Principes de traitement manuel du pied D. Bonneau Institut Supérieur de Thérapeutique Manuelle www.medecinemanuelle.fr Les affections mécaniques du pied ne tirent pas assez profit des thérapies manuelles. Enfermés dès le plus jeune âge dans des chaussures, ils perdent de leur homogénéité mécanique. Cette structure composite doit sa résistance et son adaptabilité aux contraintes imposées par la bipédie de l’homme et son évolution dans le paysage terrestre, à la complémentarité de chacun de ses composants, qu’il soit osseux, ligamentaire, cutané, fibroadipeux ou musculaire. Or, le capiton plantaire s’amincit avec les semelles amortissantes, et les muscles s’atrophient dans des chaussures rigides. © Sauramps Médical. La photocopie non autorisée est un délit. Il en résulte une majoration des sollicitations mécaniques imposées au complexe ostéo-articulaire. D’où l’intérêt de comprendre les principes de la prise en charge manuelle. Mais son action est limitée, car si nous pouvons agir sur certains facteurs favorisants telle l’hypoextensibilité du complexe tricipitoachilléo-calcanéo-plantaire, il n’en est pas de même des facteurs prédisposants telles les anomalies morphologiques comme le pied ancestral de D.-J. Morton, ou les insuffisances de certains rayons. Ainsi, comme pour l’ensemble de l’appareil locomoteur, il n’y a pas de recette pour traiter un pied. Rigueur, méthode, logique et connaissance doivent guider le praticien lors de l’établissement du protocole thérapeutique qui découle de l’étape diagnostique, précédemment abordée. Le traitement manuel du pied doit tenir compte des nombreux paramètres liés non seulement à son anatomie et sa morphologie, mais aussi à ses fonctions statique et dynamique. Elles donnent cette spécificité unique au pied de l’homme, lui conférant sa bipédie adaptative quelles que soient les conditions d’utilisation. Il s’agit avant tout d’une mosaïque osseuse dont les constituants possèdent une fonction et une forme spécifique dont ils tirent pour la plupart leur nom. Ils sont unis par des articulations dont la géométrie indique les degrés de liberté articulaire. Ces dernières sont solidement reliées par des structures ligamentaires dotées d’un infime potentiel d’élasticité, ce qui au demeurant est une excellente chose pour la longévité autant que la stabilité, les articulations ayant peu d’affinité pour la laxité génératrice de phénomène de cisaillement délétère. 71 )- Médecine du sport et thérapies manuelles Pour coapter l’ensemble mais surtout l’animer, les muscles sont indispensables. Ils sont constitués de myofibrilles dotées de la capacité de se raccourcir du tiers de leur longueur et développer une force directement proportionnelle à la surface de section du corps musculaire. Un tissu fibreux inextensible l’entoure limitant et surtout orientant, selon son épaisseur, la globulisation en rapport avec le caractère isochore du muscle. Prolongeant le corps musculaire contractile, le tendon est quant à lui dépourvu de cette propriété. Il se fixe sur le levier osseux en un point, l’enthèse dont la distance avec le centre instantané de rotation de l’articulation qu’il mobilise, détermine le moment de force. En outre, selon le but recherché en terme d’équilibre, de force ou d’amplitude, on adaptera le type de levier. Pour transmettre l’information décidée au niveau cérébral et en contrôler sa réalisation, un réseau nerveux est nécessaire, mais requiert une précision extrême, à laquelle le type de fibre nerveuse, la nature des liaisons avec l’activateur mais aussi l’analyse du signal de sortie par des capteurs spécialisés. Enfin, il faut une bonne carrosserie, pour envelopper et protéger l’ensemble. La peau joue ce rôle et s’adapte aux contraintes auxquelles elle se trouve confrontée en modifiant son épaisseur notamment au niveau plantaire. Mais au-delà de sa fonction protectrice, elle est une mine à capteurs ! Ainsi se trouvent présentées les bases des grandes lignes des principes thérapeutiques que l’on va devoir suivre pour optimiser le résultat escompté. Pour bien en comprendre son rôle il est primordial de connaître le fonctionnement du pied dans la locomotion. Le pied est une structure musculosquelettique où la morphologie et l’agencement des os répondent à un cahier des charges précis. L’arrière pied est constitué de l’empilement vertical du talus sur le calcanéum. La taille des os et leur