Les points clés du rapport réalisé pour l’OFDT « DROGUES ET DOMMAGES SOCIAUX » publié par Daniel SANSFAÇON, sociologue (CIPC), Olivier BARCHECHAT (CIPC) Dominique LOPEZ (OFDT), Chantal VALADE (CIPC) Rédaction Jocelyn Lachance, chargé de mission au CIRDD Alsace Juin 2008 Centre d’Information Régional sur les Drogues et les Dépendances (CIRDD Alsace) 5, rue Gustave Adolphe HIRN - 67000 STRASBOURG http://www.cirddalsace.fr SOMMAIRE INTRODUCTION................................................................................................................................................. 3 1. DROGUES, DELINQUANCE, CRIMINALITE .......................................................................................... 4 2. LA QUESTION DU TRAFIC ........................................................................................................................ 13 3. INSECURITE, DROGUES ET DELINQUANCE. ...................................................................................... 15 4. LA CORRUPTION CHEZ LES POLICIERS ............................................................................................. 16 5. ROLE DE LA CONSOMMATION DE SUBSTANCES PSYCHOACTIVES DANS L’ECHEC SCOLAIRE.......................................................................................................................................................... 17 6. TOXICOMANIES, ALCOOL ET VIOLENCE FAMILIALE ................................................................... 18 CONCLUSION.................................................................................................................................................... 22 BIBLIOGRAPHIE.............................................................................................................................................. 23 CIRDD Alsace – 5 rue Gustave Adolphe HIRN – 67000 STRASBOURG 2 Introduction 1 Le rapport « DROGUES ET DOMMAGES SOCIAUX - Revue de la Littérature internationale », est un travail très approfondi qui offre de nombreux éléments de réflexion sur la problématique d’usage ou trafic de drogue, en rapport avec les faits de délinquance. A travers un état des lieux des études anglo-saxonnes et françaises, les auteurs analysent les différents aspects des liens possibles entre drogues et délinquance. La synthèse qui suit porte sur les points clés et les conclusions de ce rapport et permet de rendre compte des différents résultats de nombreuses études françaises ou étrangères et de comparer les théories actuellement développées en Occident. Elle alimente le recueil d’indicateurs et d’éléments de réflexion réalisé par le CIRDD Alsace, dans le but de faciliter aux acteurs de terrain un accès rapide aux travaux de recherches parfois peu connus. Cette synthèse peut contribuer à une meilleure appréhension des évolutions récentes des cadres juridiques et des mesures concernant l’application des lois et la prévention en direction des usagers de drogue, et en particulier de celles qui découlent de la loi de prévention de la délinquance en date de mars 2007. 1 Rapport complet, OFDT, « Drogues et Dommages sociaux », 2005 : http://www.ofdt.fr/BDD/publications/docs/epfxdsk4.pdf CIRDD Alsace – 5 rue Gustave Adolphe HIRN – 67000 STRASBOURG 3 1. Drogues, délinquance, criminalité Approche statistique Les études menées auprès des populations arrêtées et/ou incarcérées pour infraction aux législations sur l’alcool et les drogues illicites constituent un premier axe d’analyse de la relation entre délinquance et drogues. Ce document s’appuie d’abord sur de nombreuses données statistiques issues de différentes recherches. Les résultats de quelques-unes d’entre elles sont regroupés dans le tableau ci-dessous. TABLEAU 1. APPROCHE STATISTIQUE PAYS États-Unis STATISTIQUES - En 2000, 11,3% des arrestations étaient liées à la drogue (FBI, Crime report) - En 2000, on relève 2 218 000 arrestations pour délits liés à l’alcool (outre les arrestations pour conduites avec facultés affaiblies) - 56% des détenus sont incarcérés pour des délits liés aux drogues dans les prisons fédérales et 20% dans les prisons d’état. Angleterre - En 2000,10% des arrestations en Angleterre et aux Pays de Galles seraient liés aux drogues. Australie - En 2001, 10,2% de la population des détenus est incarcérée pour des délits liés aux drogues. 80% de ce délits sont liés à des faits de trafic. France - En 2003, il y a eu 90 630 arrestations pour usage de stupéfiants. 