aspects cliniques et épidémiologiques des infections à virus

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ATTOH- TOURÉ H. & al. : Aspects cliniques et épidémiologiques des infections à virus... pp. x-x.
POUR-BAT
Cah. Santé Publique, Vol. 7, n°1- 2008
© EDUCI 2008
Article original
ASPECTS CLINIQUES ET ÉPIDÉMIOLOGIQUES DES
INFECTIONS À VIRUS CHIKUNGUNYA DANS L’OUEST
FORESTIER DE LA CÔTE D’IVOIRE
RÉSUMÉ
L’infection au virus Chikungunya est peu connue dans le
monde s’expliquant par une symptomatologie non-spéci que
rendant le diagnostic clinique dif cile et par la rareté des
laboratoires spécialisés. En Côte d’Ivoire, les données sur cette
maladie sont insuf santes. Il nous est donc apparu opportun
de rechercher son existence dans une zone favorable, l’ouest
du pays et de nous intéresser à ses caractéristiques cliniques
et épidémiologiques.
Une étude descriptive transversale a été effectuée sur une
période de 8 mois subdivisée en quatre sous périodes couvrant
les saisons de la zone. Pendant un mois, au cours de chaque
sous période, la èvre a été recherchée dans une cohorte de
6082 personnes. Tous les sujets fébriles ont été interrogés sur
leur symptomatologie puis prélevés pour rechercher les IgM
anti Chikungunya. La prévalence de la maladie a été estimée
ainsi que la sensibilité et la spéci cité.
La prévalence des infections à virus Chikungunya était de
6,1 pour 1000 habitants. Chez les sujets fébriles, la fréquence
était de 9,5 % chez les femmes et de 10,3 % chez les hommes ;
ces taux ne sont pas signi cativement différents. On a observé
une recrudescence des cas de Chikungunya pendant la saison
des pluies. Les infections à virus Chikungunya étaient isolées
(46 %) et rarement associées à un accès palustre (13,5 %).
Aucun signe hémorragique n’a été retrouvé associé à l’infection
à virus Chikungunya. Les céphalées et les myalgies avaient
une sensibilité de 93,5 % et 81,5 % mais avec de faibles
spéci cité et valeurs prédictive positives de 42 %. Le virus
Chikungunya circule en Côte d’Ivoire. Devant l’absence de
signes cliniques spéci que pour un diagnostic facile et rapide,
il faut poursuivre la recherche symptomatique concernant
ces infections, en vue de mettre à la disposition des agents de
santé une dé nition standardisée pouvant permettre d’évoquer
le diagnostic ou tout au moins de le suspecter.
Mots-clés : Clinique, épidémiologie, infection, virus
Chikungunya, Côte d’Ivoire
Auteurs
ATTOH- TOURÉ H.,
EKRA KD.,
COULIBALY A.,
BÉNIÉ BVJ.,
AKA LN.,
TIEMBRE I.,
DOUBA A.,
TAGLIANTE- SARACINO J.
Services
Département de Santé
Publique de l’Unité de
Formation et de Recherche
Sciences Médicales de
l’Université de Cocody,
Abidjan, Côte d’Ivoire
BP V 166 Abidjan, Côte
d’Ivoire
Correspondance
Attoh-Touré Harvey Nick
06 BP 2371 Abidjan 06
Tél : 225 07 19 78 28 /
06 73 71 48
E-mail : harveyattohtoure@
yahoo.fr
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SUMMARY
Chikungunya virus infection is unknown in the world explained by non-speci c symptoms
making clinical diagnosis dif cult and the scarcity of specialized laboratories. In Cote
d’Ivoire, few data are available. It therefore appeared appropriate to us to search for its
existence in a favourable area, west part of the country and also to take into account its
clinical and epidemiological characteristics.
A transverse descriptive survey was conducted over a period of 8 months subdivided
into four periods covering the seasons of the area. For a month, during each period, the
fever was found in a cohort of 6082 people. All feverish subjects were interviewed about
their symptoms and then taken to search for IgM against Chikungunya virus. The rate of
the illness has been estimated as well as the sensitivity and the speci city.
The rate of fever was 6, 1 for 1000 inhabitants. In the febrile subjects, the frequency was
9.5% among women and 10.3 % in men ; these rates are not signi cantly different. There
has been a resurgence of cases of Chikungunya during the rainy season. Chikungunya
virus infection was isolated (46 %) and rarely associated with malaria (13.5 %). No signs of
bleeding were found associated with Chikungunya. Headache and myalgia had sensitivity
of 93.5 % and 81.5 % but with low speci city and positive predictive values of 42 %.
Chikungunya virus circulates in Cote d’Ivoire. With absence of speci c clinical signs for
an easy and fast diagnosis, it’s necessary to pursue the symptomatic research, in order
to inform health agents about standardized de nition which could allow the diagnosis or
at least to suspect it.
