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Une pointe d’orgueil et une coquette volonté de paraître feront le malheur de Mme
Loisel dans La Parure, la touchante naïveté amoureuse d’un homme le rendra à moitié fou
dans La Morte, un militaire normalement bravache et fanfaron se retrouvera nu devant sa
lâcheté fondamentale quand le hasard le mettra face à une épreuve insurmontable pour lui
dans Le Lit 29.
Ce pessimisme est ironique en ce sens que Maupassant ne voit aucune échappatoire
à notre condition. La vie devient alors quelque chose d'absurde. Le regard qu'il porte sur
elle est emprunt d'une grande distance : il nous décrit les vains efforts des pauvres êtres
que nous sommes comme un biologiste assistant à l'agonie de souris en cage… sans jamais
oublier qu'il est lui-même une des ces souris.
Le style de Maupassant
Goncourt écrit dans son journal : « Une page de Maupassant n’est pas
signée, c’est tout bonnement de la bonne copie courante appartenant à
tout le monde ». De tout temps Maupassant s’est vu reproché son style…
ou son absence de style. Souvent associé à un sous-Flaubert, il assume
néanmoins totalement la « simplicité » de son approche : "On peut
traduire et indiquer les choses les plus subtiles en appliquant ce vers de
Boileau : D'un mot mis en sa place enseigna le pouvoir." (Etude sur le
Roman). Le fait même de citer Boileau, symbole de classicisme, montre l’aversion de
Maupassant pour les « clowneries de langages » : « Quelle que soit la chose qu'on veut dire, il
n'y a qu'un mot pour l'exprimer, qu'un verbe pour l'animer et qu'un adjectif pour la qualifier. Il
faut donc chercher, jusqu'à ce qu'on les ait découverts, ce mot, ce verbe et cet adjectif, et ne
jamais se contenter de l'à-peu-près, ne jamais avoir recours à ces supercheries, mêmes
heureuses, à des clowneries de langage pour éviter la difficulté. » (Etude sur le Roman).
Maupassant rapporte, dans le même ouvrage, un commentaire de Flaubert sur ses
premiers écrits : "Je ne sais pas si vous avez du talent. Ce que vous m'avez apporté prouve
une certaine intelligence, mais n'oubliez point ceci, jeune homme, que le talent- suivant le mot
de Buffon - n'est qu'une longue patience."
Travail, simplicité, vraisemblance. Ce sont les maîtres mots de Maupassant.
"Quand vous adaptez n’importe quel autre auteur, vous vous demandez ce qu’il faudra
couper dans le livre. Avec Maupassant, jamais. C’est un scénariste fabuleux, idéal, dont les