16,2 % de ces ILS concernent le trafic. L’analyse des cas d’arrestation et d’incarcération dans ces différents pays montre qu’une grande partie des populations incarcérées et/ou arrêtées entretiennent des rapports avec les drogues, que ce soit sous forme de consommation ou de trafic. Toutefois, ces statistiques sont incomplètes dans la mesure où elles ne concernent que les populations repérées et touchées par l’activité policière et/ou celles des tribunaux. Elles nous indiquent que les populations effectivement contrôlées par les institutions (polices et tribunaux) entretiennent de manière significative un lien avec les drogues. CIRDD Alsace – 5 rue Gustave Adolphe HIRN – 67000 STRASBOURG 4 Approches théoriques En parallèle, l’analyse des différentes approches théoriques de cette relation nous permet de mieux comprendre les forces et les limites de telles études. Ces approches sont résumées dans le tableau ci-dessous. TABLEAU 2. APPROCHES THEORIQUES Approche « développement de l’enfant » Facteurs de risque de délinquance chez les enfants Usage précoce de drogues illicites, sexe masculin, avoir déjà des comportements délinquants, statut socioéconomique faible, avoir un parent « antisociable ». Facteurs de risque de délinquance chez les 12-14 ans Absence de liens sociaux forts, pairs antisociaux, délinquance antérieure. Principaux auteurs : Hawkins, 1992 ; Tremblay, 1995 ; Elliot, 1996 Apprentissage social L’accent est mis sur l’association avec des pairs délinquants et/ou consommateurs de drogues qui peut expliquer la délinquance et la consommation Principaux auteurs : White, 1991 ; Akers, 1979 Les théories de contrôle L’appartenance à des groupes sociaux conventionnels détermine les comportements conformes aux normes dominantes. L’absence de liens sociaux peut aussi expliquer l’entrée dans la délinquance pour atteindre les buts désirés. Principal auteur : Elliot, 1995 La théorie des déficits sociaux Il existe une séparation entre aspiration sociale et compétence psychosociale. La délinquance serait un moyen pour atteindre les objectifs fixés lorsque le sujet n’a pas les compétences pour y arriver. Principal auteur : Jessor, 1968. CIRDD Alsace – 5 rue Gustave Adolphe HIRN – 67000 STRASBOURG 5 L’approche développementale au centre de la plupart des analyses. Le rapport souligne l’importance de l’approche « développementale » dans le champ des recherches pour comprendre le lien entre drogues et délinquance. Elle montre aussi le poids de cette théorie dans la prise de décision et l’orientation des politiques publiques dans plusieurs pays occidentaux. Cette approche implique la prise en compte de facteurs biologique (génétique), sociaux et environnementaux. Selon les recherches inscrites dans cette approche, il existerait des facteurs de risque, mais aussi des facteurs de protection. La consommation de drogue ne serait qu’un facteur explicatif de la délinquance parmi plusieurs autres. Un facteur seul n’expliquerait pas la délinquance qui serait davantage associée à l’accumulation des facteurs de risques. L’interaction entre ces différents facteurs de risque, dont la consommation de drogues, reste mal connue. On ignore si certains facteurs, dont la consommation de drogues, sont des causes ou des corrélats des comportements antisociaux. L’approche expérimentale ne réduit pas l’idée de trajectoire délinquante à un simple processus mécanique. Elle n’évoque pas un destin fatal auquel le sujet ne pourrait se soustraire, les facteurs de risque et de protection étant nombreux. Cependant, cette approche n’arrive pas à expliquer le lien avec la délinquance, entre autre, parce l’acception de cette dernière est multiple, ce qui brouille la capacité à déterminer ce qui est entendu spécifiquement par délinquance. Par ailleurs, cette approche ne tient pas compte des facteurs structurants qui stigmatisent certaines populations. (Par exemple, est parfois délinquant celui que l’on veut délinquant, comme dans le cas de certaines minorités ethniques qui sont particulièrement ciblées aux Etats-Unis, dont les membres sont arrêtés et incarcérés plus souvent). Finalement, la dimension « environnementale » y est peu développée (ex : pauvreté). D’une manière générale, la volonté de mesure est liée à une visée téléologique, basée sur une conception déterministe de l’individu et orientée vers une ingénierie de la gestion des risques. Les trois grandes formes d’explication de la relation entre drogues et délinquance La délinquance et les drogues pourraient entretenir trois formes de relations. 1. Causalité directe : la substance cause la délinquance a. En fonction de ses propriétés pharmacologiques b. En fonction du contexte social où elle est consommée. CIRDD Alsace – 5 rue Gustave Adolphe HIRN – 67000 STRASBOURG 6 2. Syndrome antérieur commun : la délinquance et la drogue faisaient déjà partie de l’existence du délinquant. 