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© Sauramps Médical. La photocopie non autorisée est un délit.
Les affections mécaniques du pied ne tirent
pas assez profit des thérapies manuelles.
Enfermés dès le plus jeune âge dans des
chaussures, ils perdent de leur homogénéité
mécanique. Cette structure composite doit sa
résistance et son adaptabilité aux contraintes
imposées par la bipédie de l’homme et son
évolution dans le paysage terrestre, à la com-
plémentarité de chacun de ses composants,
qu’il soit osseux, ligamentaire, cutané, fibro-
adipeux ou musculaire.
Or, le capiton plantaire s’amincit avec les se-
melles amortissantes, et les muscles s’atro-
phient dans des chaussures rigides.
Il en résulte une majoration des sollicitations
mécaniques imposées au complexe ostéo-ar-
ticulaire.
D’où l’intérêt de comprendre les principes de
la prise en charge manuelle.
Mais son action est limitée, car si nous pou-
vons agir sur certains facteurs favorisants
telle l’hypoextensibilité du complexe tricipito-
achilléo-calcanéo-plantaire, il n’en est pas de
même des facteurs prédisposants telles les
anomalies morphologiques comme le pied
ancestral de D.-J. Morton, ou les insuffi-
sances de certains rayons.
Ainsi, comme pour l’ensemble de l’appareil
locomoteur, il n’y a pas de recette pour traiter
un pied. Rigueur, méthode, logique et connais-
sance doivent guider le praticien lors de l’éta-
blissement du protocole thérapeutique qui
découle de l’étape diagnostique, précédem-
ment abordée.
Le traitement manuel du pied doit tenir
compte des nombreux paramètres liés non
seulement à son anatomie et sa morphologie,
mais aussi à ses fonctions statique et dyna-
mique. Elles donnent cette spécificité unique
au pied de l’homme, lui conférant sa bipédie
adaptative quelles que soient les conditions
d’utilisation.
Il s’agit avant tout d’une mosaïque osseuse
dont les constituants possèdent une fonction
et une forme spécifique dont ils tirent pour la
plupart leur nom.
Ils sont unis par des articulations dont la géo-
métrie indique les degrés de liberté articu-
laire. Ces dernières sont solidement reliées
par des structures ligamentaires dotées d’un
infime potentiel d’élasticité, ce qui au demeu-
rant est une excellente chose pour la longé-
vité autant que la stabilité, les articulations
ayant peu d’affinité pour la laxité génératrice
de phénomène de cisaillement délétère.
Principes de traitement manuel du pied
D. Bonneau
Institut Supérieur de Thérapeutique Manuelle
www.medecinemanuelle.fr
Médecine du sport et thérapies manuelles
-( 72
Pour coapter l’ensemble mais surtout l’ani-
mer, les muscles sont indispensables. Ils sont
constitués de myofibrilles dotées de la capa-
cité de se raccourcir du tiers de leur longueur
et développer une force directement propor-
tionnelle à la surface de section du corps
musculaire. Un tissu fibreux inextensible
l’entoure limitant et surtout orientant, selon
son épaisseur, la globulisation en rapport
avec le caractère isochore du muscle.
Prolongeant le corps musculaire contractile,
le tendon est quant à lui dépourvu de cette
propriété. Il se fixe sur le levier osseux en un
point, l’enthèse dont la distance avec le
centre instantané de rotation de l’articulation
qu’il mobilise, détermine le moment de force.
En outre, selon le but recherché en terme
d’équilibre, de force ou d’amplitude, on adap-
tera le type de levier.
Pour transmettre l’information décidée au ni-
veau cérébral et en contrôler sa réalisation,
un réseau nerveux est nécessaire, mais re-
quiert une précision extrême, à laquelle le
type de fibre nerveuse, la nature des liaisons
avec l’activateur mais aussi l’analyse du si-
gnal de sortie par des capteurs spécialisés.
Enfin, il faut une bonne carrosserie, pour en-
velopper et protéger l’ensemble. La peau joue
ce rôle et s’adapte aux contraintes auxquelles
elle se trouve confrontée en modifiant son
épaisseur notamment au niveau plantaire.
