e communication de masse ayant un but économique» (Brisoux et col., 1986: 28). Le discours économique classique attribue géndralement à la publicité un rôle strict d'information factuelle: description, taille, couleur, prix, etc. Le consommateur est décrit comme rationnel; il a la capacité de faire la différence eritre les diffdrents produits qui lui sont offerts. Mieux encore, il connaît le prix des produits et peut ainsi comparer. Cette maniere d'aborder la publicité a dominé les écrits de la plupart des économistes professionnels jusqu'à la fin des années soixante. La recherche économique s'intéresse à l'étude des investissements publicitaires en général, notamment dans les méùias, pour les produits et chez les entreprises. Sur le plan économique, la publicité serait utile et nécessaire au développement des entreprises et du libre-marché (Nicosia, 1974). Elle finance les médias; elle favorise une bconornie compétitive; elle concourt à étendre les marchés; elle accroît la production; et elle contribue à créer des emplois. Mais surtout, les économistes estiment que la publicité est un outil permettant d'écouler la marchandise. En majorant la consommation, la publicité contribuerait ainsi à augmenter la production et à permettre des économies d'échelle, lesquelles favoriseraient à leur tour la diminution des prix des produits. Un ensemble considérable de travaux d'économistes tend à accorder de facto à la publicité le pouvoir de persuader. «Le pouvoir de persuasion est capital dans toutes les sociétés. (...) En matière de publicité commerciale, il est un instrument exceptionnel de contrôle des entreprises sur la masse des consommateurs dans une économie de marché» (Lindblom, 1977: 13). L'historien de l'économie Schumpeter va plus loin et estime que le consommateur n'est pas libre. d e choix de l'homme n'est pas libre. (...) L'économie et la société ont leur propre dynamique. Il s'ensuit que les individus et les groupes se comportent selon certains scénarios, quels que soient par ailleurs leurs désirs» (Schumpeter, 1975 :129). Ainsi, le consommateur réagirait machinalement, guidé par d'obscurs désirs. 11 serait passif et manipulable. La plupart des économistes estiment que la publicité est orientée vers le déclenchement d'une action que le «récepteur» est prié d'accomplir dans son propre intérêt. La publicité chercherait ainsi ii créer des automatismes par la répétition d'informations simples. Certains auteurs comme Dow croient qu'il y aurait aussi dans la publicité une part de distance, une insouciance, un jeu de sens. «En grande partie, la publicité ne cherche pas à informer. Elle vise plutôt à donner à l'annonceur le moyen de gruger la clientèle de ses concurrents en agissant directement sur les goûts des consommateurs» (Dow, 1974: 462). Une approche économique nouvelle tente depuis de dépasser la vision traditionnelle en intégrant les découvertes de la psychosociologie et de la psychologie de la consommation. Le ton fut do& initialement par les économistes Borden (1947) et Duesenberry (1%7). Selon Borden, la publicité ne crée pas de «pattern de consomrnation>p.Dans le même sens, Duesenbeny conclut qu'il est faux de prétendre que les consommateurs sont manipulés à leur insu par la publicité. En fait, les gofits et les préférences des consommateurs seraient au contraire relatifs à ceux des autres consommateurs; et tous les goQtsdu public seraient le résultat du caractère de la culture en place - et non pas de celle «créée» par la publicité. La théorie de Duesenbeny est fondée sur l'idée selon laquelle les gens observent et évaluent les produits qui les entourent en fonction de ce qu'ils possèdent et de ce qu'ils croient être un produit désirable. Selon Duesenberry, cette croyance serait fondamentale dans le caractère d'une culture. «Il [le consommateur] ne recherche pas la supérioritb sociale mais l'appartenance sociale))(Duesenbeny, 1%7: 26). Théoriquement, les livres The Affluent Society (19%) et The New Industrial State (1%7) correspondent à l'apogée d'une période triomphante de l'économie de la publicité. En s'intéressant à la fois à la publicité et à l'économie, Galbraith lie la survie de l'industrie publicitaire à la logique du système capitaliste. Dans l'ensemble, la position du postulat néo-libéral en ce qui a trait la publicitd peut être résumée ainsi: la publicité assure la rentabilité des entreprises, car elle permet de convaincre le consommateur qu'il veut et a Sesoin de produits (Galbraith, 1958). Essentiellement, une annonce publicitaire est constituée d'un message persuasif: convaincre d'acheter, d'agir ou de penser de telle ou telle façon, et ce, à court, moyen ou long terme. Pour Galbraith, le consommateur n'est pas souverain; il est plutôt manipulé par la publicité. En fait, la publicité créerait une distorsion de la demande. En raison de ses visées commerciales, la publicité devra être attractive et persuasive. Elle fera appel non pas à des besoins de base mais plutôt à des motivations psychologiques, telles la vanité, l'envie et l'insécurité (Galbraith: 1958). Pour assurer leur survie, les entreprises seraient donc condamnées à faire de la publicité. Ainsi, les tenants de la thèse économique et néo-libérale prennent généralement pour acquis que la publicité a la capacité de différencier les produits, de persuader les consommateurs et d'augmenter les ventes. 2. La perspective sociologique Parmi les sciences sociales, la sociologie fut sans doute la première à aborder les questions de publicité. Aussi trouve-t-on, dans les études spécialisées, une multitude de modèles qui s'intéresse à la façon dont la publicité lie les objets de consommation à des représentations sociales. SeIon le cas, on tente de décrypter l'imaginaire publicitaire (thèmes, représentations, façon d'interpréter le monde et rapports sociaux) ou on s'intéresse aux effets de la publicité. D'un point de vue sociologique, l'étude de la publicité permet de comprendre comment s'articulent de l'intérieur les «significations sociales et culturelles intrinsèques à la publicité». Dans l'ensemble, les recherches privilégient quatre pôles d'intérêts. La publicité est: 1) un phénomène culturel; 2) un système symbolique; 3) un processus d'uniformisation culturelle; et 4) un outil de contrôle social. 2.1 Un phénomène culturel Plusieurs auteurs dont Leiss, Kline et Jhrilly (1986) estiment que la publicité joue un rôle dans la transmission de la culture. Pour ceux-ci, les institutions sociales ne sont pas inventées; elles évoluent, et la publicité est devenue l'un des nombreux agents de transmission de la culture. La publicité agirait comme un agent de socialisation: comment on imagine les relations interpersonnelles et la famille, les stéréatypes sexuels, I'influence des jeunes générations, la mode, etc. Laurence Bardin, par exemple, conçoit la publicité comme un venicule culturel, un catalyseur. Ainsi, la publicité, agile à stimuler le brouillage, «fabrique du sens, fait passer les produits du monde de L'avoir au monde de l'êtrem (Bardin, 1975: 259), rendant les objets dépositaires d'un pouvoir de représentation colossal» (Peninou, 1972: 216). La publicitd aurait aussi un r6le de relais culturel. Absorbant Ia culture ambiante, elle la renforcerait en la diffusant de manière répétitive. L'annonce publicitaire véhiculerait alors des modèles de comportement déjà préexistants dans la société. (<[Lapublicitk] nous prie, sans nous l'imposer, d'acheter tel bien, de telle marque et de tel type; simultanément, elle nous suggère que cet achat nous améliorera socialement, en nous donnant plus de prestige ou de puissance, et nous fera ainsi participer mieux au consensus diffus qui fait la valeur d'une culture» (Lagneau, 1977: 110). Le comportement social des acteurs procède de niodèles, d'images et de représentations. Or, la valeur straeégique de la publicité serait précisément de toucher chacun en fonction des autres. <Jamaiselle ne s'adresse ki l'homme seul, elle le vise dans sa relation différentielle, et lors même qu'elle semble accrocher ses motivations "profondes" elle le fait toujours de façon spectaculaire, c'est-&-dire qu'elle convoque toujours les proches, le groupe, la société tout e n t i h hiérarchisée dans le procès de lecture et d'interprétation, dans le procès de fairevaloir qu'elle instaure» (BauddIard, 1974: 84). La publicité fournit à l'acteur social, une façon de se différencier, de se situer dans la hiérarchie sociale. Elle confère des attributs aux objets qui, lorsque mis dans des situations ou des contextes particuliers, prennent toute leur signification et leur valeur de différenciation sociale. Selon Quesnel: «Les publicitaires sont des agents culturels importants quoique souvent inconscients de leur rôle. Dans les sociétés industrielles modernes, la publicité pourrait bien devenir, pourvu que l'évolution culturelle s'y prête, toute la philosophie d'un monde sans philosophie>> (Quesnel, 1971: 56). 2.2 Un système symbolique Pour Baudrillard (196û), la publicité apparalt non seulement comme un discours sur un objet de consommation, mais elle est aussi un objet idéologique immédiatement consommable. En fait, la publicité entretiendrait un rapport avec ce que Baudrillard appelle l'«idéologie de la consommation^ (Baudrillarâ, 1968). Cette idéologie de la consommation sous-entend que des significations sociales sont à la fois associées et communiquées par les objets (Gottdiener, 1985). Aussi, la société de consommation ne serait pas tant une société d'objets accaparés comme tels, mais une société d'objets consommés pour leurs valeurs signes: signes de prestige, d'appartenance à une classe sociale, à une gen6ration, signes d'aisance, etc. La publicitd joue des signes, fait intervenir ceux-ci et rejette momentanément ceux-12~Mais la sociétk de collsommation récupère aussi ses propres modes et propres mythes. La panoplie d'objets renvoie alors ik un système symbolique. Dans Le système des objets (1%8) et Pour une économie politique du signe (1972), Baudriiiard rappelle que tout l'univers socioculturel humain se compose de signes décryptables et utilisables qui constituent un système d'échange économique et social. Le concept de signe fait intervenir ici la notion d'arbitraire et ce qui sera «arbitraire, c'est que tel signe, et non tel autre, soit appliqué à tel élément de la réalité, et non à tel autre» (Baudrillard, 1972: 183). La publicité ordonne ainsi une socialisation ritualisée par l'échange symbolique: «L'achat, la vente, l'appropriation de biens et d'objets-signes différenciés, constituent aujourd'hui notre langage, notre code, celui par où la société entière communique et se parle» (Baudrillard, 1974: 112). 2.3 Un processus d'uniformisation cuiturelle Pour plusieurs sociologues, le phénomène publicitaire n'a jamais cessé de se développer, de se généraliser et de s'universaliser depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. C'est ce qui fait dire au publicitaire de Benetton, Toscani, que la publicité est l'un des nombreux facteurs qui concourt à donner naissance à une monoculture (1995: C-1).Ainsi, des modes de comportement social, les formes de l'échange, les structures de la communication sociale se transforment selon un processus d'uniformisation progressive» (Jeudy, 1977: 15). À travers les produits de consommation, la publicité diffuserait des attitudes et des représentations qui favorisent un certain consensus social, plus précisément, une certaine américanisation du discours (Zandpour, 1994; Tai, 1997). Ce faisant, la publicité devient lentement un langage universel, un nouveau référent international sous L'impulsion des échanges commerciaux internationaux et des moyens de communication sans cesse plus nombreux. «Nous avons aujourd'hui la possibilité d'élaborer une conscience universelle à travers des systèmes et des moyens de communication auxquels accèdent simultanément des millions d'individus», remarque Cebrian (1992: 8). Remise au goût du jour par un article de tevitt (1983: 92-102), l'actuelle uniformisation publicitaire s'appuie sur quatre constatations: 1) grâce aux moyens de communication le monde devient un village global; 2) la taille du marché n'est plus nationale, mais mondiale; 3) le mode de vie urbain est dominant; et 4) partout dans le monde, les mêmes tendances lourdes se font jour (émancipation du troisième âge, développement de l'individualisme, jeunesse a m é r i h k , etc.). Toutes ces observations permettent à Levitt d'entrevoir l'existence d'un effet d'homogénéisation oh la publicité constituerait la «nouvelle scène>, des valeurs et des représentations sociales, des modèles qui façonnent les pratiques sociales de la vie quotidk~e.Elle permet de faire jouer sur un même plan les formes de valorisation et les valeurs les plus s6culaires, la tradition et la modernité; ce qui est valorisé est sirnultankment modélisé. L'objet exalté par la publicité représente à la fois la valeur, la marque de distinction sociale et le modèle à suivre. Dès lors, les structures mêmes du langage publicitaire vont changer. La société de communication publicitaire va devenir une société oh toutes les techniques de la persuasion seront utilisées pour que le système socio-économique en place devienne naturel et indiscutable. Toutes les demandes sociales, toutes les marginalités sont alors recueillies et réinvesties d'une signification «consensuelle». C'est ce qui fait dire à Janiwitz que «les mass média, la publicité de masse et les institutions qui exercent une contrainte légitime occupent une place centrale dans nos sociétés» (Janowitz, 1978: 23). 2.4 Un outil de contrôle social Pour plusieurs sociologues, la publicité a une fonction de contrôle social. On retrouve dans les images de la publicité, tout un univers de jeunesse, de beauté, d'abondance, de progrès, de santé, de richesse, de sexualité, de réussite et de bonheur. Les images publicitaires diffusent ainsi des modèles de comportements et de valeurs. Laurence Bardin dira de la publicité qu'elle est autoritaire parce qu'elle véhicule des valeurs, des façons de faire et d'être, en les sacralisant au niveau des normes sociales et en les situant au niveau du «normal»: «Les annonces publicitaires (...) édictent bel et bien des normes, c'est-à-dire des règles vis-à-vis desquelles la désobéissance répétée, ou tout au moins le refus symbolique, pourraient amener l'individu à se sentir en situation de marginalité>i(Bardin, 1975: 65). Presbrey (1968), auteur d'un livre sur l'histoire de la publicité, croit que c'est à l'extension des campagnes de publicité à tout un territoire national que les États-unis doivent leur unité nationale. Les campagnes de publicité apporteraient en effet une similitude de vues culturelles, cela, en dépit du mélange ethnique observé dans la société américaine du début du siècle. Selon Presbrey, les immigrés furent américanisés culturellement tant au plan des relations sociales qu'à celui des activités politiques. Graduellement, le spectacle commercial substitua à leur culture d'origine une conception unifiante du parfait citoyen. On pouvait ainsi créer une culture nationale et lui donner une cohérence, grâce au lien social de la consommation, pour mieux diffuser les idéaux, la loi, l'ordre ou la culture homogène. La publicité contribuerait donc à modeler l'environnement et les modes de vie, le plus souvent par L'entremise d'images, de signes et de symboles. Elle permettrait de situer les gens et leur appartenance sociale. Dans la lignée de Presbrey, Ewen (1982) explique comment les immigrants fraîchement arrivés en terre américaine s'en remettaient à la publicité pour adopter I'uAmerican Lookw pour se fondre plus rapidement dans la masse. D'autres chercheurs, dont Marchand (1985) sont d'accord et soutiennent que la publicité aurait joué un rôle clé dans L'intégration des individus, à un moment où les habitudes sociales et économiques aux États- Unis s'éloignaient des schemes traditionnels, devenant chaque jour plus complexes et moins personnels. En somme, Ewen, Marchand et Presbrey voient dans la publicité un mécanisme idéologique de contrôle social et culturel généré par un certain type de société particuliérement développée aux États-unis. Us font de la pubIicité le creuset d'un édifice socioculturel puissant conçu pour favoriser ce que l'on a pris l'habitude d'appeler la «société de consommation». On y dénonce l'ampleur et la cohérence des moyens publicitaires que s'est donné le capitalisme, lequel mènerait directement «à la normalisation de la culturem. La principale finalité de la publicité serait d'avoir mis au monde une culture fondée exclusivement sur la dépense, de manière à permettre l'écoulement des marchandises (Ewen,1982). 11est donc vraisemblable que dès son origine, la publicité de masse servit à propager sinon un pouvoir, du moins une idéologie qui faisait de la famille une unité de consommation plutôt qu'une unité de production. Marchand et Ewen estiment que la publicité agirait avec force et puissance; elle aurait l'effet d'une «pédagogie sociale» capable de changer les croyances d'une société tout entière. Ce faisant, la publicité ferait figure d'institution centrale dans la société de masse. «Lorsque nous parlons d'une institution centrale, nous voulons désigner une institution qui introduit une diiférence essentielle dans les relations des acteurs sociaux les uns avec les autres. Elle @apublicité] est centrale, en ce sens qu'elle possède un plus grand pouvoir social sur le système des institutions que toute autre institution de base d'une société donnée» (Griff, 1969: 12û-129). La publicité serait une partie importante de la culture, mais aussi un moyen puissant qui modèle les valeurs et les sensibilités, tant sur le plan personnel que sur le plan social (Randozzo, 1993: xii). À long terme, cette culture v6hicul6e par la publicité amanerait les oens à voir tous les aspects de la vie à travers ce que Thomas Luckrnann P (1967: 96-106) appelle une market mentality~.Concrètement, les rapports humains deviennent abstraits et prennent le caractère des choses et des produits. Les tenants de la perspective sociologique prennent donc pour acquis que la publicité est un phénomène culturel et un système symbolique puissant qui favorise l'uniformisation et le conttôle culturel. 3. La perspective critique La troisième grande tradition d'analyse de la publicité est celle de la vision critique, une tradition plus spécifiquement intellectuelle. Les tenants de cette perspective comptent des marxistes, des anthropologues et des historiens, et ils sont à la source d'un important courant de réflexion qui s'est attardé à expliquer et comprendre la publicité comme phénoméne olobal se produisant dans la société. b Pour l'essentiel, les thèses critiques soutiennent que le consommateur n'est pas libre de choisir et que la publicité lui impose un système de choix en fonction de besoins créés artificiellement. Plus particulikrement, les auteurs marxistes considèrent que La publicité est le principal élément pour créer la demande - les autres étant l'emballage, le conditionnement du produit ou packaging, les phénomènes de mode et l'apparition du crédit. À l'orée des années soixante-dix, plusieurs chercheurs se reconnaissant dans la tradition critique choisirent d'orienter leur travail d'analyse vers l'étude de l'action idéologique de la publicité. De nombreux chercheurs firent référence directement aux conceptions marxistes de l'idéologie et postulèrent que la publicité est avant tout l'expression d'une culture fondée sur la sur-consommation. Pour ceux-ci, la publicité fait partie intégrante du s y s t h e capitaliste et elle est une condition minimale à la sauvegarde de cette idéologie. La publicité permet de persuader et d'écouler les marchandises (Baran et Sweezy: 1%6), ce qui s'harmonise très bien avec la culture capitaliste. C'est ce qui fait d'ailleurs dire à Mandel (1978: 399) que le secteur des services aurait connu une expansion importante au cours des dernières années, justement «parce que les capitalistes auraient éprouvé des difficultés à vendre des produits de consommation proprement dit» (Mandel: 1978,399). S'inspirant d'une sociologie marxiste de la culture, le Britannique Raymond Williams (1980) développa de nouvelles approches tentant de situer le travail id6ologique de la publicité dans la trame du tissu culturel. Lasch avança que le capitalisme ne pourrait pas fonctionner sans la publicité. «Le fabricant moderne doit éduquer les masses dans la culture de la consommation. La production massive de biens dans tous les domaines-l'abondance croissante exige un marché correspondant. L'économie américaine, après avoir atteint un point de saturation grâce à sa technologie qui a réussi à satisfaire les besoins éltimentaires, a maintenant besoin de créer d'autres besoins chez ce consommateur-elle doit convaincre les gens d'acheter des produits dont ils ignorent le besoin tant que les mass média ne les auront pas convaincu de leur nécessité. (...) La tentative de "civiliser" les masses a donné naissance à une société domink par les apparencesune société du spectacle» (Lasch, 19î8: 72). Les visions de l'école critique alimentèrent d'une manière significative les débats idéologiques concernant le rôle de la publicité dans la société. Dans l'ensemble, cette argumentation donna naissance à trois prises de position majeures: 1) la publicité crée la demande en recouzant à la manipulation; 2) la publicité crée de «faux besoins»; et 3) la publicité entretient un biais culturel. 3.1 La manipulation Les marxistes dépeignent la publicité comme un instnunent malsain servant à provoquer une éternelle insatisfaction chez les acteurs sociaux, le désir de posséder davantage et d'acheter en grande quantité. Cette croyance en une publicité toute puissante devient après la Deuxième Guerre mondiale le cheval de bataille de toute une génération de penseurs marxistes. On s'intéressait bien sûr aux effets de la publicité mais surtout aux moyens utilisés pour amver à ses fins. Dans son livre intitulé Hidden Persuasion (en français, La persuasion clandestine), le journaliste Vance Packard (1958) se Livra à une charge féroce contre la publicité et les techniques de vente. Se référant aux études de Ernest Dichter (1970), Louis Cheskin (1971) et Pierre Martineau ( 1957), l'auteur prétend que les consommateurs sont persuadés ii leur insu. Selon Packard, des gens - les publicitaires - se livrent sur une grande échelle à des efforts souvent couronnés de succès, pour orienter les idées, les opinions et les choix en matière d'achat, cela à l'aide de moyens empruntés aux sciences sociales. 11s auraient mis au point une batterie de techniques commerciales subtiles pour manipuler les consommateurs. Il écrit: <<Cesmanipulateurs ont élabore leurs méthodes en s'en remettant totalement aux sociologues qui se font payer en quaIité de conseillers "pratiques" ou fondent leur propre société de recherche. (...) L'époque est révolue où les savants se bornaient à étudier les objets façonnés par les indigènes des îles Salomon» (Packard, 1958: 11). A ce sujet, Packard cita Lloyd Wamer, de lfUniversit6 de Chicago, qui publia, en 1948, Classes sociales en Amkrique, ouvrage qui devait provoquer dans les années suivantes une certaine &motion parmi les spécialistes de la publicitr5. On considh en effet l'analyse de Warner comme un événement propre à modifier l'art de convaincre le consommateur. Le professeur Warner avait conçu l'Amérique comme une société à six classes disiinctes, dans chacune desquelles le comportement uniforme était assez prdvisible. Il definissait ces classes non seulement en fonction de la richesse et de la puissance, mais aussi en fonction des habitudes de consommation et de sociabilité. Le Journal of Marketing salua la définition donnée par Warner des classes sociales de l'Amérique comme «le pas en avant le plus important dans la recherche commerciale depuis de nombreuses années.>> La vision orwellienne de Packard fut renforck par la publication d'une supposée expérience de James V i c q démontrant qu'il était possible de persuader les individus sans qu'ils en aient conscience, à l'aide de c<flashes)>publicitaires de 1/100 de seconde. Même si on ne put jamais répéter l'expérience d'origine, William Key (1972, 1976) publia de nombreux ouvrages sur la question, alléguant que l'on est chaque jour exposé à des centaines de messages dits subliminaux. Ces attaques répétées amenèrent d'ailleurs les gouvernements canadien et américain à légiférer sur la question, laissant à plusieurs l'impression que la publicité était apte à persuader les gens d'acheter des produits contre leur volonté. 3.2 La création de faux besoins Les auteurs critiques ne sont pas tendres ii l'égard de la publicité. Pour le situationniste Guy Debord (1987, 1988), la publicité fabrique essentiellement des «pseudo besoins» tandis que Marcuse parle de «faux besoins». Marcuse développa la thèse de La colonisation idéologique des individus par les médias et la publicité. Selon Marcure, les masses en viendraient, sous l'effet de la publicite, à perdre la conscience de ce que seraient leurs besoins rdels. Évidemment, cette approche sous-entend que la publicité est apte à créer une demande susceptible d'influencer 1a consommation de produits. L'historien Christopher Lasch (1978), estime que l'objectif principal de la publicité ne consiste pas tant à vendre des produits qu'à persuader qu'il n'y a de satisfaction possible qu'en consommant. Ainsi, le bonheur tel que défini par la publicité résiderait dans L'amoncellement de biens. Pour Mander (1977), l'individu serait appelé à se réaliser à travers l'appropriation d'objets. Cela aurait pour effet d'encourager la manipulation d'autrui et le culte de la consommation. L'objectif de la publicité moderne consisterait alors à convaincre les citoyens qu'ils sont avant tout des «consommateursde produits, (Pease, 1958: 1). Mentionnons que pour certains auteurs, ce n'est pas tant dans une société de cocsommation que l'on vit que dans un prolongement de la société de production; la consommation, en tant que mode de vie et structure économique étant assujettie à la production, n'en étant pas la cause mais l'effet. «La consommation se trouve soumise au systeme de production qui lui détermine ses impératifs et ses buts. C'est pourquoi on ne peut parler de société de consommation», écrit Michel Richard, «le terme "société de consommation" aurait, en fait, comme fonction de masquer au consommateur qu'il est avant tout un producteun> (Chronique sociale, 1980: 118-119). Morris Janowitz (1978) avança que la seule fonction culturelle de la publicité est d'associer la consommation de produits au bonheur. Pour l'anthropologue Paul Carpenter, «la publicité a comme principal effet d'accroître le plaisir éprouvé par la consommation du produit» (Carpenter, 1965: 4). 3.3 Un biais culturel Au début des années soixante, des critiques de divers horizons commencèrent à affirmer, exemples à l'appui, que les publicitaires manquent d'objectivité dans leurs représentations, qu'ils renforcent stéréotypes et préjugés, perpétuant des images biaisées de la réalité, des images restrictives occultant des aspects importants de l'environnement social. Pour les tenants de cette position, certaines cultures sont ignorées, certaines minorités ethniques et religieuses sous-représentées. On commence alors à parler de la publicité comme d'un frein culturel. Cette fois, les intellectuels s'attaquent à la publicité en lui reprochant de ne pas représenter fidèlement les différentes facettes de la société. On ne se demande plus si la publicité est culture; on s'interroge plutôt sur le contenu de la culture véhiculé par les messages publicitaires. Des variables sociologiques, tels le sexe, le comportement, le langage, l'apparence physique, ou le statut social font l'objet d'un examen, de manière à relever l'imagerie culturelle qui se dégage de la publicitd. On reproche, par exemple, aux commerciaux télévisés d'utiliser exclusivement des voix hors champ masculines (O'Donnell et O'Donnell, 1978), d'encourager les images et les attitudes racistes (O'Kelly et Bloomquist, 1976), et de se servir de la publicité comme d'un instrument de pouvoir et de répression envers les femmes que l'on décrit le plus souvent en termes d'objets sexuels, de méres ou de femmes de ménage (Warren, 1978: 172). Les conclusions sont presque toujours les mêmes: la publicité ne montre pas la diversité culturelle qui prévaut dans la société. Les femmes et les groupes minoritaires n'y ont pas leur place et, ce faisant, la publicité conditionne le «savoir-pensem et le «comment se comportem. La publicité transmet une certaine somme d'informations qui n'a rien à voir avec le produit mais qui apprend aux gens la façon dont ils doivent vivre, se comporter, agir, etc. Cela aurait pour effet de ddshurnaniser les relations interpersonnelles, d'encourager les jugements de valeurs, d'aggraver le sexisme et le racisme (Cornmanger, 1947, 1950; Fromm, 1955, 1976; Mannes, 1964), et de favoriser la frustration et la criminalité (Mead, 1960; Myers, 1978). Un premier courant important s'intéresse à l'image des femmes (Dominick et Rauch, 1972; Sexton et Haberman, 1974; Friedan, 1975; Marnay et Simpson, 1981; Sharits et Larnmers, 1983; Knil, 1981; Poe, 1976; Jaffe et Berger, 1994; Sengupta, 1995; Shields, 1996; Cigognetti et Servetti, 1996; Stephenson, Stover et Villamor, 1997) et plus récemment à celle des hommes (Primeau, 1989; Kolbe et Albanese, 1996) dans la publicité. Dans Gender Advertisements, Erving Goffman (1979) montre comment la représentation qu'on fait des hommes et des femmes est codifiée visuellement de façon fort subtile: conunent les acteurs sociaux doivent agir et interagir, quelles sont leurs attentes et leurs gestuelles respectives. Ainsi, dans cette imagerie, les femmes sont physiquement passives, émotionnelles, dépendantes et immatures. Elles possèdent peu d'habileté. Elles sont incompétentes et on les montre le plus souvent à la maison, de préférence dans la cuisine ou dans la salle de bain. Un deuxième courant s'intéresse à la représentation des minorités dans la publicité (Taylor et Lee, 1994; Snyder, Freernan et Condray, 1995; Brooks, 1995; Keenan, 1996; Bowen et Schmid, 1997; Taylor et Bang, 1997). L'intérêt pour ce type d'étude débute avec la publication d'une recherche réalisée par Bernard Berelson et Patricia Salter en 1946. Ces auteurs avaient alors découvert que les membres des minorités culturelles étaient rarement montrés dans les magazines américains. Depuis, Dominick et Bradley ont remarqué que les minorités, spécialement les gens de race noire, étaient «les hommes invisibles de la télévision» (Dominick et Greenberg, 1970: 21). En 1949-1950, Cox montrait que les Noirs représentaient seulement 0,57 % des adultes dans la publicité-magazine. Une vingtaine d'années plus tard, soit en 1967-1%8, ce pourcentage serait passé à 2,17 % (Cox, 1969: 604). Cox remarqua que les Noirs présents dans la publicité occupaient le plus souvent des emplois de second ordre: valet, cuisinier, serveur, chauffeur. Depuis, il semble que les choses aient changé, ce qui n'empêche pas de nouveaux observateurs de faire la remarque inverse. Ainsi, plus récemment, Hentoff (1984) reproche à la publicité de sur-reprhenter les Noirs en tant que maires, politiciens, joueurs de basketball ou comédiens. Un troisième courant, de plus en plus important, met t'accent sur l'âge des modèles expos6s dans la publicité (Bristol, 19%; Hajjar, 1997). Dans ce cas-ci, on conclut que les gens 8gés montrks dans la publicité sont toujours associés à certains types de produits (Hamset Fèinberg, 1977: 466), qu'ils sont souvent des caricatures, des gens anormaux (Singer, 1983, 1986), sans importance et sans individualité (Gantz, Gartenberg et Rainbow, 1980: 59). De plus, ils seraient ghddement peu présents dans la publicité (England, Kuhn et Gardner, 1981: 469). Dans tous les cas, ces analystes - marxistes, historiens ou publicitaires engagés - s'entendent pour dire que des raisons culturelles expliquent en partie ces biais. Somme toute, la publicité serait un outil de propagande essentiel, une sorte d'instrument de persuasion qui assure la survie du système capitaliste en renforpt la manipulation, la création de faux-besoins et le biais social tout en favorisant l'écoulement de la marchandise. C. ÉTAT DE LA QUESTION En parcourant les pages qui précèdent, il apparaît que le point de d w t d'une réflexion honomique, sociologique ou critique de la publicité repose principalement sur deux conceptions implicites. Une première conception s'articule autour du schéma mécaniste de la communication «émetteur/récepteun>.Conséquemment, la communication publicitaire n'est envisageable qu'en fonction d'effets mesurables, de son efficacité. Une deuxième conception est constituée de l'étude empirique des phénomènes publicitaires ou «analyses quantitatives des phénomhes publicitaires» et tend, par le recours aux canons de la recherche positive, à constituer un ensemble de faits scientifiques concernant la publicité. Ces deux conceptions présentent néanmois plusieurs carences et il n'est pas inutile de revenir sur le schkma classique de la c O m m u n i c a t i O n («émetteur/récepteur»)et les limites de la recherche positive. 1. Critique du schéma mécaniste de la communication Schématiquement, la représentation sous-jacente qui soutient implicitement une grande partie de la recherche scientifique sur i'objet publicité repose sur la distinction «émetteur/récepteun, et introduit entre eux un canal. Toute publicité devient un message: elle comporte 1) une source d'émission, qui est la firme à qui appartient le produit, 2) un point de réception, qui est le public, et 3) un message. Schéma classiaue de la communication Essentiellement, on reconnaît d'emblée un pouvoir énorme à la publicité sur la culture quotidienne et les comportements. La publicité serait omnipotente. Aussi, s'intéresser à la publicité équivaudrait à s'intéresser aux effets des messages et aux moyens utilisés pour persuader Les récepteurs. Selon le cas, on parlera de processus d'uniformisation culturelle et de contrôle social (perspective sociologique), ou de manipulation et de biais culturel (perspective critique). De ce point de vue, «on le voit, la conception classique du texte est empreinte de fixité» (Fossion, 1980: 1718). Tout ce passe en effet comme si le processus fonctionnait à sens unique, d'un émetteur vers un récepteur. Sfez (1990) souligne pourtant que cette perspective est trompeuse et qu'elle cache un modèle thdorique implicite de la communication, à savoir un modèle mécanique et unidirectionnel simpliste, allant d'un emetteur actif vers un récepteur passif. «La métaphore de la 'machine' gouverne une série d'images adjacentes qui donnent le ton. Cette division valorise en fait les études d'effets, la communication publicitaire devenant, au sens strict, un phénomène mécaniste simple comportant un émetteur tout-puissant et un récepteur faible. On peut dire que «la 'machine' est impérative, dominatrice, toute-puissante. Ces traits et ces éléments ont la vie dure; ils persévèrent, nous poursuivent» (Sfez, 1990: 42-43). Évidemment, cinquante années de recherches empiriques auraient pu contribuer à clore le débat idéologique concernant l'influence de la publicité dans les sociétés industrielles contemporaines. Malheureusement, le schéma classique de la communication va structurer de manière dominante le champ d'étude des communications pubiicitaires. On va retrouver ce modèle comme base de la description du processus de communication dans les travaux des économistes, des sociologues et des critiques. 11 s'ensuit que la question fondamentale en publicité a longtemps été la suivante: quel est l'impact de la publicité sur la société? Pour les économistes, l'émetteur devient le plus souvent la firme ou le média. Il ne faut donc pas s'étonner que les économistes qui posent un regard sur la publicité s'intéressent en priorité aux firmes et aux médias. L'analyse concerne le plus souvent l'ensemble des depenses publicitaires en argent - selon le produit, la marque, le secteur ou le pays. Les analyses économiques présentent la publicité comme un levier important de l'économie. Pour celles-ci, la publicitk est efficace au niveau des entreprises (émetteurs). Elle est essentiellement un instrument de commercialisation; c'est sa raison d'être. La publicité est aussi un facteur de concurrence. En tant qu'instrument de conquête, elle remet en cause les positions les mieux établies. Conséquemment, le rôle des études portant sur la publicité consistera souvent à éclairer les choix successifs qui se présentent à l'émetteur. Outils d'aide à la décision, les études interviendront ii chacune des &tapesde la communication où se posent les questions essentielles. Le régime concurrentiel incite en effet les chaînes privées de télévision à tester régulièrement les effets des émissions, à mesurer leur audience pour évaluer le degré de rentabilité des investissements publicitaires. La thèse marxiste qui oppose les exploiteurs aux exploités se traduira en publicité par une dialectique permanente mettant aux prises petits (récepteurs) et grands (émetteurs) dans un conflit de classe. D'où le discrédit que subira la publicité. Toute annonce masque ce qu'elle présente. Le commerce ne va pas de soi, il faut le promouvoir. La publicité offre aux annonceurs le moyen de promouvoir les ventes en trompant les acheteurs (récepteurs). Les critiques marxistes identifient alors la réclame commerciale à la propagande idéologique: elle est manipulation, fauxbesoins et biais culturel. Les marxistes supposent une publicité puissante et manipulatrice devant un sujet humain faible et manipulable. En s'attardant au constat marxiste, on constatera que tous ces éléments se tiennent et s'impliquent nécessairement. Ainsi, si la masse n'était pas menacée, il n'y aurait pas lieu de s'inquiéter de l'effet de la publicité. En outre, si les médias n'étaient pas puissants, on ne serait pas obligé de les étudier et de les combattre. Les conséquences de l'approche marxiste sont assez claires. Puisque la publicité est puissante et les sujets faibles, il convient de surveiller, de réglementer et de contrôler le contenu des médias, leur propriété et leur accessibilité aux publics. Le domaine communicationnel lui-même n'a pas été exempt de manifestations de I'instrumentaliste. Par exemple, l'idée que la communication produit ou doit produire des effets appartient à la raison instrumentale parce qu'elle réduit l'être humain à un instrument dont la fonction est d'être le sujet (émetteur) ou l'objet (le récepteur) d'un effet. La communication publicitaire n'est pas appréciée en elle-même, mais uniquement en fonction d'une fin ultérieure - vendre. Conséquemment, on en amve à croire que la publicité est un instrument puissant, aux effets multiples, par l'entremise de laquelle on peut persuader les acteurs sociaux. En fait, l'opinion courante est qu'au moyen de la publicité, on peut faire croire à peu près n'importe quoi, n'importe quand, à n'importe qui; un diagnostic qui constitue en fait une véritable idéologie. Quiconque s'intéresse aux effets de la publicité a entendu parler de la vente des obligations de guerre par Kate Smith (Merton, 1946), du rôle qu'ont joué certains pamphlets dans la révolution americaine, et de l'omniprésence de la radio dans les régimes de Hitler et de Mussolini. Évidemment, compte tenu des circonstances. plusieurs chercheurs ont rapidement supposé que la publicité pouvait provoquer des effets chez les destinataires, que ce soit des changements d'attitudes, d'opinions et de comportements. C'est cela qui devait amener certains théoriciens de la communication, notamment Harold Lasswell (1927), h accréditer la puissance des midias et de la publicité et à concevoir l'être humain comme un récepteur faible et difficilement capable de faire des choix raisonnés. Les efforts des sociologues pour comprendre le rôle de la publicité et des médias donnèrent naissance à des ouvrages expérimentaux dans lesquels la communication persuasive est systématiquement analysée comme élément du processus de contrôle social. Pour supporter leur thèse, la plupart des analystes - Lasswell (1927, 1950a et 1950b), Lippmann (1960), Mannheim (1943), Cree1 (IBO), Kris et Leites (1947) et Kecskmeti (1950) - utilisèrent des expressions comme «conditionnement»,«viol des foules», «propagande» et «manipulation». On accusa la publicité d'être responsable de L'accent mis sur l'économie (Fromm, 1955; Galbraith, 1967; Knitch, 1959; Leiss, 1976; Skolimowski, 1977), de la perte du sens de la communauté, de l'éthique, de la coopération, de la charité et de la compassion (Beman, 1981; Lasch, 1978; Toronto School of Theology, 1972). En outre, la publicité générerait une éternelle insatisfaction chez le public. Elle aurait pour effet d'engendrer le mal de vivre, une recherche de l'hédonisme, le désir d'en avoir toujours plus, puis éventuellement le désint4ressement de la chose publique aux dépens de la chose privée, La publicité entmanerait enfïn le cynisme, la perte de croyance envers l'autorité et la disparition des normes et des responsabilités (Heilbroner, 1976; Henry, 1963; Skornia, 1965). Pour plusieurs chercheurs, la publicité transformerait la vie de la majorité en produisant une culture à base de sollicitation des besoins. Le climat social ne laisserait pas d'autres solutionr pour supporter les tensions et les anxietés de la société moderne qii'une réaction narcissique et uiie dthique d'autopréservation. «C'est par désespoir que les gens s'absorbent en euxmêmes), (Lipovetsky, 1978: 45). Pourtant, un ensemble de découvertes permet de revendiquer une autre façon de concevoir la communication et la publicité. Depuis de nombreuses années, la recherche est le théâtre d'une remise en cause du modèle des effets à court terme de la communication. Plusieurs courants de recherche vont tenter de reconsidérer la problématique de l'influence sociale de la publicité en essayant de rompre avec les deux pré-notions produites par les courants précédents, à savoir: l'idée de manipulation avancée par les critiques et l'idée d'efficacité proposée par les empiristes. Quand LazarfeId publie en 1948 son ouvrage The People's Choice, consacré à la communication persuasive en période d'élection, c'est la consternation tant chez les sociologues que chez les marxistes. En effet, Lazarfeld, Berelson et Gaudet découvrent que si les médias et la publicité ont une certaine influence, le choix de voter en faveur de tel ou tel candidat est davantage influencé par les discussions politiques au sein des groupes. En fait, les relations sociales informelles, et spécialement le groupe primaire (famille, voisinage, bureau, club, association, cercle d'amis,etc.), exercent une influence marquante sur la manière dont les individus interprètent et réagissent aux messages des médias. En d'autres mots, aussi longtemps que les valeurs d'un groupe restent inchangks, L'individu résiste au changement. En 1955, reprenant les conclusions de la premihe étude, Paul Lazarfeld et Elihu Katz abordent non plus le comportement électoral, mais celui des consommateurs sur le marché des biens de consommation, de la mode et des loisirs, plus particuliérement le choix des films. La publication de Personal influence: The Parr Played by Peopk in the Flow of Mass Communication par Katz et Lazerfeld montre que la communication fonctionne Ei deux étages (en anglais two-step flow of communication). Sondant une population féminine de 800 personnes, ils découvrent que les messages des médias atteignent d'abord certaines personnes plus impliquées et plus influentes que les autres. Ensuite, ces gens, parmi les mieux informés transmettent l'information reçue aux autres, ce qui fait appréhender à Katz et Lazarsfeld te flux de communication comme un processus en deux étapes oh le rôle des guides d'opinion ou deaders d'opinion» se révèle essentiel. Ces résultats amènent les scientifiques à remettre en cause l'omnipuissance des médias et de la publicité, puis la théorie mécaniste stirnulus-réponses dans sa version première de Pavlov (1977), théorie connue également sous le vocable de "bullet theory" (Schramm, 1971) et de "hypodermic needle" (Berlo, 1W). En 1948, Lazarsfeld et Merton vont plus loin et publient une étude qui fait partie du livre The Communication of Ideas, dans laquelle est exprimée l'idée que le premier effet social des médias et de la publicité est de maintenir le statu quo. Il y aurait donc une tendance innée chez l'homme à rechercher des informations qui confirment sa propre opinion et A Bviter les informations qui s'y opposent. Dans leur étude cblèbre de 1940, Lazarsfeld, Berelson et Gaudet avaient montré cet accord entre les opinions préalables et les messages choisis. C'est ce qui explique, par exemple, pourquoi les acheteurs d'une nouvelle voiture sont plus susceptibles de lire les publicités à propos de leur marque de voiture que de n'importe quelle autre. En effet, on constata que les acheteurs étaient à la recherche de bénéfices permettant de justifier et de venir confirmer l'excellence de leur choix (Ehrlich, Guttman, Shonbach et Mills: 1957). Ce biais résultant d'une stratégie défensive d'exposition à l'information, contribue surtout à montrer que l'audience est peu influencée par les campagnes de persuasion et qu'au fond, toute campagne aurait pour résultats de renforcer les convictions bien plus que de les ébranler. En d'autres mots, la publicité n'aurait pas une efficacité nécessaire et suffisante pour conduire à un changement chez l'acteur social; la communication n'agissant toujours qu'au sein d'un réseau complexe de canaux possibles d'influences. Le modèle du "Uses and Gratifications" de Katz (1960) soutient que Les acteurs sociaux font un usage ("uses") conscient et volontaire des messages pour aller chercher quelque chose d'assez spécifique: un conseil, une information, une aide, bref une satisfaction («gratifications»). Selon McQuail (1969), ils veulent s'informer, se divertir, s'intégrer à la société, acquérir des compétences. Les liens publicité-acteurs sociaux ne sont donc pas aussi directs qu'on voudrait bien le croire. D'abord il faudrait tenir compte des différences individuelles dans la mesure où les degrés et l'intensité des réactions varient en fonction de la personnalité, de l'intelligence et de t'intérêt de chaque individu. Ensuite, on devrait tenir compte de tout un ensemble de facteurs filtrant l'effet direct de la publicité: la crédibilité de la source des messages, le contenu des messages, le type de médias utilisé et surtout l'appartenance des individus sollicités à un groupe social. Dans les années 1980 et 1940, des chercheurs qui s'inscrivent dans le prolongement de ces tendances s'intéresseront à la participation active des auditoires dans le processus même de construction de significations spécifiques aux messages qu'ils reçoivent. Pour ces chercheurs, l'insistance des premiers empiristes à vouloir étudier l'impact immédiat et à court terme de la communication publicitaire masque un modèle de la communication qui apparaît trop simpliste. II faut tenir compte des différences individuelles. Il faut considérer tout un ensemble de facteurs filtrant l'effet direct du message publicitaire: la crédibilité de la source, le contenu du message, le média utilisé et l'appartenance au groupe social, à la cIasse sociale. Par ailleurs, il semble que la compréhension du récepteur va bien au- delà du pur contenu du message de l'émetteur. Le récepteur est de facto créateur de tout message: il perçoit, interprète et donne du sens. Il y a interprétation critique de la part du destinataire. Barthes, tout e n reconnaissant la contrainte idéologique instaurée par la publicité, disait que le lecteur refait le texte. La lecture est donc réécriture. Dans la pratique, la lecture constitue un moyen de production; b lecteur s'arrête constamment, fractionne le texte, le découpe en sections imprévues, le relie à d'autres tissus de mots, puis revient en arriere pour reprendre une phrase, w paragraphe: l'attention varie dans la lecture, lui faisant sauter certains segments, quitte, si Ith6sitation s'installe, opérer une relecture. C'est ainsi que lire est sans cesse relire et réécrire. Dans un article publié en 1971, Marcus-Steiff a synthétisé de nombreux travaux comparant l'investissement publicitaire et les résultats sur les ventes, en écrivant que ces recherches ne permettent pas d'établir un lien entre la publicité et ses effets «sur les connaissances, les attitudes et les comportements (c'est-à-dire les achats)» (Marcus-Steiff, 1971). En fait, la synthèse des études méne à une évidence: l'influence ne peut être totale (sélectivité), elle ne peut être directe (il faut tenir compte de relais) et elle ne peut être immédiate (le processus d'influence demande du temps). Selon Joyce (Jones, 19%: 11-25), les études indiquent que les conversions sont très rares. En fait, 80% des nouveaux produits lancés sur le marché disparaissent après deux ans, Si bien que 70% des budgets de marketing sont maintenant alloués à la promotion (landier, 1991: 71). Lubliner a comparé les 25 marques les plus vendues en 1923 avec les 25 marques les plus vendues en 1983.11a découvert que 19 des 25 marques les plus vendues en 1923 étaient toujours Les premiks en 1983, quatre étaient devenues deuxième, une se classait troisième et une se situait parmi les cinq premières. (Lubliner, 1983: 32) De nombreuses études démontrent donc que les craintes concernant le potentiel d'influence et de persuasion de la publicité ne sont pas fondées. Les conclusions concernant la publicité sont les suivantes: les effets sont négligbs et même négligeables. Nous ne pouvons rejeter les argumentations passionnantes et persuasives des essayistes, des sociologues et des moralistes, mais force est de constater que dans les faits, la publicitk n'est pas très puissante. À la lumière de ces quelques remarques, il apparaît donc nécessaire de rompre épistologiquement avec le schéma classique de la communication pour construire une problématique nouvelle et adéquate. Le modèle dominant de la communication suppose non seulement une intentionnalité de la part de la source émettrice mais aussi son habileté à communiquer. Le rôle du récepteur est ici défini comme fondamentalement passif; il a'a pas un rôle actif dans le processus de construction des significations du message. Ce sont précisément ces diverses limitations qui sont critiquées par les tenants des nouvelles orientations de la recherche sur la publicité. De toutes parts, des limites théoriques sont signalées. Baudrillard fait ressortir la spécificité d'une influence culturelle. Barthes met de l'avant la fonction symbolique. Finalement, on reconnaît Ie rôle des récepteurs. La métaphore de la machine est ébranlée; on abandonne le premier modèle (unidirectionnel et fluide) pour un modèle davantage «conversationnel» et «fluide» de l'action de la communication. Dans Critique de la communication, Sfez (1990) repère cette tendance parmi les recherches contemporaines sur la communication, à vouloir insister dorénavant sur le rôle actif du récepteur. Sfez y voit même là le signe d'une disparition de la communication: à la limite, tout se passerait dans l'imaginaire du récepteur. A la manière de Peirce (1958 et 1960),il vaudra mieux parler d'ajustements réciproques entre les émetteurs et les récepteurs de message, et adopter une représentation nouvelle de toute activité de communication, soit l'hypothèse de la construction de sens dans la pratique sociale. Ce qui commence alors, c'est la lecture active: la production de sens et de contradiction de sens. En effet, une problématique de la diffusion publicitaire ne peut se réduire à une problématique de la communication intentionnelle. Tout ce qui est diffusé n'est pas communiqué. Tout ce que Iton a l'intention de communiquer n'est pas nécessairement diffusé. C'est en tout cas ce que semblent confirmer plusieurs recherches scientifiques qui mettent en doute l'efficacité réelle des messages publicitaires à modifier les attitudes et les comportements. II faut donc conclure que, vraisemblablement, la publicité n'est pas aussi efficace ou manipulatrice que les publicitaires, les économistes, les sociologues ou les marxistes voudraient bien le laisser croire et que le schéma «émetteur/récepteun>qui se laisse appréhender comme un modèle d'impact n'est peut-être pas le seul modèle véritable et valable de la communication publicitaire. Aussi, contrairement à la croyance populaire et malgré l'importance des dépenses publicitaires, les connaissances concernant les effets de la publicité sont, à l'heure actuelle, extrêmement limitées (Tellis et Weiss, 1995). En fait, quand on évoque l'efficacité de la publicité sur les ventes, on se réfère d'ordinaire à quelques cas où les effets ont été spectaculaires. Mais loin d'être la règle, ces cas constituent l'exception. Ce qui nous amène à parler des approches quantitatives. 