Gestion du cycle en assurance non vie

publicité
l’Enass
Ecole nationale d’assurances
Le cycle de l’assurance non vie,
une opportunité stratégique
L’exemple du marché des risques d’entreprises
Christophe GIMOND
Le cycle de l’assurance non-vie
Page: 1
SOMMAIRE
RESUME………………………………………………………………………………………….…….. 2
1
INTRODUCTION ..................................................................................................................... 3
2
COMPRENDRE LE CYCLE ASSURANTIEL............................................................................ 5
2.1 Eléments de comptabilité de l’assurance non vie......................................................................6
2.2 L’analyse des cycles de souscription....................................................................................... 10
2.3 Influence de l’environnement économique et financier ........................................................... 15
2.4 Approche théorique du cycle .................................................................................................... 19
2.5 Synthèse .................................................................................................................................... 24
3
LES CYCLES DES MARCHES A CAPACITE ........................................................................ 25
3.1 Introduction ............................................................................................................................... 25
3.2 Solutions de transfert de risques.............................................................................................. 29
3.3 Les catastrophes naturelles et technologiques ....................................................................... 37
3.4 Application au Marché des risques d’entreprise...................................................................... 43
3.5 Synthèse .................................................................................................................................... 54
4
LA GESTION DU CYCLE ....................................................................................................... 56
4.1 L’intérêt d’une gestion active du cycle ..................................................................................... 56
4.2 Planification et suivi du cycle .................................................................................................. 58
4.3 Stratégies et tactiques............................................................................................................... 65
5
CONCLUSION ........................................................................................................................ 78
ANNEXES…………………………………………………………………………………………….. 78
Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010
Le cycle de l’assurance non-vie
Page: 2
Le cycle de l’assurance non-vie*
Une opportunité stratégique
Résumé
L’activité d’assurance non vie est par sa nature même sujette à des fluctuations qui affectent les prix, les
conditions, mais aussi, avec un décalage dans le temps, la rentabilité des affaires souscrites. Ce document
propose une analyse de la présence et des déterminants des cycles de souscription de l’assurance non vie
en France pour l’industrie dans son ensemble et pour les marchés dits à capacité en particulier. Nous observons dans un premier temps le phénomène sur différents marchés puis analysons la littérature existante
pour essayer de comprendre et de modéliser ces fluctuations cycliques.
Notre analyse nous conduit à détailler les spécificités des marchés dits à capacité et à montrer en particulier
leurs grandes sensibilités aux cycles. Nous analysons en détail les paramètres sous-jacents du cycle pour
ces marchés afin d’en comprendre la dynamique et l’évolution. Nous mettons ainsi en évidence l’importance
des fluctuations des capacités financières, le rôle de la réassurance et l’impact des chocs aléatoires liés à
l’environnement économique et financier ainsi qu’à la survenance de sinistres catastrophiques sur l’évolution
des prix de l’assurance et de la réassurance sur ces marchés.
Nous confortons ensuite les hypothèses et les théories avancées en les confrontant à la réalité observée à
travers le retour d’expérience et l’illustration du cycle de souscription dans le domaine des risques industriels
sur la dernière décennie.
A partir du modèle cyclique établi, nous proposons une réflexion stratégique pour montrer comment il est
possible d’influencer les résultats par une gestion active du cycle. Nous mettons tout d’abord en évidence
l’importance capitale de la phase de suivi du cycle et proposons des pistes de réflexion pour permettre de se
positionner à tout moment et de façon fiable sur la « sinusoïde ».
Nous analysons ensuite les répercussions financières de plusieurs approches commerciales face à un environnement cyclique et cherchons les options stratégiques et les choix tactiques les plus prometteurs. Nous
montrons comment un acteur global et diversifié peut tirer avantage de la désynchronisation des cycles sur
un ensemble de segments d’affaires puis nous envisageons la manière dont un assureur peut adapter sa
politique commerciale en fonction de la phase du cycle dans laquelle il se trouve. Nous empruntons les concepts et méthodes de la démarche marketing et illustrons notre approche de nouveau sur le segment des
risques d’entreprises. Nous identifions ainsi, pour chaque phase du cycle, les solutions spécifiques adaptées
qu’un assureur peut mettre en œuvre pour être en mesure de créer durablement de la valeur indépendamment du cycle sur ce segment d’affaires.
Plutôt que d’accepter le cycle de l'assurance comme une fatalité, nous démontrons que les assureurs et les
réassureurs ont à leur disposition les moyens et les outils de mettre en place une véritable gestion active du
cycle.
*
Je tiens à remercier Alain Debeaumarché (Allianz France) pour son soutien permanent durant toute la rédaction de ce document. Mes remerciements s’adressent également à M. Fierens (Scor) pour ses précieux
conseils et éclairages sur la problématique du cycle sur le marché de la réassurance.
Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010
Le cycle de l’assurance non-vie
Page: 3
1
INTRODUCTION
« Ne pas prévoir, c’est déjà gémir »
Léonard de Vinci
« Le cycle est la maladie congénitale de l'assurance » ont coutume de dire les économistes. Si les
symptômes sont bien connus et parfois mal ressentis par les clients qui ne manquent pas de fustiger (surtout
en période de hausse) le « Yo-Yo » tarifaire des assureurs, les causes de cette maladie complexe sont
souvent moins bien établies. Quant au traitement, il ne semble pas avoir fait l’objet de recherches
approfondies : le cycle est souvent perçu comme une fatalité et les assureurs semblent accoutumés à
considérer leur marché comme étant soumis à une certaine volatilité, tant pour le volume de souscription
que pour la rentabilité des opérations. C’est en quelque sorte un mal avec lequel l’assureur doit apprendre à
vivre…
Le thème de la gestion du cycle de l'assurance est intéressant pour plusieurs raisons :
L’intérêt est en premier lieu d’ordre intellectuel : l’analyse des cycles permet une meilleure connaissance de
l’assurance et une compréhension accrue des évolutions passées et actuelles et elle permet, ainsi, de mieux
anticiper ce que seront demain les évolutions des marchés.
C’est ensuite un thème qui revêt un caractère opérationnel et stratégique essentiel pour les assureurs et
réassureurs qui cherchent à créer durablement de la valeur avec les risques, à chaque phase du cycle. Le
démarrage d’une nouvelle activité de souscription, le lancement d’un produit nouveau voire la fixation de
conditions tarifaires doivent être réalisés en phase avec le cycle sous peine de conduire à de sérieux désagréments. Ainsi, procéder à une augmentation de tarifs en avance de phase par rapport au marché peut
conduire à une érosion du portefeuille mais aussi à un risque accru d'antisélection, de même une forte expansion en bas de cycle peut se révéler à terme coûteuse en terme de « ratio combiné ».
Cet aspect stratégique a été clairement identifié par les Souscripteurs du Lloyd's qui dans leur étude annuelle (Annual Underwriter Survey – February 2007 ) classaient, pour la troisième année consécutive, la
gestion du cycle de l'assurance comme « le défi le plus important pour l'industrie mondiale de l’assurance ».
Enfin, la gestion du cycle est un thème actuel : 2010 pourrait être, après plusieurs années consécutives de
baisse des taux qui ont mis sous tension les résultats techniques des assureurs, l’année du retournement de
tendance et le démarrage d’une nouvelle phase de « hard market ».
Le présent mémoire s’intéresse exclusivement à l’assurance non vie et se focalise principalement sur
l’analyse dans le domaine des grands risques (assurance et réassurance des risques d’entreprise en particulier) pour lesquels l’amplitude du phénomène cyclique est plus marquée que pour les marchés de masse.
Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010
Le cycle de l’assurance non-vie
Page: 4
Le document se compose de trois parties. Dans un premier temps, nous nous consacrerons à l’observation
du phénomène cyclique sur différents marchés d’assurance et à une réflexion théorique sur ses origines.
Cette première partie nous permettra de comprendre pourquoi les activités d’assurance et de réassurance
sont par nature sujettes à des fluctuations et de proposer une première modélisation du phénomène.
La seconde partie a pour objectif d’affiner le cadre théorique pour les marchés spécifiques des grands
risques. Nous aborderons le thème central des fluctuations des capacités financières, l’importance du rôle
de la réassurance et l’impact des sinistres catastrophiques sur l’évolution des prix de l’assurance sur ces
marchés.
Au final, nous conforterons les théories et les principes édictés en les confrontant à la réalité observée à
travers le retour d’expérience et l’illustration du cycle de souscription dans le domaine des risques industriels.
Après analyse de la démarche diagnostique, le dernier chapitre proposera une réflexion stratégique pour
permettre la mise en œuvre d’une gestion active du cycle. Nous analyserons les répercussions financières
de plusieurs approches commerciales face à un environnement cyclique et chercherons les options stratégiques et les choix tactiques les plus prometteurs pour, au final, permettre à un assureur de « vivre avec » le
cycle et de surmonter ses difficultés à moyen et long termes.
Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010
Le cycle de l’assurance non-vie
Page: 5
2
COMPRENDRE LE CYCLE ASSURANTIEL
Nous avons trois moyens principaux : l’observation de la nature, la réflexion et l’expérience. L’observation receuille les faits ; la réflexion, les
combine, l’expérience vérifie les résultats de la combinaison.
Denis Diderot
Les cycles en assurance sont définis par Gollier dans le Dictionnaire de l’Economie de l’assurance [1]
comme des « fluctuations des primes et des profits dans le temps ». Comme pour d’autres marchés (matières premières, semi-conducteurs,...) la cyclicité des marchés non-vie est un aspect inhérent à l’activité
d’assurance et correspond à une tendance générale observable à l'échelle d'un marché ou d’un segment
d’affaire donné.
Il convient de faire la distinction entre les évolutions conjoncturelles et celles de plus longue durée qui sont
liées à la demande d'assurance et à la transformation des besoins (le développement de l'assurance automobile a par exemple connu un important développement parallèlement à celui du parc automobile pour
ensuite arriver à maturité et connaître un ralentissement à partir du milieu des années 1980).
Nous nous intéressons dans ce chapitre aux fluctuations de courte période. Ces évolutions conjoncturelles
sont conditionnées par la variation de la sinistralité, le prix de l'assurance et les conditions tarifaires, celles-ci
sont accentuées par l'intensité de la concurrence sur le marché.
Après un rappel concernant la rentabilité des opérations en assurance non-vie, nous procéderons à
l’observation du phénomène cyclique sur différents marchés et analyserons les résultats de plusieurs analyses empiriques sur ce thème. Cette section nous permettra également de discuter de l’ ’impact de
l’environnement économique et financier sur le marché et au final, de proposer plusieurs hypothèses pour
expliquer la raison de l’existence de cycles sur les marchés de l’assurance et de la réassurance.
L’analyse portera sur les données du marché français (source FFSA) et intégrera également des informations relatives au marché US.
Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010
Le cycle de l’assurance non-vie
Page: 6
2.1
Eléments de comptabilité de l’assurance non vie
L’activité d’assurance est caractérisée par l’inversion du cycle de production : les compagnies d’assurance
perçoivent des primes, c'est-à-dire la rémunération du service d’assurance rendu, avant qu’elles ne paient
des prestations en cas de sinistre. Le prix de vente (la cotisation) est ainsi encaissé immédiatement, alors
que la prestation (le règlement de l'indemnité), intervient ultérieurement.
Ce fonctionnement se traduit par la constitution de provisions techniques qui représentent des volumes conséquents (équivalent d’une année de primes pour des risques simples en dommages pouvant aller jusqu’à
dix ans en construction). Ces provisions sont placées pour bénéficier des revenus de ces placements.
La composition du résultat est donc double et la rentabilité globale des opérations d'assurance est fonction
des activités d'assurances pures (techniques) et de l'activité financière. Nous rappelons ci-après sommairement les bases de la comptabilité de l’assurance non vie afin d’introduire les différents concepts et ratios qui
seront utilisés par la suite dans le document.
2.1.1
Bilan synthétique (assurance non-vie)
Bilan synthétique d’une société d’assurance non-vie
Actifs
Actifs incorporels
Placements
- immobilier
- obligations
- actions
PT à charge réassureurs
Autres créances
Passifs
Fonds propres
- capital social
- réserves
Provisions techniques
- PSAP
- Autres provisions techniques
Autres dettes
L’actif d’un assureur est constitué à partir des primes payées par les assurés et est en grande partie formé
des actifs (obligations, actions, immobilier) représentant les provisions techniques nécessaires à l’assureur
pour s’acquitter de ses engagements.
Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010
Le cycle de l’assurance non-vie
Page: 7
La répartition des encours de placement entre les différents instruments a évolué au cours de la dernière
décennie. Le tableaux à suivre illustre cette évolution entre 1990 et 2005 (Source FFSA / Cahiers statistiques)
Répartition des encours de sociétés d'assurance
(en valeur bilan)
70%
1990
60%
2000
50%
2005
40%
30%
20%
10%
0%
Obligations
Actions
Immobilier
Prêts, dépôts,TCN
Divers
Les placements obligataires sont très majoritairement représentés (66 % en 2005 avec 68 % en Vie et 56 %
en dommages). La part de l’immobilier est en constante diminution (18% de l’encours des placements en
1984 ,12 % en 1990 et 3.5% en 2005).
Les actifs incorporels et les créances sur réassureur complètent cette partie gauche du bilan.
Au passif du bilan figurent les fonds propres qui servent à financer les investissements, la croissance de
l’entreprise et à garantir les créanciers et les assurés. Les fonds propres doivent donc être en adéquation
avec les besoins de l’activité, les investissements prévus et constituent un « matelas de sécurité » pour faire
face, le cas échéant, aux aléas de l’exploitation.
Au passif, se trouvent également les provisions techniques pour le règlement des engagements des compagnies vis-à-vis des assurés. En non-vie, la principale provision est la provision pour sinistres à payer (PSAP).
Cette provision correspond à une évaluation du montant qui sera versé postérieurement à la clôture de
l'exercice au titre d’événements qui se sont réalisés antérieurement à la clôture de l'exercice. Il existe
d’autres provisions destinées à se prémunir contre certains risques spécifiques (Ex. provisions relatives aux
actifs financiers lorsque la valeur de marché des placements est inférieure à leur valeur d’achat, provision
pour égalisation afin de lisser dans le temps les résultats provenant des bonnes et des mauvaises années
en termes de sinistralité).
Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010
Le cycle de l’assurance non-vie
Page: 8
2.1.2
Compte de résultat synthétique (assurance non-vie)
Le Compte de résultat d’une société d’assurance non vie peut se décomposer synthétiquement comme suit :
Compte de résultats synthétique d’une société d’assurance non-vie
Compte technique
Compte non-technique
+ Primes
- Prestations
- Variations de provisions
- Frais
+ Solde financier
+ Solde de réassurance
= Résultat technique
+ Produits financiers sur fonds propres
- Impôt sur les sociétés
+ Eléments exceptionnels
= Résultat
En assurances de dommages, le résultat est donc soumis à des variations, car il provient des primes et des
produits financiers, déduction faite du coût des sinistres et des frais d'exploitation (frais de gestion, frais
d’acquisition). On peut dès à présent noter que toutes ces composantes peuvent subir des fluctuations, en
particulier :

concernant les primes, les variations de prix obéissent au cycle classique de l'offre et de la demande
et sont influencées par la concurrence

Les résultats financiers dépendent de l'évolution des taux d'intérêt et des marchés (pour le produit
des placements) et de l'évolution de l'inflation (pour le paiement des indemnités).