mode d’articulation (double trochoïde inversée) ont pour fonction de supporter le poids du corps, d’amortir et de s’adapter aux terrains accidentés. Rappelons selon Farabeuf que le calcanéum vire, tangue et roule sous le talus. L’avant-pied et sa palette ou clavier métatarsien permet le réglage des têtes métatarsiennes. Dans le plan horizontal l’articulation tarsométatarsienne de Lisfranc adapte la largeur de l’appui antérieur et dans le plan vertical ajuste selon le relief du sol la hauteur des têtes métatarsiennes. Et tout cela est dynamique, aidé en cela par le caractère contractile et viscoélastique des muscles intrinsèques. Le médiopied va donc avoir la lourde charge d’harmoniser ces deux composantes. Pour passer d’un plan de travail vertical à un horizontal il est nécessaire de réaliser une torsion hélicoïdale. Ainsi Hencke a décrit cet axe qui passe par le calcanéum et l’os naviculaire autour duquel se déroulent les mouvements d’inversion et d’éversion. L’inversion associe adduction, flexion plantaire et supination, et l’éversion regroupe abduction, flexion dorsale et pronation. LE COMPLEXE TRICIPITAL L’application de cette réalité anatomique explique l’importance de réaliser des gestes reproduisant cette hélice rappelant le fameux lemniscate de Bernoulli, qui unit l’empilement osseux vertical à l’étalement horizontal (fig. 1). Le point clef du traitement en thérapeutique manuelle se situe dans le segment sural. Il s’agit du triceps. Ainsi le programme de l’arrière-pied est de supporter le poids du corps tant durant la station verticale que lors de la marche. -( 72 Principes de traitement manuel du pied Fig. 1 : Arrière-pied vertical et avant-pied horizontal et la torsion intermédiaire Lors de la locomotion, le temps d’appui postérieur doit être suffisamment long durant la phase oscillante du pas pour pouvoir attendre la phase de double appui qui permettra de transférer le poids du corps sur l’appui antérieur. © Sauramps Médical. La photocopie non autorisée est un délit. Durant cette phase portante il est primordial que l’appui talonnier soit le plus long possible aidé en cela par la “souplesse” et le potentiel d’étirement du complexe tricipito-achilléen. Une brieveté ou une hypoextensibilité de ce dernier va provoquer un décollement précoce du talon et un transfert inopiné de la masse du corps sur le médiopied et surtout l’avant-pied. Cette surcharge brutale et prématurée sur les têtes métatarsiennes va entraîner à plus ou moins long terme l’équivalent d’un syndrome de surutilisation source de métatarsalgies statiques et ses associations lésionnelles. Le médiopied ne sera pas épargné et imposera aux gardiens de la voûte, long fibulaire et le tibial postérieur, de prendre en charge cette contrainte supplémentaire. Le sportif ressentira plus précocement ce désagrément lors des footings avec une périostite tibiale. La station assise est une des responsables d’une mise en position courte des gastrocnémiens dont découle leur hypoextensibilité secondaire (fig. 2 et 3). Fig. 2 : Extensibilité normale du triceps : temps d’appui postérieur respecté 73 )- Médecine du sport et thérapies manuelles Fig. 3 : Hypoextensibilité du triceps : temps d’appui postérieur diminué et surcharge précoce du médio et avant-pied Les répercussions cliniques sont multiples, car elle potentialise chez l’enfant la survenue des ostéochondroses, et chez l’adulte les métatarsalgies, les fractures de fatigue (fig. 4). Les méfaits d’une hypo-extensibilité : • Limitation de la flexion dorsale de la talocrurale, • Traction-cisaillement de la tubérosité calcanéenne, • Contrainte en compression du sommet de l’arche médiale et la surcharge de ses gardiens (tibial postérieur et long fibulaire), • Appui précoce et majoré sur la charnière métatarso-phalangienne et l’appareil sésamoïdien, • Surcharge mécanique des différentes composantes musculaire, tendineuse et aponévrotique de l’appareil propulseur (gastrocnémien, tendon et enthèse), • Hypersollicitation de l’entrait musculo-aponévrotique plantaire. Ce qui nous ramène à un de nos crédos qui est d’enseigner les étirements musculaires à l’école plutôt que les roulades dont les conséquences remplissent régulièrement nos cabinets… Fig. 4 : Brièveté tricipitale et conséquence d’un décollement précoce de l’arrière-pied -( 74 Une fois ce préambule majeur effectué, nous pouvons passer aux bases anatomiques qui