l’Enass Ecole nationale d’assurances Le cycle de l’assurance non vie, une opportunité stratégique L’exemple du marché des risques d’entreprises Christophe GIMOND Le cycle de l’assurance non-vie Page: 1 SOMMAIRE RESUME………………………………………………………………………………………….…….. 2 1 INTRODUCTION ..................................................................................................................... 3 2 COMPRENDRE LE CYCLE ASSURANTIEL............................................................................ 5 2.1 Eléments de comptabilité de l’assurance non vie......................................................................6 2.2 L’analyse des cycles de souscription....................................................................................... 10 2.3 Influence de l’environnement économique et financier ........................................................... 15 2.4 Approche théorique du cycle .................................................................................................... 19 2.5 Synthèse .................................................................................................................................... 24 3 LES CYCLES DES MARCHES A CAPACITE ........................................................................ 25 3.1 Introduction ............................................................................................................................... 25 3.2 Solutions de transfert de risques.............................................................................................. 29 3.3 Les catastrophes naturelles et technologiques ....................................................................... 37 3.4 Application au Marché des risques d’entreprise...................................................................... 43 3.5 Synthèse .................................................................................................................................... 54 4 LA GESTION DU CYCLE ....................................................................................................... 56 4.1 L’intérêt d’une gestion active du cycle ..................................................................................... 56 4.2 Planification et suivi du cycle .................................................................................................. 58 4.3 Stratégies et tactiques............................................................................................................... 65 5 CONCLUSION ........................................................................................................................ 78 ANNEXES…………………………………………………………………………………………….. 78 Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010 Le cycle de l’assurance non-vie Page: 2 Le cycle de l’assurance non-vie* Une opportunité stratégique Résumé L’activité d’assurance non vie est par sa nature même sujette à des fluctuations qui affectent les prix, les conditions, mais aussi, avec un décalage dans le temps, la rentabilité des affaires souscrites. Ce document propose une analyse de la présence et des déterminants des cycles de souscription de l’assurance non vie en France pour l’industrie dans son ensemble et pour les marchés dits à capacité en particulier. Nous observons dans un premier temps le phénomène sur différents marchés puis analysons la littérature existante pour essayer de comprendre et de modéliser ces fluctuations cycliques. Notre analyse nous conduit à détailler les spécificités des marchés dits à capacité et à montrer en particulier leurs grandes sensibilités aux cycles. Nous analysons en détail les paramètres sous-jacents du cycle pour ces marchés afin d’en comprendre la dynamique et l’évolution. Nous mettons ainsi en évidence l’importance des fluctuations des capacités financières, le rôle de la réassurance et l’impact des chocs aléatoires liés à l’environnement économique et financier ainsi qu’à la survenance de sinistres catastrophiques sur l’évolution des prix de l’assurance et de la réassurance sur ces marchés. Nous confortons ensuite les hypothèses et les théories avancées en les confrontant à la réalité observée à travers le retour d’expérience et l’illustration du cycle de souscription dans le domaine des risques industriels sur la dernière décennie. A partir du modèle cyclique établi, nous proposons une réflexion stratégique pour montrer comment il est possible d’influencer les résultats par une gestion active du cycle. Nous mettons tout d’abord en évidence l’importance capitale de la phase de suivi du cycle et proposons des pistes de réflexion pour permettre de se positionner à tout moment et de façon fiable sur la « sinusoïde ». Nous analysons ensuite les répercussions financières de plusieurs approches commerciales face à un environnement cyclique et cherchons les options stratégiques et les choix tactiques les plus prometteurs. Nous montrons comment un acteur global et diversifié peut tirer avantage de la désynchronisation des cycles sur un ensemble de segments d’affaires puis nous envisageons la manière dont un assureur peut adapter sa politique commerciale en fonction de la phase du cycle dans laquelle il se trouve. Nous empruntons les concepts et méthodes de la démarche marketing et illustrons notre approche de nouveau sur le segment des risques d’entreprises. Nous identifions ainsi, pour chaque phase du cycle, les solutions spécifiques adaptées qu’un assureur peut mettre en œuvre pour être en mesure de créer durablement de la valeur indépendamment du cycle sur ce segment d’affaires. Plutôt que d’accepter le cycle de l'assurance comme une fatalité, nous démontrons que les assureurs et les réassureurs ont à leur disposition les moyens et les outils de mettre en place une véritable gestion active du cycle. * Je tiens à remercier Alain Debeaumarché (Allianz France) pour son soutien permanent durant toute la rédaction de ce document. Mes remerciements s’adressent également à M. Fierens (Scor) pour ses précieux conseils et éclairages sur la problématique du cycle sur le marché de la réassurance. Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010 Le cycle de l’assurance non-vie Page: 3 1 INTRODUCTION « Ne pas prévoir, c’est déjà gémir » Léonard de Vinci « Le cycle est la maladie congénitale de l'assurance » ont coutume de dire les économistes. Si les symptômes sont bien connus et parfois mal ressentis par les clients qui ne manquent pas de fustiger (surtout en période de hausse) le « Yo-Yo » tarifaire des assureurs, les causes de cette maladie complexe sont souvent moins bien établies. Quant au traitement, il ne semble pas avoir fait l’objet de recherches approfondies : le cycle est souvent perçu comme une fatalité et les assureurs semblent accoutumés à considérer leur marché comme étant soumis à une certaine volatilité, tant pour le volume de souscription que pour la rentabilité des opérations. C’est en quelque sorte un mal avec lequel l’assureur doit apprendre à vivre… Le thème de la gestion du cycle de l'assurance est intéressant pour plusieurs raisons : L’intérêt est en premier lieu d’ordre intellectuel : l’analyse des cycles permet une meilleure connaissance de l’assurance et une compréhension accrue des évolutions passées et actuelles et elle permet, ainsi, de mieux anticiper ce que seront demain les évolutions des marchés. C’est ensuite un thème qui revêt un caractère opérationnel et stratégique essentiel pour les assureurs et réassureurs qui cherchent à créer durablement de la valeur avec les risques, à chaque phase du cycle. Le démarrage d’une nouvelle activité de souscription, le lancement d’un produit nouveau voire la fixation de conditions tarifaires doivent être réalisés en phase avec le cycle sous peine de conduire à de sérieux désagréments. Ainsi, procéder à une augmentation de tarifs en avance de phase par rapport au marché peut conduire à une érosion du portefeuille mais aussi à un risque accru d'antisélection, de même une forte expansion en bas de cycle peut se révéler à terme coûteuse en terme de « ratio combiné ». Cet aspect stratégique a été clairement identifié par les Souscripteurs du Lloyd's qui dans leur étude annuelle (Annual Underwriter Survey – February 2007 ) classaient, pour la troisième année consécutive, la gestion du cycle de l'assurance comme « le défi le plus important pour l'industrie mondiale de l’assurance ». Enfin, la gestion du cycle est un thème actuel : 2010 pourrait être, après plusieurs années consécutives de baisse des taux qui ont mis sous tension les résultats techniques des assureurs, l’année du retournement de tendance et le démarrage d’une nouvelle phase de « hard market ». Le présent mémoire s’intéresse exclusivement à l’assurance non vie et se focalise principalement sur l’analyse dans le domaine des grands risques (assurance et réassurance des risques d’entreprise en particulier) pour lesquels l’amplitude du phénomène cyclique est plus marquée que pour les marchés de masse. Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010 Le cycle de l’assurance non-vie Page: 4 Le document se compose de trois parties. Dans un premier temps, nous nous consacrerons à l’observation du phénomène cyclique sur différents marchés d’assurance et à une réflexion théorique sur ses origines. Cette première partie nous permettra de comprendre pourquoi les activités d’assurance et de réassurance sont par nature sujettes à des fluctuations et de proposer une première modélisation du phénomène. La seconde partie a pour objectif d’affiner le cadre théorique pour les marchés spécifiques des grands risques. Nous aborderons le thème central des fluctuations des capacités financières, l’importance du rôle de la réassurance et l’impact des sinistres catastrophiques sur l’évolution des prix de l’assurance sur ces marchés. Au final, nous conforterons les théories et les principes édictés en les confrontant à la réalité observée à travers le retour d’expérience et l’illustration du cycle de souscription dans le domaine des risques industriels. Après analyse de la démarche diagnostique, le dernier chapitre proposera une réflexion stratégique pour permettre la mise en œuvre d’une gestion active du cycle. Nous analyserons les répercussions financières de plusieurs approches commerciales face à un environnement cyclique et chercherons les options stratégiques et les choix tactiques les plus prometteurs pour, au final, permettre à un assureur de « vivre avec » le cycle et de surmonter ses difficultés à moyen et long termes. Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010 Le cycle de l’assurance non-vie Page: 5 2 COMPRENDRE LE CYCLE ASSURANTIEL Nous avons trois moyens principaux : l’observation de la nature, la réflexion et l’expérience. L’observation receuille les faits ; la réflexion, les combine, l’expérience vérifie les résultats de la combinaison. Denis Diderot Les cycles en assurance sont définis par Gollier dans le Dictionnaire de l’Economie de l’assurance [1] comme des « fluctuations des primes et des profits dans le temps ». Comme pour d’autres marchés (matières premières, semi-conducteurs,...) la cyclicité des marchés non-vie est un aspect inhérent à l’activité d’assurance et correspond à une tendance générale observable à l'échelle d'un marché ou d’un segment d’affaire donné. Il convient de faire la distinction entre les évolutions conjoncturelles et celles de plus longue durée qui sont liées à la demande d'assurance et à la transformation des besoins (le développement de l'assurance automobile a par exemple connu un important développement parallèlement à celui du parc automobile pour ensuite arriver à maturité et connaître un ralentissement à partir du milieu des années 1980). Nous nous intéressons dans ce chapitre aux fluctuations de courte période. Ces évolutions conjoncturelles sont conditionnées par la variation de la sinistralité, le prix de l'assurance et les conditions tarifaires, celles-ci sont accentuées par l'intensité de la concurrence sur le marché. Après un rappel concernant la rentabilité des opérations en assurance non-vie, nous procéderons à l’observation du phénomène cyclique sur différents marchés et analyserons les résultats de plusieurs analyses empiriques sur ce thème. Cette section nous permettra également de discuter de l’ ’impact de l’environnement économique et financier sur le marché et au final, de proposer plusieurs hypothèses pour expliquer la raison de l’existence de cycles sur les marchés de l’assurance et de la réassurance. L’analyse portera sur les données du marché français (source FFSA) et intégrera également des informations relatives au marché US. Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010 Le cycle de l’assurance non-vie Page: 6 2.1 Eléments de comptabilité de l’assurance non vie L’activité d’assurance est caractérisée par l’inversion du cycle de production : les compagnies d’assurance perçoivent des primes, c'est-à-dire la rémunération du service d’assurance rendu, avant qu’elles ne paient des prestations en cas de sinistre. Le prix de vente (la cotisation) est ainsi encaissé immédiatement, alors que la prestation (le règlement de l'indemnité), intervient ultérieurement. Ce fonctionnement se traduit par la constitution de provisions techniques qui représentent des volumes conséquents (équivalent d’une année de primes pour des risques simples en dommages pouvant aller jusqu’à dix ans en construction). Ces provisions sont placées pour bénéficier des revenus de ces placements. La composition du résultat est donc double et la rentabilité globale des opérations d'assurance est fonction des activités d'assurances pures (techniques) et de l'activité financière. Nous rappelons ci-après sommairement les bases de la comptabilité de l’assurance non vie afin d’introduire les différents concepts et ratios qui seront utilisés par la suite dans le document. 2.1.1 Bilan synthétique (assurance non-vie) Bilan synthétique d’une société d’assurance non-vie Actifs Actifs incorporels Placements - immobilier - obligations - actions PT à charge réassureurs Autres créances Passifs Fonds propres - capital social - réserves Provisions techniques - PSAP - Autres provisions techniques Autres dettes L’actif d’un assureur est constitué à partir des primes payées par les assurés et est en grande partie formé des actifs (obligations, actions, immobilier) représentant les provisions techniques nécessaires à l’assureur pour s’acquitter de ses engagements. Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010 Le cycle de l’assurance non-vie Page: 7 La répartition des encours de placement entre les différents instruments a évolué au cours de la dernière décennie. Le tableaux à suivre illustre cette évolution entre 1990 et 2005 (Source FFSA / Cahiers statistiques) Répartition des encours de sociétés d'assurance (en valeur bilan) 70% 1990 60% 2000 50% 2005 40% 30% 20% 10% 0% Obligations Actions Immobilier Prêts, dépôts,TCN Divers Les placements obligataires sont très majoritairement représentés (66 % en 2005 avec 68 % en Vie et 56 % en dommages). La part de l’immobilier est en constante diminution (18% de l’encours des placements en 1984 ,12 % en 1990 et 3.5% en 2005). Les actifs incorporels et les créances sur réassureur complètent cette partie gauche du bilan. Au passif du bilan figurent les fonds propres qui servent à financer les investissements, la croissance de l’entreprise et à garantir les créanciers et les assurés. Les fonds propres doivent donc être en adéquation avec les besoins de l’activité, les investissements prévus et constituent un « matelas de sécurité » pour faire face, le cas échéant, aux aléas de l’exploitation. Au passif, se trouvent également les provisions techniques pour le règlement des engagements des compagnies vis-à-vis des assurés. En non-vie, la principale provision est la provision pour sinistres à payer (PSAP). Cette provision correspond à une évaluation du montant qui sera versé postérieurement à la clôture de l'exercice au titre d’événements qui se sont réalisés antérieurement à la clôture de l'exercice. Il existe d’autres provisions destinées à se prémunir contre certains risques spécifiques (Ex. provisions relatives aux actifs financiers lorsque la valeur de marché des placements est inférieure à leur valeur d’achat, provision pour égalisation afin de lisser dans le temps les résultats provenant des bonnes et des mauvaises années en termes de sinistralité). Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010 Le cycle de l’assurance non-vie Page: 8 2.1.2 Compte de résultat synthétique (assurance non-vie) Le Compte de résultat d’une société d’assurance non vie peut se décomposer synthétiquement comme suit : Compte de résultats synthétique d’une société d’assurance non-vie Compte technique Compte non-technique + Primes - Prestations - Variations de provisions - Frais + Solde financier + Solde de réassurance = Résultat technique + Produits financiers sur fonds propres - Impôt sur les sociétés + Eléments exceptionnels = Résultat En assurances de dommages, le résultat est donc soumis à des variations, car il provient des primes et des produits financiers, déduction faite du coût des sinistres et des frais d'exploitation (frais de gestion, frais d’acquisition). On peut dès à présent noter que toutes ces composantes peuvent subir des fluctuations, en particulier : concernant les primes, les variations de prix obéissent au cycle classique de l'offre et de la demande et sont influencées par la concurrence Les résultats financiers dépendent de l'évolution des taux d'intérêt et des marchés (pour le produit des placements) et de l'évolution de l'inflation (pour le paiement des indemnités). La sinistralité peut présenter une volatilité importante d’une année sur l’autre et semble également sensible à la conjoncture économique (on observe empiriquement une augmentation de la fréquence des sinistres lorsque la conjoncture se dégrade). Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010 Le cycle de l’assurance non-vie Page: 9 2.1.3 Les indicateurs clés Trois types de ratio seront largement utilisés dans la suite du document. Ces ratios visent à mesurer la rentabilité des opérations, la rentabilité financière et la solvabilité d’un assureur. a) Ratio de rentabilité opérationnelle Nous retenons les deux ratios les plus communément utilisés en non-vie pour mesurer la rentabilité des opérations : Le ratio S/P dit « ratio sinistres à primes » qui rapporte le total des frais d’indemnités versés sur une période au total des primes acquises au cours de la même période (on le calcul brut ou net de réassurance). Le Ratio combiné qui rapporte les sinistres et les charges de l’année aux primes acquises de l’année (Le ratio combiné est donc la somme du S/P et du taux de chargement). Il doit être inférieur à 100 % pour que l’assureur présente un résultat positif sur son activité (hors résultat financier). b) Ratio de rentabilité financière Le ratio de rentabilité financière ou Return on Equity (« RoE ») est le rapport entre le résultat net après impôts et les fonds propres comptables (hors plus-values latentes et emprunts subordonnés). Ce ratio financier est un ratio suivi avec attention par les actionnaires qui peuvent ainsi mesurer la rentabilité de leur investissement (le sacro-saint 15% exigé par les investisseurs…). Le RoE indique la capacité de l’entreprise à rentabiliser les capitaux employés pour ses activités. Le résultat peut être fortement influencé par des facteurs non directement liés à l’activité (dégagement de plus-value exceptionnelle,..). c) Ratio de solvabilité En vertu de la réglementation, les sociétés doivent disposer en plus de leurs provisions techniques, d'un montant minimal de fonds propres appelé marge de solvabilité réglementaire, qui est déterminé en fonction du niveau de leurs engagements. Ces derniers sont évalués à partir des cotisations annuelles (ou des sinistres) en assurances de dommages. Le cadre actuel de solvabilité 1 en place depuis les années 1970, utilise un modèle à ratio fixe simple et robuste pour calculer les exigences en capital. Les exigences de solvabilité sont déterminées comme un pourcentage fixe de la valeur d’une variable fortement corrélée au degré d’exposition au risque de la compagnie d’assurances. En non-vie : 16% de primes ou 27% des sinistres (on retient le plus élevé des deux). Suivre cet indicateur permet de veiller à ce que l’assureur soit en mesure d’honorer les engagement pris à l’égard des assurés ou bénéficiaires du contrat. Ce mode de calcul va disparaître avec la réforme de la marge de solvabilité prévue dans la directive européenne Solvabilité 21. 1 En termes d’exigences quantitatives, Solvabilité 2 fixe deux niveaux de prudence : au niveau du calcul des provisions techniques (qui doivent contrôler les risques liés à la sinistralité) et au niveau de l’exigence de fonds propres : le « capital cible » (qui doit contrôler le risque global de la société). Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010 Le cycle de l’assurance non-vie Page: 10 2.2 L’analyse des cycles de souscription 2.2.1 Premières observations graphiques Le cycle de souscription peut être observé et analysé à partir des indicateurs précédemment mentionnés : rapport sinistres à primes, ratio combiné, rentabilité financière (RoE) voire au travers des primes. Pour illustrer la fluctuation de ces indicateurs sur une période donnée, nous allons nous intéresser dans un premier temps à l’observation de la rentabilité opérationnelle et financière sur les marchés d’assurances de biens et responsabilités (Property & Casualty) américain et français. 25% 1977 :19.0% 20% 1987 :17.3% 2006 :14.0% 1997 :11.6% 10 ans 15% 9 ans 10 ans 10% 5% 0% 1975 : 2.4 % 1984 : 1.8 % 1992 : 4.5 % 2001 : -1.2 % 75 76 77 78 79 80 81 82 83 84 85 86 87 88 89 90 91 92 93 94 95 96 97 98 99 00 01 02 03 04 05 06 07F 08F -5% *2007-08 P/C insurer ROEs are I.I.I. estimates. Source: Insurance Information Institute; ISO, A.M. Best. Ce premier graphique concernant le marché américain semble établir sur plusieurs décennies la présence de cycles relativement réguliers (période de 9-10 ans) alternant période de rentabilité élevée où les RoE ont culminé à 19% (1977), 17.3 % (1987) et 14 % (2006) et des périodes de rentabilité financière médiocre. Sur une période moins longue (période 1990-2008), le graphique suivant illustre pour le marché français de l’assurance de biens et de responsabilité le ratio combiné après réassurance des sociétés membres de la FFSA . Les fluctuations de la rentabilité opérationnelle semblent définir, là aussi, un cycle (quasi sinusoïdal) avec alternance de phase de hausse et de baisse du ratio combiné sur la période étudiée. Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010 Le cycle de l’assurance non-vie Page: 11 L’observation des cycles peut être menée comme précédemment de manière globale à l’échelle d’un marché mais également par segment d’affaire. La cyclicité de plusieurs branches (flotte, entreprises, aviation et spatial) est illustrée graphiquement ci-après. Là encore, le caractère cyclique apparaît assez bien établi. D’un point de vue graphique, il semble donc bien que les primes et la profitabilité des opérations d’assurance connaissent des hauts et des bas relativement réguliers. Evolution du rapport S/P par exercice de souscription Flottes automobiles 100% 97% S/P (en %) 92% 90% 90% 85% 85% 86% 81% 80% 78% 77% 78% 73% 72% 70% 70% 70% 71% 66% 60% 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010 Le cycle de l’assurance non-vie Page: 12 Evolution du taux moyen des affaires risques d'entreprises (en % ) 16.0% 12.0% 8.0% 4.0% 0.0% 1992 1994 1996 1998 2000 2002 2004 2006 2008 -4.0% -8.0% Evolution des cotisations de l'assurance aviation et spatiale 2000 100% 1744 Montant (en M€) 1566 Variation (%) 1500 50% 1000 758 704 675 0% 856 844 811 549 579 500 -50% 0 -100% 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010 2007 2008 Le cycle de l’assurance non-vie Page: 13 2.2.2 L’analyse empirique L’analyse empirique de la présence de cycles de l’assurance non-vie a fait l’objet d’une large littérature et semble avoir inspiré nombre de thèses universitaires en particulier aux Etats Unis (où la cyclicité a notamment été avancée comme explication plausible à la défaillance de compagnies d’assurances). Une analyse des publications dans le domaine montre que le cycle de souscription a ainsi été observé aux Etats-Unis [2] (Venezian, 1985, Doherty et Kang, 1988, Berger, 1988, Fields et Venezian, 1989), dans plusieurs pays développés [3] (Cummins et Outreville, 1987 ) , dans cinq pays asiatiques – Japon, Malaisie, Singapour, Corée du sud, Taiwan - [4] (Chen, Wong et Lee, 1999) et également sur le marché sud-africain (Markham, 2006). Les résultats de ces études basées sur des modélisations économétriques utilisant un 2 modèle autorégressif de second degré semblent valider l'existence de cycle régulier dont la fréquence varie entre 6 et 9 ans selon le pays et les branches. Dans son étude sigma n°5/2001 [5], Swiss Re a analysé statistiquement les principaux marchés de l’assurance non vie (Etats-Unis, Canada, Royaume-Uni, Allemagne, France, Italie, Japon). Cette étude démontre empiriquement le phénomène cyclique sur ces 7 marchés et détermine la durée moyenne de cycles entre 5.6 et 7.3 ans. Les résultats sont présentés ci-dessous. Etats-Unis Canada Royaume-Uni Allemagne Italie Japon Variable dépendante Période Durée du cycle Ratio combiné Ratio combiné Ratio combiné Marge technique Marge technique Marge technique 1953-2000 1950-2000 1969-2000 1975-1999 1979-1999 1970-1999 6,2 5,6 6,1 6,6 7,1 6,3 Preuves empiriques attestant de la cyclicité des principaux marchés assurantiels SwissRe, sigma n°5/2001 Dans le même esprit, des modélisations identiques ont été effectuées pour le marché français de l’assurance non-vie. Là encore, ces différentes études ont globalement permis de tester et de valider la présence d’un phénomène cyclique de période 6 - 8 ans pour l’assurance de dommages en France. Le tableau suivant recense ces résultats en précisant la source de l’étude, la période de référence et la durée du cycle observée sur cette période. 2 Un processus autorégressif est un modèle de régression pour séries temporelles dans lequel la série est expliquée par ses valeurs passées plutôt que par d'autres variables. Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010 Le cycle de l’assurance non-vie Page: 14 SuissRe (2001) Blondeau (2001) Cummins et Outreville (1987) Lamm-Tennant et Weiss (1997) Bruneau et Sghaier Variable dépendante Période Durée du cycle Marge technique Ratio combiné Ratio S/P Ratio S/P Primes émises 1975-1999 1965-1999 1957-1979 1965-1987 1963-2004 7,3 7,85 8,23 6,7 --- Primes émises 1982-2004 7,27 Preuves empiriques attestant de la cyclicité en assurance non-vie en France Nota :Il convient de souligner que les conditions reflétant la cyclicité ne sont pas systématiquement vérifiées dans ces analyses. Ainsi, l’étude de Bruneau/Sghaier [6] valide la présence d’un phénomène cyclique pour la période [1982-2004] mais rejette l’hypothèse sur la période [1963-2004]. Dans la même étude, l’analyse de deux branches prises individuellement (auto/transport) conduit à conclure au phénomène cyclique uniquement dans la branche automobile. 2.2.3 Corrélation des cycles Les données relatives aux cycles de souscription semblent indiquer que ces cycles existent sur les principaux marchés et qu’ils durent en moyenne 6 et 9 ans. Au niveau macro, les cycles semblent souvent synchronisés, d’un pays à l’autre et d’une branche d’assurance à une autre. Des comparaisons internationales réalisées semblent ainsi montrer que les cycles entre les pays européens et les Etats-Unis sont relativement bien corrélés [7] (Outreville, 2003). Ils s’étendent à la plupart des branches et des pays dans le monde, à cause du comportement des assureurs qui évitent les branches non rentables et ciblent celles qui n’ont pas été touchées et à cause du coût de la réassurance imposé par les réassureurs mondiaux. Le cycle mondial du prix de l’assurance a connu son dernier pic en 2003-2004 et s’oriente à la baisse depuis cette date. Dans les faits, certaines tendances peuvent n’affecter qu’une seule branche ou qu’une seule zone géographique. Si les attentats du 11 septembre 2001 ont emporté toute l’industrie de l’assurance au niveau mondial, les passages de Katrina, Rita et Wilma en 2005 pourtant beaucoup plus onéreux pour l’industrie n’ont provoqué des tensions sur les prix qu’au niveau régional (augmentation de plus de 50% de State Farm de ces contrats en Floride) et que sur un nombre limité de branches au niveau mondial (couvertures « cat » des catastrophes naturelles et branches énergie en particulier). Par contre, cette catastrophe a été quasi sans effet direct sur les traités incendie du marché français. Malgré la plus grande intégration du marché mondial, il semble que depuis plusieurs années les fluctuations des marchés de l’assurance et de la réassurance varient davantage de façon différenciée en fonction des segments d’affaires et des zones géographiques. Le cycle du passé apparaît ainsi plus fragmenté et semble composé d’une série de cycles indépendants les uns des autres susceptibles de se compenser au niveau agrégé. Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010 Le cycle de l’assurance non-vie Page: 15 2.3 Influence de l’environnement économique et financier 2.3.1 Influence des marchés financiers Nous avons montré en nous intéressant au compte de résultat d’une compagnie non vie (§2.1.2) que les résultats financiers constituaient une des composantes du résultat en assurance dommages (résultat du placement des provisions et des fonds propres). L’étude sigma 5/2001 suggère l’existence d’une corrélation négative entre le résultat technique et le résultat financier (les primes augmentent pour compenser la baisse des résultats financiers). Dans le même esprit, Blondeau [8] établit empiriquement une relation négative des primes réelles au rendement boursier et leur augmentation quand les taux d’intérêt diminuent. Le cycle peut ainsi notamment être le résultat de l'interaction entre les activités financières et les activités de souscription. Lorsque les revenus financiers sont croissants, la tendance est à la baisse du niveau des primes et à l'augmentation des fonds propres (surcapacité), afin d'obtenir des encaissements en augmentation pour acquérir des actifs à espérance de rendement élevé. La dégradation des résultats qui s'ensuit entraîne un relèvement des tarifs et une baisse de la capacité, ce qui restaure le rapport sinistres à primes, et ainsi de suite. Les sociétés dommages plus exposées en actions3 que les sociétés vie sont donc particulièrement sensibles aux variations des indices boursiers. Un contexte favorable se traduit par des plus-values latentes sur le portefeuille de placement. A l’inverse, une crise boursière diminue les plus-values latentes sur le portefeuille ce qui détériore le résultat financier et le ratio de solvabilité. Des dépréciations d’actifs sous forme de provisions peuvent même s’avérer nécessaires et avoir pour conséquence une chute des résultats. L’étude ci-dessous réalisée par Oddo en 2008 en plein cœur de la crise financière montre les difficultés auxquelles peuvent être exposées des groupes tels AXA ou Allianz en cas de baisse des marchés actions (marges de solvabilité approchant le « point critique »). Sensibilité des ratios de solvabilité à la baisse des marchés actions Axa Allianz Generali ING Rating Ratio du 31/12/07 AA AA AA AA- 159% 154% 164% 164% Si baisse des marchés de -30% 137% 130% 151% 132% -40% 126% 117% 146% 112% Source : Oddo Securities 3 Le Top 20 de l’Argus 2008 des groupes français en non vie mentionne une part actions de 27.9 % en moyenne, mais pouvant aller jusqu’à 44.7 % chez certains acteurs. Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010 Le cycle de l’assurance non-vie Page: 16 2.3.2 L’environnement économique et social Le secteur de l’assurance est également très sensible à l’environnement économique et social. Au cycle de souscription, se superposent les effets du cycle économique. Evolution du PIB en France 6.0 En valeur 5.0 en volume 4.0 3.0 2.0 1.0 0.0 1989 1991 1993 1995 1997 1999 2001 2003 2005 2007 2009 -1.0 -2.0 Source : Insee La conjoncture économique peut en effet directement influencer le compte de résultats des assureurs tant au niveau des primes perçues que de la sinistralité. Deux types d’impact peuvent être recensés : Impact sur la matière assurable : la croissance économique assure des gains de pouvoir d’achat des ménages, une croissance de l’activité des entreprises, source d’investissements et donc d’accroissement de la matière assurable. A contrario, lorsque l’environnement économique se détériore, les chiffres d’affaires et les profits chutent ce qui entraîne une baisse des assiettes de cotisation. Impact sur la charge sinistre : on constate empiriquement une augmentation sensible de la sinistralité lorsque conjoncture est dégradée. Cette augmentation s’observe tant pour les sinistres volontaires (fraude, acte de malveillance,..) que pour ceux d’origine accidentelle. Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010 Le cycle de l’assurance non-vie Page: 17 Relation entre le PIB et la sinistralité Nous illustrons cette relation pour le marché des entreprises. Lorsque la conjoncture économique se détériore, l’impact sur la santé financière des entreprises est immédiat. On peut suivre cette influence en analysant l’évolution des défaillances d’entreprises au cours du temps (définie comme les ouvertures de procédures judiciaires). La corrélation avec l’évolution du PIB se lit directement sur le schéma ci-dessous : les pics de défaillance correspondent aux phases de récession (1993 et 4 2009) . Suivi des défaillances d'entreprises 80 000 30.0% Nb défaillances (Euler) 25.0% % Variation (Euler) 70 000 20.0% 15.0% 60 000 10.0% 5.0% 50 000 0.0% -5.0% 40 000 -10.0% 30 000 -15.0% 1990 1992 1994 1996 1998 2000 2002 2004 2006 2008 Source Euler Hermes SFAC La répercussion de la crise sur l'emploi se traduit par le recours à des mesures de chômage technique pour adapter le niveau de production à la demande et parfois à la fermeture ou à la délocalisation de sites industriels. Le climat social s’en trouve dégradé et on observe traditionnellement une augmentation sensible de la sinistralité tant volontaire qu’accidentelle en ces périodes. Plusieurs explications peuvent être avancées pour expliquer ce « dérapage » de la fréquence des sinistres. 4 Euler Hermes s'attend ainsi pour 2009 à une progression annuelle de 25 % du nombre de défaillances dans l'Hexagone, qui frôlerait la barre des 73.000, dépassant ainsi le niveau historique de 1993 (plus de 64.800 défaillances). Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010 Le cycle de l’assurance non-vie Page: 18 Concernant les sinistres volontaires [12], une conjoncture dégradée peut accentuer la typologie de sinistres suivants : Les sinistres du fait de l’assuré lui même : sinistre de réalisation ou fraude à l’assurance qui vise à toucher une indemnité d’assurance plutôt que de poursuivre une activité peu ou plus rentable. Les sinistres du fait de tiers liés à l’entreprise (salariés, fournisseurs,..) : dégradation, manifestation violente (Ex. producteurs dans des filières en difficulté), acte de malveillance suite à annonce de licenciements. 2009 a notamment été marquée par l’apparition de menaces particulièrement violentes 5 de salariés : « du fric ou boum ! » (« Conti », New Fabris ). Les sinistres du fait de tiers non liés à l’entreprise, conséquence de la dégradation générale du climat social : émeute, mouvement populaire,… L’augmentation de la sinistralité accidentelle peut s’expliquer par le fait qu’une crise économique contrarie la démarche de prévention des risques au sein des entreprises. Ceci se traduit notamment par : La réduction des coûts de maintenance et notamment la réduction des coûts des prestataires externes en charge de ces opérations sur les sites industriels La réduction des budgets de sécurité (Ex augmentation des vols à la tire dans la distribution 6) La multiplication des phases d’arrêt et de redémarrage d’installations. Ces phases peu courantes et transitoires sont toujours des circonstances propices aux accidents (Cf explosion sur la plateforme pétrochimique de Carling du surchauffeur d’un vapocraqueur le 15 juillet 2009 À Saint-Avold, lors de la procédure de démarrage de ligne). La dégradation du climat social dans l’entreprise qui peut augmenter le risque d’erreur humaine et conduire à des négligences. Sur ce point, les conclusions des analyses effectuées à partir de la base ARIA (Analyse, Recherche et Information sur les Accidents survenus dans le domaine industriel) du Ministère de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire sont claires : « la problématique du facteur organisationnel et humain est dominante dans 90% des accidents mortels dont les causes sont connues ou suspectées ». Les premiers résultats de l’année 2009 de la FFSA concernant le marché des entreprises confirment les développements ci avant avec une sinistralité fortement orientée à la hausse. Selon le Tableau de bord ABR de février 2010 de la FFSA, 112 sinistres de plus de 2 M€ ont été recensés en 2009 sur le segment des risques industriels (augmentation de + 20 % par rapport à 2008 et surtout chiffre multiplié par 4 par rapport à celui de 2007). Le même constat est fait par la FFSA sur le marché des particuliers où l’analyse des résultats de l’année 2009 montrent (hors sinistralité Klaus) un dérapage des sinistres automobiles (+ 8%) et une flambée des vols et incendie en MRH (+15%). La FFSA attribue cette inflation notamment à l’augmentation des cambriolages dits « d’opportunité »… 5 « Tout est fait pour que ça saute. La colère est tellement vive. Déjà, il y a trois semaines, certains ont failli mettre le feu à l’usine ». Un syndicaliste de l’usine New Fabris (juillet 2009). 6 Selon une étude mondiale du centre de recherche dans la distribution (Center for Retail Research) réalisée pour la société de sécurité Checkpoint Systems, en 2008 les vols dans les magasins ont augmenté en France et devraient s’amplifier en 2009. Son Directeur Général explique ce phénomène par la réduction des dépenses de sécurité victimes de restrictions budgétaires et de la concurrence exacerbée. Les magasins français ont en effet diminué de 11% leur investissements en équipements de sécurité (caméras de surveillance, puces antivols,…). Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010 Le cycle de l’assurance non-vie Page: 19 2.4 Approche théorique du cycle Le présent chapitre propose de définir un modèle ou un cadre théorique pour la compréhension du phénomène cyclique en assurance non-vie. Ce cadre théorique sera affiné dans les chapitres suivants et confronté à la réalité observée sur le marché des grands risques (si les conséquences prévues ne sont pas contredites par la réalité observée, alors la théorie et ses principes se trouveront confortés). 2.4.1 Théories avancées L’explication du phénomène cyclique de l’assurance non-vie a fait l’objet de plusieurs théories, sans qu’il y ait une explication définitive et unique retenue pour expliquer le phénomène. Il semble même, au contraire, que la cyclicité observée soit la résultante de plusieurs causes et effets combinés. Nous retenons les trois hypothèses suivantes pour permettre une bonne compréhension du cycle : L’excès de concurrence par les prix l’hypothèse de la capacité contrainte l’hypothèse des marchés rationnels imparfaitement prévisibles. 2.4.2 Déséquilibre entre offre et demande Excès de concurrence par les prix. La concurrence féroce entre assureurs est souvent mise en avant lorsque l’on sonde les opérationnels (souscripteurs, inspecteurs, courtiers…) sur les raisons de la baisse des tarifs. Cette approche part de l’idée que l’assurance non-vie est un secteur où dans le court terme les prix sont un facteur essentiel de concurrence. La pression du marché entraînerait ainsi l’ensemble des assureurs désireux de maintenir ou de conquérir des parts de marché dans une spirale de baisse des tarifs jugée parfois irrationnelle sur le plan technique. Certains auteurs estiment que les assureurs, pour éviter de perdre leur part de marché dans cet environnement, ne changeraient leur pratique tarifaire que lorsqu’un risque catastrophique les y contraindrait. Selon cette approche le cycle résulte d’une alternance de phases de marché fluide et de marché tendu et se modélise en 4 phases (Cf. [9]) : Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010 Le cycle de l’assurance non-vie Page: 20 Schématisation du cycle Phase de bénéfice Phase de concurrence Phase de redressement Objectif cible Phase de perte Phase de perte - une première phase de perte durant laquelle la forte concurrence vient intensifier une pression à la baisse des prix et conduit à terme à des résultats déficitaires. En raison du caractère aléatoire des résultats lié notamment à la volatilité du nombre et de la charge des sinistres, il faut enregistrer plusieurs années de pertes pour que le marché admette la sous-tarification chronique et encore quelques années pour qu’il accepte de réagir. Durant cette phase de latence les difficultés d’un acteur (assureur ou réassureur) actif sur le marché favorise la réaction. - une phase de redressement : cette phase du marché est généralement violente. L’occurrence de l’événement déclencheur de la phase précédente permet aux acteurs du marché de prendre des mesures tarifaires ou des conditions de couverture plus favorables. - une phase de bénéfice. Les mesures de redressement permettent d’atteindre des niveaux de rentabilité satisfaisante les années suivantes. Il existe un différé entre la prise de décision des mesures et l’effet sur les résultats. Les assureurs présentent alors des résultats records. - une phase de concurrence. Attirés par l’intérêt retrouvé du secteur, de nouveaux acteurs cherchent à s’implanter sur le marché. L’entrée se fait au moyen d’une concurrence tarifaire exacerbée. La pression baissière sur les prix et l’entrée (ou le retour) de nouveaux concurrents effritent le portefeuille des anciens acteurs qui défendent becs et ongles leurs positions et se lancent à leur tour dans une politique de développement qui accentue encore le niveau concurrentiel du marché. - Une nouvelle phase de perte peut alors commencer… La concurrence entre les acteurs peut de plus être exacerbée lorsque les performances des placements s’avèrent favorables. On retrouve alors un cas classique de « cash-flow underwriting » (contrats conclu à fins de trésorerie). Les résultats extraordinaires des placements durant les années 1990 ont ainsi conduit à l’adoption d’une politique tarifaire extrêmement agressive au détriment du résultat technique. Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010 Le cycle de l’assurance non-vie Page: 21 Hypothèse de la capacité contrainte L’hypothèse de la capacité contrainte considère que les cycles sont déclenchés par des entraves aux flux de capitaux créant une alternance de périodes d’excédant de ressources et de périodes de pénurie de capitaux. Cette hypothèse qui suggère que la dotation en capital dont disposent les assureurs joue un rôle significatif dans l’explication des cycles de souscription est illustrée par le schéma suivant : Source : fitchRatings Dans cette hypothèse le retournement du marché intervient à la suite d’un événement défavorable affectant le bilan des assureurs du côté des actifs (dépréciation des valeurs de placement en cas d’effondrement des marchés) et/ou du côté du passif (occurrence d’un sinistre majeur de type ouragan,...). Cet événement à pour conséquence : - Une réduction des ressources financières des assureurs et réassureurs (chute des fonds propres) - Face à cette pénurie de capacité, les assureurs et réassureurs devront, pour faire face à leur contrainte de solvabilité, soit chercher à lever des capitaux sur les marchés, soit réduire le niveau de couverture qu’ils proposent. Le coût élevé d'acquisition du capital durant cette phase d’incertitude pour les marchés7 les conduit à réduire leur capacité de souscription. On assiste alors et de façon concomitante à une diminution de l’offre (diminution de l’« 'appétit » des assureurs pour le risque) et à une augmentation de la 7 On parle d’ assymétrie d’information après un sinistre majeur, lorsque les investisseurs ne savent pas si les réserves en capital des assureurs sont suffisantes pour permettre les indemnisations et dans quelles mesures de tes sinistres sont susceptibles de se reproduire. Le choc accroît l’incertitude des investisseurs à propos de la solvabilité des assureurs et augmente le rendement du capital que le marché exige pour accepter de financer le secteur Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010 Le cycle de l’assurance non-vie Page: 22 demande de couverture (en raison d’une plus grande aversion au risque des assurés), ce qui se traduit par un mouvement de tension sur les prix. - L’augmentation du coût de l'offre de couverture et l'incapacité des assureurs à restaurer rapidement leur niveau de marge de solvabilité enclenchent une phase d’augmentation des tarifs. Ces augmentations contribuent à améliorer les résultats des assureurs et donc à restaurer leur capital. Cette phase bénéficiaire va également permettre progressivement l’afflux de nouveaux capitaux vers le secteur. - Avec l’augmentation des fonds propres du secteur, on assiste à une reconstitution des capacités, le marché va alors progressivement passer d’une phase de pénurie de capacité à une phase d’excès (surcapacité). Le redressement de l’offre va provoquer une stabilité des prix dans un premier temps puis à terme une diminution des primes…. Cette hypothèse qui relie négativement le résultat de souscription et la capacité disponible est vérifiée empiriquement par A. Gron [10]. Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010 Le cycle de l’assurance non-vie Page: 23 2.4.3 Hypothèse des marchés rationnels imparfaitement prévisibles Dans cette dernière hypothèse, on retient le principe que, fondamentalement, le marché est concurrentiel et que les acteurs prennent des décisions rationnelles. Cependant, le marché est sensible à l’influence d’évènements externes susceptibles d’engendrer la formation de cycles même si les acteurs agissent rationnellement. Parmi ces événements plus ou moins exogènes dont l’influence peut être considérable, citons : Les modifications réglementaires : réglementation/déréglementation des marchés, nouvelles obligations d’assurance, erreurs de provisionnement dues à des évolutions juridiques (introduction de l’ « obligation de sécurité de résultat » de l’employeur en RC,…) Les caractéristiques des systèmes comptables et des normes prudentielles 8 La volatilité inattendue du nombre et/ou de la charge des sinistres : Ex. accumulation de sinistres en responsabilité civile L’occurrence d’événements catastrophiques : catastrophe naturelle,… Les sinistres de marché impactant la solvabilité ou la rentabilité du secteur : variations inattendues de taux d’intérêt et de cours des actions. Selon cette hypothèse, le décalage au niveau des informations (délai entre les événements qui affectent le marché et l’ajustement des prix) ou la complexité des processus réglementaires pour l’établissement du prix correct exacerberont les oscillations du marché. Un mouvement cyclique peut ainsi être engendré du fait de l'impossibilité d'ajuster immédiatement les prix en fonction de l'information disponible et anticipée La réponse différée aux conditions du marché crée naturellement un cycle, car les tentatives de correction sont généralement trop franches et excèdent le prix nécessaire à un rééquilibrage du marché. Cette correction excessive à la hausse est ensuite suivie d’une correction excessive à la baisse, ce qui crée un cycle – jusqu’au prochain choc important. Ainsi, compte tenu du fait que les prix reflètent une situation passée, la tarification ne peut répondre immédiatement à un changement des conditions conjoncturelles. Cette hypothèse a été notamment développée par Venezian (1985) qui a attribué la présence d'un phénomène cyclique à l’utilisation de « modèles de tarification trop naïfs » utilisant des processus d'extrapolation de tendances. L'utilisation de tels modèles entraîne des prévisions à moyen terme biaisées, parce que systématiquement surestimées ou sous estimées selon les périodes du cycle. 8 Solvabilité II adopté en avril 2009 en vue d’une application fin 2012 pourrait conduire à des besoins de fonds propres complémentaires et obliger à reconsidérer les modèles économiques de certaines branches (branches à forte volatilité ou à déroulement long). Solvabilité II pourrait de fait, induire une hausse des tarifs dans les branches concernées. Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010 Le cycle de l’assurance non-vie Page: 24 2.5 Synthèse Les prix, les conditions, mais aussi avec un décalage dans le temps la profitabilité des affaires souscrites connaissent des hauts et des bas, ce qui apparaît comme une caractéristique essentielle de la branche non vie. Nous avons observé graphiquement en début de chapitre que l’assurance sur différents marchés pouvait évoluer très schématiquement de manière quasi « sinusoïdale » avec une alternance de phases ascendantes correspondant aux périodes de tension (« hard market ») où les primes augmentent, les résultats s’améliorent et l’offre d’assurance diminue, et de phases descendantes (« soft market ») correspondant aux périodes de dépression où les primes baissent, les résultats se détériorent et l’offre croît. Ces observations graphiques ont été complétées par la synthèse de plusieurs études qui semblent valider empiriquement l'existence de cycle régulier dont la fréquence varie entre 6 et 9 ans selon le pays et les branches. Concernant les raisons avancées pour expliquer le phénomène cyclique, on doit constater la diversité des chaînes de causalité qui peut justifier les fluctuations de l'activité et de la rentabilité de l'assurance. Les théories avancées loin de s’exclure mutuellement semblent apparaître complémentaires. L’assurance est tout d’abord confrontée à un problème spécifique à la branche : par son cycle économique inversé, l’assurance oblige assureur et réassureurs à fixer leurs prix alors qu’ils ne connaissent pas exactement leurs dépenses futures. Le juste prix comporte donc de nombreuses incertitudes et les conséquences de tarifications insuffisantes n’apparaissent que très longtemps après. La concurrence entre les assureurs (et leur comportement « panurgique »), la contrainte en capacité du marché et les chocs exogènes (crise financière, catastrophe naturelle, modifications juridiques) sont également des explications plausibles du phénomène cyclique. Il est important de souligner que ces cycles ne correspondent pas nécessairement aux cycles macroéconomiques des pays, ce qui accentue la difficulté de bien saisir leurs causes et leurs effets. Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010 Le cycle de l’assurance non-vie Page: 25 3 LES CYCLES DES MARCHES A CAPACITE Nous avons identifié au chapitre précédent plusieurs déterminants du cycle de l’assurance non-vie que nous allons maintenant affiner pour les marchés dits « à capacité ». Après une présentation de ces marchés, nous passerons en revue leurs spécificités (lien avec la réassurance, impact des sinistres catastrophiques sur les résultats) ce qui nous permettra d’enrichir l’analyse théorique du cycle que nous pourrons confronter ensuite à la réalité à partir du retour d’expérience sur le segment des risques industriels. 3.1 Introduction La capacité se définit comme le montant maximal d’assurance ou de réassurance disponible pour couvrir des risques au niveau d’une entreprise ou d’un marché en général. Pour un assureur, la capacité est fonction des capitaux propres et des moyens complémentaires obtenus par la réassurance. Les marchés à capacité (que nous nommerons également marché des grands risques) sont des marchés qui se caractérisent par le fait que le coût unitaire des sinistres est tel qu’un assureur ne peut le supporter à lui seul car il menacerait sa solvabilité. Sur de tels marchés, le montant du « scénario enveloppe » (sinistre maximum possible) est très élevé par rapport au chiffre d’affaires total de la branche considérée, d’où une très grande vulnérabilité des résultats aux sinistres graves. A titre d’illustration, les seuls attentats du WTC (11 septembre 2001) ont conduit pour l’assurance aviation à un ratio sinistre à prime de 276 % sur cet exercice (Source FFSA). Sur les marchés des grands risques, la réassurance (assureurs des assureurs) joue donc un rôle essentiel en constituant la matière première des assureurs : l’offre d’un assureur (sa capacité) dépend largement de la disponibilité et du coût de cette matière première. Les cycles de l’assurance et ceux de la réassurance sont donc étroitement liés sur ces marchés et il faut les observer ensemble. Dans cette catégorie des marchés « à capacité », on trouve principalement les branches suivantes : Les branches dites Spécialités « speciality lines » : branche maritime, aviation et spatiale ; Le secteur de l’énergie (plates-formes pétrolières,…) ; L’assurance des périls naturels (couverture de réassurance « Cat » ) ; Les risques d’entreprises. Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010 Le cycle de l’assurance non-vie Page: 26 Grands risques versus assurance de masse Tels que définis, les marchés à capacité s’opposent aux marchés de masse qui regroupent des produits stables dont les primes et les disponibilités ne varient pas beaucoup dans le temps. Caractérisés par des sinistres fréquents et de faibles ampleurs, les marchés de masse présentent en effet une faible volatilité au niveau d’un portefeuille et des besoins en capital (la loi des grands nombres s’applique bien et les montants des dommages sont relativement bien prévisibles). Les variations cycliques des primes d’assurance dans ce domaine y sont donc moins marquées que dans les grands risques. L’assurance Automobile est le type même des affaires de masse. Le schéma suivant illustre cette différence entre grands risques et risques de masse en comparant l’évolution globale des affaires Aviation et des affaires Automobile. Le tracé des 2 courbes montre clairement que les cycles pour les grands risques – tels que les affaires Aviation fortement influencées par le 11 septembre – varient avec une amplitude beaucoup forte que ceux qui concernent les affaires de masse. Evolution dans l'assurance automobile et Aviation depuis 1995 1.5 0.12 Auto Aviation 0.1 1.3 0.08 1.2 0.06 1.1 0.04 1 Pénétration du marché en °/° Pénétration du marché en °/° 1.4 0.02 0.9 0.8 0 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 Source : Topics 2/2007 Münchener Rück La relation entre la charge de sinistre et le niveau des prix apparaît nettement dans le cas des grands risques et les affaires de masse présentent moins de variations cycliques. L’assurance aviation a parfaitement illustré ce constat en 2009. Après les crashs des vols AF447 Rio-Paris et de la Yemenia au large des Comores, un des principaux acteurs du marché justifiait les hausses tarifaires et le retournement brutal du cycle : « Nous étions arrivés à des niveaux de prix qui n’étaient plus tenables, avec des ratios sinistres à primes supérieurs à 100 %. Fort heureusement, c’est un marché cyclique qui réagit vite et bien » (Les Echos 20/08/2009). Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010 Le cycle de l’assurance non-vie Page: 27 Evolution des capacités disponibles Nous avons évoqué dans le paragraphe relatif à l’hypothèse de la contrainte en capacité, la corrélation négative existante entre les capitaux propres et les primes : après la survenance d’un sinistre exceptionnel (ouragan Andrew aux Etats-Unis en 1992, attentats du 11/09/2001), les ressources financières des assureurs et des réassureurs se trouvent réduites ce qui enclenche un mouvement de tension des prix. Cette tension disparaîtra à mesure que la capacité de souscription sur le marché aura été reconstituée. Les chocs susceptibles d’affecter les fonds propres des assureurs et réassureurs peuvent survenir tant du côté des actifs (marchés financiers) que des passifs (sinistralité). A des périodes de surcapacités sur une branche donnée peut succéder une période de pénurie de capacité suite à un événement défavorable. Pour suivre l’évolution de la capacité existante sur le marché, les ressources des réassureurs constituent un bon indicateur. Ces ressources fluctuent dans le temps et sont tributaires de l’évolution des marchés financiers et de la survenance de sinistres catastrophiques. L’analyse du graphe ci-dessous qui illustre l’évolution de ces ressources pour les 35 plus grands réassureurs du monde (Source : Münchener Rück) montre que la capacité existante sur le marché a augmenté de façon continue au cours de la période 2003- 2007. US $m Ressources en capital de l’industrie de la réassurance 350 000 300 000 +10 % +17.5 % -18.5 % 250 000 200 000 150 000 100 000 50 000 0 2003 2004 2005 2006 2007 2008 Les ressources en capital ont ainsi suivi une tendance haussière continue : croissance de 17 % en 2006, et de 10 % en 2007 pour approcher les 300 milliards de dollars américains. Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010 Le cycle de l’assurance non-vie Page: 28 En 2008, les réassureurs ont souffert de la crise financière. Entre fin 2007 et fin 2008, leurs fonds propres ont en moyenne baissé de l'ordre de 18,5 % selon les calculs de Fitch Ratings, principalement sous l'effet de la baisse de valeur des actifs. Sur la base des données de la Munich Re, l'industrie de la réassurance affichait fin 2008 malgré la crise et une sinistralité catastrophe importante (45 Milliards de USD assurés dont l'ouragan Ike aux USA - troisième événement le plus onéreux après Katrina (2005) et Andrew (1992)) des fonds propres supérieurs à ceux de 9 l'année 2005 .. Dans la revue Topics (2/2008), la Munich Re estimait le capital excédentaire existant pour l’ensemble de l’industrie (assurance et réassurance) entre 100 et 150 milliards de $US. En l’absence de demande complémentaire d’assurance et avec des acteurs en recherche de croissance (une entreprise qui stagne ne vaut pas grand-chose pour les analystes et investisseurs), ces sur-capacités ne peuvent que stimuler le cycle et ainsi entretenir la tendance baissière des prix observable de manière agrégée au niveau mondial. Cette situation sur-capacitaire explique également les programmes de restitution de capital pratiqués par de nombreux intervenants depuis 2007 (ces rachats d’actions ont permis de ralentir leur développement des capacités de réassurance). Les ressources en capital de l’industrie constituent une variable clé dans l’analyse du cycle et leur évolution permet de comprendre la tendance générale du marché de l’assurance et de la réassurance. 9 La reprise des marchés actions en 2009 leur aurait permis de récupérer 35% du terrain perdu au cours du premier semestre 2009. Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010 Le cycle de l’assurance non-vie Page: 29 3.2 Solutions de transfert de risques Les solutions de transfert de risques présentent deux intérêts majeurs : elles permettent de réduire la volatilité des résultats (lissage dans le temps et dans l’espace) elles permettent également aux assureurs d’accroître leur capacité disponible, en leur permettant de souscrire des polices portant sur des risques plus nombreux ou plus importants, sans augmenter sensiblement leurs fonds propres. Nous analysons dans un premier temps l’impact de la réassurance traditionnelle (clé de voûte des branches grands risques) sur les résultats des assureurs directs puis étudierons d’autres solutions de transfert de risques et leur impact potentiel sur le cycle de l’assurance. 3.2.1 La réassurance traditionnelle Le segment de la réassurance (assurance des assureurs) joue un rôle central dans l’évolution du marché des grands risques. Sur ce marché, le sort des assureurs et des réassureurs est comme nous l’avons signalé étroitement lié. Ce sont en effet les grands réassureurs qui dictent, en amont du marché, les conditions de l’assurance des marchés des grands risques10 : un raffermissement sensible des tarifs de réassurance conduit à terme inéluctablement à un durcissement des conditions d’assurance sur le marché primaire (même si une désynchronisation entre le cycle de l’assurance directe et celui de la réassurance peut parfois apparaître). De plus, alors que le secteur de l’assurance est très réglementé, les sociétés de réassurance évoluent dans un cadre réglementaire beaucoup plus souple. Cette asymétrie joue souvent en défaveur des sociétés d’assurance. Ainsi, à la suite des sinistres provoqués par l’ouragan Andrew en août 1992, les réassureurs ont augmenté leurs primes bien plus rapidement que les assureurs, contraints par la législation. Le poids de la réglementation à laquelle sont soumis les assureurs s’est de nouveau illustré de façon flagrante à l’occasion des attentats terroristes de septembre 2001. a) Principes La réassurance permet aux sociétés d’assurances d’assurer auprès de sociétés de réassurance une partie des risques pour lesquels elles sont engagées auprès de leurs assurés. La réassurance est ainsi un arrangement aux termes duquel une société « le réassureur » s’engage à indemniser une société d’assurance « la cédante » contre tout ou partie du risque qu’elle a souscrit aux termes d’une ou plusieurs polices d’assurance. Les engagements entre la société d’assurances et le réassureur sont matérialisés par un traité. Il s’agit d’une opération transparente pour l’assuré puisqu’il n’existe pas de lien contractuel entre lui et le réassureur. Par ailleurs, un réassureur peut céder à son tour à d’autres réassureurs (appelés rétrocessionnaires) une partie des risques en question. 10 Les Rendez-Vous de Septembre qui rassemblent annuellement à Monaco cédantes et réassureurs marquent le lancement de la période de négociation des conditions de renouvellement des traités de réassurance qui viennent majoritairement à échéance au 1er janvier. C’est à cette occasion que se dégagent les grandes tendances du marché de l’assurance dommages. Ils permettent enfin aux acteurs et observateurs de faire le point sur la réassurance mondiale, l’évolution des catastrophes naturelles et des sinistres industriels, du marché et des tarifs, au cours de l’année écoulée. Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010 Le cycle de l’assurance non-vie Page: 30 La réassurance exerce plusieurs fonctions essentielles : Tout d’abord, elle apporte à l’assureur direct une plus grande stabilité de résultats lorsque des sinistres inhabituels et importants se produisent en le couvrant au-delà de certains plafonds ou contre l’accumulation d’engagements individuels Elle autorise également les assureurs à accroître leur capacité disponible – La réassurance permet à une cédante d’obtenir certains avantages, notamment une réduction de son engagement net sur des risques individuels et une protection contre des pertes multiples ou importantes. La réassurance permet également à une cédante d’obtenir une capacité de souscription supérieure et donc de souscrire des polices portant sur des risques plus importants et plus nombreux, ce qui ne serait pas possible sans une augmentation concomitante de ses fonds propres. b) Marché mondial de la réassurance Le marché mondial de la réassurance représente un chiffre d’affaires de 130 milliards d’euros en 2008 (nonvie 72 %, vie 28 %) ce qui représente 4.2 % du chiffre d’affaires de l’assurance mondiale (3 067 milliards d’euros). Le marché de la réassurance est relativement concentré, les 5 premiers réassureurs représentaient environ 17 % du marché en 1980, ils représentent en 2008 environ 50 % du marché (les 10 premiers réassureurs représentent un peu plus de 60 % du marché en 2008) . Le classement des réassureurs En milliards de dollars Chiffre d'affaires 2008 Munich Ré (Allemagne) 26.9 Swiss Re (Suisse) 24 Berkshire/ gen Re (EU) 11.1 Hannover Re (Allem.) 10 Scor (France) 7.4 RGA (EU) 5.3 Transatlantic Re (EU) 4.1 Partner Re (Bermudes) 4 Everest Re (Bermudes) 2.9 XL Re (Bermudes) 2.4 Total 98.1 Source : Fitch, Apref Ratio Combiné 30/6/09 31/12/08 98.2% 99.8% 92.6% 98.4% 101.3% 96.6% 97.7% 95.7% 98.8% 100.0% NS NS 94.3% 98.5% 85.3% 94.1% 85.7% 92.3% 77.7% 90.4% 30/6/09 29.8 21.9 114.5 4.5 5.1 3.1 3.5 4.8 5.5 7.5 200.2 Fonds propres 31/12/08 31/12/07 29.7 37.1 19.1 28.1 109.3 120.7 4 4.9 4.8 5.3 2.6 3.2 3.2 3.3 4.2 4.3 5 5.7 6.1 9.9 188 222.5 On constate l’influence grandissante des Etats-Unis sur le cycle de la réassurance : le marché américain absorbant 80 % des indemnisations pour seulement 50% des primes. Par le biais de la réassurance, les marchés européens peuvent donc subir le contrecoup d’ouragans américains… La réassurance ne diffère de l’assurance que par une plus grande complexité inhérente à la diversité plus importante de ses activités et à son caractère international Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010 Le cycle de l’assurance non-vie Page: 31 c) Les cycles de la réassurance La secteur de la réassurance présente des cycles tarifaires particulièrement marqués comme l’atteste le schéma suivant qui superpose les ratios combinés de l’assurance biens et responsabilités en France et ceux de le réassurance non vie mondiale. Par le passé, ces cycles d’une durée moyenne de 7 ans, provoquaient des variations qui pouvaient, selon les branches, atteindre jusqu’à 40 % à la hausse comme à la baisse. Les cycles tarifaires initiés par les réassureurs sont beaucoup plus rapides à se dessiner que ceux entrepris par les cédantes. Comparaison des ratios combinés en assurance et réassurance non vie 140 WTC 130 Andrew KWR En % 120 110 100 90 80 1987 1992 1997 2002 2007 L'index « ROL » ( World Catastrophe Rate on Line) fournit un baromètre couramment utilisé pour mesurer l'évolution du prix de la réassurance lors des renouvellements. Cet indice illustre bien le cycle de la réassurance et l’influence majeure des catastrophes sur celui-ci. La sinistralité impacte directement les politiques tarifaires : les conditions se resserrent après les sinistres majeurs et se détendent suite à des périodes de sinistralité clémente. On constate en effet sur ce graphique de fortes augmentations de tarifs suite aux catastrophes de 1992 (ouragan Andrew), de 2001 (attentats contre le WTC) et de 2005 (cyclones Katrina, Rita, Wilma). Ces retournements de tendance sont nettement plus prononcés que celui de 2009 où la crise financière et les catastrophes 2008 ont conduit à une augmentation de l’indice de « seulement » 8%. Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010 Le cycle de l’assurance non-vie Page: 32 450 World Catastrophe Rate on Line 400 350 300 250 200 150 100 Index 1990 = 100 50 0 90 91 92 93 94 95 96 97 98 99 00 01 02 03 04 05 06 07 08 09 Source : Guy Carpenter 3.2.2 Solutions alternatives de transferts de risque Le marché du « Transfert Alternatif de Risques » (ART) se réfère traditionnellement à deux types de solutions : celles visant à aider les entreprises à assurer elles-mêmes leurs risques celles visant à transférer des risques sur les marchés financiers. Nous abordons dans cette partie les captives et la titrisation des risques catastrophes et analyserons comment ces solutions sont susceptibles de lisser l’impact des fluctuations tarifaires. a) Captives d’assurance ou de réassurance Une captive est une compagnie d'assurance ou de réassurance appartenant à une société ou à un groupement dont l'activité commerciale n'est pas l'assurance. Ce sont donc des sociétés d’assurance « maison » créées par des entreprises pour porter leurs risques sans avoir à les transférer à un assureur externe. Traditionnellement une captive intervient pour les risques de fréquence et d’amplitude moyenne (dans les faits les rétentions peuvent parfois atteindre plusieurs dizaines de millions d’euros par risque). La constitution d'une telle structure présente les avantages suivants : diminuer la charge globale des frais d'assurance compenser la baisse des limites de garanties voire même couvrir des risques difficilement ou non assurables sur le marché lisser l’impact des fluctuations tarifaires profiter de la souplesse fiscale et réglementaire de certaines domiciliations (Bermudes, Guernesey...). Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010 Le cycle de l’assurance non-vie Page: 33 Ces structures sont principalement mises en place par des grands groupes internationaux (contrainte de coût de mise en place), mais des solutions dites de captives partagées (« rent a captive » ou captive en location) permettent un accès aux PME à ces structures sans les contraintes liées à leur gestion. Les captives constituent ainsi un instrument financier d'optimisation de la gestion des risques des entreprises. C’est une structure souple qui peut être redimensionnée selon les phases du cycle assurantiel : en période favorable, les industriels augmenteront la part de leurs risques transférés sur le marché de l’assurance traditionnelle et en cas de durcissement des conditions, elles constitueront une soupape de sécurité en augmentant leur niveau de rétention et en stabilisant ainsi le budget prime de l’entreprise. Les captives sont en forte progression depuis plusieurs années : on dénombre plus de 5200 captives actives dans le monde en 2008 (pour approximativement 1000 en 1982). A ce jour, plus de 80 % des entreprises du CAC 40 disposent d’une captive. 5500 Croissance du nombre de captives 5000 4500 4000 3500 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 Source : Business insurance, Mars 2009 On estime que le total des primes souscrites par les captives a plus que doublé depuis 2002 pour atteindre 21 milliards d’euros en 2005 (elles représenteraient plus de 15 % des primes dans le domaine des grands risques industriels). Depuis la directive sur la réassurance en 2005, les captives de réassurance ont été consacrées dans un texte communautaire, et devront être contrôlées au même titre que les entreprises de réassurance dites commerciales. Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010 Le cycle de l’assurance non-vie Page: 34 b) La titrisation des risques catastrophes Si les capacités financières dans le secteur de l’assurance et de la réassurance apparaissent au niveau macro économique surcapacitaires depuis plusieurs années (Cf. 3.1.1), ces capacités apparaissent par contre limitées voire insuffisantes lorsqu’il s’agit de couvrir les risques de pointe les plus volatils comme les catastrophes naturelles. Au contraire, les marchés financiers disposent eux de capacités très importantes. Une forme de complémentarité émerge donc entre les solutions de marchés et les couvertures traditionnelles La titrisation via l’émission d’obligations catastrophes (« cat bonds ») constitue un instrument de financement alternatif pour les assureurs et réassureurs leur permettant d’atténuer leurs besoins de fonds propres supplémentaires pour couvrir des risques extrêmes. Les premières obligations catastrophes ont été lancées suite à la phase de raffermissement du marché consécutive au cyclone Andrew de 1992 qui avait asséché les capacités de réassurance pour les catastrophes. La titrisation, via l’émission d’ obligations catastrophes, constituait un mécanisme simple pour transférer des risques catastrophiques vers les marchés financiers, allégeant ainsi les contraintes de capacités du secteur assurantiel. Le principe de base des Cat bonds est le suivant : l’entreprise cédante du risque émet une dette obligataire dont le remboursement est conditionné à la survenance d’un événement donné (séisme, tempête,…). Les détenteurs touchent un taux variable (produit du placement des fonds levés et prime payée par l’assureur) et le principal lorsque les titres arrivent à échéance (sous réserve que l’événement spécifié ne se soit pas produit). Chaque partie y trouve son intérêt : pour les assureurs et réassureurs l’émission d’obligations catastrophes présente l’avantage de réduire le besoin en capital réglementaire (et donc d’améliorer le rendement des fonds propres grâce à une plus grande efficacité du capital), pour les investisseurs, les « cat bonds », par essence largement décorrélés des autres actifs financiers représentent une source intéressante dans une optique de diversification de portefeuille. Nous avons montré au paragraphe précédent que la survenance de risques catastrophes constituait un facteur essentiel des cycles qui affectent le marché de la réassurance. La titrisation des risques catastrophes constitue donc un phénomène positif pour la stabilité financière dans son ensemble en permettant de combler des insuffisances de garantie en phase de marché tendu et en contribuant ainsi à limiter voir à éviter les pics tarifaires affectant le marché de l’assurance. Quelques chiffres permettent toutefois de relativiser l’importance actuelle de ces obligations et donc leur influence sur le cycle tarifaire. Les émissions totales d’obligations catastrophes se sont en effet élevées en 2009 à 3,5 milliards de dollars 11 contre 2,7 milliards en 2008. Les prévisions pour 2010, année du retour à la normale , devraient se situer autour de 5 milliards de dollars (à comparer au 7 Mds USD de 2007 – année record). 11 Les cat bonds ont été malmenés comme la plupart des autres classes d'actifs à la suite de la faillite de Lehman Brothers en 2008 (acteur à l’époque important du marché). Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010 Le cycle de l’assurance non-vie Page: 35 Ces montants restent donc pour le moment encore modestes en comparaison du marché de la réassurance traditionnelle (le total des émissions d’obligations catastrophes 2008 correspondent approximativement au chiffre d’affaire du 8ème réassurance mondial). 8 000 Emission de « Cat bonds » 1999 - 2008 6 996 7 000 6 000 M$ 5 000 4 693 4 000 3 000 2 687 1 991 1 730 2 000 985 1 139 967 1 220 1 143 1 000 0 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 Source Guy Carpenter La crise des « subprime » a certes jeté le discrédit sur certaines formes de titrisation. Mais elle ne remet pas en cause les bénéfices induits par le processus de dissémination des risques dans lequel s'inscrit la titrisation. Il est probable que la titrisation soit, à court terme, contrainte à une relative standardisation dans ses modalités comme dans les risques transférés afin de gagner en lisibilité dans un contexte de méfiance à l'égard des produits excessivement complexes. Cette technique de transfert des risques sur les marchés constitue un élément stratégique pour les réassureurs en leur permettent de libérer des fonds propres et donc d'avoir une gestion plus saine de leurs bilans et finalement d’atténuer les cycles affectant le marché. Les obligations catastrophe apparaissent donc comme une alternative à la réassurance traditionnelle. L'entrée en vigueur prochaine de Solvabilité II pourrait leur donner encore plus d'attrait encore : les « cat bonds » offrent en effet un collatéral « triple A » ce qui pourrait permettre à ce marché de se développer plus significativement. Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010 Le cycle de l’assurance non-vie Page: 36 Conclusions sur l’évolution des solutions de transfert de risques. Les cycles des cédantes et des réassureurs apparaissent étroitement liés. Les solutions de transfert alternatif de risques peuvent contrarier les évolutions du marché de l’assurance : sur les tranches basses, les captives des industriels peuvent être adaptées en fonction du cycle (niveau de rétention) et la titrisation peut s’avérer une solution de transfert intéressante pour compenser le niveau insuffisant des capacités financières de l’ensemble de l’industrie pour les événements de pointe. Il semble donc probable que le transfert de risques aura une influence croissante sur la nature cyclique des résultats d’exploitation. Les échelles de taille sont parlantes. Ainsi que le rappelait l’étude Sigma n° 3-2001 [11], un événement à l'origine de 250 milliards de dollars de dommages serait susceptible d'entraîner la faillite de plusieurs grands assureurs. Mais il ne représenterait que 0,5 % de la capitalisation mondiale en actions et obligations. Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010 Le cycle de l’assurance non-vie Page: 37 3.3 Les catastrophes naturelles et technologiques Comme mentionné en présentation des marchés à capacité, les résultats des assureurs et réassureurs sur ces marchés sont très dépendants de l’occurrence de sinistres majeurs. Nous allons illustrer cette caractéristique en nous intéressant à la volatilité et à l’ampleur des catastrophes technologiques (« man made ») et naturelles. Ces catastrophes peuvent représenter une charge extrêmement lourde pour l’industrie de l’assurance. Le tableau suivant recense les 10 sinistres les plus coûteux de la période 1970-2008. Les ouragans survenus en août 2005 aux Etats-Unis constituent le sinistre les plus coûteux de l’histoire de l’assurance. Dommages assurés (en Millions USD au prix 2008) Date Evénement Pays EU, golfe du Mexique, Bahamas EU, Bahamas EU EU EU, Caraïbes EU, Caraïbes EU, Mexique, Jamaïque EU, golfe du Mexique EU, Cuba, Jamaïque 71 300 25/08/05 24 552 22 835 20 337 20 000 14 680 13 847 23/08/92 11/09/01 17/01/94 06/09/08 02/09/04 19/10/05 Ouragan Katrina ; inondation, ruptures de digues, dommage plates-formes pétrolières Ouragan Andrew ; inondations Attentat terroriste WTC, Pentagone Séisme de Northridge (M6.6) Ouragan Ike ; inondations, dommages offshore. Ouragan Ivan ; dommages plates-formes Ouragan Wilma : pluie, inondations 11 122 9 176 20/09/05 11/08/04 Ouragan Rita ; dommage plates-formes pétr. Ouragan Charley ; inondations Source Swiss Re sigma n°2/2009 3.3.1 Les catastrophes technologiques Pour illustrer l’ampleur et la volatilité des sinistres « man made », nous utilisons le répertoire des sinistres graves de la FFSA qui recense par année les dix plus grands sinistres survenus sur des complexes industriels en France sur la période 1982-2005 (montants en millions d’euros constants12). 12 Montants revalorisés d’après l’évolution de l’indice RI (moyenne annuelle) Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010 Le cycle de l’assurance non-vie Page: 38 Montant des 10 plus grands sinistres par année 900 en millions d'€ constants 800 700 600 500 400 300 200 100 0 82 83 84 85 86 87 88 89 90 91 92 93 94 95 96 97 98 99 00 01 02 03 04 05 On constate des variations de montant de sinistres importantes par rapport à la valeur médiane13 : 280 M€ . (Mini 96 M€ en 2004, Maxi 852 M€ en 1992). En matière de risques industriels, le plus grand sinistres répertoriés en France ces 40 dernières années s’établit à près de 500 millions d’euros (sinistre 2001 relatif à l’ensemble des dommages consécutifs à l’explosion de l’usine AZF). Ce sinistre, à lui seul, a représenté 37% des cotisations de la branche cette année là. A titre de comparaison, en 2004, le sinistre le plus important totalisait seulement 0.8 % des cotisations de la branche. Le second sinistre le plus important a été enregistré en 1992 (Total) pour un montant en euros constant de 365 millions d’euros. Citons enfin l’année 1996 avec deux sinistres majeurs : le Crédit Lyonnais et Eurotunnel (respectivement 243 et 169 millions d’euros) qui totalisaient à eux deux 34 % du chiffre d’affaires de l’année. A titre de comparaison et pour fixer les ordres de grandeur, la plus grande catastrophe industrielle recensée (explosion de la plate-forme pétrolière Piper-Alpha dans la mer du Nord, en 1988) avait coûté 3 milliards de dollars. 13 Le calcul de l’espace interquartile sur la période 1982-2005 atteste de cette volatilité [198M€ - 352M€] Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010 Le cycle de l’assurance non-vie Page: 39 3.3.2 Les catastrophes naturelles a/ Les événements naturels dans le monde Comme l’atteste le graphique ci-dessous, la charge financière des catastrophes naturelles peut être extrêmement lourde sur un exercice. Là encore, en matière d’événements naturels, l’année moyenne ne se rencontre quasiment jamais : on peut en effet observer une année catastrophique au milieu de plusieurs années sans sinistre majeur. La volatilité de ces sinistres constitue donc un véritable défi pour l’industrie. 120 Coût des sinistres dus aux événements naturels (en milliards de dollars, coût indexé 2007) 100 Ouragans Charley (Floride), Ivan , Frances) Cyclones Katrina, Rita, Wilma 80 60 40 Séisme de Kobé (Japon) Lothar et Martin (Europe) Cyclone Kyrill (inondation en Grande Bretagne) 20 0 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 Le risque de cumul est très élevé sur le marché direct, un même événement catastrophique peut provoquer des dommages à un grand nombre de biens et d’infrastructures assurés par contrat séparément, ce qui peut donner lieu à des demandes d’indemnisations colossales au cours d’un même exercice. Selon certains experts spécialistes de la modélisation des catastrophes, la facture des ouragans pourrait doubler tous les 10 ans et un ouragan sur Miami provoquerait au bas mot 100 à 150 milliards de dollars de dégâts assurés. Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010 Le cycle de l’assurance non-vie Page: 40 b/ Le coût élevé de l’indemnisation en France En France, les événements naturels indemnisés par assureurs entre 1988 et 2007 ont coûté 34 milliards d’euros (tempêtes pour 49%, inondation pour 33%, sécheresses pour 16%). Rapporté au budget assurance dommages des ménages et entreprises français, cela représente 16% de leurs dépenses. Le territoire français est régulièrement touché par des événements naturels : tempêtes de 1999, inondations dans le Sud-Est, dans le bassin de la Loire, sécheresse de 2003, tempête Klaus de 2009. Entre 1988 et 2007, deux types d’événements sont à l’origine des dommages indemnisés : Les événements locaux : ils sont fréquents, localisés, d’une intensité relative. Ils représentent 60% des indemnités versées par les assureurs au titre des aléas naturels. Les événements extrêmes : ils sont particulièrement dévastateurs et se caractérisent par une très forte intensité et une faible fréquence. Ils représentent 40% des indemnités versées par les assureurs. Les événements extrêmes ont un poids plus ou moins importants selon leur nature : 60% du coût des tempêtes est dû aux tempêtes extrêmes, 25% pour la sécheresse et 20% pour les inondations. Le tableau suivant détaille pour la période de 1988 à 2009, les événements extrêmes qui ont touché la France ainsi que le coût et la « période de retour », attribuée à ces événements (fréquence à laquelle les météorologues estiment qu’un tel événement peut se reproduire). Evénement date Tempête 1990 Daria balaye une grande partie de l’Europe occidentale 1999 Lothar et Martin 2009 1988 1992 2002 Déc. 2003 Klauss inondation dans le Gard Inondation Vaison-la-Romaine département du Gard Territoire français allant de la Loire aux Pyrénées, en passant par le Sud-Est et plus particulièrement Arles, est inondée La canicule entraîne de nombreux dégâts aux bâtiments sur l’ensemble de la France. (mouvements de terrains consécutifs à la déshydratation/réhydratation du sol) Inondations Sécheresse Eté 2003 Description Coût Période de retour 1,5 milliards d’euros courants aux assureurs 6,9 milliards d’euros courants de dommages assurés en France 1,7 milliards d’euros 521 millions d’euros 381 millions d’euros 810 millions d’euros 769 millions d’euros 18 ans 1,3 milliard d’euros (coût, pour le régime CAT NAT) Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010 120 ans NC 50 50 ans 75 ans 100 ans 20 ans Le cycle de l’assurance non-vie Page: 41 Selon une étude réalisée par la FFSA14, le changement climatique devrait accroître le nombre et l’ampleur de ces aléas naturels : la fréquence des sécheresses en France pourrait augmenter de 10% entre 2007 et 2030 par rapport à la période 1988-2007 ; celle des inondations de 15 %. Au total la FFSA estime qu’à l’horizon 2030 que la charge d’indemnisation des dommages matériels liée aux événements naturels pourrait aller jusqu’à un doublement soit 60 milliards d’euros. Cette charge de 60 milliards se décomposerait sous la forme suivante : 30 Mds € - coût observé sur les 20 dernières années ; 16 Mds € - Facteurs liés aux évolutions socioéconomiques (augmentation de la masse assurable et migration vers les zones à risques) ; 14 Mds € - Facteurs liés au changement climatique (événements extrêmes principalement). Sur les 30 milliards d’euros supplémentaires estimés, 16 milliards auraient un impact direct sur le prix relatif de l’assurance contre les aléas naturels. Ainsi la part de la couverture contre les événements naturels dans le budget assurance dommages des ménages et des entreprises passerait à près de 25 % (contre 16% initialement). 14 Synthèse de l’étude relative à l’impact du changement climatique et de l’aménagement du territoire sur la survenance d’événements naturels en France Colloque Impacts du changement climatique – Mercredi 29 avril 2009 – Auditorium de la FFSA. Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010 Le cycle de l’assurance non-vie Page: 42 Conclusions sur les effets des sinistres catastrophiques Si de grands débats agitent les climatologues pour savoir si la fréquence et l’intensité des cyclones s’accroit, pour les autres sinistres climatiques – sécheresse, grêle, tornades inondations, etc. – on constate une réelle aggravation qui pourrait devenir problématique pour les assureurs. On estime que sous le double effet du réchauffement climatique et de la concentration des richesses, le nombre annuel d’événements climatiques graves (ceux qui ont provoqué au moins un milliard de dollars de dégâts) a été multiplié par 3.6 aux Etats-Unis depuis 1991. Munich Ré a lancé en 2005 une mise en garde à l'industrie sur les risques auxquels les assureurs et réassureurs s'exposent dans les mégapoles15 (les Echos du 12/01/2005). Ces grandes agglomérations, concentrant toujours plus d'habitants et de richesses, restent extrêmement vulnérables aux catastrophes naturelles, aux risques technologiques et environnementaux, ainsi qu'aux attaques terroristes. Outre les périls naturels, ces mégapoles sont vulnérables aux accidents industriels, ferroviaires ou aériens, ainsi qu'aux risques d'épidémie et de pollution de l'air. Ces événements peuvent affecter simultanément plusieurs lignes d'activité : assurance-vie, décès, accidents, assurances de biens individuels et industriels, pertes d'exploitation, responsabilité civile... Les catastrophes technologiques et surtout celles d’origine naturelle vont continuer à constituer un défi croissant pour l’industrie. La modification attendue de la fréquence et de l’intensité des événements extrêmes impactera directement les marchés de l’assurance et de la réassurance. Ces événements majeurs vont continuer à jouer un rôle majeur dans l’amplitude des fluctuations au niveau des marchés. 15 Munich Ré a ainsi élaboré un indice de " risque naturel ", en fonction de la fréquence des sinistres annuels moyens, de la vulnérabilité des mégapoles aux catastrophes (qualité des constructions, densité des bâtiments, politiques de prévention, etc.) et des valeurs exposées. Selon ces critères, Tokyo est, de très loin, la conurbation la plus risquée du monde, avec un indice de 710. San Francisco et Los Angeles suivent avec respectivement 167 et 100. Londres (indice 30) est 9e et Paris (indice 25) 10e, surtout en raison de l'importance des valeurs exposées Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010 Le cycle de l’assurance non-vie Page: 43 3.4 Application au Marché des risques d’entreprise Dans cette dernière section consacrée aux marchés à capacité, nous allons illustrer les développements précédents à partir d’un exemple de marché. Nous avons retenu le segment des risques industriels qui a connu un cycle exceptionnel par sa régularité ces vingt dernières années. 3.4.1 Le marché des risques industriels Les assureurs regroupent sous l'appellation « risques industriels » les dommages majeurs subis par les entreprises (incendie, tempête, catastrophes naturelles, bris de machine) et les pertes d'exploitation consécutives. Les risques relevant de ce marché sont identifiés dans le Traité incendie des Risques d’Entreprises de la FFSA 16. L’assurance dommages des risques industriels constitue un marché de taille modeste : Avec 1,8 Milliard d’euros de cotisation en 2008, les contrats d’assurance risques industriels représentent 26 % du chiffre d’affaires réalisé en assurance dommages aux biens des professionnels et agricoles (Source FFSA). Ce marché présente les particularités suivantes : il se compose de deux segments : les grands comptes internationaux et le segment des PME il comprend un nombre relativement limité d’acteurs : 5 ou 6 chefs de file pour les programmes internationaux, une quinzaine pour le marché hexagonal des PME L'échéance du 1er janvier représente jusqu'à 75 % de l'activité annuelle pour certains assureurs et donne le ton de l'année à venir. Les quelques renégociations effectuées en cours d'année (échéance au 1er avril ou au 1er juillet) permettent de suivre la tendance du marché Le calcul des tarifs en risques industriels utilise largement la « statistique commune professionnelle » et les cotisations évoluent suivant l’indice « RI » (indicateur composite qui intègre le coût de la main d’œuvre, des matières premières, etc.) C’est un marché mature, le taux de pénétration des couvertures « pertes d’exploitation » était à plus de 70 % (il était de 55% avant 2000) Enfin, c’est un marché difficile dont la rentabilité a souvent été médiocre dans le passé (Cf. graphes en Annexe 2. 