La sinistralité peut présenter une volatilité importante d’une année sur l’autre et semble également
sensible à la conjoncture économique (on observe empiriquement une augmentation de la fréquence des sinistres lorsque la conjoncture se dégrade).
Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010
Le cycle de l’assurance non-vie
Page: 9
2.1.3
Les indicateurs clés
Trois types de ratio seront largement utilisés dans la suite du document. Ces ratios visent à mesurer la rentabilité des opérations, la rentabilité financière et la solvabilité d’un assureur.
a) Ratio de rentabilité opérationnelle
Nous retenons les deux ratios les plus communément utilisés en non-vie pour mesurer la rentabilité des
opérations :
 Le ratio S/P dit « ratio sinistres à primes » qui rapporte le total des frais d’indemnités versés sur une période au total des primes acquises au cours de la même période (on le calcul brut ou net de réassurance).
 Le Ratio combiné qui rapporte les sinistres et les charges de l’année aux primes acquises de l’année (Le
ratio combiné est donc la somme du S/P et du taux de chargement). Il doit être inférieur à 100 % pour
que l’assureur présente un résultat positif sur son activité (hors résultat financier).
b) Ratio de rentabilité financière
Le ratio de rentabilité financière ou Return on Equity (« RoE ») est le rapport entre le résultat net après impôts et les fonds propres comptables (hors plus-values latentes et emprunts subordonnés). Ce ratio financier
est un ratio suivi avec attention par les actionnaires qui peuvent ainsi mesurer la rentabilité de leur investissement (le sacro-saint 15% exigé par les investisseurs…).
Le RoE indique la capacité de l’entreprise à rentabiliser les capitaux employés pour ses activités. Le résultat
peut être fortement influencé par des facteurs non directement liés à l’activité (dégagement de plus-value
exceptionnelle,..).
c) Ratio de solvabilité
En vertu de la réglementation, les sociétés doivent disposer en plus de leurs provisions techniques, d'un
montant minimal de fonds propres appelé marge de solvabilité réglementaire, qui est déterminé en fonction
du niveau de leurs engagements. Ces derniers sont évalués à partir des cotisations annuelles (ou des sinistres) en assurances de dommages. Le cadre actuel de solvabilité 1 en place depuis les années 1970,
utilise un modèle à ratio fixe simple et robuste pour calculer les exigences en capital. Les exigences de solvabilité sont déterminées comme un pourcentage fixe de la valeur d’une variable fortement corrélée au degré d’exposition au risque de la compagnie d’assurances. En non-vie : 16% de primes ou 27% des sinistres
(on retient le plus élevé des deux). Suivre cet indicateur permet de veiller à ce que l’assureur soit en mesure
d’honorer les engagement pris à l’égard des assurés ou bénéficiaires du contrat. Ce mode de calcul va disparaître avec la réforme de la marge de solvabilité prévue dans la directive européenne Solvabilité 21.
1
En termes d’exigences quantitatives, Solvabilité 2 fixe deux niveaux de prudence : au niveau du calcul des provisions
techniques (qui doivent contrôler les risques liés à la sinistralité) et au niveau de l’exigence de fonds propres : le « capital
cible » (qui doit contrôler le risque global de la société).
Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010
Le cycle de l’assurance non-vie
Page: 10
2.2
L’analyse des cycles de souscription
2.2.1
Premières observations graphiques
Le cycle de souscription peut être observé et analysé à partir des indicateurs précédemment mentionnés :
rapport sinistres à primes, ratio combiné, rentabilité financière (RoE) voire au travers des primes.
Pour illustrer la fluctuation de ces indicateurs sur une période donnée, nous allons nous intéresser dans un
premier temps à l’observation de la rentabilité opérationnelle et financière sur les marchés d’assurances de
biens et responsabilités (Property & Casualty) américain et français.
25%
1977 :19.0%
20%
1987 :17.3%
2006 :14.0%
1997 :11.6%
10 ans
15%
9 ans
10 ans
10%
5%
0%
1975 : 2.4 %
1984 : 1.8 %
1992 : 4.5 %
2001 : -1.2 %
75
76
77
78
79
80
81
82
83
84
85
86
87
88
89
90
91
92
93
94
95
96
97
98
99
00
01
02
03
04
05
06
07F
08F
-5%
*2007-08 P/C insurer ROEs are I.I.I. estimates.
Source: Insurance Information Institute; ISO, A.M. Best.
Ce premier graphique concernant le marché américain semble établir sur plusieurs décennies la présence
de cycles relativement réguliers (période de 9-10 ans) alternant période de rentabilité élevée où les RoE ont
culminé à 19% (1977), 17.3 % (1987) et 14 % (2006) et des périodes de rentabilité financière médiocre.
Sur une période moins longue (période 1990-2008), le graphique suivant illustre pour le marché français de
l’assurance de biens et de responsabilité le ratio combiné après réassurance des sociétés membres de la
FFSA . Les fluctuations de la rentabilité opérationnelle semblent définir, là aussi, un cycle (quasi sinusoïdal)
avec alternance de phase de hausse et de baisse du ratio combiné sur la période étudiée.
Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010
Le cycle de l’assurance non-vie
Page: 11
L’observation des cycles peut être menée comme précédemment de manière globale à l’échelle d’un marché mais également par segment d’affaire. La cyclicité de plusieurs branches (flotte, entreprises, aviation et
spatial) est illustrée graphiquement ci-après. Là encore, le caractère cyclique apparaît assez bien établi.
D’un point de vue graphique, il semble donc bien que les primes et la profitabilité des opérations
d’assurance connaissent des hauts et des bas relativement réguliers.
Evolution du rapport S/P par exercice de souscription
Flottes automobiles
100%
97%
S/P (en %)
92%
90%
90%
85%
85%
86%
81%
80%
78%
77%
78%
73%
72%
70%
70%
70%
71%
66%
60%
1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008
Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010
Le cycle de l’assurance non-vie
Page: 12
Evolution du taux moyen des affaires risques d'entreprises
(en % )
16.0%
12.0%
8.0%
4.0%
0.0%
1992
1994
1996
1998
2000
2002
2004
2006
2008
-4.0%
-8.0%
Evolution des cotisations de l'assurance aviation et spatiale
2000
100%
1744
Montant (en M€)
1566
Variation (%)
1500
50%
1000
758
704
675
0%
856
844
811
549
579
500
-50%
0
-100%
1999
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010
2007
2008
Le cycle de l’assurance non-vie
Page: 13
2.2.2
L’analyse empirique
L’analyse empirique de la présence de cycles de l’assurance non-vie a fait l’objet d’une large littérature et
semble avoir inspiré nombre de thèses universitaires en particulier aux Etats Unis (où la cyclicité a notamment été avancée comme explication plausible à la défaillance de compagnies d’assurances).
Une analyse des publications dans le domaine montre que le cycle de souscription a ainsi été observé aux
Etats-Unis [2] (Venezian, 1985, Doherty et Kang, 1988, Berger, 1988, Fields et Venezian, 1989), dans plusieurs pays développés [3] (Cummins et Outreville, 1987 ) , dans cinq pays asiatiques – Japon, Malaisie,
Singapour, Corée du sud, Taiwan - [4] (Chen, Wong et Lee, 1999) et également sur le marché sud-africain
(Markham, 2006). Les résultats de ces études basées sur des modélisations économétriques utilisant un
2
modèle autorégressif de second degré semblent valider l'existence de cycle régulier dont la fréquence varie
entre 6 et 9 ans selon le pays et les branches.
Dans son étude sigma n°5/2001 [5], Swiss Re a analysé statistiquement les principaux marchés de
l’assurance non vie (Etats-Unis, Canada, Royaume-Uni, Allemagne, France, Italie, Japon). Cette étude démontre empiriquement le phénomène cyclique sur ces 7 marchés et détermine la durée moyenne de cycles
entre 5.6 et 7.3 ans. Les résultats sont présentés ci-dessous.
Etats-Unis
Canada
Royaume-Uni
Allemagne
Italie
Japon
Variable dépendante
Période
Durée du
cycle
Ratio combiné
Ratio combiné
Ratio combiné
Marge technique
Marge technique
Marge technique
1953-2000
1950-2000
1969-2000
1975-1999
1979-1999
1970-1999
6,2
5,6
6,1
6,6
7,1
6,3
Preuves empiriques attestant de la cyclicité des principaux marchés assurantiels
SwissRe, sigma n°5/2001
Dans le même esprit, des modélisations identiques ont été effectuées pour le marché français de
l’assurance non-vie. Là encore, ces différentes études ont globalement permis de tester et de valider la présence d’un phénomène cyclique de période 6 - 8 ans pour l’assurance de dommages en France.
Le tableau suivant recense ces résultats en précisant la source de l’étude, la période de référence et la durée du cycle observée sur cette période.
2
Un processus autorégressif est un modèle de régression pour séries temporelles dans lequel la série est expliquée
par ses valeurs passées plutôt que par d'autres variables.
Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010
Le cycle de l’assurance non-vie
Page: 14
SuissRe (2001)
Blondeau (2001)
Cummins et Outreville (1987)
Lamm-Tennant et Weiss (1997)
Bruneau et Sghaier
Variable dépendante
Période
Durée du
cycle
Marge technique
Ratio combiné
Ratio S/P
Ratio S/P
Primes émises
1975-1999
1965-1999
1957-1979
1965-1987
1963-2004
7,3
7,85
8,23
6,7
---
Primes émises
1982-2004
7,27
Preuves empiriques attestant de la cyclicité en assurance non-vie en France
Nota :Il convient de souligner que les conditions reflétant la cyclicité ne sont pas systématiquement vérifiées
dans ces analyses. Ainsi, l’étude de Bruneau/Sghaier [6] valide la présence d’un phénomène cyclique pour
la période [1982-2004] mais rejette l’hypothèse sur la période [1963-2004]. Dans la même étude, l’analyse
de deux branches prises individuellement (auto/transport) conduit à conclure au phénomène cyclique uniquement dans la branche automobile.
2.2.3
Corrélation des cycles
Les données relatives aux cycles de souscription semblent indiquer que ces cycles existent sur les
principaux marchés et qu’ils durent en moyenne 6 et 9 ans.
Au niveau macro, les cycles semblent souvent synchronisés, d’un pays à l’autre et d’une branche
d’assurance à une autre. Des comparaisons internationales réalisées semblent ainsi montrer que les cycles
entre les pays européens et les Etats-Unis sont relativement bien corrélés [7] (Outreville, 2003). Ils
s’étendent à la plupart des branches et des pays dans le monde, à cause du comportement des assureurs
qui évitent les branches non rentables et ciblent celles qui n’ont pas été touchées et à cause du coût de la
réassurance imposé par les réassureurs mondiaux. Le cycle mondial du prix de l’assurance a connu son
dernier pic en 2003-2004 et s’oriente à la baisse depuis cette date.
Dans les faits, certaines tendances peuvent n’affecter qu’une seule branche ou qu’une seule zone
géographique. Si les attentats du 11 septembre 2001 ont emporté toute l’industrie de l’assurance au niveau
mondial, les passages de Katrina, Rita et Wilma en 2005 pourtant beaucoup plus onéreux pour l’industrie
n’ont provoqué des tensions sur les prix qu’au niveau régional (augmentation de plus de 50% de State Farm
de ces contrats en Floride) et que sur un nombre limité de branches au niveau mondial (couvertures « cat »
des catastrophes naturelles et branches énergie en particulier). Par contre, cette catastrophe a été quasi
sans effet direct sur les traités incendie du marché français.
Malgré la plus grande intégration du marché mondial, il semble que depuis plusieurs années les fluctuations
des marchés de l’assurance et de la réassurance varient davantage de façon différenciée en fonction des
segments d’affaires et des zones géographiques.
Le cycle du passé apparaît ainsi plus fragmenté et semble composé d’une série de cycles indépendants les
uns des autres susceptibles de se compenser au niveau agrégé.
Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010
Le cycle de l’assurance non-vie
Page: 15
2.3
Influence de l’environnement économique et financier
2.3.1
Influence des marchés financiers
Nous avons montré en nous intéressant au compte de résultat d’une compagnie non vie (§2.1.2) que les
résultats financiers constituaient une des composantes du résultat en assurance dommages (résultat du
placement des provisions et des fonds propres).
L’étude sigma 5/2001 suggère l’existence d’une corrélation négative entre le résultat technique et le résultat
financier (les primes augmentent pour compenser la baisse des résultats financiers). Dans le même esprit,
Blondeau [8] établit empiriquement une relation négative des primes réelles au rendement boursier et leur
augmentation quand les taux d’intérêt diminuent. Le cycle peut ainsi notamment être le résultat de l'interaction entre les activités financières et les activités de souscription. Lorsque les revenus financiers sont croissants, la tendance est à la baisse du niveau des primes et à l'augmentation des fonds propres (surcapacité),
afin d'obtenir des encaissements en augmentation pour acquérir des actifs à espérance de rendement élevé.
La dégradation des résultats qui s'ensuit entraîne un relèvement des tarifs et une baisse de la capacité, ce
qui restaure le rapport sinistres à primes, et ainsi de suite.
Les sociétés dommages plus exposées en actions3 que les sociétés vie sont donc particulièrement sensibles
aux variations des indices boursiers. Un contexte favorable se traduit par des plus-values latentes sur le
portefeuille de placement. A l’inverse, une crise boursière diminue les plus-values latentes sur le portefeuille
ce qui détériore le résultat financier et le ratio de solvabilité. Des dépréciations d’actifs sous forme de provisions peuvent même s’avérer nécessaires et avoir pour conséquence une chute des résultats.
L’étude ci-dessous réalisée par Oddo en 2008 en plein cœur de la crise financière montre les difficultés auxquelles peuvent être exposées des groupes tels AXA ou Allianz en cas de baisse des marchés actions
(marges de solvabilité approchant le « point critique »).
Sensibilité des ratios de solvabilité à la baisse des
marchés actions
Axa
Allianz
Generali
ING
Rating
Ratio du 31/12/07
AA
AA
AA
AA-
159%
154%
164%
164%
Si baisse des marchés de
-30%
137%
130%
151%
132%
-40%
126%
117%
146%
112%
Source : Oddo Securities
3
Le Top 20 de l’Argus 2008 des groupes français en non vie mentionne une part actions de 27.9 % en moyenne, mais
pouvant aller jusqu’à 44.7 % chez certains acteurs.
Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010
Le cycle de l’assurance non-vie
Page: 16
2.3.2
L’environnement économique et social
Le secteur de l’assurance est également très sensible à l’environnement économique et social. Au cycle de
souscription, se superposent les effets du cycle économique.
Evolution du PIB en France
6.0
En valeur
5.0
en volume
4.0
3.0
2.0
1.0
0.0
1989
1991
1993
1995
1997
1999
2001
2003
2005
2007
2009
-1.0
-2.0
Source : Insee
La conjoncture économique peut en effet directement influencer le compte de résultats des assureurs tant
au niveau des primes perçues que de la sinistralité. Deux types d’impact peuvent être recensés :
 Impact sur la matière assurable : la croissance économique assure des gains de pouvoir d’achat
des ménages, une croissance de l’activité des entreprises, source d’investissements et donc
d’accroissement de la matière assurable. A contrario, lorsque l’environnement économique se détériore, les chiffres d’affaires et les profits chutent ce qui entraîne une baisse des assiettes de cotisation.
 Impact sur la charge sinistre : on constate empiriquement une augmentation sensible de la sinistralité lorsque conjoncture est dégradée. Cette augmentation s’observe tant pour les sinistres volontaires (fraude, acte de malveillance,..) que pour ceux d’origine accidentelle.
Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010
Le cycle de l’assurance non-vie
Page: 17
Relation entre le PIB et la sinistralité
Nous illustrons cette relation pour le marché des entreprises.
Lorsque la conjoncture économique se détériore, l’impact sur la santé financière des entreprises est immédiat. On peut suivre cette influence en analysant l’évolution des défaillances d’entreprises au cours du temps
(définie comme les ouvertures de procédures judiciaires). La corrélation avec l’évolution du PIB se lit directement sur le schéma ci-dessous : les pics de défaillance correspondent aux phases de récession (1993 et
4
2009) .
Suivi des défaillances d'entreprises
80 000
30.0%
Nb défaillances (Euler)
25.0%
% Variation (Euler)
70 000
20.0%
15.0%
60 000
10.0%
5.0%
50 000
0.0%
-5.0%
40 000
-10.0%
30 000
-15.0%
1990
1992
1994
1996
1998
2000
2002
2004
2006
2008
Source Euler Hermes SFAC
La répercussion de la crise sur l'emploi se traduit par le recours à des mesures de chômage technique pour
adapter le niveau de production à la demande et parfois à la fermeture ou à la délocalisation de sites industriels. Le climat social s’en trouve dégradé et on observe traditionnellement une augmentation sensible de la
sinistralité tant volontaire qu’accidentelle en ces périodes. Plusieurs explications peuvent être avancées pour
expliquer ce « dérapage » de la fréquence des sinistres.
4
Euler Hermes s'attend ainsi pour 2009 à une progression annuelle de 25 % du nombre de défaillances dans l'Hexagone, qui frôlerait la barre des 73.000, dépassant ainsi le niveau historique de 1993 (plus de 64.800 défaillances).
Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010
Le cycle de l’assurance non-vie
Page: 18
Concernant les sinistres volontaires [12], une conjoncture dégradée peut accentuer la typologie de sinistres
suivants :

Les sinistres du fait de l’assuré lui même : sinistre de réalisation ou fraude à l’assurance qui vise à
toucher une indemnité d’assurance plutôt que de poursuivre une activité peu ou plus rentable.

Les sinistres du fait de tiers liés à l’entreprise (salariés, fournisseurs,..) : dégradation, manifestation
violente (Ex. producteurs dans des filières en difficulté), acte de malveillance suite à annonce de licenciements. 2009 a notamment été marquée par l’apparition de menaces particulièrement violentes
5
de salariés : « du fric ou boum ! » (« Conti », New Fabris ).

Les sinistres du fait de tiers non liés à l’entreprise, conséquence de la dégradation générale du climat social : émeute, mouvement populaire,…
L’augmentation de la sinistralité accidentelle peut s’expliquer par le fait qu’une crise économique contrarie la
démarche de prévention des risques au sein des entreprises. Ceci se traduit notamment par :

La réduction des coûts de maintenance et notamment la réduction des coûts des prestataires externes en charge de ces opérations sur les sites industriels

La réduction des budgets de sécurité (Ex augmentation des vols à la tire dans la distribution 6)

La multiplication des phases d’arrêt et de redémarrage d’installations. Ces phases peu courantes et
transitoires sont toujours des circonstances propices aux accidents (Cf explosion sur la plateforme
pétrochimique de Carling du surchauffeur d’un vapocraqueur le 15 juillet 2009 À Saint-Avold, lors de
la procédure de démarrage de ligne).

La dégradation du climat social dans l’entreprise qui peut augmenter le risque d’erreur humaine et
conduire à des négligences. Sur ce point, les conclusions des analyses effectuées à partir de la
base ARIA (Analyse, Recherche et Information sur les Accidents survenus dans le domaine industriel) du Ministère de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire sont claires : « la problématique du facteur organisationnel et humain est dominante dans
90% des accidents mortels dont les causes sont connues ou suspectées ».
Les premiers résultats de l’année 2009 de la FFSA concernant le marché des entreprises confirment les
développements ci avant avec une sinistralité fortement orientée à la hausse. Selon le Tableau de bord ABR
de février 2010 de la FFSA, 112 sinistres de plus de 2 M€ ont été recensés en 2009 sur le segment des
risques industriels (augmentation de + 20 % par rapport à 2008 et surtout chiffre multiplié par 4 par rapport à
celui de 2007).
Le même constat est fait par la FFSA sur le marché des particuliers où l’analyse des résultats de l’année
2009 montrent (hors sinistralité Klaus) un dérapage des sinistres automobiles (+ 8%) et une flambée des
vols et incendie en MRH (+15%). La FFSA attribue cette inflation notamment à l’augmentation des
cambriolages dits « d’opportunité »…
5
« Tout est fait pour que ça saute. La colère est tellement vive. Déjà, il y a trois semaines, certains ont failli mettre le feu
à l’usine ». Un syndicaliste de l’usine New Fabris (juillet 2009).
6
Selon une étude mondiale du centre de recherche dans la distribution (Center for Retail Research) réalisée pour la
société de sécurité Checkpoint Systems, en 2008 les vols dans les magasins ont augmenté en France et devraient
s’amplifier en 2009. Son Directeur Général explique ce phénomène par la réduction des dépenses de sécurité victimes
de restrictions budgétaires et de la concurrence exacerbée. Les magasins français ont en effet diminué de 11% leur
investissements en équipements de sécurité (caméras de surveillance, puces antivols,…).
Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010
Le cycle de l’assurance non-vie
Page: 19
2.4
Approche théorique du cycle
Le présent chapitre propose de définir un modèle ou un cadre théorique pour la compréhension du phénomène cyclique en assurance non-vie. Ce cadre théorique sera affiné dans les chapitres suivants et confronté
à la réalité observée sur le marché des grands risques (si les conséquences prévues ne sont pas contredites par la réalité observée, alors la théorie et ses principes se trouveront confortés).
2.4.1
Théories avancées
L’explication du phénomène cyclique de l’assurance non-vie a fait l’objet de plusieurs théories, sans qu’il y
ait une explication définitive et unique retenue pour expliquer le phénomène. Il semble même, au contraire,
que la cyclicité observée soit la résultante de plusieurs causes et effets combinés.
Nous retenons les trois hypothèses suivantes pour permettre une bonne compréhension du cycle :

L’excès de concurrence par les prix

l’hypothèse de la capacité contrainte

l’hypothèse des marchés rationnels imparfaitement prévisibles.
2.4.2

Déséquilibre entre offre et demande
Excès de concurrence par les prix.
La concurrence féroce entre assureurs est souvent mise en avant lorsque l’on sonde les opérationnels
(souscripteurs, inspecteurs, courtiers…) sur les raisons de la baisse des tarifs.
Cette approche part de l’idée que l’assurance non-vie est un secteur où dans le court terme les prix sont un
facteur essentiel de concurrence. La pression du marché entraînerait ainsi l’ensemble des assureurs désireux de maintenir ou de conquérir des parts de marché dans une spirale de baisse des tarifs jugée parfois
irrationnelle sur le plan technique.
Certains auteurs estiment que les assureurs, pour éviter de perdre leur part de marché dans cet environnement, ne changeraient leur pratique tarifaire que lorsqu’un risque catastrophique les y contraindrait. Selon
cette approche le cycle résulte d’une alternance de phases de marché fluide et de marché tendu et se modélise en 4 phases (Cf. [9]) :
Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010
Le cycle de l’assurance non-vie
Page: 20
Schématisation du cycle
Phase de
bénéfice
Phase de
concurrence
Phase de
redressement
Objectif cible
Phase de
perte
Phase de
perte
-
une première phase de perte durant laquelle la forte concurrence vient intensifier une pression à la
baisse des prix et conduit à terme à des résultats déficitaires. En raison du caractère aléatoire des résultats lié notamment à la volatilité du nombre et de la charge des sinistres, il faut enregistrer plusieurs années de pertes pour que le marché admette la sous-tarification chronique et encore quelques années
pour qu’il accepte de réagir. Durant cette phase de latence les difficultés d’un acteur (assureur ou réassureur) actif sur le marché favorise la réaction.
-
une phase de redressement : cette phase du marché est généralement violente. L’occurrence de
l’événement déclencheur de la phase précédente permet aux acteurs du marché de prendre des mesures tarifaires ou des conditions de couverture plus favorables.
-
une phase de bénéfice. Les mesures de redressement permettent d’atteindre des niveaux de rentabilité
satisfaisante les années suivantes. Il existe un différé entre la prise de décision des mesures et l’effet sur
les résultats. Les assureurs présentent alors des résultats records.
-
une phase de concurrence. Attirés par l’intérêt retrouvé du secteur, de nouveaux acteurs cherchent à
s’implanter sur le marché. L’entrée se fait au moyen d’une concurrence tarifaire exacerbée. La pression
baissière sur les prix et l’entrée (ou le retour) de nouveaux concurrents effritent le portefeuille des anciens
acteurs qui défendent becs et ongles leurs positions et se lancent à leur tour dans une politique de développement qui accentue encore le niveau concurrentiel du marché.
-
Une nouvelle phase de perte peut alors commencer…
La concurrence entre les acteurs peut de plus être exacerbée lorsque les performances des placements
s’avèrent favorables. On retrouve alors un cas classique de « cash-flow underwriting » (contrats conclu à fins
de trésorerie).
Les résultats extraordinaires des placements durant les années 1990 ont ainsi conduit à l’adoption d’une
politique tarifaire extrêmement agressive au détriment du résultat technique.
Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010
Le cycle de l’assurance non-vie
Page: 21

Hypothèse de la capacité contrainte
L’hypothèse de la capacité contrainte considère que les cycles sont déclenchés par des entraves aux flux de
capitaux créant une alternance de périodes d’excédant de ressources et de périodes de pénurie de capitaux.
Cette hypothèse qui suggère que la dotation en capital dont disposent les assureurs joue un rôle significatif
dans l’explication des cycles de souscription est illustrée par le schéma suivant :
Source : fitchRatings
Dans cette hypothèse le retournement du marché intervient à la suite d’un événement défavorable affectant
le bilan des assureurs du côté des actifs (dépréciation des valeurs de placement en cas d’effondrement des
marchés) et/ou du côté du passif (occurrence d’un sinistre majeur de type ouragan,...). Cet événement à
pour conséquence :
-
Une réduction des ressources financières des assureurs et réassureurs (chute des fonds propres)
-
Face à cette pénurie de capacité, les assureurs et réassureurs devront, pour faire face à leur contrainte
de solvabilité, soit chercher à lever des capitaux sur les marchés, soit réduire le niveau de couverture
qu’ils proposent. Le coût élevé d'acquisition du capital durant cette phase d’incertitude pour les marchés7
les conduit à réduire leur capacité de souscription. On assiste alors et de façon concomitante à une diminution de l’offre (diminution de l’« 'appétit » des assureurs pour le risque) et à une augmentation de la
7
On parle d’ assymétrie d’information après un sinistre majeur, lorsque les investisseurs ne savent pas si les réserves
en capital des assureurs sont suffisantes pour permettre les indemnisations et dans quelles mesures de tes sinistres
sont susceptibles de se reproduire. Le choc accroît l’incertitude des investisseurs à propos de la solvabilité des assureurs et augmente le rendement du capital que le marché exige pour accepter de financer le secteur
Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010
Le cycle de l’assurance non-vie
Page: 22
demande de couverture (en raison d’une plus grande aversion au risque des assurés), ce qui se traduit
par un mouvement de tension sur les prix.
-
L’augmentation du coût de l'offre de couverture et l'incapacité des assureurs à restaurer rapidement leur
niveau de marge de solvabilité enclenchent une phase d’augmentation des tarifs. Ces augmentations
contribuent à améliorer les résultats des assureurs et donc à restaurer leur capital. Cette phase bénéficiaire va également permettre progressivement l’afflux de nouveaux capitaux vers le secteur.
-
Avec l’augmentation des fonds propres du secteur, on assiste à une reconstitution des capacités, le marché va alors progressivement passer d’une phase de pénurie de capacité à une phase d’excès (surcapacité). Le redressement de l’offre va provoquer une stabilité des prix dans un premier temps puis à terme
une diminution des primes….
Cette hypothèse qui relie négativement le résultat de souscription et la capacité disponible est vérifiée empiriquement par A. Gron [10].
Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010
Le cycle de l’assurance non-vie
Page: 23
2.4.3
Hypothèse des marchés rationnels imparfaitement prévisibles
Dans cette dernière hypothèse, on retient le principe que, fondamentalement, le marché est concurrentiel et
que les acteurs prennent des décisions rationnelles. Cependant, le marché est sensible à l’influence
d’évènements externes susceptibles d’engendrer la formation de cycles même si les acteurs agissent
rationnellement. Parmi ces événements plus ou moins exogènes dont l’influence peut être considérable,
citons :

Les modifications réglementaires : réglementation/déréglementation des marchés, nouvelles
obligations d’assurance, erreurs de provisionnement dues à des évolutions juridiques (introduction
de l’ « obligation de sécurité de résultat » de l’employeur en RC,…)