2. Critique des approches quantitatives Parallèlement au schéma classique de la communication, la procédure systématique par laquelle on peut réaliser un travail scientifique portant sur la publicité considéré comme valide fait lui aussi l'objet de débats. Cet échange entre les tenants des approches quantitatives et qualitatives intéresse les chercheurs depuis longtemps au point de prendre quelquefois la forme d'une polémique. Les positivistes postulent que les faits scientifiques construits sont neutres et objectifs et que la méthodologie utilisée s'inspire des règles de certitude et d'exactitude des sciences physiques. La démarche typique consiste à réduire une réalité en un ensemble de relations relativement simples entre une série d'indicateurs unidimentionnels, quantifiables et mesurables. «On observera que le nombre s'introduit ici comme instrument de rep&age.» (Granger, 1982: 9). Traditionnellement, les quantitatifs associent toute subjectivité à l'erreur. À l'inverse, les qualitatifs estiment que la recherche ne nécessite pas l'aval d'une démarche quantitative pour assurer sa crédibilité scientifique. On s'oppose à la démarche quantitative qui n'appréhende la réalité qu'au moyen de données numériques. Pendant longtemps, la recherche qualitative sera reléguée souvent à un rôle secondaire dans l'activité scientifique du sociologue. «On disait déjà que les données qualitatives ne pouvaient acquérir de valeur scientifique qu'après un traitement quantitatif qui viendrait s'emparer du matériel et exploiter sa richesse» (Pirès, 19û2: 19). L'argument de base des positivistes est que la réalité est extérieure à l'homme et, par conséquent, ses propriétés ne peuvent être mesurées que par des méthodes objectives au lieu d'être déduites subjectivement par la sensation, la réflexion ou l'intuition. De là, les positivistes soutiennent que le phénomène publicitaire devrait être basé uniquement sur les données qui peuvent être mesurables et, donc, quantifiables. «C'est d'ailleurs souvent avec l'intention d'en restreindre la portée que l'on dit d'un modèle qu'il est qualitatif. L'adjectif est supposé excuser par avance les incertitudes d'une pensée vague et encore insuffisamment rationnelle>> (Granger, 1982, 7). Certains sociologues soutiendront que la sociologie ne devient scientifique que lorsqu'elle fait usage des techniques statistiques. «Tout est construit de telle manière que dans les années 30, l'"ajout" positiviste paraît normal à tous, y compris au chercheur qualitatif: après une "exploration qualitative", il faut une "recherche quantitative"» (Pirès, 1982: 19). L'objet d'analyse des positivistes concernera alors deux dimensions en publicité: la description quantitative des audiences ou sondage et la mesure de l'efficacité à court et moyen terne de la publicité sur les individus, soit les effets perceptibles des messages publicitaires sur les individus considérés comme «récepteurs». Les sociologues et les économistes s'intéressant à la publicité établiront des typologies du public en les recoupant le plus souvent selon des cadres quantitatifs traditionnels (âge, sexe, niveau d'instruction, etc.). L'observation ne deviendra scientifique que lorsque I'on fait usage de techniques statistiques. En d'autres mots, on ne s'adonne A la recherche qualitative qu'à défaut de pouvoir quanMer. Plus récemment toutefois, la situation s'est inversée. «Les critiques se veulent maintenant radicales à 1'6gard de la méthociologie quantitative quand elle n'est pas purement et simplement condamnée au nom d'un positivisme inacceptable>>(Houle, 1982: 4). En publicité, les écrits de Baudrillard, Barthes, Sfez et Molino ont permis de relancer le débat autour de la mesure, de la structure de l'objet, du travail de validité ou de vérification, de l'objet de recherche, de la méthode et de la construction de l'objet. On postule désormais que c'est l'acteur social qui donne un sens au monde extérieur. La réalité socide est construite et subjective. Plutôt que d'adopter la démarche quantitative, les chercheurs du social devraient donc développer une méthode qui s'attache à la signification sociale attribuée par les sujets au monde qui les entoure. <<D'unecertaine manière, reconnaître l'importance des modèles qualitatifs, c'est échapper aux artificielles contrain tes d'un positivisme dogmatique» (Granger, 1982: 12). «Les informations recueillies, les analyses effectuées sont exprimées en mots, en phrases, en récits qui impliquent le recours un code linguistique certes plus riche et plus soupleu (Pourtois et Desmet, 1988: 48). Par ailleurs, mbme la prétention de ceux qui considèrent les approches quantitatives comme neutres ne semble pas soutenable tous points de vue. En effet, comme l'a bien ddmntré Mellos (1992: Mg), la «réalité (et sa structure) ne peut être conçue comme neutre. Elle est déterminée par les rapports sociaux, par la contradiction et la lutte, et mue par les intérêts de classe oh faits et valeurs forment une seule entité». La sélection de certains faits au détriment d'autres est déjs le produit de l'influence d'une theoie implicite ou explicite. Les approches positivistes connaissent aussi une part d'interpktation lorsque survient l'incontournable moment de discuter des résultats. Un encadrement trop strict débouche parfois sur une simplification abusive de la réalité. II s'ensuit que les méthodes quantitatives sont nécessairement riductionnistes. Cela signifie que tout objet d'étude doit être réduit à une caractéristique formelle. On délaisse alors plusieurs détails, des nuances et des subtilités individuelles. Cl y a toujours dans les faits observés une composante subjective qu'on ne peut négliger. Ainsi les individus qui répondent à un sondage, dont les questions sont reputées objectives, peuvent être influencés par des variables n'ayant aucun rapport avec le contenu des interrogations, comme Ieur état d'esprit au moment d'y répondre. Les conséquences de I'analyse quantitative en publicité ont été de cantonner l'analyse sociologique dans la s p k e de l'effet. Ces études livrèrent toute une série de domées sur des indicateurs précis (âge, sexe, revenu, éducation, etc.). Une fois ces indications données, ces études se retrouvent cependant dans l'impossibilité de livrer en profondeur la signification sociale: Quelle place occupe la publicité dans la société? Qu'est-ce que raconte la publicité iconique? Qu'est-ce que la forme image dans la publicité apprend sur la société? Quelles sont ses dimensions constitutives? Dans leur hâte à se domer un statut scientifique, ces études ont réduit la recherche publicitaire la mesure de variables et elles ont oublié de livrer des réponses à certaines questions. Or, les réponses à ces questionnements sont essentielles à une compréhension de l'image publicitaire. Faute de s'y adresser, les grandes enquêtes quantitatives sont de peu de secours pour expliquer l'image. D. CONCLUSION La recherche sur la publicité montre que l'image propose aux acteurs sociaux des modèles, des normes, des jugements, des choix. Somme toute, la publicité ou parole commerciale s'inscrit dans l'environnement culturel, aux multiples facettes. Sa fonction est alors de raconter la société, de construire et de présenter aux acteurs un style de vie et un ensemble de valeurs repérables. La matière même de la publicité est sociologique. L'objet de la publicité devient les valeurs culturelles que le produit manifeste et symbolise. Voilà pourquoi il faut reconnaître la publicité dans sa responsabilité sociale, comme un construit. La publicité est, avec la famille, l'école et les mass média, un agent de ~ s m i s s i o ndes modèles culturels, au-delà de son activité commerciale première. La publicité se révèle comme un phénomène social. Elle ne s'adresse jamais à un individu, mais à un groupe de consommateurs; à la suggestion psychologique s'ajoute une offre d'appartenance sociale. L'objet publicitk est avant tout un objet social. Ce qui est fondamental ici c'est que la publicité, perçue comme culture, exprime des valeurs et des normes. La sociologie a pu démontrer que la communication publicitaire véhicule, par l'intermédiaire du visuel, des symboles, des figures de la rhétorique et des contenus sociaux. Ces représentations publicitaires ont fini par constituer une sorte de mythologie moderne ou de discours circulant, commun à rendre compte du social. Chapitre II Éléments pour une problématique A. INTRODUCTION Dans cette étude, on analyse l'image publicitaire en mettant en relief ses dimensions constitutives. On veut savoir ce que la forme image dans la publicité nous apprend sur Ia société. Globalement, on s'intéresse à la façon dont la publicité lie les objets de consommation à des représentations culturelles. Plus spécifiquement, on désire reconstituer les divers éléments de la mise en scène, ceux qui font accéder à une lecture construite, une lecture sociologique du discours publicitaire- 1) les temps sociaux; 2) l'espace social; 3) le corps; et 4) l'imaginaire. Le travail consistera alors à examiner la mise en forme du discours publicitaire. Suivant les travaux de Laurence Bardin (1977), on abordera la publicité comme une (<scènede théâtre» où est érigé un décor (la thématique manifeste du discours publicitaire), où s'élabore une mise en scène et où se déroule un jeu (les représentations de I'espace, du temps, du corps et de l'imaginaire). La problématique de cette thèse s'oriente autour de deux axes. Un premier axe situe la publicité dans le contexte plus large de la culture. Quelles que soient les formes prises par la publicité, l'image publicitaire s'inscrit dans la culture. Dans son aspect dynamique, la publicité est révélatrice de valeurs, de symboles et de manibres de vivre. L'image publicitaire devient alors l'un des nombreux discours qui signale ce qui a un sens, ce qui prend un sens, que ce soit d'un point de vue affectif, intellectuel ou social. Un deuxième axe porte sur le symbole et le mythe. Poser le problème de la culture, c'est poser celui du symbolique et du mythique. Les pratiques, les données matérielles, la production, l'expérience sont construites symboliquement et mythiquement. Le monde de la culture est unifié par la présence du symbolique et du mythique. La connaissance et la signification de la réalité ne parviennent pas à l'acteur social directement; elles sont construites et médiatisées par des symboles et des mythes. Le trait commun entre le monde de la culture et de l'image dans une société donnée est la présence du symbolique et du mythique. Si l'image joue un rôle de premier plan dans le monde moderne, c'est parce qu'elle est symbole, expression culturelle et produit de la culture. Dans cette thkse, on traitera donc de l'image publicitaire comme phénomène culturel plutôt qu'économique. On posera que l'image outrepasse sa fonction informative et persuasive, et qu'elle est en réalité un phénomène culturel qui parle de la société. La publicité ne sera donc pas considérée comme une technique commerciale visant, par des incitations mécanistes ou suggestives, à rendre nécessaire l'achat de biens, mais plutôt comme un aspect de la culture que l'homme fabrique, celle qu'il produit et construit. Les images permettent plutôt de voir des phénomènes et, par ce fait même, de les comprendre, si bien que l'on peut se demander avec Leroi-Gourhan (Alleau, 1976: 251) si l'image n'est pas en train de suppjanter d e geste et la parolem. B. L'IMAGE PUBLICITAIRE: UN PHENOMENE CULTUREL L'image publicitaire constitue un phhomène culturel au même titre que la littérature, le cinéma ou le théâtre. Elle contribue à modeler l'environnement et les modes de vie par L'entremise d'images, de signes et de symboles. En conséquence, elle est un phénomène social. Dans cette première section, on procédera à quelques remarques concernant la culture. Après quoi, on traitera successivement des rapports existant entre l'image, la publicité et Ia culture. 1. Quelques remarques au sujet de la culture Dans l'ensemble, les définitions proposées de la culture s'articulent autour de deux grandes conceptions, D'une part, s'impose le concept de «culture» en tant qu'expression artistique, créatrice et esthétique, communément relié à l'Art, et de l'autre émerge le concept de «manière de vivre», d'inspiration anthropologique, et qui est relative à la nature et à l'organisation de l'expérience sociale (Corner, 1991a: L31). Après avoir passé en revue pas moins de 164 définitions de la culture, Kroeber et Kluckhohn (1952) concluent que: «La culture consiste en des modes de comportement, explicites ou implicites, acquis et transmis par des symboles et représentant les caractères distinctifs de groupes humains, y compris le rattachement à des objets ou artefacts; le noyau central de la culture réside dans les idées traditionnelles et tout spécialement dans les valeurs qui y sont rattachées» (Kroeber et Kluckhohn, 1952). Guy Rocher qui s'inspire de Tylor, précise que «la culture est un ensemble lié de manières de penser, de sentir et d'agir plus ou moins formalisées qui, étant apprises et partagées par une pluralitk de personnes, servent, d'une manière à la fois objective et symbolique, à constituer une collectivité particulière et distinct- (Rocher, 1949: 88). La culture telle qu'on l'entend ici, possède quatre caractéristiques particulières: 1) la culture concerne toute l'activité humaine; 2) elle est plus ou moins formalisée puisque les manieres de penser peuvent varier d'une classe sociale à une autre à l'intérieur d'une même culture; 3) cette culture doit essentiellement être partagée par une pluralité de personnes; et 4) la e culture s'acquiert par apprentissage, la culture n'est jamais i ~ é (Rocher, 1969). Fernand Dumont préfère concevoir la culture comme un double rapport au monde. D'un côté, la culture est un milieu; les hommes en ont l'expérience spontanée, elle est immédiatement signifkative. De l'autre, la culture est un horizon; l'expérience est médiatisée à travers des objets culturels, des connaissances ou des visions explicites du monde, la publicité, par exemple. Cette construction amène Dumont à identifier deux types de culture: la culture première, composée de normes, de règles, de valeurs et d'idéaux, constitutifs d'un univers symbolique, orientant les conduites quotidiennes. C'est la culture qui s'interpose entre la nature et l'acteur social; la vérité certaine, la vérité unanime (Dumont, 1968: 40). A l'opposé, la culture seconde est la culture que l'homme fabrique, celle qu'il produit et construit, des arts, de la littérature, du droit, de la philosophie et aussi des sciences: romans, films, publicités ou pièces de théâtre, par exemple (Dumont, 1987: 1 4 2 ~et ) ~qui réfléchit la première. La culture seconde est composée de l'ensemble des «biens symboliquesip que produisent les sociétés. Ces diverses productions occupent des positions et remplissent des fonctions. L'ensemble des moyens de communication, les images et la publicité se situe ce niveau des champs de production symbolique. 2. Culture et image L'attention accordée ii la publicité véhiculant des images n'est pas fortuite. L'iconique est aujourd'hui présente dans plusieurs instances culturelles. La photographie, le journal, l'affiche, le cinéma, la tél&ision, sont devenus les éléments moteurs de cette nouvelle forme du monde extérieur qui se construit et qui constitue la culture seconcie; l'environnement construit par l'homme. Le mot image est doté d'acceptations multiples. Il vient du latin imago qui signifie «qui prend la place de». Selon Cossette (1985), le vocable d'image réfère à une représentation graphique, d'un objet ou d'un concept sur un support matériel. D'après les définitions courantes des dictionnaires, une image est une imitation ou une représentation artificielle de la forme extérieure d'un objet ou d'une personne. Selon Moles: «l'image est un support de la communication visuelle qui matérialise un fragment de l'univers perceptif,, (1971: 133). Dans Les images démaquillées, Cossette nous rappelle que l'image est aussi ancienne que le monde. L'homo sapiens de la préhistoire paléolithique avait déjà dessiné des images il y a près de 100 000 ans. Vers 1 300 avant J.-C., Moïse critique le puvoir des images parce qu'elles transmettent mal la réalité de Dieu. En Occident, les fidèles manipulent des images pieuses. Les images des saints sont achetées et exposées à l'intérieur de la maison pour attirer sur celle-ci la Mnéâiction de Dieu. A ltoppost5, l'Islam a rejeté les images de représentation; personne n'a le droit de représenter Dieu ou les créatures de Dieu. En dehors des images religieuses apparaissent des images folkloriques et des images d'actualités satiriques ou informatives. Survalorisée par certains, l'image n'en est pas moins l'objet de controverses très vives. Il y en a pour qui l'image est trompeuse parce que mystificatrice (Cossette: 1985, 175-178). Parce qu'elle est suggestive, l'image et son langage sont vus comme facteurs d'illusion, de passivité. Les philosophes se sont toujours int6ressés à l'image, mais en même temps, ils n'ont cessé de s'en méfier. Depuis Platon, en passant par Feuerbach, la tradition philosophique a toujours considéré l'image comme plus ou moins digne de l'interrogation scientifique. Les scientifiques ont entretenu un formidable préjugé à l'égard de l'image. La sociologie elle-même n'a longtemps retenu que cette fonction du système publicitaire, accusant une attitude négative à son égard. L'image connut sa première diffusion intense avec l'avènement de la simili-gravure à la fin du siècle dernier. A ce moment, quatre forces concoururent à multiplier les images: le capital, la libre concurrence, l'industrialisation et la concentration urbaine (Cossette, L985: 59). Les modes de production des images sont restés par la suite à peu près les mêmes si ce n'est l'apparition des images en couleurs vers 1950. Malgré son jeune âge, l'image a déjà eu le temps matbrie1 de se développer librement et d'imposer ses conséquences sur le mode de vie de l'acteur social. Pour Boorstin, cette société s'intéresse «non plus par la r&alité,mais par ces images que nous lui avons substitué es^ (Boorstin, 1971: 25). L'image occupe une place importante dans la soci6té. L e développement de l'image constitue une des caractéristiques de notre temps. En fait, il est presqu'impossible de penser pouvoir comprendre la société sans considérer l'image (Messaris, 1997). A tel point, nous rappelle Cossette, que de nos jours, chaque citoyen a en tête des images mythiques de ses chefs: Jésus-Christ, César, Napoléon, Hitler, de Gaulle ou Mao. Boorstin croit que les particularités de l'image moderne et sa diffusion ont fait des acteurs sociaux «de simples acolytes de l'image» dans un monde où l'image, plus intéressante que son original, est devenue cet original (Boorstin, 1971: 299). «Depuis la Révolution Graphique, la multiplication des images a un effet révolutionnaire sur nos imaginations, sur notre concept de vraisemblance, sur ce qui passe pour vérité dans l'expérience courante>> (Boorstin, 1971: 310). L'ensemble des images en général contribue de façon croissante A la circulation de l'information et à la mod6lisation de la société. Dans ces conditions, il n'est certes pas exagéré de parler d'un véritable phénomène culturel et de civilisation, où télévision, vidbo, cinéma, photographie, magazines et publicité traversent et ponctuent l'organisation même de la culture et des rapports sociaux. «Cette véritable révolution a multiplié les images en les rendant plus brillantes, grâce à des machines nouvelles qui reproduisent avec exactitude et élégance Les visages, les silhouettes et les voix, les paysages et les événements, et à d'autres machines nouvelles qui diffusent ces images; grâce aux journaux, aux revues, aux livres bon march6, aux télécommunications, aux films, à la radio-télévisionn (Boorstin, 1971: 291). «Dans les pays capitalistes», écrit Moles, «l'image est devenue un mécanisme publicitaire lié aux motivations socioéconomiques, l'un des éléments désormais moteurs de la société de consommatiom (Moles, 1970: 4). Or, si l'on a pu qualifier la civilisation moderne de «civilisation de l'image» (Fulchignoni, 1972; Gusdorf, Blanc et D'Yvoire, 1960), les images publicitaires en portent incontestablement une large responsabilite le message publicitaire, sous la plupart de ses formes, est en effet un véritable pourvoyeur d'images. Tous ceux qui, spécialistes de la publicité ou non, se sont penchés sur le problème, sont unanimes à reconnaître que l'une des caractéristiques de la publicité moderne est précisément la place tenue par l'image dans les messages de tous genres. 3. Culture et publicité Sur le plan culturel, la publicité n'est jamais autonome; elle est l'un des nombreux discours tenus aux masses. La publicité est un processus socioculturel, une facette de la «culture en mosaïque» qui innerve médias, économies, cultures, sociétds politiques et civiles, relations internationales, etc. Ainsi, la publicité ne s'adresse plus à une personne mais à un ensemble social. «Publicité et culture ne peuvent être deux réalités totalement hétérogènes. Précisément parce que la publicité tomme forme symbolique du système économique capitaliste régit les principes mêmes de l'échange social dans lequel s'élaborent les limites réciproques du monde des objets et du monde des sujets. Elle attribue du sens aux objets et nous indique leur usage, créant ainsi une certaine intelligibilité des catégories de la culture qu'elle visualise et ritualise tout à la fois» (Gallissot, 1993: 13). «Les rapports entre publicité et société sont dialectiques et complexes: les contenus du discours pubiicitaire peuvent être analysés comme le reflet partiel de la société qui les sécrète, mais aussi comme une source d'influence possible sur les stéréotypes et les images qui circulent parmi les individus. (...) La publicité entretient une étroite relation avec la société qui la sécr2te: elle exerce une action culturelie sur la société» (Breton et Proulx, 1989: 109-110). <<Lesproduits en série représentent la culture, non parce qu'ils composent l'environnement dans lequel nous évoluons, mais parce qu'ils font partie intégrale du processus par lequel nous nous réalisons en tant que soci6té et qui est composée par chacune de nos individualités, par notre caractère particulier de société ainsi que par nos actes quotidiens» (Davidson, 1992: 124). Dans ce contexte, la fonction culturelle de la publicité se manifeste plus clairement. Par son processus même de diffusion à répétition, elle est une fenêtre des modes de vie, des modèles d'identification, des normes, des croyances et des valeurs. La publicité est l'un des nombreux éléments qui constituent la culture que l'homme fabrique, celle qu'il produit et construit. «Le sens est toujours un fait de culture, car produit de la culture» (Barthes, 1968: 22) et tout récit est organisation, construction. Par l'entremise de la publicité se diffusent l'innovation, les nouveaux rapports hommes/fernmes, jeuneslvieux, urbains/rurals. Elle renvoie l'image de l'innovation, de l'amour, de la richesse, du succès ou de l'échec, des stéréotypes socio-culturels, empruntant ses images à la mode et à la technologie. La publicitk est donc discours inscrit dans le temps. Selon Cadet et Cathelat, la réclame peut agir comme facteur dynamique de l'évolution culturelle (Cadet et Cathelat, 1968: 183). «A travers l'individu, c'est la structure sociale qu'elle [l'action publicitaire] met en cause, structure qui impose aux acteurs certaines nonnes garantissant la cohésion du groupe et son fonctionnement harmonieux. La consommation est une activité sociale chargée de significations et contrôlée par le groupe. L'achat est une prise de position, un engagement devant soi-même et autrui. Par les symboles qu'il confère, il devient affirmation d'existence, mode d'être en situation sociale» (Cadet et Cathelat, 1968: 190). Parler de culture et de publicitd consiste à montrer comment la publicité a fini par se faire l'un des nombreux relais des manières de penser et d'agir: quoi et comment consommer, comment vivre la consommation et le loisir, le travail, l'amour, la sexualite. Les développements de la sociologie ont montré la présence irréductible de conceptions du monde, de représentations symboliques et mythiques spécifiques, c'est-à-dire les manières de penser, sentir, parler, danser, habiter, agir, etc; tout le «savoir-faire» et le «savoir-être» d'une société. De cette façon, il est possible de déterminer des schèmes d6finis pour des images données, des styles ou des thémes, et d'en arriver ainsi à une typologie de l'imaginaire publicitaire en rapport avec le social. C. VIE SOCIALE ET IMAGINAIRE Poser le problème de la culture, on I'a mentionné précédemment, c'est poser celui du symbolique et du mythique. Les pratiques comme les données matérielles, la production ou l'expérience sont construites symboliquement et mythiquement. La culture ne parvient pas à l'acteur social directement; elle est construite et médiatisée par des symboles et des mythes, et c'est sous cette forme qu'il y accède et en participe. Avec l'image publicitaire, on est dans l'univers du mythique et du symbolique. <<Les méthodes modernes de la propagande, depuis la publicité pour un dentifrice à celles de programmes et de sysemes politiques, ne font pas appel à la rationalité chez l'homme mais lui imposent certains modes de comportement, au moyen d'une répétition continue d'images» (Von Bertalanffy, 1973: 38). La publicité donne la priorité à la création, la séduction est libre de se déployer pour elle-même, «elle s'affiche en hyper-spectacle, magie des artifices, scène indifférente au principe de réalité et à la logique de la vraisemblance* (Lipovetsky, 1987: 221). Plus que jamais, L'oeuvre publicitaire est oeuvre d'imagination. Le récit proposé se situe dans le domaine de l'invention et de la fantaisie. Images, symboles et mythes publicitaires sont alors construits comme un récit imaginaire. L'image publicitaire constitue, en jouant sur le d e rhétorique, le Lieu de l'espoir. Aux arguments rationnels, le publicitaire préfère la simplicité et l'émotion. Il s'agit d'un langage affectif, symbolique et mythique. La civilisation de l'image publicitaire, c'est aussi la civilisation du furtif, de I'impulsif, du non-logique. L'observation de la publicité offre alors au sociologue l'occasion de comprendre comment est construite l'image publicitaire et la façon dont le système socioculturel investit l'imaginaire symbolique et mythique. 1. Le symbolique La fonction symbolique «consiste à pouvoir représenter quelque chose (un signifié quelconque: objet, événement, schème conceptuel, etc.) au moyen d'un signifiant différencié et ne servant qu'à cette représentation: langage, image mentale, geste symbolique, etc.» (Piaget et Inhelder, 1966: 41). En d'autres mots, dans la fonction symbolique, quelque chose tient lieu de quelque chose d'autre. «Le symbole sépare et met ensemble, il comporte les deux idées de séparation et de réunion; il évoque une communauté, qui a été divisée et qui peut se réformen>(Chevalier et Gheerbrant, 1982: XIII et XXI) . Pour les sociologues, le problème posé par le symbolique reste encore et toujours entier. Durkheim en son temps rappelait que «La vie sociale était tout entière faite de représentations» et que la sociologie avait pour objet ces «manières de voir, de sentir et d'agim (Durkheim, 1987: XI et 7). «Il faut d'abord situer le symbolique dans la société. (...) On décomposera le système social global en quatre sous-systèmes principaux: le système bio-social, le systéme écologiqueéconomique, le système socio-politique, le système culturelsymbolique. (...) Le système symbolique-culturel envisage la société sous l'angle des significations. Il se compose de phénomènes première vue tres divers: langage, classifications des objets et des êtres, croyance, oeuvres techniques et artistiques, règles morales, rites et traditions du savoir-vivre, sy sternes religieux, idéologies.» <<Ya-t-il un lien entre toutes les conduites humaines qui constituent le monde & la culture? Le trait commun il toutes ses formes dans une sociét6 donnee est la prbsence du symbolique, c'est-Mire d'une relation spécifique, celle qui unit le signifiant au signifié: (...) le drapeau renvoie à la nation, la croix renvoie % Jesus-Christ et au christianisme. Dans tous les cas, une même structure renvoie à un autre fragment d1exp6riencequi demeure g6néralernent virtuel, l'un étant le signe ou le symbole de I'autre. Le monde de la culture est unifi6 par la présence du symbolique, de cette relation spécifique que les scolastiques d4'inissaient ainsi: aliquid stat pro aliquor (Molino, 1979: 20-2 1). Croyances, oeuvres artistiques, rites, systemes religieux et idéologies ont tous en commun la pdsence du symbolique, celle qui unit le signifiant au signifid sur un mode arbitraire ou conventionnel. Le monde de la culture lui-même est unifié par la présence du symbolique. Lévi-Strauss rappelle d'ailleurs que doute culture peut être considérée comme un ensemble de systèmes symboliques au premier rang desquels se placent le langage, les règles matrimoniales, les rapports 6conorniques, l'art, la science, la religion» (Lévi-Strauss, 1989: 475). Pour décrire ces rapports d'images, d'idées, de croyances, d'émotions, on utilisera des archétypes, des mythes ou des structures, qu'ils soient naturels (pierres, métaux, arbres, fleurs, fruits, animaux, sources, planètes, feu, foudre, etc.) ou qu'ils soient abstraits (formes géométriques, nombres, lignes, rythmes, orientations, idées, etc.). Ils formeront des faisceaux d'associations d'id&, des associations enseignées ou acquises, et qui sont aisément communicables du fait qu'elles sont famili&resà tous ceux qui se réclament d'une culture commune: le blanc associé à la pureté, le vert à la végétation, la croix au christianisme. Ces formes graphiques représentent en quelque sorte des mots- images qui se combinent pour former des phrases symbolisant actions, objets et qualités. La métaphore permet alors de concrétiser des concepts abstraits (Durand, 1970). En publicité, c'est cette dimension symbolique, essentiellement collective, qui confire un sens. Le discours publicitaire est avant tout de l'ordre du symbolique (Leymore: 1975). Les firmes produisent avant tout un ensemble de symboles par l'interméûiaire de leur publicité (Levy, 1959). Ce faisant, la publicité parle de la societe et la raconte avec des images,des mythes et des héros marquants. Le symbole est donc la structure à partir de laquelle se construit le discours, entre autre, le discours publicitaire. Les symboles connaissent aujourd'hui une faveur nouvelle, due en grande partie aux images (Chevalier et Gheerbrant, 1982: V). Ainsi, pour Pierre Bourdieu (1%6), chaque société met en oeuvre en propre un ücapital symbolique» ii l'instar de son %capital économique^. Dans ce contexte, Ia publicité devient l'art de confkrer un sens aux choses. uL'art du publicitaire consiste 5 charger les objets de significations qui, à I'origine, ne sont pas les leurs» (Albou, 1977: 114-115). «Il est clair que selon les , s'il s'agit normes culturelles, les objets ont besoin d'être v d o n ~même d'un caprice, par une association avec des significations individuelles ou sociales» (Williams, 1960: 27). «L'utilisation de marques de voitures, de cigarettes ou d'aliments qui sont publicistks ii la grandeur du pays procure au consommateur le sentiment qu'il fait partie d'un tout qui le dépasse. 11 fait partie d'une culture ou d'une manière d'être qui l'enveloppe et en même temps le nourrit» (McLuhan,1953: 555). L'homme construit le monde par le moyen du symbole. Les objets sont utilisés comme des métaphores, des analogies, des symboles. «Les gens se reconnaissent dans leurs produits de consommation; te plus profond d'euxmêmes se trouve dans leur voiture, leur chaine haute fidélité, leur maison à double niveau, leur équipement de cuisine. Les liens qui unissent l'individu à La société ont changé» (Marcuse, 1%. 9). Pour Baudrillard (1983), ce n'est pas un besoin qui est consommé, mais un signe, une symbolique. Le symbole ne dépend pas d'une activité purement individuelle. a11 baigne dans un milieu social, même s'il émerge d'une conscience individuelle. Sa puissance évocatrice et libhtrice variera avec l'effet de résonance qui résulte de ce rapport entre te social et I'individuelu (Chevalier et Gfieerbrant, 1982: XXIII). Les objets sont appropriés non plus uniquement dans leur rnat6rialit6, mais aussi en tant que signes. C'est en ceta que la publicité est définie comme amdtaphore de la socibtén, M i t 6 d'un autre ordre, analogique et symbolique. Elle devient comme une antenne des courants socioculturels, un aystèrne de représentations et de valeurs». La capcite générale de pouvoir représenter en leur absence des objets par des signes ou symboles est désignée par le terme de fonction sémiotique, ou plus usuellement symbolique. Somme toute, le symbole permet de produire et de reproduire le social. Grâce aux symboles, l'acteur social peut se situer dans un immense réseau de relations. Aux yeux du sociologue, le système symbolique tend donc à marquer l'ordre social jusqu'aux moindres détails de la vie quotidienne. 1.1 Le problème de la signification En réalité, le problème essentiel de l'image est celui de la signification. «D'un point de vue pessimiste, on dira avec Quine que la signification a remplacé Dieu comme candidat au poste envié de problème métaphysique fondamental» (MoIino, 1978: 20). Afin de mieux comprendre l'activité de reconnaissance, le schéma de Peirce (Granger, 1968: 260) représentd dans le graphique ci-dessous demeure encore le plus suggestif. Un signe ou «représentation» est <<une chose reliée sous un certain aspect Zt un second signe, son <<objetw,de telle maniére qu'il mette en relation une troisiéme chose, son «interprétanb, avec ce même objet, et ceci de façon à mettre en relation une quatriéme ... chose avec cet objet, et ainsi de suite ad infinimm » Schéma de I ' i n t e m r é ~ Ce qui frappe dans ce schéma, c'est la présence d'une suite dtinterprétants. <L'interprétant immédiat agit en quelque sorte à partir du sentiment personnel -l'impression-, il suggère. L'interprCtant dynamique fournit Les données nécessaires à l'interprétation des signes: il informe. Un troisième type d'interprétant, final, foumit les systhmes d'interprétation: il argumente (Turmel et Gazabon, 1993: 152). On comprendra que la construction qui est opérée ci-haut de la fonction symbolique va A l'encontre du schéma ciassique A sens unique de la théorie de la communication &metteur---~~essage--->~6ce~teu~ ddveloppée dans le chapitre précédent. Une forme symbolique n'est pas le passage obligé d'une trajectoire de communication d'un émetteur vers un récepteur. Elle est plutôt le résultat d'un processus de production de sens qui n'est en aucun cas la seule expression du producteur, d'ou la nécessité d'un nouveau modèle, le schéma sémiotique. Grâce à Molino, le schéma sémiotique suppose un processus complexe plutôt qu'unidirectionnel dans lequel producteur et récepteur fabriquent des opérations à partir de signes et de traces, oh la forme symbolique qu'est une image publicitaire n'est en aucun cas la seule expression du producteur, qu'il soit concepteur publicitaire, agence, graphiste, ou autres. Le fait symbolique est doté d'une structure spécifique qui est résumée dans le schéma suivant: Schéma sémiotiaue Sous cette forme, le fait symbolique comprend trois dimensions: niveau matériel ou neutre des traces, dimension de la production et celle de la réception. 1. Le niveau neutre. Molino l'appelle parfois aussi aniveau matériel». Il est représente par les traces de l'activité symbolique-geste, phrases, écritures, oeuvres d'art» (Molino, 1989: 33). LR niveau neutre sert d'ancrage aux approches @tiques et esthésiques. Selon Turmel, c'est la présence de ces traces qui permet seule à l'analyse de mordre sur le symbolique. 2. La poïétique. Pour Gilson (1963) toute oeuvre est le produit d'un faire, d'un travail. Par poïétique, il entend le travail du créateur publicitaire (ou d'un producteur). Dans notre cas, relève du domaine poïétique tout ce qui conduit à la conception et à la realisation de l'image publicitaire. 3. L 'esthésique.Molino dénomme la description des stratégies de perception üesthésique~.Ce terme est emprunté à Valéry ( 1945). Pour Molino, c'est parce que la pratique des sciences humaines confond constamment les niveaux poï6tique, neutre et esthésique que, face à un même objet, les chercheurs se réclamant d'un même paradigme de pensée, parviennent à des résultats divergents, arbitraires et contradictoires. u O n ne peut progresser dans la connaissance que si l'on distingue ces trois dimensions. Avant, il y a confusion. Après, il y a synthsse. Entre Les deux, il y a eu l'analyse descriptive» (Molino, 1975). Dès que l'on découpe des unités, que l'on en précise les variables et que tout cela est organisé en règles, les objets construits que l'on obtient correspondent d6.A à des choix opérés par le publicitaire, choix qui sont guidés par ses présupposés culturels, son expérience vécue, ses connaissances poï6tiques et ses propres daiisations esthésiques. Ainsi, le phhomène symbolique est le rdsultat d'une production: quelqu'un a voulu dire quelque chose. L'existence matdrielle des traces est ce qui garantit la possibilité d'un premier mode d'approche du symbolique. «Ces traces correspondent A la face matérielle des signes, renvoient à un référent ainsi qu'à une chaîne ind6fin.e d'autres signesu (Molino, 1989: 24). Molino indique d'ailleurs les lignes générales d'une sémiologie des formes symboliques. «Un fait symbolique, conduite, parole ou texte, se présente comme phénomène matériel-courbe d'un geste, séquence sonore, signes sur le papier-et c'est cette existence matérielle de données signifiantes qui rewsente le seul point de départ possible pour l'analyse du symbolique» (Molino, 1989: 24). Un énoncé est enfin une construction symbolique lue et décodée par un récepteur. «L'avantage du modèle est qu'il semble unir de façon simple et cohérente les différentes dimensions du fait symbolique, production, traces et réception: le locuteur a l'intention de produire un effet; il ne s'agit plus que de s'assurer que cette donnée irréductible sera correctement exprimée, transmise et reconnue» (Molino, 1989: 26). La signification n'est pas un être, elle est un travail de production symbolique. On comprend alors la portée du modèle de Molino: au lieu d'un sens unique comme c'est le cas dans le schéma classique de la communication, on a autant de stratégies complexes de signification qu'il y a de dimensions dans le fait symbolique. Molino insiste sur le fait qu'un signe puisse être interprété de manières différentes par l'émetteur et par le récepteur. Pour celui-ci, les domaines qu'étudie la sémiologie, sont des faits symboliques dans la mesure où il n'y a pas de textes ou d'images qui ne soient le produit de stratégies (ce qu'étudie la poïétique) et qui ne donnent lieu h des stratégies perceptives (que doit prendre en charge l'esthésique). Entre les deux se situe l'étude de la trace ou niveau neutre, c'est-A-dire l'étude de structures dont on ne prdjuge pas a priori qu'elles sont pertinentes poïétiquement ou esthesiquement. Il convient de préciser la nature de ce que Molino appelle le niveau neutre. «Il s'agit d'un niveau d'analyse où on ne décide pas si les résultats obtenus par une démarche explicite sont pertinents du point de vue de l'esthésique ou de la poïétique. En revanche, la segmentation proposée des unités fournit une base pour la description ultérieure des phénomènes poïétiques et esthésiquesb (Nattiez, 1988: 29). Pour Molino, la difficulté des sciences humaines tient à ce que leur pratique mélange constamment des données concernant le message lui-même (niveau neutre et matériel), le processus de production du message (niveau pdïétique) et le processus de perception et de réception du message (niveau esthésique). «La confusion de ces trois aspects explique le caractère spécifique de l'appréhension symbolique des faits étudiés par le chercheur. C'est dans la mesure où on aura séparé ces trois niveaux de symbolisation qu'on pourra qualifier l'analyse de sémiologique» (Nattiez, 1974: 6). Ce faisant, la tripartition de Molino permet de distinguer ce que beaucoup de sociologues travaillant avec des données langagières confondent ou amalgament, à savoir les phénomènes de production et de réception de l'objet, la publicité. 1.2 La sémiologie La sémiologie a pour fonction de mettre en lumière des répertoires de symboles. Selon Saussure, la sémiologie est la science générale de tous les systèmes de signes (ou de symboles) grâce auxquels les hommes communiquent entre eux. Elle est présentée par celui-ci comme un événement social. La sémiologie s'intéresse à la production et à la circulation des signes dans la vie sociale. Elle est un préalable à la construction de leurs significations, dont la sociologie participe. d a langue est un système de signes exprimant des idées, et par là comparable à l'écriture, à l'alphabet des sourds-muets, aux rites symboliques, aux formes de politesse, aux signaux militaires>,(Saussure, 1965: 33). L'enjeu de la sémiotique est important en sociologie puisqu'il a trait aux «rapports entre la production du sens, la construction du réel et le fonctionnement de la société» (Véron, 1980: 74). Pour Molino, la sociologie implique un processus sémiologique dans la mesure oh on ne peut construire d'analyses sans passer par l'élaboration de symboles au sens de Cassirer: le chercheur ne prend en charge qu'un nombre limité des traits constitutifs de l'objet (Nattiez, 1974: 6). Ce n'est probablement pas sans raison que la sémiologie, science des signes, est en vogue dans les sociktés de la modernité avancée. Les signes se rencontrent dans les villes et les villages, les lieux de travail, les foyers, les centres de divertissements, dans les médias et lors des grandes manifestations collectives. Bien que des contributions importantes aient émergé de la Scandinavie (Hjelmslev, 1953), de l'Europe du Nord (Jakobson, 1976) et d'ailleurs (Sebeok, 1981: chap. 5), cette science des signes (sémiologie en français, semioric en anglais) est due à Saussure et Pierce. Saussure avançait que la langue n'est qu'un système de signes parmi d'autres et que l'on pourrait par conséquent concevoir une science générale des signes. Cette nouvelle science, Saussure la baptisait du nom de sémiologie. Les sérniologues pensent que l'image peut être regardée comme une constellation de signes (Barthes, 1964). La sémiologie aborde l'image comme un objet de sens; elle vise en effet à se constituer en théorie de la signification et, pour cela, s'attache à décrire les différents langages, verbaux et non verbaux, qui manifestent cette signification. Si le mot et l'idée de sémiologie remontent au début du vingtième siècle, sa mise en pratique est d'origine plus récente. Dans la recherche publicitaire notamment, l'introduction du point de vue sérniologique ne date que de 1964, année où Roland Barthes publiait la première étude d'inspiration sémiologique, Rhétorique de l'image, consacrée à l'analyse d'une publicité imprimée (Barthes, 1964. 