Le théâtre dans le théâtre au-delà d’Hamlet
1) Le topos baroque du « theatrum mundi », le « théâtre du monde »
On trouve l’idée que le monde serait un théâtre dès l’Antiquité, chez l’auteur latin Pétrone notamment,
mais elle a pris un essor particulier dans l’esthétique baroque qui s’est développée aux XVIème et
XVIIème siècles (donc à l’époque de Shakespeare).
L’Homme durant sa vie serait comme un acteur durant une représentation théâtrale : sa naissance serait
son entrée en scène et sa mort sa sortie. On retrouve d’ailleurs exactement ce dispositif dans Le grand
Théâtre du Monde (El Gran Teatro del Mundo), pièce de l’auteur espagnol Pedro Calderón de la Barca
(XVIIème siècle), dont l'intrigue se décrit en deux mots : l'Auteur crée une pièce dans la pièce intitulée
Agir bien, car Dieu est Dieu sur la scène du Monde. Les personnages humains (qui sont des types : le
Riche, le Roi, le Laboureur, la Beauté etc.) sont des comédiens sans texte, contraints d’improviser et
ayant pour unique souffleur la Loi. Dans la pièce mise en abyme, le décor comporte deux portes : l’une
où est peint un berceau, l’autre où est peint un cercueil.
Il y a une visée morale derrière ce topos : la vie humaine est éphémère, précaire, et la vraie vie serait
auprès de Dieu. Si l’homme joue bien son rôle sur Terre, il obtiendra une vie heureuse auprès de Dieu.
Il permet également une réflexion sur le thème cher à la pensée baroque de l’illusion, de la coïncidence
ou de la différence entre être et paraître : la vie qui paraît si réelle ne serait qu’une illusion comme le
théâtre.
2) Le théâtre dans le théâtre dans d’autres pièces de Shakespeare
On retrouve ce topos du theatrum mundi dans la bouche de personnages de Shakespeare, dans Comme
il vous plaira : « Le monde entier est une scène et les hommes et les femmes n’en sont que les acteurs »
(Jacques, Acte II, scène 7 texte original : « All the world's a stage, / And all the men and women
merely players ») et dans Macbeth : « La vie n’est qu’une ombre en marche, un pauvre acteur, / Qui se
pavane et se démène son heure durant sur la scène,/ Et puis qu’on n’entend plus. » (Macbeth, Acte V,
scène 5).
Une autre pièce de Shakespeare met en œuvre le dispositif de la pièce dans la pièce : Le Songe d'une
nuit d'été (1600) cinq artisans répètent puis jouent pour le mariage du duc d'Athènes la légende de
Pyrame et Thisbé.
3) Autres pièces connues qui mettent en œuvre ce dispositif
L'Illusion comique de Corneille (1635) où un père qui recherche son fils est "trompé" par un magicien
(en réalité un metteur en scène) qui lui fait croire qu'il peut projeter des images vivantes qui montrent
ce qu'est devenu son fils... En réalité, le père sans le savoir regarde des comédiens jouer... parmi
lesquels son fils devenu comédien...
Les Acteurs de bonne foi de Marivaux : pour distraire une dame de la haute bourgeoisie, un écrivain
de théâtre invente une petite pièce qu'il veut faire jouer par des paysans et paysannes. Pièce il faut
"jouer" l'amour mais l'un des paysans qui regarde sa fiancée jouer ne veut pas qu'elle dise des mots
d'amour ou accepte d'en entendre...
Six personnages en quête d'auteur de Pirandello où, durant une répétition de théâtre, surviennent six
personnages qui ont vécu une pièce mais que personne n'a encore écrite. Ils demandent aux comédiens
de la jouer. Mais lorsqu'ils observent les comédiens jouer, ils trouvent que ce n'est pas ce qu'ils ont
vécu...
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