Key words : Clinic, epidemiological, infection, Chikungunya virus, Côte d’Ivoire
INTRODUCTION
Peu connu dans le monde, le virus Chikungunya a été isolé pour la première fois en
1952 en Tanzanie selon Fattorusso. Depuis lors, ce virus a été souvent isolé chez l’homme
et les moustiques (vecteur de la maladie) pendant des épidémies survenues en Asie et en
Afrique, notamment au Sénégal en 1996-1997 [Digoutte, 1980]. Plus récemment d’autres
épidémies ont sévit dans l’île de la Réunion avec 263 000 cas et 232 décès [Catteau, 2005].
Cette affection est toujours présente et son impact socio- économique reste important. La
méconnaissance de cette maladie dans les pays en développement pourrait s’expliquer
par une symptomatologie non spéci que rendant le diagnostic clinique dif cile et par la
rareté des laboratoires spécialisés.
La èvre due au virus Chikungunya est confondue à d’autres affections bactériennes,
virales ou parasitaires telles que le paludisme [Gazin, 1986]. Le risque épidémique
est élevé devant l’absence de surveillance sérologique, entomologique et les dif cultés
d’identi cation clinique et biologique de la maladie.
En Côte d’Ivoire, il existe peu de données sur les infections à virus Chikungunya alors
que le climat est propice au développement de cette maladie. En pratique courante, elle
n’est pas recherchées bien que de nombreux cas de èvres restent d’étiologie inconnue
et souvent attribués à du paludisme sans parasitémie ou plutôt à une salmonellose. La
présente étude visait à montrer l’existence de cette affection dans l’ouest forestier de la
Côte d’Ivoire. Il s’agit d’une zone réunissant les conditions écologiques et climatiques
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favorables au développement du vecteur responsable de la transmission de la maladie
à l’homme. L’étude visait également à déterminer les caractéristiques cliniques et
épidémiologiques qui pourraient aider si elles sont bien connues à identi er rapidement
le virus Chikungunya.
L’objectif général de cette étude était de décrire les caractéristiques cliniques et
épidémiologiques des infections à virus Chikungunya dans l’Ouest forestier de la Côte
d’Ivoire.
Les objectifs spéci ques visaient quant à eux à :
1- Déterminer la prévalence de l’infection à virus Chikungunya dans cette région,
2- Identi er les caractéristiques socio- démographiques des personnes atteintes,
3- Décrire les principaux signes cliniques des infections à virus Chikungunya.
MATÉRIEL ET MÉTHODES
1- Cadre d’étude
L’étude s’était déroulée dans les départements de Danané et de Guiglo situés dans
l’Ouest forestier de la Côte d’Ivoire à 500 km de la capitale économique Abidjan. La
végétation est faite d’une forêt dense humide avec de vastes zones de déforestation
dues essentiellement aux exploitations forestières, à la culture du riz, du cacao et du
café. Le climat est tropical avec une saison pluvieuse de Mars à Octobre (8 mois) suivie
d’une saison sèche de Novembre à Février. La pluviométrie annuelle est de 2000 mm et
la température oscille entre 24 et 26°C. La région de l’ouest est parcouru par plusieurs
cours d’eau dont les plus importants sont le euve Cavally et le N’Zo un af uent du
euve Sassandra.
2- Type et période d’étude
Il s’agissait d’une étude descriptive transversale qui s’était déroulée sur une période
de 8 mois allant de Mai à Décembre 1998. Pour tenir compte des variations saisonnières
dans la zone d’étude, l’enquête s’était déroulée sur 4 sous-périodes d’un mois chacune.
La première sous-période (P1) allait du 19 mai au 18 juin et se trouvait en pleine saison
des pluies ; la deuxième sous-période (P2), du 13 août au 12 septembre, correspondait
à la n de saison des pluies ;
la troisième sous-période (P3), du 25 septembre au 27 octobre correspondait au début
de la saison sèche et la quatrième sous-période (P4), du 04 novembre au 03 décembre se
trouvait en pleine saison sèche. Une cohorte de sujets était constituée dans chaque village
au début de l’enquête et était observée lors des périodes d’enquête sus mentionnées.
3- Population d’étude
Notre étude a concerné les personnes vivant dans les départements de Danané et
Guiglo. Etaient inclus dans l’étude après consentement éclairé toute personne vivant dans
les dits départements et qui af rmait y demeurer durant toute la période de l’étude.