40-5 1). Auparavant, Barthes s'était mesuré à la critique sémiologique d'un certain nombre d e phénomènes sociaux (du steak-frites au catch) dans un ouvrage intitulé Mythologie, Metz publiait par ailleurs un premier article de sémiologie du cinéma. Pour Barthes, les images publicitaires peuvent être considérées comme des systèmes sémiologiques. Barthes démontre comment fonctiome l'image publicitaire en décelant les co~otationsd'une photographie, qui, de prime abord, ne semblait pas vraiment en avoir. Cette première théorie sémiologique non linguistique constitue une synthèse des idées de Saussure, de Pierce et de Hjernslev. À la suite des premiers travaux de Barthes, les analyses sémiologiques se sont développées. Les systèmes de signes les plus étudiés ont été les systèmes iconiques, surtout le cinéma (Christian Metz), la bande dessinde (P. Fresnault-Deruelle), la photographie (Barthes), la peinture figurative (Louis Marin) et l'image télévisuelle (Umberto Eco). Examinons quelques concepts de base de la sémiologie que Barthes et d'autres sérniologues proposent: 1) le signe, le signifiant et le signifié; 2) la dénotation et la connotation; et 3) la rhétorique. 1.2.1 Le signe, le signifiant et le signifié Le signe est la réunion d'une réalité perçue et de l'image associée à cette réalité. Il évoque quelque chose que l'on nomme référent. Le signifiant et le signifié sont des termes que l'on emploie pour désigner les deux composantes du signe. Le signifiant correspond à la réalité perçue du signe et le signifié, à l'image mentale associée à cette réalité. Cette distinction a été formulée sous des noms divers tout au long de l'histoire de la philosophie du langage. A la manière de Eco (1988: 36), on la représente graphiquement dans un triangle. Le signe est donc la réunion d'une réalité perçue (d'un signifiant) et de l'image mentale associée à cette réaiité (d'un signifié). La signification est l'acte qui unit le signif%au signifiant pour produire le signe. 1.2.2 Dénotation et connotation Analysant une publicité imprimée, Barthes distingue l'image dénotée de l'image connotée. Le message iconique de dénotation, message sans code, correspondant aux objets présentés dans l'annonce. Le message iconique de connotation, message rhétorisé, renvoie à des signifiés globaux. Mais Roy pense plutôt que la publicité utilise toutes les figures de rhétorique, dont la métaphore, ce qui contribue à en faire un discours purement connotatif (Roy, 1990: 83). Quoi qu'il en soit, «les connotations d'une photographie publicitaire sont, d'un point de vue théorique, dénombrables et limitées, précisément parce que cette photographie est le produit d'une société donnée en un lieu donné» (Porcher, 1976: 138). Ces signifies globaux ne sont pas particuliers à l'image publicitaire. On les retrouve également dans la presse écrite ou parlée, le jeu du comédien, etc. Leur ensemble constitue la culture d'une société à un moment donné de son histoire. «Les co~otationssont d'abord des idées reçues qu'inculquent l'éducation et la culture. Elles fondent des distinctions de valeurs et ont un grand poids id6010giqueu (Schmitt et Viala, 1984: 25). Ces signifiants à travers lesquels passe la culture d'une société sont appelts connotateurs et l'ensemble de ces connotateurs porte le nom de rhétorique. Procéder à l'analyse sémiologique d'un message publicitaire consiste à déceler les connotations que fournit ce message. Les résultats que permet d'obtenir l'analyse sémiologique correspondent donc à la description des connotations produites par la trace. 1.2.3 La rhétorique Pour Eco (1968: 99). la rhétorique est conçue comme l'art de la persuasion et la technique du raisonnement humain. Elle consiste à étudier le discours persuasif. «La rhétorique apparaît ainsi comme la face signifiante de l'idéologieu (Barthes, 1- 49). L'idée particulièrement féconde qui se dégage de cette étude est l'hypothèse émise par Barthes qu'il existe une rhétorique formelle, commune à l'image. Les figures rhétoriques visuelles correspondent à celles du langage verbal: métaphore, métonymie, litote, simplification, etc. Parce que l'image dénotée est ce qui reste de l'image quand on en supprime les signes de connotation, on devine que l'image dénotative implique moins que l'image connotative. On peut retenir de l'analyse des images publicitaires que leur signifié de dénotation demeure indigent dans de nombreux cas et que tout se joue sur les co~otations.Selon Jacques Durand: «On s'aperçoit que si la publicité a un intérêt culturel, c'est à la pureté et à la richesse de sa structure rhétorique qu1el1ele doit: non pas à ce qu'elle peut apporter d'information vraie, mais A sa part de fiction» (Durand, IWO: 70). La métaphore, l'hyperbole, la métonymie et toutes les autres figures de la rhétorique contribuent à faire de la publicité une connotation. Comme l'ont montre Lakoff et Johnson (1985), la métaphore, loin de n'être qu'un procédé d'ornementation du langage ou un phdnomhe exclusivement linguistique, est constitutive de la pensée et de l'expérience du monde. On sait que malgré leur multiplicité et leur diversité, les annonces seraient beaucoup moins variées et originales qu'on pourrait le croire de prime abord (Péninou, 1972: 2; McQuarrie et Mick, 1996). «Ce que la rhétorique peut apporter à la publicité, c'est avant tout une méthode de création. Dans la création publicitaire règne actuellement le mythe de "l'inspiration" et de "l'idée". En fait, les idees les plus originales, les annonces les plus audacieuses apparaissent comme la transposition de figures de rhétorique répertoriées depuis de nombreux siècles. Cela s'explique puisque la rhétorique est en somme le répertoire des différentes manières par lesquelles on peut être original">^ (Durand, 1970: 91). On peut ainsi considérer la trace publicitaire comme une manifestation de paroles sociales puisées dans une réserve commune: la langue publicitaire. 2. Le mythique Roland Barthes révèle l'omniprésence du mythe au coeur de toutes les pratiques de la vie quotidienne. Par l'entremise d'une interrogation, Barthes s'applique à enrichir k mot mythe. «Qu'est ce qu'un mythe, aujourd'hui? Je donnerai tout de suite une première réponse tri% simple, qui s'accorde parfaitement avec l'étymologie: le mythe est une parole: (...) le mythe est un système de communication, c'est un message» (Barthes, 1978: 183). Ce qui importe ici, c'est que le mythe est d'abord pour lui ce qu'en dit le dictionnaire, c'est le muthos grec, la légende, mais le mythe est également la mystification, «action de mystifiem, pour enfin être interprété comme un code. A cet égard, les Mythologies sont parfaitement rév6latrices de cette définition. Qu'il s'agisse des catcheurs, des acteurs ou de l'écrivain en vacances, le mythe implique un symbolisme. Ce mythe se manifeste par signes, c'est-à-dire que nous sommes dans L'univers du spectacle, où les signes ne cachent pas leur fonction au consommateur. Mais le mythe, comme le dit Barthes, se situe entre la réalité et la perception que nous en avons. C'est ainsi la publicité qui s'insère entre le produit et le lecteur. Et cette insertion, ce pisme, est le lieu de la distorsion. Ainsi «le rapport entre la saleté et le détergent est-il, en première approche, un problème purement matériel. Dès lors qu'une poudre à laver nettoie ma chemise, elle remplit le rôle que j'attendais d'elle. Mais la publicité, qui vient s'insérer entre les poudres à laver et la perception que j'en ai, me donne une vision toute différente de ce rapport. Le sale et le lavage deviennent les protagonistes d'une chasse, d'un procbs, oii la crasse et le détergent apparaissent comme les deux pôles d'une vision manichéenne de la vie quotidk~e.Ce faisant, la publicité qui me promet "de laver plus blanc que blanc" intervient de façon discordante entre l'innoffensif paquet de lessive et la perception que j'en ai et qui sont communiqués par les mythes comme code.» Comme l'affirme Matarasso, «dans l'affiche comme autrefois dans la fresque, l'image ne parle pas des conflits de la sociét6 mais parle de son mythe et à travers lui elle actualise l'image de soi au monde» (Matarasso, 1971). C'est une conception du monde reposant sur des acteurs (la star de cinéma, le héros), des animaux, des lieux (l'île, la forêt) ou des situations (l'orage, l'arc-en-ciel). On y découvre des animaux qui parlent ou des objets qui s'animent. Comment représente-t-on la société, le passé et l'avenir? La famille? L'amour? Le corps? Quels sont les modèles de vie? C'est à travers ces questions que les mythes se laissent surprendre. La publicité développe ses sujets au gré de l'actualité, de la mode ou de l'histoire. Ces thèmes prennent corps à travers des représentations stéréotypées. La distance du mythe au stéréotype n'est pas aisée à décrire. D'une part, le mythe se cache demère les composantes du récit qui créent du sens par leur combinaison. D'autre part, le stéréotype repose sur l'évidence immédiate, et fonctionne comme des mots-valises; il est un enchaînement d'éléments dont la logique a disparu. Le mythe est suggestif, le stéréotype réducteur. «Le fossé entre la rationalité et la publicite s'est maintenant tellement creusé qu'il est difficile de se rappeler le temps de la raison triomphante. Aujourd'hui, la question ne se pose même plus de savoir si le publicitaire dit ou non la vérité. Une publicité de McDonaldls, par exemple, n'est pas une série d'assertions vérifiables et présentées avec logique. C'est une mise en sche-une mythologie, si vous voulez» (Postman, 1986: 224). Parallèlement à la publicité, la télévision, les livres scolaires et les films (Lowry, 1982) constituent également une source inépuisable de traits mythologiques. Lévi-Strauss (1978) a analyse la structure mythique de l'oeuvre musicale de Wagner. Hopper (1970) a examiné les poèmes de Wallace Stevens, Dylan Thomas et T.S.Eliot. D'autres chercheurs ont observé le cinéma en tant que source de socialisation (cf. O'Guinn, 1987; O'Guinn, Faber et Rice, 1985), de véhicule du mythique (Drummond, lm)ou de dépositaire des valeurs sociales (May, 1980). Levy (1978) a utilisé l'approche structuraliste de Lévi-Strauss afin d'établir des liens entre les anecdotes entourant la consommation de produits dans les foyers et les mythes les plus souvent répertoriés. L'ensemble de ces recherches amène à penser que les écrivains, les sdnaristes et les publicitaires incorporent dans leur travail de création des éléments mythiques (Wheelwright, 1%5: 155). De la même façon, Hyman (1x5: 151) suggere que des écrivains modernes comme Melville ou Kafka ne créent pas de nouveaux mythes, mais qu'ils expriment des actions symboliques, équivalentes aux mythes. Dans tes circonstances, on pourrait donc avancer que le «créateur publicitaire» s'en remet aux mythes et aux symboles pour concevoir seç images. D. CONCLUSION Dans cette étude, la publicité sera considérée comme un objet social; une des formes de l'expression de l'identité culturelle et sociale. Ce qui sera fondamental ici, c'est l'affirmation que la publicité, donnée comme cuIture populaire, est construite par l'entremise de symboles et de mythes. Les pratiques, les données matérielles, la production, l'expérience sont construites symboliquement et matériellement. La cornaissance et la signification de la réalité ne parviennent pas ii l'acteur social directement; elles sont construites et médiatisées par l'entremise de symboles et de mythes. De ce point de vue, la publicité fait partie intégrante du patrimoine culturel. La publicité remplit un ou plusieurs usages sociaux, comme ceux de divertir, d'enseigner, d'expliquer, d'informer mais aussi de parler de la société. La culture telle que définie ici - la culture seconde - est tributaire de l'environnement artificiel que l'homme se crée, ce qui signifie l'univers personnel d'objets ou de services dont l'homme s'entoure comme d'une coquille, mais aussi l'univers des images, des formules, des slogans et des mythes qu'il rencontre dans sa vie sociale. Derrière le dialogue d'influences commerciales entre annonceur et consommateur, se manifeste un autre dialogue entre la société et l'acteur social. Avec l'image, on est du cet6 de la séduction. La publicité legitime le bonheur privé et les plaisirs matériels; la vie au gré du présent. Dans la réalite actuelle, la publicité doit renoncer, sauf en de rares circonstances, à revendiquer son efficacité en tant qu'information factuelle. Elle repose sur d'autres bases, c'est-à-dire le symbolique et le mythique: en s'adressant à l'imaginaire. La publicité iconique ne s'adresse plus tant à la raison raisonnante ou au réel, mais à l'imaginaire. Elle est affective, mythique et passionnelle, Chapitre III Méthodologie A. INTRODUCTION L'image est un objet difficile h analyser. Conçue le plus souvent en fonction de la connotation, l'image implique tout un ensemble d'opérations complexes. Dans ce chapitre, on dégagera et identifiera les éléments méthodologiques propres à l'objet et l'analyse. On présentera tout d'abord le corpus. On poursuivra en soumettant la question de recherche. Par la suite, on exposera les principes qui sous-tendent l'analyse et on s'intéressera à la méthode d'analyse utilisée. On identifiera les éléments qui entrent dans la composition de la grille d'analyse et on terminera avec l'hypothèse relative à l'objet d'étude. B. PRÉSENTATION DU CORPUS Le choix du corpus d'images publicitaires a éte guidé par des considérations méthodologiques et pratiques. Le mot corpus signifie «territoire d'analyse». Barthes le definit comme aune collection finie de matériaux, déterminée ii l'avance par l'analyse, selon un arbitraire inévitable, sur laquelle il va travaillem (Barthes, 1985: 82). Dans le contexte de cette recherche, il s'agissait en premier lieu de fixer les limites du champ publicitaire, autrement dit de procéder à une sélection exhaustive, représentative et relativement homogène parmi les nombreuses publicités conçues et réalisées. 11 fallait aussi que cette sélection s'inscrive dans une temporalité qui permette de circonscrire le matériel. Dans cette thèse, on a choisi d'examiner les différentes images de la publicité iconique rencontrées dans l'image fixe en Occident. Plus précisément, on s'intéresse aux images publicitaires des magazines et des panneaux-affiches durant la période s'échelonnant de 1987 à 1997 inclusivement. Enfin, on a choisi la publicité dans les périodiques et les panneaux-affiches parce qu'ils sont deux médias clés dans l'offre publicitaire. La publicité parue dans les magazines et sur les panneaux-affiches accordent normalement une place prépondérante à l'image fixe. Le plus souvent, il s'agit d'annonceurs nationaux et de campagnes exportées dans plusieurs pays occidentaux. On retrouve une image occupant généralement 50 % de l'espace, laquelle est tantôt accompagnée d'un titre, d'un slogan et d'un logotype identifiant l'annonceur. A l'occasion, la présentation peut varier, mais de façon générale, les messages publicitaires de ces deux médias sont structurés de cette façon. En outre, d'un point de vue économique, près de 30 % des budgets publicitaires leur sont consacrés et ils permettent donc de rendre une image fidèle de l'ensemble de la production publicitaire mondiale. Les dessins et les photos publicitairies contenus dans Ies magazines et les panneaux-affiches constituent autant de techniques de reconstitution et d'imitation du réel. Les magazines et les panneaux-affiches apparaissent comme des sources riches d'images fixes répondant aux critères déterminés et aux objectifs fixés. Qui plus est, ces supports fournissent des quantités importantes d'annonces publicitaires pour constituer un corpus représentatif. En shlectionnant les images apparaissant dans la publicité des magazines et des panneaux-affiches, on choisit des médias qui s'adressent à des publics diversifiés. On sait que les pratiques publicitaires ont fini par privilégier certains médias et certains supports pour faire la publicité de chaque catégorie de produits. Se concentrer sur un seul média ou un seul support, ce serait commettre l'erreur de ne pas balayer complètement le champ du discours social dans la publicité visuelle. Varier les sources, c'est renforcer la validité de l'analyse en favorisant la multiplication des codes tels qu'on les retrouve dans la umarmite sociale». Choisir des images statiques 2t partir de deux médias et de plusieurs pays d'Occident permet d'identifier plus précisément et plus efficacement la somme des thèmes visuels utilisés par la publicité occidentale. On est conscient que la télévision, media non retenu dans la présente étude, constitue un élément de premier plan et qu'elle est par définition une pourvoyeuse importante d'images publicitaires. Il faut noter toutefois que les moyens audiovisuels comme la télévision ajoutent au moins un code supplémentaire (le mouvement) et souvent plusieurs autres (le bruitage, les musiques, les dialogues) aux langages constitutifs de l'image déj8 nombreux et complexes. Pour bâtir le corpus, on a constitué une banque de publicités. Pour ce faire, on a rejoint les responsables des relations publiques de MétromédiaQuébec, Métromédia-Montréal, de Médiacom-Québec, de MédiacomMontréal et de Gannett Outdoor USA afin de prendre connaissance de leurs archives publicitaires canadiennes mais aussi internationales Les publicités panneaux sont constituées par des messages apparaissant sur des panneaux réguliers (10 pieds x 20 pieds), des super-panneaux, des panneaux-bus, des panneaux-métro et des abribus. On a aussi examiné et dépouillé six revues spécialisées dans la collecte de publicités en Occident: Marketing, Communication-Arts, US AdReview, Advertising Age, Archive et le magazine du Publicité-Club. On a aussi examiné et dépouil16 12 périodiques nationaux: Le Figaro Magazine, Newsweek, Time, Billboard, GQ, Sports Illustrated, Cosmopolifuin, Chatelaine (version française et anglaise), Vogue, Mackan's, Elle QuPbec et Actualit6. Ce faisant, le matériel de base est homogène - images fixes - tout en étant représentatif de l'ensemble des messages issus de l'industrie publicitaire. Une fois réalisé, cet échantillon était maintenant constitué de plus de 2 000 images publicitaires qui ne pretendent pas toutefois être absolument représentatives de toutes les tendances de la publicité contemporaine. Ce corpus d'images est en fait un compromis entre les exigences théoriques liées à la perspective sociologique et les contraintes techniques reliées aux structures de la thèse. On a été placé devant l'alternative suivante: plus la taiile d'un échantillon est considérable, plus le type d'analyse risque d'être superficiel, tandis que plus la taille de l'échantillon est réduite, plus la représentativité est remise en question. Pour obtenir un maximum de représentativité, on a donc utilisé une démarche de saturation progressive des variantes. D'un point de vue sémantique, on a conscience qu'un corpus n'est toujours que partiel. Dans tous les cas, il ne représente qu'une partie des images publicitaires et par conséquent qu'une partie des expressions rendant compte du phénomène étudié. Mais ce qui permet de dire qu'un corpus, tout en étant partiel, est représentatif, découle des caractéristiques même du discours, dans ce cas4 de sa redondance. C . QUESTION DE RECHERCHE Le point de départ de cette these découle d'une question toute simple: Qu'est-ce que la publicitt! iconique raconte sur kr sociéîé? Il s'agit ici de décrire le discours publicitaire. On veut découvrir ces signes qui permettent aux images publicitaires de devenir une construction et un système de significations. La publicité utilise abondamment des images. Or, ces images sont nécessairement significatives et il faut les questionner. Une revue des ouvrages actuellement publiés sur le thème de l'iconique publicitaire nous a convaincu de l'importance des images. Malgré l'abondance des ouvrages, la plupart des écrits portant sur la publicité visuelle sont presque exclusivement consacrés à l'analyse des producteurs et des récepteurs, et à l'effet des images sur la société. La question de départ ne trouvait donc toujours pas de réponse satisfaisante. Il était clair que pour avancer, cette étude devait prendre du recul par rapport à l'ensemble de la documentation sur les effets de l'image publicitaire sur la société. On a donc cherché à revoir le modèle classique ((émetteur-récepteur».Plusieurs éléments de cette étude nous ont dors amené à nous intéresser au modèle développé par Molino. En effet, cette présence de la trace renvoyait à la question initiale. Ce nouveau modèle permettait alors de porter un regard neuf sur l'image publicitaire. On est ici en présence de l'analyse sérniologique, mais cette fois les valeurs construites par l'image publicitaire sont à mettre en rapport avec des réalités culturelles plus vastes. A un niveau sérniologiquement neutre, l'analyse permet de dégager des formes signifiantes. D. PRINCIPES D'ANALYSE Dans cette thése, l'analyse repose sur une demarche qualitative et descriptive. On ne voulait pas quantifier des données qui auraient permis d'établir, par exemple, que «92 % des images publicitaires montrent homme traditionnel», tandis que «8 % représentent l'homme nouveaum. Cet aspect qui vient fréquemment s'inscrire en contrepoids de l'analyse, bien que très stimulant, n'était pas pertinent dans le cadre de la présente démarche, l'objectif étant plutôt de permettre une meilleure compréhension des principes essentiels d'organisation de la matiere siwiante. Qui plus est, il paraissait hasardeux d'utiliser une dthode de type quantitatif pour rendre compte de la consistance du discours social de la publicité, car on craignait que le sens de l'image ne soit escamotb au profit d'une inférence statistique. Dans l'analyse, on ne considérera pas davantage la réaction du public, car cet aspect aurait impliqué l'analyse de la réception des images publicitaires et leurs effets sur l'acteur social. On ne s'intéressera donc pas aux effets positifs ou négatifs que les diffdrentes images publicitaires du corpus ont générées et, encore moins, des effets qu'elles ont pu avoir sur la vente des produits et services annonds. Comme on l'a vu dans le chapitre premier, cette question des effets est sous-jacente aux problématiques qui traitent de la réception des formes symboliques. Par ailleurs, la question de l'efficacité est soutenue par une rationalité instrumentaie qui oblitére toute la question du symbolique. On ne veut pas non plus se mettre dans la peau du concepteur ou du constructeur de messages. Prendre pour acquis que ce sont les producteurs qui possèdent la clef du message c'est oublier que les rkepteurs construisent aussi le sens et lui donnent une signification particuliére. Le point de vue mis de l'avant sera donc celui de la prise en compte de ce que Molino (1989) a appelé le niveau sémi01ogiquement neutre. La distinction que Molino a proposée entre niveau neutre, stratégie de production et strategie de réception du symbolique vise précisément à permettre la description sémiologique. On appellera audyse sémiologique~l'entreprise qui prendra e n charge la spécificité de la rndhre dont l'image publicitaire devient un fait symbolique. Mais comment définir cette spécificité? Nous nous fondons sur la conception sémiologique de Jean Molino selon qui le processus de symbolisation implique trois pôles: le message lui-même dans sa réalité matérielle, les stratégies de production du message et ses stratégies de réception. Molino dénomme la description du message lui-même *analyse du niveau neutre», la description des strategies de production apoïétiquem; celle des stratégies de perception r~esthésiquw. «Il est certain qu'il existe une grande variété de stratégies de réception, qui se distribuent selon le temps, selon les dimensions de l'espace social et des personnalités individuelles. Les oeuvres changent sans cesse de sens, mais faut4 alors dire que c'est la réception sociale qui constitue le sens du texte? Pas plus que les stratégies de fabrication, Ies stratégies de réception ne sauraient servir de norme d'interprétatiom (Molino, 1989: 48). Par niveau neutre, on entend un niveau descriptif dans lequel on fait l'inventaire aussi exhaustif que possible des types de configurations qu'il est possible de reconnaître dans l'image. Pour reprendre Molino, ce niveau est neutre, parce qu'on ne se donne pas pour objectif de retrouver, à partir de la seule trace laissée par le publicitaire, quelles ont étk ses stratkgies de production, et quelles sont les stratdgies perceptives de l'acteur social qui regarde une image publicitaire. Il s'agira alors de repérer les traces des ophations s6miologiques et symboliques. «C'est la présence de ces traces-ce que nous avons appelé niveau neutre ou matériel d'existence du symbolique-qui permet seule à L'analyse de mordre sur le symbolique. (...) Le seul objet solide et consistant est représente par les traces de l'activité symbolique-geste, phrases, écritures, oeuvres d'arb (Molino, 1989: 33). On s'intéresse donc aux opérations permettant de construire du sens. Les analyses d'images publicitaires que L'on présente s'inspirent, à divers titres, des travaux de sémiologues comme Barthes et Molino. C'est à travers les concepts d'intertextualité et d'interactivité qu'on mettra en oeuvre ce modèle d'analyse des images. 1. L'intertextualité Le concept d'intertextualité manifeste la dimension culturelle de toute production humaine. Tout message est en relation avec un contexte culturel-lieu, situation, etc. Il renvoie aux reférents d'une époque et aux manières de les communiquer. <<AU vrai, toute image, à bien y regarder, est toujours l'image d'une image,>(Fresnault-Desruelles, 1983: 14). Ainsi, les différentes manières de représenter symboliquement le temps, l'espace, le corps et l'imaginaire ne seraient probablement pas compréhensibles chez ceux qui n'auraient jamais vu de peintures ou de dessins. On retrouve la même idée chez François (1980) lorsqu'il affirme qu'il n'existe aucune production totalement nouvelle. Toute image apparaît alors comme portant la couture et les reprises de «collages» du discours social. Ces discours circulent, se demandent, s'offrent et s'échangent. aOn voit ici apparaître la notion d'intertextualité comme circulation et transformations d'idéolog&mes,c'est-à-dire de petites unités signifiantes dotées d'acceptabilité diffuse dans une doxa dom&» (Angenot, 1981: 106107). 2. L'interactivité La deuxième dimension permettant une approche du niveau sémiologiquement neutre de l'image publicitaire suppose la prise en compte de son interactivité. «Les approches linguistiques et pluridisciplinaires de la communication ont montré que la communication ne se réduisait jamais au message. Pour qu'il soit sémiologiquement possible d'échanger un message, il semble qu'il faille effectuer un ensemble d'opérations permettant la mise en place de la relation au sein de laquelle le message prend consistance et signification»(Luciole, 1988: 50). L'image publicitaire est donc un lieu où le social et les valeurs se réactudisent, se construisent. Ce faisant, l'image publicitaire est l'un des lieux d'émergence du social et du culturel et peut être définie provisoirement, en tant qu'entité, comme une action sociale de nature s&niologique, qui met en jeu, dans le travail symbolique et mythique qu'elle opère, un rapport social. E. LES MESSAGES ICONIQUES Toute publicité articule des messages en provenance de codes sémiologiques différents: codes linguistiques, graphiques et iconiques. Or, pour les fins de cette thèse, l'analyse reposera essentiellement sur le code iconique et renvoie à tous les systèmes de représentation figurative par voie de L'image. 1. Méthode d'analyse La méthode d'analyse utilisée consiste à examiner les contenus iconiques de ia publicité. On opte pour une grille qui représente d'une façon articulée les divers éléments de la vie en société. Pour s'approprier Barthes, «une photographie sera pour nous parole au même titre qu'un article de journal: les objets eux-mêmes pourront devenir paroles, s'ils signifient quelque chose» (Barthes, 1957: 195). Que l'acteur social occupe tel ou tel emploi, qu'il porte tel vêtement, tel tissu ou tel bijou, voilà autant d'indicateurs qui aident à recréer le contexte dans lequel se déroule l'action de l'image. L'analyse doit amener à saisir les spécrficitbs de l'image publicitaire. Les éléments qui la composent doivent être déchiffrés afin de mettre à jour les codes qui l'animent, d'établir son lexique. Cette recherche de type sémiologique est de caractbre essentiellement descriptif. Elle est axée sur une exploration de la trace. On a effectué une comparaison des constantes découvertes pour mesurer le degré de changement. Cela permet de distinguer diverses influences sur la vision fictive proposée par les images publicitaires. Une première lecture des publicités du corpus a permis d'en arriver à une vision globale des acteurs sociaux, du récit, des évhernents, et de cerner dans son ensemble la dynamique du discours publicitaire. Elle a mis en évidence la similitude des intrigues et des thbmatiques, la <<stéréotypation>> des personnages, la ressemblance des milieux dépeints, l'utilisation des même astuces imagiques, etc. Mises à part certaines caractéristiques peu déterminantes, plusieurs publicités sont apparues, à première vue, comme des répliques d'autres publicités. Certes, la publicité n'est pas pour autant monolithique. Mais de façon générale, on est frappé par la constance des thèmes et des axes développés. Étant donné qu'il n'existe pas encore. à proprement parler, de théorie générale de la repdsentation dans la publicité, on a constitué une grille permettant d'andyser les 2 000 messages retenus. Par la suite, on a procédé à l'analyse. Chaque publicité fut analysée quant aux principaux éléments symboliques et mythiques véhiculés par les images. 2. La grille d'analyse Le propre d'une image publicitaire consiste à inscrire ou Bnoncer dans un espace limité et une surface plane les thèmes de la publicité en faisant intervenir des figures de l'espace, du temps, du corps et de l'imaginaire. Aussi a-t-on recours dans ce travail ài des outils nombreux de réflexion, mais encore insuffisants pour garantir des résultats définitifs. Toute description nécessitant l'appel à un modèle, on emprunte les principes développés par Molino (l!V3, 1979, 1984, 1989) concernant la nature de toute forme sérniologique. Le premier point exige de traiter les formes symboliques comme des *objets du mondem. Considérer l'image publicitaire comme un «objet du monde», c'est en fait introduire La description à une analyse positive: comme tout objet du monde, la forme symbolique est susceptible d'être découpée et reconstruite scientifiquement. On propose une grille d'analyse permettant de noter les qualités formelles et les effets spéciaux, la description du contexte spatial et temporel, la description du corps et de l'imaginaire. On a recourt à un jeu de catégories structurées en grille d'analyse. Pour construire cette grille, on s'est appuyé sur certaines théories pertinentes, lorsque disponibles dans certains champs d'analyse. Notre découpage s'inspire Zi la fois du corpus et des travaux suivants: Durand (1970), Goldrnan et Papson (1945), kymore (1975), Olson (1995), Péninou (1972), Plecy (1971), Porcher (1976) et Victoroff ( 1978). Pour l'analyse du temps, on s'est réf6ré à Arsenault (1996), Attali (1982),Moscovici (1983), Ricoeur (1990), Sauvageot (1987), Van Gennep (1951) et Varagnac (1954). On a consulté Baudrillard (1986), Moscovici, Serge (1983) et Sauvageot (19û7) pour l'analyse de l'espace. On a énidi6 Boltanski (1971), Fast (1971), Goffman (1979), Millum (1W5), Le Breton (1992), Loux (1978), Nichaise (1988), Ripert (1976), Shields (1996) et Vigarello (1978). Enfin, on s'est rapporté, pour l'analyse de la construction des personnages, à l'étude du professeur François Baby (1988, 1992) qui traite de la construction des personnages au cinéma et à la télévision. On a aussi consulté Randazzo (1993) et Veblen (1978). 11 n'a pas été facile de bâtir puis de classer Les images dans une catégorie ou une autre. C'est d'ailleurs le même problème pour tout système de classification complexe: les différents éléments du corpus ne répondent pas toujours parfaitement aux catégories définies. L'ampleur et la diversité de la production publicitaire ont été longtemps considérées, non sans juste raison, comme un obstacle sérieux à toute tentative d'analyse systématique. L'analyse est centrée sur la représentation publicitaire. Tout comme les outils utilisés par les sociologues sur le terrain, cette grille d'observation est ouverte, pour pouvoir y ajouter, au fil de l'enquête, des observations non prévues au départ. Chacune des images publicitaires du corpus a été analysée et classée sous l'une des quatre rubriques distinctes le temps, l'espace, le corps et l'imaginaire - et chaque rubrique regroupe plusieurs traits. 2.1 Les figures du temps Dans le chapitre concernant le temps social, on s'intéresse au temps construit. Le terme «temps social» désigne généralement la nature et les rapports entre les divers modes d'activité dans le temps considérés selon leur durée et leurs rythmes propres, de même que les ciifferentes rnanikres de concevoir et de se représenter le temps au sein des univers sociaux. Une telle notion met en relief les différents prodés de structuration du temps. La notion de temps social trouve ses origines en anthropologie et en sociologie. Elle remonte, pour l'essentiel, aux premiers travaux de l'école durkheimienne @urkheirn, 1937; Hubert, 1929; Mauss et Beuchat, 1904- 1905; et Halbwachs, 1925). Durkheim est le premier qui, dans une perspective sociologique, considéra la notion de temps comme «un cadre abstrait et impersonnel qui enveloppe non seulement l'existence individuelle, mais celle de l'humanité» (Durkheim, 1937: 14). «Ce n'est pas mon temps qui est ainsi organisé; c'est le temps tel qu'il est objectivement pensé par tous les hommes d'une même civilisation. Cela seul suffit déjà il faire entrevoir qu'une telle organisation doit être collective. (,..) C e qu'exprime la catégorie de temps, c'est un temps commun au groupe, c'est le temps social, si l'on peut ainsi parler. Elle est elle-même une véritable institution sociale» (Durkheim, 1937: 15). Durkheim mit en relief le caractère proprement social du temps. Il montra que le temps est une donnée collective et que les individus composant une société partagent un entendement commun du temps. Au même titre que la religion, le temps et l'espace ont donc une origine sociale: «C'est le rythme de la vie sociale qui est à la base de la catégorie du temps; c'est L'espace occupé par la socibté qui a fourni la matière de la catégorie d'espace, (Durkheim, 1937: 628). Ainsi, chaque activité produit son propre temps, et la socibt6 orchestre les activités multiples qui s'agitent en son sein, construisant le temps social en heures, en jours de travail et jours de fêtes, en années, en décennies et en siècles. Quand il s'agit de décrire des événements, des pensées, on a toujours comme notions dominantes des notions d'ordre temporel. Le temps social renvoie aux dkoupages des activités humaines selon leur inscription dans une durée delimitée, récurrence des jours et des saisons, ou au déroulement de phénomènes physiques ou biologiques. La mort de ce temps unique permet de faire voir le foisonnement des temps sociaux en publicité. Ces temps n'existent alors qu'à travers des visuels fabriqués qui construisent et racontent le temps, bref qui représentent. Lieu de manifestation privilégié de certains aspects de la culture, les temporalités sociales telles que d6finies par la publicité désignent le temps vécus et construits par le groupe. On tente alors de souligner quelques-uns de ces traits en limitant les observations aux conceptions dominantes du temps dans les sociétés. On examinera tes caractéristiques propres à ces temps. Les images publicitaires du corpus s'inscrivent dans une dimension temporelle qui leur donne un caractère dynamique et leur permet d'évoluer et de revêtir différentes formes, selon l'époque et les moeurs mis en scène. Le temps est un aspect important de l'image publicitaire, non seulement parce qu'il situe historiquement ou socialement b récit, mais aussi parce qu'il est lié directement à la nahm et aux expressions des acteurs sociaux. La dimension temporelle s'évalue tant& en termes d'année, tantôt en termes d'époque ou d'âge. De nombreuses images integent une dimension temporelle dans laquelle s'inscrit la publicité. La représentation du temps peut se faire selon quatre axes: Le temps biographique: la première enfance, la deuxi&me enfance, jeune adulte, le mariage, la famille, la vieillesse et la mort. Le temps bistorique: le temps des ancêtres, le temps premier, le temps contemporain et le temps de l'avenir. Le temps géré: la journée, la semaine, le mois, les saisons et l'année. Le temps des rituels: Noël, Pâques et la fête anniversaire. Chaque image publicitaire devra parvenir techniquement à représenter l'inscription d'une dimension du temps, relevant de l'une ou l'autre de ces quatre catégories d'axes. 2.2 Les figures de l'espace Dans ce chapitre, on s'intéresse à l'espace construit. Toutes les sociétés, en effet, ont affaire avec l'étendue; c'est-à-dire que toutes sont situées dans l'espace, dans un lieu qu'elles particularisent et qui les particularise. «Tout ce que l'homme est et fait est lié à l'expérience de l'espace. Notre sentiment de l'espace résulte de la synthèse de nombreuses données sensorielles, d'ordre visuel, auditif, kinesthésique, olfactif et thermique. Non seulement chaque sens constitue un système complexe mais chacun d'entre nous est également mode16 et structur6 par la culture. On ne peut donc échapper au fait que les individus élevés au sein de cultures différentes vivent également dans des mondes sensoriels différents» (Hail, 1971: 12). L'occupation d'un lieu géographique ou la référence à un espace révèle la marginalité ou la hiérarchisation. L'imaginaire spatial de la trace publicitaire renvoie à des lieux; il comporte une topographie qui lui est propre et reflète les relations que l'homme établit avec i'espace. «L'espace est fait d'un jeu raffiné de renvois et de correspondances entre les multiples composantes de la nature et de la culture, de l'individu et de la société, jeu à la fois original et dont 110riginaiit6qualifie cet espace en le différenciant des autres, fondant et exprimant ainsi l'identité d'un groupe» (P.-Lévy et Segaud, 1983: 9). De ce point de vue, tout espace est un construit. Dans cet effort d'approche de l'espace, il faut essayer de comprendre le jeu des signes. Il faut alors questionner l'image publicitaire pour recenser les représentations des temps sociaux que l'on y retrouve. On a identifié les espaces sociaux suivants: O L'espace interstellaire L'espace mondial L'espace nationai: les *a&-Unis. la Californie, l'ex-URSS, le Canada, l'Amérique Latine, l'Europe, l'Asie, les pays arabes, l'Océanie et L'Afrique. L'espace infranational: urbain et rural L'espace domestique O L'espace autre 0 L'espace religieux O L'espace cosmoIogique: l'eau, le feu, l'air et la terre. Ces différents espaces sont représentés iconiquement dans plusieurs images et nombreuses sont les manières permettant de les imaginer. Le plus souvent, la publicité donne à ces établissements spatiaux un ensemble de significations et d'attributions liées à des pratiques et des repdsentations sociales et symboliques. Il convient de reconnaître qu'il existe des usages culturels des temps et des espaces et de considérer le rapport entre un temps ou un espace d'une part, et une valeur symbolique d'autre part. Avec l'espace et le temps, on est donc dans le domaine des symboles et des résonnances culturelles profondes. 2.3 Les figures du corps Dans cette partie, ce sont les figures du corps qui retie~entl'attention. 11 s'agit de recenser les différents usages du corps dans l'image. Le corps, en tant que forme visible, est construit non seulement à travers ses contours physiques, mais aussi dans la manière de le porter, de le maintenir, d'en faire usage. Le corps humain est en quelque sorte à l'origine de tous les symboles: la vue et l'ouïe, le toucher, le geste ou la parole, mais aussi la façon de marcher, de s'asseoir, de sourire ou d'exprimer ses émotions des hommes et des femmes. De ce point de vue, le corps n'est pas qu'une donnée biologique. Des facteurs culturels sont aussi inhérents B l'oeuvre. L'usage du corps, même s'il renvoie ii des automatismes comportementaux et à des habitudes qui paraissent spontanées, demeure un produit social. Par-delà la simple configuration physique ou morphologique, chacune des actions ou réactions, des attitudes, des postures, des mimiques, si singulière ou personnelle soit-elle, est dans une large mesure dessinée par un réseau subtil de dispositions acquises mais relativement transposables. «Le corps (...) est l'emblème oh la culture vient inscrire ses signes comme autant de blasons» (Vigarello, 1978: 9). «Façonné par le contexte social et culturel qui baigne l'acteur, le corps est ce vecteur sémantique par l'intermédiaire duquel se construit l'évidence de la relation au monde: activités perceptives, mais aussi expression des sentiments, étiquettes des rites d'interaction, gestuelles et mimiques, mise en scène de l'apparence, jeux subtils de la séduction, techniques du corps, etc.» (Le Breton, 1992: 3). Comme l'a écrit Bourdieu, le corps est perçu et réinterprétd comme autre chose que lui-même. nLa couleur et l'épaisseur du rouge à lèvres ou la configuration d'une mimique, tout comme la forme du visage ou de la bouche sont imm6diatement lues comme des indices d'une physionomie morde socialement caractérisée» (Bourdieu, 1977: 51). On dispose aujourd'hui d'un nombre grandissant de recherches qui renseignent sur les manières dont la culture et la publicité s'emparent de l'expression corporelle pour en faire leur propre langage. Les travaux de Edward Hall (1963, 1971, 1979), Erving Gooffman (1977, 1979) ou encore ceux dtEkrnan et Friesen (1969) ont conduit à ce que l'on pourrait appeler une sociologie du corps dans laquelle peuvent se lire les différences, les contradictions et les rapports de force qui tissent le social. Il faut garder en mémoire le caractère construit du corps et des multiples significations qui s'y greffent. «Le signifiant corps est une fiction. Mais une fiction culturellement opérante, vivante» (Le Breton, 1992: 36). Le mode de représentation du corps contribue à mettre en oeuvre les différents signifiants de la symbolique, Communication non verbale: position du corps et position dans l'image, regard, mimique, geste, posture, comportement L'apparence physique: attribut, nu ou habillé, partie(s) du corps en &idence, position du corps, aspects physiques, silhouette, couleurs, ethnies, coiffure, maquillage, etc. Comportement des acteurs: individuel-collectif, actif-passif, entre les hommes, entre les femmes, homrne/femme, loisir, sexualité Éléments relatifs aux rapports dans la soci& rôle de l'homme et de la femme, rôle de la famille, rôle au travail ou dans la société, rapport avec les structures d'autorité Le corps, par son orientation, par l'intensité du regard ou du geste, interpelle de manière directe. Sur le plan iconique, le gros plan du visage ou le sourire de l'acteur, par exemple, construit I'image. Voilà pourquoi on s'intéresse aux éléments suivants: Corps: tête, visage, yeux, nez, oreilles, bouche, cou, épaules, bras, mains et doigts, seins, coeur, dos, ventre et nombril, hanches, fesses, organes génitaux, jambes, pieds, squelette Corps de l'homme et de la femme Corps et sexe Corps et culte de la bonne forme: modernité, virilité, lieux sportifs et sports d'équipe 2.4 Les figures de l'imaginaire Il s'agit de recenser les différents emplois de l'imaginaire dans l'image. L'imaginaire désigne le monde tel qu'il résulte de son découpage par le symbolique et Le mythique. Grâce aux travaux de Baudrillard-on pense surtout à l'ouvrage Le système des objets-on a pu, tout en le réintroduisant, ddpasser le sens immédiatement commercial de la publicité. Baudrillard a montré que les images publicitaires sacralisent les objets et l'univers au-delà des contingences fonctio~elleset utilitaires. A travers la consommation, c'est tout un monde de fantaisie qui est c e évasion fictive vers d'autres cultures, d'autres temps «liés à la rupture d'un ordre global» et où on ne répond plus qu'à un impératif, «celui de calcul d'ambiance» (Baudrillard, 1974: 44 et 48). Ce faisant, l'objet dépasse son état d'outil; il est une sorte de mémorial (Baudrillard, 1968). La représentation de l'imaginaire se fait selon deux axes. Le premier axe concerne le monde des personnages, de même que les animaux et les insectes. Les personnages à l'apparence humaine: les stars, les gens célèbres, les personnages de contes et légendes, les personnages institutionnels, les personnages de la bande dessinée et les personnages fictifs Les animaux et les insectes: le chien, le chat, le cheval, les animaux sauvages, la faune traditionneiie, les oiseaux, les insectes et le monde de l'eau L'analyse des personnages procure un grand nombre d'éléments constitutifs. Le personnage est un acteur social, c'est-à-dire un élément d'un système de relations sociales. L'analyse tient compte de la position sociale des divers personnages, des «figurants>>anonymes principaux ou secondaires. La publicité met souvent en scène des types sociaux ou personnages institutionnels dont les caractéristiques sociales sont flanquées d'attributs physiques, psychologiques ou moraux le criminel laid, le savant excentrique, le capitaliste corrompu constituent de tels types dans les images publicitaires que l'on a examinées. En second lieu, l'imaginaire est ii mettre en relation avec le statut social imaginaire. A un niveau sémiologiquement neutre, la grille permet de dégager des formes signifiantes suivantes: Les personnages Les objets La marque La culture (l'art, la musique et le plaisir des sens) Les espaces de la richesse LRs sports et les loisirs L'argent L'analyse centrée sur l'étude des aspects symboliques et mythiques de l'imaginaire publicitaire nous amènera à signaler les relations des acteurs sociaux avec divers thèmes et représentations symboliques: langages, codes de communication et styles de vie imaginaires - regles d'étiquette, formes d'art diverses, modes vestimentaires, gastronomie, sports, jeux et loisirs. L'hypothèse est de nature exploratoire; elle postule que la publicite, en tant qu'agent socialisateur, joue un rôle important dans la formation culturelle de l'acteur. Cette hypothèse touche les problèmes spécifiques reliés à Ho. La publicité procède à partir d'un modèle homogénéisant du social et de la vie en société. Ce modèle construit une représentation des acteurs et entretient l'image d'une culture peu diffknciée. LRS principaux éléments de cette représentation sont: a) b) c) Une omniprésence de la classe moyenne et de la bourgeoisie; de la culture blanche, mâle de type nordaméricaine. Une occultation de la réalité du travail et une absence de confiit tant dans la sphère privée (famille, etc.) que publique (politique, etc.). En conséquence, présentation et survalorisation d'un genre de vie harmonieux. La pertinence de cette demarche &ide dans les nouvelles avenues de recherche que l'analyse du discorn visuel publicitaire peut susciter. Elle repose aussi sur un défi: la nécessité de produire une description de l'image publicitaire comme entité singulière, comme forme sémio1ogique. Prétendre reconstruire l'image publicitaire, c'est lui reconnaître les attributs qui lui sont conférés dans l'expérience sociale et les problématiser. La difficulté commence dans cette nécessite de produire une description sérniologique de l'image publicitaire. En laissant de côté l'étude des producteurs, des récepteurs ou des effets et conséquences de la publicité visuelle, on peut alors classifier à la manière de Molino les éldments du corpus. G. CONCLUSION L'image construit, dans un langage qui lui est propre, la signification de la publicité. Elle suppose l'existence d'une photo, d'un dessin ou d'un schéma sur lequel se structure la nanation. Dans cette thèse, on a choisi d'analyser les images rencontrées dans l'image fixe provenant de la publicité imprimée et des panneaux-affiches parus dans les années 1987-1997 en Occident. L'analyse reposera sur une démarche qualitative et descriptive. On ne dbrtiquera pas les effets des images publicitaires. On ne veut pas non plus s'intéresser aux producteurs - agences de publicité, graphistes, etc. On croit d'ailleurs que la sociologie ne se réduit pas à l'étude des effets (effets de la publicité, de la musique, d'un éditorial dans le journal Le Devoir, etc.). Dans cette recherche, on s'intéressera en priorité à la trace - le niveau neutre ou matériel d'existence du symbolique. Le niveau neutre est un niveau d'analyse où on ne décide pas a priori si les résultats obtenus par une démarche explicite sont pertinents du point de vue esthésique et/ou poïétique. Le niveau neutre est perpétuellement bouleversé: il est remanié et transformé à chaque fois que de nouvelles informations conduisent à introduire de nouvelles variables descriptives et à réorganiser en nouvelles configurations les découpages antérieurs. L'objectif de cette these consistera essentiellement à décrire le niveau neutre, qui est celui de la matérialisation du discours iconique, et qui fournit ultérieurement un point d'ancrage pour les analyses poïétiques et esthésiques. (Nattiez, 1975: 59. Il est important de noter qu'on ne mettra pas en lumière la variation de ces traces et des sociétés dans l'espace ou le temps. On ne cherchera pas non plus à découper géographiquement ou chronologiquement la trace. Il s'agira plutôt de repérer les traces des opérations sémiologiques et symboliques, de decontextualiser l'objet pour l'analyser en lui-même, pour lui-même et par lui-même. C'est travers les concepts d'intertextualitk et d'interactivité qu'on mettra en oeuvre ce modèle d'analyse des images. On propose une grille d'analyse permettant de noter le contexte spatial, temporel, corporel et imaginaire. On a voulu ainsi déconstruire l'image par la recension des formes représentées et préparer le relevé des valeurs culturelles associées à l'image publicitaire. Chapitre IV Les figures du temps dans la publicité A. INTRODUCTION L'objectif de ce chapitre est de dégager la temporalité des images publicitaires. Le temps est consid6ré ici comme une sphère de la culture. De façon plus précise, La temporalité de l'image publicitaire renvoie à une conception du temps - cyclique, linéaire, etc. Le temps c'est celui des rythmes de la vie, des saisons, des fêtes, de la permanence et des changements de l'histoire, du passé, du présent et de l'avenir. Ce constat conduit à comprendre le temps non plus comme une dom& universelle, mais comme un p d u i t ou une construction sociale, situé socialement et culturellement. Cela ne signifie pas que le temps n'existe pas, qu'il n'y a pas de temps, mais plutôt que la façon de le penser, de le mesurer ou de le vivre varie au gré des traces publicitaires. En ce sens, on ne peut pas parler du temps au singulier; mais plutôt de la pluralité des temps sociaux dans l'image publicitaire. En tant que vakur socide caractérisant la société industrielle et urbaine, on pense que la publicité va se réferer de façon importante h la notion de temps. Largement tributaire des matériaux publicitaires, nos observations seront inevitablement fragmentaires. Les traces ne permettront donc pas de reconnaître dans tous les détails ce terrain fort dense; tout au plus permettront-elles de dégager des points de repère significatifs et d'identifier certains artefacts ou construits associés à des contextes variés. B. TEMPS SOCIAL ET PUBLICITÉ Globalement, l'analyse a permis d'identifier quatre types de temps dans la publicité. Premièrement, on a appelé temps biographique, celui qui est associé aux changements successifs de la définition des âges de la vie. Ce temps distingue différents types de temps se rapportant aux événements essentiels de la vie: la naissance, l'enfance, l'adolescence (jeunes gens), le mariage, la vieillesse et la mort. 11 permet de percevoir que la trace publicitaire construit ses définitions de l'âge dans l'échelle de la vie humaine. Deuxièmement, on a appelé temps historique, celui qui fait référence aux origines et B l'histoire. 