guident nos gestes. Principes de traitement manuel du pied Triceps et entorse talo-crurale Dans notre pratique, nous avons été interpellés par une pratique de rebouteux réalisée en cas d’entorse de la talo-crurale avec épanchement et boiterie et, au bilan échographique une simple lésion du faisceau antérieur du ligament collatéral latéral. Elle consiste en un massage vigoureux par pression glissée du triceps, suivie d’une amélioration clinique immédiate avec un déroulé du pas harmonieux. Nous avons essayé de comprendre. Nous proposons cette explication simpliste. Le ligament est un capteur de fin d’amplitude, c’est-à-dire qu’il informe de la position maximale d’une articulation provoquée par la contraction d’un muscle. Ainsi le faisceau antérieur du LCL est mis en tension par la contraction du triceps informant les centres du raccourcissement maximum actif du muscle. En cas de lésion du ligament, ce capteur de fin d’amplitude étant neutralisé, il n’informe plus les centres réflexes de l’action musculaire. Cette rupture de l’asservissement musculo-ligamentaire provoque ainsi un emballement du système avec cette contraction typique du triceps entraînant ce fameux équin antalgique, que les ostéopathes rattachent à l’antériorisation de la tête du talus (fig. 5). LE PIED OSSEUX Constitué de vingt-huit os auxquels on peut rajouter les os surnuméraires, le pied est pourvu d’articulations qui règlent le jeu de ces leviers. Rappelons que l’astragale est devenu talus, et que sa ressemblance à une coque de bateau a valu au scaphoïde de se transformer en naviculaire pour éviter toute confusion avec son homonyme du carpe. Ainsi, les os du pied tirent en grande partie leur nom de leur forme, en cube, en coin mais aussi de leur position, méta signifiant après. © Sauramps Médical. La photocopie non autorisée est un délit. Le nombre de degré de liberté articulaire détermine les axes de travail et réciproquement. Fig. 5 : Contracture tricipitale après rupture du capteur de fin d’amplitude ligamentaire L’articulation sphéroïde, qui possède trois degrés de liberté autorisant des mouvements dans les trois plans de l’espace, est présente en regard de la talo-naviculaire. La spécificité de cette liaison est son caractère souple conféré par la composante ligamentaire inférieure, le ligament calcanéonaviculaire inférieur ou ligament glénoïdien. De cette capacité à une grande amplitude, l’os naviculaire tire sa vulnérabilité. Pour les raisons évoquées plus haut, il n’est pas conçu pour absorber les contraintes mais pour les répartir. Il appartient en effet à la colonne dynamique talodépendante, se prolongeant par les cunéiformes et les trois rayons médians (fig. 6). 75 )- Médecine du sport et thérapies manuelles Fig. 7 : Les arches du pied. A noter l’absence d’arche au niveau des têtes métatarsiennes qui sont toutes au contact du sol, la seule arche est en regard des diaphyses. Fig. 6 : Colonne talodépendante (en grisé) Aussi il faut, autant que faire se peut, éviter des manipulations brutales de cet os et jouer avec plus de finesse sur le tibial postérieur au niveau musculaire et privilégier les manœuvres de glisser articulaire. Une des pièces osseuses sous estimée est le troisième cunéiforme. Sa morphologie, ses multiples liens osseux avec ses voisins lui donne une place de clé de voûte au niveau de l’arche transversale du médiopied. Mais son repérage est difficile, enfoui sous le court extenseur, autant que son abord thérapeutique (fig. 7). -( 76 LE PIED ARTICULAIRE ET LIGAMENTAIRE : SON ANATOMIE Articulation talocrurale Connue aussi sous l’appellation d’articulation tibio-fibulo-talaire, c’est une ginglyme, ancienne trochléarthrose, qui, grâce à la dissociation des deux flasques de la mortaise, réalise une pince à serrage élastique. On ne peut la dissocier fonctionnellement de l’articulation tibio-fibulaire supérieure ni de la sous-talaire. Principes de traitement manuel du pied Les surfaces articulaires La mortaise tibio-fibulaire Le pilon tibial La partie antérieure, la plus large présente une petite gorge. La partie postérieure (sur une coupe sagittale) est plus marquée que la partie antérieure plus mousse. Latéralement la joue médiane ou flasque tibiale ou malléole tibiale ou malléole médiale descend sur le plan articulaire environ de 1 cm sous le pilon tibial. L’élément fibulaire La surface articulaire est triangulaire, très en avant de