médicaux et des maladies chroniques des patients. En effet, les cas les plus sévères de
Chikungunya sont plus fréquents chez des patients âgés et fragilisés par d’autres
pathologies préexistantes (cardiaques, rénales et hépatiques…). Comment alors trouver
le virus dans l’organisme, caractériser ses interactions avec les cellules de l’hôte dans
leur contexte tissulaire, comprendre les mécanismes de défense que l’individu met
naturellement en place et discriminer les atteintes dues spécifiquement au virus de
celles déjà existantes liées à d’autres pathologies? Quelques éléments de réponse sont
apportés par des modèles de l’infection développés chez les rongeurs. Ces modèles, qui
font appel à des animaux soit nouveaux nés, soit adultes mais dépourvus de défenses
naturelles du fait de modifications génétiques, ne sont que très partiellement
représentatifs de ce qui se passe chez l’Homme. De plus, ils sont généralement
inappropriés pour tester un vaccin ou un traitement.
Forts de leur expérience sur la pathogénèse du Sida, les chercheurs ont développé un
modèle de la maladie chez des macaques
cynomolgus
adultes ayant un système
immunitaire fonctionnel et une physiologie très similaires à ceux de l’Homme. Ils ont
montré que ces animaux, infectés par le virus du Chikungunya isolé chez les patients au
cours de l’épidémie de l’Ile de la Réunion, présentent toutes les caractéristiques
virologiques et cliniques observées chez l’Homme. Ils ont mis en évidence certaines
caractéristiques propres de la pathologie comme des atteintes du foie en phase aiguë.
Mais la découverte la plus marquante est le fait que ce virus infecte, notamment, des
cellules impliquées dans les premières étapes des mécanismes de défense de
l’organisme : les macrophages et les cellules dendritiques. Ces cellules peuvent
héberger le virus plusieurs mois et possèdent également la propriété d’infiltrer des
tissus comme les articulations, les muscles, les organes lymphoïdes et le foie. Ceci peut
expliquer les symptômes typiques de cette maladie, comme les douleurs musculaires et
articulaires très invalidantes observées à long terme chez les patients. Les macrophages
infectés, mis en évidence par les auteurs de cette étude, représentent donc une cible
potentielle pour le développement de nouvelles thérapies pour les atteintes chroniques.
Ces résultats, qui permettent de mieux comprendre les mécanismes conduisant à la
maladie, constituent une étape importante dans le processus de l’innovation en
thérapeutique. Les chercheurs du CEA disposent maintenant des outils qui permettent de
tester de nouveaux traitements en laboratoire. Ceci est essentiel puisque les traitements
actuels à la disposition des médecins sont uniquement symptomatiques.
Enfin, la portée de ces observations pourrait certainement dépasser le cadre du
Chikungunya. La persistance des virus dans les macrophages et les cellules dendritiques
pourrait être un phénomène commun à plusieurs virus de la même famille, les arbovirus,
transmis par les arthropodes.