11 inclut quatre niveaux de temps: 1) le «temps des ancêtres» qui est souvent associé au mode de vie traditionnelle; 2) le «temps premiem, que l'on peut qualifier à partir des mouvements de mode, par exemple, les années soixante ou les années soixante-dix; 3) le «temps contemporain>,qui réfère à l'actualité, au moment présent; et 4) le «temps de l'avenir» qui anticipe et qui parle de demain. Troisièmement, on a appelé temps gérk celui qui fait reference au monde des symboles et des représentations associés à la succession des jours, des semaines, des mois, des saisons et des annees. Quatriémement, on a appelé temps des rituels celui de la fête, des réjouissances, du passage d'un Ctat de vie à un autre. 1. Le temps biographique Le temps biographique est un temps socialement marqué, sinon étiqueté par la publicité. Les changements successifs de la définition des âges de la vie permettent de percevoir aisément ce que les sociologues ont pu saisir, à savoir que l'âge comporte des étapes et que les sociétés construisent culturellement ses définitions de l'âge. La publicité - culture seconde - ne fait pas exception à cette règle. Les images de la publicité aident à percevoir l'historicité d'un temps de ['enfance,d'un temps de la jeunesse jusqu'à celui du troisieme âge et de la mort. La vie «publicitaire»est ainsi subdivisée en passages, en étapes qui accompagnent, à un moment donné de la vie d'une personne, des changements d'âge et de situation sociale. L'étude de ces phases de vie, telles que représentées dans les images publicitaires, en plus de révéler les événements marquants, conduit indirectement à un premier repérage du construit publicitaire. Il appert ainsi que la vie telle que montrée dans la publicité est décomposée en séquences relativement fmes, en clichés, en étapes qu'on doit franchir par l'intermédiaire de certains rites rattachés à un âge déterminé. Ces étapes, entraînent avec elles une modification du statut social, de la position qu'occupent l'homme et la femme dans la société. Il semble aussi que le temps construit par la publicité renferme en lui-même certains Wnements fixes. Ainsi, à un moment déterminé de la vie, à un âge donné, correspondent certaines activia précises fixées par la société. Le temps tel que &fini par la publicité ddtennine ainsi plusieurs des activités marquantes de la vie. À grands traits. et en s'en remettant au corpus et aux travaux d'Arnold Van Gennep (1951) et de Varagnac (19%. 91-105),on a subdivisé le temps biographique en sept phases ou étapes que l'on doit franchir de la naissance à la mort: 1- la première enfance (naissance); 2- la deuxième enfance (les premiers contacts avec l'école); 3- les jeunes adultes; 4- les nouveaux mariés; 5 la famille; 6- les anciens; et 7- la mort. Chacune de ces étapes, on va le voir à partir des images publicitaires du corpus, est accompagnée par ce que Van Gennep appelle des «rites de passage» ou des points de repère, c'est-à-dire moments clés, des cérémonies, des fêtes, où par conséquent, l'on assure le passage d'un palier à un autre, d'une phase de vie à une autre. 1.1 La première enfance La première enfance s'étend de la naissance - ou de la conception - jusqu'h l'âge de deux ans. Cet être qui ne parle pas encore est pourtant un corps construit. En publicitk, le bébé est l'objet d'une iconographie oh se rencontrent de nombreux discours: l'amour, la famille, la tendresse et le corps* Lors de la première enfance, le bambin est entre les mains de sa mère (figure A- 1),de son père (figure A-2), des parents (figure A-3) ou des grands-parents (figure A-4); il est un centre d'intérêt important. Le message iconique perpétue généralement la croyance traditionnelle: le bébé est beau et en santé. L'ensemble du message publicitaire suggère l'i~wence,la spontanéité et la pureté. Elément de protection indispensable, le berceau de la chambre d'enfant (figure A-5) est porteur de significations propres. Même si la trace révèle que l'imagerie publicitaire est fascinée par les bébés et les enfants, il n'est pas facile d'analyser l'image de bébé. En effet, bébé se donne en spectacle. Une image publicitaire montre un pompier tenant un bébé (figure A-6) alors qu'une autre met en scène un bébé s'apprêtant à toucher de la main un cactus (figure A-7). Or, c'est dans ces images construites par la publicité que se cristallisent le mieux les mythologies du désirable et que transparaît l'idée qu'une société se fait de la première enfance. En réalité, la publicit6 iconique anticipe bébé. Eiie est là au moment du projet, pendant toute la gestation, à la minute de v6rit6 et elle ne le quittera pas pendant toutes les phases de sa croissance. Dans le corpus, l'image de la cigogne (figure A-8), de la femme enceinte (figure A-9) ou du bébé dans le sein de la mère (figure A-10) sont autant de représentations privilégiant le moment de la naissance. Dans de rares cas, les publicitaires montrent également un homme «enceint» (figure A-11) et des adultes imitant des bébés (figureA-12). Une publicité de Benetton (figure A-13) montre la naissance d'un enfant encore doté de son cordon ombilical, couvert de sang. Elle rappelle qu'à la naissance, tous les êtres humains sont semblables, rien ne les distingue. Or, d'un point de vue publicitaire, cette trace est surprenante. Elle montre en effet la réalité d'une naissance avec son sang, sa douleur. Les individus vivent dans une société ultraprotégée et surtout hygiéniste et pour Dichter (1970), ils acceptent les images d'eux-mêmes que lorsqu'elles sont idéalisées et artificielles. Cette image crue, tellement naturelle et réaliste, est donc antiséductrice. En refusant de montrer un bébé aseptisé, la trace déroge au code publicitaire. Par sa dimension, sa simplicité, son statisme, l'affiche amplifie considérablement une image et sa portée. Symboliquement, la publicité récupère les connotations positives de l'idée de croissance: désir de grandir, de jouer et d'expérimenter. La trace montre tantôt bébé en train de manger (figure A-14), de prendre le sein (figure A-15), de donnir (figure A-16), de prendre un bain (figure A-17), d'uriner (figure A-18), lors du changement de la couche (figure A-19), en train de sucer son pouce (figure A-20), de marcher «quatre pattes» (figure A-21), de faire ses premiers pas (figure A-22), de faire des pirouettes (figure A-23), de jouer à l'adulte (figure A-24), de faire un gâchis (figure A-25)ou de jouer sur la plage (figure A-26). Il faut accorder une attention aux objets associés à la première enfance. En effet, l'image publicitaire représente bébé accompagné d'objets et en fait un trait de caractère dominant de la représentation sociale de bébé. Or, cet univers est composé de deux types d'objets. Les premiers sont reliés au jeu, à la gaieté et à la simplicité de bébé. Ce sont, dans le corpus, les animaux en peluche (figure A-27), le xylophone (figure A-28) et les automobiles miniatures (figure A-29). À côté des jouets de bébé vient se greffer toute une série d'objets intimement liés à l'univers de la première enfance: les tétines ou «suces» (figure A-30) et le panier à linge (figure A-31). Ici, la trace publicitaire se contente de mettre en image des formes caractéristiques et des significations déjà établies. Le nouveau-né est le sujet de soins constants; le mobilier et les objets qui l'entourent en sont le témoignage le plus probant. Parallèlement aux objets et à l'imagerie associés $ la croissance de bébé, il y a un autre type de représentation, tout aussi important, qui met en scène l'entité physique de bébé lui-même, soit son visage en gros plan (figure A-32), ses grands yeux, un front important, un petit nez, une peau plus douce, des joues plus rondes et un petit menton. Bébé a aussi une petite bouche (figure A-33), des petits pieds (figure A-34) et de petites mains (figure A-35); bébé peut aussi tendre la main à un adulte; voilà autant de représentations visuelles mises en scène par la trace. La nudité de bébé (figure A-36) montré plutôt de dos que de face est aussi à l'honneur. En publicité, la recherche du corps semble un souci constant (voir le chapitre 6) et bébé ne fait pas exception à Ia règle. Les quatre manifestations faciales dont témoigne le corpus sont, chez le bébé, les pleurs (figure A-37), le sourire (figure A-38), la surprise (figure A-39) et la crainte (figure A-40), Toutes les quatre tendent à rapprocher la mère ou le père de l'enfant et du produit en cause. On notera enfin que les thématiques des bébés maltraités (figure A-41), les bébés en groupe (figure A-42) et ceux issus de minorités visibles (figure A-43) sont moins présents dans la trace publicitaire. En somme, le monde de la première enfance est fait de douceur, d'insouciance et de légèreté. C'est un construit idéalisé oh le malheur est quasi absent, De façon générale, la trace publicitaire donne la parole à bébé et multiplie les recommandations. Les images publicitaires renvoient à un savoir de type social qui établit ce qui est bon et ce qui est nuisible à l'enfant. 1.2 La deuxième enfance Si l'on se demande «Qu'est-ce qu'un enfant?» et qu'on interroge la publicité, on obtient un certain nombre de caractéristiques iconiques pour la @iode 1987-1997. À partir des images d'enfants présentées par la publicité et à travers la variété de ces repr&entations, plusieurs traits dominants vont donc contribuer à construire la notion «enfant>). La deuxieme enfance se caractérise par les premiers contacts de l'enfant avec la vie, la prerniere phase d'intégration B la socidté. L'enfant étend son champ d'activité A l'extérieur de la maison. Cest le moment de ses premières communications et de ses premiers contacts avec l'école. Le jeune garçon apprend en regardant papa (figure A-44) tandis que la petite fille s'inspire de maman (figure A-45). Il est intéressant ici de noter la migration de la trace - ou l'intertextualité - la combinaison apapa-fi1w permettant tantôt d'illustrer une publicité de base de domées (Informix), de vente par catalogues (Amway), une compagnie d'assurance-vie (MassMutual) ou un restaurateur (McDonald). De façon générale, la publicité tend à construire la cellule familiale sous forme de relation binaire - papalenfant ou mamadenfant. Fait à noter, les pères participent à l'éducation des enfants. Mieux encore, dans les images du corpus, ils expriment des émotions (figure A-46). Le produit contribue alors à lever les obstacles ou à favoriser les rapprochements. Pour la période étudiée, les enfants sont autonomes. Ainsi, dans l'image, t'enfant est prbsenté seul avec le produit (figure A-47), ou en aroupe (figure A-48) parfois multiculturel (figure A-49). Il choisit, 0 sélectionne et s'approprie. L'image de l'enfance construite par la publicité est celle d'un paradis toujours propre. Le monde imaginaire de la publicité propose une représentation idéalisée de l'enfant et indissociable de certains objets: machine à gomme à mâcher (figure A-50), voiture-jouet (figure A-SI), brouette rouge (figure A-52), volant (figure A-53, souliers (figure A-54) et cheval de bois (figure A-55). Les traces permettent par ailleurs d'identifier plusieurs cas de figures. La représentation de la seconde enfance, c'est en premier lieu le désir de grandir. La publicité contribue à construire un univers de la seconde enfance tournant autour de quelques activités, des «grandes premières» et autres moments de «grande importance» associés tantôt à I'initiation, tantôt aux vacances: coupe de cheveux (figure A-%), dent perdue (figure A-57), premier jour d'école (figure A-58), visite à l'hôpital (figure A-59), mesure de la grandeur physique (figure A-60), excursion de pêche (figure A-61), plantation d'un arbre (figure A-62), chasse aux papillons avec un filet (figure A-63), à l'écoute d'une histoire (figure A64), avec sa bicyclette (figure A-65), jouant dans sa première pièce de théâtre (figure A-66), en train de dessiner (figure A-67). de pique-niquer (figure A-68), de se lever du bout des pieds pour prendre un objet sur le comptoir (figure A-69), de se tirailler (figure A-70), de jouer un mauvais coup (figure A-71), d'avoir envie de pipi (figure A-72), de grimacer (figure A-73) ou de vivre ses premières amours (figure A-74). Les joies de la fête anniversaire (figure A-75) avec son gâteau et les chandelles que l'on souffle occupent également une place dans le corpus consacré à l'enfant. C'est un rite de la vie en société, A travers la reprbsentation du monde imaginaire du jeu, les stéréotypes de l'adulte s'expriment. Globalement, les images publicitaires montrent neuf différents types de jeux chez l'enfant: 1. Jeux de locomotion: Pratiquer le jeu de poches (figure A-76), faire une baignade (figure A-77), faire voler un cerf-volant (figure A-78), chausser des patins à roulettes (figure A-79), sauter la corde (figure A80), s'amuser dans un cerceau (figure A-81), jouer de la gomme (figure A-82) ou faire des bulles (figure A-83). 2. Jeux de vertige ou de résistance: Jouer dans une chambre B air (figure A-84), glisser sur la neige (figure A-85), se promener en skate board (figure A-86), jouer sous le jet d'eau d'un boyau (figure A-a7) ou sous la pluie (figure A-88). 3, Jeux d'adresse: Lancer un frisbee (figure A-89). un boomerang (figure A-90) et jouer aux billes (figure A-91). 4. Jeux avec les animaux/insectes: S'amuser avec un chien (figure A-%), une autruche (figure A93), une grenouille (figure A-94) ou un dauphin (figure A-95). 5. Jeux mécaniques: Jouer avec des blocs de construction (figure A-96) ou des légos (figure A-97). 6. Jeux d'imagination: Jouer avec un ourson en peluche (figure A-98), se costumer en louveteau (figure A-99) ou en ballerine (figure A- 100). 7.Jeux créateurs: &rire (figure A- 101), jouer du violon (figure A-102), de la f l b (figure A-103) ou de la trompette (figure A-104). 8. Jeux d'adulte: Se déguiser (figure A-105). 9. Jeux sparti$s: Football (figure A- loti), basebail (figure A-107), hockey (figure A- lûû) et tennis (figure A-109). Par ailleurs, la publicité contribue à définir trois univers précis susceptibles d'dvoquer la deuxième enfance. Le premier est celui de l'école avec un visage familier et une imagerie simplifiée. L'école, c'est l'éducation et les enseignants ayant droit aux plus grands égards dans le corpus. C'est un lieu de rencontres privilégiées où les jeunes socialisent. L'école offre un espace de contact clairement reconnaissable: la classe, rappelée entre autres par les bureaux (figure A-1 IO), le tableau noir (figure A- 1Il), une feuille de papier lignée (figure A-112), la boîte à lunch (figure A-1 13), les lettres de l'alphabet de «A à Z» (figure A-114), les casiers vestimentaires (figure A-1 15), l'autobus scolaire (figure A-1 16), les panneaux routiers de passage écolier (figure A-117), un jeu de marelle (figure A- 1 18), les élèves (figure A- 119) et les institutrices/professeurs (figure A-120). Cette imagerie génère également des significations secondes. Les lettres de l'alphabet font référence aux mots et h la langue mais elles peuvent également évoquer des notions abstraites comme la simplicité. De la même façon, le crayon de l'écolier permet d'écrire mais il devient symbole de frustration lorsqu'il est cassé en deux. La plage (figure A-121) est un deuxième univers important de l'enfant dans le corpus publicitaire. il est évoqué par les jeux sur la plage: des images clés comme celle de papa dans le sable. Le troisibme espace de la seconde enfance, le parc d'amusemeni/cirque, est représenté iconiquement par la montagne russe (figure A- 122) et un carrousel volant (figure A-123). Symboliquement, cet univers est hors des normes du quotidien. Par ailleurs, la trace récupère toute une galerie de petits personnages associés au monde de l'enfance. Elle montre plusieurs personnages typés dans le corpus. Parmi les plus populaires, nommons: Mickey (figure A124), Snoopy (figure A-125),le coyote (Figure A-126), et les Pierrafeu (figure A- 127). En somme, sous I'apparente autonomie de l'enfant, la publicité construit un monde relativement traditionnel; elle met en scène des stéréotypes tels qu'ils sont véhiculés par les industries culturelles. De ce fait, la trace publicitaire ne vise probablement pas à déstabiliser les valeurs en place. Elle rejette ou tend à effacer les enfants martyrs (figure A-128) ou handicapés (figure A-129). 1.3 Les jeunes adultes La troisième étape est marquée par le passage de la deuxième enfance à l'adolescence puis à l'âge adulte. En publicité, les jeunes gens sont affublés d'une personnalité collective qui leur est propre. Ainsi, le jeune adulte élargit ses relations sociales, se crée un groupe d'amis & prend un peu plus d'autonomie. Dans le corpus, les jeunes gens sont présentés comme insouciants et naïfs. Le travail est à toutes Fm utiles absent. Avec les jeunes gens, on voit apparaître des éléments th6matiques précis. Abandonnant les conventions, ils sont synonymes de participation, de créativité, de liberté, d'enthousiasme (figure A-130), de mise en valeur physique et intellectuelle. Ce sont des anticonformistes (figure A-131); ils remettent en question leur milieu et les valeurs contemporaines par leur coupe de cheveux (figure A132) et leur tenue vestimentaire. Ils voyagent en autobus (figure A-133) ou en train (figure A-134). Ce sont aussi des élèves reco~aissablesà leur chapeau de finissant (figure A-135). Quand on parle de jeunes adultes dans la publicité, on évoque iconiquement une certaine vision de la vie reflétant un caractère ouvert et une façon de penser tres détendue. Les gestes sont plus décontractés, le tonus musculaire réduit; des adolescents voyagent en camionnettes (figure A-136). On dessine des graffiti (figure A-137). On évoque dans le corpus les festivals en plein air (figure A-138) et la pop music où on va jusqu'à se jeter dans la boue (figure A-139). Autant d'éléments qui ne sont pas sans rappeler l'époque des années soixante. Quand on regarde les images qui composent le corpus, l'une des valeurs dominantes du début de i'âge adulte est certainement l'amitié sous ses différentes formes. Celle-ci prend d'abord naissance au sein de la famille, mais elle dCpasse a w i les fronti&resde la parenté. A ce stade, la véritable amitié ne tient pas compte de la couleur & la peau, de la religion ou de la langue, comme le montrent plusieurs publicitds. En fait, si on considère l'ensemble des publicités analysées dans le corpus, on voit leurs thèmes s'unifier: familiarité, retrouvailles, rassemblement; groupe de filles (figure A- 140) et photographies d'amis (figure A-141); l'image met en scène une amitié sans heurt, un amour inconditionnel. ParalliAement, les premiers pas dans l'âge adulte constituent aussi le moment par excellence du grand amour, un thème central du construit publicitaire. En fait, s'il faut en croire le corpus, amour et jeunesse semblent aller directement de pair. A travers un dixours amoureux simple, plutôt univoque et répdtitif, les images du corpus énoncent une morale de l'accouplement et codifient une politique des rapports entre les sexes. Ces images expriment des jugements et des valeurs, et en ce sens, elles sont des constructions culturelles. En 1921, Mauss publiait L'expression obligatoire des sentiments, dans lequel il rappelait que les sentiments sont des émanations sociales qui s'imposent dans leur contenu et dans leur forme aux membres d'une collectivitt. Contre les prejugés qui veulent faire de liémotion une dom& soit intime, soit naturelle, Mauss afflfmait la dimension sociale et culturelle des sentiments et de leur mise en forme. Qu'est-ce que l'amour en publicitt? Iconiquement, c'est un moment essentiel, une occupation A plein temps qui umbiiise toutes les énergies. L'amour est aussi uw nCcessitC absoiue. Dans la logique argumentative de I'image, c'est le moyen pnvUgié pour atteindre l'équilibre. Ils sont jeunes; ils ne se connaissaient pas, et voila que le hasard les met face il face, leur fait échanger un regard. Quelque chose a changC brusquement, et le monde n'est plus ie même. Héroïsme, grands sentiments et émotions fortes: L'imagerie publicitaire réinvente A longueur d'aunée des mythes et des symboles vieux comme le monde. La publicité étourdit l'acteur social à grands coups de frisson et d'amour. À vrai dire, le langage de l'amour couvre un vaste champ sémantique que chevauchent des oppositions et des associations. Ainsi, l'amour est symboliquement un coup de foudre, un baiser qui allume, un feu de braise, une passion dévorante. L'amour, c'est une renaissance, une résurrection. L'amour, c'est un équilibre, une force, une puissance, une libération. En d'autres mots, l'amour rend libre. On ddcouvre un phénomhe social, difficilement compréhensible dans les grilles de lecture habituelles de l'andyse qualitative. De façon générale, le corpus met en scène le paroxysme dans la mise en spectacle et manifeste un net penchant pour la théâtralisation des sujets. Le visuel repose sur la valeur sentimentale rattachée au produit et cette dimension qui le fera désigner pour commémorer tout événement de la vie d'un couple: rencontre, déclaration d'amour et mariage. De ce point de vue, le champ des relations sociales en publicité est construit. Elles se déroulent généralement dans des domaines et des lieux publics avant d'être possibles dans des domaines privés. Ces endroits publics représentent des espaces de vie permettant à la fois le développement d'une identité collective et une sociabilité. Les publicités analysées présentent les activités de détente, tes jeux, et les arts comme des domaines potentiels de rencontre: sur le paquebothateau (figure A-142), à la plage (figure A-143), sur le banc d'un parc (figure A-144), dans un «lavomat» (figure A-145) ou un bar (figure A-146), lors d'une soirée mondaine (figure A-147) ou dans un casse-croûte (figure A-148). C'est bien souvent par l'intermédiaire de ces activités que les personnages prennent contact. Dans un restaurant, on retrouve un juke box (figure A149) et un homme joue du saxophone (figure A-150) ou du piano (figure A-151). Il y a aussi le théâtrelcinéma (figure A-152) et te restaurantlbistrolpetit café (figure A-153), avec sa table, son repas romantique et uddes serveur(s) habillé de blanc et de noir. Un autre lieu, la gare (figure A-154), permet de suggérer les retrouvailles apres un long voyage. L'amour se manifeste également dans des lieux privés. L'amour peut naître dans une embarcation (figure A-155) ou sur le perron d'une maison (figure A-156). La barque devient ainsi un accessoire à l'amour-passion. L'amour peut également prendre forme sous une tente (figure A-157), dans un lit (figure A- lS), un bain (figure A-lS9), lors d'un pique-nique (figure A-160) ou dans une voiture, de préférence une décapotable (figure A-161). Iconiquement, des manifestations plus tangibles sont toujours les bienvenues. Au nombre des pratiques publicitaires qui se manifestent sous forme de symboles, on retrouve plusieurs signes connotant les sentiments amoureux, voire la sexualitb. Ces symboles sont destin& à intensifier les amours. Parmi les gages d'amour et d'attention offerts le plus fréquemment, figurent les fleurs (figure A-162), un bouquet de rose, par exemple. Un masque (figure A-163) sert également & suggérer l'amour mystérieux et frénétique. On peut donner son coeur (figure A-164) et sa bouche (figure A-165). La pénode des m u r s est aussi celle de l'envoi de lettres (figure A-166) qui ont pour thème I'amour, et rappellent en quelques mots qu'on ne s'oublie pas, qu'on s'ennuie et qu'on a hâte de se revoir. Le téléphone (figure A-167) est un autre lien symbolique. Visuellement, il est, de tous les médiums, celui qui se prête le mieux à la tendresse. Au téléphone, on peut tout reconstruire: la femme idéale et comblée, l'épouse absente, l'amante inaccessible, introuvable, la partenaire sentimentale, enjouée ou naïve, mais toujours attentive. Le téléphone permet un contact intime, mais à distance. Situées dans un espace abstrait, les filles écoutent seulement, mais ne répondent jamais. À l'instar de nombreuses chansons folkloriques et dans certaines coutumes (Dupont, 1995: 9), la publicité associe directement le feu et l'amour (figure A-168). La cosmologie est également mise au service de l'amour publicitaire. Ainsi, la Iwie (figure A-169)rappelle la nuit et l'amour. L'amour, c'est enfintoute La gamme des cadeaux (figure A-170) et des surprises (figure A-171). Plusieurs images publicitaires analysées revêtent un aspect intimiste. Toutes ces situations sociales génhnt des sentiments et des gestes. Fast (1977) nomme uparade» les gestes de séduction. Ces gestes allumeurs» de la trace publicitaire sont de plusieurs ordres: regard appuyé, petit geste de la m i n qui effleure, mouvement de rapprochements des corps, sourire aux lèvres offertes, yeux grands ouverts, sourcils remontés, jeux de langue, lèvres humectées, les yeux sur les corps, les yeux dans les yeux, main dans la main, bras sur l'épaule, bras sur la taille, bouche contre bouche, main dans les cheveux, bouche sur la poitrine, postures d'accouplement, danse, etc. Le comportement des regards des jeunes amoureux, par exemple, passe par plusieurs phases distinctes. Dans les images analysées, la relation amoureuse implique souvent une symbiose entre les deux partenaires. Si deux personnes marchent ensemble (figure A-172), leur comportement montre qu'elles sont liées l'une à l'autre. Cela suggére l'ambiance amoureuse. Dans la représentation iconique, la forme la plus évidente du signelien est la proximité des corps, dans laquelle, tout en ne se touchant pas, deux personnes se tiennent debout, bougent, s'assoient ou se reposent. Une variante publicitaire consiste à présenter des objets qui s'enlacent (figure A- 173). Les objets partagés entre deux personnes (figure A-174), par exemple un chandail, fait aussi office de signes-liens. L'étreinte (figure A-175) est un autre exemple de geste-symbole. Symboliquement, l'etreinte totale, geste qui consiste à prendre l'autre personne dans ses bras, est une expérience amoureuse. Adieux et retrouvailles voient le lien se trancher par la séparation physique, ou se renouer quand elle se termine. L'étreinte totale ne laisse alors aucun doute. Les hommes étant gén6ralement plus grands que les femmes (figure A176), l'étreinte des épaules est un geste essentieiiement masculin. À ce sujet, il existe toute une gamme de relations, de la plus intime A la plus distante, que les acteurs sociaux peuvent entretenir entre eux. L'anthropologue E.T. Hall, inspiré de la recherche en éthologie comparée, a déterminé certaines distances significatives à l'intérieur desquelles se meuvent les acteurs lors de leur interaction cornmunicationnetle. La distance intime, jusqu'à 40 cm, est celle de l'acte sexuel et de la lutte, écrit Hall (1971). C'est également la distance de la protection et du réfonfon À cette distance, le toucher et l'odorat sont principalement sollicités. La distance personnelle de 40 cm à 1,20 m permet et favorise les échanges interpersonnels. La distance sociale, de 1,20 m à 3,60m, caractérise les rapports professionnels ou sociaux. Les contacts corporels sont virtuellement éliminés. Cette distance permet de préserver le caractère un peu formel de ce type de rapports. La distance publique, au-del&de 3,6û m. représente Ie territoire à l'intérieur duquel se déroulent des relations formelles imposées par des personnages ut& importants». Ces variables sont utiles afin de catQoriser, dans l'espace, les relations entre les protagonistes de l'énoncé. il existe un paralkle entre l'échelle des distances et la façon dont la réalité est mise en image (Cossette: 1985). Ainsi, le gros pian peut correspondre à la distance intime, le plan rappmh6 et le plan americain à la distance pemnneUe, le plan moyen, le plan de demi-ensemble et le plan d'ensemble, à la distance socide et à la distance publique. Évidemment, cette dassifmtion est rudimentaire et il faudra tenir compte d'autres variables telles que les angles de prise de vue de la caméra ainsi que d'autres techniques de amise en iïnagen. L'une des manifestations amoureuses utilisées dans le corpus est le baiser sur la b i c h e (figure A-177),sur le cou (figure A-178) ou sur le front (figure A-179). Une forme variante consiste à montrer le jeu de langue (figure A-180) ou une trace de baiser (figure A-181). Dans les images, la main sur la bouche reflète un lien d'attachement. Caresser doucement (figure A-182) et explorer le corps du partenaire avec la main est presque toujours une démarche d'ordre sexuel en publicité. Ces caresses sont assez particulières p u r être limitées en public. Le corps soutenu par l'homme (figure A-183) et plus récemment par la femme (figure A-184) est repris par la publicité, alors qu'on s'assied sur le conjoint, qu'on s'y accroche ou qu'on dépose la tête sur son épaule. Les activités qui nécessitent l'entraide ou la participation de l'autre, par exemple raser le poil des jambes de sa compagne (figure A-185) ou servir de modèle pour une oeuvre d'art (figure A-186) sont d'autres clins d'oeils amoureux et sensuels. Ces images de rapprochement symbolisent l'entraide, le partage et le rapprochement. L'homme de la publicité se plie alors au dbsir de sa compagne. On assiste, entre adultes, h de nombreux coups sur les bras, des empoignades, des pressions, des bousculades, des jeux (figure A-187). Mais ces gestes ne veulent pas blesser. ils sont plutôt des libertés amicales qui font preuve d'une grande familiarité (Goffman, 1977). «Attends que je t'attrape» ou «Devine qui je suis>,sont des jeux couramment pratiqués par la publicité iconique. Les participants se voient traités, pour rire, comme s'ils étaient des proies assaillies par un prédateur. On remarque enfin que dans sa construction, l'amour «publicitaire» est d'abord hétérosexuel et très rarement homosexuel (figure A-188). Le couple hétérosexuel est posé non seulement comme l'idéal mais aussi comme le modèle convenable de rapports amoureux. 1.4 Le mariage Le manage modifie profondément le statut social des nouveaux conjoints et constitue le rite de passage le plus visible de la publicité. Le manage marque une étape intermédiaire. La demande en mariage (figure A-189), la robe de mariage (figure A-190) le gâteau de noces (figure A-191), la mariée dans les bras de l'époux (figure A-192) et le départ en voyage de noces (figure A-193) constituent les principaux référents iconiques de cette étape. Le mariage est en quelque sorte le lien entre le début de l'âge adulte et la famille. Seule la naissance du premier enfant va transformer systématiquement la nouvelle vie de ce couple qui deviendra famille. 1.5 La famille Quand on parle de la famille, une première précision s'impose, car le terme recouvre tout et rien: dans cette these, on entend par là, non seulement le noyau parents-enfants, mais l'ensemble plus large des descendants et comprenant éventuellement deux ou trois générations, comme on peut en rencontrer aujourd'hui. Dans la trace, la famille entre en concurrence avec d'autres modes de celations, tels que les amis (figure A-194), les voisins (figure A-195) et les collègues de travail (figure A196), autant d'éléments qui participent eux aussi de l'identité de Leurs membres, véritables carrefours d'une sociabilité redéfinie. La famille est un groupe de référence de la publicité iconique. Microcosme de la société et lieu d'apprentissage des valeurs et des normes, la famille de la publicité représente un terrain d'étude à la fois pratique et riche. La famille nucléaire illustrée par la publicité de Boréal (figure A197) est un symbole important en publicité. L'existence des enfants est la preuve concrète du suc& de cette famille. La famille nucléaire (figure A-198) peut se résumer à un mari, une femme, deux enfants, inévitablement un garçon et une fille séparés de quelques années, et un chien. Si ces enfants ne sont pas particulièrement beaux, ils dégagent beaucoup de sympathie. Ils n'ont pas de handicap ni même à proprement parler de défaut, si ce n'est les Lunettes que certains portent et qui leur donnent un petit air sympathique. La famille nucléaire vit dans une maison unifamiliale et les femmes sont représentées dans un rôle de mère attentionnée. La vague de publicités débrant la paternité (figure A-199) a permis de banaliser en quelque sorte les nouveaux enjeux concernant une organisation traditionnelle de la famille. Le père adéquat ne peut se permettre de n'être qu'un bon pourvoyeur; il doit aussi afficher les attributs de l'affectivité et de la tendresse. Bref, on demande aux pères de se défaire des vieux conditionnements et de renverser leur image sociale. Au niveau familial, le père n'est plus l'unique figure d'autorité dominante; il incarne aussi la compréhension, douceur et amour (voir à œ sujet la section 1.1 intitulk la premibre enfance et la section 1.2 intituik la deuxième enfance - chapitre 1). Demeurée le support de la collectivité familiale, la femme est iconiquement appelée B s'affirmer sur le plan professiomel (voir à ce sujet la section portant sur l'image de l'homme et de la femme dans la publicitk-chapitre 6). Ainsi, les rôles parentaux continuent à se manifester dans la publicité et la valeur culturelle rattachée ii la famille peut-elle connaître d'autres heures de gIoire dans l'image publicitaire. La publicite est donc alMe vers une variété de configurations qui toujours tendent vers une consolidation de ses bases. Que peut-il alors amver désormais à la publicité? C'est toute la définition du genre qui est ici remise en cause. Au-delà de la famille, c'est donc à une couception des relations entre homme et femme qu'expose le construit publicitaire. 1.6 La vieillesse Pour tes ùesoins de cette thèse, on ciasse les gens aâgésu en s'en remettant aux critères suivants: mention directe de l'âge (plus de 50 ans), cheveux gris, présence de rides sur le visage etlou les niains, canne, fauteuil roulant, références à des termes comme ceux de grands-parents, grand-maman ou grand-papa, ou des réf6rences à la retraite. Les études indiquent que les gens âgés qui représentent de 11 à 15 % de la population occupent une place secondaire dans les images publicitaires. Selon une étude de Gantz, Garienberg et Rainbow (1980: 5660), réalisée dans sept magazines am&icains, on retrouve trois «vieilles personnes» pour cent personnes dans la publicité. Cette enquête montre que les publicités sans personne âgée contenaient en moyenne 2,5 personnes tandis que celles qui mettaient en scène des gens du troisième âge en regroupaient quatre, comme si l'on désirait à l'occasion fondre les personnes du troisième âge avec des plus jeunes. Par ailleurs, 74 % des gens âgés représentés dans la publicité &aient des hommes. Évidemment, cette quasi-absence des personnes âgées dans le corpus, que ce soit la grandmère, le grand-père ou le groupe du troisième âge est étrange, d'autant plus que la démographie est à la mode. De façon générale, la personne âgée est un cliché. Si on voit u n visage de face, on montrera une personne au visage vieilli, aux cheveux gris (figure A-200) et à la silhouette déformee (figure A-201). Dans plusieurs cas, on préférera utiliser des objets associés à la personne âgée comme les lunettes (figure A-202) ou la chaise berçante (figure A-203). Par ailleurs, si l'on introduit une personne âgée dans une image, la trace ne représentera le plus souvent que l'un des volets de la communication. Ainsi, pour une campagne des restaurants McDonald's, deux images apparaintrontsuccessivement sur les murs: l'une mettant en scène une personne âgée (figure A-204) et l'autre un bébé (figure A-2û5). On pourra également associer simulament des jeunes enfants et des aînés (figure A-206), les deux pôles des figes de la vie. Le théme principal pourra aussi être décliné selon les principales catégories d'âges (figure A207). Sans doute ce «refoulement social du corps vieux», ou comme le dit Barthes, cette «sorte de racisme jeuneu n'est-t-il pas étranger à l'avènement de la jeunesse comme nouvelle catégorie sociale. L'image de la personne âgée dans la trace publicitaire fait peur; elle évoque symboliquement la solitude (figure A-208). La prdsence des gens du troisieme âge peut suggérer l'embarras (figure A-209) et le ridicule (figure A-210), l'idée d'un organisme qui s'use, des problèmes physiques. Autant de situations qui évoquent la nécessité de se reposer. Il est banal de souligner qu'aujourd'hui, un véritable discours circulant s'est constitué autour du problème de la vieillesse et de la période de la retraite. «Longtemps en marge des préoccupations sociales dominantes, la population âgée est devenue un objet d'intérêt pour de nombreux secteurs de l'activité sociale, culturelle et économique.» Cest ce qui explique peut-être pourquoi la trace éprouve le besoin de présenter des gens âgés dans des situations qui renvoient à des signifiants plus gratSants, comme la joie de vivre, d'apprendre, de voyager, le prestige ou le pouvoir. Ainsi, des images positives sont attachées à cette période: joie de vivre, dynamisme, participation sociale (figure A-2 11) et contact amoureux (figure A-212). En d'autres mots, les gens âgés ne sont plus seulement les gardiens de la tradition et de l'authenticité (figure A-213). Le troisi5me âge construit par I'irnage publicitaire peut aussi incarner le prestige, le pouvoir et le bon goQt (figure A-214). Par exemple, on présentera les rapports affectueux et la complicité profonde qui existent entre un pére et son fils (figure A-215). Au fond, on doit encore une fois noter que malgré son apparence parfois provocante et son allure souvent libertaire, la trace publicitaire est profondément conservatrice. 1.7 La mort En tant que forme, la civilisation occidentale contemporaine ne peut supporter la fatalite de la mort, de la maladie et du vieillissement. Non seulement la publicité ignore-t-elle pratiquement ces faits dans les formes iconiques, elle les nie ou tente de les effacer. Symboliquement, la mort, comme étape finaie de la vie, s'inscrit comme rite de passage qui clôt le temps naturel. Elle est ressentie comme angoissante et figurée sous des traits effrayants. Elle symbolise en soi la fin absolue de quelque chose, La mort, a-t-on dit, devient le non-dit par excellence: on Bvite de la montrer et ce n'est que timidement que la représentation de la mort envahit la publicitk accident de voiture (figure A-2 l6), meurtre (figure A-217), suicide (figure A-218), pendaison (figure A-219) et tête tranchée (figure A-220). S'il faut s'en remettre au corpus, il est difficile de parler de l'image de la mort dans la publicité. Rien n'est plus caché que les fantasmes que chacun noumt à cet égard. Sans doute pourrait-on dégager quelques images traditionnelies. Avec la mort en images, les publicitaires fouillent dans les recoins culturels de la société et lèvent les derniers tabous. On invente un genre nouveau et on déroge ainsi aux codes publicitaires. Bien que la mort ne soit pas le sujet de nombreuses images publicitaires, elle est toutefois suggdrée par la manifestation de plusieurs signes. Envisagés socialement, la mort et Ies rites qu'elle suscite renvoient directement à la relation signü?ant/signif~é. Dans sa dimension symbolique, citons plus particulièrement les symboles des comportements et des rites singulièrement les fun6railles. La mort est associée à divers rites et symboles qui traduisent bien le caractère sacré de cette relation symbolique entre le monde des vivants et celui des morts: civière (figure A-221), cercueil (figure A-222), enterrement (figure A-223), couronne mortuaire (figure A-224), épitaphe (figure A-225), morgue (figure A-226) et cimetiére (figure A-227). La publicité renvoie l'image d'une société violente. Os (figure A228), sang (figure A-229), abus physique (figure A-BO), chaise électrique (figure A-BI), couteau (figure A-232). balle (figure A-233)- bombe (figure A-234), avion de chasse (figure A-235), fil barbelé (figure A-236), figure nucléaire (figure A-237) et bourreau (figure A-238) ont un aspect macabre et évoquent directement la mort. Les armes, par leurs fonctions d'outils d'attaque ou de défense, symbolisent également le danger potentiel. Dans le même sens, il peut s'agir d'une mort par le sida, celle-ci étant évoquée par un ruban (figure A-239), un condom (figure A-240) ou des gens faisant l'amour (figure A-241). Dans un exemple, la famille occupe une place majeure dans la photo: le père, la mère et la fille (figure A-242). Ce thème est susceptible de toucher puisqu'il s'agit de la mort d'un homme atteint de la maladie du siècle. LR regard du fils malade se porte tout de suite sur le père dont la chemise noire contraste avec k blanc et la clarté des autres tiléments, puis on aperçoit le mourant dont la maigreur contraste avec l'espace qu'occupent le père et les autres personnages. L'émotion est trés présente. Aussi, l'image appartient plutôt au style journalistique documentaire. Toutefois, par sa composition elle fait penser a une allégorie religieuse sur la mort qui aurait la force de la réalité. Une autre stratégie consiste à montrer la détresse avec l'image d'une tornade (figure A-243) ou d'une poupée brQiée (figure A-244). La généralisation est évidente et tend vers une démonstration d'universalité. Ces visuels sont tous une allégorie de la mort. 2. Le temps historique Au coeur de l'étude des temporalités sociales, se trouve l'analyse des rapports complexes qu'entretiennent une soci6té avec les trois grands axes du temps: un vécu présent, des formes variées de retour en amère ou d'actualisation du passé et les diffkrentes manieres d'envisager l'avenir. «Nous ne saurions échapper à ce constat que toute société jette, devant ou derrière (...), un regard sur elle-même. Par ce regard, les sociétés recréent leur passé et projettent leur avenin, (Mercure, 1996: 39). Par le mythe, le symbole, la mémoire collective ou la connaissance historique, toute société construit et reconstruit ses origines et demeure en contact avec son passe, son présent et son futur. Dans un cas comme dans l'autre, ce qu'il est donné A voir donne un acds privilégié ii la culture. De la, la pertinence d'une sociologie des temporalités sociales. Halbwachs (1925; 1968) a bien monûé l'existence de «cadres de la mémoire collective, sur lesquels la mémoire individuelle prend son point d'appui.» Ces cadres sont constitués par un ensemble de représentations du monde et de la société issues de l'«entourage social». Quatre marqueurs temporels ont été identifiés: le temps des ancêtres, le temps premier, le temps contemporain et le temps de l'avenir. ii convient maintenant d'examiner la manière dont les diverses images publicitaires construisent le temps historique. Il s'agit de recenser les diverses mises en scène iconiques. 