la malléole pour laisser le passage en arrière aux tendons des fibulaires (péroniers). La malléole latérale ou flasque latérale descend à environ 1,5 ou 2 cm du pilon tibial. Cette malléole est située en arrière du plan frontal strict. L’orientation de cette mortaise est à une quinzaine du plan frontal, ouverte vers l’extérieur. Le tenon : l’astragale ou talus © Sauramps Médical. La photocopie non autorisée est un délit. De forme trapézoïdale, la poulie talaire est en vue supérieure, plus large en avant qu’en arrière, sa joue médiale est plane et sagittale alors que la latérale est fortement déjetée en dehors et concave d’avant en arrière. Le système de contention Les renforcements antérieurs et postérieurs de la capsule Les ligaments tibio-fibulaires ventraux et dorsaux (fig. 8). Fig. 8 : Plan capsulo-ligamentaire postérieur de la cheville Ils stabilisent la mortaise. Obliques en bas et en dehors, leur atteinte dans les entorses graves est souvent méconnue et source de douleur et d’instabilité secondaire. Les ligaments latéraux Ligament collatéral latéral et ses trois faisceaux (fig. 9) -Ventral : fibulo-talaire se fixant sur le col du talus, -Intermédiaire : fibulo-calcanéen, oblique en abs et en arrière, crochetant la malléole, -Dorsal : fibulo-talaire, horizontal, oblique en arrière et en dedans. 77 )- Médecine du sport et thérapies manuelles Fig. 9 : Plan ligamentaire latéral de la cheville Ligament collatéral médial (fig. 10) grêle, mince et incurvée, elle s’articule en haut avec le tibia par une facette articulaire qui regarde en haut en avant et en dedans pour former la tibio-fibulaire supérieure ou proximale. Cet os est soumis à des modifications de longueur lors de la contraction du long fléchisseur de l’hallux. En situation de chaîne cinétique fermée, point de contact au sol au niveau de la phalange distale de l’hallux, lors de son raccourcissement dû à la contraction, le long fléchisseur va exercer une traction sur la fibula, redressant ainsi sa courbure de pré-flambage entraînant ainsi un allongement (fig. 11). On décrit sous le vocable de deltoïdien, le plan ligamentaire médial où l’on peut individualiser : -un faisceau ventral et un faisceau dorsal tibio-talaire en profondeur, -un plan plus superficiel formant le faisceau deltoïdien proprement dit, s’insérant sur la malléole et irradiant vers l’os naviculaire et le calcanéum notamment sur le sustentaculum tali. Fig. 11 : Long fléchisseur de l’hallux et son action sur la fibula et le calcanéum Fig. 10 : Plan ligamentaire médial de la cheville Anatomie compréhensive L’étude isolée de cette articulation aboutit à un paradoxe : la stabilité de l’articulation est impossible puisque la surface articulaire du talus n’est pas régulière mais trapézoïdale. Pol le Cœur a montré l’importance du rôle de la fibula qui pallie ce phénomène : longue, -( 78 Les ligaments tibio-fibulaires distaux ou inférieurs sont obliques en bas et en dehors, de même que la membrane interosseuse, et sont assimilés à des biellettes inextensibles qui vont guider la “descente ou la montée” de la fibula. -Lors du redressement de sa courbure, la fibula est bloquée à la partie proximale par la forme de l’articulation qui lui interdit de “monter”, à l’image de la main sous le menton du penseur de Rodin. Elle ne peut donc que “descendre”. Les ligaments précités, tibio-fibulaires inférieurs jouent le rôle de biellette en obligeant la fibula à se rapprocher et à fermer la pince tibio-fibulaire. Mais la convexité de la surface du talus oblige la fibula à une rotation externe et un recul (fig. 12). Principes de traitement manuel du pied Application en thérapeutique manuelle Fig. 12 : Déplacement de la malléole fibulaire lors du passage de la flexion dorsale (à gauche) à plantaire (à droite) Cette anatomie nous permet de comprendre : • les répercussions fibulaires hautes d’une entorse latérale talo-crurale, • l’importance de restaurer un jeu harmonieux talo-fibulaire, • de favoriser le glissement du talus dans sa pince élastique d’avant en arrière en tenant compte de l’ouverture vers l’extérieur de la mortaise. L’articulation sous-talienne -Dans le mouvement inverse : en flexion dorsale, le long extenseur se contracte, tire, fait tourner la fibula en dedans et le laisse revenir à son pré-flambage naturel. Le ligament frundiforme oppose une force d’impaction et de rappel comme une poulie empêchant la