3. La simultanéité des facteurs explicatifs : les facteurs de risque et les parcours menant à la délinquance sont les mêmes que ceux qui mènent à la consommation de drogues. Usage et comportement à problèmes Des études longitudinales, quantitatives sur des populations spécifiques (ex : les jeunes), rétrospectives (parcours du consommateur) et qualitatives (histoire de vie) constituent l’ensemble des recherches concernant la relation entre drogues et délinquance. A la croisée de celle-ci, les auteurs abordent la question spécifique de l’alcool et de la délinquance. Usage d’alcool et délinquance La place de l’alcool dans la délinquance est sous étudiée par rapport à celle des drogues. Certaines études américaines essaient néanmoins d’éclairer cette relation. Elles tentent de confirmer ou d’infirmer la relation causale entre la consommation d’alcool et les actes délinquants. Quelques résultats semblent abonder en ce sens. A titre d’exemple : - L’usage d’alcool, notamment l’usage précoce, et une consommation rapidement excessive, seraient associés à la délinquance. - Chez les 11-17 ans, d’après les résultats de la « National Youth Survey, 1989 », on remarque que la consommation d’alcool serait repérée dans 23% des agressions, 10% des vols et 20% des vols de véhicules. - Une étude longitudinale auprès de sujets âgés de 16 ans, lors de la première vague d’entretien et de 19 ans lors de la seconde conclut que : o il y aurait plus de crime commis sur des personnes que sur des biens sous l’influence d’alcool, o ceux qui consommeraient plus d’alcool commettraient davantage délits. (White, 2002). - Une analyse de données (Bachmann et Peralta, 2002) montre que 43% des sujets délinquants boivent beaucoup et souvent. 37% avaient déjà consommé alcool et drogues. CIRDD Alsace – 5 rue Gustave Adolphe HIRN – 67000 STRASBOURG 7 Ces études marquent la cooccurrence des actes délinquants et de la consommation d’alcool. Toutefois, la relation de cause à effet peut toujours être mise en doute. Certaines études pointent cette difficulté. Une étude longitudinale (McCord, 1995) montre que les adultes délinquants auraient une probabilité plus forte d’être alcooliques que les non délinquants, mais que cette relation serait inhérente au fait que les premiers auraient éprouvé des difficultés scolaires ou commis des délits à l’adolescence. Elle montre aussi que la proportion d’alcooliques parmi les délinquants adultes qui auraient eu des difficultés scolaires ou un style de vie délinquant, ne différerait pas de manière significative de ceux qui n’auraient aucune de ces deux caractéristiques. Ici encore, la cooccurrence alcool/délinquance ne permet pas de conclure à une relation causale. Deux explications sont envisageables : - Les alcooliques ne formeraient pas une catégorie homogène. Des caractéristiques individuelles, comme des traits de personnalités, mais aussi des spécificités du parcours de vie, expliqueraient pourquoi certains deviennent délinquants et d’autres non. - Le style de vie des délinquants expliqueraient davantage la consommation d’alcool que la délinquance en soi : ils seraient plus nombreux à ne pas être mariés, à fréquenter les bars, etc. D’autres études abondent en ce sens (White, 1993 ; Brochu, 2000 ; Pernanen, 1991). Certaines soutiennent plutôt que l’explication de la cooccurrence de la délinquance et de la consommation d’alcool dépend des antécédents personnels. La consommation abusive d’alcool ne causerait pas la délinquance, mais l’une et l’autre serait la conséquence d’une trajectoire commune dans laquelle interviennent les dysfonctionnements familiaux, les comportements à risque des parents, l’affiliation à des pairs délinquants et des difficultés personnelles (Linksey, 2001). En résumé : - Il existe une cooccurrence significative entre consommation d’alcool et délinquance. - Cette cooccurrence n’est pas une preuve entière de la relation causale entre alcool et comportements de délinquance. - Des facteurs communs expliqueraient la consommation de drogues et la délinquance. - Un seul facteur ne pourrait expliquer à lui seul l’une et l’autre. C’est plutôt la densité de ces facteurs qui auraient un impact significatif. CIRDD Alsace – 5 rue Gustave Adolphe HIRN – 67000 STRASBOURG 8 Usage de drogues illicites, déviance et délinquance auto-révélée Plusieurs études anglaises portent sur les comportements à risque, perçus comme des facteurs précurseurs de la délinquance. Ces dernières posent plus ou moins explicitement la question suivante : « L’usage de substances mène-t-il à consommer davantage ou à consommer d’autres substances ? ». Dans ce contexte, l’hypothèse d’une progression de la consommation est envisagée, ce qui s’exprimerait à travers le passage de la consommation de drogues licites à la consommation de drogues illicites. Selon