Diversification économique en Afrique centrale : État des lieux et

ÉTUDE :
Diversification économique en Afrique
centrale : État des lieux et
enseignements
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BANQUE DE FRANCE – Rapport Zone franc – 2007
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4. Diversification économique en Afrique centrale : état des lieux
et enseignements1
Au lendemain des indépendances, la plupart des pays africains ont entamé un processus de diversification
de leurs structures économiques, à travers des politiques industrielles de substitution aux importations,
afin de réduire progressivement leur dépendance à l’égard des produits de base.
Ces expériences d’industrialisation ont néanmoins abouti à des échecs, du fait en particulier de la crise de
la dette qu’ont subie les pays en développement au cours des années 1980. Le creusement des déficits
commerciaux, lié à la progression des importations, et l’augmentation des déficits publics, résultant de
l’interventionnisme des États, ont conduit à une réorientation des stratégies de développement et à la
privatisation du tissu industriel à partir des années 1990.
En dépit de ces échecs, l’exigence d’une réorientation des politiques de développement des pays africains
demeure afin de promouvoir une plus grande diversification du tissu productif. La diversification joue en
effet un rôle essentiel dans la maîtrise des aléas de la conjoncture et réduit notamment l’impact des
fluctuations des cours des matières premières sur les économies. Elle doit aussi permettre une
amélioration de la compétitivité internationale.
Les économies des pays de la CEMAC apparaissent fortement concentrées autour des secteurs pétrolier,
minier et agricole. Si l’embellie observée au cours des années récentes sur les marchés mondiaux des
matières premières a permis un sensible redressement des performances macroéconomiques de la
CEMAC, ces économies n’en demeurent pas moins vulnérables à un risque de retournement de la
conjoncture internationale. Cette vulnérabilité doit conduire à repenser les stratégies de développement à
moyen et long terme dans l’optique de rendre durables les performances macroéconomiques récentes.
Dans ce cadre, le Forum sur « la diversification des économies et la promotion de l’investissement non
pétrolier en vue d’une croissance forte et durable dans la CEMAC » a réuni, à l’invitation de la BEAC, de
hauts responsables des administrations publiques et du secteur privé des différents pays membres. Il a en
particulier examiné la problématique des instruments et des politiques économiques qui devraient être
privilégiés afin d’approfondir la dynamique de diversification des bases de production et d’exportation
entreprises depuis quelques années. Ces travaux ont débouché sur la formulation de recommandations,
présentées en annexe 3, destinées à inspirer les politiques économiques, tant au niveau national qu’au
niveau sous-régional, un Plan Economique Régional (PER) étant en cours d’élaboration par les instances
de la CEMAC.
La présente étude donne un bref aperçu des débats sur l’opportunité d’une diversification des bases
productives, en mettant en relief les enjeux et les déterminants de celle-ci (4.1.). Elle présente ensuite, par
l’examen d’indices de concentration, la dynamique du processus de diversification dans les pays de la
CEMAC depuis 1987 (4.2.).
1 Cette étude a été réalisée par le Service de la Programmation monétaire de la Banque des États de l’Afrique Centrale. Ses
conclusions ont été présentées à l’occasion du Forum sur la diversification des économies de la CEMAC, organisé par la BEAC
du 1er au 3 octobre 2007, à Libreville (Gabon).
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4.1. Brève revue de littérature sur les enjeux et déterminants de
la diversification économique
Le débat sur la diversification trouve son origine aux Etats-Unis et en Amérique latine, lors de la crise de
l’entre-deux guerres marquée par la chute spectaculaire du cours des matières premières. Les arguments
formulés en faveur de la diversification ont progressivement inspiré les politiques commerciales et
industrielles des pays industrialisés puis, de manière plus large, les politiques de développement des pays
émergents jusqu’à nos jours.
De nombreuses contributions économiques ont montré les avantages procurés par la diversification en
termes de dilution des risques macroéconomiques, de même que les théories de la croissance et du
développement ont mis en évidence l’apport de la diversification au processus de développement
(Berthélemy, 2005). En effet, un pays ou une région dont lactivité économique est diversifiée est moins
sensible aux aléas conjoncturels, dès lors que les aléas qui frappent les différents secteurs ne sont pas
corrélés positivement entre eux. Cet argument est particulièrement important pour les pays qui exportent
des matières premières, dont les cours peuvent connaître de fortes fluctuations, ce qui constitue le motif le
plus évident de recherche d’une plus grande diversification.
