Le guide du PDCA de Deming

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André CHARDONNET – Dominique THIBAUDON
Le guide du PDCA
de Deming
PROGRÈS CONTINU
ET MANAGEMENT
© Éditions d’Organisation, 2003
ISBN : 2-7081-2839-6
Chapitre
La philosophie de Deming
1
« Cultive-toi sur le modèle de l’homme de bien, non sur celui
de l’homme de peu »
Confucius, Livre VI-11.
1. Faire connaissance avec Deming .....................................................
1.1. Ce prophète des temps modernes ....................................................
1.2. Sa philosophie .....................................................................................
1.3. Son influence en Europe ....................................................................
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2. Approfondir sa doctrine ......................................................................
2.1. Le système de connaissance approfondie de l’organisation ..........
2.2. Voir l’activité en tant que système ....................................................
2.3. Comprendre les variations dans l’organisation ................................
2.4. Progresser dans le management des hommes ................................
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3. Analyser ses recommandations ........................................................
3.1. Panorama des quatorze points de Deming .....................................
3.2. Obligations commentées du management d’après Deming... ......
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4. Constater le retour en force de 4 principes de Deming ..........
4.1. L’approche processus (1950) .............................................................
4.2. La cybernétique « PDCA » (1950) ......................................................
4.3. L’usage des statistiques et la théorie des variations .......................
4.4. La psychologie des collaborateurs .....................................................
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LE GUIDE DU PDCA DE DEMING
1. FAIRE CONNAISSANCE AVEC DEMING1
1.1. Ce prophète des temps modernes
William Edwards Deming est le célèbre qualiticien américain né en 1900 et
décédé en décembre 1993. Docteur ès sciences de l’Université de Yale, en
1928, il se spécialise dans les statistiques.
En 1935, il rencontre le fameux statisticien Shewhart, inventeur de la « carte
de contrôle ». Ce personnage était connu de Deming car il était l’auteur d’un
ouvrage reconnu, Economic Control of Quality of Manufactured Product.
C’est pour Deming l’occasion d’étudier en détail la théorie de la stabilité des
systèmes. En effet, Shewhart la conçoit non seulement comme une application mathématique pour l’étude des processus industriels mais aussi comme
une organisation du management de l’époque. En 1938, conseiller scientifique au Bureau national du recensement, il fait appliquer ces principes
d’échantillonnage et, en 1942, il est détaché au ministère de la Guerre pour
y enseigner les méthodes de Shewhart aux industriels afin d’améliorer la
qualité des matériels militaires. Il y délivre ses cours pendant toute la durée
de la guerre.
À l’issue de la Seconde Guerre mondiale, en 1946, il participe à une mission
au Japon. Le « Department of Defense » lui demande une étude économique
en vue de faire repartir les rouages industriels du Japon. Au cours de ce
voyage, il tombe amoureux de ce pays. À Tokyo, il rencontre des statisticiens
et des fondateurs de la JUSE, la grande association des ingénieurs japonais.
C’est ainsi que Deming, invité par cette association, donne une série de cours
aux plus hauts dirigeants de l’industrie japonaise en 1950.
Jusqu’en 1980, Deming se rendra vingt fois au Japon et sera le témoin de la
formidable mutation qu’il a contribué à déclencher. En 1960, l’empereur
Hirohito lui remet, ainsi qu’à un de ses collègues, le docteur ingénieur Joseph
Juran, la médaille du Trésor sacré. Enfin, le Japon donnera son nom au Prix
Qualité pour les industriels japonais : le « Deming Prize ».
On pourrait même penser, au vu de la signification en mandarin des deux
syllabes qui composent « Deming », que ce personnage était prédestiné à être
accepté dans cette partie du monde.
1. Pour faire plus connaissance avec William Edwards Deming, vous pouvez consulter le site internet
http://www.deming.org aux USA (The W. Edwards Deming Institute) ou en France http://fr-deming.org
pour l’Association Française Edwards Deming.
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La philosophie de Deming
« dé » en chinois : vertu, moralité, cœur, volonté
(ce qui accompagne la voie, le « tao »)
« te » (en japonais : voie, aide)
« míng » en chinois : lumineux, clair, distinct
(éclairement au sens d’intelligence des choses)
« min » (en japonais : même signification)
Figure 1.1. Un nom prédestiné pour le Japon et la Chine
Pendant tout ce temps, toutefois, ce « prophète des temps modernes » reste
inconnu dans son pays. Pourtant, en 1975, les économistes sont formels, la
qualité des produits japonais de grande diffusion a dépassé la qualité des
produits occidentaux et américains.
En juin 1980, la chaîne de télévision NBC diffuse un programme intitulé
« Et si le Japon y arrive, pourquoi pas nous ? ». On y relate que Monsieur
Deming, un ex-professeur de mathématiques, responsable de l’amélioration
de la qualité d’un grand nombre de produits japonais, vit aux États-Unis dans
une petite maison de Washington. Aussitôt, cette émission rencontre un fort
impact et Deming devient célèbre, aux États-Unis, du jour au lendemain. En
1982, il édite son fameux ouvrage Out of the Crisis.