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4- Taille de l’échantillon et échantillonnage
L’enquête s’est déroulée dans 21 villages choisis par commodité en tenant compte de
l’accessibilité en toute saison et de l’existence d’un poste de santé. La taille de l’échantillon
était de 6 082 personnes, estimée avec un risque d’erreur de 5 % (écart réduit de 1,96),
une fréquence attendues de 50 % et une précision de 1,25 %. Les sujets de l’enquête ont
été répartis entre les villages proportionnellement à leur taille. Puis à l’intérieur de chaque
village, les personnes ont été sélectionnées de façon aléatoire à l’intérieur des familles.
Le nombre de personnes tirées par famille était proportionnel à la taille de celle-ci. Une
cohorte de sujets était ainsi constituée dans chaque village au début de l’enquête.
5- Variables et collecte des données
A chaque sous-période, un médecin-enquêteur séjournait dans chaque village et
recherchait durant un mois tous les individus de la cohorte présentant une èvre ou un
épisode de èvre de moins de 48 heures. Tous les sujets fébriles ont été examinés, et
l’interrogatoire a recherché des signes évocateurs comme les céphalées, les myalgies et
les arthralgies. La recherche d’IgM anti-chikungunya s’est faite par la technique ELISA à
l’Unité d’Arbovirologie de l’Institut de Médecine Tropicale de Santé des Armées de Marseille
et tous les patients ont béné cié d’une goutte épaisse pour le diagnostic différentiel avec
le paludisme. Les examens sérologiques ont été effectués selon la technique MAC-ELISA
adaptée à celle décrite pour le diagnostic des Flavivirus selon les étapes suivantes :
- Sensibilisation d’une microplaque par une anti-IgM humaine
- Capture des IgM
- Dépôt des antigènes suivant le plan de plaque (antigène DENGUE et CHIK)
- Dépôt des anticorps monoclonaux (IgG) anti- DENGUE et anti- CHIK
- Dépôt d’anti-IgG de souris conjuguée à la peroxydase
- Dépôt de substrat de développement TMB
- Lecture au lecteur de plaque (OPTIMAX) à la longueur d’onde 540 nanomètres
6- Analyse des données
L’analyse des données a constitué à l’estimation de la prévalence de l’infection à virus
Chikungunya sur la période de l’étude et à la détermination de la fréquence des signes et
symptômes ainsi que leur sensibilité, spéci cité et valeurs prédictives. Le traitement des
données s’est effectué avec le logiciel EPI- INFO 6.04, pour la comparaison des proportions
nous avons utilisé le test Chi- deux.
RÉSULTATS
1- Epidémiologie de l’infection à virus Chikungunya
Durant les quatre sous-périodes d’observation, 373 sujets atteints de èvre ont été
enregistrés sur 6082 personnes examinées soit une fréquence de 6,1%. L’infection à
virus Chikungunya a été diagnostiqué chez 37 sujets soit une fréquence de 9,9 % parmi
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les affections fébriles. Sur l’ensemble de l’échantillon, la prévalence de l’infection à virus
Chikungunya était de 6,1 pour 1000 habitants sur la période de l’étude (tableau I).
Tableaux I : Prévalence des infections à virus Chikungunya, ouest de la Côte d’Ivoire,
mai à décembre 1998
table 1: Prevalence of Chikungunya infections, western Ivory Coast, from May to
December 1998
Effectif patients
fébriles
Fréquence des
affections fébriles (%)
Prévalence pour
1000 hab.
(n=6082)
Infection à virus Chikungunya 37 9,9 6,1
Fièvre d’étiologie connue autre
que Chikungunya 194 52,0 31,9
Fièvre de cause indéterminée 142 38,1 23,3
Total 373 100 61,3
Dans 46% des cas l’infection à virus Chikungunya était isolée. Elle était associée à
un accès palustre dans 13,6% des cas et à d’autres affections fébriles dans 40,5% des
cas. 50,7% des affections fébriles ont été enregistrées chez les femmes et 49,3% chez les
hommes. La fréquence des cas d’infection à virus Chikungunya selon le sexe et parmi
les affections fébriles était de 9,5% chez les femmes et de 10,3 % chez les hommes. Ces
taux n’étaient pas signi cativement différents. Chez les sujets fébriles, les fréquences des
infections à virus Chikungunya par tranche d’âge étaient signi cativement différentes
(p<10-2) comme le montre le tableau II.
Tableau II : Fréquence des infections à virus Chikungunya dans les affections fébriles
en fonction de l’âge
Table 2 : Frequency of Chikungunya infections among feverish affections according
to age
Test ELISA
Tranches d’âge
Total
0 – 9 ans 10 -19 20
N % N%N%N%
POSITIF 13 5,8 5 12,2 19 17,6 37 9,9
Négatif 211 94,2 36 87,8 89 82,4 336 90,1
Total 224 100 41 100 108 100 373 100
Chi carré = 11,6 p<10-2
L’étude selon les périodes montre que la fréquence de l’infection était plus élevée pendant
la première période de l’étude qui correspondait à la saison des pluies (tableau III).
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