16 Relèvent de ce traité, les risques dont le contenu a une valeur supérieure à 150 fois la valeur en euros de l’indice RI (soit approx contenu > 750 k€) Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010 Le cycle de l’assurance non-vie Page: 44 Ce marché a suivi une évolution fortement cyclique au cours des deux dernières décennies comme l’illustre la fluctuation des primes et des taux moyens (montant des primes rapporté à la masse assurable) sur le graphe ci-dessous. Evolution des cotisations et du taux moyen (en %) Assurance incendie des risques d'entreprises 30% Hausse Baisse Hausse Baisse 26.0% 25% Cotisations 20% 15% 12.0% 10.5% 10% 7.0% 7.5% 8.5% 7.0% 4.0% 5% 2.0% 3.0% 0.0% 0% 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 -1.0% 2007 2008 -5% -4.0% -6.0% -5.0% -4.0% -3.0% Taux moyen -10% Source : FFSA Le paragraphe suivant retrace les différentes phases du cycle sur ce marché ces dix dernières années. Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010 Le cycle de l’assurance non-vie Page: 45 3.4.2 Retour sur dix ans de résultats sur le marché des risques industriels 1999 : Le creux de la vague De 1995 à 1999, les sociétés d’assurance ont bénéficié d’une baisse des taux du marché monétaire et des rendements des titres d’Etat à long terme, doublée d’une hausse rapide des indices boursiers. Cette manne financière a permis aux assureurs de couvrir une part toujours croissante de leurs dépenses avec le produit de leurs placements financiers. Le ratio combiné, qui rapporte les dépenses aux cotisations des assurés, est ainsi passé de 93% en 1995 à 155% en 1999 (source FFSA). Parallèlement, le résultat de placements net en pourcentage des primes émises a atteint 18-20% en 1999 et en 2000, contre 13-15% en 1995 [5] (Swiss Re, 2001). Ces bonnes performances ont conduit à une situation de « cash-flow underwriting » et eu pour conséquence d’alimenter les surcapacités du marché. Cette conjoncture financière favorable a en effet incité les sociétés d’assurance à s’engager dans une guerre des prix (baisse des primes, sélection moins rigoureuse des risques…), dans l’objectif d’accroître leurs parts de marché et leurs capacités d’investissement sur les marchés financiers. Entre 1994 et 1999, l’effondrement des tarifs de réassurance en assurance-dommages aux biens, comme en responsabilité civile a ainsi atteint 45 % pour les garanties incendie risques industriels et le coût des primes est parfois tombé audessous du coût de la sinistralité attendue. A partir de 1998, cette stratégie de maximisation du « cash-flow » s’est traduite par une dégradation du compte technique. En raison de l’accroissement du produit net des placements affectés au compte non technique, les résultats nets des sociétés d’assurance sont toutefois restés positifs. Fin 1999, la situation des grands risques est techniquement déséquilibrée depuis plusieurs années. La baisse des cotisations concomitante à une hausse sensible des indemnités en risques industriels contraignent en cette fin 1999 plusieurs compagnies à réagir : non seulement en cessant de négocier à la baisse mais aussi en appliquant un minimum d'augmentations à tous les risques. Dès le début du mois de décembre, des lettres de majoration du portefeuille à effet de janvier sont adressées par plusieurs compagnies. La survenance des tempêtes de fin décembre (Lothar et Martin) va confirmer début 2000 cette volonté (encore timide) de redressement tarifaire. Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010 Le cycle de l’assurance non-vie Page: 46 2000 - 2001 : L’assurance confrontée à deux chocs majeurs Les raisons d'un violent retournement de marché Entre 2000 et 2001, deux chocs vont contraindre les assureurs à renouer avec la rigueur abandonnée entre 1997 et 2000. Pour la première fois, les assureurs sont touchés sur leurs actifs en même temps que sur leurs passifs. Le marché mondial des risques industriels connaît à partir de 2000 un violent retournement de cycle. En premier lieu, le retournement du cycle boursier et des taux d’intérêt initié à la fin de l’année 2000 touche les sociétés d’assurance de plein fouet. En second lieu, les attentats terroristes17 du 11 septembre 2001 (destruction des « twin towers ») et, pour le marché français, l’explosion de l’usine d’engrais AZF, vont affecter le marché des grands risques et achever de déprimer des marchés financiers qui montraient de sérieux signes de faiblesse depuis un an. Ces deux chocs (repli boursier et attentats du WTC) ont eu pour principales conséquences : une forte réduction de la capacité financière disponible sur le marché mondial : les pertes de fonds propres principalement dues aux pertes sur les portefeuilles d’actions et à la faiblesse des taux d’intérêt mais aussi aux pertes exceptionnelles de l’année 2001 ont réduit significativement les capacités mondiales de l’assurance non-vie dans le monde (réduction des fonds propres de 180 milliards USD entre 2001 et 2002 soit une contraction d’environ 25 % des capacités mondiales selon Swiss Re, [13]). Après une période de surcapacité, l’assurance non-vie se retrouve confrontée à partir de 2001 à une pénurie de capacité. un durcissement du marché de l’assurance et de la réassurance : Les assureurs ont en effet pris des mesures radicales pour redresser leur résultat technique. Les réassureurs se sont dégagés des risques qu'ils n’étaient plus en mesure de modéliser (terrorisme en particulier). Des mécanismes de place ont été mis sur pied dans la plupart des pays développés, prévoyant une intervention de l'Etat en dernier ressort (GAREAT en France). Les compagnies ont procédé à de significatives hausses tarifaires en grands risques et en réassurance (de mini à 20 % en dommages à plus de 100 % pour les comptes sinistrés), tout en augmentant sensiblement les franchises et en réduisant parallèlement le champ de leur couverture (les polices en « tout sauf intégral » sont abandonnées au profit des contrats en périls dénommés, les traités de réassurance « proportionnelle » laissent progressivement la place aux traités en excédents de pertes annuelles, où les limites de couverture sont clairement définies). 17 Les attentats du 11/09 ont perturbé le marché de l'assurance des risques industriels. Particulièrement en France, où la loi oblige les assureurs à couvrir les entreprises à la même hauteur contre les risques aux dommages traditionnels et contre les risques de terrorisme. Suite aux attaques terroristes, les assureurs n'ont plus trouvé assez de capacité de réassurance pour se couvrir eux-mêmes contre ce type de risques et ont un temps, gelé la souscription des polices 2002. Devant l'incertitude, certains ont hésité à résilier leur portefeuille (« Grands risques industriels, Axa résilie la totalité de son portefeuille dommages » les echos du 23/11/2001). Ils ont demandé à l'Etat d'intervenir. Le gouvernement a accordé sa garantie après intervention d'un nouveau pool. Les discussions ont abouti le 10 décembre. Pour permettre aux assureurs de se réassurer, un pool de réassurance, le Gareat, a été créé. Ce dispositif a permis le renouvellement des contrats grands risques au début de l’année 2002 Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010 Le cycle de l’assurance non-vie Page: 47 Des retraits partiels ou totaux du marché : ces retraits sont venus réduire un peu plus encore les possibilités de placement des risques d'entreprises en dommages et RC. En France : faillite d’Independant en 2001 (mise en liquidation judiciaire consécutive aux retraits d'agrément), retrait de RSA, qui succède à celui de St Paul, et sur la marché disparition de plusieurs réassureurs : Copenhagen Re, Fortress Re, etc. La baisse de capacités qui en a résulté n’a été que partiellement compensée par l’afflux de nouveaux capitaux vers le secteur. Une montée en puissance de nouveaux mécanismes de transferts de risques pour palier une offre défaillante. Avec le durcissement du marché de l'assurance, les regards se tournent vers les alternatives à l’assurance (transfert alternatif des risques) : création ou réactivation de captives, titrisation. Les industriels ont largement utilisé cet outil pour contenir l'inflation de leurs primes (augmentation des rétentions des captives). Une diversification des réassureurs : elle a accéléré le mouvement de transfert des capacités d’assurance et de réassurance de la branche dommages vers la branche vie, qui s’était enclenché quelques années auparavant. Des réassureurs comme XL ou Swiss Re, qui étaient autrefois spécialisés en assurance dommages, consacrent une part croissante de leurs activités à l’assurance vie, qui présente de nombreux avantages en termes de prédictibilité (la plupart des catastrophes entraînent beaucoup plus de demandes d’indemnisation en assurance dommages qu’en assurance vie), de diversification des risques et de potentiel de croissance. 2002 - 2003 : une phase de bénéfice Les attentats contre le World Trade Center le 11 septembre 2001 ont provoqué un large mouvement de réappréciation des risques, conduisant à une flambée des primes en 2002 (+ 26 %) et 2003 (+ 12 %). Comme le souligne l’Argus de l’assurance le 24/01/2003 « les industriels encaissent le choc » : hausse significative des tarifs (certaines activités jugées traditionnellement « déficitaires » sont « à l’amende » avec des pics de plus de 200 %), explosion des exclusions et généralisation des sous-limitations, les relations entre assureurs et entreprises assurées, parfois établies depuis de longues années, se tendent. Via L'Amrae (Association pour le management des risques et des assurances de l'entreprise), les industriels ont un temps été tentés de réagir à la diminution de leurs conditions d’assurance par la mise sur pied de leur propre mutuelle d’assurance (projet abandonné en 2004). Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010 Le cycle de l’assurance non-vie Page: 48 2004 - 2007 : retour du soft market D’abord très sélectif (« seuls les bons risques profitent d’une embellie tarifaire » titrent « les echos » du 26/06/03), le marché s’est rapidement et violemment orienté à la baisse dès 2004 pour le segment des grands risques. Traitant des renouvellements des grands risques de l’été 2004, l’argus du 16/07/04 n’hésite pas à évoquer une « grande braderie » sur ce segment. Dans les faits, la sinistralité relativement clémente entre 2004 et 2007, la bonne tenue des marchés financiers, la concurrence agressive que se livrent les assureurs (entretenue par les courtiers), expliquent tout à la fois cette tendance : en dommages aux biens, les tarifs ont reculé de l'ordre de 50 % entre juillet 2004 et juillet 2007. Les niveaux de primes reviennent parfois aux niveaux de 2001, avant la phase de durcissement du marché. Cependant, les assureurs n'ont bien souvent plus à gérer la sinistralité de fréquence car les entreprises ont augmenté leur rétention au cours des dernières années. Cela a créé un cercle vertueux : les entreprises conservant une part importante de leurs risques, elles ont fourni davantage d'efforts en termes de gestion des risques et de prévention. Dans le même temps, l'offre en assurance est devenue plus variée et abondante, avec le retour de plusieurs grands acteurs anglo-saxons comme Royal & Sun Alliance. Les risques se placent donc sans difficulté car les capacités abondent. « Il y a parfois deux ou trois fois plus de capacités que nécessaire sur une affaire », remarque-t’on chez Marsh (les Echos du 04/09/2006). Il était usuel de voir 10 assureurs sur un programme. Désormais, ils se les partagent souvent à trois ou quatre. Face à ces nouveaux intervenants, les grands acteurs - AXA, Allianz, Gan, etc. - défendent leurs parts de marchés en consentant d'importants efforts tarifaires pour leurs meilleurs clients. 2008 : Chronique d’une hausse annoncée A partir du second semestre 2007, les premières interrogations se font jour sur la possible poursuite de la tendance baissière (« Les prix peuvent-ils encore baisser ? » se demande l’Argus du 06/07/2007). De son côté, AXA Corporate Solutions, constatant un recul de 50% des tarifs en trois ans prône le retour à une certaine orthodoxie tarifaire dans Les Echos du 05/10/2007 : « Axa veut croire à la fin du cycle de baisse des prix ». Tous les ingrédients semblent en effet réunis pour que le prix de l'assurance-dommages des entreprises augmente en France après plusieurs années de baisse de tarifs : crise financière, récession économique, croissance marquée de la sinistralité, inflation en réassurance sous l'effet de la crise financière et de l'ouragan Ike en 2008 (coût de près de 20 milliards de dollars soit du même ordre que celui d'Andrews en 1992). Les industriels eux-mêmes commencent à intégrer le prochain retournement de cycle « On sent que les prix finiront par remonter, mais sans savoir quand », constate en 2009 la vice-présidente de l'Amrae. Dans cette optique, de nouveaux acteurs bien installés sur leur marché domestique étendent leurs activités en France : Catlin, Mapfre, ou encore le japonais Mitsui Sumitomo Insurance. Pour ces acteurs le choix du Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010 Le cycle de l’assurance non-vie Page: 49 calendrier n'est pas anodin. Ainsi Fortis précise dans les Echos du 26/05/2008 « Nous voulons être prêts pour bénéficier de la hausse du cycle » Annoncé fin 2007, le retournement du cycle ne s’est pas produit lors des renouvellements de janvier 2010. « Grands risques : pas de redressement tarifaire cette année ». (Les echos 11/12/2009). Au mois de décembre, des circulaires annonçant des majorations modérées sur les portefeuilles ont certes bien été adressés par les compagnies mais uniquement sur le segment des PME (en raison d’une sinistralité plus élevée en 2008 et 2009 et de l’impact de la tempête Klauss). Le marché des grands risques qui n’a pas connu de catastrophes en 2009 est quant à lui resté globalement stable. En « tangentant » l’équilibre technique pendant une phase de très faible sinistralité, les assureurs savaient qu’ils se laissaient peu d’espace. Le marché est en phase de stabilisation, le besoin de bons résultats techniques conduira avec un retour de la sinistralité « normale » inévitablement à un retournement dont l’ampleur devrait toutefois, sauf catastrophe majeur, être moins prononcée que dans les années 2000. Les agences de notation sont d’ailleurs très vigilantes concernant la politique commerciale des assureurs en 2010. Ainsi, Standard & Poor’s précise : «une poursuite de la compétition tarifaire en assurance dommages (ou de la surenchère sur les taux de rendements sur les contrats en vie) sont susceptibles de peser sur la notation des assureurs. La moitié des sociétés que nous suivons ont une perspective négative, contre seulement 3 % fin septembre 2008 ». (Les Echos du 12/01/2010) Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010 Le cycle de l’assurance non-vie Page: 50 Commentaires Le retournement du cycle de l’assurance a débuté fin 1999 début 2000, soit avant les attentats du 11 septembre 2001. Les attentats du 11 septembre ont joué le rôle de catalyseur. Les résultats catastrophiques de 2001 conjugués au recul de capacité, ont accéléré les hausses de prix sur le marché de l’assurance commerciale et de la réassurance. Ce choc sans précédent a brusquement forcé les assureurs à revenir aux fondements techniques d'une industrie qui avait longtemps vécu sur la hausse des marchés financiers. Une fois les équilibres techniques rétablis, le cycle baissier a été de nouveau enclenché. La sinistralité clémente sur le marché a permis aux assureurs d’accompagner cette baisse tout en maintenant des ratios combinés au dessous de la barre des 100 %. Pour le moment, des sinistres exceptionnels (ouragans Katrina, Ike) et la chute des places boursières en 2008 n’ont pas permis à ce jour le retournement du marché. L’analyse du cycle de l’assurance non-vie nous avait conduit à retenir au chapitre 2, trois hypothèses complémentaires pour expliquer le phénomène : L’excès de concurrence par les prix (H1), l’hypothèse de la capacité contrainte (H2), l’hypothèse des marchés rationnels imparfaitement prévisibles (H3). Nous analysons le résultas du marché des risques industriels à partir de ces trois grilles d’analyse : L’exacerbation de la concurrence de 1995 à 1999 et depuis mi-2004 semble valider l’hypothèse H1 : Une fois le point haut du cycle atteint, les assureurs cherchent à gagner des parts de marché au détriment des résultats techniques en réduisant les primes. Le marché semble ainsi incapable de se contrôler : la pression concurrentielle entraîne une dérive des primes et, au bout d’un certain temps, le franchissement des seuils d’équilibre technique préparant ainsi l’arrivée d’un nouveau contrecoup haussier. Fin 1999, Il aura bien fallu enregistrer plusieurs années de pertes pour que le marché admette la sous-tarification chronique et pour qu’il accepte de réagir. C’est le constat que faisait déjà en 1999, le président de l’ARF (Association des réassureurs français) qui s'étonnait de la politique tarifaire « suicidaire » de certains groupes lorsqu’il déclarait : « C'est le côté infantile de notre industrie : on s'approche du feu jusqu'à ce qu'on se brûle. Et personne n'ose s'arrêter le premier » (Les Echos du 04/11/1999). Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010 Le cycle de l’assurance non-vie Page: 51 L’hypothèse de la capacité contrainte (H2) fournit un modèle d’analyse tout aussi intéressant pour expliquer les résultats de la période 1999-2009. La croissance soutenue des revenus financiers à la fin des années 90, a conduit le secteur de l’assurance dans une période de forte surcapacité qui a entrainé une forte diminution des primes. Le retournement brutal des marchés boursiers à partir de 2000 et les attentats du 11 septembre 2001 ont contracté en deux ans de 25% les capitaux propres à l’échelle mondiale. Cette réduction de capacité a entraîné de façon concomitante une diminution de l’offre d’assurance et une augmentation de la demande de couverture ce qui s’est traduit par un mouvement de tension sur les prix. Dans les Echos du 5/12/2001, Le président de Gras Savoye confirmait ce constat : « Nous vivons un vrai paradoxe. Les assurés prennent conscience de l'importance des couvertures nécessaires au moment même où l'offre se fait beaucoup plus sélective, voire se raréfie ». L’hypothèse de la capacité contrainte permet également d’expliquer pourquoi en 2005 les cyclones « Katrina, Rita et Wilma » catastrophe la plus coûteuse de l‘histoire de l’assurance (coût plus de trois fois supérieur à ceux du WTC ou de l’ouragan Andrew) n’a pas atténué le retournement de cycle initié mi 2004 sur le secteur des risques industriels. Certes, ce cyclone a fortement impacté localement le marché américain et les couvertures « cat » (le manque de capacité à donner lieu à une inflation tarifaire), mais n’a pas globalement fait fondre comme en 2001 les capacités sur le marché du fait en particulier des généreux résultats financiers de l’année 2005 (l’augmentation des capacités du marché initiée à partir de 2002-2003 s’est poursuivie en 2005 – (Cf. 3.1.1). La réassurance a ainsi été capable d’absorber l’ouragan du siècle. Enfin, l’hypothèse des « marchés rationnels imparfaitement prévisibles » permet également de donner une explication plausible du cycle observé sur la période. Le marché a en effet été soumis à deux chocs externes d’une extrême violence touchant les assureurs et réassureurs tant sur leurs actifs (effondrement des marchés boursiers) que sur leur passif (coût des attentats du WTC). L'impossibilité d'ajuster immédiatement les prix et conditions en fonction de l'information disponible et anticipée ont engendré le phénomène cyclique. Les tentatives de correction dans l’environnement incertain de fin 2001 ont été généralement franches et ont excédé le prix nécessaire à un rééquilibrage du marché. Cette correction excessive à la hausse s’est ensuite suivie d’une correction à la baisse, ce qui a créé un cycle. Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010 Le cycle de l’assurance non vie Page: 52 Le cycle de l’assurance des risques industriels [1997 – 2009] Ratio Combiné 155 % (1999) 132 % (2001) 84% (2002) <80 % (2005) * Ouragan Katrina & Co 3 Attentats WTC 4 2 1 * 1997 - 1999 * 2000 2001 - 2003 2004 Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010 2005 2006-2009 2010- … Le cycle de l’assurance non vie Page: 53 Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010 Le cycle de l’assurance non vie Page: 54 3.5 Synthèse Cette troisième partie nous a permis de détailler les spécificités des marchés dits à capacité et de montrer en particulier leurs plus grandes sensibilités aux cycles comparés aux marchés de masse. Les fluctuations significatives des prix et de la rentabilité des opérations résultent d’événements imprévisibles et souvent exogènes aux assureurs et réassureurs : occurrence de sinistres catastrophiques, variation du niveau des capacités financières et évolution des conditions économiques générales. Ces fluctuations sont par ailleurs accentuées par la vive compétition que se livrent assureurs et réassureurs sur le marché des grands risques. Cette compétition est stimulée par les courtiers qui favorisent l’entrée de nouveaux acteurs et l’émergence de solutions de transfert alternatifs de risques. Le marché des risques industriels a fourni une parfaite illustration sur la dernière décennie de ces phénomènes. Quelles tendances pour l’avenir ? On peut légitimement s'interroger sur les évolutions futures du cycle de l'assurance. Plusieurs acteurs privilégient l’hypothèse selon laquelle les cycles à venir seront moins soumis que par le passé à des fluctuations importantes (à la hausse comme à la baisse) et envisagent une moindre volatilité des marchés. Parmi les arguments avancés pour justifier l’existence de cycles plus courts et d’amplitude moins marquée nous pouvons retenir : Une plus grande transparence du secteur : les modèles de risques qu’exigent les modifications de la réglementation prudentielle (Solvabilité II) ainsi que les attentes des investisseurs et des agences de notation18 devraient obliger à suivre une plus grande discipline à l’égard des résultats techniques que dans le passé. Une plus grande sophistication des outils de tarification et de modélisation qui permet au final de réduire les décalages entre anticipations et réalisations (la modélisation des catastrophes en particulier permet une meilleure anticipation de la sinistralité et des coûts) La poursuite de la convergence des marchés de capitaux et de la réassurance traditionnelle (solutions de transfert alternatif de risques). Cette convergence devrait permettre de lisser au moins partiellement les cycles tarifaires. Si ces arguments plaident en effet en faveur d’une atténuation de l'amplitude des cycles et pour des ajustements plus fréquents, il convient de garder en mémoire les risques croissants auxquels les assureurs sont confrontés (risques financiers systémiques, hyper terrorisme, expositions toujours plus importantes aux catastrophes majeures,…) et la tendance de l'assurance à couvrir des risques moins bien cernés ou par nature plus évolutifs et donc plus incertains. 