Les caractéristiques des systèmes comptables et des normes prudentielles 8

La volatilité inattendue du nombre et/ou de la charge des sinistres : Ex. accumulation de sinistres en
responsabilité civile

L’occurrence d’événements catastrophiques : catastrophe naturelle,…

Les sinistres de marché impactant la solvabilité ou la rentabilité du secteur : variations inattendues
de taux d’intérêt et de cours des actions.
Selon cette hypothèse, le décalage au niveau des informations (délai entre les événements qui affectent le
marché et l’ajustement des prix) ou la complexité des processus réglementaires pour l’établissement du prix
correct exacerberont les oscillations du marché. Un mouvement cyclique peut ainsi être engendré du fait de
l'impossibilité d'ajuster immédiatement les prix en fonction de l'information disponible et anticipée
La réponse différée aux conditions du marché crée naturellement un cycle, car les tentatives de correction
sont généralement trop franches et excèdent le prix nécessaire à un rééquilibrage du marché. Cette
correction excessive à la hausse est ensuite suivie d’une correction excessive à la baisse, ce qui crée un
cycle – jusqu’au prochain choc important.
Ainsi, compte tenu du fait que les prix reflètent une situation passée, la tarification ne peut répondre
immédiatement à un changement des conditions conjoncturelles. Cette hypothèse a été notamment
développée par Venezian (1985) qui a attribué la présence d'un phénomène cyclique à l’utilisation de
« modèles de tarification trop naïfs » utilisant des processus d'extrapolation de tendances. L'utilisation de
tels modèles entraîne des prévisions à moyen terme biaisées, parce que systématiquement surestimées ou
sous estimées selon les périodes du cycle.
8
Solvabilité II adopté en avril 2009 en vue d’une application fin 2012 pourrait conduire à des besoins de fonds propres
complémentaires et obliger à reconsidérer les modèles économiques de certaines branches (branches à forte volatilité
ou à déroulement long). Solvabilité II pourrait de fait, induire une hausse des tarifs dans les branches concernées.
Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010
Le cycle de l’assurance non-vie
Page: 24
2.5
Synthèse
Les prix, les conditions, mais aussi avec un décalage dans le temps la profitabilité des affaires souscrites
connaissent des hauts et des bas, ce qui apparaît comme une caractéristique essentielle de la branche non
vie. Nous avons observé graphiquement en début de chapitre que l’assurance sur différents marchés pouvait évoluer très schématiquement de manière quasi « sinusoïdale » avec une alternance de phases ascendantes correspondant aux périodes de tension (« hard market ») où les primes augmentent, les résultats
s’améliorent et l’offre d’assurance diminue, et de phases descendantes (« soft market ») correspondant aux
périodes de dépression où les primes baissent, les résultats se détériorent et l’offre croît.
Ces observations graphiques ont été complétées par la synthèse de plusieurs études qui semblent valider
empiriquement l'existence de cycle régulier dont la fréquence varie entre 6 et 9 ans selon le pays et les
branches.
Concernant les raisons avancées pour expliquer le phénomène cyclique, on doit constater la diversité des
chaînes de causalité qui peut justifier les fluctuations de l'activité et de la rentabilité de l'assurance. Les
théories avancées loin de s’exclure mutuellement semblent apparaître complémentaires.
L’assurance est tout d’abord confrontée à un problème spécifique à la branche : par son cycle économique
inversé, l’assurance oblige assureur et réassureurs à fixer leurs prix alors qu’ils ne connaissent pas exactement leurs dépenses futures. Le juste prix comporte donc de nombreuses incertitudes et les conséquences
de tarifications insuffisantes n’apparaissent que très longtemps après. La concurrence entre les assureurs
(et leur comportement « panurgique »), la contrainte en capacité du marché et les chocs exogènes (crise
financière, catastrophe naturelle, modifications juridiques) sont également des explications plausibles du
phénomène cyclique.
Il est important de souligner que ces cycles ne correspondent pas nécessairement aux cycles macroéconomiques des pays, ce qui accentue la difficulté de bien saisir leurs causes et leurs effets.
Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010
Le cycle de l’assurance non-vie
Page: 25
3
LES CYCLES DES MARCHES A CAPACITE
Nous avons identifié au chapitre précédent plusieurs déterminants du cycle de l’assurance non-vie que nous
allons maintenant affiner pour les marchés dits « à capacité ». Après une présentation de ces marchés, nous
passerons en revue leurs spécificités (lien avec la réassurance, impact des sinistres catastrophiques sur les
résultats) ce qui nous permettra d’enrichir l’analyse théorique du cycle que nous pourrons confronter ensuite
à la réalité à partir du retour d’expérience sur le segment des risques industriels.
3.1
Introduction
La capacité se définit comme le montant maximal d’assurance ou de réassurance disponible pour couvrir
des risques au niveau d’une entreprise ou d’un marché en général. Pour un assureur, la capacité est fonction des capitaux propres et des moyens complémentaires obtenus par la réassurance.
Les marchés à capacité (que nous nommerons également marché des grands risques) sont des marchés
qui se caractérisent par le fait que le coût unitaire des sinistres est tel qu’un assureur ne peut le supporter à
lui seul car il menacerait sa solvabilité.
Sur de tels marchés, le montant du « scénario enveloppe » (sinistre maximum possible) est très élevé par
rapport au chiffre d’affaires total de la branche considérée, d’où une très grande vulnérabilité des résultats
aux sinistres graves. A titre d’illustration, les seuls attentats du WTC (11 septembre 2001) ont conduit pour
l’assurance aviation à un ratio sinistre à prime de 276 % sur cet exercice (Source FFSA).
Sur les marchés des grands risques, la réassurance (assureurs des assureurs) joue donc un rôle essentiel
en constituant la matière première des assureurs : l’offre d’un assureur (sa capacité) dépend largement de la
disponibilité et du coût de cette matière première. Les cycles de l’assurance et ceux de la réassurance sont
donc étroitement liés sur ces marchés et il faut les observer ensemble.
Dans cette catégorie des marchés « à capacité », on trouve principalement les branches suivantes :

Les branches dites Spécialités « speciality lines » : branche maritime, aviation et spatiale ;

Le secteur de l’énergie (plates-formes pétrolières,…) ;

L’assurance des périls naturels (couverture de réassurance « Cat » ) ;

Les risques d’entreprises.
Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010
Le cycle de l’assurance non-vie
Page: 26
Grands risques versus assurance de masse
Tels que définis, les marchés à capacité s’opposent aux marchés de masse qui regroupent des produits
stables dont les primes et les disponibilités ne varient pas beaucoup dans le temps. Caractérisés par des
sinistres fréquents et de faibles ampleurs, les marchés de masse présentent en effet une faible volatilité au
niveau d’un portefeuille et des besoins en capital (la loi des grands nombres s’applique bien et les montants
des dommages sont relativement bien prévisibles). Les variations cycliques des primes d’assurance dans
ce domaine y sont donc moins marquées que dans les grands risques.
L’assurance Automobile est le type même des affaires de masse. Le schéma suivant illustre cette différence
entre grands risques et risques de masse en comparant l’évolution globale des affaires Aviation et des
affaires Automobile. Le tracé des 2 courbes montre clairement que les cycles pour les grands risques – tels
que les affaires Aviation fortement influencées par le 11 septembre – varient avec une amplitude beaucoup
forte que ceux qui concernent les affaires de masse.
Evolution dans l'assurance automobile et Aviation depuis 1995
1.5
0.12
Auto
Aviation
0.1
1.3
0.08
1.2
0.06
1.1
0.04
1
Pénétration du marché en °/°
Pénétration du marché en °/°
1.4
0.02
0.9
0.8
0
1995
1996
1997
1998
1999
2000
2001
2002
2003
2004
2005
Source : Topics 2/2007 Münchener Rück
La relation entre la charge de sinistre et le niveau des prix apparaît nettement dans le cas des grands
risques et les affaires de masse présentent moins de variations cycliques. L’assurance aviation a parfaitement illustré ce constat en 2009. Après les crashs des vols AF447 Rio-Paris et de la Yemenia au large des
Comores, un des principaux acteurs du marché justifiait les hausses tarifaires et le retournement brutal du
cycle : « Nous étions arrivés à des niveaux de prix qui n’étaient plus tenables, avec des ratios sinistres à
primes supérieurs à 100 %. Fort heureusement, c’est un marché cyclique qui réagit vite et bien » (Les Echos
20/08/2009).
Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010
Le cycle de l’assurance non-vie
Page: 27
Evolution des capacités disponibles
Nous avons évoqué dans le paragraphe relatif à l’hypothèse de la contrainte en capacité, la corrélation négative existante entre les capitaux propres et les primes : après la survenance d’un sinistre exceptionnel
(ouragan Andrew aux Etats-Unis en 1992, attentats du 11/09/2001), les ressources financières des assureurs et des réassureurs se trouvent réduites ce qui enclenche un mouvement de tension des prix. Cette
tension disparaîtra à mesure que la capacité de souscription sur le marché aura été reconstituée. Les chocs
susceptibles d’affecter les fonds propres des assureurs et réassureurs peuvent survenir tant du côté des
actifs (marchés financiers) que des passifs (sinistralité). A des périodes de surcapacités sur une branche
donnée peut succéder une période de pénurie de capacité suite à un événement défavorable.
Pour suivre l’évolution de la capacité existante sur le marché, les ressources des réassureurs constituent un
bon indicateur. Ces ressources fluctuent dans le temps et sont tributaires de l’évolution des marchés financiers et de la survenance de sinistres catastrophiques.
L’analyse du graphe ci-dessous qui illustre l’évolution de ces ressources pour les 35 plus grands réassureurs
du monde (Source : Münchener Rück) montre que la capacité existante sur le marché a augmenté de façon
continue au cours de la période 2003- 2007.
US $m
Ressources en capital de l’industrie de la réassurance
350 000
300 000
+10 %
+17.5 %
-18.5 %
250 000
200 000
150 000
100 000
50 000
0
2003
2004
2005
2006
2007
2008
Les ressources en capital ont ainsi suivi une tendance haussière continue : croissance de 17 % en 2006, et
de 10 % en 2007 pour approcher les 300 milliards de dollars américains.
Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010
Le cycle de l’assurance non-vie
Page: 28
En 2008, les réassureurs ont souffert de la crise financière. Entre fin 2007 et fin 2008, leurs fonds propres
ont en moyenne baissé de l'ordre de 18,5 % selon les calculs de Fitch Ratings, principalement sous l'effet de
la baisse de valeur des actifs.
Sur la base des données de la Munich Re, l'industrie de la réassurance affichait fin 2008 malgré la crise et
une sinistralité catastrophe importante (45 Milliards de USD assurés dont l'ouragan Ike aux USA - troisième
événement le plus onéreux après Katrina (2005) et Andrew (1992)) des fonds propres supérieurs à ceux de
9
l'année 2005 ..
Dans la revue Topics (2/2008), la Munich Re estimait le capital excédentaire existant pour l’ensemble de
l’industrie (assurance et réassurance) entre 100 et 150 milliards de $US.
En l’absence de demande complémentaire d’assurance et avec des acteurs en recherche de croissance
(une entreprise qui stagne ne vaut pas grand-chose pour les analystes et investisseurs), ces sur-capacités
ne peuvent que stimuler le cycle et ainsi entretenir la tendance baissière des prix observable de manière
agrégée au niveau mondial.
Cette situation sur-capacitaire explique également les programmes de restitution de capital pratiqués par de
nombreux intervenants depuis 2007 (ces rachats d’actions ont permis de ralentir leur développement des
capacités de réassurance).
Les ressources en capital de l’industrie constituent une variable clé dans l’analyse du cycle et leur
évolution permet de comprendre la tendance générale du marché de l’assurance et de la réassurance.
9
La reprise des marchés actions en 2009 leur aurait permis de récupérer 35% du terrain perdu au cours du premier
semestre 2009.
Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010
Le cycle de l’assurance non-vie
Page: 29
3.2
Solutions de transfert de risques
Les solutions de transfert de risques présentent deux intérêts majeurs :

elles permettent de réduire la volatilité des résultats (lissage dans le temps et dans l’espace)

elles permettent également aux assureurs d’accroître leur capacité disponible, en leur permettant de
souscrire des polices portant sur des risques plus nombreux ou plus importants, sans augmenter
sensiblement leurs fonds propres.
Nous analysons dans un premier temps l’impact de la réassurance traditionnelle (clé de voûte des branches
grands risques) sur les résultats des assureurs directs puis étudierons d’autres solutions de transfert de
risques et leur impact potentiel sur le cycle de l’assurance.
3.2.1
La réassurance traditionnelle
Le segment de la réassurance (assurance des assureurs) joue un rôle central dans l’évolution du marché
des grands risques.
Sur ce marché, le sort des assureurs et des réassureurs est comme nous l’avons signalé étroitement lié. Ce
sont en effet les grands réassureurs qui dictent, en amont du marché, les conditions de l’assurance des
marchés des grands risques10 : un raffermissement sensible des tarifs de réassurance conduit à terme inéluctablement à un durcissement des conditions d’assurance sur le marché primaire (même si une désynchronisation entre le cycle de l’assurance directe et celui de la réassurance peut parfois apparaître).
De plus, alors que le secteur de l’assurance est très réglementé, les sociétés de réassurance évoluent dans
un cadre réglementaire beaucoup plus souple. Cette asymétrie joue souvent en défaveur des sociétés
d’assurance. Ainsi, à la suite des sinistres provoqués par l’ouragan Andrew en août 1992, les réassureurs
ont augmenté leurs primes bien plus rapidement que les assureurs, contraints par la législation. Le poids de
la réglementation à laquelle sont soumis les assureurs s’est de nouveau illustré de façon flagrante à
l’occasion des attentats terroristes de septembre 2001.
a) Principes
La réassurance permet aux sociétés d’assurances d’assurer auprès de sociétés de réassurance une partie
des risques pour lesquels elles sont engagées auprès de leurs assurés.
La réassurance est ainsi un arrangement aux termes duquel une société « le réassureur » s’engage à indemniser une société d’assurance « la cédante » contre tout ou partie du risque qu’elle a souscrit aux
termes d’une ou plusieurs polices d’assurance. Les engagements entre la société d’assurances et le réassureur sont matérialisés par un traité. Il s’agit d’une opération transparente pour l’assuré puisqu’il n’existe pas
de lien contractuel entre lui et le réassureur. Par ailleurs, un réassureur peut céder à son tour à d’autres
réassureurs (appelés rétrocessionnaires) une partie des risques en question.
10
Les Rendez-Vous de Septembre qui rassemblent annuellement à Monaco cédantes et réassureurs marquent le lancement de la période de négociation des conditions de renouvellement des traités de réassurance qui viennent majoritairement à échéance au 1er janvier. C’est à cette occasion que se dégagent les grandes tendances du marché de
l’assurance dommages. Ils permettent enfin aux acteurs et observateurs de faire le point sur la réassurance mondiale,
l’évolution des catastrophes naturelles et des sinistres industriels, du marché et des tarifs, au cours de l’année écoulée.
Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010
Le cycle de l’assurance non-vie
Page: 30
La réassurance exerce plusieurs fonctions essentielles :

Tout d’abord, elle apporte à l’assureur direct une plus grande stabilité de résultats lorsque des sinistres inhabituels et importants se produisent en le couvrant au-delà de certains plafonds ou
contre l’accumulation d’engagements individuels

Elle autorise également les assureurs à accroître leur capacité disponible – La réassurance permet
à une cédante d’obtenir certains avantages, notamment une réduction de son engagement net sur
des risques individuels et une protection contre des pertes multiples ou importantes. La réassurance permet également à une cédante d’obtenir une capacité de souscription supérieure et donc
de souscrire des polices portant sur des risques plus importants et plus nombreux, ce qui ne serait
pas possible sans une augmentation concomitante de ses fonds propres.
b) Marché mondial de la réassurance
Le marché mondial de la réassurance représente un chiffre d’affaires de 130 milliards d’euros en 2008 (nonvie 72 %, vie 28 %) ce qui représente 4.2 % du chiffre d’affaires de l’assurance mondiale (3 067 milliards
d’euros). Le marché de la réassurance est relativement concentré, les 5 premiers réassureurs représentaient environ 17 % du marché en 1980, ils représentent en 2008 environ 50 % du marché (les 10 premiers
réassureurs représentent un peu plus de 60 % du marché en 2008) .
Le classement des réassureurs
En milliards de dollars
Chiffre d'affaires
2008
Munich Ré (Allemagne)
26.9
Swiss Re (Suisse)
24
Berkshire/ gen Re (EU)
11.1
Hannover Re (Allem.)
10
Scor (France)
7.4
RGA (EU)
5.3
Transatlantic Re (EU)
4.1
Partner Re (Bermudes)
4
Everest Re (Bermudes)
2.9
XL Re (Bermudes)
2.4
Total
98.1
Source : Fitch, Apref
Ratio Combiné
30/6/09
31/12/08
98.2%
99.8%
92.6%
98.4%
101.3%
96.6%
97.7%
95.7%
98.8%
100.0%
NS
NS
94.3%
98.5%
85.3%
94.1%
85.7%
92.3%
77.7%
90.4%
30/6/09
29.8
21.9
114.5
4.5
5.1
3.1
3.5
4.8
5.5
7.5
200.2
Fonds propres
31/12/08
31/12/07
29.7
37.1
19.1
28.1
109.3
120.7
4
4.9
4.8
5.3
2.6
3.2
3.2
3.3
4.2
4.3
5
5.7
6.1
9.9
188
222.5
On constate l’influence grandissante des Etats-Unis sur le cycle de la réassurance : le marché américain
absorbant 80 % des indemnisations pour seulement 50% des primes. Par le biais de la réassurance, les
marchés européens peuvent donc subir le contrecoup d’ouragans américains…
La réassurance ne diffère de l’assurance que par une plus grande complexité inhérente à la diversité plus
importante de ses activités et à son caractère international
Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010
Le cycle de l’assurance non-vie
Page: 31
c) Les cycles de la réassurance
La secteur de la réassurance présente des cycles tarifaires particulièrement marqués comme l’atteste le
schéma suivant qui superpose les ratios combinés de l’assurance biens et responsabilités en France et ceux
de le réassurance non vie mondiale. Par le passé, ces cycles d’une durée moyenne de 7 ans, provoquaient
des variations qui pouvaient, selon les branches, atteindre jusqu’à 40 % à la hausse comme à la baisse.
Les cycles tarifaires initiés par les réassureurs sont beaucoup plus rapides à se dessiner que ceux entrepris
par les cédantes.
Comparaison des ratios combinés en assurance et réassurance non vie
140
WTC
130
Andrew
KWR
En %
120
110
100
90
80
1987
1992
1997
2002
2007
L'index « ROL » ( World Catastrophe Rate on Line) fournit un baromètre couramment utilisé pour mesurer
l'évolution du prix de la réassurance lors des renouvellements. Cet indice illustre bien le cycle de la réassurance et l’influence majeure des catastrophes sur celui-ci. La sinistralité impacte directement les politiques
tarifaires : les conditions se resserrent après les sinistres majeurs et se détendent suite à des périodes de
sinistralité clémente.
On constate en effet sur ce graphique de fortes augmentations de tarifs suite aux catastrophes de 1992
(ouragan Andrew), de 2001 (attentats contre le WTC) et de 2005 (cyclones Katrina, Rita, Wilma). Ces retournements de tendance sont nettement plus prononcés que celui de 2009 où la crise financière et les catastrophes 2008 ont conduit à une augmentation de l’indice de « seulement » 8%.
Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010
Le cycle de l’assurance non-vie
Page: 32
450
World Catastrophe Rate on Line
400
350
300
250
200
150
100
Index 1990 = 100
50
0
90
91
92
93
94
95
96
97
98
99
00
01
02
03
04
05
06
07
08
09
Source : Guy Carpenter
3.2.2
Solutions alternatives de transferts de risque
Le marché du « Transfert Alternatif de Risques » (ART) se réfère traditionnellement à deux types de solutions :

celles visant à aider les entreprises à assurer elles-mêmes leurs risques

celles visant à transférer des risques sur les marchés financiers.
Nous abordons dans cette partie les captives et la titrisation des risques catastrophes et analyserons comment ces solutions sont susceptibles de lisser l’impact des fluctuations tarifaires.
a) Captives d’assurance ou de réassurance
Une captive est une compagnie d'assurance ou de réassurance appartenant à une société ou à un groupement dont l'activité commerciale n'est pas l'assurance. Ce sont donc des sociétés d’assurance « maison »
créées par des entreprises pour porter leurs risques sans avoir à les transférer à un assureur externe.
Traditionnellement une captive intervient pour les risques de fréquence et d’amplitude moyenne (dans les
faits les rétentions peuvent parfois atteindre plusieurs dizaines de millions d’euros par risque). La constitution d'une telle structure présente les avantages suivants :

diminuer la charge globale des frais d'assurance

compenser la baisse des limites de garanties voire même couvrir des risques difficilement ou non
assurables sur le marché