Mais au-delà de sa fonction protectrice, elle
est une mine à capteurs !
Ainsi se trouvent présentées les bases des
grandes lignes des principes thérapeutiques
que l’on va devoir suivre pour optimiser le
résultat escompté.
LE COMPLEXE TRICIPITAL
Le point clef du traitement en thérapeutique
manuelle se situe dans le segment sural. Il
s’agit du triceps.
Pour bien en comprendre son rôle il est pri-
mordial de connaître le fonctionnement du
pied dans la locomotion.
Le pied est une structure musculosquelet-
tique où la morphologie et l’agencement des
os répondent à un cahier des charges précis.
L’arrière pied est constitué de l’empilement
vertical du talus sur le calcanéum. La taille
des os et leur mode d’articulation (double
trochoïde inversée) ont pour fonction de sup-
porter le poids du corps, d’amortir et de
s’adapter aux terrains accidentés. Rappelons
selon Farabeuf que le calcanéum vire, tangue
et roule sous le talus.
L’avant-pied et sa palette ou clavier métatar-
sien permet le réglage des têtes métatar-
siennes. Dans le plan horizontal l’articulation
tarsométatarsienne de Lisfranc adapte la lar-
geur de l’appui antérieur et dans le plan verti-
cal ajuste selon le relief du sol la hauteur des
têtes métatarsiennes. Et tout cela est dyna-
mique, aidé en cela par le caractère contrac-
tile et viscoélastique des muscles intrinsèques.
Le médiopied va donc avoir la lourde charge
d’harmoniser ces deux composantes. Pour pas-
ser d’un plan de travail vertical à un horizontal il
est nécessaire de réaliser une torsion hélicoï-
dale. Ainsi Hencke a décrit cet axe qui passe
par le calcanéum et l’os naviculaire autour du-
quel se déroulent les mouvements d’inversion
et d’éversion. L’inversion associe adduction,
flexion plantaire et supination, et l’éversion re-
groupe abduction, flexion dorsale et pronation.
L’application de cette réalité anatomique ex-
plique l’importance de réaliser des gestes re-
produisant cette hélice rappelant le fameux
lemniscate de Bernoulli, qui unit l’empilement
osseux vertical à l’étalement horizontal (fig. 1).
Ainsi le programme de l’arrière-pied est de
supporter le poids du corps tant durant la sta-
tion verticale que lors de la marche.
Principes de traitement manuel du pied
73 )-
© Sauramps Médical. La photocopie non autorisée est un délit.
Lors de la locomotion, le temps d’appui pos-
térieur doit être suffisamment long durant la
phase oscillante du pas pour pouvoir at-
tendre la phase de double appui qui permet-
tra de transférer le poids du corps sur l’appui
antérieur.
Durant cette phase portante il est primordial
que l’appui talonnier soit le plus long possible
aidé en cela par la “souplesse” et le potentiel
d’étirement du complexe tricipito-achilléen.
Une brieveté ou une hypoextensibilité de ce
dernier va provoquer un décollement précoce
du talon et un transfert inopiné de la masse du
corps sur le médiopied et surtout l’avant-pied.
Cette surcharge brutale et prématurée sur les
têtes métatarsiennes va entraîner à plus ou
moins long terme l’équivalent d’un syndrome
de surutilisation source de métatarsalgies
statiques et ses associations lésionnelles.
Le médiopied ne sera pas épargné et impo-
sera aux gardiens de la voûte, long fibulaire et
le tibial postérieur, de prendre en charge cette
contrainte supplémentaire.
Le sportif ressentira plus précocement ce
désagrément lors des footings avec une pé-
riostite tibiale.
La station assise est une des responsables
d’une mise en position courte des gastrocné-
miens dont découle leur hypoextensibilité
secondaire (fig. 2 et 3).
Fig. 1 : Arrière-pied vertical et
avant-pied horizontal et la tor-
sion intermédiaire
Fig. 2 : Extensibilité normale du triceps : temps d’appui postérieur respecté
Médecine du sport et thérapies manuelles
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Les répercussions cliniques sont multiples,
car elle potentialise chez l’enfant la survenue
des ostéochondroses, et chez l’adulte les mé-
tatarsalgies, les fractures de fatigue (fig. 4).