Cette analyse en termes de gestion et de répartition des risques peut être étendue à la question de la
vulnérabilité d’une économie ou d’une région face aux changements technologiques ou à l’arrivée de
nouveaux concurrents. De ce point de vue, comme le souligne Berthélemy (2005), l’atténuation des
risques procurée par la diversification n’est pas simplement un enjeu pour les pays en développement,
mais il l’est aussi pour les pays développés (Attaran et Zwick, 1987 ; Aiginger et alii, 1999). Les
différents pays et les différentes industries ne peuvent pas en effet tous se protéger contre l’émergence de
nouveaux concurrents ou de nouvelles technologies en se plaçant à la frontière des avancées
technologiques.
Certaines analyses (Imbs et Wacziarg, 2003) tendent à mettre en évidence une relation en forme de U
inversé entre la diversification et le niveau de développement économique. Les pays tendraient à se
diversifier au fur et à mesure que le revenu augmente, pour se spécialiser une fois atteint un certain seuil
de revenu par tête. En outre, de nombreux travaux théoriques et empiriques consacrés aux enjeux et
déterminants de la diversification économique2ont mis en évidence la relation positive entre la
diversification de l’économie et la croissance et/ou la productivité.
4.1.1. Les enjeux de la diversification économique
Pour mieux apprécier les coûts et avantages d’un processus de diversification, il convient d’en souligner
les principales caractéristiques. Comme le souligne Berezin (2002) :
La diversification de la production peut être horizontale et/ou verticale : la diversification horizontale
vise l’émergence d’un nouveau secteur d’activité, tandis que la diversification verticale consiste à
élargir la gamme des produits fabriqués dans un même secteur, afin d’aboutir à la constitution d’une
filière complète, partant du produit de base jusqu’aux produits ou services incorporant une plus forte
valeur ajoutée ;
La diversification de la production répond à la loi des rendements décroissants : si la diversification
d’un portefeuille d’actifs en réduit le risque, le bénéfice marginal d’un accroissement de la
diversification est une fonction décroissante du volume global de ce portefeuille. Ce principe
2 Voir Feenstraa et alii [1999], Berthélemy et Chauvin [2000], Berthélemy et Söderling [2001].
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s’applique également à la diversification de la production. La diversification peut s’avérer
contreproductive s’il faut réallouer les ressources affectées aux secteurs performants au profit de
nouveaux secteurs ;
La corrélation des performances sectorielles est critique : le gain attendu de la diversification est
accru si le développement de la production dans de nouveaux secteurs n’est pas parfaitement corrélé
(et si possible, s’il est négativement corrélé) à celui du reste de l’économie. Ceci implique que la
diversification de la production ne doit pas seulement correspondre à une migration vers de nouveaux
secteurs, mais elle nécessite également le déplacement vers des secteurs dont l’évolution est
décorrélée du reste de l’économie.
En outre :
Afin de permettre aux économies de ne plus être excessivement tributaires de secteurs d’activité
fondés sur l’exploitation et l’exportation des ressources naturelles, la diversification doit pouvoir
s’appuyer sur un secteur privé dynamique, ayant accès à une main-d’oeuvre qualifiée et évoluant
dans un environnement institutionnel et juridique favorable.
4.1.2. Les déterminants de la diversification
La diversification joue un rôle important dans le développement et la croissance d’une économie. En
effet, elle peut contribuer, selon certains auteurs, à accroître la productivité des facteurs, à renforcer
l’investissement et à stabiliser les recettes d’exportations. Le rapport sur la diversification en Afrique de
la Commission Économique pour l’Afrique des Nations Unies (2006) répertorie cinq catégories de
variables agissant sur le processus de diversification. Notamment :
les facteurs physiques : l’investissement, la croissance et le capital humain ;
les politiques publiques : les politiques budgétaires, commerciales et industrielles (de par leur
impact sur le renforcement du tissu industriel) ;
les variables macroéconomiques : les taux de changes et d’inflation ainsi que les soldes
extérieurs ;
les variables institutionnelles : la gouvernance, l’environnement de l’investissement et la
situation sécuritaire (conflits, …) ;
l’accès aux marchés : le degré d’ouverture aux échanges de biens, de services et de capitaux
(élimination des barrières tarifaires et non tarifaires), l’accès aux financements, bancaires ou de
marché.
Plus particulièrement, au plan macroéconomique, une forte instabilité de l’environnement économique,
marqué, par exemple, par une forte inflation, ne favorise ni la création et le développement de nouveaux
secteurs d’activité, ni l’instauration d’un climat d’affaires favorable au processus de diversification.
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