2.1 Le temps des ancêtres En publicité, le temps des ancêtres fait référence à une époque réelle ou historique. C'est celui de la génération des grands-parents. II peut s'étaler sur plusieurs générations et constituer ce qu'on appelle communément le passé. Dans le construit publicitaire, le temps des andtres correspond à une époque vierge, le «bon vieux temps» (figure A-245). C'est un temps qui atteste d'un enracinement dans i'histoire et le sentiment d'un lien avec les aieux. Dans les images de Jack Daniels en noir et blanc (figure A-240, les fabricants sont décrits comme ayant une conscience aiguë de leur lien avec leurs ancêtres. La refbrence constante au temps des ancêtres témoigne de la particularité du produit. Le temps des ancêtres rappelle symboliquement un mode de vie traditio~el;il propose des d & l e sauxquels on se réfère même si l'on sait que l'on n'arrive plus à respecter fidèlement les principes qu'ils ont établis. Pour certains membres du groupe aux prises avec les difficultés des exigences contemporaines et du modernisme, cet aspect traditio~elest une garantie de bonheur, d'6quilibre et de libert6. Pour représenter la vie traditi~~elle, les publicitaires mettent en scène des objets anciens comme un téléphone (figure A-247), un microphone (figure A-248), une voiture (figure A-249) ou un avion hace (figure A-250). En publicité, le temps des ancêtres suscite souvent de la nostalgie et du regret. On imagine un passé un peu paradisiaque, comme un temps presque sans problème, cet ancien mode de vie où on était plus heureux et plus équilibré. «L'accent mis sur le souvenir est une méthode utilisée pour bien situer les consommateurs dans la société. On fait appel à la nostalgie comme d'un instrument» (Goldman et Papson, 1995: 115). La nostalgie est une aspiration, difficile à traduire, vers un passé perdu, en même temps qu'un désir de retrouver ce passk. Elle exprime le regret d'un monde autre, une civilisation qui tend B revivre dans son passé. Eliade a bien montré que les modèles archaïques n'ont jamais cessé de hanter les hommes. d l existe pour l'homme une possibilité de transcender le Monde-spacialement, en allant "vers le haut", et temporellement en allant "à rebours", "à reculons"~(hiade, 1957: 144). En invitant l'acteur social à un retour à l'origine, le temps des ancêtres construit par la publicité réactualise la puissance des éléments originels. Par conséquent, tout se passe comme si le changement et la nouveauté étaient consid6rés comme suspects, équivoques, incertains, et néfastes. Il en découlera une forte résistance au changement, le retour au mode sain d'autrefois, aux habitudes de vie passée. L'6vocation nostalgique du temps lointain et la réitération de ce passé apportent l'illusion rassurante d'une immuabilité. Selon Eliade, c'est la nostalgie, cette rêverie de l'imaginaire, qui permet désormais de faire revivre symboliquement le mythe (Bastide, 1975). Dans une relation où les uns doivent se définir par rapport aux autres, la référence au temps des ancêtres devient une marque de distinction en publicité. Les membres de la société dominante font référence aux temps des ancêtres, en soupirant, entre eux, comme si tout avait été sans problème avant l'arrivée de la société moderne. À l'inverse. c'est pour contrer cette vivacité, pour favoriser L'assimilation et proclamer ses propres valeurs que la publicité va aussi dénigrer le temps des ancêtres. Ce faisant, le temps des ancêtres devient une époque désuète, un lourd fardeau (figure A-251). Le fait que les images publicitaires puissent tour à tour valoriser ou dévaloriser certains moments de l'histoire ne doit pas surprendre. Au-delà des individus porteurs de souvenirs se perpétuent des représentations, des discours et des façons d'être qui jettent les bases du temps contemporain. 2.2 Le temps premier A la différence du temps des ancêtres, le temps premier peut se mesurer, se dater et s'associer à des 6vénemnts précis. Aux plans iconiques, le temps premier, comme les autres temps, est porteur d'une idéologie. Dans une image, par exemple, le mythe =yen des années trente et quarante (figure A-252) est suggeré par un signe de la main nazi pour rappeler la place des Allemands dans l'histoire et le combat contre les Juifs et les communistes. Les années cinquante sont évoquées par l'emploi de symboles comme le juke box (figure A-253), la décapotable (figure A-254), une pin-up (figure A-255), une machine à écrire (figure A-256), le cinéma 3-D (figure A-257), une grande première (figure A-258) ou une star comme Marylin Monroe (figure A-259). Les andes soixante sont associées aux hippies et à leur camionnette (figure A-260) et à Janis Joplin (figure A261). Le temps premier est bien présent dans la mémoire collective. Il constitue un facteur contextuel important à considérer. Royaume du cliché, le temps premier a lui aussi quelque chose de nostalgique et de grandiose. «Les souvenirs mis en place par la publicid constituent une histoire formée de parcelles (les signifiants) et composant une nouvelle narration selon les intérêts du moment; non seulement cette histoire contribue-t-elleà distraire du moment présent, mais aussi elle habitue à oublier les liens entre le passé et le présent» (Goldman et Papson, 1995: 140). Le temps premier séduit ou inquiète. Il est là comme un &are dans la nuit. Le temps premier est parfois le prétexte à une réactuaiisation. On joue alors aux révisionnistes. Ce faisant, les traces donnent naissance à des images chocs: la Grande-Bretagne aux mains des Allemands (figure A-262) ou la conErence de Yalta revue et corrigée (figure A-263). 2.3 Le temps contemporain Le temps contemporain est celui de l'histoire racontée. C'est le temps où s'exprime le contemporain. C'est aussi le point de rencontre du temps des andtres, du temps premier et du temps futur. Cette rencontre peut être cahotique. Dans la publicité de la Hong Kong Bank (figure A-264), le temps contemporain est le théâtre d'un désarroi culturel et d'une profonde crise d'identité. C'est la confrontation d'un mode de vie traditionnel avec celui du monde moderne, celui qui croit au progrès. C'est un temps qu'on quMe de décadent. S'il y a lieu de parler d'insatisfaction du présent, ce n'est pas par rapport à une certaine croyance en un avenir meilleur, mais bien au contraire par rapport à un passé fortement valorisé. En fait, ce qui guide l'ensemble de ces representations est ce désir profond d'assurer la continuité (figure A-265). Au sein d'une telle vision, tout est fait pour durer, résister au temps. On ne peut être que très mdfiant face aux temps qui passe et surtout réfractaire à toute idée de changement. Pourquoi, en effet, changer ce qui a déja, depuis tongtemps, fait ses preuves, ce qui est sûr? Mais le temps contemporain peut aussi être une délivrance. Dans une image, le temps contemporain est opposé au temps des ancêtres. On compare un mode de transport imaginé autrefois avec celui d'aujourd'hui, qualifié de moderne (figure A-266). Cette vision du temps contemporain contribue à d e r une rupture violente avec les temps précédents. Seul compte le temps présent, le moment même, le moment actuel. Demain, il sera déjà trop tard. On aura compris qu'il s'agit ici de valoriser le contemporain, le surévaluer, montrer combien les choses ont fini par changer pour le mieux. De ce point de vue, le temps contemporain tel que construit par la publicité correspond A une lutte incessante en faveur de la modernité. Ainsi, non seulement le progrès existe, dit le construit publicitaire, mais encore, il est implacablement bon, il a amélioré l'homme, et il va vers le bien. 2.4 Le temps de l'avenir A la réitération du passé, le corpus d'images publicitaires oppose d'autres images qui participent'h une dynamique de i'anticipation, en proposant des reprksentations de l'espace tri3 novatrices. La forte homogénéité des reprdsentations de l'avenir en publicité constitue un trait dominant. En fait, les traces sont associées à l'idée d'un progrès universel. En publicid, la trace renvoie le plus souvent le futur h des jugements de valeur. Plus précisément, le temps de l'avenir est porteur d'espoir, de rêve et d'imagination. Dans la publicité, les images ne sont envisagées que sous forme de rêves et d'échappatoires. Iconiquement, le futur est symbolisé par les villes de l'avenir (figure A-267) devant lesquelles la publicité se sent presque aveugle. Les réponses proposées par la publicité aux incertitudes présentes sont bien connues: appel à l'innovation technique et à la recherche scientifique. Le temps de la publicite, orient6 vers le futur, contribue ki construire l'idéologie du progrès. L'importance accordbe par les socibt6s à ces nouvelles techniques et prévisions révèle la présence en publicité d'un mode particulier d'anticipation visant non seulement à annoncer l'avenir, mais l'orienter dans un sens desiré. Il faut souligner que l'absence d'un modèle d'avenir peu contesté et largement diffusé par la publicité, contribue à alimenter cette iconographie. Ici, aller vers le futur, c'est aller vers le haut. Sur les affiches et les pages de magazines, on voit se développer toute une série d'images plus ou moins fictionnelles: navette spatiale (figure A-268), robot (figure A-269), avion au style futuriste (figure A-270), cosmonautes (figure A-271), antenne parabolique (figure A-272), planète Terre (figure A-273) et Saturne (figure A-274). En publicité, demain est déjà là. Faire figurer un objet quelconque sur le fond de décor cosmique apporte la promesse d'un devenir qui dépasse le temps humain. Car si le temps humain est fini, celui du céleste est infini. Le cosmos suggère l'illimité, autrement dit le temps de l'&mité. Il est porteur d'espoir, de changements, d'une vie meilleure. Pour toutes ces raisons, on peut dire que l'ensemble des productions culturelles du corpus susceptibles d'être regroupées sous le vocable général de «futun>offre une combinaison entre la représentation fantasmée de la science proprement dite, la tradition du fantastique ou de la féérie et l'imaginaire social. Cette combinatoire se refléte à travers les themes proprement dits. 3. Le temps géré Dès l'aube de la révolution industrielle, sont nés des projets de rationalisation des tâches. Par diverses innovations, le temps géré oriente presque toutes les sphhres de la vie. Rernarquatlt que les représentations collectives du temps s'accordent en partie avec les divisions astronomiques, Halbwacks note que les dates et les divisions astronomiques du temps sont recouvertes par les divisions sociales de telle mani&e qu'elles disparaissent progressivement et que la nature laisse de plus en plus ii la soci6t6 le soin d'organiser sa durée (Halbwacks, 1950: 81). Le temps de l'homme fixe son horizon et g&e son destin. Il trace le cadre de ses entreprises et de ses ambitions. En publicite, Le temps a une grande valeur. En effet, il est un bien rare, et par conséquent, il est mesuré avec précision. Peu à peu, la vie va plus vite, le temps s'identifie h L'argent. Alors, les machines du temps ouvrent la voie B la sociét6 des machines; il faut gagner du temps, d'oh l'importance iconique du temps géré. La vitesse (figure A-275) est une premiére construction de la publicitt5. Elle est une idéologie, inséparable du mythe du progrès. Tout ce qui bouge dans le monde, tout ce qui va vite, progresse. Toute mobilité est positive; le mal majeur est d'être adépassé». La plupart des compdtitions sont à base de vitesse et dans tous les domaines, il faut désormais aller vite, penser vite et vivre vite. Il faut courir, rejoindre, prendre le train en marche: le culte de la vitesse est intimement lié au temps géré avec ces symboles: machine à voyager dans le temps (figure A-276),détour (figure A-277), labyrinthe (figure A-278), file d'attente (figure A-279) et ligne droite (figure A-2M), des reprkntations plus h humain es^ et imagées. Pusieurs images du corpus font référence au temps et aux connotations qui peuvent y être associées. Les dispositifs, de ptus en plus sophistiqués au fil des sikles, qui ont 6t6 produits par les sociétés occidentales pour tenter de capturer et de domestiquer le temps à l'aide de normes et de mesures, sont bien connus: la montre (figure A-281), l'horloge (figure A-282), le réveille-matin (figure A-283), le cadran solaire (figure A-284), le sablier (figure A-285)et le chronomètre (figure A-286). Ces dispositifs supposent toutefois qu'il existe un temps réel, objectif, mesurable et dbmposable, donc naturel et universel, qui encadre les activités humaines, quelles qu'elles soient, et qui est vécu par tous les humains de la même façon. Autant d'images qui amènent B classer le temps géré en quatre moments forts, soit le temps de la journée, de la semaine/mois, des saisons et de L'année. 3.1 La journée Le temps est avant tout une relation qui s'dtablit entre des phénomhes en changement et une «instanceobservatrice», un observateur, qui est capable de noter les changements, de les coordonner et de les narrer. Ce qui est socialement construit, c'est donc en fait une relation, dont la forme et le sens varient selon les contextes. Cela a eu pour effet de produire en publicité une multitude de repères temporels: instruments techniques de mesure, activités, objets et symboles. Dans l'iconographie publicitaire, le matin est suggéré par des signes comme les lettres AM (figure A-287). La nuit est symbolisée par la lune (figure A-288), les etoiles (figure A-289), une personne au lit (figure A290), les lettres ZZZ (figure A-291), un hibou (figure A-292) et le noir (figure A-293). 3.2 La semaine et le mois Le temps collectif et historique est, entre autres, celui des agendas (figure A-294) avec leurs dates, leurs semaines et leurs mois. il rythme la vie sociale d'un petit groupe ethnique ou d'une nation tout entière. Les calendriers sont partout le reflet d'un besoin d'ordre, celui-là même qui est indispensable à la structuration des sociétés. 3.3 Les saisons Le froid fait place au chaud, le chaud est remplacé par le froid. Ce que les publicitaires expriment ici, c'est la périphérie du cercle, le commencement et la fin, l'idée du cycle, de l'éternel retour des choses. L'alternance cyclique et les perpétuels recommencements qui scandent le rythme de la vie végétale comme celui des sociétés humaines ont frappé l'imagination. Ce motif cyclique s'accompagne dès ses origines de toute une iconographie en publicité. La succession des saisons (figure A-295) comme ceile des phases de la lune scande le rythme de la vie, les étapes d'un cycle de développement: naissance, formation, maturité, déclin; cycle convenant aux êtres humains aussi bien qu'à la société et A la civilisation. Considérons les saisons; le printemps avec ses hirondelles (figure A-296); l'&téet son soleil (figure A297), ses chaises de parterre (figure A-298) et sa crème glacée (figure A- 299) suggérant les vacances et la chaleur; et l'automne =présent6 par les feuilles qui tombent (figure A-300). L'hiver est 6voqué par des symboles comme la neige (figure A-301). des flocons de neige format géant (figure A-302). de la glace (figure A3û3), des bottes d'hiver (figure A-3W), un igloo (figure A-303. un Inuit (figure A-306). un bonhomme de neige (figun A-307). un pingouin (figure A-308) et des sports, tels le patinage (figure A-309). la raquette (figure A-310), le ski (figure A-31 1) et l'escalade (figure A-312). Le corpus montre enfin des images où l'on met en opposition: l'hiver et l'etc5 (figure A-3 13), par exemple. 3.4 L'année Le symbole le plus communément utilisé ici est l'indication de l'année (figure A-3 14). 4. Le temps des rituels Le rythme de la vie sociale est marqué en publicité par de nombreux points de repère, telles les fêtes et les cérémonies qui ravivent la mémoire collective et donnent un sens à l'avenir. La publicité recrée ces rituels qui relèvent de la quotidienneté ou de la fête. Longtemps après l'émiettement du terroir, la publicité continue la pratique des réunions de famille, recréant pour tous, à domicile, des rituels jadis lies au cycle calendaire. Elle est au centre de toutes les activités annuelles, Noël, Pâques, etc. Les rituels qu'elle met en &ne permettent de rompre avec le quotidien. Ils marquent l'inauguration d'un nouveau cycle: nouvelle année, anniversaire de naissance, fête, ouverture d'un commerce, lancement d'un navire, d'un livre, d'un nouveau produit, etc. On pourrait résumer en disant que la fete est le royaume des symboles. Il y a la fête de Noël, la fête anniversaire, la fête foraine. les anniversaires de mariage, les noces d'or, le ler janvier, etc. Elles impriment le rythme des jours ouvrables ou fériés qui affecte les croyants et les non-croyants. Dès qu'une vie collective s'ébauche, dès qu'une société se structure, le besoin se fait sentir de fuer des repères précis dans le temps, pour se réunir et commémorer l'événement. Les fêtes contribuent à la cohésion d'une société; elles ponctuent le calendrier, Comme l'écrit Attali: «Nommer le passé et relier les dates qui le jalonnent à une mémoire confèrent un sens aux sociétés» (Attali, 1982: 15-16). Dans la société traditionnelle, elles traduisaient la structure sociale des groupes dont elles renouvelaient la cohésion et do~aientleurs sens aux actes quotidiens. Dans la société moderne, de tels rassemblements sont difficiles. La société globale s'est agrandie en se complexifiant et en rendant de plus en plus impersonnels les contacts entre les individus. Comment se déroulent les fêtes dans le construit publicitaire? Qu'estce qu'on y utilise? Qu'est-ce qu'on y met en jeu? Comment exprime-t-on ces significations par des signes? Parmi l'ensemble des fêtes, on constate que les périodes qui entourent Noël, Pâques, I'Halloween, le Carnaval, la Saint-Valentin et les anniversaires sont celles qui donnent lieu aux célébrations les plus importantes. Les symboles de Noël sont multiples et la publicité est là pour les rappeler: cannes de Noël (figure A-315), couronne de Noël (figure A-316), bas de Noël (figure A-3 l7), cadeau (figure A-318), papier et choux d'emballage (figure A-3 lg), ruban (figure A-320), cheminée (figure A321), lumières de Noël (figure A-322) et le <<HO HO Hou (figure A-323). Parmi la kyrielle d'objets et d'images qui sont symboles de la fête, l'arbre de Noël (figure A-324), les boules de Noël (figure A-325) et lfétoiIe(figure A-326) sont dominants. Que la neige - et les flocons - soient associés aux images de Noël, cela va de soi. Mais presque toujours, c'est une neige en mouvement, une neige trh lente, qui vient du ciel comme un baume calmant. L'image du Père Noël (figure A-327) accompagné des lutins (figure A-328), de son traîneau (figure A-329) et des rennes (figure A-330) envahit la publicité et symbolise la grande fête de la consommation. Son utilisation publicitaire laisse place à trois stéréotypes qui sont le costume rouge, la barbe blanche et une grosse veste ceinturée. Mentionnons aussi l'image de la chorale (figure A-331). Déjà on a pu saisir que le rêve se mêle à la fête, naissant d'un sentiment de nostalgie et superposant à la réalité une fête plus ou moins imagée. Les univers évoqués peuvent alors revêtir l'allure de clichés sans autre intérêt que celui de leur insertion dans un appareil publicitaire. ils servent à soutenir les rêveries. Dans cette classification de la fête, seul l'anniversaire de naissance semble atteindre en intensité la fête de Noël. En effet, puisque les jours ordinaires ne permettent pas de se consacrer entièrement à ce qu'on aime, on va arrêter le cours normal des journées. On va arrêter le temps pour vivre mieux:. Ballons, serpentin (figure A332), chandelles (figure A-333) et chapeau de fête (figure A-334) vont alors servir de marqueurs iconographiques de ce temps fort de la vie de l'acteur social. Les symboles de Pâques tournent autour de I'oeuf et de la couleur mauve. L'Halloween est évoquée par la citrouille, la sorcière et les déguisements (figure A-335) et la Saint-Valentin par le coeur amoureux et la flèche (voir la section sur les jeunes adultes). A côt6 de ceia, la publicite va se référer à quelques symboles pour suggdrer la fête, la célébration des moments mythiques. Ce sont plus particulièrement les feux d'artifice (figure A-336) et la lumière qui incarnent dans l'ensemble le bonheur et les amis. C. CONCLUSION Dans ce chapitre, on a souligné certains aspects du temps dans la trace publicitaire. Pour ce faire, on a divisé la recherche en quatre sections; d'abord le temps biographique, ensuite le temps historique, le temps géré et le temps des rituels. On a montré qu'il n'y a pas de temps universel et unique, mais que la publicité décompose plutôt les images en une multiplicité de temps, dont chacun a ses particularités propres. Dans ces construits, l'ensemble des croyances, des valeurs et des normes est structuré par des modes particuliers de représentation et d'appropriation du temps. Dans les images, l'incorporation sociale des acteurs sociaux reste différente selon l'âge. Ainsi, le construit publicitaire redoute 1e vieillissement et la mort tandis que le mythe de l'enfance est fortement représenté. Les images publicitaires illustrent Bgalement bien l'importance du temps. Le corpus montre comment les 6tapes ou cycles de vie sont marquds par une red6finition périodique du sens de la vie et des valeurs. Le temps apparaiAtalors comme une don* soi dans le construit publicitaire. fondamentale de la définition du Par ailleurs, la publicité, dans la multiplicité de ses figures iconographiques, véhicule tantôt les images d'un temps lointain, tantôt celles d'un temps en devenir. De façon gdnbrale, il appadt que le passé et le futur sont fortement valorisés. Théâtre d'un nombre croissant d'innovations techniques et de transformations, l'image publicitaire fait aussi de ce qu'on pourrait appeler l'«accélération du changement» son point de mire. Au plan iconique, la publicité découvre la beauté du passé face un présent soumis à une intense dynamique du changement. En fait, les images publicitaires se situent presque toujours dans le temps. Le temps garantit la vitalite et le développement d'un contexte sans lequel les images publicitaires n'auraient peu ou pas de signification. II surdétermine tout type de rapport, il est porteur de prkjugbs favorables ou ddfavorables, de faits sociaux marquants et de façons d'être ou de penser. Chapitre V Les figures de l'espace dans la publicité A. INTRODUCTION L'espace constitue une deuxième dimension importante et significative des images publicitaires. L'espace construit par la publicité exprime à la fois une vision culturelle particulière et La place qu'on se reconnaît dans la société. L'espace apparaît comme une dimension fondamentale de l'imaginaire publicitaire. II est sigdhnt et constitue un véritable discours avec ses oppositions de lieux, avec sa syntaxe et ses paradigmes, par et inconnus, du nord et du exemple, pays chauds et pays froids, pays COMUS sud, etc. C'est donc un lieu important de toutes figurations et reprksentations. L'imaginaire investit l'espace en le dotant de polarisations qualitatives. Ces représentations traduisent la façon dont le construit publicitaire situe l'homme au sein de la societé. L'espace humain en géndral est ~ i g ~ a nC'est t . un discours et ce discours est un langage. À l'instar du temps, l'espace construit garantit la vitalité et le développement d'un contexte sans lequel les images publicitaires n'auraient aucune signification. L'espace surdétermine tout type de rapport; il est porteur de préjugés favorables ou défavorables, de façons d'être ou de penser. L'espace publicitaire est lié directement à la nature et aux expressions des acteurs sociaux. Dans ce chapitre, on va examiner la manière dont la publicité construit l'espace. Plus spécifiquement, il s'agit de recenser les diverses mises en scène iconiques; d'identifier et classer les différents types d'espace existant dans l'iconographie publicitaire. B. ESPACE ET PUBLICITE L'analyse du corpus d'images publicitaires permet de distinguer huit types d'espaces. Premièrement, on retrouve l'<<espaceinterstellaire>>, c'est-à-dire le temtoire de l'espace, celui des planètes et des étoiles. Deuxièmement, on a identifié l'«espace mondidx, c'est-&-direcelui de la planète Terre. Troisièmement, on note la prhmce de 1'~espacenationab, c'est-à-dire un pays. Quatrièmement, on constate l'existencede l'((espace communautaire^^, c'est-à-dire le territoire rural (la campagne) ou urbain (la ville). Cinquièmement, on a idenE6 Puespace domestiquew , c'est-à-dire le territoire privé ou le domicile. Sixi&mement,on retrouve l'«espace autre» ou l'ailleurs, c'est-à-dire l'espace rêvé, l'endroit où certains individus espèrent s'établir ou retourner pour trouver la paix et la recomaissance. Septièmement, il y a l'*espace religieuxx, c'est-A-dire le territoire des mythes. Enfin, huitièmement, on constate l'existence de l'«espace cosmologique», c'est-à-dire le milieu des éléments essentiels soit l'air, le feu, l'eau et la terre. 1. L'espace interstellaire La science et la technologie spatiales enrichissent l'iconographie publicitaire. L'espace est un discours et un langage: l'imaginaire cosmique et la marche sur la Lune ont banalisé la pladte. En même temps, ils ont montré un espace infini devenu accessible à la découverte. La trace publicitaire est d'autant plus libre que les frontières entre la science et la science-fiction deviennent imprécises. Le mythe du progrès, même s'il s'est fait attaquer de toutes parts, trouve dans la conquête de l'espace une assise considérable. Dans l'observation de la trace, tout se prête A l'explosion de l'imaginaire. A l'échelle humaine, on retrouvera des représentations symboliques de l'espace par Ifentremise de moyens techniques. Les satellites (figure B- 1), les navettes (figure B-Z), les modules lunaires (figure B-3), la station orbitale (figure B-4), le vaisseau Star Trek (figure B-5) et la soucoupe volante (figure B-6) sont vulgarisés par la publicité. Quel que soit le terme utilisé - astronef, vaisseau ou fusée interstellaire, vaisseau cosmique - le v6hicule spatial est devenu l'un des principaux symboles, certains diront le symbole fondamental de l'espace. Grâce A cet engin, l'homme contemporain aquiert la possibilité d'échapper B sa condition terrestre. C'est tout l'imaginaire qui s'en trouve transformé. Iconiquement, on retrouvera des représentations de l'espace par l'entremise de personnages, tels le robot (figure B-7)et le cosmonaute (figure 8-8). À l'échelle cosmique. le corpus publicitaire montre l'univers (figure 6-9), une galaxie (figure B-IO), un systéme solaire (figure B-1 1), une lune (figure B-12) et des planétes. Saturne (figure B-13) et son archipel de satellites (sa ceinture) apparaissent sous les traits d'un univers en permanente effervescence. Symboliquement, le soleil (figure 8-14} offre l'image de la stabilité. Le soleil est aussi considér6 comme fécondateur: il vivifie. Parallèlement, la lumière traduit la vie, le d u t et le bonheur. Le soleil est la source de la lumière et de la chaleur. En conséquence, c'est un signe d16nergieet de puissance. Mais il peut aussi être destructeur, en temps de sécheresse (figure B-lS), provoquer la soif, briller ou tuer. Les comètes (figure B-16) constituent un mauvais pdsage, annonciateur de catastrophe. Les dtoiles (figure B- 17) évoquent le sommeil et la nuit. 2. L'espace mondial Sous l'impulsion de ce qu'il est maintenant convenu d'appeler la mondialisation des marchés, phénom&uebien sûr économique mais aussi social et culturel, les images publicitaires mettent en &ne la planète terre comme jamais auparavant. Plusieurs images chantent ainsi les vertus de la mondialisation cultureile, politique. sociale et économique. Symboliquement, la terre s'oppose à l'air et au ciel. Universellement, elle conçoit les sources, les minerais, les métaux. Elle est pleine de promesses et de possibilités. Elle ne demande qu'à être conquise par l'acteur social. Visuellement, la terre est évoquée par l'entremise du globe terrestre (figure B-18),de la planete terre vue de l'espace (figure B-19) ou des drapeaux des pays du monde (figure B-20). 3. L'espace national L'espace national représente le territoire occupé par une population. C'est ce qu'on appelle plus communément la nation. En etudiant les images publicitaires, plusieurs catégories émergent avec chacune son lot de clichés qui migrent d'une image à une autre. On retrouve dans le corpus des évocations de pays, par exemple les États-unis, le Canada, la France, l'Angleterre, l'Italie ou le Japon, pour n'en nommer que quelques-uns. De cet ensemble, une catégorie particulière et dominante émerge toutefois avec force: il s'agit des États-unis. 3.1 Les États-unis La mythologie contemporain de la trace puise largement, de par les circonstances historiques, économiques et culturelles, dans les représentations et symboles de l'Amérique, à la fois décor et lieu de création de figures et de modèles. Dans le construit publicitaire, l'Amérique est un mythe incarnb. Symboliquement, l'Américain procéde du rêve américain, de l'american way of lre, de l'individualisme et de la free enterprise. Cette imagerie reprend, comme aux premiers jours de la création, «des fleuves dont la source ne tarit point, des champs sans bornes que n'a point encore retourné le soc du laboureum (Tocqueville, 1951: 427-428). Pour Lionel Trilling (1948): «Notre nation est la seule qui s'enorgueillit d'un rêve auquel elle donne un nom, 'le rêve am6ricain'.~ En dépit de plus de deux cents ans d'évolution et de bouleversements sociaux, on retrouve dans le discours iconique de la publicité, véhicule de la culture populaire, les mêmes symboles qui migrent et qui témoignent de la permanence du visage culturel des États-unis. Parcourir le discours de la publicité iconique permet de se rendre compte de la remarquable récurrence d'un certain nombre d'images représentant la force et la gloire se rattachant à l'Amérique: Statue de la Liberté (figure B-21),aigle (figure B-22), déclaration d'hddpendance (figure B-23), cloche d'Indépendance (figure B-24),étoiles du drapeau amkricain (figure B-25), sculpture des têtes de présidents dans la montagne (figure B-26), carte geographique du pays (figure B-27), Capital (figure B-28),Maison Blanche (figure B-29), Pentagone (figure B-30),Hollywood (figure B-31),New York (figure B32),conquête de l'espace (figure B-33) et basebail (figure B-34). Dans tout cet ensemble, Ie drapeau américain demeure sans aucun doute l'une des représentations les plus magnifiées du pairiotisme américain en publicité. Plusieurs personnages tant politiques que mythiques servent eux aussi à évoquer les États-unis: Oncle Sam (figure 8-35'), Lin& (figure 8-36), Franklin (figure B-37), Roosevelt (figure B-38), Reagan (figure B-39), Clinton (figure B-40),Barbara Bush (figure B4), Dan Quayle (figure B42), Carter (figure B-43),Nixon (figure B-44) et le g6néral Schwankopf (figure B-45). Mais i'exacerbation mythique des États-unis dans la publicité, c'est aussi dans l'Ouest, c'est-à-dire le western et la Californie qu'il faut la chercher. 3.1.1 La Californie Sémiologiquement, le point commun évident entre 1 s États-unis et l'Ouest, c'est l'espace et l'appel de la terre. Dans Le Western: Archéologie d'un genre, Leutrat n'a aucune peine à illustrer la relation entre espace nostalgique et primitif chez les premiers écrivains de l'Ouest: «L'Ouest est assimilé à un passé conçu comme une époque plus belle à vivre; il est aussi le produit d'une attitude isolationniste: le passé comme source des valeurs traditionnelles sur lequel le présent doit s'appuyer. (...) Le Paradis perdu, l'Âge d'or: puisque le temps est révolu, peutêtre reste-t-il un lieu vers lequel revenir» (Leutrat, 1987: 45). Toute une imagerie de l'Ouest attestée par la publicité recrée cette époque de liberte: les cow-boys (figure B-46)et les Indiens (figure B-43,les chasseurs de prime (figure B-48) et les diligences (figue B-49). Dans la trace, le cow-boy jouit de l'espace. C'est 116temelerrant du paradis perdu qui incarne les valeurs viriles de I'Ouest agressif. Le cow-boy - homme mûr, à la barbe mal faite, portant des bottes, un chapeau et un fouet - symbolise ainsi avec force le mythe de la conquête. Vient s'y greffer, une image fortement stéréotypée: le bateau à roues à aubes (figure B-50). L'Ouest, c'est symboliquement la rencontre des grands espaces. A travers les mythologies véhiculées par la publicité, s'exaltent l'image de l'endmce (le cow-boy), L'image de la résistance (l'Indien), l'image de la conquête (l'espace) et celle du renouvellement (la Californie). «En soi, la Californie est un mythe-en premier lieu pour les Américains et pour diffbrentes raisons. Elle est le mythe de la frontiére extrhe, c'est-à-dire le pays au-delà duquel il n'y a plus de terre à conqu&ir. Elle est aussi te mythe de I'argent facile, depuis La ruée vers l'or qui a dtbuté en 1848 et qui a attiré un nombre incalculable de gens qui espéraient trouver le filon. (...) Pour la plupart des Européens, la Californie fait naître l'image d'une "Californie ensoleillée" avec ses plages, ses surfers et ses maisons luxueuses au bord de la mem (Salarnand, 1990: 175), L'Ouest, c'est également le désert (figure B-51). «Il y a quelque chose au sujet du désert que notre sensibilité ne peut assimiler, ou que nous n'avons pas 6té capables d'assimiler jusqu'à présent. Cela explique peut-être le fait que le désert a ét6 h peine touché par La pésie ou la fiction, la musique ou la peinture. (...) Pendant ce temps, sous un ciel peupi6 de vautours, le désert attend, indiffkrent A l'esprit humain» (Abbey, 1%8: 242). Le caracthre mythologique même de la gdographie conduit à s'interroger sur la signification m5taphoripue des rochers et de la pierre (figure 8-52). Ce qui compte ici n'est pas tant le désert ou le canyon comme lieu géographique que les images qu'il peut inspirer, les figures et les voies d'un voyage métaphorique, d'une exploration du &sert envisagé non seulement cornme.temtoire, mais aussi comme symbole de l'arnérique, de la chaleur et de la sécheresse. Le désert est une terre aride et désolée, symbole de la solitude. Il donne lieu à toute une série de constniits, plutôt stéréotypés, comme par exemple cette route interminable (figure B-53) qui laisse soudain entrevoir une station-service ou un bar (figure B-54). C'est aussi des vautours qui guettent inlassablement une victime (figure B-55). 3.2 L'ex-URSS À l'antipode des États-unis, on retrouve ce qu'il est maintenant convenu d'appeller l'ex-URSS. Le portrait officiel de l'ex-Union Soviétique est remarquablement stable. Le drapeau de l'ex-URSS (figure B-56), des cosaques (figure B-57), un Gorbatchev aisément reconnaissable à sa tache frontale (figure B-S), un Staline (figure B-59) ou un Lénine (figure B60), une faucille (figure B-61) et une oeuvre d'art russe (figure B-62). La publicité de Volkswagen que l'on présente et qui s'inspire de l'ex-drapeau soviétique s'affichait sur les murs au cours de l'hiver 1991-1992. Cette même trace - une fauciIle - migre pour illustrer tantôt une voiture, tantôt une vodka. C'est dans ce genre de visuel que l'on peut le mieux apprdcier l'intertextualité. Évidemment, aucune image n'est innocente, tout document se prête différentes lectures; l'imagerie soviétique ouvre les fenêtres sur un autre monde, oh les gens, les choses, les événements ont et6 contraints de se conformer. &ange publicite, dont il n'est pas possible de dire si elle fait partie d'une contre-attaque officielle (Ellenberger, 1991: 26-33). La chute du mur, la décomposition du système communiste, la Chine convertie au socialisme de marché. L'histoire a offert à profusion, ces derniers temps, des arguments et des nouveaux thèmes publicitaires. Les rêves les plus fous de la publicité s'affichentdonc sur les murs des villes es s'étalent dans les pages des magazines. Rien de plus banal, en apparence, que cette chronique d'une mort annoncée: celle du politique. En fait, Castro (figure B-63) est le seul survivant de l'époque communiste à figurer dans le corpus. 3.3 Le Canada Le Canada est évoqué par sa configuration géographique (figure B-64)et par différentes allusions au froid: le Nord (figure B-65), l'Indien (figure 8-66) et le cow-boy (figure B-67).Comme dans le cas des États-unis, le drapeau (figure B-68) est un référent fr6quent. S'ajoute à cela, un symbole étroitement associé au Canada: la feuille d'érable (figure B-69).Le bras canadien de la navette spatiale américaine est également mis à contribution (figure B-70). Les différentes provinces du Canada sont aussi évoquées. On remarquera que la production la plus importante provient du Québec avec le drapeau (figure B-7 l), la configuration gbgraphique (figure B-72), les canons des remparts de la ville de Québec (figure B-73)et le Bonhomme Carnaval (figure B-74). Certaines expressions verbales ont aussi valeur de symboles visuels: «Je me souvienw (figure 8-75) et le mot «Québec* (figure B-76).La tour du CN (figure B-77) et les chutes du Niagara (figure B-78) rappellent l'Ontario et sa capitale, Toronto. 3.4 L'Amérique Latine L'Amérique latine, en tant que symbole est quasiment absente, si ce n'est le continent comme tel (figure B-79),la danseuse de flamenco (figure B-80) et le Mexicain coiffé de son sombrero (figure B-81). 3.5 L'Europe Dans le construit publicitaire, chaque pays est associé A quelques symbdes. L'Europe, probablement sous l'impulsion de Maastricht, fait son apparition en tant qu'entité autonome et globale. Tout comme l'Amérique et te Canada, la carte géographique (figure B-82) et le drapeau bleu et or, (figure B-83) servent à idenmer le continent. Du côté des pays composant l'Europe, la France mérite une attention spéciale, ne serait-ce qu'à cause de la multiplication des symboles et des images qui servent à la représenter: drapeau tricolore (figure B a ) , carte géographique (figure B-85), baguette de pain (figure B-86), joueur d'accordéon (figure B-87) et croissant (figure B-88), mais aussi des personnages célèbres tels Napoléon (figure B-89) et de Gaulle (figure B90),et des constructions et monuments, principalement l'Arc de Triomphe (figure B-91) et la tour Eiffel (figure B-92). L'Angleterre est suggérée par son drapeau (figure B-93), le pont de Londres (figure B-99, le Parlement (figure B-95), Lady Di (figure B-96), le 10 Downing Street (figure B-9î), un autobus à deux étages (figure B98), une théière (figure B-99) et le chapeau caractéristique des policiers de Scotland Yard (figure B-100). L'Espagne est évoquée par le flamenco (figure B-101), mais surtout par la corrida (figure B-102) incarnée par le torero (figure B-103), la muIeta, le tricorne et le taureau. L'Italie est représentée par son drapeau (figure B-104) et des lieux et monuments mythiques comme la tour de Pise (figure B-los), le colisée de Rome (figure B-106), les gondoles de Venise (figure B-107), la place Saint-Pierre (figure B-LOS) et la place Saint-Marc (figure B-109). S'il faut se fier aux images publicitaires, L'Allemagne n'a pas encore réussi tout à fait à se débarrasser de son passé guemer. Exception faite du traditionnel pantalon (figure B- 1 IO), les symboles modernes sont quasi absents. En fait, le drapeau montrant le svastika (figure B- 11 1) et Adolf Hitler (figure B- 112) prennent encore beaucoup de place. De même aussi, le régime nazi a entretenu son propre mythe, lequel est aujourd'hui utilisé pour mettre en garde la sociéte des nations. D'autres pays européens apparaissent également dans le corpus. La Belgique avec son Manneken-Pis (figure B-113), la Hollande avec ses moulins à vent et ses tulipes (figure B-114), et la Gtéce avec les colonnes du Parthénon (figure B-115). 3.6 L'Asie L'Asie du corpus publicitaire se réduit à trois pays. D'abord le Japon avec son drapeau (figure B-116), les yeux bridés de ses habitants (figure B-117), ses lutteurs de Sumo (figure B-1 l8), ses joueurs de tambour (figure B119), ses samouraï (figure B-120), ses souliers caractéristiques (figure B- 121), son sushi (figure B-122), ses rues de néons (figure B-123), ses geishas (figure B-124) et son Fuji-Yama (figure B-125). La Chine est représentée par l'entremise des caractères chinois (figure B-126), la Grande Muraille (figure B-127) et les cyclistes qui envahissent les rues des cités (figure B- 128). L'Inde est évoquée par le charmeur de serpents (figure B-129),un personnage aux multiples bras (figure B-130), un génie (figure B-131), le Taj Mahal (figure B- 132) et le contorsionniste (figure B- 133). 3.7 Les pays arabes À l'instar de l'Asie, les images publicitaires du Moyen-Orient sont réductrices. L'Egypte est le seul pays à occuper un espace iconographique dans le corpus avec, au rendez-vous, des symboles éternels: la pyramide (figure B- 134), le sarcophage (figure B-135), les hiéroglyphes (figure B136) et le chameau (figure B-137). 3.8 L'Océanie L'Océanie de la publicité, c'est 1'Australie avec son drapeau (figure 8-138). sa carte geographique (figure B-139). son boomerang (figure B - l a ) , ses personnages B l'envers qui semblent dbfier la gravité (figure B-141) et des animaux caract6nstiques comme le koala (figure B-142) et le kangourou (figure B-143). 3.9 L'Afrique L'Afrique, sous forme de continent, est généralement absent de l'iconographie publicitaire. L'image de l'Africain maigre (figure B-144) au ventre gonflé (figure B-145). et d'animaux sauvages tels le zèbre (figure BI%), le singe (figure B-147), le gorille (figure B-148), le lion (figure B- 149), le léopard (figure B-150). la girafe (figure B-151) et le crocodile (figure B-152),sont les symboles clés de 1'Afrique. 4. L'espace infranational ou communautaire L'espace infranational - une province, une ville, un village - correspond à un territoire dont les résidents peuvent faire le tour et dont ils connaissent les limites. Pour ces résidents, cet espace constitue leur univers familier. À l'intérieur, on se sent chez soi alors qu'à l'extérieur, on est ailleurs. Nos observations conduisent à identifier deux espaces infranationaux dans la publicité: la campagne - ou le monde rural - et la ville - ou le monde urbain. Lorsqu'on évoque la problématique ville-campagne, toute une série d'idées apparaissent simultanément. La seule association «villecampagne» sous-entend en effet presque simultanément les notions de dualité, d'opposition. D'emblk, les deux espaces évoqu6s sont pensés dans une relation conflictuelle, comme deux espaces investis d'un certain nombre de valeurs en opposition presque systématique. L'objet de cette section est lt6tudedes conditions et des mécanismes par lesquels des images et symboles publicitaires vont être proposés pour définir le monde rural et urbain. Ainsi, on verra que la nature est investie des valeurs premières comme la famille, le travail, les besoins &lémentaires (boire, manger, s'abriter, etc.), la connaissance de la terre, la sant6; alors que la ville est synonyme d'individualisme et de plaisir. 4.1 Le rural S'il faut en croire le corpus, le niral est dans l'air du temps. Dans ces circonstances, il n'est pas étonnant, que ce thème ait suscité un grand nombre de créations publicitaires. Symboliquement, le fondement de la ruralité et sa valeur sont à trouver dans un patrimoine hérité du passé. Face aux désordres de la vie urbaine, face surtout aux conflits sociaux, le monde rural est défini en publicité comme un monde de paix, d'ordre, voire d'harmonie. Le village (figure B-153) et la maison de campagne (figure B154) sont les lieux par excellence du monde rural. Ils sont l'image d'une micro-société où les rapports sociaux n'apparaissent pas construits sur le conflit ou la contradiction. L'église (figure B-155), centre spirituel, incarne les principales institutions: la fabrique, les oeuvres de charité et les associations de toutes sortes. Le magasin g6néral (figure B-156) est un autre pôle de la vie communautaire. La ferme, avec sa grange (figure B-157), sa paille (figure B-1%) et ses clôtures de bois (figure B-159),constitue le lieu de travail et d'échanges entre voisins et la parenté. Les chemins de terre battue (figure B-160) deviennent alors l'incontournable moyen permettant de créer un lien entre les divers membres de la société. La campagne, c'est aussi la réfbrence à la nature et la promesse d'une vie rustique sous toutes ses formes: herbes (figure B-161), fleurs (figure B162), cours d'eau (figure B-163), lacs (figure B-164), quai (figure B-165) et chute (figure B-166). Dans tous les cas, la sécurité et la stabilité sont largement exploitées à un niveau symbolique par l'entremise des nombreuses teintes chaudes, la certitude des multiples mouvements d'ascension ou encore la stabilité dominante des formes et des activités. La montagne (figure B-167), est un obstacle naturel; son ascension symbolise la conquête, peut-être parce que depuis le début des âges, les humains ont toujours placé en haut ce qui est grand et lumineux. L'arbre (figure B- 168)avec son tronc et ses branches (figure B-169) rappelle la vie, la force et la virilité. Selon Chevalier et Gheerbrant (1982), il fait partie du registre symbolique de la grandeur. Mais l'arbre est aussi un support rassurant. Le tronc d'arbre (figure B-170) est synonyme de force: c'est en tout cas l'impression que donne l'arbre à l'âge adulte. Les feuilles vertes (figure B-171) rappellent la vie iandis que les feuilles brunes (figure B- 172) évoquent la mort. Deux personnages viement compléter ce tableau: 1'6pouvantail de jardin (figure B- 173) et le campagnard (figure B-174) assis sur sa chaise berçante. Parce qu'elle est de plus en plus menacée par la civilisation industrielle et le développement urbain, la nature apparaît comme un bien rare oh il fait bon vivre. Les sports et les activités que l'on peut y pratiquer sont sains et vivifiants: la pêche au bord de l'eau (figure B- 175) ou dans un canot (figure B-176) et le pique-nique (figure B-177). Ce monde rural, relativement isolé, centré sur la terre et attaché à ses traditions, forme ainsi un tout cohérent et homogène, une structure d'ensemble en publicité. La trace semble en effet décidée à se «cmettreau vem. Avec un logo figurant sur une terre éclatante, les entreprises se positionnent sur un axe frais. On l'a vu, les images publicitaires expriment l'axe vert par le biais de l'arbre, les feuilles d'arbre, le globe terrestre, et bien sûr, l'utilisation de la couleur verte (figure B-178).Elles refusent l'écologie dite «triste» et préfèrent orchestrer leurs représentations autour de la célébration de la puissance des éléments naturels et de la solidarité humaine. L'écologie se fait sympathique, de «bonne humeun>,dynamisée de symboles naturels. Les images et le langage vert se forgent ainsi en réaction aux clichés des années soixante. Les traces publicitaires passent au vert, dans un déluge d'images, de nature sauvage et autres métaphores aptes à traduire un rapport harmonieux avec la nature. 