luxation en avant (fig. 13). Double trochoïde inversée, elle unit le talus au calcanéum. Elle s’adapte à la marche en terrain accidenté. Elle est indissociable fonctionnellement de la talo-crurale. Les surfaces articulaires Le calcanéum © Sauramps Médical. La photocopie non autorisée est un délit. Il supporte le talus et va présenter deux surfaces séparées par le sinus du tarse. Une surface postérieure très importante, dite thalamique car recouvrant le thalamus, partie dense résistante et renforcée de cet os, deux surfaces antérieures, plus petites. La surface postérieure est convexe, la ou les antérieures, concaves reposent sur le sustentaculum tali. Le talus Fig. 13 : Insertion fibulaire du long extenseur de l’hallux On décrit une surface articulaire concave sous le corps du talus qui s’articule avec la partie postérieure du calcanéum et une partie antérieure convexe prolongeant la tête du talus et s’articulant avec les deux surfaces ou la surface antéro-interne du calcanéum, mais aussi le champ ligamentaire du talus (inséré en avant sur le cuboïde et l’os naviculaire) qui 79 )- Médecine du sport et thérapies manuelles appartient au ligament calcanéo-naviculaire inférieur ou ligament glenoïdien. Le sinus du tarse est l’entonnoir situé entre ces deux os chacun en constituant une moitié. Chacune de ces rainures sépare les surfaces articulaires. Il contient le ligament interosseux ou ligament en haie. Les moyens de contention : les ligaments passifs Deux sont importants : -Les deux faisceaux du ligament en haie, pratiquement transversaux à l’axe calcanéen. -Les faisceaux moyens des ligaments collatéraux de la talo-crurale. L’axe des mouvements est représenté par deux cônes opposés par leur sommet, d’axe commun (axe de Hencke) oblique en haut, en avant et en dedans. Le cône postérieur est la surface articulaire talo-calcanéenne postérieure convexe vers le haut, l’autre la surface calcanéo-talaire antérieure convexe vers le bas (fig. 14). Autour de l’axe de Henke on décrit trois composantes du mouvement : -L’inversion ou éversion sont des termes usuels non seulement en anatomie mais aussi en chirurgie orthopédique. Fig. 14 : Coupe sagittale de la cheville En fait, l’astragale est solidaire de la pince tibio-fibulaire distale et s’articule avec le bloc calcanéo-pédieux. Le couple de torsion est assuré par le pivot qui permet le jeu. Biomécanique analytique Le calcanéum “roule, vire et tangue sous l’astragale” comme le disait Farabeuf : • Virer définit le changement de direction dans le plan horizontal, • Tanguer définit le changement de direction dans le plan sagittal, • Rouler définit le changement de direction dans le plan frontal. Une fracture en inversion, ou fracture du débutant en chasse-neige forcé associe adduction ou rotation interne, supination et flexion plantaire. Une notion clinique importante est la double divergence talo-calcanéenne : -Dans le plan sagittal, le talus regarde en bas, le calcanéum en haut ; -Dans le plan horizontal le talus regarde en avant et en dedans alors que le calcanéum regarde en avant et en dehors. Une fracture en éversion associe flexion dorsale, abduction ou rotation externe et pronation. On comprend ainsi que le pied plat soit une augmentation de cette divergence alors que le pied creux en est une diminution (fig. 15). -( 80 Principes de traitement manuel du pied Le ligament calcanéo-cuboïdien inférieur ou grand ligament plantaire dans lequel passe le long fibulaire. Le ligament calcanéo-naviculaire forme le champ ligamentaire du talus. Articulation de Lisfranc Fig. 15 : Plan ligamentaire dorsal du pied Articulation médio-tarsienne ou Chopart Elle est disposée entre les cunéiformes, le cuboïde et la tête des métatarsiens. Deux mortaises sont ainsi définies : intercunéenne et inter-métatarsienne. Le deuxième métatarsien s’emboîte tel un tenon entre les deux premiers cunéiformes. Le troisième métatarsien est verrouillé autour du troisième cunéiforme qui est dans la seconde mortaise. C’est ainsi que se constitue l’âme centrale de l’avant-pied, semirigide, autour de laquelle se met en place le jeu vertical des deux rayons latéraux et de l’unique médial de la palette métatarsienne mais aussi la possibilité de jeu dans le plan frontal des rayons extrêmes autorisant le réglage en largeur de l’appui de l’avant-pied (fig. 16). © Sauramps Médical. La photocopie non autorisée est un délit. Elle