LA FORME
La performance est discontinue. Elle est composée de quatre séquences qui n’ont en commun que la relation
triangulaire artiste / modèle / spectateur dans l’œuvre picturale.
Elle se présente donc comme une succession de séquences sans continuité de style, mais dessinant un
parcours dramaturgique qui raconte notamment une évolution de la place du spectateur et développe un
propos sur la question de la médiation culturelle.
Chaque séquence correspond à un moment précis du processus de création d’une œuvre, et s’intéresse soit
au rapport artiste-modèle, soit au rapport artiste-spectateur. Le mode de théâtralité (le «style») de chaque
séquence correspond à la question particulière qu’elle pose sur le phénomène de la représentation.
LA VISITE AU MUSÉE, UNE SCIENCE-FICTION SUR LA MEDIATION CULTURELLE
Entre les séquences, le spectateur suit le développement d’une fiction qui court sur toute la durée du
spectacle: un médiateur culturel, le meilleur de sa génération, déguisé en homme préhistorique, marche dans
un musée imaginaire sans fin à la recherche des réponses qui lui permettront d’écrire l’audio-guide ultime,
celui que le spectateur pourra écouter devant n’importe quelle œuvre d’art pour en comprendre le sens.
Cette fiction enchâssant raconte une quête presque mystique, celle de l’essence de l’art, mise en parallèle avec
la quête du Graal (autre thème récurrent du spectacle). Elle permet aussi de poser la question transversale qui
sous-tend l’ensemble des séquences : pourquoi représenter une chose plutôt qu’une autre ? Tout peut-il être
représenté ?
EN FINIR AVEC UN CERTAIN CLOISONNEMENT DES DISCIPLINES
Même s’ils sont de nature différente, il n’y a pas de vraie raison de faire de la frontière entre «performance d’art
contemporain» et «théâtre contemporain» un obstacle infranchissable.
Dans les milieux artistiques d’aujourd’hui, la scène a une place à part. La performance et la danse restent au
contact de l’art contemporain, mais le théâtre a ses réseaux qui ne communiquent pas avec ceux des musées.
Pourtant bon nombre de ceux qui, actuellement, entendent inventer des formes théâtrales ont des rapports au
texte et à sa plasticité qui sont plus proches de l’histoire des arts picturaux que de celle des arts de la scène
auxquels le cloisonnement des milieux les rattache. Notre compagnie cherche sa place en ce moment, et pour
nous, si on ignore les usages et qu’on regarde le fond des préoccupations des différents acteurs de la culture, il
est évident de solliciter l’accompagnement des lieux d’art. Notre approche du discours, basée sur une
recherche entamée en 2004 sur le «texte pauvre», trouve davantage d’échos dans les pratiques liées à l’art
contemporain que dans ce qu’on attend habituellement du théâtre au sens classique du terme, auquel nous
sommes pourtant invariablement apparentés et comparés — et ce en dépit des efforts entrepris par les
artisans de la théâtralité postmoderne au XXe siècle, des symbolistes à Bob Wilson en passant par le Bauhaus
et Tadeusz Kantor.
Nous réclamons, par gourmandise autant que par nécessité, un accès au public des centres d’art, et à cette
position particulière du spectateur que ces lieux permettent. Nous pensons en outre que ce décloisonnement
est propre à profiter à tous — théâtre, musée, acteur, spectateur, tableau, spectacle.