lisser l’impact des fluctuations tarifaires

profiter de la souplesse fiscale et réglementaire de certaines domiciliations (Bermudes, Guernesey...).
Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010
Le cycle de l’assurance non-vie
Page: 33
Ces structures sont principalement mises en place par des grands groupes internationaux (contrainte de
coût de mise en place), mais des solutions dites de captives partagées (« rent a captive » ou captive en
location) permettent un accès aux PME à ces structures sans les contraintes liées à leur gestion.
Les captives constituent ainsi un instrument financier d'optimisation de la gestion des risques des entreprises. C’est une structure souple qui peut être redimensionnée selon les phases du cycle assurantiel : en
période favorable, les industriels augmenteront la part de leurs risques transférés sur le marché de
l’assurance traditionnelle et en cas de durcissement des conditions, elles constitueront une soupape de sécurité en augmentant leur niveau de rétention et en stabilisant ainsi le budget prime de l’entreprise.
Les captives sont en forte progression depuis plusieurs années : on dénombre plus de 5200 captives actives
dans le monde en 2008 (pour approximativement 1000 en 1982). A ce jour, plus de 80 % des entreprises du
CAC 40 disposent d’une captive.
5500
Croissance du nombre de captives
5000
4500
4000
3500
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
Source : Business insurance, Mars 2009
On estime que le total des primes souscrites par les captives a plus que doublé depuis 2002 pour atteindre
21 milliards d’euros en 2005 (elles représenteraient plus de 15 % des primes dans le domaine des grands
risques industriels).
Depuis la directive sur la réassurance en 2005, les captives de réassurance ont été consacrées dans un
texte communautaire, et devront être contrôlées au même titre que les entreprises de réassurance dites
commerciales.
Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010
Le cycle de l’assurance non-vie
Page: 34
b) La titrisation des risques catastrophes
Si les capacités financières dans le secteur de l’assurance et de la réassurance apparaissent au niveau
macro économique surcapacitaires depuis plusieurs années (Cf. 3.1.1), ces capacités apparaissent par
contre limitées voire insuffisantes lorsqu’il s’agit de couvrir les risques de pointe les plus volatils comme les
catastrophes naturelles. Au contraire, les marchés financiers disposent eux de capacités très importantes.
Une forme de complémentarité émerge donc entre les solutions de marchés et les couvertures traditionnelles
La titrisation via l’émission d’obligations catastrophes (« cat bonds ») constitue un instrument de financement alternatif pour les assureurs et réassureurs leur permettant d’atténuer leurs besoins de fonds propres
supplémentaires pour couvrir des risques extrêmes.
Les premières obligations catastrophes ont été lancées suite à la phase de raffermissement du marché consécutive au cyclone Andrew de 1992 qui avait asséché les capacités de réassurance pour les catastrophes.
La titrisation, via l’émission d’ obligations catastrophes, constituait un mécanisme simple pour transférer des
risques catastrophiques vers les marchés financiers, allégeant ainsi les contraintes de capacités du secteur
assurantiel.
Le principe de base des Cat bonds est le suivant : l’entreprise cédante du risque émet une dette obligataire
dont le remboursement est conditionné à la survenance d’un événement donné (séisme, tempête,…). Les
détenteurs touchent un taux variable (produit du placement des fonds levés et prime payée par l’assureur) et
le principal lorsque les titres arrivent à échéance (sous réserve que l’événement spécifié ne se soit pas produit).
Chaque partie y trouve son intérêt : pour les assureurs et réassureurs l’émission d’obligations catastrophes
présente l’avantage de réduire le besoin en capital réglementaire (et donc d’améliorer le rendement des
fonds propres grâce à une plus grande efficacité du capital), pour les investisseurs, les « cat bonds », par
essence largement décorrélés des autres actifs financiers représentent une source intéressante dans une
optique de diversification de portefeuille.
Nous avons montré au paragraphe précédent que la survenance de risques catastrophes constituait un facteur essentiel des cycles qui affectent le marché de la réassurance. La titrisation des risques catastrophes
constitue donc un phénomène positif pour la stabilité financière dans son ensemble en permettant de combler des insuffisances de garantie en phase de marché tendu et en contribuant ainsi à limiter voir à éviter les
pics tarifaires affectant le marché de l’assurance.
Quelques chiffres permettent toutefois de relativiser l’importance actuelle de ces obligations et donc leur
influence sur le cycle tarifaire.
Les émissions totales d’obligations catastrophes se sont en effet élevées en 2009 à 3,5 milliards de dollars
11
contre 2,7 milliards en 2008. Les prévisions pour 2010, année du retour à la normale , devraient se situer
autour de 5 milliards de dollars (à comparer au 7 Mds USD de 2007 – année record).
11
Les cat bonds ont été malmenés comme la plupart des autres classes d'actifs à la suite de la faillite de Lehman Brothers en 2008 (acteur à l’époque important du marché).
Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010
Le cycle de l’assurance non-vie
Page: 35
Ces montants restent donc pour le moment encore modestes en comparaison du marché de la réassurance
traditionnelle (le total des émissions d’obligations catastrophes 2008 correspondent approximativement au
chiffre d’affaire du 8ème réassurance mondial).
8 000
Emission de « Cat bonds » 1999 - 2008
6 996
7 000
6 000
M$
5 000
4 693
4 000
3 000
2 687
1 991
1 730
2 000
985
1 139
967
1 220
1 143
1 000
0
1999
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
Source Guy Carpenter
La crise des « subprime » a certes jeté le discrédit sur certaines formes de titrisation. Mais elle ne remet pas
en cause les bénéfices induits par le processus de dissémination des risques dans lequel s'inscrit la titrisation. Il est probable que la titrisation soit, à court terme, contrainte à une relative standardisation dans ses
modalités comme dans les risques transférés afin de gagner en lisibilité dans un contexte de méfiance à
l'égard des produits excessivement complexes.
Cette technique de transfert des risques sur les marchés constitue un élément stratégique pour les réassureurs en leur permettent de libérer des fonds propres et donc d'avoir une gestion plus saine de leurs bilans
et finalement d’atténuer les cycles affectant le marché.
Les obligations catastrophe apparaissent donc comme une alternative à la réassurance traditionnelle. L'entrée en vigueur prochaine de Solvabilité II pourrait leur donner encore plus d'attrait encore : les « cat bonds »
offrent en effet un collatéral « triple A » ce qui pourrait permettre à ce marché de se développer plus significativement.
Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010
Le cycle de l’assurance non-vie
Page: 36
Conclusions sur l’évolution des solutions de transfert de risques.
Les cycles des cédantes et des réassureurs apparaissent étroitement liés. Les solutions de transfert alternatif de risques peuvent contrarier les évolutions du marché de l’assurance : sur les tranches basses, les captives des industriels peuvent être adaptées en fonction du cycle (niveau de rétention) et la titrisation peut
s’avérer une solution de transfert intéressante pour compenser le niveau insuffisant des capacités financières de l’ensemble de l’industrie pour les événements de pointe.
Il semble donc probable que le transfert de risques aura une influence croissante sur la nature cyclique des
résultats d’exploitation. Les échelles de taille sont parlantes. Ainsi que le rappelait l’étude Sigma n° 3-2001
[11], un événement à l'origine de 250 milliards de dollars de dommages serait susceptible d'entraîner la faillite de plusieurs grands assureurs. Mais il ne représenterait que 0,5 % de la capitalisation mondiale en actions et obligations.
Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010
Le cycle de l’assurance non-vie
Page: 37
3.3
Les catastrophes naturelles et technologiques
Comme mentionné en présentation des marchés à capacité, les résultats des assureurs et réassureurs sur
ces marchés sont très dépendants de l’occurrence de sinistres majeurs. Nous allons illustrer cette caractéristique en nous intéressant à la volatilité et à l’ampleur des catastrophes technologiques (« man made ») et
naturelles.
Ces catastrophes peuvent représenter une charge extrêmement lourde pour l’industrie de l’assurance. Le
tableau suivant recense les 10 sinistres les plus coûteux de la période 1970-2008. Les ouragans survenus
en août 2005 aux Etats-Unis constituent le sinistre les plus coûteux de l’histoire de l’assurance.
Dommages assurés
(en Millions USD au prix
2008)
Date
Evénement
Pays
EU,
golfe
du
Mexique, Bahamas
EU, Bahamas
EU
EU
EU, Caraïbes
EU, Caraïbes
EU, Mexique, Jamaïque
EU, golfe du Mexique
EU, Cuba, Jamaïque
71 300
25/08/05
24 552
22 835
20 337
20 000
14 680
13 847
23/08/92
11/09/01
17/01/94
06/09/08
02/09/04
19/10/05
Ouragan Katrina ; inondation, ruptures de digues,
dommage plates-formes pétrolières
Ouragan Andrew ; inondations
Attentat terroriste WTC, Pentagone
Séisme de Northridge (M6.6)
Ouragan Ike ; inondations, dommages offshore.
Ouragan Ivan ; dommages plates-formes
Ouragan Wilma : pluie, inondations
11 122
9 176
20/09/05
11/08/04
Ouragan Rita ; dommage plates-formes pétr.
Ouragan Charley ; inondations
Source Swiss Re sigma n°2/2009
3.3.1
Les catastrophes technologiques
Pour illustrer l’ampleur et la volatilité des sinistres « man made », nous utilisons le répertoire des sinistres
graves de la FFSA qui recense par année les dix plus grands sinistres survenus sur des complexes industriels en France sur la période 1982-2005 (montants en millions d’euros constants12).
12
Montants revalorisés d’après l’évolution de l’indice RI (moyenne annuelle)
Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010
Le cycle de l’assurance non-vie
Page: 38
Montant des 10 plus grands sinistres par année
900
en millions d'€ constants
800
700
600
500
400
300
200
100
0
82 83 84 85 86 87 88 89 90 91 92 93 94 95 96 97 98 99 00 01 02 03 04 05
On constate des variations de montant de sinistres importantes par rapport à la valeur médiane13 : 280 M€ .
(Mini 96 M€ en 2004, Maxi 852 M€ en 1992).
En matière de risques industriels, le plus grand sinistres répertoriés en France ces 40 dernières années
s’établit à près de 500 millions d’euros (sinistre 2001 relatif à l’ensemble des dommages consécutifs à
l’explosion de l’usine AZF). Ce sinistre, à lui seul, a représenté 37% des cotisations de la branche cette année là. A titre de comparaison, en 2004, le sinistre le plus important totalisait seulement 0.8 % des cotisations de la branche.
Le second sinistre le plus important a été enregistré en 1992 (Total) pour un montant en euros constant de
365 millions d’euros. Citons enfin l’année 1996 avec deux sinistres majeurs : le Crédit Lyonnais et Eurotunnel (respectivement 243 et 169 millions d’euros) qui totalisaient à eux deux 34 % du chiffre d’affaires de
l’année.
A titre de comparaison et pour fixer les ordres de grandeur, la plus grande catastrophe industrielle recensée
(explosion de la plate-forme pétrolière Piper-Alpha dans la mer du Nord, en 1988) avait coûté 3 milliards de
dollars.
13
Le calcul de l’espace interquartile sur la période 1982-2005 atteste de cette volatilité [198M€ - 352M€]
Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010
Le cycle de l’assurance non-vie
Page: 39
3.3.2
Les catastrophes naturelles
a/ Les événements naturels dans le monde
Comme l’atteste le graphique ci-dessous, la charge financière des catastrophes naturelles peut être extrêmement lourde sur un exercice. Là encore, en matière d’événements naturels, l’année moyenne ne se rencontre quasiment jamais : on peut en effet observer une année catastrophique au milieu de plusieurs années
sans sinistre majeur. La volatilité de ces sinistres constitue donc un véritable défi pour l’industrie.
120
Coût des sinistres dus aux événements naturels
(en milliards de dollars, coût indexé 2007)
100
Ouragans Charley
(Floride), Ivan ,
Frances)
Cyclones
Katrina,
Rita,
Wilma
80
60
40
Séisme de
Kobé
(Japon)
Lothar et
Martin
(Europe)
Cyclone Kyrill
(inondation en
Grande
Bretagne)
20
0
1995 1996
1997
1998 1999
2000 2001
2002 2003
2004
2005 2006
2007 2008
Le risque de cumul est très élevé sur le marché direct, un même événement catastrophique peut provoquer
des dommages à un grand nombre de biens et d’infrastructures assurés par contrat séparément, ce qui peut
donner lieu à des demandes d’indemnisations colossales au cours d’un même exercice.
Selon certains experts spécialistes de la modélisation des catastrophes, la facture des ouragans pourrait
doubler tous les 10 ans et un ouragan sur Miami provoquerait au bas mot 100 à 150 milliards de dollars de
dégâts assurés.
Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010
Le cycle de l’assurance non-vie
Page: 40
b/ Le coût élevé de l’indemnisation en France
En France, les événements naturels indemnisés par assureurs entre 1988 et 2007 ont coûté 34 milliards
d’euros (tempêtes pour 49%, inondation pour 33%, sécheresses pour 16%). Rapporté au budget assurance
dommages des ménages et entreprises français, cela représente 16% de leurs dépenses.
Le territoire français est régulièrement touché par des événements naturels : tempêtes de 1999, inondations
dans le Sud-Est, dans le bassin de la Loire, sécheresse de 2003, tempête Klaus de 2009. Entre 1988 et
2007, deux types d’événements sont à l’origine des dommages indemnisés :

Les événements locaux : ils sont fréquents, localisés, d’une intensité relative. Ils représentent 60%
des indemnités versées par les assureurs au titre des aléas naturels.

Les événements extrêmes : ils sont particulièrement dévastateurs et se caractérisent par une très
forte intensité et une faible fréquence. Ils représentent 40% des indemnités versées par les assureurs. Les événements extrêmes ont un poids plus ou moins importants selon leur nature : 60% du
coût des tempêtes est dû aux tempêtes extrêmes, 25% pour la sécheresse et 20% pour les inondations.
Le tableau suivant détaille pour la période de 1988 à 2009, les événements extrêmes qui ont touché la
France ainsi que le coût et la « période de retour », attribuée à ces événements (fréquence à laquelle les
météorologues estiment qu’un tel événement peut se reproduire).
Evénement
date
Tempête
1990
Daria balaye une grande partie de l’Europe
occidentale
1999
Lothar et Martin
2009
1988
1992
2002
Déc.
2003
Klauss
inondation dans le Gard
Inondation Vaison-la-Romaine
département du Gard
Territoire français allant de la Loire aux
Pyrénées, en passant par le Sud-Est et plus
particulièrement Arles, est inondée
La canicule entraîne de nombreux dégâts
aux bâtiments sur l’ensemble de la France.
(mouvements de terrains consécutifs à la
déshydratation/réhydratation du sol)
Inondations
Sécheresse
Eté
2003
Description
Coût
Période
de retour
1,5 milliards d’euros
courants aux assureurs
6,9 milliards d’euros
courants de dommages assurés en
France
1,7 milliards d’euros
521 millions d’euros
381 millions d’euros
810 millions d’euros
769 millions d’euros
18 ans
1,3 milliard d’euros
(coût, pour le régime
CAT NAT)
Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010
120 ans
NC
50
50 ans
75 ans
100 ans
20 ans
Le cycle de l’assurance non-vie
Page: 41
Selon une étude réalisée par la FFSA14, le changement climatique devrait accroître le nombre et l’ampleur
de ces aléas naturels : la fréquence des sécheresses en France pourrait augmenter de 10% entre 2007 et
2030 par rapport à la période 1988-2007 ; celle des inondations de 15 %.
Au total la FFSA estime qu’à l’horizon 2030 que la charge d’indemnisation des dommages matériels liée aux
événements naturels pourrait aller jusqu’à un doublement soit 60 milliards d’euros.
Cette charge de 60 milliards se décomposerait sous la forme suivante :



30 Mds € - coût observé sur les 20 dernières années ;
16 Mds € - Facteurs liés aux évolutions socioéconomiques (augmentation de la masse assurable et
migration vers les zones à risques) ;
14 Mds € - Facteurs liés au changement climatique (événements extrêmes principalement).
Sur les 30 milliards d’euros supplémentaires estimés, 16 milliards auraient un impact direct sur le prix relatif
de l’assurance contre les aléas naturels. Ainsi la part de la couverture contre les événements naturels dans
le budget assurance dommages des ménages et des entreprises passerait à près de 25 % (contre 16% initialement).
14
Synthèse de l’étude relative à l’impact du changement climatique et de l’aménagement du territoire sur la
survenance d’événements naturels en France Colloque Impacts du changement climatique – Mercredi 29 avril 2009 –
Auditorium de la FFSA.
Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010
Le cycle de l’assurance non-vie
Page: 42
Conclusions sur les effets des sinistres catastrophiques
Si de grands débats agitent les climatologues pour savoir si la fréquence et l’intensité des cyclones s’accroit,
pour les autres sinistres climatiques – sécheresse, grêle, tornades inondations, etc. – on constate une réelle
aggravation qui pourrait devenir problématique pour les assureurs.
On estime que sous le double effet du réchauffement climatique et de la concentration des richesses, le
nombre annuel d’événements climatiques graves (ceux qui ont provoqué au moins un milliard de dollars de
dégâts) a été multiplié par 3.6 aux Etats-Unis depuis 1991.
Munich Ré a lancé en 2005 une mise en garde à l'industrie sur les risques auxquels les assureurs et réassureurs s'exposent dans les mégapoles15 (les Echos du 12/01/2005). Ces grandes agglomérations, concentrant toujours plus d'habitants et de richesses, restent extrêmement vulnérables aux catastrophes naturelles,
aux risques technologiques et environnementaux, ainsi qu'aux attaques terroristes.
Outre les périls naturels, ces mégapoles sont vulnérables aux accidents industriels, ferroviaires ou aériens,
ainsi qu'aux risques d'épidémie et de pollution de l'air. Ces événements peuvent affecter simultanément
plusieurs lignes d'activité : assurance-vie, décès, accidents, assurances de biens individuels et industriels,
pertes d'exploitation, responsabilité civile...
Les catastrophes technologiques et surtout celles d’origine naturelle vont continuer à constituer un défi
croissant pour l’industrie. La modification attendue de la fréquence et de l’intensité des événements extrêmes impactera directement les marchés de l’assurance et de la réassurance. Ces événements majeurs
vont continuer à jouer un rôle majeur dans l’amplitude des fluctuations au niveau des marchés.
15
Munich Ré a ainsi élaboré un indice de " risque naturel ", en fonction de la fréquence des sinistres annuels moyens,
de la vulnérabilité des mégapoles aux catastrophes (qualité des constructions, densité des bâtiments, politiques de prévention, etc.) et des valeurs exposées. Selon ces critères, Tokyo est, de très loin, la conurbation la plus risquée du
monde, avec un indice de 710. San Francisco et Los Angeles suivent avec respectivement 167 et 100. Londres (indice
30) est 9e et Paris (indice 25) 10e, surtout en raison de l'importance des valeurs exposées
Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010
Le cycle de l’assurance non-vie
Page: 43
3.4
Application au Marché des risques d’entreprise
Dans cette dernière section consacrée aux marchés à capacité, nous allons illustrer les développements
précédents à partir d’un exemple de marché. Nous avons retenu le segment des risques industriels qui a
connu un cycle exceptionnel par sa régularité ces vingt dernières années.
3.4.1
Le marché des risques industriels
Les assureurs regroupent sous l'appellation « risques industriels » les dommages majeurs subis par les entreprises (incendie, tempête, catastrophes naturelles, bris de machine) et les pertes d'exploitation consécutives. Les risques relevant de ce marché sont identifiés dans le Traité incendie des Risques d’Entreprises de
la FFSA 16.
L’assurance dommages des risques industriels constitue un marché de taille modeste : Avec 1,8 Milliard
d’euros de cotisation en 2008, les contrats d’assurance risques industriels représentent 26 % du chiffre
d’affaires réalisé en assurance dommages aux biens des professionnels et agricoles (Source FFSA).
Ce marché présente les particularités suivantes :

il se compose de deux segments : les grands comptes internationaux et le segment des PME

il comprend un nombre relativement limité d’acteurs : 5 ou 6 chefs de file pour les programmes internationaux, une quinzaine pour le marché hexagonal des PME

L'échéance du 1er janvier représente jusqu'à 75 % de l'activité annuelle pour certains assureurs et
donne le ton de l'année à venir. Les quelques renégociations effectuées en cours d'année
(échéance au 1er avril ou au 1er juillet) permettent de suivre la tendance du marché

Le calcul des tarifs en risques industriels utilise largement la « statistique commune professionnelle » et les cotisations évoluent suivant l’indice « RI » (indicateur composite qui intègre le coût de
la main d’œuvre, des matières premières, etc.)