Au cours de la décennie 1980, il devient conférencier international et forme,
grâce à ses séminaires de quatre jours, plus de 50 000 cadres supérieurs pour
la plupart américains. Les Anglo-Saxons se mettront très vite à l’application
de ses préceptes, mais les autres Européens seront plus réticents à son enseignement.
1.2. Sa philosophie
Pour faire comprendre sa conception du management, Deming n’a de cesse
d’étayer sa théorie avec de multiples exemples concrets vécus. Dans son
enseignement, il se focalise toujours sur deux éléments : le client et l’individu
dans l’entreprise.
Sa réflexion est, bien sûr, nourrie de centaines d’observations collectées au
cours des quarante années passées au contact des industriels japonais, américains et européens.
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LE GUIDE DU PDCA DE DEMING
Sa philosophie qu’il caractérise en une phrase : « Pour aller vers un nouveau
style de management », s’appuie sur deux démarches fondamentales :
Acquérir des connaissances approfondies du fonctionnement des organisations, pour en comprendre les principes ; il appelle cela « System of
Profound Knowledge ».
Se doter de bonnes pratiques de management, qu’il résume en quatorze
points, « Fourteen Points », ceux-ci n’étant qu’une mise en application des
thèmes du système de connaissance approfondi qu’il propose.
1.3. Son influence en Europe
À l’invitation de Jean-Marie Gogue, il viendra plusieurs fois en Europe. En
France, ses conférences n’auront pas un grand retentissement, seuls les
Anglais lui feront honneur et lui permettront de former plus de 8000 managers.
Certains ont dit qu’en France la langue anglaise a constitué une barrière à la
diffusion de ces thèses, ce que nous ne croyons pas ; nous pensons plutôt
que les dirigeants français n’étaient pas prêts à écouter des préceptes qui
n’étaient pas ceux de la culture des années 1980. Toujours est-il que Deming
ne fera qu’une seule conférence à Paris, en novembre 1989.
Un collègue de Deming au Japon, le docteur Joseph Juran, lui aussi qualiticien et conférencier, a été bien mieux accueilli dans notre pays. Moins
conceptuels et plus pragmatiques que ceux de Deming, ses principes d’assurance qualité collaient tout à fait aux idées qui avaient cours en France, à
savoir, mettre des systèmes qualité en place pour surveiller la qualité des
produits et des process.
Pour notre part, nous sommes reconnaissants à Deming, de culture américaine
par éducation, de culture japonaise par expérience et de culture occidentale
par réflexion, de nous avoir transmis, comme l’a fait Descartes à son époque,
le bon « discours sur le management » au travers de ses célèbres « Quatorze
points ».
Le Mouvement Français pour la Qualité, des auteurs comme J.-M. Gogue,
ou d’autres qualiticiens, ont été porteurs de ce fameux cycle de l’amélioration
continue, ce qui fait qu’aujourd’hui, le management par le « Cycle PDCA »
est relativement connu, même si on en parle encore peu dans les écoles de
management.
On découvre aujourd’hui que ce concept fondamental est un principe de
conduite managériale très simple et universel, comme le sont souvent les
grandes lois. Le cycle de Deming est aussi un outil puissant dont l’ombre
portée sur le management devient un formidable principe d’action, applicable
aussi bien aux systèmes qu’aux hommes.
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La philosophie de Deming
2. APPROFONDIR SA DOCTRINE
2.1. Le « système de connaissance approfondie »
de l’organisation
Pour Deming, la voie de l’amélioration dans l’entreprise passe par un travail
de réflexion requérant quelque recul avec les pratiques et par la transformation de son fonctionnement. Les points qu’il aborde convergent toujours vers
une double réflexion d’analyse du management : sur l’organisation en tant
que système et sur le personnel en tant qu’individus.
Deming explique bien évidemment l’activité et l’organisation de façon « systémique », en se focalisant sur l’étude des variations de données et du système
de production. L’approche qu’il recommande, pour le rôle et le comportement
de l’individu dans ce système, ne peut être que managériale, psychologique
et d’amélioration du savoir.
Quatre parties interdépendantes sont développées dans cette méthode de
connaissance approfondie, qu’il dénomme « The profound knowledge ». Si
nous essayons de les résumer en quelques lignes, nous découvrons une progression de la réflexion qui va du système à l’individu. Deming nous oblige
à parcourir l’entreprise en étendue et en profondeur.
a) L’activité de l’entreprise et son organisation est un système dédié à la
satisfaction du client pour sa propre pérennité. Le système de management
en est le moteur principal.
b) Tout système est sujet à des variations qu’il s’agit d’observer et dont il
faut tirer parti. L’analyse statistique permet de trier entre les causes spéciales
et les causes communes de variations afin d’apporter les solutions appropriées
aux problèmes à résoudre.
c) L’adéquation des compétences aux activités est une exigence constante.
