L'analyse du contenu des
débats
politiques télévisés
L'analyse linguistique
Une première façon d'appréhender le contenu des débats est l'analyse linguistique. Les
débats sont des échanges verbaux
;
aussi est-ce assez naturel de les aborder en fonction de leur
matière première langagière. Ce sont surtout des chercheurs de langue française qui s'y
emploient. Trois sous-types d'analyse linguistique peuvent être repérés : l'analyse lexicogra-
phique, l'analyse énonciative et l'analyse du comportement
discursif.
L'analyse lexicographique
Comme son nom l'indique, l'analyse lexicographique consiste en une étude des mots
employés dans le corpus étudié. L'une des plus connues et des plus exhaustives a été produite
par Cotteret, Emeri, Gerstlé et Moreau (1976) au sujet du débat ayant opposé Valéry Giscard
d'Estaing et François Mitterrand, lors des élections présidentielles françaises de 1974. L'analyse
consiste en un traitement statistique du vocabulaire employé par les deux candidats. Etudiant
par exemple leur usage des pronoms « nous », «je », « vous », de verbes modaux comme « vou-
loir»,
«pouvoir», «falloir» et «devoir», ainsi que les appels des candidats aux téléspectateurs,
les auteurs prétendent que V. Giscard d'Estaing met davantage en cause son adversaire, cherche
plus que lui à impliquer l'auditoire et à référer à sa propre personne. Cotteret, Emeri, Gerstlé et
Moreau retiennent le mot comme unité d'analyse pour traiter du contenu plus abstrait des inter-
ventions de V. Giscard d'Estaing et F. Mitterrand
:
les « thèmes » qu'ils abordent et la « stratégie
symbolique » qu'ils déploient.
Dans la foulée de cette première étude, Gerstlé (1981) propose une analyse du débat de
1981 ayant encore mis aux prises Valéry Giscard d'Estaing et François Mitterrand. Sa grande
originalité est de systématiser l'étude de l'utilisation des pronoms «je », « vous » et « nous » et
de leurs dérivés. Il met ainsi en évidence ce qu'il appelle «
la
structure
(d'adresse)
implication/
interpellation/association
» de chacun des deux candidats. L'idée de base de Gerstlé est de consi-
dérer le débat comme une « lutte verbale » au cours de laquelle les opposants cherchent à se
mettre eux-mêmes en valeur et à discréditer l'adversaire au regard de l'électorat à convaincre.
L'étude des pronoms référentiels permet de dégager les éléments de ce qu'on pourrait nommer
ce « positionnement » par rapport à soi-même, à l'autre vu comme un adversaire et à l'auditoire.
Par exemple, l'auteur conclut de son étude que F. Mitterrand a tenu un discours davantage per-
sonnalisé dans lequel il cherchait moins à interpeller son opposant qu'à dégager sa propre valeur
(la fameuse «force tranquille»).
Explicitement inspiré par ces premiers travaux, Moniere (1991) procède à une analyse lexi-
cographique de tous les débats télévisés qui ont été organisés lors d'élections fédérales cana-
diennes (1968, 1979, 1984 et 1988). Moniere adopte cependant une perspective plus large d'ana-
lyse
:
il entend dévoiler « la forme et le fond des discours tenus par les protagonistes » des
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