C’est un marché mature, le taux de pénétration des couvertures « pertes d’exploitation » était à plus
de 70 % (il était de 55% avant 2000)

Enfin, c’est un marché difficile dont la rentabilité a souvent été médiocre dans le passé (Cf. graphes
en Annexe 2.
16
Relèvent de ce traité, les risques dont le contenu a une valeur supérieure à 150 fois la valeur en euros de l’indice RI
(soit approx contenu > 750 k€)
Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010
Le cycle de l’assurance non-vie
Page: 44
Ce marché a suivi une évolution fortement cyclique au cours des deux dernières décennies comme l’illustre
la fluctuation des primes et des taux moyens (montant des primes rapporté à la masse assurable) sur le
graphe ci-dessous.
Evolution des cotisations et du taux moyen (en %)
Assurance incendie des risques d'entreprises
30%
Hausse
Baisse
Hausse
Baisse
26.0%
25%
Cotisations
20%
15%
12.0%
10.5%
10%
7.0%
7.5%
8.5%
7.0%
4.0%
5%
2.0%
3.0%
0.0%
0%
1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 -1.0%
2007 2008
-5%
-4.0%
-6.0%
-5.0%
-4.0%
-3.0%
Taux moyen
-10%
Source : FFSA
Le paragraphe suivant retrace les différentes phases du cycle sur ce marché ces dix dernières années.
Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010
Le cycle de l’assurance non-vie
Page: 45
3.4.2
Retour sur dix ans de résultats sur le marché des risques industriels
1999 : Le creux de la vague
De 1995 à 1999, les sociétés d’assurance ont bénéficié d’une baisse des taux du marché monétaire et des
rendements des titres d’Etat à long terme, doublée d’une hausse rapide des indices boursiers. Cette manne
financière a permis aux assureurs de couvrir une part toujours croissante de leurs dépenses avec le produit
de leurs placements financiers.
Le ratio combiné, qui rapporte les dépenses aux cotisations des assurés, est ainsi passé de 93% en 1995 à
155% en 1999 (source FFSA). Parallèlement, le résultat de placements net en pourcentage des primes
émises a atteint 18-20% en 1999 et en 2000, contre 13-15% en 1995 [5] (Swiss Re, 2001). Ces bonnes performances ont conduit à une situation de « cash-flow underwriting » et eu pour conséquence d’alimenter les
surcapacités du marché.
Cette conjoncture financière favorable a en effet incité les sociétés d’assurance à s’engager dans une
guerre des prix (baisse des primes, sélection moins rigoureuse des risques…), dans l’objectif d’accroître
leurs parts de marché et leurs capacités d’investissement sur les marchés financiers. Entre 1994 et 1999,
l’effondrement des tarifs de réassurance en assurance-dommages aux biens, comme en responsabilité civile
a ainsi atteint 45 % pour les garanties incendie risques industriels et le coût des primes est parfois tombé audessous du coût de la sinistralité attendue.
A partir de 1998, cette stratégie de maximisation du « cash-flow » s’est traduite par une dégradation du
compte technique. En raison de l’accroissement du produit net des placements affectés au compte non
technique, les résultats nets des sociétés d’assurance sont toutefois restés positifs.
Fin 1999, la situation des grands risques est techniquement déséquilibrée depuis plusieurs années. La
baisse des cotisations concomitante à une hausse sensible des indemnités en risques industriels contraignent en cette fin 1999 plusieurs compagnies à réagir : non seulement en cessant de négocier à la baisse
mais aussi en appliquant un minimum d'augmentations à tous les risques. Dès le début du mois de décembre, des lettres de majoration du portefeuille à effet de janvier sont adressées par plusieurs compagnies. La survenance des tempêtes de fin décembre (Lothar et Martin) va confirmer début 2000 cette volonté (encore timide) de redressement tarifaire.
Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010
Le cycle de l’assurance non-vie
Page: 46
2000 - 2001 : L’assurance confrontée à deux chocs majeurs
Les raisons d'un violent retournement de marché
Entre 2000 et 2001, deux chocs vont contraindre les assureurs à renouer avec la rigueur abandonnée entre
1997 et 2000. Pour la première fois, les assureurs sont touchés sur leurs actifs en même temps que sur
leurs passifs. Le marché mondial des risques industriels connaît à partir de 2000 un violent retournement de
cycle.
En premier lieu, le retournement du cycle boursier et des taux d’intérêt initié à la fin de l’année 2000 touche
les sociétés d’assurance de plein fouet. En second lieu, les attentats terroristes17 du 11 septembre 2001
(destruction des « twin towers ») et, pour le marché français, l’explosion de l’usine d’engrais AZF, vont affecter le marché des grands risques et achever de déprimer des marchés financiers qui montraient de sérieux
signes de faiblesse depuis un an.
Ces deux chocs (repli boursier et attentats du WTC) ont eu pour principales conséquences :

une forte réduction de la capacité financière disponible sur le marché mondial : les pertes de
fonds propres principalement dues aux pertes sur les portefeuilles d’actions et à la faiblesse des
taux d’intérêt mais aussi aux pertes exceptionnelles de l’année 2001 ont réduit significativement les
capacités mondiales de l’assurance non-vie dans le monde (réduction des fonds propres de 180 milliards USD entre 2001 et 2002 soit une contraction d’environ 25 % des capacités mondiales selon
Swiss Re, [13]). Après une période de surcapacité, l’assurance non-vie se retrouve confrontée à
partir de 2001 à une pénurie de capacité.

un durcissement du marché de l’assurance et de la réassurance : Les assureurs ont en effet
pris des mesures radicales pour redresser leur résultat technique. Les réassureurs se sont dégagés
des risques qu'ils n’étaient plus en mesure de modéliser (terrorisme en particulier). Des mécanismes
de place ont été mis sur pied dans la plupart des pays développés, prévoyant une intervention de
l'Etat en dernier ressort (GAREAT en France). Les compagnies ont procédé à de significatives
hausses tarifaires en grands risques et en réassurance (de mini à 20 % en dommages à plus de
100 % pour les comptes sinistrés), tout en augmentant sensiblement les franchises et en réduisant
parallèlement le champ de leur couverture (les polices en « tout sauf intégral » sont abandonnées
au profit des contrats en périls dénommés, les traités de réassurance « proportionnelle » laissent
progressivement la place aux traités en excédents de pertes annuelles, où les limites de couverture
sont clairement définies).
17
Les attentats du 11/09 ont perturbé le marché de l'assurance des risques industriels. Particulièrement en France, où la
loi oblige les assureurs à couvrir les entreprises à la même hauteur contre les risques aux dommages traditionnels et
contre les risques de terrorisme. Suite aux attaques terroristes, les assureurs n'ont plus trouvé assez de capacité de
réassurance pour se couvrir eux-mêmes contre ce type de risques et ont un temps, gelé la souscription des polices
2002. Devant l'incertitude, certains ont hésité à résilier leur portefeuille (« Grands risques industriels, Axa résilie la totalité de son portefeuille dommages » les echos du 23/11/2001). Ils ont demandé à l'Etat d'intervenir. Le gouvernement a
accordé sa garantie après intervention d'un nouveau pool. Les discussions ont abouti le 10 décembre. Pour permettre
aux assureurs de se réassurer, un pool de réassurance, le Gareat, a été créé. Ce dispositif a permis le renouvellement
des contrats grands risques au début de l’année 2002
Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010
Le cycle de l’assurance non-vie
Page: 47

Des retraits partiels ou totaux du marché : ces retraits sont venus réduire un peu plus encore les
possibilités de placement des risques d'entreprises en dommages et RC. En France : faillite
d’Independant en 2001 (mise en liquidation judiciaire consécutive aux retraits d'agrément), retrait de
RSA, qui succède à celui de St Paul, et sur la marché disparition de plusieurs réassureurs : Copenhagen Re, Fortress Re, etc. La baisse de capacités qui en a résulté n’a été que partiellement compensée par l’afflux de nouveaux capitaux vers le secteur.

Une montée en puissance de nouveaux mécanismes de transferts de risques pour palier une
offre défaillante. Avec le durcissement du marché de l'assurance, les regards se tournent vers les alternatives à l’assurance (transfert alternatif des risques) : création ou réactivation de captives, titrisation. Les industriels ont largement utilisé cet outil pour contenir l'inflation de leurs primes (augmentation des rétentions des captives).

Une diversification des réassureurs : elle a accéléré le mouvement de transfert des capacités
d’assurance et de réassurance de la branche dommages vers la branche vie, qui s’était enclenché
quelques années auparavant. Des réassureurs comme XL ou Swiss Re, qui étaient autrefois spécialisés en assurance dommages, consacrent une part croissante de leurs activités à l’assurance vie,
qui présente de nombreux avantages en termes de prédictibilité (la plupart des catastrophes entraînent beaucoup plus de demandes d’indemnisation en assurance dommages qu’en assurance vie),
de diversification des risques et de potentiel de croissance.
2002 - 2003 : une phase de bénéfice
Les attentats contre le World Trade Center le 11 septembre 2001 ont provoqué un large mouvement de
réappréciation des risques, conduisant à une flambée des primes en 2002 (+ 26 %) et 2003 (+ 12 %).
Comme le souligne l’Argus de l’assurance le 24/01/2003 « les industriels encaissent le choc » : hausse significative des tarifs (certaines activités jugées traditionnellement « déficitaires » sont « à l’amende » avec des
pics de plus de 200 %), explosion des exclusions et généralisation des sous-limitations, les relations entre
assureurs et entreprises assurées, parfois établies depuis de longues années, se tendent.
Via L'Amrae (Association pour le management des risques et des assurances de l'entreprise), les industriels
ont un temps été tentés de réagir à la diminution de leurs conditions d’assurance par la mise sur pied de leur
propre mutuelle d’assurance (projet abandonné en 2004).
Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010
Le cycle de l’assurance non-vie
Page: 48
2004 - 2007 : retour du soft market
D’abord très sélectif (« seuls les bons risques profitent d’une embellie tarifaire » titrent « les echos » du
26/06/03), le marché s’est rapidement et violemment orienté à la baisse dès 2004 pour le segment des
grands risques. Traitant des renouvellements des grands risques de l’été 2004, l’argus du 16/07/04 n’hésite
pas à évoquer une « grande braderie » sur ce segment.
Dans les faits, la sinistralité relativement clémente entre 2004 et 2007, la bonne tenue des marchés financiers, la concurrence agressive que se livrent les assureurs (entretenue par les courtiers), expliquent tout à
la fois cette tendance : en dommages aux biens, les tarifs ont reculé de l'ordre de 50 % entre juillet 2004 et
juillet 2007.
Les niveaux de primes reviennent parfois aux niveaux de 2001, avant la phase de durcissement du marché.
Cependant, les assureurs n'ont bien souvent plus à gérer la sinistralité de fréquence car les entreprises ont
augmenté leur rétention au cours des dernières années. Cela a créé un cercle vertueux : les entreprises
conservant une part importante de leurs risques, elles ont fourni davantage d'efforts en termes de gestion
des risques et de prévention.
Dans le même temps, l'offre en assurance est devenue plus variée et abondante, avec le retour de plusieurs
grands acteurs anglo-saxons comme Royal & Sun Alliance.
Les risques se placent donc sans difficulté car les capacités abondent. « Il y a parfois deux ou trois fois plus
de capacités que nécessaire sur une affaire », remarque-t’on chez Marsh (les Echos du 04/09/2006). Il était
usuel de voir 10 assureurs sur un programme. Désormais, ils se les partagent souvent à trois ou quatre.
Face à ces nouveaux intervenants, les grands acteurs - AXA, Allianz, Gan, etc. - défendent leurs parts de
marchés en consentant d'importants efforts tarifaires pour leurs meilleurs clients.
2008 : Chronique d’une hausse annoncée
A partir du second semestre 2007, les premières interrogations se font jour sur la possible poursuite de la
tendance baissière (« Les prix peuvent-ils encore baisser ? » se demande l’Argus du 06/07/2007). De son
côté, AXA Corporate Solutions, constatant un recul de 50% des tarifs en trois ans prône le retour à une certaine orthodoxie tarifaire dans Les Echos du 05/10/2007 : « Axa veut croire à la fin du cycle de baisse des
prix ».
Tous les ingrédients semblent en effet réunis pour que le prix de l'assurance-dommages des entreprises
augmente en France après plusieurs années de baisse de tarifs : crise financière, récession économique,
croissance marquée de la sinistralité, inflation en réassurance sous l'effet de la crise financière et de l'ouragan Ike en 2008 (coût de près de 20 milliards de dollars soit du même ordre que celui d'Andrews en 1992).
Les industriels eux-mêmes commencent à intégrer le prochain retournement de cycle « On sent que les prix
finiront par remonter, mais sans savoir quand », constate en 2009 la vice-présidente de l'Amrae.
Dans cette optique, de nouveaux acteurs bien installés sur leur marché domestique étendent leurs activités
en France : Catlin, Mapfre, ou encore le japonais Mitsui Sumitomo Insurance. Pour ces acteurs le choix du
Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010
Le cycle de l’assurance non-vie
Page: 49
calendrier n'est pas anodin. Ainsi Fortis précise dans les Echos du 26/05/2008 « Nous voulons être prêts
pour bénéficier de la hausse du cycle »
Annoncé fin 2007, le retournement du cycle ne s’est pas produit lors des renouvellements de janvier 2010.
« Grands risques : pas de redressement tarifaire cette année ». (Les echos 11/12/2009).
Au mois de décembre, des circulaires annonçant des majorations modérées sur les portefeuilles ont certes
bien été adressés par les compagnies mais uniquement sur le segment des PME (en raison d’une sinistralité
plus élevée en 2008 et 2009 et de l’impact de la tempête Klauss). Le marché des grands risques qui n’a pas
connu de catastrophes en 2009 est quant à lui resté globalement stable.
En « tangentant » l’équilibre technique pendant une phase de très faible sinistralité, les assureurs savaient
qu’ils se laissaient peu d’espace. Le marché est en phase de stabilisation, le besoin de bons résultats techniques conduira avec un retour de la sinistralité « normale » inévitablement à un retournement dont l’ampleur
devrait toutefois, sauf catastrophe majeur, être moins prononcée que dans les années 2000.
Les agences de notation sont d’ailleurs très vigilantes concernant la politique commerciale des assureurs en
2010. Ainsi, Standard & Poor’s précise : «une poursuite de la compétition tarifaire en assurance dommages
(ou de la surenchère sur les taux de rendements sur les contrats en vie) sont susceptibles de peser sur la
notation des assureurs. La moitié des sociétés que nous suivons ont une perspective négative, contre seulement 3 % fin septembre 2008 ». (Les Echos du 12/01/2010)
Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010
Le cycle de l’assurance non-vie
Page: 50
Commentaires
Le retournement du cycle de l’assurance a débuté fin 1999 début 2000, soit avant les attentats du 11 septembre 2001. Les attentats du 11 septembre ont joué le rôle de catalyseur. Les résultats catastrophiques de
2001 conjugués au recul de capacité, ont accéléré les hausses de prix sur le marché de l’assurance commerciale et de la réassurance. Ce choc sans précédent a brusquement forcé les assureurs à revenir aux
fondements techniques d'une industrie qui avait longtemps vécu sur la hausse des marchés financiers. Une
fois les équilibres techniques rétablis, le cycle baissier a été de nouveau enclenché. La sinistralité clémente
sur le marché a permis aux assureurs d’accompagner cette baisse tout en maintenant des ratios combinés
au dessous de la barre des 100 %. Pour le moment, des sinistres exceptionnels (ouragans Katrina, Ike) et la
chute des places boursières en 2008 n’ont pas permis à ce jour le retournement du marché.
L’analyse du cycle de l’assurance non-vie nous avait conduit à retenir au chapitre 2, trois hypothèses complémentaires pour expliquer le phénomène : L’excès de concurrence par les prix (H1), l’hypothèse de la
capacité contrainte (H2), l’hypothèse des marchés rationnels imparfaitement prévisibles (H3).
Nous analysons le résultas du marché des risques industriels à partir de ces trois grilles d’analyse :
L’exacerbation de la concurrence de 1995 à 1999 et depuis mi-2004 semble valider l’hypothèse H1 : Une
fois le point haut du cycle atteint, les assureurs cherchent à gagner des parts de marché au détriment des
résultats techniques en réduisant les primes. Le marché semble ainsi incapable de se contrôler : la pression
concurrentielle entraîne une dérive des primes et, au bout d’un certain temps, le franchissement des seuils
d’équilibre technique préparant ainsi l’arrivée d’un nouveau contrecoup haussier. Fin 1999, Il aura bien fallu
enregistrer plusieurs années de pertes pour que le marché admette la sous-tarification chronique et pour
qu’il accepte de réagir.
C’est le constat que faisait déjà en 1999, le président de l’ARF (Association des réassureurs français) qui
s'étonnait de la politique tarifaire « suicidaire » de certains groupes lorsqu’il déclarait : « C'est le côté infantile de notre industrie : on s'approche du feu jusqu'à ce qu'on se brûle. Et personne n'ose s'arrêter le premier » (Les Echos du 04/11/1999).
Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010
Le cycle de l’assurance non-vie
Page: 51
L’hypothèse de la capacité contrainte (H2) fournit un modèle d’analyse tout aussi intéressant pour expliquer
les résultats de la période 1999-2009.
La croissance soutenue des revenus financiers à la fin des années 90, a conduit le secteur de l’assurance
dans une période de forte surcapacité qui a entrainé une forte diminution des primes. Le retournement brutal
des marchés boursiers à partir de 2000 et les attentats du 11 septembre 2001 ont contracté en deux ans de
25% les capitaux propres à l’échelle mondiale. Cette réduction de capacité a entraîné de façon concomitante une diminution de l’offre d’assurance et une augmentation de la demande de couverture ce qui s’est
traduit par un mouvement de tension sur les prix.
Dans les Echos du 5/12/2001, Le président de Gras Savoye confirmait ce constat : « Nous vivons un vrai
paradoxe. Les assurés prennent conscience de l'importance des couvertures nécessaires au moment même
où l'offre se fait beaucoup plus sélective, voire se raréfie ».
L’hypothèse de la capacité contrainte permet également d’expliquer pourquoi en 2005 les cyclones « Katrina, Rita et Wilma » catastrophe la plus coûteuse de l‘histoire de l’assurance (coût plus de trois fois supérieur
à ceux du WTC ou de l’ouragan Andrew) n’a pas atténué le retournement de cycle initié mi 2004 sur le secteur des risques industriels. Certes, ce cyclone a fortement impacté localement le marché américain et les
couvertures « cat » (le manque de capacité à donner lieu à une inflation tarifaire), mais n’a pas globalement
fait fondre comme en 2001 les capacités sur le marché du fait en particulier des généreux résultats financiers de l’année 2005 (l’augmentation des capacités du marché initiée à partir de 2002-2003 s’est poursuivie
en 2005 – (Cf. 3.1.1). La réassurance a ainsi été capable d’absorber l’ouragan du siècle.
Enfin, l’hypothèse des « marchés rationnels imparfaitement prévisibles » permet également de donner une
explication plausible du cycle observé sur la période. Le marché a en effet été soumis à deux chocs externes d’une extrême violence touchant les assureurs et réassureurs tant sur leurs actifs (effondrement des
marchés boursiers) que sur leur passif (coût des attentats du WTC).
L'impossibilité d'ajuster immédiatement les prix et conditions en fonction de l'information disponible et
anticipée ont engendré le phénomène cyclique. Les tentatives de correction dans l’environnement incertain
de fin 2001 ont été généralement franches et ont excédé le prix nécessaire à un rééquilibrage du marché.
Cette correction excessive à la hausse s’est ensuite suivie d’une correction à la baisse, ce qui a créé un
cycle.
Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010
Le cycle de l’assurance non vie
Page: 52
Le cycle de l’assurance des risques industriels [1997 – 2009]
Ratio Combiné
155 % (1999)
132 % (2001)
84% (2002)
<80 % (2005)
*
Ouragan Katrina
& Co
3
Attentats WTC
4
2
1
*
1997 - 1999
*
2000
2001 - 2003
2004
Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010
2005
2006-2009
2010- …
Le cycle de l’assurance non vie
Page: 53
Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010
Le cycle de l’assurance non vie
Page: 54
3.5
Synthèse
Cette troisième partie nous a permis de détailler les spécificités des marchés dits à capacité et de montrer en particulier leurs plus grandes sensibilités aux cycles comparés aux marchés de masse.
Les fluctuations significatives des prix et de la rentabilité des opérations résultent d’événements imprévisibles et souvent exogènes aux assureurs et réassureurs : occurrence de sinistres catastrophiques, variation du niveau des capacités financières et évolution des conditions économiques générales. Ces fluctuations sont par ailleurs accentuées par la vive compétition que se livrent assureurs et réassureurs sur le
marché des grands risques. Cette compétition est stimulée par les courtiers qui favorisent l’entrée de
nouveaux acteurs et l’émergence de solutions de transfert alternatifs de risques.
Le marché des risques industriels a fourni une parfaite illustration sur la dernière décennie de ces phénomènes.
Quelles tendances pour l’avenir ?
On peut légitimement s'interroger sur les évolutions futures du cycle de l'assurance. Plusieurs acteurs
privilégient l’hypothèse selon laquelle les cycles à venir seront moins soumis que par le passé à des fluctuations importantes (à la hausse comme à la baisse) et envisagent une moindre volatilité des marchés.
Parmi les arguments avancés pour justifier l’existence de cycles plus courts et d’amplitude moins marquée nous pouvons retenir :

Une plus grande transparence du secteur : les modèles de risques qu’exigent les modifications
de la réglementation prudentielle (Solvabilité II) ainsi que les attentes des investisseurs et des
agences de notation18 devraient obliger à suivre une plus grande discipline à l’égard des résultats
techniques que dans le passé.