De ce fait, le savoir de l’entreprise est à renouveler sans cesse. Il faut donc
former les individus, développer leurs connaissances et capitaliser le savoir
et le savoir-faire, pour tous les niveaux hiérarchiques de l’entreprise.
d) L’accélération des changements culturels et socio-techniques provoque
des inadaptations et des réactions chez les employés. Elles sont néfastes à
l’activité et augmentent le stress. Une nouvelle mission du management
consiste à écouter ces nouveaux besoins et à y apporter des solutions.
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LE GUIDE DU PDCA DE DEMING
Figure 1.2. The Deming System of profound knowledge1
On peut donc résumer la philosophie de Deming en deux idées majeures,
s’appuyant sur deux composantes du savoir : la compréhension et la connaissance.
Il est nécessaire de bien comprendre les mécanismes fondamentaux de
l’entreprise (qu’il dénomme système) et de bien prendre en compte la
psychologie des employés.
Il est essentiel d’être compétent, sans être un expert, dans la théorie des variations et des méthodes d’acquisition du savoir, pour leur mise en pratique.
Dans notre culture cartésienne, nous pourrions dire qu’il faut un peu de savoir
et beaucoup de savoir-faire, ça évite l’intellectualisme.
2.2. Voir l’activité en tant que système
Dans son ouvrage Out of the Crisis, paru en 1982, Deming fait état des
communications qu’il a exposées au Japon en 1950 et explique « pourquoi
l’amélioration qualité a pour résultat une réaction en chaîne » :2
Improve quality
costs decrease (less rework, fewer delays)
capture the market with better quality and lower price
stay in business
provide jobs and more jobs...
1. Source : W. Edwards Deming, « The New Economics », Massachusetts Institute of Technology – MIT
Press Editeur, 1997. Reproduction autorisée.
2. Source : « Hors de la crise », Editions Economica, 1991, Traduction Jean-Marie Gogue de l’ouvrage
« Out of the Crisis », W. Edwards Deming.
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Figure 1.3. Réaction en chaîne
L’amélioration de la qualité dans le système, assure-t-il, a pour conséquence
une diminution des coûts de production (moins de rebuts et de retards). La
productivité augmente ainsi que la satisfaction des clients grâce à une meilleure qualité. La fidélisation des clients et des prix plus faibles permettent
de gagner de nouvelles parts de marché. L’entreprise reste compétitive sur
le marché et elle peut créer de nouveaux emplois.
Deming a particulièrement insisté sur le fait que l’activité devait être
comprise comme un système et la production comme un processus. Ce
concept simple a permis aux Japonais de capturer de nouveaux marchés
pendant plus de vingt ans.
2.3. Comprendre les variations dans l’organisation
Cette démarche a pour objet de parvenir à comprendre comment créer un
produit et un service afin de réaliser une croissance continue, d’innover et
d’accroître ses parts de marché. Il est parfaitement légitime de rechercher à
proposer plus de produits avec des flux plus tendus mais il faut que les
capacités et l’organisation industrielle suivent en « coûts, qualité, flux et tenue
des délais », sinon le système global perd de l’efficacité. Selon Deming, ce
changement passe par la prise en compte de « la théorie des variations »,
pour gérer les événements aléatoires. Une coopération intelligente avec ses
concurrents, et non pas une concurrence exacerbée, peut être vitale pour la
réussite de l’entreprise et l’intérêt du client.
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LE GUIDE DU PDCA DE DEMING
2.4. Progresser dans le management des hommes
Les managers doivent donc explorer les causes des problèmes et des erreurs,
et amener l’organisation à opérer des changements dans le système, en
s’appuyant sur le personnel. Il faut rendre aux collaborateurs leur autonomie
(ce qui ne veut pas dire indépendance, mais interdépendance) et fierté dans
le travail accompli.
Comme bon nombre de dirigeants le font aujourd’hui, il s’agit de remplacer
les évaluations individuelles annuelles – ces examens de fin d’année – par
des entretiens d’évaluation des performances et de développement des compétences, ce dernier complété d’un accompagnement individuel. La clé de ce
changement, c’est la psychologie. Aujourd’hui, des entreprises n’hésitent pas
à recourir à des psychosociologues dans leur démarche de changement de
culture ou pour le développement de l’autonomie dans l’entreprise. Les organisations sont devenues matricielles, les projets transverses télescopent les
métiers et les managers doivent négocier avec les spécialistes. Au carrefour
de tout cela, les opérateurs essaient de trouver leur place. Quel développement de l’autonomie leur est-il réservé ? Comment sont-ils accompagnés dans
ces changements ?
Les démarches de développement des connaissances et de « coaching »
apportent une première réponse. Deming faisait remarquer, suite à ses observations sur le management japonais, l’importance du fonctionnement « au
consensus » ou « bottom-up ».
Des spécialistes de ces questions en psychosociologie d’entreprise expliquent, comme Deming, l’importance que revêt, dans tout changement, la
prise en compte du point de vue psychologique des individus. Il s’agit de
parer aux risques de rejets ou de retour très rapide aux états antérieurs, pouvant occasionner une perte de crédibilité du changement et une régression en
matière de confiance dans le management. Nous reviendrons sur ce point
dans la deuxième partie de cet ouvrage.