18 Les agences ont ainsi intégré l’Entreprise Risk Management (Gestion intégrée des risques) dans leur système de notation (souscription, risque opérationnel, provisionnement). Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010 Le cycle de l’assurance non vie Page: 55 Si jamais un tel événement majeur, imprévu et non modélisé survenait, nul doute que la réaction du secteur conduirait, comme dans le passé, à des ajustements ex post importants. On peut de plus redouter avec Pierre Florin [16] « la mémoire trop courte des opérateurs » , et donc craindre que les erreurs du passé ne se reproduisent... Il est d’ailleurs frappant de constater que fin des années 90, le marché affichait le même optimisme par rapport à l’évolution cyclique des affaires. Dans les echos du 06/01/1999, un membre de l’exécutif d'AXA Global Risks afffirmait ainsi : « Je ne crois pas à un retournement brutal du cycle baissier, comme cela a pu arriver dans le passé ». Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010 Le cycle de l’assurance non vie Page: 56 4 LA GESTION DU CYCLE « Ne répétez pas les mêmes tactiques victorieuses, mais adaptez-vous aux circonstances chaque fois particulières. » Sun Tzu Dans cette troisième partie, nous allons nous intéresser aux stratégies et tactiques que les assureurs et réassureurs peuvent mettre en œuvre pour atteindre leur objectif premier : créer durablement de la valeur indépendamment du cycle. Après avoir illustré les bénéfices d’une gestion active du cycle nous proposons une démarche pour mener à bien cette stratégie (planification, suivi et mise en oeuvre). Nous illustrerons au travers de deux exemples (au niveau macro puis de façon plus détaillée pour un segment d’affaires donné) comment des solutions spécifiques peuvent être mises en œuvre à chaque phase du cycle. 4.1 L’intérêt d’une gestion active du cycle Face à un environnement cyclique, deux stratégies opposées peuvent être mises en œuvre. Une première stratégie passive consisterait à « s’aligner sur le marché » et donc à maintenir une part de marché constante quelque soit la phase du cycle. Cela reviendrait en quelque sorte à gérer un portefeuille d’affaires de manière à ce qu’il colle exactement aux évolutions des prix du marché et ce, quelque soit le niveau tarifaire atteint. Evidemment, si cette stratégie permet de maintenir un taux de rétention théorique de 100%, on comprend bien que le côté négatif réside dans son absence de prise en compte de la rentabilité opérationnelle : une sous-tarification chronique en bas de cycle peut conduire à des résultats au final très déficitaires. Une stratégie opposée dite « contracyclique » consisterait à se focaliser exclusivement sur les affaires correctement tarifées et dont la rentabilité est à priori bonne. Une telle stratégie conduirait à souscrire très peu en bas de cycle et au contraire à souscrire le plus d’affaires possibles en phase haute du cycle. A l’extrême, une telle stratégie pourrait conduire à ne souscrire durant le « soft market » que le volume d’affaires nécessaire à maintenir les équipes et la structure en place dans l’attente du contrecoup haussier. Cette stratégie présenterait l’avantage de produire un excellent taux de marge nette (rapport du résultat net au volume de primes) mais à contrario une rentabilité financière faible en bas de cycle (du fait de la nécessité de maintenir son capital constant pour pouvoir souscrire en phase haute). Dans la pratique, assureur et réassureur doivent combiner entre ces deux stratégies. Un assureur adoptant une stratégie typiquement contracyclique devra veiller à rester présent sur le marché et donc à ne pas trop réduire sa part de marché durant la phase de « soft market », de son côté un acteur ayant choisi de s’aligner sur le marché devra au final résister à de trop fortes baisses tarifaires sous peine de voir s’accroître son risque d’insolvabilité. Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010 Le cycle de l’assurance non vie Page: 57 Pour essayer d’illustrer et de quantifier l’intérêt d’une gestion active du cycle, nous étudions et comparons à travers un exemple volontairement simple les répercussions financières de deux approches commerciales différentes. Nous considérons à titre d’hypothèses un assureur ayant une part de marché de 5%, un phénomène cyclique sinusoïdal provoquant des résultats techniques variant de 24 unités (point haut du cycle) à - 40 unités (point bas) au cours du cycle. Pour simplifier la démonstration nous faisons abstraction des résultats financiers. Nous comparons deux approches possibles pour dégager la stratégie la plus prometteuse : Une première stratégie passive qui consiste à maintenir sa part de marché constante à 5 % tout au long du cycle ; Une seconde approche qui vise à adapter sa part de marché en fonction des phases du cycle tout en maintenant une part moyenne de 5% sur l’ensemble du cycle. Cette stratégie vise à accroître sa part de marché durant la phase profitable et à la réduire pendant la période de perte. Nous considérons des ajustements de part de marché entre 2,5% et 7,5 % (cas théorique). Le graphique suivant illustre les résultats obtenus pour chacune de ces stratégies. 2 Stratégie passive 1.5 Stratégie active 1 0.5 0 -0.5 -1 -1.5 -2 -2.5 La comparaison des deux courbes montre que de toute évidence la stratégie active menée dans le bon timing s‘avère être la plus prometteuse (quantifiable par mesure d’aires). Nous aurions pu montrer de la même manière qu’une stratégie active mais menée à contre-temps (réduction de la part de marché à 2.5% en phase haute et augmentation à 7.5 % en phase basse) aurait conduit aux résultats les plus défavorables (pic à + 0.6 et creux à -3). Cet exemple très « théorique », permet de donner une première idée de l’intérêt d’une gestion active du cycle : assureurs et réassureurs peuvent tirer profit du cycle pour accroître leur profit en augmentant leur part de marché pendant les périodes de hausse tarifaire et en la réduisant en phase de contraction. La part de marché peut être réduite sur l’ensemble des branches, sur un segment d’activité donné (voir un produit donné) et/ou sur une aire géographique donnée. Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010 Le cycle de l’assurance non vie Page: 58 4.2 Planification et suivi du cycle Comme le montre l’exemple précédent, la mise en œuvre d’une gestion active des cycles en assurance et en réassurance doit être bâtie sur deux éléments centraux : Un suivi du cycle qui doit permettre de définir avec précision à quel point du cycle se trouve un segment d’affaire donné Une démarche stratégique adaptée dans le but d’analyser la situation sur un ou plusieurs segments d’affaires et de mettre au point les solutions spécifiques adaptées pour la phase considérée. 4.2.1 La planification La mise en œuvre de la démarche de gestion du cycle doit faire l’objet d’une planification rigoureuse. Cette mise en ouvre doit se faire à un triple échelon : au niveau de l’entreprise toute entière, au niveau de la direction du marché concerné et au niveau opérationnel (souscription et/ou gestion de la clientèle). Au niveau de l’entreprise, une stratégie de gestion du cycle efficace sous-entend des objectifs et des grandes lignes claires pour pouvoir donner l’ impulsion aux opérationnels. Nous retenons une structuration assez classique d’un plan marketing en décomposant le processus en quatre phases principales (1/ diagnostic, 2/ décision stratégique, 3/ mise en œuvre, 4/ suivi et contrôle). L’élaboration de ce plan peut être réalisée au niveau du siège d’une entreprise internationale ou localement au sein d’une filiale. Nous distinguons les concepts de stratégie (ensemble d’objectifs et de règles de conduite) et de tactiques qui regroupent les moyens à mettre en œuvre pour atteindre les objectifs. Les tactiques relèvent de décision contingente et doivent être adaptées à la phase du cycle. . Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010 Le cycle de l’assurance non vie Page: 59 Processus de gestion du cycle en 4 phases Phase 1 Diagnostic Phase 2 Prise de charter décisions Project stratégiques 1. Diagnostic interne et externe : prix, marché, concurrence, rentabilité 2. Détermination de la situation actuelle des cycles par segment / marché / zone géographique 3. Projection pour les renouvellements des années n et n+1. 1. Préparation des choix stratégiques 2. Définition des axes de développement cibles 3. Définition des objectifs de croissance et de rentabilité par segment / marché / zone géographique. Phase 3 Elaboration des tactiques 1. Elaboration des tactiques (Marketing mix) 2. Définition des moyens nécessaires 3. Déterminer les outils de suivi Phase 4 Suivi et contrôle 1. Communication et mise en oeuvre de la stratégie. 2. Suivi et contrôle régulier de la mise en œuvre 3. Revue périodique des résultats et définition des actions correctives si nécessaire Description des quatre phases du plan : Phase 1 : Le but de cette première étape et d’aider à élaborer un diagnostic réaliste de la situation pour identifier la position du (des) cycle(s) d’assurance par marché et/ou par région. Cette première phase de doit notamment permettre : de procéder aux diagnostics interne et externe : conjoncture économique, suivi des évolutions tarifaires et des résultats par branche, benchmark,.... de présenter l’état du marché actuel ainsi que des prévisions de ses grandes tendances à court terme. Ce bilan peut être global ou mené branche par branche voir par segment de clientèle. Il peut de même être limité à un pays spécifique, ou s’intéresser à un marché mondial. d’établir des scénarios d’évolution des marchés à court et moyen termes. de procéder à l’évaluation des forces et faiblesses de la société dans cet environnement. Phase 2 : Cette seconde phase correspond à la phase de décisions stratégiques. A partir de l’analyse des forces et faiblesses identifiées de l’institution et de la connaissance précise des différents marchés et différentes branches, cette phase doit permettre d’identifier les segments porteurs (c’est à dire ceux où les conditions de souscription sont considérées satisfaisantes) et ceux plus problématiques. Des objectifs chiffrés en termes de croissance ou de réduction de part de marché et de rentabilité peuvent ainsi être formulés par marché et par zone géographique voire par type de Clientèle. Des stratégies de « stop and go » peuvent également être décidées à ce stade pour certaines niches. Cette phase doit s’accompagner d’une gestion efficace du capital de l’entreprise (allocation en fonction des segments) afin d’atteindre les objectifs de rendement. Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010 Le cycle de l’assurance non vie Page: 60 Phase 3 : la troisième phase et consacrée à l’élaboration des tactiques. A ce stade sont décidées les actions spécifiques à mettre en œuvre pour atteindre les objectifs fixés. Il s’agit de la présentation de tactiques permettant d’atteindre les segments cibles choisis, et de réaliser les objectifs définis. Pour chaque marché, la direction concernée propose à la Direction Générale une organisation du « marketing mix » au niveau des politiques : produits, prix communication, distribution ainsi que les budgets qui doivent être alloués. A ce stade débute la phase opérationnelle (programmation et mise en œuvre des actions) Phase 4 – mise en œuvre et suivi contrôle des résultats ou structures (allocation des ressources, suivi et contrôle) ; Au cours de cette phase sont choisis les principaux clignotants nécessaires au contrôle du bon fonctionnement de la planification. Ils permettent de suivre les réalisations du plan et d’entreprendre à partir de l’analyse des écarts, d’éventuelles actions correctives. Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010 Le cycle de l’assurance non vie Page: 61 4.2.2 Le suivi du cycle Le suivi du cycle constitue la première phase de la planification stratégique. Ce suivi poursuit un seul objectif : déterminer avec précision la phase du cycle dans laquelle on se trouve (et non celle dans laquelle on croit se trouver...). En économie, des indicateurs sont régulièrement publiés pour assister les économistes et les chefs d’entreprises dans les évaluations de leurs estimations cycliques à court terme. L’Indicateur Composite Avancé de l’OCDE est ainsi conçu pour signaler à l’avance les points de retournement (pics et creux) du cycle économique. Les indicateurs composites avancés synthétisent les informations à caractère anticipatif contenues dans un certain nombre d'indicateurs à court terme connus pour présenter une corrélation avec le PIB, mais avec un temps d'avance. Au vu de leur évolution, on peut donc se faire une idée de la probabilité que se produise une expansion ou un ralentissement de l'activité économique dans les pays ou groupes de pays considérés Ces indicateurs sont complétés par des enquêtes de conjoncture qui apportent des informations qualitatives se fondant sur l'opinion des entreprises et des consommateurs concernant la situation économique ou financière du moment (et son évolution immédiate). Les enquêtes de conjoncture portent sur un éventail de variables choisies pour leur aptitude à rendre compte de l'état de la conjoncture et fournissent des informations sur des aspects que ne couvrent pas les statistiques quantitatives (opinions concernant la situation économique générale par exemple). Si la mise sur pied d’indicateurs composites permettant d’anticiper les points de retournement du cycle de l’assurance apparaît hors de portée dans le cadre du présent document, nous pouvons retenir l’idée de mise en place d’ « enquêtes de conjoncture » associant données quantitatives (suivi de l’évolution des taux moyens par marché, de la sinistralité,...) et qualitatives (jugement d’experts,…). Les Chapitres 2 et 3 nous ont permis d’identifier les principaux moteurs du cycle de l’assurance des grands risques. Nous proposons de synthétiser sous forme de liste-guide ces informations qui pourront être adaptées par branche et structurées sous forme d’enquêtes. Une mise à jour régulière (2 à 3 fois par an) de ces informations et leur mise à disposition sous forme synthétique permettrait à un instant donné d’identifier l’état actuel du cycle et de signaler à l’avance son évolution probable. Cette approche doit être menée au plus près du « terrain » et donc intégrer les souscripteurs qui par leurs connaissances des marchés, des intervenants (intermédiaires et concurrents), et leur proximité aux clients demeurent des observateurs privilégiés de l’évolution du cycle. Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010 Le cycle de l’assurance non vie Page: 62 Critères d’appréciation de l’évolution du cycle d’assurance a) Indicateurs financiers et économiques du marché - Indicateurs marchés financiers - Rendement des produits financiers (obligation, action, immobilier). Analyse des perspectives des Agences de notation Indicateurs économiques Cycle économique : évolution du PIB,. indicateurs avancés Ocde. Suivi de l’activité industrielle (IPI , nombre de défaillances d’entreprise ; …) b) Le marché de l’assurance - Indicateur « Résultats » - Indicateur « Capacité » - Suivi de la rentabilité et de la solvabilité des réassureurs Evolution des prix de la réassurance (traité et facultative), « ROL »: analyse des conditions de renouvellement (prix, termes et conditions) Indicateurs « Intermédiaires » - Evolution de la capacité disponible sur le marché (cédantes et réassureurs) Evolution de la sinistralité catastrophique (naturelle et technologique). Evolution du marché du transfert alternatif de risques (ART) : « cat bonds »,…. Analyse du jeu des acteurs : Ex. nouveaux entrants, retrait de Compagnie, fusion et acquisition, politique de rachat d’actions, augmentation de capital, etc. Indicateurs « Réassurance » - Suivi du niveau des tarifs de souscription des affaires nouvelles (par secteur d’activité, par branche, par pays) Suivi des budgets de défense des affaires en portefeuille Evolution de la fréquence et du coût des sinistres sur le marché. Suivi des sinistres graves (nombre et coût) Suivi des taux de réalisation et des taux de rétention des affaires. Rentabilité des opérations (S/C, ratio combiné, RoE). Bilan activité– (Défense de leur portefeuille, prospection). Réorganisation/fusion Regroupement des cabinets de courtage : moins d’intermédiaires Indicateurs « marché » Tendance tarifaire du marché Analyse des stratégies des concurrents : conditions de renouvellement des affaires en portefeuille et « appétit » en affaires nouvelles, benchmark des nouveaux produits et services. Suivi du nombre de saisines et de réalisations, Suivi du taux de rétention des affaires Existence de difficulté / échec de placement de certaines affaires Suivi de l’efficacité des actions de surveillance portefeuille Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010 Le cycle de l’assurance non vie Page: 63 Exemple d’application d’enquête terrain : le « Cycle Survey » Münchener Rück Pour anticiper les tendances des marchés, la Münchener Rück utilise un outil d’aide interne : Le « Cycle Survey ». Deux fois par an, environ 300 experts issus de toutes les sociétés de réassurance sont interrogés sur l’état actuel du cycle et sur leurs anticipations. Ce « Cycle survey » permet à la Münchener Rück de suivre toutes les grandes tendances et de donner un tableau précis de la situation des différents marchés et différentes branches. Les résultats sont présentés sous forme de graphiques semblables à celui présenté ci-dessous qui montre les estimations à un instant donné et reflète les prévisions de prix pour le portefeuille l’année suivante. Les personnes interrogées étaient par exemple d’avis que des hausses de prix seraient très probables dans le secteur des catastrophes naturelles ; par contre, pour l’ensemble du secteur Dommages/RC, elles ne s’attendaient pratiquement pas à des augmentations tarifaires. Les données de l’enquête peuvent en outre être analysées selon les marchés ou par région. Ce degré de précision supplémentaire permet d’anticiper les différentes tendances non seulement dans chaque segment, mais aussi sur chaque marché ou dans chaque zone géographique. 100% 80% 34% 38% 25% 30% 38% 60% 45% 40% 57% 49% 49% 47% 20% 9% 15% 30% 21% 13% 0% DAB RC Hausse Cat Stable Aviation Baisse Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010 Transport Le cycle de l’assurance non vie Page: 64 Des outils informatiques peuvent également contribuer à effectuer un suivi du cycle tarifaire. Certains acteurs ont développé à cet effet des outils de pilotage leur donnant la possibilité de suivre régulièrement l’évolution des tarifs de leur portefeuille d’affaires. A chaque date de renouvellement importante (1 er janvier et 1er juillet), l’évolution de la tendance tarifaire est ainsi analysée sur l’ensemble des polices arrivant à échéance et les résultats synthétisés et communiqués selon la segmentation voulue (par zone géographique, par segment d’affaires voire par type de clientèles). Cet outil permet de fournir au final un indicateur « prix » et son suivi dans le temps permet d’observer les tendances sur les différents marchés et de détecter les évolutions par région voire au niveau mondial. L’inconvénient de cette démarche réside dans le fait que l’observation se limite au seul portefeuille Client (et non à l’intégralité du marché) ce qui présente un risque de biais statistique (biais lié à la politique de souscription). Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010 Le cycle de l’assurance non vie Page: 65 4.3 Stratégies et tactiques Cette partie s’intéresse à la stratégie à proprement parler associée au processus de gestion du cycle. Nous discutons dans un premiers temps de la stratégie générale d’un acteur global diversifié et opérant sur différents marchés (réassureur par exemple), puis nous déclinerons comment une gestion active du cycle peut également être mise en œuvre sur un segment d’affaire donné au niveau local. 4.3.1 Approche globale Au-delà des tendances générales, le cycle des taux de primes peut affecter certains marchés géographiques ou certaines lignes de métiers de manière fragmentée et indépendante les uns des autres. Les cycles peuvent ainsi apparaître selon la branche concernée en avance ou en retard de phase par rapport à un cycle de référence et/ou d’amplitude plus ou moins marquée. A partir d’un suivi du cycle rigoureux permettant d’anticiper les différentes tendances par segment d’affaires (Cf exemple cidessous), un réassureur peut être sélectif sur les mix produits/marchés choisis et orienter sa politique commerciale en matière de tarifs et de conditions à un instant t donné. Profitabilité USA Europe Asie t Cat Dommages Responsabilités Spécialités Temps La gestion des cycles permet de surveiller l’ensemble d’un portefeuille pendant la phase de renouvellement et d’orienter la politique commerciale. Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010 Le cycle de l’assurance non vie Page: 66 Les grandes lignes stratégiques d’un acteur diversifié au niveau mondial pourraient se résumer ainsi : Privilégier les marchés où les conditions de souscription sont jugées satisfaisantes : suspendre ou du moins réduire la souscription des branches considérées sous tarifées, à contrario, intensifier la souscription des branches en haut de cycle Développer des niches géographiques ou par métiers, pérennes ou temporaires et souscrire de manière contracyclique tout en réservant un traitement privilégié à ses clients fidèles Veiller au maintien du savoir-faire des équipes sur les branches adoptant une politique de « stop and go » Enfin, allouer le capital de façon optimale. Cette stratégie doit en effet s’accompagner d’une gestion souple du capital (capital qui conditionne le volume des risques qu’un réassureur peut assumer). Pour atteindre ses objectifs de rendement, un réassureur doit utiliser efficacement son capital et donc assurer son allocation en fonction des opportunités commerciales du moment (et à l’inverse restituer le capital dont il ne peut pas se servir de façon profitable dans l’un de ses secteurs d’activités). L’exemple ci-dessous montre comment un réassureur peut suivre au final la bonne exécution de sa stratégie dans le temps : évolution progressive19 du portefeuille avec augmentation des secteurs jugés profitables (RC dans notre exemple) et diminution dans les secteurs en bas de cycle (DAB et auto). 