URGENCE

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URGENCE
L’expression a été prononcée beaucoup depuis quelques jours, et elle émeut. Elle est faite pour, ne
nous étonnons pas ! En effet, l’état d’urgence renvoie à une loi qui date de 1955, qui a été promulguée
durant la guerre d’Algérie, appliquée une seule fois depuis, en Nouvelle-Calédonie. Elle évoque, donc,
une situation particulièrement grave, qui permettrait au pouvoir exécutif d’avoir des pouvoirs étendus,
et de prendre rapidement des mesures qui, en temps normal, ne peuvent l’être qu’après consultation
d’élus, de représentants du peuple… Donc le mot en impose, ne serait-ce que parce qu’il évoque une
situation d’exception : un état d’urgence, ça se déclare, ça se décrète. Et ça fait donc
immanquablement penser à ces états exceptionnels : on décrète l’état de siège ; on décrète la Patrie
en danger… Il y a là une solennité qui, au-delà même des dispositions que permet cette déclaration,
fait ressortir la situation comme grave. C’est la magie du mot. Car à y regarder de plus près,
l’expression est extrêmement vague, même si elle recouvre des implications juridiques précises.
Elle est vague parce qu’elle manque de complément : de quelle urgence s’agit-il. L’urgence de faire
quoi ?
Car l’urgence elle-même ne désigne que le fait qu’on soit pressé, qu’on se trouve dans la situation de
faire quelque chose sans retard. Vous rappelez-vous la célèbre scène du Dom Juan de Molière, où
Elvire vient voir chez lui le séducteur ? Voilà un état d’urgence : le sujet dont Elvire veut entretenir
Dom Juan (le salut de son âme) ne supporte pas de retardement ! Il y a, donc, urgence lorsqu’il y a
péril en la demeure… Au sens propre. Puisque, dans son premier sens, cette expression signifie qu’il
y a péril à rester sans agir, sans rien faire : il y a danger à demeurer sans rien faire. Le nom urgence a
donné le verbe urger, peu usité, et souvent de façon un peu plaisante ou ironique : ça urge… A part
ça, le nom s’emploie souvent dans l’expression « en cas d’urgence ». C’est-à-dire s’il se produit
quelque chose qui nécessite une intervention, une décision immédiate, pour régler un problème grave.
Car, en fait, le mot prend son sens à la jonction de ces deux idées : c’est à la fois pressé et important.
Et en général imprévu, qui dérange le train-train, la routine : le docteur Dupont n’est pas là : on l’a
appelé pour une urgence.
Et si cet exemple mettait en scène un médecin, ce n’est pas totalement pour rien : c’est que le mot
urgence a souvent un usage médical. Et même qu’on appelle « urgences » un service particulier des
hôpitaux : on va aux urgences : le service où l’on peut arriver sans rendez-vous, car un problème de
santé rend nécessaire le recours à des soins spécialisés. Et les séries télévisées ont d’ailleurs
beaucoup fait pour populariser le mot.
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