Les méfaits d’une hypo-extensibilité :
•Limitationdelaexiondorsaledelatalo-
crurale,
•Traction-cisaillement de la tubérosité cal-
canéenne,
•Contrainteencompressiondusommetde
l’arche médiale et la surcharge de ses gar-
diens (tibial postérieur et long fibulaire),
•Appui précoce et majoré sur la charnière
métatarso-phalangienne et l’appareil sésa-
moïdien,
•Surchargemécaniquedesdifférentescom-
posantes musculaire, tendineuse et aponé-
vrotique de l’appareil propulseur (gastroc-
némien, tendon et enthèse),
•Hypersollicitationdel’entraitmusculo-apo-
névrotique plantaire.
Ce qui nous ramène à un de nos crédos qui
est d’enseigner les étirements musculaires à
l’école plutôt que les roulades dont les
conséquences remplissent régulièrement
nos cabinets…
Une fois ce préambule majeur effectué, nous
pouvons passer aux bases anatomiques qui
guident nos gestes.
Fig. 3 : Hypoextensibilité du triceps : temps d’appui postérieur diminué et surcharge précoce du médio et avant-pied
Fig. 4 : Brièveté tricipitale et conséquence
d’un décollement précoce de l’arrière-pied
Principes de traitement manuel du pied
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© Sauramps Médical. La photocopie non autorisée est un délit.
Triceps et entorse talo-crurale
Dans notre pratique, nous avons été interpel-
lés par une pratique de rebouteux réalisée en
cas d’entorse de la talo-crurale avec épan-
chement et boiterie et, au bilan échogra-
phique une simple lésion du faisceau anté-
rieur du ligament collatéral latéral.
Elle consiste en un massage vigoureux par
pression glissée du triceps, suivie d’une amé-
lioration clinique immédiate avec un déroulé
du pas harmonieux.
Nous avons essayé de comprendre. Nous
proposons cette explication simpliste.
Le ligament est un capteur de fin d’amplitude,
c’est-à-dire qu’il informe de la position maxi-
male d’une articulation provoquée par la
contraction d’un muscle. Ainsi le faisceau an-
térieur du LCL est mis en tension par la
contraction du triceps informant les centres du
raccourcissement maximum actif du muscle.
En cas de lésion du ligament, ce capteur de
fin d’amplitude étant neutralisé, il n’informe
plus les centres réflexes de l’action muscu-
laire. Cette rupture de l’asservissement
musculo-ligamentaire provoque ainsi un
emballement du système avec cette
contraction typique du triceps entraînant ce
fameux équin antalgique, que les ostéo-
pathes rattachent à l’antériorisation de la
tête du talus (fig. 5).
LE PIED OSSEUX
Constitué de vingt-huit os auxquels on peut
rajouter les os surnuméraires, le pied est
pourvu d’articulations qui règlent le jeu de
ces leviers.
Rappelons que l’astragale est devenu talus, et
que sa ressemblance à une coque de bateau
a valu au scaphoïde de se transformer en
naviculaire pour éviter toute confusion avec
son homonyme du carpe. Ainsi, les os du pied
tirent en grande partie leur nom de leur forme,
en cube, en coin mais aussi de leur position,
méta signifiant après.
Le nombre de degré de liberté articulaire dé-
termine les axes de travail et réciproquement.
L’articulation sphéroïde, qui possède trois
degrés de liberté autorisant des mouvements
dans les trois plans de l’espace, est présente
en regard de la talo-naviculaire. La spécificité
de cette liaison est son caractère souple
conféré par la composante ligamentaire infé-
rieure, le ligament calcanéonaviculaire infé-
rieur ou ligament glénoïdien. De cette capa-
cité à une grande amplitude, l’os naviculaire
tire sa vulnérabilité. Pour les raisons évo-
quées plus haut, il n’est pas conçu pour ab-
sorber les contraintes mais pour les répartir. Il
appartient en effet à la colonne dynamique
talodépendante, se prolongeant par les cunéi-
formes et les trois rayons médians (fig. 6).
Fig. 5 : Contracture tricipitale après rupture du cap-
teur de fin d’amplitude ligamentaire
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