4.2 L'urbain La société moderne a été le témoin d'un développement urbain de plus en plus accéléré et la publicité n'a pu rester étrangère à ce phénomène; aussi la ville est-elle omniprésente dans les images publicitaires étudiées. Lieu d'insertion de l'homme en société, elle constitue la toile de fond devant laquelle la plupart des personnages évoluent. Tout arrive par la ville et dans la ville; bien sûr, le rural continue h vivre, mais toujours dans le pas&. Le regard sur la ville est un regard sur l'espace et sur la société elle même. La ville contribue à structurer les flux et les perceptions, le repérage et les pratiques des citadins, la localisation des fonctions et le retour de l'animation urbaine. La ville publicitaire est complexe et difficile à saisir. La ville est une façon de vivre, ou plus exactement une façon de vivre ensemble. Dans la ville, le social se manifeste et s'opère à travers des formes matérielles qui constituent un réseau concret de rapports entre les hommes et le monde. La ville s'enracine dans le vécu. D'un côté, les jeunes se réfèrent de manière très forte aux cultures urbaines. De l'autre, les stéréotypes véhiculés font de l'habitat moderne des lieux utrop grands» dans lesquels on ne peut pas vivre ensemble, dans lesquels les réseau d'affiliation éclatent. Le plus important est de voir qu'il y a aujourd'hui plusieurs sortes d'espaces urbains. L'espace bâti rassemble les immeubles d'habitation et ceux qui répondent à des besoins sociaux, collectifs et économiques. Leur association fait la ville moderne. Les grandes villes qui ont perdu de leur cohésion collective, ont également vu s'effondrer leur unité spatiale. A mesure que la population croît et que la ville s'étale vers la banlieue, les limites deviennent plus incertaines, tout à la fois imprbcises et changeantes. Sur le plan de l'organisation spatiale, la distinction et l'opposition de la ville et de la campagne sont manifestes. Ainsi, en milieu urbain, les gratte-ciel (figure B- 179) sont le grand sujet de représentation. Les maisons (figure B-180) et les immeubles d'habitation (figure B-181) abondent. Les vilies apparaissent de plus en plus comme des étendues où sont rassemblées, entassées même, des ressources et des réalités de tous ordres. Par exemple, on y trouve de nombreux bâtiments et des espaces qui sont les lieux d'une intense activité. Les acteurs sociaux ont recours à une multiplicité d'espaces qu'ils occupent de façons diverses. La vie quotidienne et concrète des hommes est en cause. Les constructions sont plus nombreuses que dans la campagne. Parmi les réalités urbaines représentées, mentionnons: L'édifice et l'ascenseur (figure B- 182); La cloche d'appel de l'hôtel (figure B- 183); Le marchand (figure B-184); Le supermarché, aussi rappelé par le sac d'épicerie (figure B-185), l'étagère (figure B-186) et le panier d'épicerie (figure B-187). Ces images pourront également évoquer la société de consommation; Les bars (figure B-188) et leurs tables; La banque avec sa chambre forte (figure B-189); Le alavornab (figure B- 190); La prison avec ses barreaux (figure B-191); Le parc avec ses bancs (figure B-192); 10. La boîte téléphonique (figure B- 193). Contrairement à la campagne, la ville utilise abondamment les représentations de la verticalité. Parmi les symboles de la ville, la tour (figure B-194) occupe une place essentielle par la volonté qu'elle traduit de nier, en la dkpassant, la condition humaine. Cette notion de verticalité qui préside à son organisation fait de la colonne un symbole de l'affirmation. Par ailleurs, toute ville est un carrefour, un confluent. Diverses voies de communication s'y rencontrent. On notera que les moyens de transport ont pris dans la vie sociale une importance aussi caractéristique que celle qu'avaient le cheval et la diligence.dans les siècles passés. La publicité a contribué à dramatiser le spectacle de la circulation. Son boulevard sillonné de voitures et de camions paraît se situer dans un univers irréel. Les créateurs accentuent d'ailleurs le côté fantastique de ce phénomène typiquement urbain en recourant à des images photographiques: carte routière (figure B-195), échangeur (figure 8-1%), route (figure B-197), feu de circulation (figure B-198), panneaux routiers (figure B-199), bamère (figure B-200) et bouchon de circulation (figure B-201). La symbolique du pont (figure B-2M), comme le lien qui permet de passer d'une rive à l'autre, est universellement répandue. Plusieurs autres représentations ont pris une place considérable dans le monde des symboles: l'aéroport (figure B-203), l'avion (figure B-204), le poste de pilotage (figure B-205), le ûamway (figure B-206), le taxi (figure 8-207), l'ambulance (figure B-208) et l'automobile (figure B-209). En tant que symbole d'énergie et de mobilité, la locomotive (figure B-210) a une valeur très positive. Depuis que la publicite s'intéresse à dégager la spécificité de la vie sociale urbaine, deux visions extrêmes pdsident à sa construction: ou bien la ville moderne serait le théâtre d'une désorganisation alarmante des équilibres, ou bien, par la diversité des modes de vie et des insertions sociales qu'elle propose, la ville réunirait, comme cela n'a jamais été possible jusqu'alors, les meilleures conditions de la libertb de l'homme et de nouvelles formes de solidarité. Les visions radicales de la vie sociale urbaine ne font en fait qu'exprimer les visions interrogatives sur le devenir de la ville. Dans certains cas, l'image construite par la publicité est destinée à susciter la honte ou la gêne à l'idée que la ville qui s'était crue le paradis des travailleurs se révèle aussi hideuse et inhospitalière que les vieilles cités. On y retrouve alors toute la thématique commune: le misérabilisme et ses thèmes de délabrement. A plus d'un titre, la ville étouffe et tue parce qu'elle interdit les joies simples et innocentes du regard, de l'ouïe et de l'odorat. Elle est la négation pure de la vie. Même le ciel n'arrive pas à l'éclairer convenablement à cause des nuages de fumée (figure B-211) ou de poussière qu'elle produit. Les splendeurs de l'aube et des couchers de soleil sont inconnus. La ville apparaîtra alors comme le Babel des temps modernes. Ainsi s'opère une double mythification-la ville perçue comme le lieu d'une humanité inférieure; et la vie d e , implicitement présentée comme le lieu d'une vie meilleure, parce que plus pure. S. L'espace domestique Le territoire domestique correspond à l'espace résidentiel. II est représenté par une maison (figure B-212). C'est l'espace privé des individus, ce lieu à l'abri des regards d'autrui qui assure il ses occupants une sécurité émotive de nature plus personnelle que celle, plus collective, que fournit l'espace infranational, rural ou urbain. Symboliquement, la maison incarne le mieux la vie en commun,avec le sens de refuge, de protection. Elle devient en quelque sorte le centre du monde. Le mur (figure B-213) est traditio~ehnentl'enceinte protectrice. Les éléments de décoration extérieurs sont nombreux: herbes (figure B214), corde à linge (figure B-215), pince à linge (figure B-216), boyau (figure B-217), boîte aux lettres (figure B-218), piscine (figure B-219)et chaise de parterre (figure B-220). La fenêtre (figure B-221) avec ses rideaux est un symbole d'ouverture et de réceptivité. Le verre qui la compose incarne parfaitement la frustration: il permet de voir mais empêche de toucher. La porte (figure B-222) symbolise le lieu de passage entre deux états, entre .le connu et l'inconnu. Mais elle a une valeur dynamique; car non seulement elle indique un passage, mais elle invite à le franchir. La signification du seuil provient de son rôle de passage entre l'extérieur et l'intérieur. Le pouvoir de la cl6 est celui qui pennet de lier ou de délier, .. d'ouvrir ou de fermer. Posséder la cl6 de la SérnUe (figure B-223),c'est avoir accès A quelque chose, ii quelqu'un. Dans la maison typique de la publicité, on retrouve un garage (figure B-224), un salon (figure B-225) avec télévision (figure B-226), une antenne (figure B-227), et un divanlfauteuii (figure B-228). Le salon Tesurne en lui la symbolique de la demeure, avec son caractère d'intimité sacré. Cette maison construite par la publicité a quelquefois une salle de travail avec bureau (figure 8-229) et bibliothèque (figure B-230). La bibliothèque est une réserve de savoir et de connaissances, et un signe de statut social. La maison de la publicité possède le plus souvent un escalier (figure B-231) qui permet de se rendre à l'étage. L'escalier peut aussi devenir le symbole de la progression vers le savoir et de l'ascension vers la connaissance. Tout comme l'échelle, l'escalier permet de changer de niveau, de monter, donc symboliquement, de s'élever, de se dépasser et de réussir. Dans la maison, l'escalier permet d'accéder à la chambre à coucher, où on trouvera un lit (figure B-232). Le repas proprement dit est évoqué avec la cuisine. Plusieurs autres objets sont également reliés à la salle à manger: réfrigérateur (figure B-233), ustensile (figure B-234) et verre (figure B-235). On retrouve aussi de la nourriture (figure B-236). La cuisine, c'est encore des objets comme la chantepleure ou robinet (figure B-237). En ce qui concerne la salle de bain, elle constitue une thématique peu diversifiée (Fleury-Bossard, 1980). Pour l'essentiel, on y trouve quatre composantes: 1. La présence de la baignoire (figure 8-238),quelquefois en plongée, dans laquelle le produit est visible. On voit également une douche (figure B-239),un cabinet de toilette (figure B-240) et le papier de toilette (figure B-241); L'exotisme: dans certains cas, on n'hésite pas à placer la baignoire sur des plages exotiques (figure B-242); La surprise: dans d'autres cas, on montre quelqu'un assis sur la toilette (figure B-243); Le plaisir du bain pour soi: toute la sensualité que développe la publicité pour les bains moussants s'exprime de façon narcissique. La femme se caresse elle-même et le produit est l'agent de plaisir (figure B-244). Par ailleurs, le bain est un symbole de purification et de renouveau. Il satisfait un besoin de détente, de sécurité, de tendresse et de ressourcement. 11 semble que la trace publicitaire ne puisse se libérer de ce d e qui lie les bains moussants i une sensualité solitaire, mouillée et exotique. On se trouve plongé en fait dans un discours ambigu qui exploite l'alibi d'une pudeur solitaire pour évoquer une sensualité pour le moins équivoque (Fleury-Bossard, 1980: 34-35). Dans La maison type de la publicité, on retrouve la tuyauterie (figure B245). La maison est enfin évoqude par le plan de l'architecte (figure B- 246). 6. L'espace autre En publicité, l'espace autre est paradoxal. Il est étroitement lié à la quête du rêve comme en font état les publicités de LA Gear (figure B-247), Smirnoff (figure 6-248) ou Acriform (figure B-249). L'exotisme est un des thèmes privilégiés de l'imagerie publicitaire. Le plus souvent, il qualifie le produit en i'associant à un espace autre. C'est d'autant plus évident que dans notre corpus, le thème de l'exotisme se rattache souvent à des produits sans rapport avec les contrées lointaines. Dans la trace publicitaire, le paradis terrestre est confiné le plus souvent à une île (figure B-250).L'îîe devient le symbole du voyage et du refuge et elle est vraiment exotique que s'il s'agit de régions éloignées où la vie est différente de la nôtre. À l'heure de l'industrie et du travail en usine ou au bureau, l'exotisme fait rêver et le voyage symbolise très bien cette quête d'aventure. Les images les plus prégnantes que l'on puisse associer à l'exotisme et à la liberté sont des représentations typiques de la plage: l'herbe de plage (figure B-251), le coquillage (figure B-252), le palmier (figure B-253), la mer (figure B-254), les vagues (figure B-255), la chute d'eau (figure B-256), le sable (figure B-257) et le duo eau-ciel bleu (figure B-258). Les annonces du Club Med et de Reval sont révélatrices de cet imaginaire social. On se dévêt (figure B-259), on marche le long de la plage (figure B-260), on se baigne (figure B-261), on se repose (figure B- 262), on lit (figure B-263) ou on cherche un objet dans le sable (figure B264). Ce qui est désiré, c'est cette atmosphère très particulière suscitée par la plage. Mais la marchandise est présentée comme le signe, l'équivalent de cet au-delà lointain, véritable objet de désir. Plusieurs objets contiennent ces attributs de l'exotisme. Qu'il suffise de mentionner le ballon (figure B265), le parasol (figure B-266), la crème solaire (figure B-267), le cassecroûte (figure B-268), le maillot de bain (figure B-269), le flotteur (figure B-270), la piscine (figure B-27l), les lunettes de soleil (figure B-272), la serviette de plage (figure B-273), la valise (figure B-274), l'étiquette de valise (figure B-275), le ventilateur (figure B-276), la chaise de plage (figure B-277), la chaise de L$eguard (figure B-278), le breuvage (figure B-279), les fruits exotiques (figure 8-BO),le passeport (figure B-281), le billet de voyage (figure B-282), les binoculaires (figure B-283), le quai (figure B-284) et les bagages passés aux rayons X (figure B-285). On peut aussi interpréter comme des représentations particulii3res de l'exotisme, non seulement les plages, mais aussi des sports de plage et d'dté comme le volleyball (figure B-286), la planche à voile (figure 8-287),le ski nautique (figure B-288), le surf (figure B-289), la plongée sous-marine (figure B-290) avec tuba et palmes. Évidemment, les images publicitaires présentent des paysages exotiques ou étrangers autres que la plage et l'île. Elles font miroiter des noms prestigieux ou des lieux féeriques immortalisés par la littérature classique. Dans les espaces restreints des encadrés publicitaires, pullulent alors les châteaux (figure B-291), la jungle (figure B-292) et les paquebots (figure B-293).Par ailleurs, Kamora et De Castellare ont déniché un vieux casque indigène (figure B-294), Maxwell montre une passerelle (figure B295) et Air Canada fait voir un oiseau coloré (figure B-2%). L'exotisme est bien pratiqué de ce point de vue. En effet, il permet de prendre peu de risques. L'origine du pays importe peu. L'objectif principal est de suggérer l'évasion en utilisant des symboles, que ce soit les pyramides (figure B-297) ou encore l'univers de l'île de Pâques (figure B298). Les traces symbolisent très bien cet exotisme: prodigieuses constructions de pierre, regard énigmatique. Il y a donc concurrence entre plusieurs exotismes: celui des cocotiers mais aussi celui des indigènes (figure B-299). On passe d'une ambiance africaine à une autre plus européenne avec Paris (figure 8-300) ou Venise (figure B-301). Les villes et les continents prennent ainsi une signification symbolique liée à des stéréotypes culturels et A des expériences vkues. Dés lors, le continent ne représente plus en réalit6 une des cinq parties du globe; il symbolise un m d e de représentation et de désirs. Outre ces villes et ces continents, un autre espace exotique est représenté dans le corpus: le monde du cirque. Plusieurs traces sont mises ii contribution: chevaux de bois (figure B-302) et comptoir à confiserie (figure B-303). Des personnages du cirque sont aussi de la fête: l'équilibriste (figure B-304), le dompteur de lions (figure B-305) et le magicien (figure B-306) avec son chapeau (figure B-307). Ainsi, l'exotisme construit par la publicité se caractérise par une mise en scène et des lieux quaiifïés. Faut-il interpréter ces clichés comme étant un échec de la mise en scène du pittoresque? Certes ces images sont des images d'images, en un sens usées à force d'avoir trop' servi. De ce point de vue, il faut comprendre le caractère stéréotypé de l'exotisme comme étant celui d'un rituel ou d'une pratique ordonnée et fixée par l'usage. Ce qui importe, ce n'est pas de mettre en scène un espace nouveau, mais de mettre en scène un espace qualifié qui tourne autour de Peau et des palmiers. Ce qui surprend dans toutes ces figurations, c'est qu'elles sont presque kitch. L'exotisme construit par la publicité, c'est le bien-être, la wiieté, le côté sauvage, la joie de vivre, une ambiance chaude qui fait sortir 8 du quotidien. 7. L'espace religieux De prime abord, on pourrait penser qu'il ne peut guère y avoir de rapport entre la publicite et la religion. Pourtant, plusieurs images publicitaires tkmoignent de l'intertextualité et abordent le domaine religieux en reprenant à leur compte des cléments et des symboles fondamentaux du rituel religieux. On retrouve, clairement evoquées, différentes activités religieuses constituant le cadre général du construit publicitaire. Chez plusieurs, cette inspiration est diffuse, humoristique et tout en surface. On ne qualifiera pas comme <<Oeuvres d'inspiration chrétienne» les publicités de Smirnoff, de El Al et de CBC, même si dans certains cas, leurs auteurs font preuve de respect à l'égard de la religion. Dans d'autres cas, comme dans la publicité des Knights of Columbus (Chevaliers de Colomb), l'optique de l'image devient l'occasion d'aborder de front un problème religieux. On constate que dans certaines images étudiées, la religion possède un caractère trks intime, voire secret. Que le monde moderne ait modifie son rapport avec le religieux, voilh ce qui était, il y a peu de temps encore, un lieu commun. Or, voici que vers Ia fin des annees quatre-vingts, le monde occidental assiste à un réveil du sentiment religieux. L'homme, semble-t-il,cherche à combler le silence des religions. Faut-t-il croire que les hommes ne peuvent sortir du religieux parce qu'ils ont besoin que quelque support spirituel prenne en charge leurs angoisses? La religion est-elle un système de croyances dont la publicité ne saurait se passer? Quoi qu'il en soit, l'univers religieux exprime une conception du réel et une vision du monde qui s'harmonise peut-être avec le monde des Grands Mythes et de la publicité. La référence à cet espace sacré des dieux confère alors un aspect particulier à la trace. IRs mythes anciens, les récits de la création sont encore très vivants dans la publicité: déluge (figure B-308),séparation des eaux (figure B309), naissance du Christ (figure B-3 IO), création (figure 8-31I), l'ascension du Christ (figure B-312)et fruit défendu (figure B-313). Des images évoquent plus ou moins ouvertement le paradis terrestre et l'enfer (figure B-314). Sur terre, le lieu saint par excellence est l'église (figure B-315) représentée par le vitrail (figure B-316), la croix (figure B317) et la Bible (figure B-318). La publicité, consciente de l'enjeu symbolique de l'espace religieux, réfère aux personnages bibliques. Ainsi, Noé (figure B-3 19), Moïse (figure B-320), Jésus (figure B-321), les Rois mages (figure B-322), les personnages de la crèche (figure B-323) et Adam et Ève (figure 8-324) se situent dans un espace sacré, tout en conférant aux images publicitaires un aspect primitif. L'image du diable (figure B-325) avec ses cornes (figure B-326), représente l'être foncièrement méchant, une puissance du mal. Il est d'abord l'ennemi de l'homme. Incarnation du mai et de la tentation, il est devenu un personnage de luxure. Intermédiaire entre Dieu et le monde, l'ange (figure 8-327) occupe une place importante dans l'imagerie publicitaire. Les anges Qvoquent l'innocence. Leurs principaux attributs sont le nimbe (figure B-328)et les ailes (figure B-329). Gardiens et guides, leurs ailes sont un symbole d'envol, d'allégement, de mouvement aérien et léger. Le langage mythique de la publicité et de la religion s'harmonise parfaitement avec celui des grands mythes, usant et abusant parfois du sacré. Les références humoristiques aux personnages religieux, rappellent le temps sacré, celui des dieux: mère Teresa (figure B-330), moines (figure B-33 l), archevêque (figure B-332), &Que (figure B-333), soeurs (figure B-334), et dans un cas, une m u r et un prêtre qui s'embrassent (figure B335). Le ciel (figure B-336) et la colombe (figure B-337), signes de paix, de vie, d'amour et d'immortalité sont également représentés. 8. L'espace cosmologique Jusqu'ici, on a privilbgié parmi les images publicitaires, celles qui mettent iconiquement en scène des dldrnents primordiaux. Or, en y regardant de plus près, Anne Sauvageot (1987) a montré que ces diffbrents espaces peuvent en réalité se réduire à quatre éléments de la matière: l'eau, le feu, l'air et la terre. Depuis les temps les plus anciens, ces quatre forces originelles peuvent être vues comme les fondements de tout ce qui existe. 8.1 L'eau L'eau (figure B-338), source de vie et moyen de purification et de régénérescence, lave et par extension purifie. Pour cette raison, l'eau est g6ntralement associée aux idées de nature et de propreté. Une autre propriété de l'eau est safraîcheur. Il peut s'agir de l'eau d'une cascade qui évoque l'idée de frdcheur-et non celle d'humidité ou de froid. L'eau fraîche est tonique: eiie réveille et rajeunit. De nombreuses images publicitaires suggèrent universellement le concept de l'eau: la cascade (figure B-339), la chute, (figure B-340), les vagues (figure B-341),la pluie (figure B-342),les glaçons (figure B-343), la glace (figure B-3-44)?l'iceberg (figure B-345),la goutte d'eau (figure B- 3&), la rivière (figure B-347) et la muleur bleue (figure B-348). Symbole de la dynamique de la vie, la mer (figure B-349) rejoint en cela l'eau. La mer a quelque chose de fascinant. L'eau exprime la puissance, la lutte, Le depassement. A un niveau plus symbolique, certains poissons (figure B-350)peuvent symboliser la fraîcheur. 8.2 Le feu Le feu est synonyme tantôt de lumière, de chaleur ou d'énergie. Il est rappelé par le soleil, (figure 8-351), la foudre, (figure B-352), les flammes, (figure B-353), un sol desséché (figure B-354), le désert (figure B-355)et les laves du volcan (figure B-356). 8.3 L'air Parmi les symboles de l'air, citons Ie ciel, les nuages bleus, blancs ou gris (figure B-357). Symboliquement, le ciel est une manifestation directe de la puissance. Mais dans la publicité, le ciel c'est aussi la légèreté. Puissant symbole d'ascension et de progrès, on accorde généralement 3 l'axe vertical un rôle, une valeur et une signification privilegies (Chevalier et Gheerbrant, 1982). Le soleil (figure B-358),dans l'image publicitaire, tient une place importante. Source de lumière comme de chaleur, le soleil levant suggère l'espérance. Mais le soleil, comme le feu, recèle également un aspect négatif, car il brûle. L'arc-en-ciel (figure 8-359) est généralement annonciateur d'heureux événements du fait qu'il apparaît après la pluie. L'ouragan (figure B-360) suggère la puissance et la force. L'éclair (figure B-361) symbolise le feu qui frappe rapidement et sans avertissement. Le vent (figure B-362) prend plusieurs formes. En raison de l'agitation qu'il suscite, il incarne l'instabilité. Force élémentaire à la fois violente et aveugle, le vent est aussi un instrument de la puissance. Lorsque le vent se lève, l'on peut être sûr que quelque chose va se produire. 8.4 La terre Symboliquement la terre s'oppose à l'air et au ciel. À l'exception du tremblement de terre qui est négatif, la terre est positive. La terre, c'est en premier lieu l'image de la Terre féconde, de ce qui est naturel. En même temps qu'elle est l'antithése de la ville, elle est un retour aux sources et on l'utilise pour évoquer la sant6, le vrai, le naturel. C. CONCLUSION Les traces observées dans ce chapitre rendent compte de la densite symbolique d'un espace socialisé à l'intérieur duquel chaque attribut répond à une organisation structurée, contribue à la définition d'un lieu. La représentation structurée et connotée de cet ensemble permet aux acteurs sociaux de s'ancrer de façon symbolique et continue à l'espace. Tout comme le temps, l'espace établit le cadre dans lequel se déroule l'action; il contribue à la formation de l'identitd car les produits et les personnages se situent et se définissent en fonction de différents types d'espaces. Dans les publicités analysées, on retrouve huits configurations spatiales: l'espace spatial, mondial, national, infranational, domestique, étranger, religieux et cosmique. Si l'espace spatial est infini et intimement lié au futur, I'espace mondial est dans l'air du temps. Contrairement à la campagne qui est verte et invitante, la ville est dense et quelquefois repoussante. L'espace domestique réfère au priv6 tandis que I'espace étranger fait rêver. Ce sont ces différents clichés qui ont dom6 naissance à une symbolique de I'espace. Dans la plupart des traces, la dichotomie entre les caractéristiques attribuées à la ville et à la nature sont manifestes. Quand on se réfère à la forêt, la ville est appréciée de façon négative, affectée d'un caractère alibnant, alors que la nature revêt un caractére libérateur avec ses espaces mais aussi ses objets caractéristiques. Les images publicitaires se situent par rapport à un épisode spatial dans lequel se déroulent des év6nements. L'espace construit garantit la vitalité et le développement d'un contexte sans lequel les images publicitaires n'auraient aucune signification. Il est porteur de préjugés favorables ou défavorables, de façons d'être ou de penser. L'espace est lié directement à la nature et aux expressions des acteurs sociaux. Chapitre VI Les figures du corps dans la publicité A. INTRODUCTION Sous l'apparence d'une structure anatomique quasi identique, le corps humain est le véhicule et l'illustration privilégiés de la dynamique culturelle d'une société, de ses désirs et de ses rêves. En conséquence, le corps est signe et se trouve chargé de significations multiples. Il y a déjà plus de soixante ans, Mauss avait soulevé la nécessité d'un projet de sociologie des techniques du corps, défulies comme «la façon dont les hommes, société par société, d'une façon traditionnelle, savent se servir de leur corps» (Mauss, 1983: 365). Mauss avançait que les postures, les mouvements et les attitudes corporelles qu'adoptent les hommes et les femmes d'une sociétk constituent des produits sociaux. Au nombre des facteurs qui concourent à préciser les stratégies sociales du corps et ii aiguillonner le public vers le sens à donner à un message publicitaire, il faut donc considérer le corps, mais aussi les postures et les gestes des acteurs sociaux. Le présent chapitre se divise en quatre parties. Dans un premier temps, le corps sera appréhendé comme mise en scène, signe, discours et texte. Plus particulièrement, on verra comment les usages et les images publicitaires construisent chaque partie du corps. Une deuxième section s'intéressera plus spécifiquement à l'image du corps de l'homme et de ta femme, pour en lire les différences, les contradictions et les rapports de force qui traversent le social. Les sections trois et quatre aborderont respectivement le corps sous l'angle de la sexualité et du sport. B. LA MISE EN SCÈNE PUBLICITAIRE DU CORPS Les deux chapitres precédents ont montré que les images publicitaires peuvent se définir dans un cadre temporel et spatial. Or, la nature de la relation se reflète aussi dans le corps, langage non verbal. Dans cette section, on &tudieles modalités de la mise en scène du corps en général et de ses postures telles que représentées dans la publicité. On tente de classifier les divers emplois du corps humain. A la fois modelé par la sociétt5 et symbole de cette socidté, le corps est apparu dans sa dimension de témoin r6vélant une culture. L'image publicitaire offre toute une gamme d'cléments pour exprimer les nuances des langages non verbaux. Ainsi, tout ce qui touche le champ visuel, tels la façon de regarder l'autre ou de faire comme si on ne le voyait pas, le froncement des sourcils, la brillance ou l'aspect terne des yeux, le fait de les baisser ou de les ouvrir: toutes ces manifestations traduisent différentes attitudes. L'expression du visage, qu'il soit pensif, interrogateur, fermd, obstiné ou curieux, ou encore le corps, qu'il soit combatif, menaçant, provocateur ou amical, ou qu'il apparaisse, disparaisse, réapparaisse ou s'efface, rend compte de la qualité de la communication. Ainsi, le corps est socialement construit, autant par son organicité que dans ses manifestations (expression, gestuelle, instrumentale) qui se chevauchent et doivent être considér6es comme objets sociologiques. Il est évidemment hors de question de prétendre couvrir, dans les pages qui suivent, l'ensemble des champs de l'activité humaine qui serait susceptible d'être rassemblé sous la dénomination corps et rapports des corps. On proposera plus simplement de colliger et d'articuler ici u n certain nombre d'observations et d'analyses qui, bien que partielles, concourent néanmoins à persuader de la necessité d'une appréhension sociologique du corps dans la publicité. Pour lever le voile sur la signification du corps et les mises en jeu du corps lors des rencontres entre les acteurs en publicite (rituel de salutation ou de congé, manière d'acquiescer ou de nier, mouvements du visage et du corps, variation de la distance qui sépare les acteurs, façons de toucher ou d'éviter le contact, etc.), on a isolé chaque partie du corps. On commencera par l'examen de la tête puis du visage, en poursuivant ainsi jusqu'aux jambes et aux pieds. 1. La tête La tête est traditionnellement le siege du cerveau (figure C-1) et des idées (figure C-2) et constitue une partie importante du corps humain. Graphiquement, la tête peut être inversée (figure C-3), carrée (figure C-4), invisible (figure C-5), cachée (figure C-6), coupée (figure C-7), démesurée (figure C-8) ou naissante (figure C-9). Une trace transpose la tête de l'un des personnages sur les épaules d'un autre (figure C-IO), comme dans une sorte de collage. En signe de fatigue, la trace montre un sac de glace (figure C-Il). La tête posée sur la main (figure C-12) ou contre un mur (figure C-13) peut suggérer le désespoir. Le personnage qui se met la tête dans Ie sable (figure C- 14) évoque la dérobade. Le monde de la publicité a fait des cheveux un signal sexuel important. Dans la mesure où les cheveux de l'homme et ceux de la femme sont biologiquement aussi longs, la longueur des cheveux des personnes des deux sexes fait que deux types de symbolique s'affrontent. Même à une époque où l'on valorise l'égalité des sexes, la longueur des cheveux continue de différencier l'homme et la femme. De façon générale, la trace associe les cheveux courts à une image masculine (figure C-15) et les cheveux longs à une image féminine (figure C-16). On abaisse les hommes en montrant une calvitie naissante (figure C17), en exposant une tête chauve (figure C-18) ou en les montrant perdant leur perruque (figure C-19). Dans une société qui valorise la jeunesse, la calvitie est en effet un handicap important. Dans quelques cas cependant, une tête chauve peut devenir un indice de puissance. La perruque caractérise le juge (figure C-20). Dans le corpus, les images publicitaires célèbrent la chevelure féminine (figure (2-21) et la chevelure extravagante (figure C-22). Les femmes soulèvent leurs cheveux (figure C-23). Il semble aussi y avoir un lien entre la femme fatale et l'eau (figure C-24). Les cheveux hérissés (figure C-23 signalent la surprise. 2. Le visage L'apparence du visage répond à une mise en schne de l'acteur social. Lorsqu'il s'agit du visage, la trace présente une image de la femme et de l'homme peu diversifiée. On rencontre des visages que l'on pourrait qualifier de beaux (figure (2-20, figés, artificiels, aux traits de mannequin ou d'acteur. On croise par ailleurs peu de visages défigurés (figure C-27). Dans ce cas-ci, est désigné comme beau le visage qui répond aux valeurs d'un lieu, d'un moment, c'est-à-dire qui offre les signes normalisés d'un code social convenu réglant les perceptions, les désirs, les jugements des individus. Dans l'ensemble, on remarque un renforcement constant des stéréotypes de l'homme et de la femme jeunes et séduisants. Bien sûr, toute culture s'exprime esthétiquement d'une manière ou d'une autre. Rien n'est beau pour tous les peuples à la fois. Un visage vénéré par certains est considéré comme laid par d'autres. Pourtant, tout se passe comme si la publicité occidentale reconnaissait que teile ou telle forme de beauté a une valeur intrinsèque universelle, qu'elle doit être appréciée de tous. Le corpus montre des hommes au visage osseux et carré, et des femmes jeunes, séduisantes et à la peau de pêche. La trace évite les rides, les cheveux gris et les poils (figure C-28). Les acteurs sociaux masculins ont de lourdes mâchoires et un fier menton. Par ailleurs, il semble que la moustache (figure C-29) soit devenue un symbde d'homosexualité dans le construit publicitaire. Les images du corpus proclament les joies de la jeunesse et de la beauté. La trace répète: «Faites attention aux poils, aux rides et aux kilos. Pour plaire, "être beau", il faut en effet être jeune et mince.» La beauté peut n'être que superficielle, mais cette apparence de surface est suffisante dans des catégories aussi diverses que les cosmétiques ou l'automobile. Le visage, c'est aussi sa couleur. Or, l'un des attraits corporels du construit publicitaire du corps est celui du hâle du visage et du corps. La publicité proclame bien haut la joie des gens au teint bronzé, basané (figure C-30). Le bronzage est alors synonyme de vacances, de bonheur, d'évasion et de richesse. L'image exploite largement le soleil et la peau hâlée et bvite le teint verdâtre (figure C-31) qui signifie <<jene suis pas en forme» ou je suis fatigué». Récemment, face à la hausse importante du cancer de la peau et aux avertissements servis par les dermatologues, les mannequins de la publicité sont moins bronzés. La publicité de Bain de Soleil réalisée en 1992 (figure C-32) est un bon exemple de ce changement de valeur. La peau du visage et des mains, c'est aussi ce qui permet de distinguer les origines ethniques. A ce titre, la publicite globale met en scène des groupes ethniques et culturels diffbrents: des Noirs (figure C-33), des Asiatiques (figure C-34) ou des combinaisons multiraciales (figure C35). Dans une publicité, la trace montre une femme noire et un enfant blanc (figure C-36).Cette trace crk une notion d'universalité; une femme noire allaite un nouveau-nd blanc vêtu d'un chandail rouge symbolisant la passion, l'amour et la chaieu, «United Colors>>de Benetton fait figure de référence en matière de communication fondée sur des valeurs sociales exprimées par la représentation des Noirs et des Asiatiques. Plus simplement, l'image du rapprochement des gens d'origines ethniques differentes permet d'&tendre les concepts de fraternité et de solidarité. Plusieurs ethnies sont représentées. Dans certaines images, Le choc vient en fait de Ia rencontre entre des groupes différents et du message social et antiségrégationniste qui en découle. Avec les images du Ku Klux Klan (figure C-37)et de de Klerk (figure C-38),l'objectif est de proclamer le droit à la différence, mais surtout la possibilité pour tous de cohabiter, de fraterniser. 3. Les yeux En publicité, le regard est un outil privilégié pour découvrir le monde et entrer en relation avec les autres. Le regard refl5te les sentiments: surprise (figure C-391,scepticisme (figure C-4û), sbduction (figure C-41) ou détresse (figure C-42). Les traces montrent des yeux ouverts (figure C-43) ou fermés (figure C-44); seuls (figure C-45) ou multiples (figure C-46); maquillés (figure C-47) ou cachks (figure C-48). La direction du regard des acteurs sociaux dans les images est un autre élément important. La direction du regard des personnages constitue en effet une variable essentielle pour identifier les catégories d'acteurs sociaux au plan visuel. 1. L'acteur social de face (figure C-49). Il parle, raconte ou interpelle (Péninou, 1972: 191). 2. L'acteur social de profil (figure C-50). Le lecteur qui regarde un acteur social de profil devient spectateur. Il est le témoin d'une action qui se dérouie devant lui (Péninou,1972: 191). 3, L'acteur social de trois quarts (figure C-51). Ce type de personnage va de pair avec la délicatesse: pudeur de la jeune fille, pureté et fragilité du sentiment, douceur des visages, lèvres entrouvertes ou fermées, paupières mi-closes, r e g a rd indéchiffrable, fhigme du masque. «On est dans l'univers du mystere, de ta tentation, du narcissisme: introversion, introspection, rêverie, domaine de l'incertain et du délicat, mais aussi domaine de la sensibilité» (Péninou, 1972: 192). 4. Le personnage de dos (figure C-52). Symboliquement, il cherche à éviter le contact. Bien que l'objectif de cette thèse ne consiste pas à quantifier L'image, on constate qu'il s'agit d'une trace rare. Les jeux de regards sont omniprésents dans les images publicitaires étudiées. Ils permettent de définir la place qu'occupent les acteurs sociaux, d'entrevoir les liens et les sentiments qu'ils éprouvent. Fixer quelqu'un dans les yeux se fait dans des situations d'amitié ou de menace (figure C53). Écarquiller les yeux est une réponse à une surprise (figure C-S), tandis que les yeux bridés (figure C-55) sont caractéristiques des peuples orientaux; les grands yeux foncés (figure C-56) évoquent une culture étrangère. Visuellement, la forme des lunettes mMe I'apparence des yeux des mod&leset transforme ainsi sa physionomie. Elle fait donc partie intégrante de l'expression faciale de l'acteur social qui les porte. Une monture inhabituelle (figure C-57) suggère l'originalité de celui qui la porte. De grandes lunettes ont pour effet d'écarter les yeux. Les lunettes noires de soleil (figure C-58) évoquent la star ou quelqu'un qui joue à la vedette. Cela permet de regarder sans être vu. Les images publicitaires offrent aussi des moyens hors de l'ordinaire afin d'exagérer les traits naturels, par exemple, en agrandissant les yeux (figure C-59) de leurs modèles, en utilisant du maquil1age ou des cils artificiels (figure C-6û) qui contribuent à augmenter la taille des yeux et souligner Les paupières. Créativement, on récupère le tableau des ophtalmologistes (figure C-61) et les problèmes de vision (figure C-62). 4. Le nez Le nez, c'est d'abord l'odorat, l'un des cinq sens (figure C-63). L'odeur peut agir fortement sur le nez, soit positivement comme en témoigne une publicité de McDonald's (figure C-64), soit négativement comme en témoigne une publicité de Seldane (figure C-65) oh le personnage se pince le nez, suggérant ainsi une allergie. La forme du nez joue un rôle dans la perception des acteurs sociaux. Les nez les plus beaux sont valorisés, C'est ce qui explique peut-être pourquoi, dans leurs images, la trace publicitaire évite les gros nez (figure C-66) qui semblent moins gracieux, sauf si l'on cherche à susciter volontairement la répulsion. Mettre les doigts dans le nez est un tabou culturel. Le nez rouge est le signe que quelqu'un a le rhume (figure C-67)ou boit de l'alcool en grande quantité (figure C-68).Insérer des objets dans la peau du nez évoque sous certains aspects les bovins (figure C-69). 5. Les oreilles Les oreilles sont associées à l'ouïe (figure (2-70). Pour montrer le refus de communiquer, le corpus présente des acteurs sociaux en train de se boucher les oreilles avec un bouchon (figure C-71) ou du persil (figure C-72). A l'inverse, on amplifie le bruit ambiant au moyen des mains placées en cornet sur les oreilles (figure C-73). Afin de nettoyer les oreilles, on montre un coton-tige (figure C-74). De longues oreilles représentent le lapin (figure C-75). 6 . La bouche La bouche sert à mordre, lécher, aspirer, goûter, avaler, tousser, bâiller, crier, parler, siffler, embrasser et fumer. En publicité, elle permet surtout d'avaler (figure C-76),de boire (figure C-77) et de parler (figure C-78). Ainsi, avoir une bouche invisible (figure C-79), c'est ne pas pouvoir ~ rabaissée (figure C-80) s'exprimer ni se faire entendre. La l & vinférieure donne une impression de chagrin. La bouche figure donc parmi les parties du corps les plus expressives. Les dents (figure C-81) ont un aspect dynamique important. Techniquement, les dents déchirent ou broient les aliments (figure C-82). Par ailleurs, les dents jaunes (figure C-83),les grandes dents (figure C-84), les dents cassees (figure C-85), les dents pointues (figure C-86) et les dentiers (figure C-87) sont synonymes de laideur. La langue est un autre organe expressif du visage. Dans la trace, la langue est sortie, en attente de déguster un aliment ou un plat appétissant (figure C-88). Culturellement, des lèvres naturellement ou artificiellement plus charnues ou plus colorées transmettent des signaux sexuels importants. Cela explique pourquoi les images publicitaires mettent en scène des femmes aux lèvres plus charnues (figure C-89) ou plus colorées (figure C-90), des traces de lèvres imprimées (figure C-91), des lèvres mordues (figure C92), des doigts qui frôlent les lèvres (figure C-%) ou un tube de rouge à lèvres (figure C-94). Il faut enfin accorder une attention particulière au sourire. En effet, le sourire traduit le plaisir et la satisfaction. Il s'agit d'une trace qui migre énergiquement, pour une carte de crédit, un restaurateur ou un dentifrice, par exemple. Dans le corpus, des sourires (figure C-95) et des dents blanches et éclatantes (figure C-%) sont nombreux. Plus rarement, on voit des lèvres abaissées vers le bas pour signifier la déception (figure C-97). Il ne faut pas s'étonner que le sourire soit le geste le plus present dans la trace. Symboliquement, L'aspect central de la publicité réside dans la recherche du bonheur. Longtemps demeuré utopique et pensé sur le modèle communautaire, le bonheur est une grande quête de l'acteur social dans la culture moderne. Le sociologue Edgar Morin en fournit une analyse quand il écrit dans l'Esprit du temps: «Une gigantesque poussée de l'imaginaire vers le réel tend à proposer des mythes d'auto-réalisation, des héros modèles, une idéologie et des recettes privées: le bien-être et le standing d'une part, l'amour et le bonheur d'autre part.» En effet, qui ne voudrait pas être heureux? Qui choisirait voiontairement le malheur? Le construit publicitaire, par la voie des grands moyens de diffusion, contribue à répandre ce modèle. L'image de l'acteur social heureux est associée à tous les articles de consommation. Les images évitent cependant le bâillement (figure C-98) parce qu'il traduit l'ennui ou 3 la fatigue. 7. Le cou Le cou (figure C-99) est une zone erogène importante. Traditionnellement, la femme a un cou élancé, long et mince, sans bijou et dénudé (figure C100), même enveloppé ou recouvert d'un cube de glace. Techniquement, le cou permet de regarder dans différentes directions (figure C-101). Créativement, le cou peut aussi être coupé (figure (2-102) ou allongé (figure C- 103). 8. Les épaules La principale fonction des Cpaules est de fournir de solides fondations aux bras. Pour faire paraître un homme plus masculin, la trace met en &ne la largeur des épaules (figure C-104) ou recourt à la présentation de culturistes (figure C-105). De façon générale, la silhouette de l'homme a tendance à se rétrécir en dant vers le bas. 9. Les bras Les bras sont un instrument de puissance et de sûret6. Ils interviennent avec force pour grimper,lancer ou frapper. Les bras de l'homme sont musclés (figure C-106) tandis que ceux de la femme sont plus fins et élancés (figure C- 107). h s principales positions des bras sont les suivantes: 2. Les bras levés dans les airs, dans un geste de triomphe et de victoire (figure C- 108); 2. Les bras IevCs dans les airs, dans un geste de surprise (figure C-109); 3 . Les bras le long du corps (figure C-HO), en position d'écoute, d'attente; 4 . L e s bras qui font signe d'arrêter (figure C-111); 5 . Les bras demere la tête évoquent le repos (figure C-112); 6 . Les bras au-dessusde la tête sont en position de séduction (figure C-113); 7 . Les bras croisés (figure C-114) sont en position de dkfense. Pour évoquer le monde de la nuit, ies images publicitaires recourent à la pause caractéristique du somnambule (figure C- 115). Visuellement, on allonge aussi les bras comme par enchantement (figure C- 116). 10. Les mains et les doigts À l'instar des autres parties du corps, la main est mise en scène par la trace publicitaire. Les images publicitaires montrent des mains (figure C-117) et des paumes de main (figure C-1la), des mains qui pressent (figure C-119), jonglent (figure C-120), tirent (figure C-121) ou cachent (figure C-122). Les mains servent aussi à présenter le produit (figure C-123). On montre également: 1. Des mains pratiquant L'auto-contact sur le corps (figure C124); 2. Des mains sur le front (figure C-125) ou sur les joues (figure C- 126) expriment la surprise ou la désolation; c'est également la posture du sursaut; 3. Des mains sur le côté de la tête (figure C-127) pour kvoquer la fatigue ou le bien-être; 4 . Des mains sur le menton (figure C- 128) pour soutenir la tête, ou derrière le dos (figure C-129). Geste à caractère formaliste, la poignhe de mains (figure C-130) exprime l'accord et la b 0 ~ entente. e Les mains ouvertes le long du corps, vers l'extérieur (figure C-131), évoquent l'impuissance. Celui qui joint les mains (figure C-132) devant le corps adopte une pose caractéristique des peuples orientaux. Les mains jointes devant le menton marquent la réflexion (figure C-133). Les mains jointes (figure C-134) évoquent le prisonnier ou l'asservissement. Croiser les doigts (figure C-135) évoque la chance. Pointer le pouce en haut (figure (2-136) exprime que tout va bien; vers le bas, cela suggère l'écrasement (figure C-137). Le signe du pouce levé qui projette une pièce de monnaie dans les airs (figure C-138) symbolise le hasard. L'index pointé (figure C-139) indique la direction à suivre, attire I'attention sur le produit, montre un détail du produit ou indique que l'on est le numdro un. Les doigts peuvent aussi servir à tenir un objet (figure C140). Un doigt avec un fil (figure C-141) signifie «souviens-toi!» En érigeant le majeur (figure C-142), on insulte. L'acteur social peut aussi faire des j e u d'ombre avec les doigts et les mains (figure C-143). Une publicité de Vittel (figure (2-144) reprend le geste en «V»de la victoire introduit par Churchill pendant la Seconde Guerre mondiale. Aujourd'hui, ce geste a pris une signification presque universelle. Les doigts servent à toucher; ils laissent des empreintes digitales (figure C- 145) qui marquent l'individualité, l'unicité. Les doigts peuvent aussi servir à gratter. Le geste de contact est aussi présent dans les images publicitaires pour décrire des réactions nerveuses comme dans le cas de ceux qui se rongent les ongles (figure C-144). Les images publicitaires montrent des personnages sans doigts au la main coupée (figure (2-147). On voit aussi des doigts deguisés (figure C148), des doigts à la peau plissée (figure C- 149) ou des doigts qui marchent (figure C- 150) 11. Les seins Dans leur fonction sexuelle, les seins (figure C-151) de la femme sont un important stimuli visuel. Le corpus montre des femmes minces dont la poitrine est particulièrement développée (figure C-152). La trace rend la forme des seins légerement plus hémisphériques et en améliore les contours par des soutiens-gorge (figure (2-153) ou par des positions qu'ils font prendre aux modèles (figure C-154), comme le montre une publicité de Maidenform. Dans le corpus, il y a quatre manières d'exposer les seins des modèles sans pour autant les dévoiler: 1. On les couvre d'objets (figure C-155); 2. On les montre partiellement (figure C-156); 3. On les présente de dos (figure C-157); 4. On les couvre avec une pudeur exagérée (figure C-158). L'étonnante ressemblance entre les seins de la femme et certains objets (figure C-159) est exploitée dans une image publicitaire. L'allaitement (figure C- 160) est aussi une image publicitaire. 