3. ANALYSER SES RECOMMANDATIONS
« Cette nouvelle efficacité que je vous propose », annonce Deming, « s’adresse
à tous ceux qui vivent sous la tyrannie d’un style de management dominant ».
De ce « Système de connaissance approfondi » découlent quatorze points de
bonnes pratiques managériales. Les thèmes abordés constituent une aide à la
réflexion au niveau stratégique et un outil d’ouverture au changement. En voici
une traduction avec des commentaires extraits de son livre.
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3.1. Panorama des quatorze points de Deming1
Nous allons tout d’abord laisser la parole à William Edwards Deming, en
anglais, nous commenterons ensuite en français.
DEMING’s fourteen points
1
Create constancy of purpose towards improvement of product and service.
2
Adopt the new philosophy. We are in a new economic age. Western
management must awaken to the challenge, must learn their
responsibilities, and take on leadership for change.
3
Cease dependence on inspection to achieve quality. Eliminate the need for
inspection on a mass basis by building quality into the product in the first
place.
4
End the practice of awarding business on the basis of price tag. Instead,
minimize total cost. Move towards a single supplier for any one item, on a
long-term relationship of loyalty and trust.
5
Improve constantly and forever the system of production and service, to
improve quality and productivity, and thus constantly decrease costs.
6
Institute training on the job.
7
Everybody must accomplish personal transformation to adopt the principle
of system.
8
Drive out fear, so that everyone may work effectively for the company.
9
Break down barriers between departments. People in research, design, sales
and production must work as a team, to foresee problems of production
and in use that may be encountered with the product or service.
10
Eliminate slogans, exhortations, and targets for the work force asking for
zero defects and new levels of productivity.
11a
Eliminate work standards (quotas). Substitute leadership.
11b
Eliminate management by objective. Eliminate management by numbers.
12a
Remove barriers that rob people of their right to pride of workmanship.
12b
This means, inter alia, abolishment of the annual or merit rating and of
management by objective, management by the numbers.
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Institute a vigorous program of education and self-improvement.
14
Everybody in the company will work to accomplish the transformation. The
transformation is everybody’s job.
Figure 1.4. Deming’s fourteen points
1. Source : W. Edwards Deming, « Out of the Crisis », Massachusetts Institute of Technology – MIT
Press Editeur, 1992. Reproduction autorisée.
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Pour Deming, il s’agit là d’une suite de points essentiels qu’il est important
de ne pas oublier : « Il ne faut pas chercher de chronologie de priorités dans
cette suite, ils sont tous d’égale importance, même s’il faut travailler beaucoup plus sur certains, par exemple l’étude des variations. »
Ces quatorze points sont relatifs, dit-il, « aux maladies mortelles du management ». Il répétera sans cesse que ce n’est pas là prêcher une nouvelle
morale mais, au contraire, apprendre à maîtriser en permanence la qualité
des produits et des services pour donner aux clients la meilleure satisfaction
possible et que l’on n’y parvient pas à coup d’exhortations ni à coup d’objectifs arbitraires.
Voyons ces quatorze points, auxquels nous ferons appel très souvent, tout au
long de ce livre et pour lesquels nous donnons nos interprétations. Deming
nous dit qu’il ne suffit pas de faire des efforts pour résoudre les problèmes.
Il faut agir sur plusieurs niveaux et dans plusieurs directions à la fois. Pour
cela, il nous propose 14 points, un peu comme Philip Crosby suggérait, en
1985, un programme pour nous vacciner contre le virus de la non-qualité.
3.2. Obligations commentées du management d’après
Deming...
3.2.1. Avoir des buts constants d’amélioration des produits et
des services
–
–
–
–
le client est le point focal de l’activité
les enjeux de l’activité sont les objectifs du management
la politique qualité et productivité est le levier de l’innovation
les buts constants d’amélioration sont reportés le plus en amont possible,
vers la conception des produits et des services
– l’allocation des ressources en recherche et en formation doit être suffisamment budgétée
3.2.2. Adopter une nouvelle philosophie du changement
– les décennies actuelles s’inscrivent dans un contexte économique à
contraintes fortes, et soumis à la mondialisation
– le management doit prendre conscience de ce challenge
– le management a de nouvelles responsabilités, plus étendues
– le management doit s’engager comme leader du changement
– le management doit voir la satisfaction de ses clients au travers de la tenue
des délais et de la conformité
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La philosophie de Deming
3.2.3. Alléger les systèmes de contrôle
– le niveau qualité des produits ne peut pas dépendre de la sévérité des
contrôles
– les contrôles sont à ramener le plus en amont possible dans le cycle de vie
– les auto-contrôles sont préférables aux services Contrôle dédiés
– les inspections de routine sont coûteuses car trop tardives
– les inspections de routine sont redondantes et peu efficaces
– préférer les démarches de conception robustes basées sur la capabilité
– introduire les mesures statistiques dès la conception pour avoir accès aux
analyses de variabilités
3.2.4. Mettre fin aux pratiques de sélection par les coûts
– ne pas prendre en compte le seul coût d’achat mais le coût d’acquisition
global
– la concurrence par les prix est une vue restrictive
– la pratique de sélection des fournisseurs par les prix est une mauvaise
pratique
– préférer des démarches de coopération et de relation à long terme avec les
fournisseurs, avec des contrats de progrès et des approvisionnements en
assurance qualité fiabilisée
– pratiquer des politiques fournisseurs sélectives selon un principe de source
unique
– une direction des achats doit être à fort niveau de compétences
– les fournisseurs doivent être évalués sur la base des 14 points
3.2.5. Améliorer constamment tous les processus
–
–
–
–
la cartographie des processus de production est nécessaire
l’entreprise peut tirer avantage à mieux connaître ses processus supports
la qualité des produits est principalement déterminée dès la conception
les processus doivent être en état de maîtrise « Sept M »1 ; confère chapitre 5, § 1.3 « Les sept outils de travail en groupe »
– l’avantage des processus mis sous système Kanban et JAT est d’imposer
une discipline au dispositif de production
3.2.6. Mettre en œuvre un système de formation adapté
... et répondre aux questions suivantes :
– pourquoi faut-il mieux connaître sa société, ses clients, ses fournisseurs ?