unit le calcanéum et le cuboïde, le talus et l’os naviculaire. Elle a la forme d’un “s” allongé et fonctionnellement dépendante de la sous-talienne. La talo-naviculaire est une énarthrose avec trois axes de mouvement et trois degrés de liberté. La calcanéo-cuboïdienne est un simple emboîtement réciproque, autorisant des mouvements de glissement. Les ligaments passifs de contention Le ligament capital est le ligament en “y” de Chopart avec un faisceau calcanéo-cuboïdien et un faisceau calcanéo-naviculaire. Fig. 16 : Plan ligamentaire plantaire 81 )- Médecine du sport et thérapies manuelles FONCTIONNEMENT DU PIED [4] Le pied se doit d’être solide, stable, souple pour répondre au cahier des charges spécifique de la station bipède. Lors des phases dynamiques de marche et de course, il se doit d’être propulsif et apte à la réception. Il transmet la force gravitaire de la masse du corps et s’adapte aux forces de réaction du sol. Le compromis mécanique est assuré par une mosaïque osseuse solidarisée par les ligaments et animée autant que stabilisée par les muscles. Le programme de l’arrière-pied est d’absorber la majorité des contraintes verticales d’où son empilement. Les os qui le constituent, possèdent des renforcements de structure adaptés tel le thalamus du calcanéum. Ce qui permet de comprendre l’importance d’une bonne élasticité du complexe tricipital pour permettre un appui postérieur du pied le plus long possible durant la phase portante du pas, afin d’éviter un transfert des précoces de ces forces verticales sur un métatarse, qui de part sa morphologie et son organisation, n’en a pas la fonction. La stabilité du pied est assurée par système improprement appelé de tripode. Rappelons qu’un système est dit statique lorsqu’il est constitué de trois appuis au sol, au-delà de trois, il est qualifié d’hyperstatique. C’est le cas du pied et de ses appuis tant talonnier que métatarsiens et pulpaires digitaux. Ainsi que l’on dénomme tripode statique postérieur est soumis à la force gravitaire qui s’exerce sur le quadrant antéro-latéral du talus, et se répartit sur les têtes des métatarsiens ainsi que la tubérosité du calcanéum (fig. 17). Le programme du clavier métatarsien est le réglage de la largeur de l’appui et de l’adaptation de cet appui antérieur à l’irrégularité du terrain sur lequel il repose. Le tripode antérieur dynamique ou de propulsion dont l’activateur majeur est le fléchisseur propre de l’hallux repose sur les têtes des métatarsiens et les pulpes des orteils notamment et préférentiellement le gros orteil. Le couple de torsion intermédiaire transforme ces contraintes de direction opposée grâce à sa composante hélicoïdale. La jonction entre les deux est constituée par les articulations métarso-phalangiennes. Fig. 17 : Les triangles du pied, statique postérieur et dynamique antérieur -( 82 Principes de traitement manuel du pied Lors de la station debout autant que la marche, la force gravitaire va se répartir sur le calcanéum et le talus d’où partent deux colonnes : • La première calcanéo-dépendante, latérale comprend calcanéum, cuboïde, les deux derniers métatarsiens, c’est une colonne stable. • Le seconde talo-dépendante, médiale comprend le talus, l’os naviculaire, les trois cunéiformes et les trois premiers métatarsiens. C’est une colonne mobile par rapport à la latérale (fig. 18). Lorsqu’on regarde dans un plan sagittal le pied on observe la présence de deux voûtes, une médiale l’autre latérale. Ce qui pose le problème de leur solidité et de leur stabilité dans le fonctionnement quotidien. Une clé de voûte osseuse qui s’impacte ne peut suffire. Elle se voit renforcée par l’intermédiaire d’une structure architecturale appelée ferme. Cette construction de charpente est constituée de deux arbalétriers osseux (fig. 19) : • en arrière, le calcanéum chevauché par le talus, • en avant les métatarsiens prolongeant les cunéiformes, • les deux arbalétriers étant unis par le naviculaire et le cuboïde. Il y a une répartition égalitaire des pressions entre les deux arbalétriers jusqu’à deux centimètres de hauteur du talon. La force sur la tête du premier métatarsien est le double de la charge supportée par chacun des métatarsiens et l’on conçoit les déformations imposées aux pieds féminins par des talons trop hauts, malgré les compensations de voûte sur les modèles de haut de gamme. © Sauramps Médical. La photocopie non