Une plus grande sophistication des outils de tarification et de modélisation qui permet au final de
réduire les décalages entre anticipations et réalisations (la modélisation des catastrophes en
particulier permet une meilleure anticipation de la sinistralité et des coûts)

La poursuite de la convergence des marchés de capitaux et de la réassurance traditionnelle (solutions de transfert alternatif de risques). Cette convergence devrait permettre de lisser au moins
partiellement les cycles tarifaires.
Si ces arguments plaident en effet en faveur d’une atténuation de l'amplitude des cycles et pour des ajustements plus fréquents, il convient de garder en mémoire les risques croissants auxquels les assureurs
sont confrontés (risques financiers systémiques, hyper terrorisme, expositions toujours plus importantes
aux catastrophes majeures,…) et la tendance de l'assurance à couvrir des risques moins bien cernés ou
par nature plus évolutifs et donc plus incertains.
18
Les agences ont ainsi intégré l’Entreprise Risk Management (Gestion intégrée des risques) dans leur système de
notation (souscription, risque opérationnel, provisionnement).
Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010
Le cycle de l’assurance non vie
Page: 55
Si jamais un tel événement majeur, imprévu et non modélisé survenait, nul doute que la réaction du secteur conduirait, comme dans le passé, à des ajustements ex post importants.
On peut de plus redouter avec Pierre Florin [16] « la mémoire trop courte des opérateurs » , et donc
craindre que les erreurs du passé ne se reproduisent... Il est d’ailleurs frappant de constater que fin des
années 90, le marché affichait le même optimisme par rapport à l’évolution cyclique des affaires. Dans
les echos du 06/01/1999, un membre de l’exécutif d'AXA Global Risks afffirmait ainsi : « Je ne crois pas à
un retournement brutal du cycle baissier, comme cela a pu arriver dans le passé ».
Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010
Le cycle de l’assurance non vie
Page: 56
4
LA GESTION DU CYCLE
« Ne répétez pas les mêmes tactiques victorieuses, mais
adaptez-vous aux circonstances chaque fois particulières. »
Sun Tzu
Dans cette troisième partie, nous allons nous intéresser aux stratégies et tactiques que les assureurs et
réassureurs peuvent mettre en œuvre pour atteindre leur objectif premier : créer durablement de la valeur
indépendamment du cycle.
Après avoir illustré les bénéfices d’une gestion active du cycle nous proposons une démarche pour mener à bien cette stratégie (planification, suivi et mise en oeuvre). Nous illustrerons au travers de deux
exemples (au niveau macro puis de façon plus détaillée pour un segment d’affaires donné) comment des
solutions spécifiques peuvent être mises en œuvre à chaque phase du cycle.
4.1
L’intérêt d’une gestion active du cycle
Face à un environnement cyclique, deux stratégies opposées peuvent être mises en œuvre.
Une première stratégie passive consisterait à « s’aligner sur le marché » et donc à maintenir une part de
marché constante quelque soit la phase du cycle. Cela reviendrait en quelque sorte à gérer un portefeuille d’affaires de manière à ce qu’il colle exactement aux évolutions des prix du marché et ce, quelque
soit le niveau tarifaire atteint. Evidemment, si cette stratégie permet de maintenir un taux de rétention
théorique de 100%, on comprend bien que le côté négatif réside dans son absence de prise en compte
de la rentabilité opérationnelle : une sous-tarification chronique en bas de cycle peut conduire à des résultats au final très déficitaires.
Une stratégie opposée dite « contracyclique » consisterait à se focaliser exclusivement sur les affaires
correctement tarifées et dont la rentabilité est à priori bonne. Une telle stratégie conduirait à souscrire très
peu en bas de cycle et au contraire à souscrire le plus d’affaires possibles en phase haute du cycle. A
l’extrême, une telle stratégie pourrait conduire à ne souscrire durant le « soft market » que le volume
d’affaires nécessaire à maintenir les équipes et la structure en place dans l’attente du contrecoup haussier. Cette stratégie présenterait l’avantage de produire un excellent taux de marge nette (rapport du résultat net au volume de primes) mais à contrario une rentabilité financière faible en bas de cycle (du fait
de la nécessité de maintenir son capital constant pour pouvoir souscrire en phase haute).
Dans la pratique, assureur et réassureur doivent combiner entre ces deux stratégies. Un assureur adoptant une stratégie typiquement contracyclique devra veiller à rester présent sur le marché et donc à ne
pas trop réduire sa part de marché durant la phase de « soft market », de son côté un acteur ayant choisi
de s’aligner sur le marché devra au final résister à de trop fortes baisses tarifaires sous peine de voir
s’accroître son risque d’insolvabilité.
Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010
Le cycle de l’assurance non vie
Page: 57
Pour essayer d’illustrer et de quantifier l’intérêt d’une gestion active du cycle, nous étudions et comparons
à travers un exemple volontairement simple les répercussions financières de deux approches commerciales différentes. Nous considérons à titre d’hypothèses un assureur ayant une part de marché de 5%,
un phénomène cyclique sinusoïdal provoquant des résultats techniques variant de 24 unités (point haut
du cycle) à - 40 unités (point bas) au cours du cycle. Pour simplifier la démonstration nous faisons abstraction des résultats financiers. Nous comparons deux approches possibles pour dégager la stratégie la
plus prometteuse :

Une première stratégie passive qui consiste à maintenir sa part de marché constante à 5 % tout
au long du cycle ;

Une seconde approche qui vise à adapter sa part de marché en fonction des phases du cycle
tout en maintenant une part moyenne de 5% sur l’ensemble du cycle. Cette stratégie vise à accroître sa part de marché durant la phase profitable et à la réduire pendant la période de perte.
Nous considérons des ajustements de part de marché entre 2,5% et 7,5 % (cas théorique).
Le graphique suivant illustre les résultats obtenus pour chacune de ces stratégies.
2
Stratégie passive
1.5
Stratégie active
1
0.5
0
-0.5
-1
-1.5
-2
-2.5
La comparaison des deux courbes montre que de toute évidence la stratégie active menée dans le bon
timing s‘avère être la plus prometteuse (quantifiable par mesure d’aires).
Nous aurions pu montrer de la même manière qu’une stratégie active mais menée à contre-temps (réduction de la part de marché à 2.5% en phase haute et augmentation à 7.5 % en phase basse) aurait
conduit aux résultats les plus défavorables (pic à + 0.6 et creux à -3).
Cet exemple très « théorique », permet de donner une première idée de l’intérêt d’une gestion active du
cycle : assureurs et réassureurs peuvent tirer profit du cycle pour accroître leur profit en augmentant leur
part de marché pendant les périodes de hausse tarifaire et en la réduisant en phase de contraction. La
part de marché peut être réduite sur l’ensemble des branches, sur un segment d’activité donné (voir un
produit donné) et/ou sur une aire géographique donnée.
Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010
Le cycle de l’assurance non vie
Page: 58
4.2
Planification et suivi du cycle
Comme le montre l’exemple précédent, la mise en œuvre d’une gestion active des cycles en assurance
et en réassurance doit être bâtie sur deux éléments centraux :

Un suivi du cycle qui doit permettre de définir avec précision à quel point du cycle se trouve un
segment d’affaire donné

Une démarche stratégique adaptée dans le but d’analyser la situation sur un ou plusieurs segments d’affaires et de mettre au point les solutions spécifiques adaptées pour la phase considérée.
4.2.1
La planification
La mise en œuvre de la démarche de gestion du cycle doit faire l’objet d’une planification rigoureuse.
Cette mise en ouvre doit se faire à un triple échelon : au niveau de l’entreprise toute entière, au niveau de
la direction du marché concerné et au niveau opérationnel (souscription et/ou gestion de la clientèle).
Au niveau de l’entreprise, une stratégie de gestion du cycle efficace sous-entend des objectifs et des
grandes lignes claires pour pouvoir donner l’ impulsion aux opérationnels.
Nous retenons une structuration assez classique d’un plan marketing en décomposant le processus en
quatre phases principales (1/ diagnostic, 2/ décision stratégique, 3/ mise en œuvre, 4/ suivi et contrôle).
L’élaboration de ce plan peut être réalisée au niveau du siège d’une entreprise internationale ou localement au sein d’une filiale. Nous distinguons les concepts de stratégie (ensemble d’objectifs et de règles
de conduite) et de tactiques qui regroupent les moyens à mettre en œuvre pour atteindre les objectifs.
Les tactiques relèvent de décision contingente et doivent être adaptées à la phase du cycle.
.
Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010
Le cycle de l’assurance non vie
Page: 59
Processus de gestion du cycle en 4 phases
Phase 1
Diagnostic
Phase 2
Prise de charter
décisions
Project
stratégiques
1. Diagnostic interne et
externe : prix, marché,
concurrence, rentabilité
2. Détermination de la
situation actuelle des
cycles par segment /
marché / zone
géographique
3. Projection pour les
renouvellements des
années n et n+1.
1. Préparation des
choix stratégiques
2. Définition des axes
de développement
cibles
3. Définition des
objectifs de
croissance et de
rentabilité par
segment / marché
/ zone
géographique.
Phase 3
Elaboration des
tactiques
1. Elaboration des
tactiques (Marketing
mix)
2. Définition des
moyens nécessaires
3. Déterminer les outils
de suivi
Phase 4
Suivi et contrôle
1. Communication et
mise en oeuvre de
la stratégie.
2. Suivi et contrôle
régulier de la mise
en œuvre
3. Revue périodique
des résultats et
définition des
actions correctives
si nécessaire
Description des quatre phases du plan :
Phase 1 : Le but de cette première étape et d’aider à élaborer un diagnostic réaliste de la situation pour
identifier la position du (des) cycle(s) d’assurance par marché et/ou par région. Cette première phase de
doit notamment permettre :
 de procéder aux diagnostics interne et externe : conjoncture économique, suivi des évolutions
tarifaires et des résultats par branche, benchmark,....
 de présenter l’état du marché actuel ainsi que des prévisions de ses grandes tendances à court
terme. Ce bilan peut être global ou mené branche par branche voir par segment de clientèle. Il
peut de même être limité à un pays spécifique, ou s’intéresser à un marché mondial.
 d’établir des scénarios d’évolution des marchés à court et moyen termes.
 de procéder à l’évaluation des forces et faiblesses de la société dans cet environnement.
Phase 2 : Cette seconde phase correspond à la phase de décisions stratégiques. A partir de l’analyse
des forces et faiblesses identifiées de l’institution et de la connaissance précise des différents marchés et
différentes branches, cette phase doit permettre d’identifier les segments porteurs (c’est à dire ceux où
les conditions de souscription sont considérées satisfaisantes) et ceux plus problématiques. Des objectifs
chiffrés en termes de croissance ou de réduction de part de marché et de rentabilité peuvent ainsi être
formulés par marché et par zone géographique voire par type de Clientèle. Des stratégies de « stop and
go » peuvent également être décidées à ce stade pour certaines niches. Cette phase doit s’accompagner
d’une gestion efficace du capital de l’entreprise (allocation en fonction des segments) afin d’atteindre les
objectifs de rendement.
Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010
Le cycle de l’assurance non vie
Page: 60
Phase 3 : la troisième phase et consacrée à l’élaboration des tactiques. A ce stade sont décidées les
actions spécifiques à mettre en œuvre pour atteindre les objectifs fixés. Il s’agit de la présentation de
tactiques permettant d’atteindre les segments cibles choisis, et de réaliser les objectifs définis. Pour
chaque marché, la direction concernée propose à la Direction Générale une organisation du « marketing
mix » au niveau des politiques : produits, prix communication, distribution ainsi que les budgets qui doivent être alloués. A ce stade débute la phase opérationnelle (programmation et mise en œuvre des actions)
Phase 4 – mise en œuvre et suivi contrôle des résultats ou structures (allocation des ressources, suivi et
contrôle) ; Au cours de cette phase sont choisis les principaux clignotants nécessaires au contrôle du bon
fonctionnement de la planification. Ils permettent de suivre les réalisations du plan et d’entreprendre à
partir de l’analyse des écarts, d’éventuelles actions correctives.
Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010
Le cycle de l’assurance non vie
Page: 61
4.2.2
Le suivi du cycle
Le suivi du cycle constitue la première phase de la planification stratégique. Ce suivi poursuit un seul
objectif : déterminer avec précision la phase du cycle dans laquelle on se trouve (et non celle dans laquelle on croit se trouver...).
En économie, des indicateurs sont régulièrement publiés pour assister les économistes et les chefs
d’entreprises dans les évaluations de leurs estimations cycliques à court terme. L’Indicateur Composite
Avancé de l’OCDE est ainsi conçu pour signaler à l’avance les points de retournement (pics et creux) du
cycle économique. Les indicateurs composites avancés synthétisent les informations à caractère anticipatif contenues dans un certain nombre d'indicateurs à court terme connus pour présenter une corrélation
avec le PIB, mais avec un temps d'avance. Au vu de leur évolution, on peut donc se faire une idée de la
probabilité que se produise une expansion ou un ralentissement de l'activité économique dans les pays
ou groupes de pays considérés
Ces indicateurs sont complétés par des enquêtes de conjoncture qui apportent des informations qualitatives se fondant sur l'opinion des entreprises et des consommateurs concernant la situation économique
ou financière du moment (et son évolution immédiate). Les enquêtes de conjoncture portent sur un éventail de variables choisies pour leur aptitude à rendre compte de l'état de la conjoncture et fournissent des
informations sur des aspects que ne couvrent pas les statistiques quantitatives (opinions concernant la
situation économique générale par exemple).
Si la mise sur pied d’indicateurs composites permettant d’anticiper les points de retournement du cycle
de l’assurance apparaît hors de portée dans le cadre du présent document, nous pouvons retenir l’idée
de mise en place d’ « enquêtes de conjoncture » associant données quantitatives (suivi de l’évolution des
taux moyens par marché, de la sinistralité,...) et qualitatives (jugement d’experts,…).
Les Chapitres 2 et 3 nous ont permis d’identifier les principaux moteurs du cycle de l’assurance des
grands risques. Nous proposons de synthétiser sous forme de liste-guide ces informations qui pourront
être adaptées par branche et structurées sous forme d’enquêtes. Une mise à jour régulière (2 à 3 fois par
an) de ces informations et leur mise à disposition sous forme synthétique permettrait à un instant donné
d’identifier l’état actuel du cycle et de signaler à l’avance son évolution probable.
Cette approche doit être menée au plus près du « terrain » et donc intégrer les souscripteurs qui par
leurs connaissances des marchés, des intervenants (intermédiaires et concurrents), et leur proximité aux
clients demeurent des observateurs privilégiés de l’évolution du cycle.
Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010
Le cycle de l’assurance non vie
Page: 62
Critères d’appréciation de l’évolution du cycle d’assurance
a) Indicateurs financiers et économiques du marché
-
Indicateurs marchés financiers


-
Rendement des produits financiers (obligation, action, immobilier).
Analyse des perspectives des Agences de notation
Indicateurs économiques


Cycle économique : évolution du PIB,. indicateurs avancés Ocde.
Suivi de l’activité industrielle (IPI , nombre de défaillances d’entreprise ; …)
b) Le marché de l’assurance
-
Indicateur « Résultats »






-
Indicateur « Capacité »




-
Suivi de la rentabilité et de la solvabilité des réassureurs
Evolution des prix de la réassurance (traité et facultative), « ROL »: analyse des conditions de renouvellement (prix, termes et conditions)
Indicateurs « Intermédiaires »



-
Evolution de la capacité disponible sur le marché (cédantes et réassureurs)
Evolution de la sinistralité catastrophique (naturelle et technologique).
Evolution du marché du transfert alternatif de risques (ART) : « cat bonds »,….
Analyse du jeu des acteurs : Ex. nouveaux entrants, retrait de Compagnie, fusion et acquisition, politique de rachat d’actions, augmentation de capital, etc.
Indicateurs « Réassurance »


-
Suivi du niveau des tarifs de souscription des affaires nouvelles (par secteur d’activité,
par branche, par pays)
Suivi des budgets de défense des affaires en portefeuille
Evolution de la fréquence et du coût des sinistres sur le marché.
Suivi des sinistres graves (nombre et coût)
Suivi des taux de réalisation et des taux de rétention des affaires.
Rentabilité des opérations (S/C, ratio combiné, RoE).
Bilan activité– (Défense de leur portefeuille, prospection).
Réorganisation/fusion
Regroupement des cabinets de courtage : moins d’intermédiaires
Indicateurs « marché »






Tendance tarifaire du marché
Analyse des stratégies des concurrents : conditions de renouvellement des affaires en
portefeuille et « appétit » en affaires nouvelles, benchmark des nouveaux produits et services.
Suivi du nombre de saisines et de réalisations,
Suivi du taux de rétention des affaires
Existence de difficulté / échec de placement de certaines affaires
Suivi de l’efficacité des actions de surveillance portefeuille
Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010
Le cycle de l’assurance non vie
Page: 63
Exemple d’application d’enquête terrain : le « Cycle Survey » Münchener Rück
Pour anticiper les tendances des marchés, la Münchener Rück utilise un outil d’aide interne : Le « Cycle
Survey ». Deux fois par an, environ 300 experts issus de toutes les sociétés de réassurance sont interrogés sur l’état actuel du cycle et sur leurs anticipations. Ce « Cycle survey » permet à la Münchener Rück
de suivre toutes les grandes tendances et de donner un tableau précis de la situation des différents marchés et différentes branches.
Les résultats sont présentés sous forme de graphiques semblables à celui présenté ci-dessous qui
montre les estimations à un instant donné et reflète les prévisions de prix pour le portefeuille l’année
suivante.
Les personnes interrogées étaient par exemple d’avis que des hausses de prix seraient très probables
dans le secteur des catastrophes naturelles ; par contre, pour l’ensemble du secteur Dommages/RC,
elles ne s’attendaient pratiquement pas à des augmentations tarifaires. Les données de l’enquête peuvent en outre être analysées selon les marchés ou par région. Ce degré de précision supplémentaire
permet d’anticiper les différentes tendances non seulement dans chaque segment, mais aussi sur
chaque marché ou dans chaque zone géographique.
100%
80%
34%
38%
25%
30%
38%
60%
45%
40%
57%
49%
49%
47%
20%
9%
15%
30%
21%
13%
0%
DAB
RC
Hausse
Cat
Stable
Aviation
Baisse
Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010
Transport
Le cycle de l’assurance non vie
Page: 64
Des outils informatiques peuvent également contribuer à effectuer un suivi du cycle tarifaire. Certains
acteurs ont développé à cet effet des outils de pilotage leur donnant la possibilité de suivre régulièrement
l’évolution des tarifs de leur portefeuille d’affaires. A chaque date de renouvellement importante (1 er janvier et 1er juillet), l’évolution de la tendance tarifaire est ainsi analysée sur l’ensemble des polices arrivant
à échéance et les résultats synthétisés et communiqués selon la segmentation voulue (par zone géographique, par segment d’affaires voire par type de clientèles).
Cet outil permet de fournir au final un indicateur « prix » et son suivi dans le temps permet d’observer les
tendances sur les différents marchés et de détecter les évolutions par région voire au niveau mondial.
L’inconvénient de cette démarche réside dans le fait que l’observation se limite au seul portefeuille Client
(et non à l’intégralité du marché) ce qui présente un risque de biais statistique (biais lié à la politique de
souscription).
Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010
Le cycle de l’assurance non vie
Page: 65
4.3
Stratégies et tactiques
Cette partie s’intéresse à la stratégie à proprement parler associée au processus de gestion du cycle.
Nous discutons dans un premiers temps de la stratégie générale d’un acteur global diversifié et opérant
sur différents marchés (réassureur par exemple), puis nous déclinerons comment une gestion active du
cycle peut également être mise en œuvre sur un segment d’affaire donné au niveau local.
4.3.1
Approche globale
Au-delà des tendances générales, le cycle des taux de primes peut affecter certains marchés
géographiques ou certaines lignes de métiers de manière fragmentée et indépendante les uns des
autres. Les cycles peuvent ainsi apparaître selon la branche concernée en avance ou en retard de phase
par rapport à un cycle de référence et/ou d’amplitude plus ou moins marquée. A partir d’un suivi du cycle
rigoureux permettant d’anticiper les différentes tendances par segment d’affaires (Cf exemple cidessous), un réassureur peut être sélectif sur les mix produits/marchés choisis et orienter sa politique
commerciale en matière de tarifs et de conditions à un instant t donné.
Profitabilité
 USA
 Europe
 Asie




t
Cat
Dommages
Responsabilités
Spécialités
Temps
La gestion des cycles permet de surveiller l’ensemble d’un portefeuille pendant la phase de
renouvellement et d’orienter la politique commerciale.
Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010
Le cycle de l’assurance non vie
Page: 66
Les grandes lignes stratégiques d’un acteur diversifié au niveau mondial pourraient se résumer ainsi :

Privilégier les marchés où les conditions de souscription sont jugées satisfaisantes : suspendre
ou du moins réduire la souscription des branches considérées sous tarifées, à contrario, intensifier la souscription des branches en haut de cycle

Développer des niches géographiques ou par métiers, pérennes ou temporaires et souscrire de
manière contracyclique tout en réservant un traitement privilégié à ses clients fidèles

Veiller au maintien du savoir-faire des équipes sur les branches adoptant une politique de « stop
and go »