– comment mieux discerner les problèmes qui privent les employés de la
possibilité d’être satisfaits de leur travail, et donc de reconnaissance ?
1. « Machines, Milieu, Matières premières, Main-d’œuvre, Méthodes, Mesures et données, Management ».
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– comment être plus pédagogue vis-à-vis des dyslexiques, des dysphasiques
et des dysorthographiques ?
– comment mettre en concordance formation professionnelle et besoins des
clients ?
– comment transformer l’investissement formation en valeur ajoutée voire
en actif du bilan ?
– pourquoi améliorer la compréhension des processus et comment renforcer
la connaissance de leurs variations ?
– comment rendre le personnel davantage co-acteur sur les processus ?
– comment améliorer l’efficacité des actions d’amélioration et des résolutions de problèmes par l’utilisation plus systématique de méthodes et
d’outils ?
– comment maintenir à niveau les compétences compte tenu des changements dans les techniques de production ?
3.2.7. Développer le leadership et l’accompagnement pratique
– le management ne consiste plus à commander et à contrôler mais à diriger,
entraîner et accompagner. L’action de déploiement est essentielle
– l’encadrement a pour mission de donner au personnel toute l’aide nécessaire pour que les processus soient les plus efficaces
– le management doit travailler sur les sources d’amélioration et sur les
projets concernant la qualité des produits et des services
3.2.8. Faire disparaître les craintes, encourager une réelle
communication
... en s’attaquant à :
– la peur du changement et de ses conséquences
– la peur de prendre de nouvelles délégations, par exemple, de faire son
auto-contrôle alors qu’il y avait auparavant des contrôleurs
– la peur, pour des ouvriers, de ne pas réussir une formation, et, pour les
plus âgés, de ne pas comprendre assez vite
– la peur d’une formation, pour certains cadres, qui les oblige à se remettre
en question
– la peur des relations internes contractualisées : la peur d’être le client de
quelqu’un d’autre dans l’entreprise (alors qu’il n’y a pas de peur d’être
fournisseur)
– mais aussi la crainte de ne rien voir changer une fois les actions de formation et de sensibilisation passées
– la crainte de s’exprimer alors qu’on n’a pas été écouté depuis des mois,
des années, ou de dire quelque chose qui se retourne contre soi
– la crainte d’avoir un entretien individuel où seul le chef s’exprime
– la crainte d’une communication unilatérale
– la crainte de ne plus avoir de chef dans une organisation matricielle
– la crainte de parler dans une démarche d’autonomie
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La philosophie de Deming
– la crainte de prendre des responsabilités
– la crainte d’être en position plus risquée...
3.2.9. Renverser les barrières entre services et favoriser le travail d’équipe
–
–
–
–
–
–
barrières entre services techniques et services de production
barrières entre services de production et services supports
barrières dans la circulation des informations
barrières dans les mentalités pour le travail en projet
barrières géographiques naturelles entre les bureaux et les ateliers
barrières pour le travail en équipe quand l’évaluation annuelle se fait au
mérite
– barrières dans l’activité de travail en équipe, car ceux qui aident sont quelquefois moins bien notés que ceux qui ne font que leur travail
– barrières entre services pour les stocks
3.2.10. Éliminer les slogans et les exhortations
– remplacer les slogans qui incitent à augmenter la productivité par des plans
d’actions clairs
– les exhortations au zéro défaut ne sont que du verbiage si elles ne sont pas
accompagnées de plans d’actions et de méthodes pour améliorer et changer
– éliminer les affichages ridicules aux yeux du personnel, notamment ceux
qui sont en contradiction avec la réalité quotidienne. Deming soutient que
les exhortations et les affiches n’engendrent que des frustrations et des
ressentiments
– ce sont les « Sept M » qui sont responsables de la qualité des produits et
des services, les opérateurs ne sont pas les seuls en cause
– les tableaux de bord et les indicateurs tenus par les opérateurs doivent
devenir leur propriété
– les objectifs clairs promeuvent la responsabilisation, qui, elle-même,
entraîne une bonne conduite managériale et un personnel motivé
– ne pas oublier que 80 % de la non-qualité d’une entreprise provient
d’actions de management
3.2.11. Éliminer les quotas de production pour les ateliers et
les objectifs chiffrés sans méthode, pour les cadres
– Deming insiste beaucoup sur ce point qui renvoie les managers à leurs
chères études de management (techniques traditionnelles)
– les quotas et les objectifs chiffrés sont un management par la crainte
– Deming explique qu’il est futile d’établir des objectifs et des quotas basés
sur les moyennes, quand il est tellement aisé de faire mieux
– les quotas et les rendements sont une barrière au progrès continu
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LE GUIDE DU PDCA DE DEMING
– les entreprises qui fonctionnent aux quotas créent des postes fictifs qui
entrent dans le calcul des quotas
– il faut bien des objectifs chiffrés pour les cadres, mais ont-ils vraiment un
sens en recherche et développement ? en productivité ? en coûts de garantie ? si l’on ne fixe pas les règles du jeu pour les établir
– quelle crédibilité peut-on attribuer à des objectifs chiffrés sans méthode ni
allocation de moyens pour les atteindre ?
