
publics, il peut s’agir d’un lien à des laboratoires de
recherche, ou à un système national d’innovation, voire à
une culture, il peut s’agir d’aspects plus institutionnels
comme le lien à un système étatique particulier ou finan-
cier, il peut aussi s’agir de la proximité d’un marché
donné.
Ce facteur « ancrage territorial » joue dans le sens du
maintien d’un certain degré de localisation qui contreba-
lancerait les tendances à la globalisation. Et, dans la
mesure où la révolution technologique informationnelle
fait monter l’importance des capacités spécifiques, voire
des interactions des acteurs et, pour certains auteurs,
l’importance d’externalités positives territoriales (spill
overs), l’avancement de la révolution informationnelle
pousserait à un renforcement de l’ancrage territorial et
donc de cette contre-tendance à l’internationalisation.
Enfin, on peut s’interroger sur une sorte de force de
rappel globale qui se serait manifestée dans le retourne-
ment conjoncturel mondial survenu au début des années
2000. Durant les années 90, la mondialisation-
globalisation des entreprises s’étant accrue de façon
considérable mais selon un « type » économique qui est
resté qualitativement similaire, ce type de globalisation
demanderait à être digéré avant de repartir quantitative-
ment sur une base qualitative nouvelle. Il pourrait même
exiger un certain nombre de transformations plus ou
moins structurelles des entreprises et/ou de leur environ-
nement, notamment financier et celui concernant les
recherches, la disponibilité de leurs résultats et la forma-
tion.
Indicateurs de mondialisation accrue
Inversement, face à ces limites et/ou à ces facteurs de
régionalisation — voire de localisation — accrue des
tendances à la globalisation coexistent et même se ren-
forcent, et ceci dans les deux dimensions : extension
géographique (mondialisation), et transversalité des
activités (globalisation).
On le voit dans les indicateurs statistiques, comme la
croissance du poids des groupes internationaux dans les
échanges douaniers de la France (cf. F. Boccara, 1999),
dans les autres pays (cf. OCDE, 2001 ainsi que Hatzi-
chronoglou 2005), l’extension des filiales à l’étranger (+
129 % de ventes par ces filiales entre 1995 et 2001,
d’après les statistiques dites FATS outward, cf. Banque
de France et Minefi, 2004), le poids des échanges de
biens relativement au Pib (passant de 20% au début des
années 90 à plus de 25% au début des années 20002), le
poids des investissements directs étrangers (IDE) dans le
monde (20% du Pib mondial, contre 6-7% 15 ans aupa-
ravant, chiffres de la CNUCED cités dans la synthèse de
Banque de France, 2002), ou encore l’importance des
FMN dans les agrégats nationaux (en France les FMN3
représentaient 46% de l’emploi intérieur et 48.000 entre-
prises en 1998 contre moitié moins en 1989, d’après
Lifi. D’après la DREE le nombre d’emplois contrôlés à
l’étranger par les FMN à base française serait passé de
2,1 millions en 1991 à 3,6 millions en 2000).
2 demi-somme des exportations et importations de biens en
volume rapportés au Pib en volume.
3 définies comme les groupes ayant sous un contrôle com-
mun au moins une entreprise résidente en France et une à
l’étranger.
Facteurs de globalisation
Le renforcement des tendances à la globalisation se
perçoit aussi par des aspects plus qualitatifs ou par des
considérations théoriques sur les tendances à l’œuvre.
(1) Il s’agit de la création de l’organisation mondiale du
commerce (OMC), du démantèlement de certains ac-
cords mondiaux (comme l’accord dit « multifibres »), de
l’instauration de l’UEM et de l’Euro. (2) Il s’agit aussi
de la technologie, avec la révolution informationnelle,
(a) son potentiel de partage des coûts et des résultats
dans des ensembles étendus et (b) ses exigences de
financements accrus. (3) Il s’agit du développement du
marché mondial des produits et des services, avec des
facteurs institutionnels mais aussi la nouvelle répartition
géographique de la croissance. (4) Il s’agit du marché
financier, avec l’ouverture des comptes extérieurs finan-
ciers, la convertibilité en voie de généralisation, la dite
« déréglementation » financière et les décloisonnements.
(5) Il s’agit aussi des fusions-acquisitions internationa-
les, qui reprennent après avoir marqué le pas. (6) Dernier
facteur enfin, le besoin de soutenir des taux de rentabilité
élevés, qui accélère et stimule la recherche de marchés
lointains, les transformations technologiques et les fu-
sions-acquisitions.
Hypothèses théoriques
Pour rendre compte de ces tendances contra-
dictoires de façon articulée et non dualiste, on
propose un schéma théorique explicatif
d’intégration. Ce schéma constitue une hypo-
thèse théorique que l’on confronte dans cette
étude aux données, moyennant des hypothèses
« instrumentales » (par quels canaux peut-on
observer les choses) et des hypothèses empiri-
ques (quels résultats devrait-on observer). Il
doit permettre d’intégrer les deux mouvements
de localisation et de globalisation, sans les
accoler artificiellement (« d’une part, d’autre
part », cf. Heathcote et Perri, 2002).
L’opposition entre localisation et globalisation
a une correspondance avec l’opposition entre
analyses des FMN et analyses de la globalisa-
tion financière. Beaucoup d’analyses de la
FMN sont en effet unilatérales dans la mesure
où elles séparent la FMN et la globalisation
financière, et insistent sur le caractère localisé
des FMN. Rugman (2002), par exemple, dé-
nonce le « mythe de l’entreprise globale », au
sens où pour lui la FMN est au mieux
« régionale ». A l’inverse, il existe un large
courant unilatéral, globaliste, d’analyses de la
globalisation financière où les FMN
n’interviennent pas en tant que telles (voir
Rogoff et alii 2003 ou Edwards 2004). Com-
ment tenir ce paradoxe d’une économie à la
fois localisée et globalisée ?
Pour cela notre schéma s’appuie sur
l’interaction des deux facteurs essentiels que