Enfin, allouer le capital de façon optimale.
Cette stratégie doit en effet s’accompagner d’une gestion souple du capital (capital qui conditionne le
volume des risques qu’un réassureur peut assumer). Pour atteindre ses objectifs de rendement, un
réassureur doit utiliser efficacement son capital et donc assurer son allocation en fonction des opportunités commerciales du moment (et à l’inverse restituer le capital dont il ne peut pas se servir de façon profitable dans l’un de ses secteurs d’activités). L’exemple ci-dessous montre comment un réassureur peut
suivre au final la bonne exécution de sa stratégie dans le temps : évolution progressive19 du portefeuille
avec augmentation des secteurs jugés profitables (RC dans notre exemple) et diminution dans les secteurs en bas de cycle (DAB et auto).
100%
80%
60%
40%
20%
4%
8%
8%
8%
7%
16%
16%
16%
17%
18%
18%
23%
21%
21%
25%
27%
32%
20%
33%
34%
33%
31%
30%
2005
2006
2007
2008
2009
18%
16%
0%
DAB
RC
Auto
Spécialités
19
Autre
Dans la pratique si des variations peuvent être rapides et marquées sur certaines branches (Ex branches spécialités par exemple) , les évolutions sont plus lentes sur les branches principales (P&C).
Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010
Le cycle de l’assurance non vie
Page: 67
4.3.2
Approche locale (assurance des risques d’entreprises)
La gestion du cycle peut être également menée pour un secteur d’activité donné dans une zone
géographique limitée. Nous nous intéressons de nouveau au marché des risques d’entreprises présenté
et analysé au chapitre 3 en nous plaçant dans la position d’un acteur sur ce segment souhaitant « battre
le marché » et tenter ainsi d’obtenir une meilleure rentabilité sur l’ensemble du cycle que ses
concurrents. La mise en œuvre des stratégies et tactiques pour atteindre cet objectif nécessite au
préalable une réflexion sur la segmentation du Marché et sur la Clientèle entreprise.
a/ La segmentation du Marché
Une réflexion sur le segment des risques d’entreprises passe en premier lieu par une analyse de la segmentation de ce marché. On rappelle la définition d’un segment stratégique : Ensemble de lignes de produits de même spécificité ou comportement. C’est un couple homogène Produit (technologie, coût,…) /
Marché (concurrence, clients, usage du produit,…).
Nous avons mentionné au chapitre 3 que le marché des entreprises se composait des grands comptes 20
et des PME. Le tableau à suivre illustre les principales différences entre ces deux types de Clientèles.
Type de clientèles
Interlocuteurs
Besoin –critères d’achat
PME
Grands comptes
DG ou Direction Financière
Risk Manager
Couverture
relativement
standardisée (polices multirisques)
- Programmes complexes
- Capacité importante nécessaire
- Mise en place de captives
Mode de distribution
Agence et Courtage (commission)
Méga-brokers (honoraires ou commission)
Concurrence, structure
Offre plutôt large (une vingtaine d’acteurs)
Peu d’acteurs (5-6 apériteurs potentiels de programmes internationaux).
Acteurs dédiés aux grands risques (Ex. Axa Corporate Solutions, Allianz Global Corporate & Specialty)
Frontières géographiques
Locale (extension possible
en LPS pour l’Europe)
Présence mondiale
Ce tableau atteste de la présence de deux segments stratégiques que l’on doit analyser différemment.
Nous retenons dans le cadre de notre analyse le marché national en nous focalisant sur le segment des
PME.
20
Chaque compagnie a ses propres critères pour classer les risques entre grands comptes et PME. Pour certaines,
c'est une question de chiffre d'affaires (au-dessus de plusieurs centaines de millions d’euros par exemple), pour
d'autres, une question de nombre de salariés (plus de 5.000), pour les courtiers, ce peut être le volume global de
commission sui scinde les activités
Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010
Le cycle de l’assurance non vie
Page: 68
b/ La segmentation des Clients
La mise en œuvre d’une stratégie implique une segmentation de la clientèle pour distinguer les segments profitables (les Clients cibles) des autres. Sans rentrer dans la définition d’une politique de souscription, nous abordons quelques grands principes assez classiques sur le marché des risques
d’entreprise.
Une première segmentation est souvent réalisée par les assureurs sur ce segment à partir de la famille à
laquelle le risque appartient. La « statistique commune professionnelle » via le traité des risques
d’entreprises (TRE) de la FFSA fournit une classification des risques industriels et commerciaux en ru21
briques . L’utilisation de ces rubriques permet pour un assureur de classer les activités par « dangerosité » et de procéder à un premier classement. On pourra ainsi partager les activités en trois classes : les
activités « standards » (secteurs plutôt rentables), les activités dites « sensibles» et les activités jugées
« lourdes » (secteurs traditionnellement plus difficiles à équilibrer).
Cette première segmentation est souvent complétée par une appréciation propre à la compagnie sur le
risque lui même. Cette appréciation est rendue possible à partir des audits de risques menés par les ingénieurs des compagnies dont l’objectif est de vérifier la politique de prévention des sinistres (risques
incendie, vol, bris de machines,…). Les risques peuvent ainsi être classés comme bon, satisfaisant voire
insuffisant selon le niveau de protection (les risques protégés par installation d’extinction automatique à
eau type sprinkler obtenant les meilleur classement) . Des systèmes de « rating » plus sophistiqués peuvent également être mis en œuvre pour évaluer le niveau potentiel des sinistres d’un client/prospect donné.
Au final, le croisement des éléments d’appréciation relatifs d’une part à la famille à laquelle le risque appartient et d’autre part à sa qualité intrinsèque permet une segmentation de la clientèle et la détermination les cibles de souscription (on pourra par exemple retenir comme cible les activités standards et celles
relevant des autres classes mais disposant d’un bon « rating » prévention/protection).
D’autres éléments de segmentation doivent également être pris en compte. On peut notamment citer :
l’importance du Client (montant de la cotisation et/ou nombre de contrats en portefeuille), l’ancienneté de
la relation et bien entendu la rentabilité Client (S/C sur plusieurs années). .
La réflexion sur la segmentation Clientèle doit également porter sur les apporteurs dont le rôle est prépondérant dans la conquête et la défense des affaires.
Les matrices classiques de segmentation marketing peuvent idéalement être utilisées dans cette optique.
La matrice suivante illustre ce concept en proposant une classification selon deux critères : l’intensité de
la relation et sa valeur pour la compagnie. Une telle analyse peut s’avérer utile pour définir les politiques
à mener en termes de fidélisation ou de conquête de clientèle.
21
Le Traité des risques d’entreprises version 2009 compte 124 rubriques
Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010
Le cycle de l’assurance non vie
Page: 69
Valeur
Client
2
+
4
-
Politique de
reconquête
du Client
Politique
de fidélisation
« Cross Selling »
« Up grading »
Politique d’abandon ou
de diminution des coûts
de gestion
Politique de gain de
productivité, de
rationalisation, …
-
1
3
+
Intensité de la Relation Client
Pour illustrer l’intérêt d’une telle analyse, nous proposons un exemple d’application en vue d’une segmentation des courtiers. Nous analysons et classons les cabinets de courtage selon les 2 critères :

intensité de la relation entre le cabinet et la compagnie (commerciaux, équipes de souscription)

« valeur Client » : valeur que nous associons dans le cas présent à l’importance du courtier sur le
segment des risques d’entreprises.
Cette classification permet de sérier les courtiers en 4 groupes.
Selon la phase du cycle considérée, les tactiques à mettre en œuvre vont concerner des groupes différents : en phase de redressement tarifaire , la volonté de croissance va conduire à essayer de reconquérir les apporteurs majeurs avec lesquelles la compagnie ne travaille pas ou plus (actions commerciales
ciblées spécifiques sur le groupe 2) alors qu’en bas de cycle, le plus faible « appétit » du risque conduira
la compagnie à se focaliser sur l’animation des courtiers partenaires (groupe 1). Cette approche sera
déclinée dans la partie consacrée à la mise en œuvre du Marketing mix.
Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010
Le cycle de l’assurance non vie
Page: 70
c/ Le Marketing Mix
Pour définir la stratégie et les tactiques à mettre en œuvre dans le cadre d’une gestion active du cycle,
nous retenons le concept simple du « Mix marketing » [17] définit par Kotler comme « l’ensemble des
outils dont l'entreprise dispose pour atteindre ses objectifs auprès du marché-cible ». Ce concept, fondé
sur la règle des « 4 P » (Product, Price, Place, Promotion), permet de choisir, (ou plutôt de combiner) les
paramètres de chacune de ces variables pour atteindre les objectifs fixés.
Produit
Prix
Marketing Mix
Place
Distribution
Promotion
Communication
Nous adaptons cette approche à la problématique des risques d’entreprises comme suit :
= > La politique Produit (produis/cibles/services)
Le terme produit est considéré au sens large. Derrière ce terme, nous comprenons : l’offre produit, la
politique de souscription, l’identification des cibles clients (Cf. segmentation précédente) et les offres de
services complémentaires (accompagnement / conseil en gestion des risques).
Concernant l’offre produit, nous distinguons les termes et conditions des polices : franchises, sous limitations, exclusions, type de couverture (police en périls dénommés ou police en « tous sauf »), les clauses
de fidélisation (participation au bénéfice, les stratégies concernant les engagements pluri annuels).
Enfin, La politique produit/cibles/services doit considérer des stratégies et initiatives tant en affaires nouvelles que pour les affaires déjà en portefeuille.
=> La politique tarifaire
Dans le domaine de l’assurance, le prix revêt une signification particulière : il correspond à la prime demandée pour la couverture accordée. La couverture est définie par :

la somme assurée (ou autre limitation au règlement du sinistre éventuel)

le niveau des franchises

un ensemble de conditions contractuelles qui définissent les événements assurés, les exclusions,
etc.
Les prix de l’assurance peuvent ainsi augmenter parce que les primes augmentent pour la même couverture ou parce que les conditions sont plus strictes pour une prime identique (ou pour ces deux raisons).
Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010
Le cycle de l’assurance non vie
Page: 71
Aujourd’hui, la politique de souscription est devenue assez homogène et a peu évolué en ce qui concerne l’offre produit. La mise en œuvre d’une stratégie tarifaire apparaît comme un élément déterminant.
La principale difficulté réside dans le fait que les décisions des assureurs ne peuvent pas trop diverger de
celles des autres concurrents : une éventuelle sur-tarification se paie non seulement par une moindre
progression du chiffre d'affaires, mais aussi par un risque accru d'anti-sélection.
La mise en œuvre d’une stratégie tarifaire adaptée doit donc intégrer :

une analyse de la concurrence (connaissance des conditions tarifaires et de l’agressivité commerciale des concurrents par segments d’activités)

une modélisation du comportement des Clients face aux variations de prix au moment du renouvellement (établissement de courbe d’élasticité des prix permettant de déterminer un taux de résiliation Client en fonction d’un pourcentage d’augmentation de taux de prime donné).
Fort
2
Moyen
Faible
Intensité concurrentielle
L’optimisation des prix peut nécessiter une nouvelle segmentation des Clients. Le schéma ci-dessous
montre une approche possible pour prendre en compte l’environnement concurrentiel. Cette segmentation utilise deux critères : l’intensité concurrentielle (intérêt du marché pour un segment d’affaire donné) et
le niveau de tarification d’un contrat par rapport au marché.
3
1
Faible
Moyen
Fort
Niveau tarifaire par rapport au marché
En identifiant les affaires relevant de chaque groupe, il est possible d’établir des tactiques (hausse ou
baisse de prix selon la phase du cycle considérée) pour réduire le risque de perdre des parts de marché.
A titre d’exemple, en phase de redressement tarifaire, les affaires en portefeuille relevant du groupe 1
(affaires peu recherchées sur le marché et plutôt sous-tarifées) pourront autoriser des augmentations de
prix sensibles sans trop de risque. Les possibilités d’augmenter les prix sur le groupe 2 (affaires de bonne
qualité correctement tarifées) sont, à l’opposé, plus réduites.
La démarche pourra idéalement être mise en œuvre en plusieurs phases par tests itératifs (démarche
d'abord limitée à une partie du portefeuille, puis étendue à davantage de secteurs d'activité). L'avantage
d'une approche progressive est de permettre de tester et d’ajuster la tactique en fonction des résultats
obtenus à chaque phase.
Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010
Le cycle de l’assurance non vie
Page: 72
=> La distribution
La politique de Distribution s’intéresse aux actions menées vis à vis des intermédiaires : Agents généraux
spécialisés et courtiers (échanges d’informations, politique de commissionnement, de fidélisation, .).
Cette approche qui intègre une analyse préalable (segmentation) doit intégrer :
 Les actions en termes de développement : démarche de prospection, recherche de segmentations
spécifiques (niche)..,
 Les actions menées pour défendre les affaires déjà en portefeuille
Nous rappelons les principales différences entre les deux circuits de distribution (« avantages et inconvénients » pour les assureurs).
Réseau d’Agents
Courtage
 Il n’y a pas de relation de dépendance entre
l’assureur et le courtier. Les courtiers représentent,
de façon opportuniste, les intérêts des preneurs
d’assurance. Ils peuvent par exemple vendre à
leurs clients, selon la phase du marché, la police
de l’assureur direct offrant la couverture
d’assurance la plus intéressante.

Les Agents sont « obligés », par contrat, de ne
vendre que les produits de leur société et doivent
se plier aux directives de souscription et
d’acceptation de leur assureur.

Dans les phases de marché « soft », ils ne peuvent
suivre la baisse des prix que dans la mesure où
leur société les y autorise. Il ne peuvent pas avoir
recours aux conditions d’autres fournisseurs et ont
donc du mal au niveau de la vente. Mais comme ils
ne peuvent pas, contrairement aux courtiers, se retirer d’une affaire, l’assureur peut mieux calculer
les risques du point de vue technique. Ceci a pourtant des limites : si une affaire est résiliée, le risque
est grand que la relation client soit perdue.

Les assureurs opérant avec un réseau d’Agents
peuvent plus facilement préparer l’arrivée d’une
nouvelle phase de redressement en prévoyant des
mesures d’assainissement et des augmentations
tarifaires car ils n’ont pas besoin de craindre que
l’affaire dans son ensemble leur soit retirée.
 Les assureurs peuvent également se comporter de
façon opportuniste vis-à-vis des courtiers , car ils
n’ont aucune obligation ou responsabilité envers
eux.
 Les courtiers, dont la politique de vente est de
promettre au client l’offre la plus intéressante plutôt
qu’une relation solide et à long terme avec un assureur, adopteront également un comportement
opportuniste lors des phases de remontée des prix
et chercheront la meilleure relation qualité-prix, en
changeant éventuellement de fournisseur.
Les stratégies à développer vis à vis de chacun des réseaux doivent intégrer les éléments de réflexion
présentés dans la partie b/ relative à la segmentation des Clients (conquête/ fidélisation).
Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010
Le cycle de l’assurance non vie
Page: 73
=> La politique de communication (promotion)
Cette politique se réfère à tous les aspects liés à la communication. Elle doit distinguer :

La communication interne en particulier en direction des équipes commerciales et de souscription/gestion dont l’adhésion est indispensable en vue d’une application rigoureuse de la stratégie : des objectifs clairs en termes de mix croissance /rentabilité doivent notamment être définis
en phase avec le cycle.

La communication vers les intermédiaires qui doit également être adaptée au cycle et être spécifique au réseau considéré (agents spécialisés / courtiers). Cette communication passe par la
simple lettre d’information adressée au réseau sur les conditions de renouvellement : Flash
d’information aux Courtiers et Agents sur les conditions de renouvellement, Argumentaire Client
pour les réseaux d’Agents pour défendre leur portefeuille en période de hausse) jusqu’à
l’organisation de « Road show » nationaux pour communiquer sur la stratégie du groupe auprès
des intermédiaires. Des remontées d’informations (réseau => Compagnie) doivent également
être organisées afin de suivre le marché et en particulier la stratégie des concurrents.

La communication vers les clients finaux afin d’éviter que la discipline de souscription adoptée
par la compagnie ne nuise à la relation Client.
d/ Mise en œuvre du marketing mix
Nous reprenons la modélisation retenue aux chapitres 2 et 3 en distinguant les quatre phases du cycle :
phase de redressement, phase de bénéfice, phase de croissance et phase de perte. Nous considérons
que chacune de ces phases dure entre 2 et 3 ans (les phases de fortes hausses étant empiriquement
plus courtes que les phases de baisse).
Le marketing mix défini précédemment par ses quatre politiques peut maintenant être utilisé pour chacune de ces quatre phases22. Les tableaux suivants détaillent un ensemble de tactiques pouvant être mis
en œuvre par phase. On peut résumer les tactiques présentées selon quelques grands principes :

Moduler l’appétit du risque en fonction du cycle : fuite vers la qualité en bas de cycle, maximiser
le développement durant la phase bénéficiaire.

Mettre en œuvre en œuvre une stratégie d’optimisation des prix différentiée à toutes les phases
du cycle : compromis prix/rétention

Surveillance et analyse continues de la stratégie des concurrents : segmentation, tarification

Préparer et lancer les opérations de conquête en phase de durcissement du cycle

Définir des objectifs clairs aux opérationnels : croissance versus rentabilité.

