ANALYSE DRAMATURGIQUE :
En 1971, Müller écrit une traduction de Macbeth qui deviendra rapidement une adaptation de la pièce de Shakespeare. Il vient de passer dix
ans au ban de la RDA après le scandale de L’Émigrante, exclu de l’Union des Ecrivains : il est accusé d’écrits contre-révolutionnaires, anti-
communistes, anti-humanistes. Les sujets contemporains lui étant interdits, il se tourne d’abord vers l’adaptation des Antiques, mais ne déjoue
pas pour autant la censure, ses pièces sont interdites sur les scènes Est-Allemandes. Ce n’est qu’avec Macbeth et plus encore avec Ciment en
1973 qu’il reprend pied sur la scène théâtrale allemande, la pression politique diminuant et Müller trouvant des appuis auprès d’amis comme
Ruth Berghaus, alors nouvelle directrice du Berliner Ensemble.
La pièce est traduite en français pour la première fois en 2006 par Jean-Pierre Morel (Editions de Minuit), à ce jour elle a été très peu montée
en France, citons deux mises en scènes : celle de Olivier Coulon-Jablonka au JTN en 2006 à la demande du traducteur, et celle de Caroline
Guiéla en 2008 avec les étudiants du TNS.
La langue Shakespearienne :
Du caractère premier du projet, une traduction, on retrouve une grande fidélité au texte d’origine que ce soit en ce qui concerne la langue elle-
même ou encore la fable et sa chronologie.
En effet on notera tout d’abord que Müller retranscrit certains passages à l’identique (cela apparaît bien que nous lisions la traduction
française de l’adaptation allemande de Müller), une traduction en somme qui lui valu d’ailleurs une partie du scandale que fit la pièce (le
critique Harich écrivit en réponse aux défenseurs de Müller « et voilà ce que vous appelez une nouvelle pièce de Müller ? »).
Il conserve également la fable et sa chronologie, introduisant des variations et des coupes à l’intérieur des scènes, il condense parfois
plusieurs scènes mais n’effectue que rarement des coupes de scènes ou des ajouts de scènes nouvelles, toujours en respectant la chronologie.
Il modifie souvent la chute et le motif de rupture (de bascule) de la scène : toujours dans une orientation plus politique qui clarifie une lecture
moderne de la pièce (nous verrons le détail dans ce qui suit). Son « adaptation » est ainsi plus proche d’une « lecture pour la scène » que
d’une variation littéraire (comme ce sera le cas plus tard avec Hamlet par exemple).
Dans ces variations (modifications à l’intérieur des scènes ou scènes rajoutées) Müller travaille une langue shakespearienne (qui contient
d’ailleurs ses propres obsessions). Il réinvente une langue imagée, métaphorique, baroque, violente qu’il modernise, elle est plus crue et plus
concise que celle de Shakespeare et en cela peut-être est-elle plus proche de l’effet que faisait la poésie de Shakespeare à ses contemporains.
Ainsi il emploie les métaphores du corps pour la guerre et l’histoire, il opère un rapprochement entre la mort, la nourriture et le sexe, il
multiplie les références aux animaux et à l’animalité.
Le peuple mis en avant :
Comme le souligne Jean-Pierre Morel dans son introduction à sa traduction française (Editions de Minuit) « les critiques de 1972 s’accordent
pour dire que Müller a rendu visibles les opprimés ».
En effet Müller politise la pièce en remplaçant notamment le destin par l’Histoire. La dimension mythique qui existe chez Shakespeare (signes
du destin, personnages magiques comme les sorcières, monstruosités de la nature, fantômes) est presque entièrement ramenée chez Müller
aux dimensions Historique et politique.