autorisée est un délit. Fig. 18 : Les deux colonnes, talo-dépendante (en grisé), calcanéo-dépendante en blanc Ces deux poutres semi-rigides sont solidarisées entre elles par un entrait constitué par les ligaments et le système visco-élastique Fig. 19 : La ferme du pied 83 )- Médecine du sport et thérapies manuelles musculaire. Les muscles plantaires concernés sont le court fléchisseur plantaire au centre et les abducteurs, celui de l’hallux en dedans et du cinquième en dehors. Il existe une dépendance majeure avec le système musculo-aponévrotique du triceps qui y prolonge donc son action. C’est le système tricipito-achiléo-calcanéo-plantaire de propulsion du pied (fig. 20). Tibial postérieur Long fibulaire Tibial antérieur Fig. 21 : Entrecroisement plantaire du tibial postérieur et du long fibulaire Fig. 20 : Complexe tricipito-achilléo-calcanéplantaire de propulsion D’autre part, la clef de voûte est renforcée de manière active par l’entrecroisement des tendons de terminaison du tibial postérieur et du long fibulaire (fig. 21). La palette ou clavier métatarsien permet l’adaptabilité au sol grâce à des mouvements actifs d’écartement ou de rapprochement par le muscle adducteur transverse du gros orteil. En effet, il rapproche le gros orteil de l’axe du pied qui passe par le deuxième rayon. L’arche latérale est stabilisée par l’abducteur du cinquième orteil. -( 84 Les rayons extrêmes, premier et cinquième, sont les plus mobiles, et s’organisent autour de l’élément stable que sont le deuxième et troisième métatarsien “verrouillés” par les deux mortaises inter-cunéennes et inter-métatarsienne. Ils constituent l’âme centrale de l’avant-pied. Revenons sur le médiopied. C’est donc lui qui harmonise la résultante des forces verticales agissant sur l’arrière-pied et celles qui s’exerce sur l’étalement horizontal du clavier métatarsien. Ce couple de torsion est centré autour d’un axe défini par Henke, oblique d’arrière en avant, de dehors en dedans, et de bas en haut, passant par la grosse tubérosité du calcanéum et se prolongeant vers l’os naviculaire. Autour de cet axe se produisent les mouvements d’inversion (flexion plantaire, supination et adduction) et d’éversion (flexion dorsale, pronation et abduction) (fig. 22). Principes de traitement manuel du pied Fig. 22 : Axe de Henke dans les trois plans Comme dans l’ensemble du membre inférieur il existe des ruptures d’axe pour orienter et prévenir les contraintes mécaniques physiologiques et pathologiques. © Sauramps Médical. La photocopie non autorisée est un délit. Elles peuvent exister au niveau osseux comme la courbure frontale de pré-flambage du fémur, mais le plus souvent au niveau articulaire pour bénéficier d’un renforcement passif ligamentaire et visco-élastique musculaire. L’exemple propédeutique étant le valgus du genou, fragilisant ainsi le compartiment médial, renforcé par la taille et la morphologie du ligament collatéral fémoro-tibial et par les muscles de la patte-d’oie. Au niveau du pied, la divergence des pressions talo-calcanéennes, réalisant une baïonnette est compensée par un élément dynamique : le long fléchisseur du gros orteil qui passe sous le sustentaculum tali et dont la mise en tension par l’extension du pouce lors de l’attaque du pas compense la bascule et ramène le calcanéum dans l’axe en le varisant (fig. 23). Fig. 23 : Varisation du calcanéum lors de la contraction du long fléchisseur de l’hallux 85 )- Médecine du sport et thérapies manuelles LE PIED MUSCULAIRE L’axe bi-malléolaire est décalé de 15° par rapport au plan frontal (oblique en dehors et en arrière), l’axe horizontal du pied passe par le second rayon et l’axe vertical de projection de la ligne gravitaire du membre inférieur en appui monopodal, passe par le pilon tibial. Les insertions musculaires par rapport à ces axes sont très importantes, car elles conditionneront les mouvements générés par la contraction musculaire (fig. 24) : -le tibial antérieur : premier cunéiforme, premier métatarsien, -le troisième fibulaire (péronier antérieur) : cinquième métatarsien, -le tibial postérieur : os naviculaire, et prolongement sur les cunéiformes et les deuxième, troisième et quatrième métatarsiens, -le long fibulaire (ex-long péronier latéral) : face plantaire du premier métatarsien et du premier cunéiforme, expansion sur les métatarsiens (du premier au quatrième), -le court fibulaire (ex-court