Veiller à la discipline de souscription

Adopter une politique de fidélisation des Clients différenciée selon la phase du cycle.
22
Nous distinguons les actions à mener en début de phase (année N) et celles à mener plutôt en fin de phase (N+1
ou N+2).
Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010
Le cycle de l’assurance non vie
Page : 74
Marketing Mix
Produits / cibles / services
 « flight to quality » positionnement sur les segments cibles
 Définir une politique de défense
du portefeuille privilégiant les
risques de qualité
Phase 1 :
Phase de pertes
Tendance du marché :
baisse puis stabilisation
des prix, rentabilité médiocre
 Actions de surveillance et nettoyage portefeuille pour se séparer des affaires déficitaires
 Proscrire les contrats pluriannuels
 Chercher à réduire le profil de
risque (usage opportuniste de la
coassurance et réassurance facultative pour limiter les engagements de la compagnie)
 Poursuivre le programme « stop
résiliation » initié phase 4.
 Contrôler par audits le bon respect de la discipline de souscription
Prix
Distribution
 Définir les « prix plancher »
selon la segmentation Clientèle
retenue (Affaire nouvelle et portefeuille)
 Maintien du lien commercial
avec le courtage : ne pas « sortir » du marché
 Négocier contrepartie à la
baisse des taux (franchises,
suivi plan de prévention)
 Tester l’élasticité des prix sur
les affaires en surveillance (affaires sinistrées)
 Rester vigilant sur les taux de
commissionnement
 Rester vigilant sur les demandes de modification des
termes et conditions des contrats (limites garanties,…).
Tracer les écarts et dérogations.
Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010
 Favoriser la fidélisation des
Clients rentables : vente additionnelle de garanties (cross
selling).
Communication et Qualité
Interne
 Communication des objectifs aux
souscripteurs :
Retenir plutôt que conquérir : se
focaliser sur la rentabilité.
 Indicateurs de performance : taux
de rétention des contrats, S/C
Externe
 Sécuriser en amont avec les
apporteurs le renouvellement
des comptes importants
 Communiquer aux réseaux les
cibles de souscription et expliquer
la nécessité de privilégier la rentabilité des opérations
 Echange régulier avec les intermédiaires sur les tendances Marché
(benchmark concurrence : segmentation, tarif).
 Insister auprès des Clients sur
l’importance de la poursuite des efforts de prévention durant cette
phase de « soft market ».
Le cycle de l’assurance non vie
Page : 75
Marketing Mix
Produits / cibles / services
 En affaires nouvelles, augmenter l’appétit prioritairement sur
les secteurs cibles
 Rechercher et analyser tout
nouveau segment /produit pour
préparation phase suivante
Phase 2 :
Phase de redressement
Tendance du marché :
Augmentation des prix ,
rentabilité moyenne
 Défense du portefeuille centrée
sur les risques de qualité (durée
de la relation , historique de sinistralité)
 Commencer à durcir les termes
et conditions pour les secteurs
moins rentables
 Limiter les contrats pluriannuels
Prix
Distribution
 Tester une augmentation des
conditions tarifaires selon la
segmentation retenue (prioritairement pour les segments traditionnellement moins rentables).
 Animation ciblée des réseaux
de distribution et recherche de
distributeurs positionnés sur des
contrats groupe de qualité
 Durcissement des négociations
sur les montants de garanties/
franchises
 Suivi des taux de primes en
affaires nouvelles pour analyse
tendance du marché
 Accroître la surface commerciale : rechercher de nouveaux
apporteurs entreprise (ouverture de codes courtiers)
 A partir de N+1 (pour application N+2 et N+3):
- initier une campagne de prospection auprès des PME :
« Cap –conquête » réseau
Agence
- Etablir une liste de prospects
ciblés (grands Clients) avec
les apporteurs partenaires réseau courtage.
Communication
Interne
 Communication des objectifs aux
souscripteurs :
Rentabilité ET objectif de croissance sur les segments cibles
 Préparer les équipes (commerciaux, souscripteurs) à la prochaines phase de croissance
Externe
 Communication aux réseaux de
Distribution de notre politique de
souscription
 Communication des conditions de
renouvellement aux réseaux (timing / contenu) selon benchmark
concurrence
 Rédaction argumentaire majoration
pour le réseau Agence (« aide à la
vente » des revalorisations tarifaires).
 Echange avec les intermédiaires
sur la stratégie des concurrents
Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010
Le cycle de l’assurance non vie
Page : 76
Marketing Mix
Produits / cibles / services
 S’intéresser à toutes les affaires correctement tarifées et
respectant les minima de prévention.
 Lancer nouveau segment
/produit identifié en phase 2
Phase 3 :
Phase de bénéfice
Tendance du marché :
Augmentation puis stabilisation des prix , rentabilité au plus haut
 Utiliser au max. les capacités
de souscription (réduire coassurance et réassurance facultative introduite phase 1)
Prix
 Rechercher à généraliser les
augmentations des taux et des
primes (différentiation selon la
segmentation Clientèle).
 Profiter du durcissement du marché pour revoir les commissionnements.
 Continuer l’analyse des
termes et conditions pour réduire l’exposition (revenir sur
les dérogations accordées
aux phases précédentes)
 Simplifier la politique de
souscription
 Favoriser les contrats pluriannuels avec les clients jugés rentables.
Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010
Distribution
Communication
 Amplifier la présence commerciale
auprès des apporteurs
Interne
 Raccourcir les délais de réponse
aux saisines des apporteurs
 Communication des objectifs aux
souscripteurs : Croissance
 Intensifier « Cap-conquête » en
Agence (concours / challenges
commerciaux)
 Indicateurs de performance :
évolution du CA
 Mener à bien les attaques ciblées
sur les comptes importants avec
le courtage
 Recherche systématique des opportunités d’affaires nouvelles en
co-assurance (démarche commerciale auprès du courtage)
Externe
 Communication aux Réseaux de
Distribution de la volonté de
croissance du groupe : « Road
Show » , salon,…
 Communiquer avec les clients
finaux importants (importance
de la relation long terme)
Le cycle de l’assurance non vie
Page : 77
Marketing Mix
Produits / cibles / services
 Affaires nouvelles, poursuivre la
conquête en recentrant progressivement vers les activités
cibles
Phase 4 :
Phase de concurrence
Tendance du marché :
Baisse des prix , rentabilité moyenne
 Poursuivre l’action nouveau
segment /produit initié phase 3
 Définir une politique de défense
selon la segmentation Clientèle
 Proroger les contrats pluriannuels (« roll-over ») pour les
Clients rentables
Prix
Distribution
 Définir les nouveaux « prix
plancher » selon la segmentation Clientèle retenue pour la
défense des affaires en portefeuille
 Maintenir la présence commerciale auprès des apporteurs
 Négocier contrepartie à la
baisse des taux : augmentation
des franchises, contractualisation des plans de prévention)
 Mettre en place avec les intermédiaires une procédure « stop
résiliation » pour accélérer les
contre-propositions compagnie
 Commencer à N+1/N+2 la revue du portefeuille en prévision
phase suivante (audits de
risques, analyse des écarts,…)
Christophe Gimond mba enass, Le cycle de l’assurance non vie - thèse professionnelle 2010
 Finaliser les actions de conquête menées durant les
phases précédentes
 N+1 : Définition avec les apporteurs d’une stratégie proactive
de sécurisation des affaires importantes.
 Fidélisation des clients : identifier avec les apporteur les opportunités type « Up-grading »
Communication
interne
 Communication des objectifs aux
souscripteurs :
Croissance dans la rentabilité
Externe
 Echange régulier avec les intermédiaires pour analyse de
l’importance de la tendance baissière du Marché
 Communiquer sur les cibles de
souscription
Le cycle de l’assurance non vie
Page: 78
5
CONCLUSION
Comment obtenir un succès durable dans l’assurance et la réassurance des grands risques ? En gérant
les cycles de façon active !
L’activité d’assurance est par sa nature même sujette à des fluctuations cycliques, fluctuations particulièrement marquées dans le domaine des grands risques où assurance et réassurance sont intimement
liées.
Les cycles de l’assurance sont, comme ceux de l’économie en général, imprécis : on leur reproche
d’ailleurs souvent de servir davantage à expliquer le passé qu'à prédire l'avenir. A défaut d'obtenir des
résultats fins, précis et détaillés, leur analyse permet toutefois de dégager des tendances, des grandes
options intéressantes et exploitables pouvant servir d’aide à la décision. La gestion des cycles et la stratégie que nous proposons de mettre en place s’inspire ainsi du parti pris par Jean Noël Kapferer qui stipule : « il vaut mieux une imperfection opérationnelle qu'une perfection qui ne l'est pas ».
Cette démarche nécessite une planification rigoureuse, une observation permanente des marchés
d’assurance et elle sous-entend la définition d’une stratégie et des objectifs clairs pour conjuguer croissance et rentabilité.
Elle nécessite également des outils et systèmes internes performants afin que le secteur assurantiel soit
en mesure de mieux réduire les décalages entre anticipation et réalisation et ainsi de gérer beaucoup
plus efficacement le cycle. Cela n’est pas réalisable sans discipline et la profitabilité des risques souscrits
constituent un des principaux impératifs de la démarche.
Plutôt que d’accepter le cycle de l'assurance comme une fatalité susceptible d’avoir un impact incontrôlable sur leurs affaires, les assureurs et réassureurs peuvent se doter d’une capacité à veiller sur les futurs possibles, à recueillir et interpréter des indices préfigurant des changements de tendance, à définir
des scénarios d'évolution, scénarios de continuité ou de rupture, à analyser l'interaction entre différents
facteurs qui influeront sur leur stratégie.
Voici quelques conseils pour « Vivre avec » le cycle. C'est à chacun de les étudier, de les expérimenter et
de retenir ce qui peut l'aider à surmonter ses difficultés en les adaptant à son propre marché.
Le cycle de l’assurance non vie
Page: 79
ANNEXES
1 LEXIQUE
2 BIBLIOGRAPHIE
3 EVOLUTION DU MARCHE DES RISQUES INDUSTRIELS
Le cycle de l’assurance non vie
Page: 80
LEXIQUE
ACCIDENT MAJEUR
Article 2 de l'arrêté du 10 mai 2000) un événement tel qu’une émission, un incendie ou une explosion
d’importance majeure résultant de développements incontrôlés survenus au cours de l’exploitation, entraînant pour la santé humaine ou pour l’environnement, à l’intérieur ou à l’extérieur de l’établissement,
un danger grave, immédiat ou différé, et faisant intervenir une ou plusieurs substances ou des préparations dangereuses
APÉRITEUR
Assureur principal et premier signataire d’une police d’assurance lors d’une co-assurance. C’est la société apéritrice qui définit les clauses et conditions de la police.
CAT BOND OU OBLIGATION CATASTROPHE
Il s’agit d’une obligation à haut rendement généralement émise par une compagnie d’assurance ou de
réassurance. Dans le cas où survient un sinistre prédéfini (tremblement de terre, raz de marée, ouragan,
etc.), le détenteur de l’obligation perd tout ou partie du nominal de l’obligation. Ce produit permet aux
compagnies d’assurance et surtout de réassurance de faire supporter par des tiers une partie des
risques liés à ces événements exceptionnels et donc réduire leurs risques.
CAPACITÉ DE SOUSCRIPTION
Montant maximal d’assurance ou de réassurance disponible pour couvrir des risques au niveau d’une
entreprise ou d’un marché en général. Pour un assureur, la capacité est généralement fonction des capitaux propres, du chiffre d’affaires, et des moyens complémentaires obtenus par la réassurance
CAPTIVE
Une captive d’assurance directe est une société filiale créée par l’entreprise, qui va jouer le rôle d’un
assureur traditionnel, en garantissant les risques uniquement supportés par l’entreprise. Elle perçoit des
primes de la holding et verse des indemnités en cas de sinistres, conformément au schéma classique de
l’assurance.
La captive de réassurance fait intervenir une opération de fronting. Les assurances de l’entreprise sont
gérées par une ou plusieurs compagnies d’assurance du marché qui se réassurent auprès de la compagnie captive de réassurance contrôlée par l’entreprise ou le groupe assurés.
Le compte captif (rent-a-captive) consiste en la location d’un « compte » auprès d’une compagnie
d’assurance possédant une captive subdivisée en compartiments. À l’instar d’un compte bancaire,
chaque compartiment représentatif d’un compte captif est indépendant. Le compte loué est affecté à
l’entreprise. Les primes versées sont affectées sur ce compte et les indemnités de sinistre y sont prélevées. C’est une solution beaucoup plus accessible, l’entreprise assurée n’ayant pas la charge de mettre
en place une structure spécifique et en supporter la gestion.
Les captives mutuelles sont des sociétés captives détenues par plusieurs entreprises (ou groupes),
n’ayant pas de lien entre elles mais présentant des caractéristiques communes : même secteur
d’activité, mêmes types de risques. La captive mutuelle crée une compensation financière primaire entre
ses membres qui leur sera profitable dans la mesure où les cotisations recueillies permettront de faire
face aux sinistres et ou la sinistralité globale reste inférieure à la moyenne
CYCLE DE SOUSCRIPTION
Schéma selon lequel les primes d’assurance et de réassurance de Dommages et de Responsabilité, les
bénéfices et la disponibilité de couverture augmentent et diminuent au cours du temps.
RATIO COMBINE
Le ratio combiné est la somme du ratio de sinistralité et du ratio de chargement. C'est donc le rapport
entre le total des charges (prestations, dotations aux provisions, frais généraux et commissions, et autres
charges techniques) et le total des primes encaissées. Le ratio combiné peut être calculé avant ou après
réassurance (brut ou net de réassurance)
RATIO SINISTRES À PRIMES (S/P)
Sommes des sinistres payés, des variations de provisions pour sinistres à payer et des frais de gestion
des sinistres rapportée aux primes acquises.
Le cycle de l’assurance non vie
Page: 81
PROVISION POUR EGALISATION
Provision pour égalisation constituée pour faire face aux évolutions de la sinistralité. Elle sert pour les
risques de nature catastrophique ou pour les contrats décès de groupe.
PROVISION POUR SINISTRES À PAYER
Provisions pour sinistres survenus mais non encore réglés. Elles font l’objet d’estimations par les cédantes qui les communiquent au réassureur.
RÉASSURANCE
Opération par laquelle un assureur s’assure lui-même auprès d’un tiers (le réassureur) pour une partie
ou la totalité des risques qu’il a garantis, moyennant le paiement d’une prime
SINISTRE MAXIMUM POSSIBLE (SMP)
Estimation maximale des pertes, en prenant en compte les cédantes et les limites des contrats, causées
par une catastrophe unique affectant une vaste zone géographique contiguë, comme un ouragan ou un
tremblement de terre d’une telle magnitude que l’on s’attend à ce qu’il ne survienne qu’une fois au cours
d’une période donnée, soit tous les 50, 100 ou 200 ans.
.
Le cycle de l’assurance non vie
Page: 82
BIBLIOGRAPHIE
[1]
[2]
[3]
[4]
[5]
[6]
[7]
[8]
[9]
[10]
[ 11]
[ 12]
[ 13]
[14 ]
[15 ]
[16 ]
[17 ]
[18 ]
GOLLIER « Dictionnaire de l’économie de l’assurance »
Revue Risque N°17
DOHERTY Neil A. et H.B. KANG, 1988, "Interest Rates and Insurance Price Cycles", Journal of
Banking and Finance, Vol. 12, pp. 199-215.
CUMMINS J. David et Jean-François OUTREVILLE, 1987, "An International Analysis of Underwriting Cycles in Property Liability Insurance," Journal of Risk and Insurance, Vol. 54, pp. 246-262.
CHEN Renbao, Kie-Ann WONG et Hong Chew LEE, 1999, "Underwriting Cycles in Asia", Journal
of Risk and Insurance, Vol. 66 n°1, pp. 29-47.
SWISS RE « Rentabilité de l’assurance non-vie : il est temps de se recentrer sur l’essentiel »
Etude Sigma n°5/2001
BRUNEAU SGHAIER, 2008, "Les cycles de souscription de l’assurance non vie en France ",
Working Paper 2008- 06 , Université Paris X- Nanterre.
OUTREVILLE Jean-François « L’existence d’un cycle en assurance IARD en France »
Revue Risques n°53 / Mars 2003
BLONDEAU Céline, 2001, "Evolution de l'assurance en France et cyclicité des résultats en assurances de dommages", Thèse de doctorat, Université de Lille 2.
LUZI Michel « Assurance IARD Interprétation des chiffres »
Economica
GRON, Anne. 1994. Capacity Constraints in Property-Casualty Insurance Markets, Rand Journal
of Economics 25 (1): 110-127
SWISS RE «Les marchés des capitaux, source d'innovation pour le secteur de l'assurance »,
Sigma no 3-2001
BELLOT «Qu’est ce que la sinistralité de mauvaise conjoncture»,
Risques, Mars 2009
SWISS RE « l’assurance non vie dans le monde à l’heure d’une pénurie de capacité»
Etude Sigma n°4/2002
HARRINGTON Scott E., 2000, "Les cycles de l'assurance vont-il disparaître ?",
Risques, n°41, Mars, pp.63-66.
SWISS RE « measuring underwriting profitability of the non-life insurance industry»
Etude Sigma n°3/2006
FLORIN Pierre, 2000, "Y aura t’il des cycles au XXIème sièce ?",
Risques, n°41, Mars
BADOC Michel, « L’essentiel du marketing bancaire et de l’assurance »",
Revue Banque Edition
HARRINGTON Scott E. et Patricia M. DANZON, 1994, "Price Cutting in Property-Liability Insurance", Journal of Business, Vol. 67, pp. 511-538.
[19 ] LLOYD’S 1997, " Annual underwriter survey “
February 2007 .
[20 ] MARKHAM Fiona Jean, " An investigation into underwriting cycles in the South African short term
insurance market for the period 1975 to 2006 “
University of the Witwatersrand, research report 2006.
[21 ] MEIER U. OUTREVILLE JF, " The reinsurance price and the insurance cycle “
30th seminar of the European Group of EGRIE, Sept 15-17 2003 .
Le cycle de l’assurance non vie
Page: 83
ANNEXE 3 : Evolution du marché des risques industriels (Source FFSA)
-
Ratio combiné
-
Ratio sinistres à primes
-
Evolution du taux moyen (Primes acquises / capitaux assurés)
-
Evolution du taux de prime pure (Indemnités / Capitaux assurés)
Le cycle de l’assurance non vie
Page: 84
Ratio Combiné
160%
154%
140%
132%
123%
120%
101%
100%
96%
91%
95%
80%
77%
80%
71%
60%
54%
40%
1994
140%
1996
1998
2000
2002
2004
2006
Ratio Sinistres / Primes
120%
100%
80%
60%
40%
20%
0%
1970
1975
1980
1985
1990
1995
2000
2005
2010
Le cycle de l’assurance non vie
Page: 85
14.0%
Evolution du Taux moyen (en %)
12.0%
10.0%
8.0%
6.0%
4.0%
2.0%
0.0%
1991
-2.0%
1993
1995
1997
1999
2001
2003
2005
2007
-4.0%
-6.0%
-8.0%
TPP (en °/°°)
Evolution du taux de prime pure
1.4
1.2
1.0
0.8
0.6
0.4
0.2
1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005
Le cycle de l’assurance non vie
Page: 86
Année Faits marquants
Evol.
Cac 40
Evolution
cotisation
marché RI
1998
1999
2000
- Tempête
Lothar et Martin
Commentaires
Après avoir enregistré un recul sans précédent de 6 % de ses encaissements en 1997, le marché de l'assurance incendie des
risques d'entreprises voit de nouveau ses primes diminuer de 4 % en 1998. Le recul des cotisations provient uniquement de la
baisse des tarifs appliqués par le marché ; la pression tarifaire s'est même accentuée puisque le taux moyen global (toutes
garanties confondues) est en recul de 4,6 % en 1998 après avoir diminué de 3,5 % en 1997. Le montant des primes s'établit à
un niveau inférieur à celui de 1994. Malgré cette forte baisse des tarifs, le recul des primes a été moins marqué qu'en 1997 du
fait d'un environnement économique mieux orienté (l'investissement a progressé de 6 % en 1998 alors qu'il stagnait en 1997).
+ 37,31 %
- 4.0%
+ 51,12 %
-5.0%
La diminution des cotisations d’assurance des risques incendie d’entreprises initiée en 1997 se poursuit en 1999 à un rythme
soutenu (- 5 %). Cette nouvelle baisse des primes ramène le montant des encaissements pour 1999 au niveau de 1993. Le
recul des cotisations traduit une concurrence toujours aussi virulente sur les tarifs appliqués. En effet, cette baisse se poursuit
alors même que le contexte économique a été très favorable en 1999 (comme l’investissement qui a progressé de 7 %).
- 0,54 %
4.0%
Après trois années consécutives de forte baisse des encaissements, la branche incendie des risques d’entreprises renoue avec
la croissance en 2000 avec des cotisations en hausse de 3 % par rapport à 1999. Cette augmentation de prime a été favorisée
par un contexte économique porteur (l’investissement a progressé de 6.2 %) et une progression plus marquée de l’indice RI. Le
coût considérable des tempêtes de décembre 1999 auquel s’ajoute le renchérissement du prix de la réassurance, ont contribué
à stopper la spirale déflationniste ; les tarifs appliqués par le marché ayant été globalement stables en 2000
Le cycle de l’assurance non vie
Page: 87
Année Faits marquants
2001
- Attentats WTC et
explosion AZF
Evol.
Cac 40
Evolution
cotisation
marché RI
- 21,97 %
8.5%
- Faillite Independant
Commentaires
Après trois années successives de baisse marquée des encaissements du marché de l'assurance incendie des grands
risques d'entreprises, la croissance des cotisations déjà amorcée en 2000 s’accélère en 2001 (+ 8,9%). Une autre évolution marquante de l’exercice 2001 est constituée par l’augmentation du taux moyen global dont le niveau avait reculé de
près de 15 % entre 1997 et 1999. Le coût considérable des tempêtes de décembre 1999, auquel s'ajoute le renchérissement du coût de la réassurance, ont contribué à stopper la spirale déflationniste.
L'évolution est contrastée suivant les sociétés : alors qu’en 2000 les plus fortes croissances avaient été observées sur les
compagnies de taille moyenne, en 2001 la croissance des cotisations augmente avec la taille de la société. Pour les plus
importantes l’évolution des cotisations* est en moyenne supérieure à 10%. *Source : enquête de conjoncture, cotisations
dommages aux biens des professionnels hors ACPS
Cette augmentation des primes intervient dans un contexte économique moins favorable qu’en 2000. En effet, la progression de l'investissement s'est ralentie (3,3% en 2001 contre 7,1 % en volume en 2000) tandis que les défaillances d'entreprises ont continué de reculer mais à un rythme moins soutenu (-1.4% en 2001 contre -10% en 2000).
2002
- Mise en place du
Gareat
- Royal & Sun Alliance se retire du
marché
- 33,75 %
25.0%
En 2002, la branche d’incendie des risques industriels enregistre une forte progression de ses cotisations qui s’établit à 25
% soit près de trois fois celle enregistrée sur l’exercice précédent. Cette augmentation intervient dans un contexte économique moins favorable qu’en 2001 : l’investissement a reculé de près de 3 % en 2002 (en volume) et les défaillances
d’entreprises sont reparties à la hausse après plusieurs années de recul. Quant à la progression de l’indice RI, elle a été
deux fois moins élevée sur 2002 qu’en 2001. De fait la forte croissance des primes enregistrée en 2002 résulte pour
l’essentiel de l’évolution du taux moyen, les sociétés ayant dû augmenter leur tarif pour faire face à la hausse du coût de
la réassurance.
Le dispositif GAREAT, mis en place à la suite des événements du 11/09/01 pour garantir le risque attentat, a encaissé en
2002 près de 200M€ de cotisations principalement issues des grands risques industriels. Hors GAREAT), la croissance
des cotisations se serait établie autour de 10 % en 2002 soit un niveau comparable à ce lui de 2001 (+ 8.5 %).
Le cycle de l’assurance non vie
Page: 88
Année Faits marquants
2003
- Fac au hausse tarifaire, les industriels
étudient la mise sur
pied de leur propre
mutuelle
2004
Evol.
Cac 40
Evolution
cotisation
marché RI
+ 16,12 %
12.0%
+ 7,40 %
3.0%
La progression des cotisations ralentit en 2004, essentiellement du fait de l’assurance des risques industriels dont le taux
de croissance diminue de + 12% en 2003 à + 3,0 % en 2004. La faible croissance des primes observée en 2004 semble
marquer la fin du cycle haussier de la branche. En effet, après trois années consécutives de sinistralité clémente, le retour
des pressions tarifaires observées sur ce marché entraîne une contraction du chiffre d’affaires pour 2005
Commentaires
Bien qu'en retrait par rapport à l'exercice précédent, la croissance des cotisations de la branche d'assurance des risques
industriels reste très soutenue en 2003 puisqu'elle se situe entre 15 et 20%. Par ailleurs, cette augmentation intervient
dans un contexte économique défavorable avec un investissement en recul de près de 2 % en 2003 (en volume) et des
défaillances d'entreprises qui progressent de plus de 10%. La progression de l'indice RI a été légèrement plus soutenue
en 2003 qu'en 2002. De fait, la forte croissance des primes enregistrée en 2003 résulte pour l'essentiel de l'évolution du
taux moyen, les sociétés ayant dû augmenter leurs tarifs pour faire face à la hausse du coût de la réassurance et au financement du GAREAT
2005
- 29/08 Katrina & Co
(catastrophe la plus
coûteuse de
l’histoire)
+ 23,40 %
-4.0%
Après avoir fortement ralentie sur l’exercice précédent, la croissance des cotisations de la branche d'assurance des
risques d’entreprises redevient négative en 2005 pour s’établir à - 4 %. Ce recul des cotisations s’observe alors même que
la progression de l'indice RI a été nettement plus soutenue en 2005 qu'en 2004, du fait de l’augmentation du prix des
matières premières. Il résulte de la vive concurrence que l’on constate à nouveau sur ce marché, après plusieurs années
de sinistralité clémente
2006
- Sinistralité clémente
- Royal & Sun Alliance, de retour sur
le marché
+ 17,53 %
-3.0%
Après un premier recul des cotisations durant l’exercice précédent, 2006 se traduit pour la branche d'assurance des
risques d’entreprises par une nouvelle baisse de -3% alors que l'indice RI progresse de 3,4% sur l’année. La spirale baissière se poursuit tant la course aux parts de marché est vive.
Le cycle de l’assurance non vie
Page: 89
Année Faits marquants
2007
- La crise des subprimes éclate
- Sinistralité exceptionnellement basse
2008
- La conjoncture économique se détériore
- La sinistralité repart
à la hausse
- Difficulté d’AIG
- Fortis se lance en
France dans l'assurance des risques
industriels
Evol.
Cac 40
Evolution
cotisation
marché RI
+ 1,32 %
-1.0%
La diminution des cotisations d’assurance des risques incendie d’entreprises initiée en 2005 se poursuit en 2007 à un
rythme soutenu (- 1 % alors que l’indice RI progresse de 5,8 % ). Cette nouvelle baisse des primes ramène le montant
des encaissements pour 2007 au niveau de 1999. Le recul des cotisations traduit une concurrence toujours aussi virulente
sur les tarifs appliqués.
0.0%
Le chiffre d’affaires de la branche d'assurance des risques d’entreprises est stable en 2008 après trois années consécutives de recul. Cette stagnation des cotisations s’observe alors même que l'indice RI progresse de 3,6 %. Elle résulte de la
concurrence que l’on constate sur ce marché après plusieurs années de sinistralité clémente
- 42,68 %
Commentaires
Thèse professionnelle
soutenue en mars 2010
MBA
Manager d’entreprise
d’assurance
pour l’obtention du
Sous la direction de :
Alain DEBEAUMARCHÉ
Président du Jury :
François EWALD
Une école est un lieu de production et de diffusion de connaissances.
L’Ecole nationale d’assurances s’organise pour répondre le mieux possible à cette mission en
direction de ses élèves d’abord, mais aussi de la profession de l’assurance et de ses partenaires :
• les « séminaires innovation » animés par les auditeurs du Centre des Hautes Etudes
d’Assurance (CHEA), permettent aux professionnels de suivre les grandes innovations en assurance telles
qu’on peut les observer à l’étranger ;
• les « dialogues de l’Enass » éclairent l’actualité par le débat avec une personnalité remarquable ;
• « les travaux de l’Enass », que nous lançons aujourd’hui, sont destinés à faire bénéficier la
profession des travaux menés au sein de l’Enass par ses professeurs et ses élèves, à tous les
niveaux, dans la mesure où les jurys qui les ont évalués ont noté leur qualité et leur originalité. Ces
travaux vous seront adressés par Internet, certains d’entre eux pouvant faire l’objet d’un tirage sur
papier ou même, être édités.
Nous souhaitons que toutes ces initiatives vous soient profitables.
François Ewald
Directeur de l’Ecole nationale d’assurances
Téléchargement