100% 80% 60% 40% 20% 4% 8% 8% 8% 7% 16% 16% 16% 17% 18% 18% 23% 21% 21% 25% 27% 32% 20% 33% 34% 33% 31% 30% 2005 2006 2007 2008 2009 18% 16% 0% DAB RC Auto Spécialités 19 Autre Dans la pratique si des variations peuvent être rapides et marquées sur certaines branches (Ex branches spécialités par exemple) , les évolutions sont plus lentes sur les branches principales (P&C). Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010 Le cycle de l’assurance non vie Page: 67 4.3.2 Approche locale (assurance des risques d’entreprises) La gestion du cycle peut être également menée pour un secteur d’activité donné dans une zone géographique limitée. Nous nous intéressons de nouveau au marché des risques d’entreprises présenté et analysé au chapitre 3 en nous plaçant dans la position d’un acteur sur ce segment souhaitant « battre le marché » et tenter ainsi d’obtenir une meilleure rentabilité sur l’ensemble du cycle que ses concurrents. La mise en œuvre des stratégies et tactiques pour atteindre cet objectif nécessite au préalable une réflexion sur la segmentation du Marché et sur la Clientèle entreprise. a/ La segmentation du Marché Une réflexion sur le segment des risques d’entreprises passe en premier lieu par une analyse de la segmentation de ce marché. On rappelle la définition d’un segment stratégique : Ensemble de lignes de produits de même spécificité ou comportement. C’est un couple homogène Produit (technologie, coût,…) / Marché (concurrence, clients, usage du produit,…). Nous avons mentionné au chapitre 3 que le marché des entreprises se composait des grands comptes 20 et des PME. Le tableau à suivre illustre les principales différences entre ces deux types de Clientèles. Type de clientèles Interlocuteurs Besoin –critères d’achat PME Grands comptes DG ou Direction Financière Risk Manager Couverture relativement standardisée (polices multirisques) - Programmes complexes - Capacité importante nécessaire - Mise en place de captives Mode de distribution Agence et Courtage (commission) Méga-brokers (honoraires ou commission) Concurrence, structure Offre plutôt large (une vingtaine d’acteurs) Peu d’acteurs (5-6 apériteurs potentiels de programmes internationaux). Acteurs dédiés aux grands risques (Ex. Axa Corporate Solutions, Allianz Global Corporate & Specialty) Frontières géographiques Locale (extension possible en LPS pour l’Europe) Présence mondiale Ce tableau atteste de la présence de deux segments stratégiques que l’on doit analyser différemment. Nous retenons dans le cadre de notre analyse le marché national en nous focalisant sur le segment des PME. 20 Chaque compagnie a ses propres critères pour classer les risques entre grands comptes et PME. Pour certaines, c'est une question de chiffre d'affaires (au-dessus de plusieurs centaines de millions d’euros par exemple), pour d'autres, une question de nombre de salariés (plus de 5.000), pour les courtiers, ce peut être le volume global de commission sui scinde les activités Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010 Le cycle de l’assurance non vie Page: 68 b/ La segmentation des Clients La mise en œuvre d’une stratégie implique une segmentation de la clientèle pour distinguer les segments profitables (les Clients cibles) des autres. Sans rentrer dans la définition d’une politique de souscription, nous abordons quelques grands principes assez classiques sur le marché des risques d’entreprise. Une première segmentation est souvent réalisée par les assureurs sur ce segment à partir de la famille à laquelle le risque appartient. La « statistique commune professionnelle » via le traité des risques d’entreprises (TRE) de la FFSA fournit une classification des risques industriels et commerciaux en ru21 briques . L’utilisation de ces rubriques permet pour un assureur de classer les activités par « dangerosité » et de procéder à un premier classement. On pourra ainsi partager les activités en trois classes : les activités « standards » (secteurs plutôt rentables), les activités dites « sensibles» et les activités jugées « lourdes » (secteurs traditionnellement plus difficiles à équilibrer). Cette première segmentation est souvent complétée par une appréciation propre à la compagnie sur le risque lui même. Cette appréciation est rendue possible à partir des audits de risques menés par les ingénieurs des compagnies dont l’objectif est de vérifier la politique de prévention des sinistres (risques incendie, vol, bris de machines,…). Les risques peuvent ainsi être classés comme bon, satisfaisant voire insuffisant selon le niveau de protection (les risques protégés par installation d’extinction automatique à eau type sprinkler obtenant les meilleur classement) . Des systèmes de « rating » plus sophistiqués peuvent également être mis en œuvre pour évaluer le niveau potentiel des sinistres d’un client/prospect donné. Au final, le croisement des éléments d’appréciation relatifs d’une part à la famille à laquelle le risque appartient et d’autre part à sa qualité intrinsèque permet une segmentation de la clientèle et la détermination les cibles de souscription (on pourra par exemple retenir comme cible les activités standards et celles relevant des autres classes mais disposant d’un bon « rating » prévention/protection). D’autres éléments de segmentation doivent également être pris en compte. On peut notamment citer : l’importance du Client (montant de la cotisation et/ou nombre de contrats en portefeuille), l’ancienneté de la relation et bien entendu la rentabilité Client (S/C sur plusieurs années). . La réflexion sur la segmentation Clientèle doit également porter sur les apporteurs dont le rôle est prépondérant dans la conquête et la défense des affaires. Les matrices classiques de segmentation marketing peuvent idéalement être utilisées dans cette optique. La matrice suivante illustre ce concept en proposant une classification selon deux critères : l’intensité de la relation et sa valeur pour la compagnie. Une telle analyse peut s’avérer utile pour définir les politiques à mener en termes de fidélisation ou de conquête de clientèle. 21 Le Traité des risques d’entreprises version 2009 compte 124 rubriques Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010 Le cycle de l’assurance non vie Page: 69 Valeur Client 2 + 4 - Politique de reconquête du Client Politique de fidélisation « Cross Selling » « Up grading » Politique d’abandon ou de diminution des coûts de gestion Politique de gain de productivité, de rationalisation, … - 1 3 + Intensité de la Relation Client Pour illustrer l’intérêt d’une telle analyse, nous proposons un exemple d’application en vue d’une segmentation des courtiers. Nous analysons et classons les cabinets de courtage selon les 2 critères : intensité de la relation entre le cabinet et la compagnie (commerciaux, équipes de souscription) « valeur Client » : valeur que nous associons dans le cas présent à l’importance du courtier sur le segment des risques d’entreprises. Cette classification permet de sérier les courtiers en 4 groupes. Selon la phase du cycle considérée, les tactiques à mettre en œuvre vont concerner des groupes différents : en phase de redressement tarifaire , la volonté de croissance va conduire à essayer de reconquérir les apporteurs majeurs avec lesquelles la compagnie ne travaille pas ou plus (actions commerciales ciblées spécifiques sur le groupe 2) alors qu’en bas de cycle, le plus faible « appétit » du risque conduira la compagnie à se focaliser sur l’animation des courtiers partenaires (groupe 1). Cette approche sera déclinée dans la partie consacrée à la mise en œuvre du Marketing mix. Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010 Le cycle de l’assurance non vie Page: 70 c/ Le Marketing Mix Pour définir la stratégie et les tactiques à mettre en œuvre dans le cadre d’une gestion active du cycle, nous retenons le concept simple du « Mix marketing » [17] définit par Kotler comme « l’ensemble des outils dont l'entreprise dispose pour atteindre ses objectifs auprès du marché-cible ». Ce concept, fondé sur la règle des « 4 P » (Product, Price, Place, Promotion), permet de choisir, (ou plutôt de combiner) les paramètres de chacune de ces variables pour atteindre les objectifs fixés. Produit Prix Marketing Mix Place Distribution Promotion Communication Nous adaptons cette approche à la problématique des risques d’entreprises comme suit : = > La politique Produit (produis/cibles/services) Le terme produit est considéré au sens large. Derrière ce terme, nous comprenons : l’offre produit, la politique de souscription, l’identification des cibles clients (Cf. segmentation précédente) et les offres de services complémentaires (accompagnement / conseil en gestion des risques). Concernant l’offre produit, nous distinguons les termes et conditions des polices : franchises, sous limitations, exclusions, type de couverture (police en périls dénommés ou police en « tous sauf »), les clauses de fidélisation (participation au bénéfice, les stratégies concernant les engagements pluri annuels). Enfin, La politique produit/cibles/services doit considérer des stratégies et initiatives tant en affaires nouvelles que pour les affaires déjà en portefeuille. => La politique tarifaire Dans le domaine de l’assurance, le prix revêt une signification particulière : il correspond à la prime demandée pour la couverture accordée. La couverture est définie par : la somme assurée (ou autre limitation au règlement du sinistre éventuel) le niveau des franchises un ensemble de conditions contractuelles qui définissent les événements assurés, les exclusions, etc. Les prix de l’assurance peuvent ainsi augmenter parce que les primes augmentent pour la même couverture ou parce que les conditions sont plus strictes pour une prime identique (ou pour ces deux raisons). Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010 Le cycle de l’assurance non vie Page: 71 Aujourd’hui, la politique de souscription est devenue assez homogène et a peu évolué en ce qui concerne l’offre produit. La mise en œuvre d’une stratégie tarifaire apparaît comme un élément déterminant. La principale difficulté réside dans le fait que les décisions des assureurs ne peuvent pas trop diverger de celles des autres concurrents : une éventuelle sur-tarification se paie non seulement par une moindre progression du chiffre d'affaires, mais aussi par un risque accru d'anti-sélection. La mise en œuvre d’une stratégie tarifaire adaptée doit donc intégrer : une analyse de la concurrence (connaissance des conditions tarifaires et de l’agressivité commerciale des concurrents par segments d’activités) une modélisation du comportement des Clients face aux variations de prix au moment du renouvellement (établissement de courbe d’élasticité des prix permettant de déterminer un taux de résiliation Client en fonction d’un pourcentage d’augmentation de taux de prime donné). Fort 2 Moyen Faible Intensité concurrentielle L’optimisation des prix peut nécessiter une nouvelle segmentation des Clients. Le schéma ci-dessous montre une approche possible pour prendre en compte l’environnement concurrentiel. Cette segmentation utilise deux critères : l’intensité concurrentielle (intérêt du marché pour un segment d’affaire donné) et le niveau de tarification d’un contrat par rapport au marché. 3 1 Faible Moyen Fort Niveau tarifaire par rapport au marché En identifiant les affaires relevant de chaque groupe, il est possible d’établir des tactiques (hausse ou baisse de prix selon la phase du cycle considérée) pour réduire le risque de perdre des parts de marché. A titre d’exemple, en phase de redressement tarifaire, les affaires en portefeuille relevant du groupe 1 (affaires peu recherchées sur le marché et plutôt sous-tarifées) pourront autoriser des augmentations de prix sensibles sans trop de risque. Les possibilités d’augmenter les prix sur le groupe 2 (affaires de bonne qualité correctement tarifées) sont, à l’opposé, plus réduites. La démarche pourra idéalement être mise en œuvre en plusieurs phases par tests itératifs (démarche d'abord limitée à une partie du portefeuille, puis étendue à davantage de secteurs d'activité). L'avantage d'une approche progressive est de permettre de tester et d’ajuster la tactique en fonction des résultats obtenus à chaque phase. Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010 Le cycle de l’assurance non vie Page: 72 => La distribution La politique de Distribution s’intéresse aux actions menées vis à vis des intermédiaires : Agents généraux spécialisés et courtiers (échanges d’informations, politique de commissionnement, de fidélisation, .). Cette approche qui intègre une analyse préalable (segmentation) doit intégrer : Les actions en termes de développement : démarche de prospection, recherche de segmentations spécifiques (niche).., Les actions menées pour défendre les affaires déjà en portefeuille Nous rappelons les principales différences entre les deux circuits de distribution (« avantages et inconvénients » pour les assureurs). Réseau d’Agents Courtage Il n’y a pas de relation de dépendance entre l’assureur et le courtier. Les courtiers représentent, de façon opportuniste, les intérêts des preneurs d’assurance. Ils peuvent par exemple vendre à leurs clients, selon la phase du marché, la police de l’assureur direct offrant la couverture d’assurance la plus intéressante. Les Agents sont « obligés », par contrat, de ne vendre que les produits de leur société et doivent se plier aux directives de souscription et d’acceptation de leur assureur. Dans les phases de marché « soft », ils ne peuvent suivre la baisse des prix que dans la mesure où leur société les y autorise. Il ne peuvent pas avoir recours aux conditions d’autres fournisseurs et ont donc du mal au niveau de la vente. Mais comme ils ne peuvent pas, contrairement aux courtiers, se retirer d’une affaire, l’assureur peut mieux calculer les risques du point de vue technique. Ceci a pourtant des limites : si une affaire est résiliée, le risque est grand que la relation client soit perdue. Les assureurs opérant avec un réseau d’Agents peuvent plus facilement préparer l’arrivée d’une nouvelle phase de redressement en prévoyant des mesures d’assainissement et des augmentations tarifaires car ils n’ont pas besoin de craindre que l’affaire dans son ensemble leur soit retirée. Les assureurs peuvent également se comporter de façon opportuniste vis-à-vis des courtiers , car ils n’ont aucune obligation ou responsabilité envers eux. Les courtiers, dont la politique de vente est de promettre au client l’offre la plus intéressante plutôt qu’une relation solide et à long terme avec un assureur, adopteront également un comportement opportuniste lors des phases de remontée des prix et chercheront la meilleure relation qualité-prix, en changeant éventuellement de fournisseur. Les stratégies à développer vis à vis de chacun des réseaux doivent intégrer les éléments de réflexion présentés dans la partie b/ relative à la segmentation des Clients (conquête/ fidélisation). Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010 Le cycle de l’assurance non vie Page: 73 => La politique de communication (promotion) Cette politique se réfère à tous les aspects liés à la communication. Elle doit distinguer : La communication interne en particulier en direction des équipes commerciales et de souscription/gestion dont l’adhésion est indispensable en vue d’une application rigoureuse de la stratégie : des objectifs clairs en termes de mix croissance /rentabilité doivent notamment être définis en phase avec le cycle. La communication vers les intermédiaires qui doit également être adaptée au cycle et être spécifique au réseau considéré (agents spécialisés / courtiers). Cette communication passe par la simple lettre d’information adressée au réseau sur les conditions de renouvellement : Flash d’information aux Courtiers et Agents sur les conditions de renouvellement, Argumentaire Client pour les réseaux d’Agents pour défendre leur portefeuille en période de hausse) jusqu’à l’organisation de « Road show » nationaux pour communiquer sur la stratégie du groupe auprès des intermédiaires. Des remontées d’informations (réseau => Compagnie) doivent également être organisées afin de suivre le marché et en particulier la stratégie des concurrents. La communication vers les clients finaux afin d’éviter que la discipline de souscription adoptée par la compagnie ne nuise à la relation Client. d/ Mise en œuvre du marketing mix Nous reprenons la modélisation retenue aux chapitres 2 et 3 en distinguant les quatre phases du cycle : phase de redressement, phase de bénéfice, phase de croissance et phase de perte. Nous considérons que chacune de ces phases dure entre 2 et 3 ans (les phases de fortes hausses étant empiriquement plus courtes que les phases de baisse). Le marketing mix défini précédemment par ses quatre politiques peut maintenant être utilisé pour chacune de ces quatre phases22. Les tableaux suivants détaillent un ensemble de tactiques pouvant être mis en œuvre par phase. On peut résumer les tactiques présentées selon quelques grands principes : Moduler l’appétit du risque en fonction du cycle : fuite vers la qualité en bas de cycle, maximiser le développement durant la phase bénéficiaire. Mettre en œuvre en œuvre une stratégie d’optimisation des prix différentiée à toutes les phases du cycle : compromis prix/rétention Surveillance et analyse continues de la stratégie des concurrents : segmentation, tarification Préparer et lancer les opérations de conquête en phase de durcissement du cycle Définir des objectifs clairs aux opérationnels : croissance versus rentabilité. Veiller à la discipline de souscription Adopter une politique de fidélisation des Clients différenciée selon la phase du cycle. 22 Nous distinguons les actions à mener en début de phase (année N) et celles à mener plutôt en fin de phase (N+1 ou N+2). Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010 Le cycle de l’assurance non vie Page : 74 Marketing Mix Produits / cibles / services « flight to quality » positionnement sur les segments cibles Définir une politique de défense du portefeuille privilégiant les risques de qualité Phase 1 : Phase de pertes Tendance du marché : baisse puis stabilisation des prix, rentabilité médiocre Actions de surveillance et nettoyage portefeuille pour se séparer des affaires déficitaires Proscrire les contrats pluriannuels Chercher à réduire le profil de risque (usage opportuniste de la coassurance et réassurance facultative pour limiter les engagements de la compagnie) Poursuivre le programme « stop résiliation » initié phase 4. Contrôler par audits le bon respect de la discipline de souscription Prix Distribution Définir les « prix plancher » selon la segmentation Clientèle retenue (Affaire nouvelle et portefeuille) Maintien du lien commercial avec le courtage : ne pas « sortir » du marché Négocier contrepartie à la baisse des taux (franchises, suivi plan de prévention) Tester l’élasticité des prix sur les affaires en surveillance (affaires sinistrées) Rester vigilant sur les taux de commissionnement Rester vigilant sur les demandes de modification des termes et conditions des contrats (limites garanties,…). Tracer les écarts et dérogations. Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010 Favoriser la fidélisation des Clients rentables : vente additionnelle de garanties (cross selling). Communication et Qualité Interne Communication des objectifs aux souscripteurs : Retenir plutôt que conquérir : se focaliser sur la rentabilité. Indicateurs de performance : taux de rétention des contrats, S/C Externe Sécuriser en amont avec les apporteurs le renouvellement des comptes importants Communiquer aux réseaux les cibles de souscription et expliquer la nécessité de privilégier la rentabilité des opérations Echange régulier avec les intermédiaires sur les tendances Marché (benchmark concurrence : segmentation, tarif). Insister auprès des Clients sur l’importance de la poursuite des efforts de prévention durant cette phase de « soft market ». Le cycle de l’assurance non vie Page : 75 Marketing Mix Produits / cibles / services En affaires nouvelles, augmenter l’appétit prioritairement sur les secteurs cibles Rechercher et analyser tout nouveau segment /produit pour préparation phase suivante Phase 2 : Phase de redressement Tendance du marché : Augmentation des prix , rentabilité moyenne Défense du portefeuille centrée sur les risques de qualité (durée de la relation , historique de sinistralité) Commencer à durcir les termes et conditions pour les secteurs moins rentables Limiter les contrats pluriannuels Prix Distribution Tester une augmentation des conditions tarifaires selon la segmentation retenue (prioritairement pour les segments traditionnellement moins rentables). Animation ciblée des réseaux de distribution et recherche de distributeurs positionnés sur des contrats groupe de qualité Durcissement des négociations sur les montants de garanties/ franchises Suivi des taux de primes en affaires nouvelles pour analyse tendance du marché Accroître la surface commerciale : rechercher de nouveaux apporteurs entreprise (ouverture de codes courtiers) A partir de N+1 (pour application N+2 et N+3): - initier une campagne de prospection auprès des PME : « Cap –conquête » réseau Agence - Etablir une liste de prospects ciblés (grands Clients) avec les apporteurs partenaires réseau courtage. Communication Interne Communication des objectifs aux souscripteurs : Rentabilité ET objectif de croissance sur les segments cibles Préparer les équipes (commerciaux, souscripteurs) à la prochaines phase de croissance Externe Communication aux réseaux de Distribution de notre politique de souscription Communication des conditions de renouvellement aux réseaux (timing / contenu) selon benchmark concurrence Rédaction argumentaire majoration pour le réseau Agence (« aide à la vente » des revalorisations tarifaires). Echange avec les intermédiaires sur la stratégie des concurrents Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010 Le cycle de l’assurance non vie Page : 76 Marketing Mix Produits / cibles / services S’intéresser à toutes les affaires correctement tarifées et respectant les minima de prévention. Lancer nouveau segment /produit identifié en phase 2 Phase 3 : Phase de bénéfice Tendance du marché : Augmentation puis stabilisation des prix , rentabilité au plus haut Utiliser au max. les capacités de souscription (réduire coassurance et réassurance facultative introduite phase 1) Prix Rechercher à généraliser les augmentations des taux et des primes (différentiation selon la segmentation Clientèle). Profiter du durcissement du marché pour revoir les commissionnements. Continuer l’analyse des termes et conditions pour réduire l’exposition (revenir sur les dérogations accordées aux phases précédentes) Simplifier la politique de souscription Favoriser les contrats pluriannuels avec les clients jugés rentables. Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010 Distribution Communication Amplifier la présence commerciale auprès des apporteurs Interne Raccourcir les délais de réponse aux saisines des apporteurs Communication des objectifs aux souscripteurs : Croissance Intensifier « Cap-conquête » en Agence (concours / challenges commerciaux) Indicateurs de performance : évolution du CA Mener à bien les attaques ciblées sur les comptes importants avec le courtage Recherche systématique des opportunités d’affaires nouvelles en co-assurance (démarche commerciale auprès du courtage) Externe Communication aux Réseaux de Distribution de la volonté de croissance du groupe : « Road Show » , salon,… Communiquer avec les clients finaux importants (importance de la relation long terme) Le cycle de l’assurance non vie Page : 77 Marketing Mix Produits / cibles / services Affaires nouvelles, poursuivre la conquête en recentrant progressivement vers les activités cibles Phase 4 : Phase de concurrence Tendance du marché : Baisse des prix , rentabilité moyenne Poursuivre l’action nouveau segment /produit initié phase 3 Définir une politique de défense selon la segmentation Clientèle Proroger les contrats pluriannuels (« roll-over ») pour les Clients rentables Prix Distribution Définir les nouveaux « prix plancher » selon la segmentation Clientèle retenue pour la défense des affaires en portefeuille Maintenir la présence commerciale auprès des apporteurs Négocier contrepartie à la baisse des taux : augmentation des franchises, contractualisation des plans de prévention) Mettre en place avec les intermédiaires une procédure « stop résiliation » pour accélérer les contre-propositions compagnie Commencer à N+1/N+2 la revue du portefeuille en prévision phase suivante (audits de risques, analyse des écarts,…) Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010 Finaliser les actions de conquête menées durant les phases précédentes N+1 : Définition avec les apporteurs d’une stratégie proactive de sécurisation des affaires importantes. Fidélisation des clients : identifier avec les apporteur les opportunités type « Up-grading » Communication interne Communication des objectifs aux souscripteurs : Croissance dans la rentabilité Externe Echange régulier avec les intermédiaires pour analyse de l’importance de la tendance baissière du Marché Communiquer sur les cibles de souscription Le cycle de l’assurance non vie Page: 78 5 CONCLUSION Comment obtenir un succès durable dans l’assurance et la réassurance des grands risques ? En gérant les cycles de façon active ! L’activité d’assurance est par sa nature même sujette à des fluctuations cycliques, fluctuations particulièrement marquées dans le domaine des grands risques où assurance et réassurance sont intimement liées. Les cycles de l’assurance sont, comme ceux de l’économie en général, imprécis : on leur reproche d’ailleurs souvent de servir davantage à expliquer le passé qu'à prédire l'avenir. A défaut d'obtenir des résultats fins, précis et détaillés, leur analyse permet toutefois de dégager des tendances, des grandes options intéressantes et exploitables pouvant servir d’aide à la décision. La gestion des cycles et la stratégie que nous proposons de mettre en place s’inspire ainsi du parti pris par Jean Noël Kapferer qui stipule : « il vaut mieux une imperfection opérationnelle qu'une perfection qui ne l'est pas ». Cette démarche nécessite une planification rigoureuse, une observation permanente des marchés d’assurance et elle sous-entend la définition d’une stratégie et des objectifs clairs pour conjuguer croissance et rentabilité. Elle nécessite également des outils et systèmes internes performants afin que le secteur assurantiel soit en mesure de mieux réduire les décalages entre anticipation et réalisation et ainsi de gérer beaucoup plus efficacement le cycle. Cela n’est pas réalisable sans discipline et la profitabilité des risques souscrits constituent un des principaux impératifs de la démarche. Plutôt que d’accepter le cycle de l'assurance comme une fatalité susceptible d’avoir un impact incontrôlable sur leurs affaires, les assureurs et réassureurs peuvent se doter d’une capacité à veiller sur les futurs possibles, à recueillir et interpréter des indices préfigurant des changements de tendance, à définir des scénarios d'évolution, scénarios de continuité ou de rupture, à analyser l'interaction entre différents facteurs qui influeront sur leur stratégie. Voici quelques conseils pour « Vivre avec » le cycle. C'est à chacun de les étudier, de les expérimenter et de retenir ce qui peut l'aider à surmonter ses difficultés en les adaptant à son propre marché. Le cycle de l’assurance non vie Page: 79 ANNEXES 1 LEXIQUE 2 BIBLIOGRAPHIE 3 EVOLUTION DU MARCHE DES RISQUES INDUSTRIELS Le cycle de l’assurance non vie Page: 80 LEXIQUE ACCIDENT MAJEUR Article 2 de l'arrêté du 10 mai 2000) un événement tel qu’une émission, un incendie ou une explosion d’importance majeure résultant de développements incontrôlés survenus au cours de l’exploitation, entraînant pour la santé humaine ou pour l’environnement, à l’intérieur ou à l’extérieur de l’établissement, un danger grave, immédiat ou différé, et faisant intervenir une ou plusieurs substances ou des préparations dangereuses APÉRITEUR Assureur principal et premier signataire d’une police d’assurance lors d’une co-assurance. C’est la société apéritrice qui définit les clauses et conditions de la police. CAT BOND OU OBLIGATION CATASTROPHE Il s’agit d’une obligation à haut rendement généralement émise par une compagnie d’assurance ou de réassurance. Dans le cas où survient un sinistre prédéfini (tremblement de terre, raz de marée, ouragan, etc.), le détenteur de l’obligation perd tout ou partie du nominal de l’obligation. Ce produit permet aux compagnies d’assurance et surtout de réassurance de faire supporter par des tiers une partie des risques liés à ces événements exceptionnels et donc réduire leurs risques. CAPACITÉ DE SOUSCRIPTION Montant maximal d’assurance ou de réassurance disponible pour couvrir des risques au niveau d’une entreprise ou d’un marché en général. Pour un assureur, la capacité est généralement fonction des capitaux propres, du chiffre d’affaires, et des moyens complémentaires obtenus par la réassurance CAPTIVE Une captive d’assurance directe est une société filiale créée par l’entreprise, qui va jouer le rôle d’un assureur traditionnel, en garantissant les risques uniquement supportés par l’entreprise. Elle perçoit des primes de la holding et verse des indemnités en cas de sinistres, conformément au schéma classique de l’assurance. La captive de réassurance fait intervenir une opération de fronting. Les assurances de l’entreprise sont gérées par une ou plusieurs compagnies d’assurance du marché qui se réassurent auprès de la compagnie captive de réassurance contrôlée par l’entreprise ou le groupe assurés. Le compte captif (rent-a-captive) consiste en la location d’un « compte » auprès d’une compagnie d’assurance possédant une captive subdivisée en compartiments. À l’instar d’un compte bancaire, chaque compartiment représentatif d’un compte captif est indépendant. Le compte loué est affecté à l’entreprise. Les primes versées sont affectées sur ce compte et les indemnités de sinistre y sont prélevées. C’est une solution beaucoup plus accessible, l’entreprise assurée n’ayant pas la charge de mettre en place une structure spécifique et en supporter la gestion. Les captives mutuelles sont des sociétés captives détenues par plusieurs entreprises (ou groupes), n’ayant pas de lien entre elles mais présentant des caractéristiques communes : même secteur d’activité, mêmes types de risques. La captive mutuelle crée une compensation financière primaire entre ses membres qui leur sera profitable dans la mesure où les cotisations recueillies permettront de faire face aux sinistres et ou la sinistralité globale reste inférieure à la moyenne CYCLE DE SOUSCRIPTION Schéma selon lequel les primes d’assurance et de réassurance de Dommages et de Responsabilité, les bénéfices et la disponibilité de couverture augmentent et diminuent au cours du temps. RATIO COMBINE Le ratio combiné est la somme du ratio de sinistralité et du ratio de chargement. C'est donc le rapport entre le total des charges (prestations, dotations aux provisions, frais généraux et commissions, et autres charges techniques) et le total des primes encaissées. Le ratio combiné peut être calculé avant ou après réassurance (brut ou net de réassurance) RATIO SINISTRES À PRIMES (S/P) Sommes des sinistres payés, des variations de provisions pour sinistres à payer et des frais de gestion des sinistres rapportée aux primes acquises. Le cycle de l’assurance non vie Page: 81 PROVISION POUR EGALISATION Provision pour égalisation constituée pour faire face aux évolutions de la sinistralité. Elle sert pour les risques de nature catastrophique ou pour les contrats décès de groupe. PROVISION POUR SINISTRES À PAYER Provisions pour sinistres survenus mais non encore réglés. Elles font l’objet d’estimations par les cédantes qui les communiquent au réassureur. RÉASSURANCE Opération par laquelle un assureur s’assure lui-même auprès d’un tiers (le réassureur) pour une partie ou la totalité des risques qu’il a garantis, moyennant le paiement d’une prime SINISTRE MAXIMUM POSSIBLE (SMP) Estimation maximale des pertes, en prenant en compte les cédantes et les limites des contrats, causées par une catastrophe unique affectant une vaste zone géographique contiguë, comme un ouragan ou un tremblement de terre d’une telle magnitude que l’on s’attend à ce qu’il ne survienne qu’une fois au cours d’une période donnée, soit tous les 50, 100 ou 200 ans. . Le cycle de l’assurance non vie Page: 82 BIBLIOGRAPHIE [1] [2] [3] [4] [5] [6] [7] [8] [9] [10] [ 11] [ 12] [ 13] [14 ] [15 ] [16 ] [17 ] [18 ] GOLLIER « Dictionnaire de l’économie de l’assurance » Revue Risque N°17 DOHERTY Neil A. et H.B. KANG, 1988, "Interest Rates and Insurance Price Cycles", Journal of Banking and Finance, Vol. 12, pp. 199-215. CUMMINS J. 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Capacity Constraints in Property-Casualty Insurance Markets, Rand Journal of Economics 25 (1): 110-127 SWISS RE «Les marchés des capitaux, source d'innovation pour le secteur de l'assurance », Sigma no 3-2001 BELLOT «Qu’est ce que la sinistralité de mauvaise conjoncture», Risques, Mars 2009 SWISS RE « l’assurance non vie dans le monde à l’heure d’une pénurie de capacité» Etude Sigma n°4/2002 HARRINGTON Scott E., 2000, "Les cycles de l'assurance vont-il disparaître ?", Risques, n°41, Mars, pp.63-66. SWISS RE « measuring underwriting profitability of the non-life insurance industry» Etude Sigma n°3/2006 FLORIN Pierre, 2000, "Y aura t’il des cycles au XXIème sièce ?", Risques, n°41, Mars BADOC Michel, « L’essentiel du marketing bancaire et de l’assurance »", Revue Banque Edition HARRINGTON Scott E. et Patricia M. DANZON, 1994, "Price Cutting in Property-Liability Insurance", Journal of Business, Vol. 67, pp. 511-538. [19 ] LLOYD’S 1997, " Annual underwriter survey “ February 2007 . 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Le cycle de l’assurance non vie Page: 83 ANNEXE 3 : Evolution du marché des risques industriels (Source FFSA) - Ratio combiné - Ratio sinistres à primes - Evolution du taux moyen (Primes acquises / capitaux assurés) - Evolution du taux de prime pure (Indemnités / Capitaux assurés) Le cycle de l’assurance non vie Page: 84 Ratio Combiné 160% 154% 140% 132% 123% 120% 101% 100% 96% 91% 95% 80% 77% 80% 71% 60% 54% 40% 1994 140% 1996 1998 2000 2002 2004 2006 Ratio Sinistres / Primes 120% 100% 80% 60% 40% 20% 0% 1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000 2005 2010 Le cycle de l’assurance non vie Page: 85 14.0% Evolution du Taux moyen (en %) 12.0% 10.0% 8.0% 6.0% 4.0% 2.0% 0.0% 1991 -2.0% 1993 1995 1997 1999 2001 2003 2005 2007 -4.0% -6.0% -8.0% TPP (en °/°°) Evolution du taux de prime pure 1.4 1.2 1.0 0.8 0.6 0.4 0.2 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 Le cycle de l’assurance non vie Page: 86 Année Faits marquants Evol. Cac 40 Evolution cotisation marché RI 1998 1999 2000 - Tempête Lothar et Martin Commentaires Après avoir enregistré un recul sans précédent de 6 % de ses encaissements en 1997, le marché de l'assurance incendie des risques d'entreprises voit de nouveau ses primes diminuer de 4 % en 1998. Le recul des cotisations provient uniquement de la baisse des tarifs appliqués par le marché ; la pression tarifaire s'est même accentuée puisque le taux moyen global (toutes garanties confondues) est en recul de 4,6 % en 1998 après avoir diminué de 3,5 % en 1997. Le montant des primes s'établit à un niveau inférieur à celui de 1994. Malgré cette forte baisse des tarifs, le recul des primes a été moins marqué qu'en 1997 du fait d'un environnement économique mieux orienté (l'investissement a progressé de 6 % en 1998 alors qu'il stagnait en 1997). + 37,31 % - 4.0% + 51,12 % -5.0% La diminution des cotisations d’assurance des risques incendie d’entreprises initiée en 1997 se poursuit en 1999 à un rythme soutenu (- 5 %). Cette nouvelle baisse des primes ramène le montant des encaissements pour 1999 au niveau de 1993. Le recul des cotisations traduit une concurrence toujours aussi virulente sur les tarifs appliqués. En effet, cette baisse se poursuit alors même que le contexte économique a été très favorable en 1999 (comme l’investissement qui a progressé de 7 %). - 0,54 % 4.0% Après trois années consécutives de forte baisse des encaissements, la branche incendie des risques d’entreprises renoue avec la croissance en 2000 avec des cotisations en hausse de 3 % par rapport à 1999. Cette augmentation de prime a été favorisée par un contexte économique porteur (l’investissement a progressé de 6.2 %) et une progression plus marquée de l’indice RI. Le coût considérable des tempêtes de décembre 1999 auquel s’ajoute le renchérissement du prix de la réassurance, ont contribué à stopper la spirale déflationniste ; les tarifs appliqués par le marché ayant été globalement stables en 2000 Le cycle de l’assurance non vie Page: 87 Année Faits marquants 2001 - Attentats WTC et explosion AZF Evol. Cac 40 Evolution cotisation marché RI - 21,97 % 8.5% - Faillite Independant Commentaires Après trois années successives de baisse marquée des encaissements du marché de l'assurance incendie des grands risques d'entreprises, la croissance des cotisations déjà amorcée en 2000 s’accélère en 2001 (+ 8,9%). Une autre évolution marquante de l’exercice 2001 est constituée par l’augmentation du taux moyen global dont le niveau avait reculé de près de 15 % entre 1997 et 1999. Le coût considérable des tempêtes de décembre 1999, auquel s'ajoute le renchérissement du coût de la réassurance, ont contribué à stopper la spirale déflationniste. L'évolution est contrastée suivant les sociétés : alors qu’en 2000 les plus fortes croissances avaient été observées sur les compagnies de taille moyenne, en 2001 la croissance des cotisations augmente avec la taille de la société. Pour les plus importantes l’évolution des cotisations* est en moyenne supérieure à 10%. *Source : enquête de conjoncture, cotisations dommages aux biens des professionnels hors ACPS Cette augmentation des primes intervient dans un contexte économique moins favorable qu’en 2000. En effet, la progression de l'investissement s'est ralentie (3,3% en 2001 contre 7,1 % en volume en 2000) tandis que les défaillances d'entreprises ont continué de reculer mais à un rythme moins soutenu (-1.4% en 2001 contre -10% en 2000). 2002 - Mise en place du Gareat - Royal & Sun Alliance se retire du marché - 33,75 % 25.0% En 2002, la branche d’incendie des risques industriels enregistre une forte progression de ses cotisations qui s’établit à 25 % soit près de trois fois celle enregistrée sur l’exercice précédent. Cette augmentation intervient dans un contexte économique moins favorable qu’en 2001 : l’investissement a reculé de près de 3 % en 2002 (en volume) et les défaillances d’entreprises sont reparties à la hausse après plusieurs années de recul. Quant à la progression de l’indice RI, elle a été deux fois moins élevée sur 2002 qu’en 2001. De fait la forte croissance des primes enregistrée en 2002 résulte pour l’essentiel de l’évolution du taux moyen, les sociétés ayant dû augmenter leur tarif pour faire face à la hausse du coût de la réassurance. Le dispositif GAREAT, mis en place à la suite des événements du 11/09/01 pour garantir le risque attentat, a encaissé en 2002 près de 200M€ de cotisations principalement issues des grands risques industriels. Hors GAREAT), la croissance des cotisations se serait établie autour de 10 % en 2002 soit un niveau comparable à ce lui de 2001 (+ 8.5 %). Le cycle de l’assurance non vie Page: 88 Année Faits marquants 2003 - Fac au hausse tarifaire, les industriels étudient la mise sur pied de leur propre mutuelle 2004 Evol. Cac 40 Evolution cotisation marché RI + 16,12 % 12.0% + 7,40 % 3.0% La progression des cotisations ralentit en 2004, essentiellement du fait de l’assurance des risques industriels dont le taux de croissance diminue de + 12% en 2003 à + 3,0 % en 2004. La faible croissance des primes observée en 2004 semble marquer la fin du cycle haussier de la branche. En effet, après trois années consécutives de sinistralité clémente, le retour des pressions tarifaires observées sur ce marché entraîne une contraction du chiffre d’affaires pour 2005 Commentaires Bien qu'en retrait par rapport à l'exercice précédent, la croissance des cotisations de la branche d'assurance des risques industriels reste très soutenue en 2003 puisqu'elle se situe entre 15 et 20%. Par ailleurs, cette augmentation intervient dans un contexte économique défavorable avec un investissement en recul de près de 2 % en 2003 (en volume) et des défaillances d'entreprises qui progressent de plus de 10%. La progression de l'indice RI a été légèrement plus soutenue en 2003 qu'en 2002. De fait, la forte croissance des primes enregistrée en 2003 résulte pour l'essentiel de l'évolution du taux moyen, les sociétés ayant dû augmenter leurs tarifs pour faire face à la hausse du coût de la réassurance et au financement du GAREAT 2005 - 29/08 Katrina & Co (catastrophe la plus coûteuse de l’histoire) + 23,40 % -4.0% Après avoir fortement ralentie sur l’exercice précédent, la croissance des cotisations de la branche d'assurance des risques d’entreprises redevient négative en 2005 pour s’établir à - 4 %. Ce recul des cotisations s’observe alors même que la progression de l'indice RI a été nettement plus soutenue en 2005 qu'en 2004, du fait de l’augmentation du prix des matières premières. Il résulte de la vive concurrence que l’on constate à nouveau sur ce marché, après plusieurs années de sinistralité clémente 2006 - Sinistralité clémente - Royal & Sun Alliance, de retour sur le marché + 17,53 % -3.0% Après un premier recul des cotisations durant l’exercice précédent, 2006 se traduit pour la branche d'assurance des risques d’entreprises par une nouvelle baisse de -3% alors que l'indice RI progresse de 3,4% sur l’année. La spirale baissière se poursuit tant la course aux parts de marché est vive. Le cycle de l’assurance non vie Page: 89 Année Faits marquants 2007 - La crise des subprimes éclate - Sinistralité exceptionnellement basse 2008 - La conjoncture économique se détériore - La sinistralité repart à la hausse - Difficulté d’AIG - Fortis se lance en France dans l'assurance des risques industriels Evol. Cac 40 Evolution cotisation marché RI + 1,32 % -1.0% La diminution des cotisations d’assurance des risques incendie d’entreprises initiée en 2005 se poursuit en 2007 à un rythme soutenu (- 1 % alors que l’indice RI progresse de 5,8 % ). Cette nouvelle baisse des primes ramène le montant des encaissements pour 2007 au niveau de 1999. Le recul des cotisations traduit une concurrence toujours aussi virulente sur les tarifs appliqués. 0.0% Le chiffre d’affaires de la branche d'assurance des risques d’entreprises est stable en 2008 après trois années consécutives de recul. Cette stagnation des cotisations s’observe alors même que l'indice RI progresse de 3,6 %. Elle résulte de la concurrence que l’on constate sur ce marché après plusieurs années de sinistralité clémente - 42,68 % Commentaires Thèse professionnelle soutenue en mars 2010 MBA Manager d’entreprise d’assurance pour l’obtention du Sous la direction de : Alain DEBEAUMARCHÉ Président du Jury : François EWALD Une école est un lieu de production et de diffusion de connaissances. L’Ecole nationale d’assurances s’organise pour répondre le mieux possible à cette mission en direction de ses élèves d’abord, mais aussi de la profession de l’assurance et de ses partenaires : • les « séminaires innovation » animés par les auditeurs du Centre des Hautes Etudes d’Assurance (CHEA), permettent aux professionnels de suivre les grandes innovations en assurance telles qu’on peut les observer à l’étranger ; • les « dialogues de l’Enass » éclairent l’actualité par le débat avec une personnalité remarquable ; • « les travaux de l’Enass », que nous lançons aujourd’hui, sont destinés à faire bénéficier la profession des travaux menés au sein de l’Enass par ses professeurs et ses élèves, à tous les niveaux, dans la mesure où les jurys qui les ont évalués ont noté leur qualité et leur originalité. Ces travaux vous seront adressés par Internet, certains d’entre eux pouvant faire l’objet d’un tirage sur papier ou même, être édités. Nous souhaitons que toutes ces initiatives vous soient profitables. François Ewald Directeur de l’Ecole nationale d’assurances