péronier latéral) : styloïde du 5e métatarsien, -le triceps : tubérosité du calcanéum avec son prolongement fonctionnel, le muscle court fléchisseur plantaire, -l’extenseur de l’hallux et les longs extenseurs des orteils sont plaqués sur le coup de pied par le ligament rétinaculaire, -le long fléchisseur de l’hallux passe sous le sustentaculum tali et se termine sur la phalange distale de l’hallux, son rôle varisant dans la course est primordial, -le fléchisseur commun des orteils se termine sur la phalange distale des orteils -( 86 Tibial postérieur Court fibulaire Long fibulaire Tibial antérieur Fig. 24 : Insertions podales des muscles extrinsèques, face dorsale à gauche et plantaire à droite Diagramme de mobilisation du pied Flexion dorsale Elle est assurée par le tibial et le troisième fibulaire, les longs extenseurs des orteils et de l’hallux. Flexion plantaire Réalisée par le triceps sural, les fibulaires, le tibial postérieur, le long fléchisseur des orteils et le long fléchisseur de l’hallux. Supination Réalisée par le long extenseur de l’hallux, le tibial antérieur, le tibial postérieur, le fléchisseur commun des orteils et le fléchisseur de l’hallux. Principes de traitement manuel du pied Pronation Réalisée par les éléments musculaires situés en dedans de l’axe vertical du pilon tibial. L’éversion associe flexion dorsale, abduction et pronation alors de l’inversion associent flexion plantaire, adduction et supination. Sur le plan tronculaire, ce sont les terminales du nerf sciatique ou ischiatique : • soit le nerf fibulaire qui assure l’innervation de la face dorsale du pied par le nerf fibulaire superficiel et profond en regard du premier espace interdigital, • soit le nerf tibial pour la face plantaire avec ses terminales le nerf plantaire médial et latéral, • le nerf sural prend en charge la face latérale du pied jusqu’au cinquième rayon, •le nerf saphène, issu du nerf fémoral descend en dessous de la malléole médiale, apportant les dernières fibres en lien avec la quatrième racine lombaire (fig. 26). LE PIED NERVEUX LE PIED POSTURAL [2] Le pied est innervé sur le plan radiculaire par les branches ventrales des quatrième et cinquième nerfs spinaux lombaires et par les première et seconde racines sacrées (fig. 25). Nous laisserons à Philippe Malafosse le plaisir de nous décrire le pied postural et les moyens de le traiter. Réalisée par l’extenseur commun des orteils et les fibulaires. Abduction Réalisée par les éléments musculaires situés en dehors de l’axe vertical du pilon tibial. Adduction Nerf fibulaire superficiel Nerf tibial © Sauramps Médical. La photocopie non autorisée est un délit. Nerf plantaire latéral Nerf plantaire médial Nerf fibulaire profond Fig. 25 : Innervation radiculaire, vue dorsale à gauche et plantaire à droite. Fig. 26 : Innervation tronculaire du pied 87 )- Médecine du sport et thérapies manuelles Il nous paraît fondamental de rappeler que tout déséquilibre impose une correction car il n’est pas compatible avec un fonctionnement harmonieux du pendule inversé qu’est l’homme. Le pied est un des lieux privilégiés de correction des dysfonctionnements. De nombreux auteurs ont décrit des chaînes musculaires censées regroupés des muscles dans un fonctionnement groupé. Cela nous paraît artificiel car il n’existe pas de lien anatomique nerveux, embryologique ou vasculaire. L’invocation des fascias ne résout pas plus le problème car on a tendance à leur prêter des capacités qui ne sont pas dans leur ressort. L’examen palpatoire des pieds retrouve fréquemment des points douloureux muscu- laires plantaires que le traitement manipulatif articulaire ne fait pas disparaître. Il s’agit le plus souvent de muscles qui participent au maintien des voûtes et colonnes du pied. Les abducteurs de l’hallux et du cinquième, l’adducteur transverse de l’hallux, le tibial postérieur et le long fibulaire. En dehors d’un contexte post-traumatique, entorse ou fracture, ils traduisent un mécanisme de rattrapage d’un désordre postural imposant un bilan des capteurs visuel, labyrinthique autant que podal afin de corriger la perturbation. La technique de raccourcissement est à privilégier mais ne peut se faire qu’après avoir libéré le pied de l’influence néfaste d’un complexe tricipital hypoextensible. BIBLIOGRAPHIES [1] BRICOT B. Reprogrammation posturale globale. 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