12. Le coeur Le coeur qui bat dans la poitrine (figure C-161) est d'abord l'organe vital par excellence; son rythme (figure C-162) indique la vie et la succession des instants. Symboliquement, le coeur est de couleur rouge et constitué de deux sphères et il incarne l'amour et la passion (figure C-163). 13. Le dos Le dos est, avec les mains, l'une des parties mises à contribution dans les images publicitaires. Le dos nu de la femme (figure C - l a ) ou de l'homme (figure C-165) permet d'offrir une large surface de peau sans montrer de détails sexuels précis. En cambrant le dos des modèles (figure C-166), la trace met en valeur les fesses de la femme ou de l'homme et en accentue les formes. Le dos est quelquefois arqué (figure C-167) comme pour signifier la capacité de la firme à s'adapter. 14. Le ventre et le nombril ie ventre est associé à l'appétit et à la nourriture. Dans sa symbolique, le ventre relâché est un signe de laisser-aller (figure C-168),alors que le ventre ferme (figure C- 169) et les abdominaux saillants (figure C- 170) marquent la bonne forme physique. 15. Les hanches Pour intensifier le signal féminin du corps, on met en valeur les saillies des hanches des modèles (figure C-171). Une taille très mince symbolise 1'adoIescence et la jeunesse. Sur le plan des mouvements et des positions, la plupart des phénomhes relatifs aux hanches sont fhinins. Marcher en se dandinant ou en balançant les hanches (figure C-172) est un geste à caractère sexuel. 16. Les fesses Les fesses (figure C-173)sont un signal érotique important. Elles constituent une zone érotique considérable, tant chez la femme que chez l'homme. Les fesses invitent B la caresse, facteur amplifié d'ailleurs par un dos plus cambré. On montre un dos plus cambré (figure C-174) et des vêtementsjupe ou pantalon-dont la coupe souligne les contours du postérieur (figure C-175). Du côté des hommes, on montre des fesses dures, compactes, petites, mais musclées (figure C-176).Les fesses des hommes prennent de plus en plus de place dans la trace publicité, spécialement dans la publicité des parfums. On se moque des fesses en les exposant directement (figure C-177), en les tapant (figure C-178)ou en les embrassant (figure C-179).Présenter ses fesses en projetant le haut du corps vers l'avant (figure C-180) constitue une image inhabituelle et surprenante qui a fait son apparition dans la trace publicitaire. La trace exploite aussi la ressemblance entre les fesses et certains aliments, la poire (figure C-181) ou les oeufs (figure C-la),par exemple. 17. Les organes génitaux Les images de la période 6 W é e tiennent pour acquis que les organes génitaux sont des parties intimes qui doivent être recouvertes. Dans la trace publicitaire, ce n'est que chez de très jeunes enfants que l'on se permet certaines libertés quant à l'exposition des organes génitaux. Cela n'empêche pas certains annonceurs de surprendre et de montrer les organes sexuels masculins (figure C-183) et féminins (figure C-184); des exhibitionnistes (figure C- 183, des corps nus dans un bain (figure C-186), ou une douche (figure C- 187), un corps nu caché demère un acteur socia.1 habillé (figure C- 188). Surprise, un acteur social qui urine (figure C-189) est aussi montré. Dans la trace, les manières de couvrir les organes génitaux varient: ce peut être la main (figure C-190), un vêtement (figure C-191), une serviette (figure C-192), un angle (figure C-193) ou un objet (figure C194).Règle générale, ce sont plutôt les vêtements ajustés (figure C-195) qui permettent de transmettre un signal sexuel à partir de cette zone. Le corpus fait rkfkrence aux organes sexuels de façon symbolique en montrant un cactus (figure C-1%), un concombre (figure C-197), une bouteille (figure C-198), une cigarette (figure C-199), un condom (figure C-200), une fermeture ficlair ouverte (figure C-201), des organes redessinés (figure C-202) ou un champignon (figure C-203). Dans le même sens, on montre des spermatozoïdes (figure C-204), l'image de spermatozoïdes cherchant un ovule (figure C-205) et l'image des trompes de Fallope (figure C-206). On utilise aussi des images à double sens (figure C-207). 18. Les jambes et les pieds Dans la trace, les jambes sont considédes comme des symboles de stabilité et de force. Elles servent à marcher (figure C-208), à sauter (figure C209), à danser (figure C-210), à sursauter (figure C-21l), à frapper (figure C-212) ou à courir (figure C-213). Visuellement, les images montrent des filles aux jambes anormalement longues (figure C-214). L'impact érotique produit par de longues jambes féminines est important. En accentuant ce trait physique, la trace rend ainsi les filles encore plus sexy et plus attirantes. Crdativement, certaines images choisissent d'allonger anormalement les jambes (figure C215); on ajoute des jambes comme par miracle (figure C-216) ou on les enroule (figure C-2 17). L'impact sexy peut être renforcé par le port de talons hauts (figure C-218) ou par des jambes croisées (figure C-219).Pour un, les talons hauts font gagner aux jambes quelques centimètres, les aidant ainsi se rapprocher de l'idéal corporel. Le port de la jupe courte accentue aussi ce phénomène. Les jambes masculines et f6minines sont musclées (figure C-220). La publicité donne aux mannequins une allure de stabilitb et d'assurance en utilisant une posture bien campée, jambes écartées, à la façon des cow-boys de l'écran (figure C-221). Selon le cas, la trace évoque une impression de décontraction ou de manque de civisme en montrant des jambes (figure C222) reposant sur une table ou un objet. Par ailleurs, les pieds des mannequins sont menus (figure C-223). Des souliers «trop grands» ou «tout croches» (figure C-224) symbolisent le déséquilibre et le malaise. Un pantalon affaissé (figure C225) suggère l'inconfort. Le soulier noir évoque le statut social de celui qui les porte (figure C-226). Des marques de pas sur le sol (figure C-227) et des empreintes de pieds (figure C-228) indiquent la succession des pas et le passage d'un acteur social. Le pied peut être pointé (figure C-229) ou vu de dessous (figure C-230). Les pieds qui tapent sur le sol (figure C-231) suggèrent l'impuissance. 19. Le squelette et la morphologie du corps Les images publicitaires font quelquefois appel au squelette humain et à ses diverses parties, comme les os (figure C-232), la colonne vertébrale (figure C-233) et les muscles (figure C-234). On retrouve aussi les rayons-X (figure C-235) pour visualiser les os du corps et suggérer les progrès de la médecine. Plusieurs parties de l'anatomie humaine sont privilégiées par la publicité en les stéréotypant à outrance, Le corps n'invente pas les canons de sa beauté; il les reçoit du code social qui en etablit les critères, que ce soit l'allure du sein, des jambes, de la taille ou de la chevelure. Par exemple, les jumeaux intriguent (figure C-236). De plus, les acteurs sociaux gras (figure C-237) montrés dans la publicité sont, au plan symbolique, des êtres généralement malheureux, des brutes ou des corrompus. Leur corpulence est synonyme d'avidité ou de privilège. A l'inverse, la minceur (figure C-238) et le muscle (figure C-239) évoquent plutôt l'activité, la vivacité, l'efficacite, la rapidité du geste et de l'esprit. La publicité du corps propose à l'homme des biceps, un torse et des cuisses d'athlète, et à la femme, une poitrine ferme, des hanches de starlette et des jambes longues et minces. Dans la mesure où le modèle s'exhibe essentiellement comme participant au culte de la «forme», son corps se doit d'avoir des muscles bien découpés et des épaules larges. En général, le corps semble obéir à des canons constants: jeune et sain, il est orand et mince. Il affiche de la force physique. O À en croire le construit publicitaire. il n'est pas d'objet plus beau, plus précieux, plus éclatant que le corps grand et mince. Une image témoigne aujourd'hui que le corps est devenu objet de salut: le galon à mesurer (figure C-240). Graphiquement, la minceur est aussi suggérée par l'emploi d'espaces blancs (figure C-241) et d'objets en équilibre (figure C242). La relation sociale établie avec I'homme souffrant d'une infirmit6, qu'il soit handicapé en fauteuil roulant (figure C-243), unijambiste (figure C-244) ou privé d'un bras (figure C-245) ou d'une main (figure C-246), est un indicateur éclairant sur la façon dont un groupe social vit sa relation au corps et à la différence. Or, une forte ambivalence caractérise les relations qu'établissent les sociétés occidentales avec l'homme souffrant d'un handicap. Parce qu'il ne répond pas aux normes physiques, fonctionnelles et sociales de la socied où il vit, l'handicapé est représenté comme un marginal. Il apparaiat que les normes sociales sont toujours aussi impitoyables; les acteurs sociaux handicapés sont quasi absents de la publicité, comme si l'esprit, le corps, le comportement de l'acteur social handicapé étaient, sur un plan symbolique, synonymes de désordre, de chaos, et constituaient une menace à l'identité des gens normaux. L'infirme est un acteur social au statut intermédiaire, se situant dans un entre-deux. Le malaise qu'il engendre tient également à ce manque de clarté qui entoure sa définition sociale. L'ambivalence de la publicité à son égard est une sorte de réplique à l'ambiguïté de la situation, à son caractère insaisissable. Les mises en jeu physiques, on le voit, sont nombreuses. Du corps naissent et se propagent les significations qui fondent l'existence individuelle et collective. C, LE CORPS DE L'HOMME ET DE LA FEMME Pour un homme ou une femme, exister signifie d'abord se mouvoir dans un espace et une durée, transformer son environnement grâce une somme de gestes et de mimiques. Le corps produit continuellement du sens; il insère l'homme et la femme à l'intt5rieur d'un espace social et culturel donné. Le construit publicité forge, au gré de la période étudiée (19871997), des images de la femme et de l'homme qui ne permettent que des variantes accessoires. D'un côté, la publicité ramène fréquemment A des schèmes antérieurs et traditionnels. Plusieurs images publicitaires évoquent plus ou moins ouvertement la division et la hi6rarchie des sexes. D'un autre côté, la trace surprend: les femmes apparaissent dans des situations socialement valorisantes et les hommes dans des situations inhabituelles. 1. L'homme La publicité affirme, répète et martde: c'est masculin, c'est viril. L'homme de la publicité est un homme d'action plutôt qu'un être de réflexion. Bagarreur, cet homme est imprégné de l'esprit de compétition. Courage au combat, courage face à la peur, courage devant toute tâche à accomplir. Ce courage est d'ailleurs fort bien signifié dans les activités qui requièrent force, patience, vigilance et ténacité. Il est également exprimé avec beaucoup de convictions dans les scènes de construction, de défrichement de la forêt, de lutte contre le feu, etc. Ce qui compte donc, ce sont ces qualités masculines: énergie, dynamisme, efficacité, audace et vigueur. Les publicitaires ont d'ailleurs à leur disposition une large gamme d'images pour qualifier le masculin. Ce sont tout d'abord les images incarnant symboliquement la détermination: le marin bravant la tempête (figure C-247), l'explorateur de la brousse (figure C-248), le pompier (figure C-249) et l'escaladeur de massifs (figure C-250). Ce sont aussi les images incarnant la vitesse: le pilote de course (figure C-251), le pilote de moto (figure C-252), de bateau (figure C-253),d'avion (figure C-254), de formule 1 (figure C-255) ou de décapotable (figure C-256). Dans le secteur des parfums, les appels se réfèrent de plus en plus aux images de l'homme dans la société. L'obstacle est vaincu: le parfum ne «féminise» plus. Le sport est présenté dans les images publicitaires comme un suckdané de Ia vraie vie d'homme, comme une activité symbolique qui ressuscite l'aventure sur le mode du jeu. Le sport sert à inculquer les valeurs de virilité, de compétition et d'esprit sportif: le boxeur (figure C257), le skieur (figure C-258), le parachutiste (figure C-259), l'haltérophile (figure C-260), le joueur de soccer (figure C-261) et le joueur de tennis (figure C-262). Le personnage de l'homme viril est donc une des sources à laquelle la publicite puise ses thèmes les plus nombreux et les plus populaires. Le tatouage (figure C-263) est un exemple de virilité, de force et de rdsistance, toutes des qualités que l'on attribue au main. Toutes ces publicités constituent des formes différentes d'un même modèle. Les acteurs sociaux et les décors changent à chaque image mais l'image reste la même. C'est un homme fort et beau, tantôt habillé en tenue de sport, tantôt vêtu d'un élégant complet ou d'un smoking. La musculature de son dos ou de ses biceps est saillante. Sur ce plan, il faut accorder une attention toute particulière au cowboy (figure C-264). Philip Morris et d'autres entreprises font figurer depuis des années des cow-boys d'dure vide et des symboles tels le lasso (figure C-265), les bottes de cow-boys (figure C-266)et le chapeau (figure C-267). Voici l'interprétation de la publicité des cigarettes Marlboro, faite par Pierre Martineau: «Ces tatouages étaient les tatouages standards de la marine américaine et ce symbole &taitbeaucoup plus éloquent que les mots: "Voici un homme qui réussit, qui accomplit quelque chose." (...) Le tatouage a l'attrait de la licence, de la liberté, des histoires d'amour, et les hommes représentés plaisent aux femmes parce qu'ils semblent pleinement conscients de leur charme» (Martineau, 1959: 64 et 194). En somme, dans le construit publicitaire, une vraie vie d'homme, est associée à l'aventure: guerre, chasse, tempête, orage, feu, animaux sauvages, sensations fortes, vastes espaces, forêts, montagnes. Rasoirs, cigarettes et déodorants en appellent aux chevauchées fantastiques, mobilisent le Far West et la forêt vierge. L'homme est fort, dominateur, «connaissant>) -voire masculin. Pour symboliser la virilité, les images font référence à la pratique de certains sports. L'utilisateur est un amateur de montgolfière, il escalade les massifs escarpés que l'on devine derrière lui, il se promène seul dans la jungle, il pilote une formule 1, etc. Plus récemment, Primeau (1989) affirme que la publicité offre de nouveaux modèles qui ont en commun une préoccupation de consommation et de jouissance au présent: un hédoniste new look: jeunesse, mode, consommation, loisir, détente, séduction, pIaisir, humour. Les hommes véhiculent de nouveaux modes de vie, de oouvelles formes d'affirmation, des mythes associés au libéralisme. Le loisir, Ie rêve, la détente sont à l'image d'une élite <coisive» qui propose une nouvelle éthique de l'individualité. La différence entre l'homme traditionnel et l'homme moderne se précise. Le premier refusait de «paraiAtre>>: les caprices de la mode &aient bons pour les femmes qui ne se dbfinissaient pas par leur travail» (Primeau, 1989). La reprkntation classique de L'homme en publicité était attachée aux valeurs dominantes qu'étaient le travail, l'épargne, la reproduction, la sobriété. Même si l'envie de se différencier existait, «elle se montrait peu ou pas». Avec la publicité 1987-1997, la différence est aussi à inventer. Elle passe notamment par la capacité à créer, à générer son propre look, son mode de vie. Il est important de noter que la publicité place l'homme dans un rôle de pure décoration (figure C-268). Ainsi, dans sa façon de représenter les rapports humains, la publicité tend-t-elle de plus en plus à effacer la dichotomie homme-femme caractéristique des années soixante et soixantedix, c'est-à-dire celle qui conférait un statut inférieur au sexe féminin et une position dominante au sexe masculin. Les nouveaux hommes se centrent sur eux-mêmes. Les modèles culturels de la publicité proposent l'affirmation de soi par les loisirs, le plaisir, le jeu, l'humour, le risque, la culture de l'ephémère, avec la satisfaction du plaisir immédiat. On retrouve des hommes tendres, gentils, qui affichent leurs émotions. L'homme perd sa virilité traditionnelle et emprunte maintenant à la femme ses manières de penser, de sentir et d'agir. Enfin, l'homme-père découvre l'amour et la tendresse de l'enfant et devient homme séduisant (figure C-269), homme souriant (figure C-270) et homme objet sexuel (figure C-271). Cette redéfinition de la notion d'homme participe du refus du modèle traditionnel. 2. La femme Chez les femmes comme chez les hommes, le monde de la publicité a opéré un certain détour vers ce qui semble être devenu des valeurs nouvelles, qui sont de plus en plus ancrées dans la socikté. Par exemple, on montre désormais une kyrielle d'images publicitaires affichant des femmes au travail (figure C-272), indépendantes (figure C-273),à la recherche de l'aventure, dynamiques et actives. La femme au travail n'est plus montrée que dans des secteurs d'activité reconnus comme étant typiquement féminins: secrétariat, professions sociales et pédagogiques. La publicité ne présente pas forcément la femme comme épouse ou mère. La femme moderne montrée dans la publicité occupe une fonction sociale importante, elle apparaît libérée; elle commande. Les femmes sont cadres. La trentaine assurée, le portrait type de la femme de carrière désireuse de gravir les échelons hiérarchiques du pouvoir menant à la réussite sociale présente les traits suivants: agressive, bourreau de travail, libre de toute contrainte familiale et affective. Certaines images sont le lien, la jonction entre la femme nouvelle et sa ferninit6 actuelle/traditionnelle. La période étudiée marque en quelque sorte une mythologie pour le moins exotique: le régne des amazones. Une publicité vient offrir cette vision de la femme: Charlie (figure C-274). En adoptant les attributs traditiomeis de l'homme, la publicité n'invente rien. Dans cet univers où l'on se moque parfois de l'homme, la femme se voit attribuer les emblèmes de l'homme. Plusieurs éléments témoignent de cette recherche symbolique entre vestiges traditionnels et nouveaux impératifs culturels: les femmes flirtent (figure C-275), s'écartent les jambes (figure C-276), fument le cigare (figure C-277), dominent (figure C-278) et se moquent des hommes (figure C-279).En outre, des femmes s'exercent aux haltères (figure C-280), gonflent leurs muscles (figure C-281), s'entraînent (figure C-282), escaladent les montagnes (figure C-283), font de la planche à voile (figureC-284), enfilent les gants de boxe (figure C-285), jouent au hockey (figure C-286), conduisent une moto (figure C-287) ou jouent au soccer (figure C-288). De nombreuses publicités proposent une inversion des stéréotypes sexuels traditionnels. Ces publicités s'érigent par le fait même en une espèce d'hypertrophie de l'égalitarisme entre les sexes, mais où est établie comme référent à la norme, l'appartenance aux caractères «virilisés», mais toujours dans une enveloppe féminine. On montre, par exemple, une femme chef d'État (figure C-289). La publicité amorce en ce sens une tentative de composer avec les nouveaux modèles culturels de la femme tout en préservant les attributs de sa nature, dont la maternité (figure C290) et la beauté (figure C-291). En ce sens, l'appel à des thématiques classiques - femmes sensuelles, belles et jeunes - est un argument fort de cette catégorie. C'est ce qui explique peut-être que les femmes sont notamment présentées sous Ies traits de la femme offerte (figure C-292), de la femme nue (figure C-293), de la femme au regard aguichant (figure C- 294) et aux poses suggestives (figure (2-295). D. LE CORPS ET LA SEXUALITÉ Dans la publicitd, nombre d'images montrent la sensualité ou l'érotisme du corps. L'axe central est alors cefui du corps et de la sexualité. Plusieurs images du corpus représentent des femmes ou des hommes dans des positions suggestives. On montre aussi des femmes et des hommes qui flirtent (figure C-296). Visuellement, une illustration montre des jeunes femmes, poitrine offerte (figure C-297), couchées (figure C-298),jambes levées ou croisées (figure C-299), yeux fermés, tête renversée (figure C-300), lèvres entrouvertes (figure C-301), regard complaisant (figure C-302). Certaines images-surtout européennes-vont encore plus loin et expriment le sexuel en exposant la nudité totale (figure C-303) ou quasi totale (figure C-304). La trace offre les signes d'un auto-érotisme franc (figure C-305). Mais qui dit auto-érotisme, dit parcellisation de la chair, corps morcelé. On dénude les épaules et on met en valeur les rondeurs des fesses et des seins (figure C-306). On souligne les lèvres plus pleines et plus charnues de la femme au moyen de l'application de rouge à lèvres (figure C-307).On humecte les lèvres ou on utilise un rouge à Iévres brillant. On accentue ces signes sexuels en plaçant dans le décor des objets de forme phallique (figure C308). Sur le plan du vêtement, les personnages respectent les règles classiques. Les acteurs sociaux, hommes ou femmes, arborent des tenues légères: bas-culotte (figure C-309) et soutien-gorge (figure C-310). Les filles portant un vêtement particuli&rementcourt (figure C-31l), dénudant les cuisses, ont souvent recours à un signal-barrière pour protéger leur région génitale. Le vêtement dissimule pour exhiber, organisant la parade du désir et de la séduction. Par les décrets de Ia publicité, le corps se soumet à un imaginaire collectif qui l'érotise et qui socialise le désir en traçant les lignes de l'interdit. Le vibrateur (figure C-312), la poupée gonflable (figure C-3 13), l'allusion au rapport sexuel (figure C-314), le doigt qui égratigne (figure C-3 15) et un fantasme (figure C-316) sont montrés dans des publicités qui ne sont pas sans évoquer le chaos, la débauche dans l'ivresse, la luxure, l'excentricité, la perte de tout contrôle rationnel. Ainsi s'explique la sexualisation quasi automatique des objets de première nécessité et apparemment les plus étrangers à cette fonction: la trace associe la présentation de produits à des images évocatrices ou susceptibles a priori de provoquer des fantasmes (figure C-317). L'image devient une incitation au rêve; une sorte de flirt où seul le sexe est tabou. La publicité utilise le corps de l'homme aux mêmes fins (voir section C-1 ci-haut). Dans la @riode étudiée, tout se passe comme si la femme et l'homme obéissaient à un même canon de beauté. Mais exposer la femme- standard et l'homme-idéal, c'est abandonner la différence, ce qui équivaut à nier l'originalite de la diff6rence des sexes. L'homme-objet est en fait une décoration. L'acteur social est généralement immobile; il prend une attitude d'offrande. Il met t'accent sur son physique. À côté du sexe, on assiste ii l'exaltation mythique du corps sain ou, selon Baudrillard, à un véritable «culte médical», celui qui se manifeste par la conquête systématique et permanente de la forme et du rendement maximal, des gymnases. E. LE CULTE DE LA BONNE FORME PHYSIQUE Le sport (figure C-318) se présente dans la trace publicitaire comme l'un des modèles de l'éducation physique et de la bonne forme au sein des sociétés modernes. Plusieurs images publicitaires montrent bien combien l'imagerie du sport a conquis une place importante. On a identifié quatre thèmes dominants: modernité et décontraction, virilité, lieu sportifs et sports d'équipe. 1. Modernité et décontraction L'imagerie publicitaire relayée par les médias popularise le bien-être corporel et la bonne forme. Bien sûr, le sport, c'est d'abord l'article de sport, l'espadrille en particulier (figure C-319). Exposé, présenté, mis en scène, cet article s'affiche comme un objet fonctionnel. C'est une idéologie de la vie au quotidien avec des gens saisis dans leurs moments de jogging (figure C-320), de bicyclette (figure C-321), de baignade (figure C-322), de tennis (figure C-323),de patins h roues alignées (figure C-324), de racquetball (figure C-325), de baseball (figure C-326) ou de patinage (figure C-327). À la manière d'une arme offensive, la trace étale l'esprit &équipe, le goût de l'effort et la vitalité. Ici, la tension musculaire est le meilleur régulateur des tensions sociales. Le sport renvoie à la performance corporelle, avec des chances égales pour tous et à la victoire pour celui qui donne le maximum.Ce qu'il faut, c'est aller plus loin, plus haut, jusqu'au bout, s'accomplir. En un mot, c'est l'image du dépassement avec des sports cl&: saut B la perche (figure C-328),saut à la haie (figure C-329), course (figure C-330)et course à relais (figure C-331). Le sport vit au rythme changeant de la mode et des courants sociaux. En l'espace de dix ans, le marché de la chaussure de sport a pris un triple sens: économique, technologique et culturel. Jadis totalement incongru en ville, l'e corps actif au repos (figure C-332) est devenu un symbole clé de la trace publicitaire. La femme paraît globalement sportive. Plusieurs images publicitaires la présentent en train de faire des exercices divers, souvent en costume très moulant tandis que d'autres montrent des femmes qui font des actions reliées au loisir et à la détente; elles frappent des balles de tennis, font rebondir des galets sur l'eau d'un étang, elles se balancent, dansent. Aux femmes soucieuses de bien entretenir leur corps, la trace promet un modèle de féminité souvent calqué sur les pages de mode de leur magazine. 2. La virilité La trace met souvent en scène des sports d'affrontement, durs et violents, truffés d'agressivité, empreints d'investissements de toutes les valeurs de l'exercice physique le plus astreignant: entraînement exténuant pour le corps, valorisation de la force, comme les haltères (figure C-333) et la boxe (figure C-334). Dans certains cas, l'enjeu ne consistera plus à combattre ou à vaincre d'autres hommes, mais à maîtriser les éléments naturels: l'altitude, la pesanteur, l'eau, les vagues, le vent, la neige. Autant d'éléments que suggèrent les sports suivants: l'escalade (figure C-335), l'expédition (figure C-336), le cross-country (figure C-337), le parachutisme (figure C-338), le deltaplane (figure C-339), la montgolfière (figure C-340), le dragsters (figure C-341), le bobsleigh (figure C-342). le jet boat (figure C-343), l'avion (figure C-344, le surf (figure C-345), le voilier (figure C-346), le moto marine (figure C-347), le plongeon (figure C-348), le rafting (figure C-349), le kayak (figure C-350),le ski (figure C-351), le ski nautique (figure C-352), l'aviron (figure C-353),le canoë (figure C-354, la planche à voile (figure C-355)et le tir à l'arc (figure C-356). À l'inverse, quelques sports visent à garder la mobilité corporelle, à <<dégourdin>, à créer des moments de socialisation: le billard (figure C357) et les quilles (figure C-358). Certains sports sont aussi «à la mode» tels le rouli-roulant (figure C-359), le patin à roues alignées (figure C- 360), le vélo (figure C-361) et le voleybail (figure C-362). 3. Les lieux sportifs Dans la publicité, le sport, c'est aussi des lieux. Le stade (figure C-363) et les estrades (figure C-364)sont les territoires tribaux des temps modernes. Les partisans des équipes offrent des scènes aussi spectaculaires que colorées. La salle d'entraînement (figure C-365) avec son vestiaire (figure C-366) et son sona/douche (figure C-367) fait aussi partie du corpus. 4. Les sports d'équipe Cinq sports d'équipe sont représentés dans le corpus. Tout d'abord, le baseball dont les référents abondent: arbitre (figure C-368), vol de but (figure C-369), gant de joueur (figure C-370), lanceur (figure C-371), frappeur (figure C-372), bâton (figure C-373) et balle (figure C-374). Deuxièmement, le basketball, particulièrement Ie basketball extérieur, est rappelé par le ballon (figure C-373, le panier (figure C-376),un terrain (figure C-377) ou une séquence de jeu (figure C-378). Troisièmement, le hockey est évoqué par le chandail (figure C-379),le masque du gardien de but (figure C-380), un patin (figure C-381), un joueur (figure C-382), un gardien (figure C-383), une équipe (figure C-384), une phase de jeu (figure C-385)ou la coupe Stanley (figure C-386). Quatrièmement, le football, est suggéré par un terrain de football (figure C-387), un casque (figure C-388), un ballon (figure C-389) ou une séquence de jeu (figure C390), par exemple, ou un attrapé spectaculaire. Cinquièmement, le soccer, dont le but (figure C-391) et le dribble (figure C-392) restent les témoignages privilégiés. F. CONCLUSION En partant du principe que le corps est un symbole de la société, on a analysé la mise en scène du corps dans les images publicitaires, l'image du corps masculin et féminin, le corps sexuel et sa asportivationu. On s'est intéressé à la nature, la qualité et le sens des postures du corps pour obtenir une image du corps social construit par la publicité. 23 1 L'analyse sociologique de la trace publicitaire a montré que le corps marque la place de l'acteur social au même titre que le temps ou l'espace. Le langage non verbal constitue, dans les images du corpus, un aspect significatif de la mise en scène: normes particulières de développement et de croissance (normes de minceur, grosseur, musculature, etc.), conservation et entretien (exercice physique), présentation (soins esthétiques, vêtements), maintien (normes de bienséance, d'étiquette de bon goût), expression corporelle, gestuelle et théâtrale (normes d'expression affective, émotive) tant chez l'homme que chez la femme. Le corps humain représente une masse de signaux sexués: la moindre courbe, le moindre renflement, le moindre contour, transmet son signal de base: les seins, les fesses, les hanches, la taille, le cou, les membres arrondis de la femme, la poitrine mâle, les poils, les larges épaules, les muscles des bras et des jambes, tous ces éléments visuels constituent des signaux. Le rapport au corps, comme le discours sur le corps, étroitement liés, ne saurait être neutres. Le passage de la nature à la culture se fait précisément par la domestication du corps, éduqué, modelé, enfermé dans un réseau d'interdictions, de tabous et de pratiques rituelles. Le corps est une donnée culturelle, il est texte. Par le physique, les gestes, les postures, les vêtements et les parures, le corps se donne à lire. Par le jeu des connotations, le physique est signifiant. Le corps, en tant qu'instrument, précise les sens et significations. L'apparence globale de l'acteur social - corps, vêtements et accessoires - est un lieu de production et de reproduction intimement relié au collectif. Le corps se présente sous forme d'images (corps physique, sexué, sportif); des images qui renvoient au discours culturel. Chapitre VI1 L'imaginaire dans la publicité A. INTRODUCTION Au-delà du temps, de l'espace et du corps, l'analyse du corpus iconique permet de voir comment se construit l'imaginaire dans les images publicitaires. Le travail du mythe est alors celui d'une certaine figuration, d'un imaginaire. «La publicité est d'une manière une usine à imaginaire. (...) Les produits sont plus attirants quand on les présente dans un univers mythique rempli de personnages illustrés et de marques» (Randazzo, 1993: ix et 1). Dans cette thèse, on a identifié deux façons d'évoquer l'imaginaire dans les traces analysées: les personnages et le statut social. Dans tous les cas, le capital essentiel de ces images est l'imaginaire qu'elles véhiculent. Tous ces visuels de personnages mythiques et de statuts socials rappellent que la trace est une expression du fantastique. Ainsi, les images publicitaires cernent certains types héroïques, retiennent les personnifications d'un caractère, d'un pays, d'une ethnie, d'un sentiment ou d'un ensemble de sentiments. La trace publicitaire peut évoquer directement le luxe et le haut de gamme imaginaire. Dans sa quête d'imaginaire, la trace répète alors que le consommateur mérite «ce qu'il y a de mieux)). Ces signes extérieurs de <<classe» deviennent alors un ((droit naturel», une marque de progression sociale. B. LES PERSONNAGES ET LES ANIMAUX MYTHIQUES Parmi les personnages et les animaux de la publicite iconique qui ont été immortalisés dans les traces publicitaires, certains sont des vedettes consacrées par la bande dessinée, des «stars),des animaux domestiques ou sauvages. Mais tous ces personnages et ces animaux ont quelque chose de classique; ils sont conformes au goût traditionnel. C'est sur ces différentes représentations que s'agencera la trace publicitaire; ce sont ces créations graphiques ou fokloriques qui seront à la source des principales figures de la rhétorique, sous forme d'images. De là, la force de la structure élaborée comme approche publicitaire; car elle ne nie pas Iloriginalité des images, mais elle les ramène à des constantes, des sortes d'universaux - ou signifiants - qui travaillent entre eux. C'est ce tout imbriqué qui fait l'objet de cette section. On procédera ainsi à un repérage des personnages représentés dans les images publicitaires - personnages humains, stars, gens célèbres, personnages de contes et légendes, personnages institutionnels, personnages fictifs, animaux, insectes et poissons. Tous renvoient à un sens, immobilisé par une culture, à des rôles et des emplois stéréotypés, et leur lisibilité dépend directement du de@ de participation à cette culture. Ils assureront donc ce que Barthes appelle un «effet dc-réel» (Barthes, 1968). 1. Les personnages humains Dans cette section, on a fait une liste des différents personnages apparaissant dans les images du corpus et on les a regroupés selon leur provenance. L'analyse des images publicitaires permet de dégager cinq groupes de personnages mythiques. Le premier genre, le plus sollicité, met en scène ceux que l'on appellera, à la manière d'Edgar Morin, des «stars>> d'hier et d'aujourd'hui. Le deuxième groupe fait appel à des gens célèbres pour leurs réalisations dans des domaines aussi différents que le sport, la politique, les sciences ou les arts, que ce soit la peinture, la littérature ou la sculpture. Le troisième groupe rassemble des personnages fabuleux sortis tout droit des contes, légendes et mythes. Un quatrième groupe présente des êtres typés ou personnages institutionnels: médecins, marins, pères, etc. Une cinquième catégorie met en scène les personnages de bandes dessinées et une dernière regroupe des personnages fictifs créés spécialement comme mascottes ou porte-parole du produit. L'apparence physique, la posture et les vêtements de ces personnages sont porteurs de sens et peuvent dévoiler la différence entre les uns et les autres. Les vêtements révèlent qui ils sont ou ce qu'ils voudraient être. Tout comme les traits culturels, ces personnages prennent leur signification dans un contexte socioculturel particulier. Ils peuvent avoir des connotations historiques ou témoigner de l'appartenance. Ces personnages représentent une marque indélébile. Chaque personnage crée une similinide ou affiche une différence, évoque une distance ou un rapprochement. Ils racontent une histoire. 1.1 Les stars Champions sportifs, vedettes de la chanson et de l'écran, mais aussi personnages de bandes dessinées, la société est riche de personnages que la publicité propose aux regards des consommateurs. Nombreuses sont ces vedettes que la trace offre. Leur vie alimente le quotidien. Car la vedette n'est pas seulement admirée dans la seule activité oh elle triomphe, mais dans I'ensemble de son personnage. Elle offre des modèles de conduite et fait partie du monde familier des acteurs sociaux. 1.1.1 Les stars de cinéma d'hier Une revue en surface des stars permet de constater à quel point les stars d'hier semblent avoir une chose en commun: celle de valoriser l'idéologie de I'American way of Ive. Rien d'étonnant donc au fait qu'elles aient été sollicitées par la publicité. Chargée de vanter un tdlécopieur, la star de cinéma n'a qu'à se contenter d'affirmer qu'elle existe, et la trace peut se borner à la faire figurer dans son environnement immédiat. 11 est tout à fait superflu de demander à la star de dédarer qu'elle emploie ou qu'elle est satisfaite du produit annoncé; il suffit d'affirmer, de prouver par l'évidence, c'est-àdire en montrant la star près du produit, que l'objet existe dans le monde où elle vit. . On remarque que les stars disparues font les beaux jours de la publicité. Évidemment, l'avantage de ces emprunts posthumes en publicité est considérable: tous les disparus sont de braves gens. Par exemple, Canon (figure D- l), Philips (figure D-2),Hush Puppies (figure D-3) et McDonaldts (figure D-4)perpétuent le souvenir de Marilyn Monroe. On a ainsi rencontré dans des publicités des personnages comme Laurel et Hardy (figure D-S), les trois Stoodges (figure D-6),Ronald Reagan (figure D-7) et Elvis Presley (figure D-8): ce sont à la fois des héros mythiques et des stéréotypes. Ils ont alors comme fonctions diverses de figurer, investis par délégation de pouvoir, comme les protagonistes d'une épopée ancienne. 11 en est de même de la plupart des héros de western, qui ont pour mission de faire dériver l'histoire vers le mythe. Certaines images renvoient non pas à l'acteur comme tel, mais plutôt à un rôle clé qu'il a déjà joué. L'un des meilleurs exemples de ce détournement est sans aucun doute celui de IBM en regard de Charlie Chaplin (figure D-9) ou Charlot. C'est sous le nom de Charlie que le héros de Charlie Chaplin a connu une gloire universelle. Son chapeau melon, ses grands souliers, sa fine moustache, son pantalon qui tombe, son visage de clown et sa fameuse canne lui donnent une allure sympathique. 1.1.2 Les stars de cinéma d'aujourd'hui Les stars d'aujourd'hui sont également mises à contribution dans le corpus. Ding (figure D- IO), Brooke Shield (figure D- 11), Elizabeth Taylor (figure D- 12), Stevie Wonder (figure D-13), Cindy Crawford (figure D-14), Bill . - Cosby (figure D-15),Rock et Belles Oreilles (figure D-l6), La Poune (figure D-17),Oncle Georges de Lemire (figure D-18) ou Marina Orsini (figure D-19) sont autant d'exemples où des vedettes sont accolées à des produits. 1.3 Les gens célèbres La trace montre des porte-parole connus dans le cadre de plusieurs situations. Dans la plupart des cas, ils jouissent d'une notoriété, laquelle découle de réalisations exceptionnelles. Le corpus a permis d'identifier quatre grandes catégories de personnages célèbres autres que les vedettes du cinéma. Ce sont en premier lieu des sportifs, des politiciens, des peintres/écrivains/musiciens/découvreurset des savants. 1.2.1 Les sportifs Le sport est aussi un spectacle. L'image du sport-spectacle est, à cet égard, partie intégrante de l'univers publicitaire. Or, qui dit spectacle dit vedette. Pas plus que le show-business, le sport n'échappe au star system où les vedettes sont invitées à appuyer des produits qu'ils n'utilisent pas nécessairement. Le lien est encore plus ténu quand le hockeyeur Wayne Gretzky (figure D-20) encourage les gens à s'assurer chez Travelers, ou lorsque l'athlète Myriam Bédard (figure D-21) fait la promotion de La Métropolitaine. Contrairement aux vedettes du grand écran, et à quelques exceptions près, les sportifs de .IP-périodeétudiée (1987-1997) sont ceux qui semblent avoir la faveur. Les Michael Jordan (figure D-22), Pat Burns (figure D- 23), Jacques Derners (figure D-24),Patrick Roy (figure D-25),Guy Lafleur (figure D-26), Maurice Richard (figure D-27), Babe Ruth (figure D-28), O.J. Simpson (figure D-29) et Andre Agassi (figure D-30), parmi d'autres, font les délices des fabricants d'espadrilles et autres produits. 1.2.2 Les politiciens et les militaires Contrairement à ce qu'on pourrait croire a priori, la trace recourt assez souvent aux politiciens et militaires d'hier et d'aujourd'hui. Dans des scènes inhabituelles, ou dans des postures classiques, ces personnages politiques semblent alors transcender les époques. Plusieurs des personnages du corpus ont été rendus célèbres par des conflits armés tels Hitler (figure D-31), Churchill (figure D-32) et Saddam Hussein (figure D-33). D'autres, comme Mao (figure D-34), ont fait les beaux jours de la guerre froide. D'autres encore sont des membres de l'ancienne Union Soviétique, tel Gorbatchev (figure D-35). Dans ce dernier cas, l'intertextualitéjoue son tôle. Le signe Gorbatchev migre prenant tour à tour appui sur une voiture ou une bière. Les images publicitaires permettent de réaliser à quel point les personnages américains sont importants: Reagan (figure D-36),George Bush (figure D-37) ou Norman Schwarzkopf (figure D-38). Dans ce panthéon, il faut aussi noter la présence du prince Charles et de Lady Di (figure D-39) et de Henri IV (figure D-40). On suggère . - Napoléon (figure D-41) avec le chapeau caractéristique. On remarquera aussi des figures comme Ghandi (figure D-42) et Cléopâtre (figure D-43). 1.2.3 Les peintres/chanteurs/découvreurs À côté des stars du petit écran, des vedettes sportives et des politiciens, il y a un autre groupe de personnages célèbres pour leur apport à la littérature, leur esprit d'aventure, leur talent de musicien, de chanteur ou de peintre. Ce sont des découvreurs comme Colomb (figure D-44), Cook (figure D43, Cartier (figure D-46) et Champlain (figure D47); des peintres comme Picasso (figure D-48) et Dali (figure D-49); et des chanteurs comme Fernandel (figure D-50) et Montand (figure D-51). 1.2.4 Les savants Quelques savants s'inscrivent aussi dans l'imagerie publicitaire, tels Einstein (figure D-52) et Freud (figure D-53). Dans cette catégorie, Léonard de Vinci (figure D-54) reste toutefois le personnage le plus populaire et dont on fera l'évocation par son tableau de la Joconde (figure D-55). Cette dernière trace servira d'ailleurs de mise en scène à une Iotterie, un téléviseur, un lunettier et une chaîne de restauration rapide! 1.3 Les personnages de contes et de légendes Certaines publicités puisent aux «motifs» ou épisodes fantastiques de l'imaginaire des contes et légendes: potion magique, parfum mystérieux, montagne qui se déplace, etc. Grâce à l'imagination, rien n'est impossible. Les traces publicitaires reprennent ainsi des contes de fée, des héros de romans célèbres où des personnages légendaires répondant aux éternelles 3 questions: à quoi le monde ressemble-t-il vraiment? Comment vais-je vivre? Comment faire pour être vraiment moi-même? Aujourd'hui le rôle . . du conteur est de plus en plus dévolu à la publicité et au cinéma qui savent narrer le merveilleux et l'extraordinaire. Dans son livre L'enfant et la publicité, Jean-Noël Kapferer explique que la publicité provoque le même plaisir que les contes de fées. «Ce rituel d'attention répétitive et source de plaisir rappelle à s'y méprendre celui lié aux contes et histoires racontés autrefois aux parents par les grandsparents, au point qu'on a pu dire qu'elles [les publicités] étaient les contines des temps modernes» (Kapferer, 1985). Ce sont ces références à des personnages de la littérature orale faites par la publicité iconique renvoyant directement au corpus des contes que l'on va maintenant tenter d'expliquer. À première vue. les personnages de contes de fées de la publicité apparaissent comme une flore capricieuse éclose ici et la à travers le temps. Mais, si on prend la peine d'examiner le contenu de ces récits magiques, on s'aperçoit que dans toutes les images publicitaires, le canevas est immuable, de la même manière qu'il l'était et l'est encore dans les récits indoeuropéens diffusés dans tout l'Occident. Les éléments du conte sont les suivants: un château ou une demeure seigneuriale, un vieux roi, une sorcière, une princesse, un prince charmant, une forêt enchantée, une mer, une source ou une fontaine, un char volant, des oiseaux et des animaux fantastiques, des objets magiques, des @ants et des nains (Loeffler-Delachaux, 1949: 8-9). La sorcière, la fée et la magicienne sont filles d'une longue histoire, que les légendes ont habillées et animées. Le prince et la princesse (figure D-56) sont l'idéalisation de l'homme et de la femme, dans le sens de la beauté, de la jeunesse, de l'héroïsme et de t'amour, l'amour tout-puissant. Dans les contes, le prince est souvent la victime des sorcières. Il ne recouvre alors sa forme princière que sous l'effet d'un amour héroïque. Sa récompense ultime est l'amour total de la plus belle femme du royaume, qui se trouve être, souvent, la fille du roi. Celle-ci est accordée au héros en récompense de son audace et de son courage, alors qu'il a délivré les gens du royaume. En procédant au dépouillement de publicités, la sorcière (figure D57), antithèse de l'image idéalisée de la femme, est reconnaissable à son chapeau et son balai. Elle est déguisée de façon hideuse et diabolique, servante du diable. Le cavalier ou chevalier du roi (figure D-58) est le symbole du triomphe, de la gloire. Sur sa monture, il lutte contre les forces du mal. Courageux et plein d'endurance, il protège avec son bouclier et son épée. A l'inverse, le fou du roi (figure D-59) est celui qui fait rire, celui dont on se moque. Les nains et les lutins (figure D-60) sont associés aux grottes, aux cavernes, aux trésors cachés et aux flancs des montagnes. On leur prête des < - pouvoirs magiques, comme en détiennent les génies ou les démons. Leur petite taille les a fait assimiler à des êtres insaisissables. Au début des années 1990, Bell montra les trois mousquetaires (figure D-61) pour faire la promotion de ses téléphones. En 1993, McDonald's proposait une version moderne des contes. On montra aussi la Belle au bois dormant, Cendrillon et le Petit Chaperon rouge. Le Petit Chaperon rouge (figure D-62) est sans doute le personnage de conte le plus célèbre de la publicité. Chargée par sa mère d'apporter à son aïeule une galette et un pot de beurre, elle rencontre un méchant loup. Cette vision amusante d'un Loup permet d'illustrer les galettes de Pleyben. La Belle au bois dormant (figure D-63), cette célèbre jeune fille, est réveillée par le baiser du Prince charmant. Cendrillon dont le personnage reste intimement lié aux chaussures (figure D-64)et à la citrouille (figure D-65) est une fille malheureuse, maltraitée, qui épousera un beau prince, grâce à un soulier qu'elle peut chausser. Pinocchio (figure D-66) occupe une place importante dans la publicité destinée aux enfants. II manifeste, pour camoufler ses fautes, une extraordinaire propension au mensonge, que dévoile malicieusement l'allongement progressif de son nez. Dans la même lignée, Polichinelle (figure D-67), une figure très populaire du théâtre de marionnettes qu'on retrouve aussi dans la publicité, sera le plus souvent affublé d'un nez crochu. La publicité met en scène toute une série de personnages effrayants, méchants, qui ont peuplé l'imaginaire et fait frissonner à peu près tous les enfants. Le vampire (figure D-68), un trépassé censé sortir de son tombeau, vient sucer le sang des vivants. Dracula, le plus connu des vampires, est la personnification de l'horreur, de la mort et parfois du démon. Célèbre pour sa cruauté et son goût pour le sang, Dracula vit en Transylvanie (figure D-69) et montre des dents étrangement longues qui lui servent pour recueillir le sang à la source: la gorge de ses victimes. Les sirènes de mer (figure D-70) sont des personnages issus d'un épisode célèbre des poèmes homériques, L'llliade et l'Odyssée, que la publicité a depuis transformés en belles femmes. Le corpus montre également des pirates (figure D-71). Le revenant qui réapparaît sur terre matérialisé en fantôme (figure D-72) symbolise les êtres de l'au-delà. Le loup-garou (figure D-73), Frankeinstein (figure D74), Ie dragon (figure D-73, le monstre (figure D-76), le dinosaure (figure D-77) et le cheval de mer (figure D-78) symbolisent la peur et le danger. Plus récemment, certains de ces personnages ont ét6 remplacés par des extra-terrestres (figure D-79) et des robots (figure D-80). 