– Deming invite les dirigeants à fixer plutôt des objectifs sur la réduction
des variabilités du système et à inciter les cadres à exploiter tout le potentiel de ce dernier
– Il recommande aux cadres dirigeants de s’occuper du système sur le long
terme plutôt que de fixer des objectifs au personnel sur le court terme
3.2.12. Supprimer tous les obstacles à la fierté du travail
– les quotas, qui sont une incitation à produire des produits défectueux
– l’évaluation des performances, l’estimation au mérite
– les causes de non-qualité identifiées que l’on ne supprime pas et le gaspillage qui s’ensuit
– les produits réalisés mais non conformes car il faut avant tout « tenir le
rendement »
– les défauts de communication (dont certains frôlent la faute professionnelle)
– le travail de mauvaise qualité ou inutile
– la non-reconnaissance
3.2.13. Favoriser « l’éducation » et l’amélioration de chacun
– Deming rappelle qu’il n’y a pas, en général, de pénurie de gens valables,
seulement peut-être sur des postes très pointus...
– le progrès est toujours fondé sur la connaissance : l’éducation et la formation doivent donc être continues et adaptées
– tout le management de l’entreprise a besoin d’une plus-value culturelle
appelée par Deming « une nouvelle éducation » et doit notamment améliorer son savoir sur la connaissance approfondie du système, « the profound knowledge »
– encourager les efforts culturels pour le plus grand nombre en combinant
la formation professionnelle et la formation plus générale
– l’entreprise a besoin de personnel qui s’instruise constamment, le personnel étant considéré comme sa vraie richesse
3.2.14. S’assurer du déploiement de la démarche d’amélioration et de l’implication de chacun dans le processus de changement
– Deming pense qu’une direction doit s’engager sur une charte basée sur les
points précédents
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Q Éditions d’Organisation
La philosophie de Deming
– un noyau dur de managers est le vecteur nécessaire pour s’attaquer aux
maladies mortelles qui affectent les entreprises
– la formation et l’éducation sont les moyens qui permettront la mise en
œuvre du changement
– la direction doit exercer son leadership dans la voie du changement et dans
le suivi de sa mise en œuvre
– une des raisons d’être de la direction est d’amener l’entreprise à progresser
– « Commencer, dit Deming, à construire le plus tôt possible, mais sans trop
se presser, une organisation qui guidera une amélioration continue de la
qualité. »
– « Le cycle PDCA est une procédure très utile pour tous, pour suivre l’amélioration à toutes les étapes dans tous les processus. »
« I know you believe you understand what you think I said, but I am not
sure you realize that what you heard is not what I meant. »
Je sais que vous croyez que vous comprenez ce que vous pensez que j’ai
dit, mais je ne suis pas sûr que vous réalisez que ce que vous avez
entendu n’est pas ce que je voulais dire.
4. CONSTATER LE RETOUR EN FORCE DE 4 PRINCIPES
DE DEMING
Figure 1.5. Retour en force des 4 principes de Deming
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LE GUIDE DU PDCA DE DEMING
L’approche processus proposée par la nouvelle norme ISO 9000 version 2000
remet au goût du jour l’activité technique et industrielle, en redécouvrant le
système de Deming.
La méthodologie « Six sigma » reprend à la fois la cybernétique PDCA et
l’emploi des techniques statistiques avec l’aide d’outils logiciels faciles et
adaptés.
Enfin, la psychologie des acteurs n’est plus à négliger avec les effets induits
par les changements rapides dans les entreprises ou dans les organismes. Il
y a des changements de culture qui doivent être opérés avec du « coaching ».
Cet accompagnement du personnel et de l’encadrement est particulièrement
intéressant pour aider au fonctionnement des organisations matricielles et
pour adapter le travail en équipe (team-building). Voilà les nouvelles perspectives qui s’offrent à nous dans ces entreprises qui désirent réagir plus vite
et rester dans la compétition et sur le marché.
4.1. L’approche processus (1950)
Figure 1.6. Activité de production considérée comme un système1
Ce graphique fait apparaître pour la première fois « la production » comme un
système. Deming dit l’avoir utilisé, en 1950, pour expliquer à des directeurs
généraux japonais la nécessité d’améliorer la qualité sur toute la ligne de production depuis les matières premières jusqu’aux client et utilisateur final.
1. Source : W. Edwards Deming, « The New Economics » – MIT Press Editeur, 1997. Reproduction
autorisée.
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La philosophie de Deming
Ce « flugramme » ne vous rappelle-t-il pas quelque chose ?
« Ah si, mais c’est... bien sûr ! », un schéma de processus type !
Examinez attentivement les dépliants des consultants en organisation industrielle : vous y retrouverez ce graphique qui sert de trame à leur présentation
quand ils vous expliquent et vous décrivent les flux de la Supply Chain du
dernier progiciel « ERP »1 pour lequel ils sont censés vous aider à faire le
choix d’investissement.
Deming commentait ainsi ce diagramme de processus de production :
« C’est ce diagramme des flux qui donne le départ de l’amélioration. Sur la
partie gauche, les matières premières et les équipements ; j’ai expliqué qu’il
était nécessaire de travailler avec les fournisseurs sur le long terme pour
améliorer la qualité et réduire le prix de ces produits, dans un esprit de
confiance et de loyauté en les considérant comme des partenaires... »
« Le client est le point le plus important de la ligne de production, la qualité
a pour but de satisfaire les besoins du client, présents et futurs... »
Voyons comment Deming évoque sa pédagogie :
« Les directeurs apprenaient quelles étaient leurs responsabilités en matière
d’amélioration à tous les stades, les ingénieurs apprenaient les leurs. Ils apprenaient des méthodes simples mais puissantes permettant de détecter l’existence des causes des variations spéciales. »
« Ils apprenaient que l’amélioration continue des processus est essentielle...
L’amélioration de la qualité devint, dès lors, pour les Japonais à qui j’enseignais ces concepts, un impératif général, comprenant toutes les activités
industrielles : les études de marché, la conception, les approvisionnements,
l’instrumentation, l’industrialisation, la production et la distribution. »
Aujourd’hui, on se situe complètement dans cette optique : les ERP ont pris
possession des grandes entreprises, l’ISO 9000 vient de s’organiser sur les
« processus orientés clients ».
Plus de vingt ans après la lecture de cette phrase majeure « ... ils apprenaient
que l’amélioration continue des processus est essentielle », l’ISO 9001 vient
de la faire sienne et de la porter au rang de norme internationale. Après ce
constat pourra-t-on encore écouter sans réagir ceux qui disent, à propos de
Deming, « c’est dépassé ! » ou bien « c’est du passé » ou encore ceux qui le
qualifient de « has been ».
Dans son dernier livre The New Economics for Industry, Government, Education, Deming présente cette démarche comme une méthode d’améliora1. ERP : Enterprise Resource Planning (planification des ressources de l’entreprise).
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LE GUIDE DU PDCA DE DEMING
tion : elle correspond au besoin minimal de culture managériale, pour faire
des progrès au niveau de l’organisation des entreprises et changer le management au niveau des hommes.
4.2. La cybernétique « PDCA » (1950)
Dès 1950, Deming introduit la dynamique de l’amélioration continue, qu’il
avait découverte dans le principe des études statistiques dans le cycle de
Shewhart. Le Japon l’a retenu sous le nom de « cycle PDCA de Deming ».
C’est bien plus tard en Amérique, et maintenant en Europe, que l’on a découvert toute la puissance de cet outil très simple et porteur d’une méthode.
Figure 1.7. La cybernétique PDCA
Le terme de « cycle » suggère qu’à l’issue du contrôle des résultats, si l’objectif n’est pas atteint, il y a lieu d’interpréter les écarts et de comprendre les
tendances. Le cycle se déroule une nouvelle fois avec un nouvel objectif,
jusqu’à ce que soient atteints et compris les nouveaux résultats.
4.3. L’usage des statistiques et la théorie des
variations
Nous avons repris ci-après le dessin très simple de la « carte de contrôle »
que Deming a présentée dans toutes ses conférences. Que veut-il nous faire
découvrir dans ce schéma ? Pourquoi insiste-t-il tant sur la théorie des variations ?
« Il y a deux erreurs fréquentes, écrit-il, dans l’attribution d’un défaut et dans
la prise de décision pour améliorer une situation. »
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La philosophie de Deming
Erreur no1 :
« Réagir à un résultat comme s’il provenait d’une cause spéciale, alors
qu’il vient en réalité d’une cause commune de variation. »
Erreur no2 :
« Traiter un résultat comme s’il venait d’une cause commune de variation, alors qu’il provient en fait d’une cause spéciale de variation. »
La réflexion sur la variance doit précéder la réflexion sur la démarche réactive
et le traitement des actions. Tout processus a des données de sortie mesurables qui permettront au produit d’entrer dans des limites contractuelles : les
spécifications. Au-delà des limites supérieure et inférieure de contrôle, calculées statistiquement et inhérentes au procédé, il y a lieu d’intervenir pour
ramener le processus à l’intérieur des limites. Il faut faire ressortir les causes
communes des causes spéciales.