1.4 Les personnages institutionnels Un quatrième groupe de personnages montrés par la publicité regroupe des - individus dits «institutionnels», parce qu'ils appartiennent à des métiers et occupations du monde contemporain. Ces gens anonymes porteurs de l'idéologie de la société n'ont d'original que leur identification à un groupe d'âge, à un pays, à une fonction qu'ils occupent ou à un rôle qu'ils jouent. Les personnages institutionnels ne sont ni des stars, ni des génies, ni des héros mythiques; ce sont des «gens ordinaires)). L'âge, le statut social et le sexe, sont des éléments importants de l'identité qui précisent le caractère de certains de ces personnages. L'image publicitaire établit donc des rapports de pouvoir basés sur l'âge, le sexe, la classe sociale. Ainsi les personnages se situent, agissent ou se solidarisent, ou au contraire se distinguent, tantôt selon leur âge, tantôt selon leur culture, ou encore selon leur situation sociale. Les personnages principaux de ce type ainsi que ceux qui gravitent autour d'eux partagent un certain nombre de clichés qui les font distinguer. On peut supposer alors qu'ils représentent des formes culturelles et deviennent des clichés réducteurs. Par exemple, les Japonais sont vus comme des gens calmes et polis qui ne craignent pas le travail, les Mexicains sont lâches, les Français sont des séducteurs et les cheiks arabes sont riches. Le publicitaire peut arriver à constituer l'image d'un personnage au moyen des diverses particularités apparentes ou caractéristiques qui se dégagent du personnage lui-même (figure D-81). Les financiers (figure D- 82) trouvent écho dans la publicité pour deux raisons: l'argent est fortement associé dans l'imaginaire publicitaire àscs qui est désirable (voir la section portant sur le statut social imaginaire), et en même temps parce qu'il représente le pouvoir. Le cow-boy (figure D-83) est vu comme un type viril et aventurier. Le prisonnier (figure D-84) et le voleur (figure D85) n'ont pas une existence normale, ils sont des êtres en marge. La captivité, c'est Le sort réservé aux vaincus. Leur image sugghe un itat qu'il faut 6viter. Les autres personnages typés rencontrés dans le corpus sont le militaire (figure D-86),le savant (figure D-87),Le travailleur manuel (figure D-88),le chef cuisinier (figure D-89),le clown (figure D-90),le motard (figure D-91) et le détective (figure D-92). Depuis Barthes, les sociologues qui tentent d'établir le registre de l'image publicitaire conviennent que tous ces personnages deviennent rapidement des stéréotypes ou des archétypes. Par exemple, la blouse blanche signifie la compétence technique tandis que le bleu de travail manifeste la condition de travailleur subalterne. À la lumière des exemples qui précèdent, on remarquera d'ailleurs que la première fonction de i'habillement dans la publicité non axée sur la promotion du vêtement, est la création d'un environnement, d'un espace. II confère à ('image un style ou lui transfere ses propriétés. Dans certains cas, il est à lui seul le style de l'image. Quelquefois, c'est même le vêterrtent qui sert de slogan, qui impose le style. Le vêtement renvoie le plus souvent à l'image de marque de L'élite (l'image cocktailfcroisière, en smoking ou en robe du soir décolletée) ou à l'image d'une société jeune, libérée et communautaire (jeans), érotique (le cuir et la Iingerie), rockeuse, sportive (coton ouaté, culotte de jogging) (Gourévitch, 1985. 42-47). Le vêtement va de pair avec la définition et le rôle des personnages. Comme l'indique Barthes, un costume ou un habillement quelconque permet à l'individu d'indiquer à autrui qu'il fait ceci, qu'il est cela. Tel ou tel vêtement renvoie à une activité spécifique, inscrite dans un espace-temps précis, de même qu'à une identité particulière de la personne; il est question tantôt de fonctions ou de situations, tantôt de valeurs ou de goût. Dans la trace publicitaire, la valeur protectrice du vêtement n'est pas plus importante que sa forme: son vêtement et ses accessoires décoratifs établissent le premier degré de reconnaissance sociale. Chaque individu, masculin ou féminin, enveloppé dans un complet-veston ou une robe, porte un certain nombre de signes qui permettent par la couleur de sa cravate, son type de chaussures, la qualité des tissus, le parfum utilisé, de le situer avec précision dans l'édifice social. On assiste finalement à une standardisation par types ou personnages en accord avec un ensemble de nomes d'une collectivité ou des positions sociales. 1.5. Les personnages de la bande dessinée Dans cette catégorie, Superman (figure 1)-93)demeure l'un des mythes les plus forts de la publicité. Échappé de la planète Krypton, il consacre son existence à combattre le mal. L'intérêt du personnage réside dans la duplication héros et ((homme-de-tous-les-jours. Plusieurs autres personnages de bandes dessinées sont réputés pour leur force. Doués d'une énergie surhumaine, Indiana Jones (figure D-94) s'attaque aux Nazis. Popeye (figure D-93, le héros aux avant-bras d'haltérophile a deux passions: sa douce Olive et sa boîte d'épinards. Certains personnages de bandes dessinées sont étroitement associés à un pays. Un des héros les plus célèbres de la bande dessinée, Tintin (figure D96), reste le petit reporter belge à la mèche rebelle accompagné de son chien fidèle. Bugs Bunny (figure D-97), Snoopy (figure D-98) et Bart Simpson (figure D-99) sont essentiellement de petits êtres sympathiques. 1.6 Les personnages fictifs Une dernière famille de personnages imaginaires est celle de tous ces petits caractères (characters en anglais) qui agissent comme porte-parole. Parmi Les plus connus et les plus presents, nommons: l'insecte Raid (figure D100), le colonel Sanders (figure D-101), Joe Came1 (figure D-102), le réparateur Maytag (figure D-103), la mascotte Youpie (figure D-104), le capitaine High Liner (figure D-LOS), le doigt des Pages jaunes (figure D106), le clown Ronald McDonald's (figure D-107), le pichet Kool-Aid (figure D-log), Monsieur Net (figure D-109) et le petit bonhomme Pillsbury (figure D- 110). 2. Les animaux et les insectes Dans la tradition culturelle occidentale, la présence rassurante de l'animalfétiche existe dès l'étape de la petite enfance. Depuis le lapin et l'ours en peluche jusqu'aux animaux mis en scène par d'innombrables messages visuels, le canard (Donald), le chien (Pif) et le cheval (Jolly Jumper) sont autani de supports utilisés pour illustrer l'image publicitaire. En publicité, chaque unité du bestiaire est porteuse d'une image précise. Cela permet d'évoquer des comportements stéréotypés. On y trouve des animaux qui furent présents sur l'arche de Noé, d'autres qui bercent l'imagination, comme les licornes ou les dragons. Si une espèce a l'air farouche, elle devient un symbole guerrier; si elle a l'air caressant, elle devient un symbole de l'enfant. La, les animaux ne sont plus euxmêmes, ils représentent certaines idées ou sont Les substituts de sentiments humains. On entre alors dans le monde complexe et fascinant des images, emblèmes d'animaux. Dans cette section, on va passer en revue les animaux privilégiés comme signifiants publicitaires, mais comme on le verra, les limites d'un bestiaire symbolique mythique ne sont pas aisées A établir. L'animal (figure D-1 I l ) est en effet l'objet même d'un mythe, celui des caractères attribués en considérant ses traits propres et immuables. Acteurs principaux, personnages rélégués à des rôles secondaires, ou partageant la vedette, les animaux, selon ce qu'ils représentent, occupent une place de tous les instants dans l'image publicitaire. Tous les archétypes se retrouvent dans l'animal. Qui ignore que la cigale est insouciante et la fourmi, travailleuse? Si l'observation scientifique a joue un rôle important dans l'établissement des particularités du monde animal, certains récits ont laissé des impressions marquantes dans la mémoire populaire. La Fontaine, dans srs fables, ne faisait que projeter sur un monde qu'il observait les mythes qui avaient nourri sa propre culture, et i l en est de même pour un très grand nombre d'écrivains, tels Renard, Pergaud, Genevoix. 2.1 Les chiens et les chats Parmi les animaux domestiques, le chien (figure D-112) et le chat n'en finissent plus d'amuser la galerie. Pour un, le chien devient indispensable à la moindre familie heureuse (figure D- 113). C'est l'animal montré comme étant le plus proche de l'homme. Il est au service de celui-ci avec une inconcevable fidélité; il est Le meilleur ami de l'homme (figure D-114); il lui présente son journal (figure D-1 lS), il sert de gardien, il montre la piste du bandit (figure D-116) et il devient méchant et assaille férocement celui qui l'approche de trop près, ou il menace de s'attaquer au bandit (figure D-117). Tous les genres de chiens, du plus racé au plus jeune, trouvent leur place dans la publicité (figure D-118). Le chat (figure D-119) tient lui aussi une place de choix dans le corpus publicitaire. Nonchalant, le chat noir (figure D-120) séduit pas sa beauté. Souvent, il représente la féminité, la souplesse, la longévité. Dans la chaleur du foyer, il jouit d'une relation privilégiée avec les humains. Autant de traits de caractère qui font du chat un animal distingué qui figurera dans des scènes aussi variées que celles du chat perché dans Les hauteurs (figure D-121) ou du chat violenté (figure D-122). Le chat est souvent mis en rapport avec le chien (figure D-123) et les poissons (figure D- 124). 2.2 Le cheval te cheval est indissociable des chevauchées (figure D-125),des courses (figure D-126), des montées et des chutes. Les particularités anatomiques du cheval (la crinière, les naseaux, l'encolure, la croupe, la queue et les sabots) et les objets qui lui sont associés, comme le fer à cheval, fournissent tout un réseau de métaphores. C'est ainsi que le cheval se rattache à des thèmes aussi différents que la métamorphose, la conquête et l'élévation. Pégase, le cheval ailé, est masculin et suggère la légèreté. C'est le symbole de la pétrolière Mobil. En général, le cheval est symbole de statut (figure D- 127), de force, de puissance créatrice et de jeunesse. Les chevauchées solitaires des cowboys et les charges héroïques de cavalerie contre les Indiens ont bâti l'image du cheval conquérant. Ce mythe a été abondamment véhiculé par la publicité. Le cheval blanc ailé (figure D-128) et la licorne (figure D-129) constituent deux archétypes fondamentaux de la publicité. La familiarité qu'entretient l'homme avec le cheval, le respect dont il l'entoure à plusieurs titres pour les services qu'il rend, les multiples qualités qu'on se plaît à lui reconnaître, en font un animal de choix. Pour cette raison, l'image du cheval qui souffre (figure D- 130) est intenable. Seul le serpent le dépasse peut-être en subtilité dans le bestiaire symbolique. 2.3 Les animaux sauvages Les animaux sauvages, plus particulièremerrt le lion, le tigre et le crocodile, occupent une place relativement importante dans la liste des animaux les plus souventes fois utilisés par les publicitaires alors que le serpent et l'araignée se font plus rares. Certains aniinaux sauvages comme le kangourou (figure D- 131), le panda (figure D-132), le koala (figure D-133),le porc-épic (figure D-134) et le rhinocéros (figure D-135) apportent aux annonces le souffle nécessaire à l'exotisme. La girafe (figure D- 136) se caractérise par son long cou; elle suggère la lenteur, la démesure. Le chameau (figure D-137) est avant tout la monture qui aide à traverser le désert. Le zèbre (figure D-138), avec son pelage rayé, évoque l'exotisme. Vivacité et beauté: telles sont les qualités qui ont fait de la gazelle (figure D-139) un symbole repris par la publicité. Le crocodile (figure D-140) s'apparente au dragon. Sa grande gueule lui donne l'apparence de l'animal le plus vorace. Sa peau rugueuse évoque la sécheresse. Le singe (figure D-141) est bien connu pour son agilité, son don d'imitation, sa bouffonnerie. Sa ressemblance avec l'homme sert à illustrer l'évolution des espèces (figure D-142). Son goat des bananes (figure D143) est Légendaire. Quant au gorille (figure D - M ) , c'est le balourd, l'animal maladroit dont le physique inspire le respect. Image vivante de la lourdeur, de la robustesse et de [a maladresse, l'éléphant (figure D-145) symbolise la force, la longévité et l'entêtement. Dans le langage populaire, on lui attribue une mémoire exceptionnelle. On parlera alors de «mémoire d'éléphant» (figure D-146). Parmi les félins, le tigre (figure D-147) évoque d'une manière générale les idées de puissance et de férocité. Beau, cruel, rapide, il fascine et terrifie. II est grand et puissant même s'il n'a pas la dignité du lion. La panthère (figure D-148) et le léopard (figure D-149)sont des animaux de grande force dont l'attaque soudaine est impitoyable. Le construit publicitaire en a fait des êtres de fierté, de férocité en même temps que d'habileté et de force. Le lion (figure D-150) est puissant et vigoureux. Debout, il est très menaçant. Il suggère la force et le courage. Dans les cirques, le dompteur de lions met sa tête dans la gueule de l'animal (figure D-151)comme pour défier sa puissance. Le serpent (figure D-152)est un signe de danger et un symbole du paradis (figure D-153). 2.4 La faune traditionnelle A priori, la liste des animaux familiers apparaît illimitée. En raison de sa couleur blanche et de son comportement, le mouton (figure D-1%) suggère le sommeil. Le bison (figure D- 155) est farouche.. L'ours (figure D-156)est en général un symbole guerrier tandis que I'ours polaire (figure D-157) suggère le froid. Quant à l'ourson (figure D-1581, il fascine les enfants. Affamé, prolifique et nocturne, le rat (figure D-159) est une creature redoutable, voire infernale, alors que la souris (figure D-1601, avec ses grandes oreilles, son fromage et le pikge dans lequel elle tombe, est un petit animal familier. Le petit cochon rose (figure D-161), avec la queue en tire-bouchon (figure D- l62), figurera la tirelire, l'idée d'épargne ou d'économie. Dans l'imagerie populaire comme dans la publicité, le loup (figure D- 163) apparaît comme un animal feroce. Le lapin (figure Il-164)est un petit animal délicat et sympathique. Contrairement à la tortue (figure D-165)qui est lente et immobile, le lapin est clairement lié à la vitesse, à l'endurance, A la chance et aux carottes. En publicité, sa progénitude nombreuse et renouvelée sert à illustrer la la rapidité, la multitude et ta fécondité. Le bélier (figure D- 166) représente avant tout la fécondité et \a vie, et ses caractéristiques ont fait qu'il occupe une place non négligeable dans la publicité. Ardent, mâie, instinctif et puissant, le bélier symboiise la force farouche; il allie la fougue à l'obstination. Ces caractéristiques attestées à travers de nombreux mythes et coutumes sont reprises dans la trace. Le taureau (figure D-167) évoque l'idée de puissance virile, de fougue irrésistible. C'est le mâle plein de vitalité. En général, il symbolise le déchaînement. Ses cornes évoquent la puissance. C'est d'ailleurs, d'une façon générale, la signification que l'on donne aux animaux qui portent des cornes. La vache (figure D-168) avec ses taches, son pis, son gros nez et sa tête représente la terre noumcière. 2.5 Les oiseaux L'oiseau (figure D- 169) traduit généralement la liberté et la légèreté, surtout lorsqu'il s'envole (figure D- 170). Toutefois, l'oiseau peut devenir un être maléfique, un oiseau de malheur. C'est plus particulièrement le cas des oiseaux de proie (figure D-171), mais aussi d'oiseaux diurnes comme le corbeau, ou nocturnes comme la chauve-souris. Symbole de la naissance, de Pâques et du printemps, l'oeuf' (figure D- 172) participe à la reprbsentation des valeurs de repos comme le font la maison, le nid et la coquille. L'aile marque l'envol, I'allégement, la liberté, le mouvement aérien et léger. La plume (figure D-173) représente la légèreté, la caresse. La trace multiplie les références aux oiseaux. Le corpus contient des oiseaux sur un fil électrique (figure D-174),qui se déplacent dans un vol en forme de «V» (figure D-175),qui servent de cibles à la foire (figure D- 176). De nombreux genres d'oiseaux trouvent leur place dans la publicité: la poule (figure D-177),le canard (figure D-178)et le flamant rose (figure D-179). La cigogne (figure D-180),un oiseau de bon augure, se charge d'apporter les nouveau-nés. Parce qu'il n'affronte pas la lumière du jour, le hibou (figure D-181)est associé à l'obscurité, à la nuit, à la retraite solitaire et à la mélancolie. Le pivert (figure D-182)protège et sécurise. Le cygne (figure D-183) est un oiseau dont la blancheur et la grâce symbolisent l'élégance et la pureté. Il est mis en scène dans une publicité de papier hygiénique. Avec son long cou, l'autruche (figure D-184)évoque celui qui refuse ou qui évite la confrontation, qui ne voit pas le dan,oer ou feint de l'ignorer. L'aigle (figure D- l S ) , que L'on retrouve dans plusieurs récits fabuleux, est signe de force, de puissance et d'invincibilité. II est considéré comme le rapace le plus fort, Ie plus majestueux et le plus fascinant (Chevalier et Gheerbrant, 1982). Le coq (figure D-186)est connu comme étant l'emblème de la vigilance. C'est aussi un symbole solaire parce qu'il annonce l'amvée de la lumière naissante par son chant au lever du soleil. 2.6 Les insectes Dans l'imaginaire publicitaire, la catégorie des insectes (figure D-187) n'est pas celle que retiennent les biologistes: elle comprend plutôt l'ensemble des petites bêtes qui piquent et broient, aspirent et taraudent; celles qui détruisent les récol tes, comme les parasites. La publicité s'est depuis longtemps plue à mettre en scène des insectes comme le ver (figure D-188) ou la mouche (figure D-189). Sans cesse bourdonnantes, tourbillonnantes et mordantes, les mouches et autres petits moustiques sont des êtres insupportables qui se multiplient sur la pourriture, colportent les germes de maladies et défient toute protection. En Occident, l'araignée au ventre froid et aux pattes velues, guettant et étouffant sa proie, évoque l'horreur et provoque généralement la répulsion. Bien qu'elle soit synonyme de malediction, l'araignée est aussi le symbole de la vie avec sa toile (figure D-190). L'abeille (figure D-191) est infatigable; elle symbolise le travail, la vie organisée et la discipline. En tant que membre d'une collectivité laborieuse, elte rappelle cette union appliquée, organisée reprise par la ruche d'abeilles (figure D- 192). Familièrement, l'escargot (figure D-193) représente la lenteur, à l'opposé de la fourmi qui fait montre d'une activité industrieuse, de vie organisée et de prévoyiime. De son côté, la fourmi (figure D-L94)est le symbole de la prévoyance et de la vie organisée. II faut ranger le papillon (figure D-195) parmi les insectes qui évoquent ia légèreté. Un autre aspect de son symbole est fondé sur ses métamorphoses: la chrysalide et la chenille (figure D-t 96) incarnent les potentialités de l'être; et le papillon qui en sort est un symbole de transformation corporelle. 2.7 Le monde de l'eau Plusieurs poissons et batraciens (figure D-197) sont présents dans l'imagerie publicitaire: le pingouin (figure D-198), la tortue (figure D- 199), la pieuvre (figure D-200), le poisson-scie (figure D-201)et le poisson rouge (figure D-202). Le poisson est un symbole de vie et de fécondité en raison de sa prodigieuse faculté de reproduction et de l'abondance de ses oeufs. Les poissons ne sont pas non plus sans rappeler les «histoires de pêche» (figure D-203), la loi du plus fort (figure D-204), l'attrape-nigaud (figure D-205) et la mauvaise haleine (figure D-206). La baleine (figure D-207), le plus gros cétacé, suggère l'ampleur, la démesure. Le dauphin (figure D-208) est un symbole de régénérescence liée à celle des eaux où il vit et évolue avec aisance. Il incarne la grâce et {'élégance. Les piranhas (figure D-209) et les requins (figure D-210) ont été élevés, par l'angoisse de quelques explorateurs et par des récits terrifiants, au niveau d'un fantasme mythique qui en fait des carnassiers d'une extrême voracité. II est d'ailleurs intéressant de noter la migration de la trace requin. Comme dans le cas de la Joconde, le requin sert à toutes les causes: croustiiles, restaurants, vêtements, voitures (Ford et Volvo), une ligne aérienne, une chaîne de télévision et l'Ordre des Dentistes. Les différentes phases de développement de la grenouille (figure D21 l), du têtard jusqu'au batracien, ont donné naissance à l'allégorie de la transformation. Les sirènes (figure D-212) sont de véritables monstres de la mer avec tête et poitrine de femme. C. STANDING ET PUBLICITÉ Dans toute société industrielle, rappelle le sociologue Thorstein Veblen, l'assise la plus fondamentale du bon renom, c'est la puissance +uniaire; «cette consommation, on la retrouve dans la publicité du plus bas échelon social au plus haut. Aucune classe de la société, même si elle se trouve dans la pauvreté la plus abjecte, ne s'interdit toute habitude de consommation ostentatoire» (Veblen, 1978). S'il faut se fier au construit publicitaire, le style que procurent des vêtements à la mode, un équipement de golf ou une nourriture recherchée mettra n'importenc;2ià son aise en lui donnant l'impression qu'il fait vraiment partie de l'élite. L'objet de prestige se distingue donc des autres par ses caractéristiques propres. En toute logique, sa promotion doit s'attacher A valoriser ses qualités spécifiques. Sur le plan iconique, de nombreux signifiants conduiront à l'expression de la richesse, de la noblesse ou du prestige. Le recensement des éléments constitutifs des traces publicitaires conduit à un relevé des caractéristiques propres à l'image pubiicitaire des produits de luxe: les personnages, les objets, la marque, la culture, les espaces de la richesse, les sports et les loisirs, et l'argent. Le corpus révèle la présence de modèles archétypaux qui frappent par leur variété. Mais les conditions nécessaires à la constitution d'un produit ou d'un service de luxe apparaissent évidentes, sont presque des clichés. De leur combinaison et de leur dosage vont naître les conditions suffisantesh la naissance et au su& 1. d'un produit. Les personnages La quasi-absence de personnages constitue une première caractéristique importante de la publicite de luxe. On peut donc penser que la rareté des personnages distingue les publicités relatives aux produits de luxe (bijoux, briquets, stylos, montres, parfums) de ceUe des autres produits. Cette absence de personnages et d'objets d'accompagnement met en valeur le produit qui se détache grâce au jeu des couleurs du fond de scène. Les publicités d'objets de luxe assignent à leurs propriétaires une fonction spécifique. Ils sont aristocrates (figure D-213)ou adeptes de I'équitation (figure D-214). Ils se distinguent radicalement des rôles proposés aux présentateurs de lessive, par exemple. Ici, l'acteur social ne sert pas de modèle; il incarne le bon goût, c'est un connaisseur qui valorise la tradition et témoigne de la qualité du produit. L'objectif final consiste à transformer Ie présentateur en «modèle», en «exemple» pour celui qui regarde. Ensemble, ils constituent une famille de personnages actifs, y compris dans le domaine artistique et sportif. Les domestiques et les serviteurs (figure D-215)avec leur linge blanc (figure D-216) et leur plateau d'argent (figure D-217) ont toujours une grande importance. Leur nombre ayant diminué, ils ont aquis une valeur plus élevée de symbole de la prospérité et de la puissance. Le vêtement devient le moyen par excellence de se différencier. À ce titre, des études ont montré que les séries télévisées sous-représentent les cols bleus et les travailleurs manuels (Gerbner et Signorielli, 1982), de même qu'ils surreprésentent les millionnaires (Stein, 1982). Le chic émane des vêtements et de l'attitude des personnages. Les vêtements sont issus de la haute couture. Ils sont de qualité, rares et exclusifs. Ce sont la chemise blanche (figure D-218),le complet foncé (figure D-219),le noeud papillon (figure D-220)ou la cravate (figure D221) et le chandail de laine (figure D-222).Les accessoires sont également choisis avec soin: bagues (figure D-223),bracelets (figure D-224),colliers de perles (figure D-225)et diamant (figure D-226). 2. Les objets La présence d'objets,. .toujours les mêmes, constitue une autre caractéristique importante de la publicité de luxe. L'effet des objets est renforcé par le dépouillement du fond: l'oeil ne peut se distraire. «La valorisation du produit repose sur le jeu des contrastes entre la forme et le fond. La présence de l'objet suffit à révéler son existence et à affirmer sa spécificité.» Parmi les objets de luxe et de statut sociaI les plus populaires mentionnons l'encrier (figure D-227), le télescope (figure D-228), le buste (figure D-229) et le marbre (figure D-230). Du côté de l'architecture, mentionnons les statues (figure D-231), le château (figure 1)-232), les colonnes (figure D-233) et le tapis rouge (figure D-234). Plusieurs images associées au travail sont également mises en scène: la plume (figure D-235), l'attaché-case (figure D-236),la carte d'affaires (figure D-237), la carte Or (figure D-238), l'ordinateur portatif (figure D239), et à un niveau plus symbolique, le gratte-ciel (figure D-240) et l'escalier (figure D-241). Les différents moyens de transport servent également à exploiter l'ambition sociale (Millum, 1975); les publicités montrent un avion (figure D-242), un h y d v ~ i o n(figure D-243),une voiture décapotable (figure D244); d'autres utilisent une vieille voiture de collection (figure D-245)ou une limousine (figure D-246). Ces voitures offrent plusieurs possibilités pour atteindre l'obsédé de standing qui cherche à montrer son particularisme. Il existe sûrement quelques individus pour qui l'automobile est avant tout un moyen de transport. Pourtant, on ne le penserait pas en regardant la trace publicitaire. On croirait plutôt que le rôle essentiel de la voiture est de conduire son propriétaire vers une couche sociale supérieure et de lui faire connaître l'ivresse de l'ascension. Par sa voiture qu'il aime rutilante, l'automobiliste de la publicité concrétise son rang social: Jaguar (figure D-247),Porsche (figure D-248), Ferrari (figure D-249), RollsRoyce (figure D-250) et Bentley (figure D-251). Les bateaux concourent également à évoquer le rang social. Aussi le produit publicisé sera-t-il accompagné d'un bateau miniature (figure D252) ou d'un voilier (figure D-253). D'autres objets symboliques à connotation nautique comme la boussole (figure D-2%) et le sextant (figure D-255) sont également utilisés. L'avion, qu'il soit moderne, traditionnel ou d'entreprise, fait partie des objets qui confirment le statut de l'utilisateur. Aussi, les publicitaires épuisent toute les nuances de la gamme du doré (figure D-256). Le pourpre célèbre le faste et le luxe. Les couleurs foncées dominent incontestablement. Les personnages portent surtout des toilettes aux couleurs assez éclatantes: blanc, rouge ou noir. Dans l'environnement des produits annoncés, on note aussi la variété des formes, des matériaux, la diversité des étiquettes et la différence des dirri-rnsions. Le matériau contribue aussi bien à différencier le produit qu'à le valoriser. Le verre, le bois, le marbre, la céramique, la porcelaine, la faïence et dans une moindre mesure, le cuir, obtiennent la faveur des imagistes. 3. La marque Contrairement aux produits de grande consommation, le produit de luxe est hyper-personnalisé. Plusieurs produits coûteux ou raffinés affirment leur identité par un nom prestigieux, une marque. La marque devient une empreinte, une signature, un emblème et une griffe. La marque (figure D257) est l'image de l'entreprise. Elle devient en quelque sorte l'exemple parfait de la réduction de l'objet à sa valeur de signe. La marque se doit d'avoir une certaine histoire; c'est là seulement qu'elle prend toute son amplitude, après s'être bien personnalisée. C'est pourquoi le produit de luxe se pare de toute sortes de sceaux: blasons, drapeaux, emblèmes, sigles, logotypes, sceaux ou papier d'emballage. En fait, la marque est souvent la recherche d'une certaine image d'aisance. C'est ainsi qu'à travers la marque se jouera tout le snobisme. La marque est un sceau de garantie, un investissement affectif. «La fonction de la marque est de signaler le produit, sa fonction seconde est de mobiliser les connotations, les produits doivent susciter des attachements s'exprimant par la fidélité à une marque (...). C'est Le miracle du iabel» (Baudrillard, 1%8: 267-268). Quoi de plni-s brut qu'un logo, mais quoi de plus révélateur aussi. Il révèle un nom (Calvin Klein), un attribut (Obsession), une indication de la cible (Monsieur de Givenchy), le numéro du produit (NOS), une référence à une couleur (Habit Rouge), l'exotisme (ivoire), un lieu (Paris), un temps ou un moment heroïque (Vol de Nuit) ou la référence aux héros (Philéas). Certaines traces vont plus bin et font jouer les premiers rôles à leur logo. Plus qu'un simple clin d'oeil, elles deviennent le centre du discours publicitaire. 4. La culture Les images du corpus réfèrent souvent à des connotations valorisantes relevant de la culture internationale comme Léonard de Vinci. Quelquefois, des citations de grandes écoles enrichissent le visuel. Un bon produit de luxe doit témoigner initialement d'un goût et d'une culture. La trace doit projeter L'image de consommateurs ~cultivés~, être riche d'un passé européen et d'une dducation conservatrice assumke par les meilleures institutions. Le renvoi permanent it la tradition témoigne d u culte des pratiques d'autrefois. Ce «temps» rappelle des étapes clés de l'histoire: ère de l'industrialisation, début du machinisme avec ses engrenages (figure D-258) et ses chdnes (figure D-259).On insiste sur la qualité conférée par la tradition, associant avec bonheur, dans l'image, le savoir-faire du passé. À un second niveau, le culte du passé conduit à valoriser la culture classique à travers des livres (figure D-260),des lettres (figure D-261),des dictionnaires (figure D-262), une biblioiheque (figure D-263) ou un journal (figure D-264),donc de la lecture (figure D-265). 4.1 L'art L'art est mis au service de la trace publicitaire. L'image cumule les valeurs défendues par le standing: appel à la cuIture, savoir-faire du passé, culte de la tradition, prestige et rbférence <(discrète>> à la richesse, à la tradition et à l'excellence. Le cas le plus simple est la citation visuelle. Depuis plusieurs années, des images publicitaires adoptent des classiques de la peinture (figure D266). La trace introduit également deux variantes: on pastiche un style se rapprochant des grands maîtres (figure D-267)ou on modifie une image connue pour y insérer le produit (figure D-268). Un autre procédé de pkeniation consiste à montrer l'objet dans un musée ou dans une exposition ou encore à se référer de façon directe au matériel d'artistes: un pinceau (figure D-269),des tubes (figure D-270)ou une palette (figure D-271). 4.2 La musique Les instruments de musique (figure D-272),spécialement les instruments à corde comme k violon (figure D-273)et la harpe (figure D-274)occupent un espace, tout comme Ies instruments à vent tels le saxophone (figure D275), la trompette (figure D-276),le trombone (figure D-277) et la cornemuse (figure D-278). Le piano (figure D-279)est également dans la trace publicitaire. On peut aussi recourir à des objets, des scènes et des personnages étroitement associés à la musique: feuilles de musique (figure D-280), lutrin (figure D-281), ou des graphiques comme les clés de sol ou de fa (figure D-282), une pochette de disque (figure D-283)et le concert (figure D-284). Le balIet (figure D-285) est également une activité suggérant la culture. 4.3 Le piaisir des sens S'il est un sens qui sait faire apprécier ce qui est bon et désirable, c'est bien celui du goût. Aussi, l'homme de standing déguste du champagne (figure D-286). Verre à champagne ou à vin (figure D-287) et bouteille (figure D288) servent à éveiller le bon goût. Dans de telles occasions, on déguste aussi du caviar (figure D-289), on joue aux échecs (figure D-290) et on fume le cigare (figure D-291). On aime le champagne qui explose (figure D-292) et on fait «tchin tchin» (figure D-293). 5. Les espaces de la richesse Le Iuxe est rappelé par des espaces. Toutes ces références au goût sûr et éprouvé, et à des lieux culturels renommés, servent de marqueurs spatiotemporels, particulièrement indiqués lorsqu'il s'agit de leur accoler des bijoux, des uxantres, des vêtements et des parfums de luxe. Dans le construit publicitaire, les gens qui ont réussi disposent de lieux de repos et de propriétés secondaires: aussi assiste-t-on à une survalorisation de la résidence cossue et rustique (figure D-294). Ces paysages jouent un rôle important comme marqueurs spatio-temporels et font partie des caractéristiques qui se présentent comme une spécificité. 11 ne faut pas oublier non plus les exotismes opulents: l'eau (figure D-295),l'écurie (figure D-296) et l'opéra (figure D-297). Le casino joue également un rôle important comme marqueur spatio-temporel. Dés (figure D-298),roulettes (figure D-299) et tables de casino (figure D-300) occupent la trace. 6. Les sports et les loisirs En publicité, le sport est un style de vie. Toute une évolution se dessine qui tend à placer certains sports comme éléments du standing ou, mieux, de style de vie. 11 y a d'abord le tennis que rendent bien des images comme la frappe (figure D-301) et la raquette (figure D-302). Il y aussi la pratique de sports «nobles»ou de sports d'élite tels que l'escrime (figure D-303). Le polo (figure D-304) est aussi repris par la trace publicitaire. Ces activités fortement connotées socialement renvoient à des gens entraînés à l'endurance, qui bravent les risques. Il y a le golf (figure D-305), symbolisé par les bâtons (figure D-306),le trou (figure D-307), le drapeau (figure D-308) et la balle (figure D-309).Le ski (figure D-310) fait également partie des divertissements de l'homme respectable. Les hommes appartenant aux catégories socioprofessionnelles de référence bénéficient de privilèges certains. Ils disposent de temps. Leurs conditions de nantis leur permettent d'échapper aux harcélements du temps réglé et aux exigences du rendement. Ils jouissent déjà d'un avantage de plus en plus convoité par les classes laborieuses: l'accroissement des moments de loisirs. En outre, les utilisateurs de produits de luxe appartiennent à une classe privilégiée capable d'assumer les dépenses entraînées par la pratique de sports nobles. 7. L'argent hidemrnent, les références directes à la monnaie (dollar, piastre, cent) sont abondantes et les symboles qui évoquent directement l'argent sont nombreux: la presse rotative qui imprime l'argent (figure D-31 l), le papier-monnaie canadien (figure D-3 12), américain (figure D-3 13) et étranger (figure D-314), le sou (figure D-315), la pile d'argent (figure D3 16), le lingot d'or (figure D-317), le chèque (figure D-318), la carte de crédit (figure D-3 19) et le coffre-fort (figure D-320). D'autres traces évoquent la richesse: Wall Street (figure D-321), La bourse (figure D-322), un symbole boursier (figure D-323), le diagramme avec courbe ascendante (figure D-324), la tirelire en forme de cochon (figure D-325), le code barres (figure D-326), les signes arithmétiques (figure D-327), l'organigramme (figure D-328), et à un niveau plus symbo!iciue, la tarte (figure D-329) et le foin (figure D-330). La médaille . d'excellence (figure D-3311,le trophée (figure D-332) et le signe # 1 (figure D-333) sont d'autres allusions au succès. D. CONCLUSION Une première précision s'impose: partout dans la publicité, se manifeste l'imaginaire. Visuellement, les présentations publicitaires de personnages mythiques, consacrent la plus grande partie de l'annonce à l'image. Les traces présentent des personnages fortement typés. Les figures mythiques de la publicité sont traditionnelles. Le héros réapparaît sous plusieurs formes: star d'hier et d'aujourd'hui, personnage fictif, personnage institutionnel, personnages de la bande dessinée et animaux. La marginalité des personnages est en général peu valorisée dans la trace. Elle est considérée comme une anormalité à laquelle on ne peut se référer décemment. Dans une grande quantité d'images, les personnages, seuls ou en groupe, manifestent un désir évident de réussite et de succès. Les images de statut et de standing partagent aussi des spécificités: on présente peu d'objets, on laisse des espaces vides et on préfère des fonds nus; bref, elles misent sur le dépouillement et les teintes élégantes qui connotent la rareté et l'exclusivité. Pour mieux affirmer son exclusivité, le produit se présente souvent seul. Règle générale, il occupe Ie devant de la scène, en général en gros plan. Dans le cas contraire, les objets d'accompagnement appartiennent à la même catégorie. Par ailleurs, la publicité pousse sans cesse les gens à la poursuite de-symboles de réussite et fait associer «possessions matérielles» à «position occupée dans la société». En essayant de créer une demande pour leurs produits, les fabricants ont inventé un cadre social imaginaire. La culture véhiculée par le niveau neutre est caractéristique d'une société de luxe, de loisir et de volupté d'où le travail demeure quasi absent. La trace écarte les conflits sociaux, ignore les difficultés individuelles, dépeint une civilisation de facilité dans un monde de rêve. Conclusion L'objectif de cette étude consistait à réaliser un exercice de reconstruction des grandes configurations publicitaires à travers un corpus d'images publicitaires de 1987 à 1997. 11 s'agissait de montrer qu'il est possible de classifier les images publicitaires en un nombre restreint de catégories exhaustives, comme un ensemble d'éléments iconographiques 5 la fois culturels et sociologiques, à partir de ce que Molino appelle la nuce. On a d'abord construit un modèle qui permettait de classifier, moyennant quatre critères de reconnaissance et d'identification - temps, espace, corps et imaginaire - plus de 2 000 images publicitaires. Par la suite, on a décrit ces images publicitaires. La pertinence de cette démarche reposait sur un défi: la nécessité de produire une description de l'image publicitaire comme entité singulière. L'hypothèse de cette thèse était de nature exploratoire et touchait les problèmes spécifiques reliés à l'analyse. Ho. La publicité procède à partir d'un modèle homogénéisant du social et de la vie en société. Ce modèle construit une représentation des acteurs et entretieitt l'image d'une culture peu différenciée. Les principaux éléments de cette représentation sont: a) Une omniprésence de la classe moyenne et de la bourgeoisie; de la culture blanche, mâle de type nordaméricaine. b) C) Une occultation de la réalité du travail et une absence de conflits tant dans la sphère privée (famille, etc.) que publique (politique, etc.). En conséquence, présentation et survalorisation d'un genre de vie harmonieux. La difficulté de cette étude résidait d'abord dans la nécessité de produire une description sémiologique sommaire de quelques milliers d'images publicitaires. En laissant de côté l'étude des producteurs (agences de publicité, graphistes, consultants), des récepteurs (consommateurs, lecteurs) et des effets de la publicité, on était capable de classifier les éléments du corpus et de découvrir ce que raconte la publicité sur la sociéti. L'analyse thématique des contenus manifestes du discours publicitaire a permis de déconstruire l'univers organisé mis en scène par la publicité et de confirmer l'homogénéi~édes modèles que diffuse ce type de discours. On constate que demère la multiplicité apparente des représentations, l'image publicitaire participe d'un enjeu symbolique et mythique. Par sa nomenclature thématique, la publicite assure la mise en place de l'espace, du temps, du corps et de l'imaginaire construits. On a aussi constaté que l'activité symbolique et mythique est essentielle dans cette dynamique des représentations collectives. * Dans le chapitre 4, on a souligné les aspects marquants de la temporalité dominante dans les images publicitaires et on a divisé Ia recherche en quatre sections; le temps biographique, le temps historique, le temps géré et le temps des rituels. On a montré qu'il existe en publicité une multitude de temps, dont chacun a ses particularités propres. Ainsi, la représentation sociale des individus reste différente selon l'âge. Par ailleurs, la publicité est littéralement obsédée par les figures du temps. Les représentations observées dans le chapitre 5 consacré à l'espace rendent compte de la densité symbolique de la construction publicitaire. Les figurations de l'espace établissent le cadre dans lequel se déroule le récit publicitaire. L'espace construit garantit la vitalité et le développement d'un contexte sans lequel les images publicitaires n'auraient aucune signification. Dans le chapitre 6, on a analysé tour à tour, la mise en scène du corps, de l'image du corps masculin et féminin, du corps sexuel et de sa «sportivation».L'analyse sociologique de la publicité a montré que le corps marque la place de l'acteur social au même titre que le fait le temps ou l'espace. Dans la trace, le langage non verbal constitue un aspect significatif. Le construit publicitaire impose par exemple des normes particulières de minceur, de musculature, d'exercice physique, d'étiquette et de bon goût tant chez l'homme que chez la femme. Le corps renvoie ainsi au discours culturel. Dans le chapitre 7, on a montré qu'une grande partie de la mise en scène est conçue en fonction d'un imagirialie. On a tout d'abord procédé à un repérage des personnages représentés dans les images publicitaires personnages humains, stars, gens célèbres, personnages de contes et légendes, personnages institutionnels, personnages fictifs, animaux, insectes et poissons. Tous renvoient à un sens, immobilisé par une culture. Ils ont quelque chose de classique; ils sont conformes au goût traditionnel. On s'est aussi intéressé aux images de statut et de standing. On a montré qu'elles partagent les spécificités suivantes: elles comportent peu d'objets, des espaces vides, des fonds nus, bref, elles misent sur le dépouillement et les teintes riches qui connotent la rareté et l'exclusivité. Globalement, ce qui frappe dans notre corpus, c'est la standardisation et le conformisme des images et des représentations publicitaires. En fait, la trace publicitaire est plutôt décevante. Contrairement à une opinion répandue, la publicité iconique ne semble pas très innovatrice. Le plus souvent, on fait plutôt appel à un nombre restreint d'éléments figuratifs, des métaphores stéréotypées et des clichés, par exemple, la plage, la famille nucléaire ou un portrait de La Joconde. Le discours est conservateur et l'audace n'est que très rarement au rendez-vous. Les thèmes sont redondants et notre hypothèse se confirme: la publicité procède à partir d'un modèle homogénéisant du social et de la vie en société. Ce modèle construit une représentation des acteurs et entretient l'image d'une culture peu différenciée. En conséquence, elle présente et survalotise un genre de vie harmonieux. En ce sens, l'apport du créateur publicitaire se limiterait à choisir et à combiner ces éléments symboliques et mythiques d'une manière plus ou moins originale. Par ailleurs, il semble que Les mythes et les symboles que l'on a décrits dans le développement conditionnent à leur tour des images plus réduites qu'ils font briller, qu'ils colorent et qu'ils actualisent. 11 est d'ailleurs assez vain de chercher comment ces mythes et ces symboles apparaissent ou se diffusent. L'actualité se renouvelle toujours. Le mythe du héros réapparaît dans toutes les mythologies et sous toutes les formes: star d'hier et d'aujourd'hui, personnage fictif, personnage institutionnel, de la bande dessinée et animaux. Ce n'est qu'affaire de circonstances, d'occasions ou de rencontres. Mais bien vite, il faut passer au symbole suivant, car le mythe ne peut rester longtemps figé dans sa forme initiale, au risque de devenir graduellement décevant et banal. Ce qui étonne également dans le corpus, c'est la façon avec laquelle le niveau neutre est fait pour dire quelque chose, pour signifier, au sens propre du terme. En raison des limites de cette recherche, il semble toutefois nécessaire de circonscrire les conclusions auxquelles on est parvenu. D'abord, il y a lieu de délimiter les considérations sur l'image publicitaire à une époque précise, soit de 1987 à 1997. Ensuite, le milieu géographique - l'Occident - impose à son tour certaines réserves quant a la possibilité de généraliser de telles conclusions. Aussi faut-il rappeler que cette recherche s'est tout particulièrement attachée à l'étude de l'image publicitaire fixe, délaissant par le fait même toute analyse de la publicité télévisée ou du texte de la publicité imprimée dans les quotidiens; bref, c'est un aspect et un seul de la publicité qui a ainsi été analysé. Pour reprendre les sociologues Goldman et Papson, nous réalisons que le roulement des campagnes de publicité s'accélère, la demi-vie des symboles raccourcit, le chaos des images grandit, produisant une nouvelle forme de «déchet culturel». I _ On peut imaginer plusieurs prolongements à cette étude. A un premier niveau, une recherche pourrait commencer par une enquête auprès des producteurs de la communication publicitaire ou des récepteurs, afin de confirmer ou d'infirmer les conclusions de notre étude. Par ailleurs, il conviendrait d'approfondir l'aspect sociologique de l'espace, du temps, du corps et de l'imaginaire dans la société. Dans cette perspective, les symboles publicitaires, leur formation, leur diffusion, leur changement et leur proportion pourraient faire l'objet d'études. On pourrait aussi s'intéresser à des discours spécifiques, celui de l'Italie ou du Japon, par exemple. On pourrait enfin tenter d'établir des comparaisons entre les discours publicitaires de l'Europe et de l'Amérique, du nord et du sud, des années vingt et soixante, etc. Dans la même lignée, il serait possible de comparer la trace d'une même campagne publicitaire selon qu'elle est diffusée dans un pays ou dans un autre. 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A ::!-2: .X- t. .?Xdï\ .:c-::CC .nm XI-: i r x w : r ,.1~4~-:r .n+i - 2 : . ::>LI. .:si. .r 3c:iic:: ?-~:=YcI?CZ ï : YJL: .L -;Tc.ciiy u;:;,: .l 2 ,IC.. i:i.:.c. a i ::z.:<,z: .UC:!C .:,cc: -'.CI .c , .. zumu-rr 1-,\' : I ; R C L Z ~ . < ~ : : Ci= :' .3=?i~='= : -lrnç =r;nr. rs c - m a . 7::zc!rz >.-. &-...Lwzzcn! TL: *.:=xr :Y c.!?.cr- .LEC :m. e: çr-ic al-. i ~ ,r,-r ,=-::LE =--~::GL="-= in:r----2 "XI. .:c ' ?rJt :=&Y HITACHI trr: ---. .-. . .,-,. Amour for your I 1 "BKThey Said My New Macintosh WouId Run Windows Applications." Les nouvellesH@es~UltY.aMinces.--- --.- Plus minces7p b ajustées quejamais et dm-absorbantes! Yeu never knaYvciiolslistenine to the radio. LES V O I S I M A I S ILS IENT PAS A DORMIR, DatabaseTechnology HeIpsThe Home Depot Assure That %ow Prices Are ~ud-The BeginningF - . . _ . . . .." ...... . ._ -. . . . . .... . . _.-.. . .. .._^,...._. . . . . ,..: ... .-.. . ...,. .. .--.. .. . . . . .. .. .. .. . .. .. . . . . .- - ...... . ...S. ...... . . -. 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