Figure 1.8. Causes communes
&
La première des précautions est de vérifier qu’il n’y a rien d’anormal au
niveau du processus, ce qui dans la plupart des cas entraîne un résultat
« normal », la loi de distribution autour de la moyenne étant gaussienne.
On dit alors que le processus est sous contrôle statistique, c’est le fondement du SPC (Statistical Process Control) : la maîtrise statistique des procédés.
En jouant sur les mots et en langage direct, on peut dire : « un processus
normal donne une loi normale ».
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LE GUIDE DU PDCA DE DEMING
Le deuxième point important est de bien distinguer, dans les variations,
celles qui sont issues de causes communes et celles qui sont issues de
causes spéciales.1
Sont de « causes communes » les variations qui occasionnent des
défauts ou des erreurs dus au hasard et provenant du système. En cela,
elles provoquent des variations aléatoires autour d’une moyenne. Elles
s’inscrivent dans les limites de la dispersion naturelle.
Sont de « causes spéciales », celles dont la dispersion est identifiable
et qui ont leur origine dans un événement passager ou accidentel et
difficilement prévisible.
Dès lors, nous voyons que les modes d’actions sur les processus ne seront
pas du tout les mêmes selon les causes, d’où l’intérêt de la maîtrise statistique
des procédés par cartes de contrôle.
Le message transmis par Deming est simple. En mécanique, il est assez facile
de comprendre le sens donné au mot « variations », une machine ne fonctionnant
bien qu’avec des jeux et des frottements. Il en est de même pour un processus
de production : les variations sur les différents paramètres engendrent des résultats fluctuants sur les caractéristiques des produits, les délais et les coûts.
Si nous grimpons d’un cran dans le domaine des variations alors nous parvenons
au niveau expliqué par Deming, celui de l’entreprise en tant que système. Deming
met en évidence dans notre esprit les paradigmes et les fausses idées qui jettent
la confusion entre les causes communes et les causes spéciales.
Il nous fait remarquer que, tant que les processus ne sont pas mis sous contrôle
statistique et que l’on ne suit pas les données par des cartes de suivi et des cartes
de contrôle, il est difficile de comprendre nos erreurs de jugements. Comme il
sait avec quelle prudence il faut parler de méthodes statistiques aux dirigeants,
il évite de trop rentrer dans les détails. S’il devait en parler aujourd’hui, après
l’avènement du phénomène « Six Sigma », ce serait sûrement avec moins de
prudence. Mais dans son héritage il recommande tout simplement l’usage des
statistiques descriptives et des fonctions probabilistes, les quatre opérations
donc ! « Faites parler les graphiques et les cartes de contrôles. »
&
4.4. La psychologie des collaborateurs
Deming évoque dans son enseignement (ses conférences et ses livres) les
freins à toute démarche d’amélioration et les pertes d’efficacité dus à
l’absence d’approche psychologique, à tous les niveaux, des collaborateurs
de l’entreprise.
L’erreur fondamentale est de considérer, dit-il, les employés comme une
« marchandise » qui se vend ou qui s’achète (l’intérim) ou comme une simple
ressource dont on s’attache la contribution selon l’importance du moment.
1. Source : « Hors de la crise », Editions Economica, 1991, Traduction Jean-Marie Gogue de l’ouvrage
« Out of the Crisis », W. Edwards Deming.
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La philosophie de Deming
Les entreprises doivent revoir leur point de vue et leurs valeurs. Le personnel
n’est pas seulement une valeur économique, il est une valeur humaine et
donc une richesse pour l’entreprise. Considéré comme tel, il devient alors un
levier du progrès continu et un moteur du changement.
Nous résumons dans la figure ci-après la « carte mentale » de Deming synthétisée à partir de son enseignement.
Figure 1.9. Psychologie des employés
Quelques phrases tirées du livre de Deming, Hors de la crise, traduit par
Jean-Marie Gogue, reflètent assez bien le point de vue des « ouvriers » et
l’attitude que devrait avoir l’encadrement par rapport à la qualité.
« Tous les ouvriers savent pourquoi la productivité augmente quand la
qualité s’améliore : moins de retouches, moins de gaspillage, il n’y a pas
de meilleure réponse... »
« Pour un ouvrier, faire de la qualité veut dire que sa performance lui
donne satisfaction, le rend fier d’un travail bien fait. »
« Les ingénieurs doivent pouvoir discerner les problèmes qui privent les
ouvriers de la possibilité d’être satisfaits de leur travail. »
« Le management doit faire disparaître les craintes et les peurs dont le
dénominateur commun est la performance dégradée. Faire attention à
la perversité du management par les chiffres. »
« Les ingénieurs et cadres sont capables d’affronter toutes sortes de problèmes sauf les problèmes humains où ils semblent frappés de paralysie.
Ils se réfugient alors dans des groupes de travail pour y trouver des
solutions. »
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