certains auteurs, une séquence type se traduirait par : absentéisme scolaire, délinquance, drogues (Pudney, 2002). On note au passage que, d’après certains travaux, les drogues dites « douces », n’auraient pas d’influence significative sur la délinquance. Le principal facteur de la délinquance serait la délinquance antérieure. Des facteurs sociaux favoriseraient la perpétration de délits liés à la consommation de drogues, tels la vente de stupéfiants ou le fait de commettre une infraction pour se procurer des drogues (absentéisme scolaire, jeunes sans domicile fixe, etc.). Les études américaines soulignent que la consommation de drogues et/ou la délinquance favorisent l’échec et le décrochage scolaire, mais elles ne démontrent pas si cet usage et la délinquance entrainent l’abandon scolaire ou si ces abandons augmentent la probabilité d’usage de drogues ou de comportements délinquants. L’impact de la délinquance sur les résultats scolaires serait moindre que la pauvreté. Ces études concluent aussi que l’effet de l’usage de drogues et de la délinquance est lié à des facteurs sociaux et familiaux antérieurs. D’autres études soulignent plutôt les graves problèmes de délinquance chez les jeunes usagers. Les délits auto révélés contre la propriété seraient dix fois plus élevés parmi les consommateurs de drogues dites « dures » que parmi les non consommateurs et environ trois fois plus élevés que parmi ceux qui n’utilisent que des drogues dites « douces » (Killias, 1997). Une étude longitudinale montre cependant que l’usage de drogues aurait un impact sur les comportements délinquants (Brook, 1996). Cinq hypothèses sont envisagées : 1. L’usage réduit les inhibitions 2. La délinquance permet de trouver de l’argent pour la consommation 3. Les usagers peuvent fréquenter des usagers délinquants 4. L’usage de drogues peut entraîner des problèmes familiaux et encourager ainsi l’entrée en délinquance 5. L’usage peut freiner ou empêcher le développement des compétences sociales. Certains auteurs affirment que la consommation de drogues à l’adolescence est un facteur prédictif de la délinquance à l’âge adulte (Stacy et Newcomb, 1995). CIRDD Alsace – 5 rue Gustave Adolphe HIRN – 67000 STRASBOURG 9 Les études françaises La plupart des études françaises semblent montrer qu’il existerait effectivement une relation entre les comportements à problèmes et les usages de drogues et d’alcool. Toutefois, ces relations restent difficiles à définir. Selon les recherches de Marie Choquet (1990), la seule caractéristique sociodémographique liée aux conduites violentes est le facteur sexe. Toutefois, ce travail soutient que les jeunes violents s’alcooliseraient davantage. Les conduites violentes seraient même 4 fois plus élevées chez les expérimentateurs de drogues. Une autre étude (Choquet et Ledoux, 1998) affirme qu’il y aurait un lien entre la consommation de drogues, de tabac, d’alcool et violence. Elle montre, entre autre, que les jeunes qui ont volé cumulent des conduites à risque, que les conduites violentes sont associées à la consommation de différentes substances, que la violence est davantage associée au vol et à l’absentéisme scolaire qu’à la consommation. En 2002, une autre étude, toujours menée par Marie Choquet, affirme que le lien entre consommation régulière de cannabis/alcool et troubles du comportement serait plus important chez les filles que chez les garçons (Choquet et coll., 2002). Une autre recherche soutient que les polyconsommateurs sont davantage victimes de violence (ORS Ile-de-France, 2002). D’autres auteurs (Janvrin, 1998) montrent que les adolescents qui ont été agressés physiquement sont plus nombreux à déclarer une consommation de substances. Cette remarque s’appliquerait également dans le cas des violences sexuelles. Selon Patrick Perreti-Watel (2001), les usagers de drogue présenteraient un profil déviant plus fréquent. L’auteur se garde cependant d’y voir une relation de cause à effet. Il propose plutôt les hypothèses suivantes : - La consommation et la délinquance traduisent tous les deux un moindre respect pour l’autorité parentale. - Plus de temps passé à l’extérieur favoriserait délinquance et consommation, tout comme le fait d’être avec des amis susceptibles d’influencer son comportement. - Drogue et délinquance seraient associées à un faible intérêt pour la santé et un horizon temporel court. - Les liens entre consommations régulières et troubles du comportement sont plus importants chez les filles que chez les garçons. CIRDD Alsace – 5 rue Gustave Adolphe HIRN – 67000 STRASBOURG 10 Consommation dépistée lors d’arrestations Une étude menée dans 9 villes américaines révèle que 40% des garçons et 20% des filles arrêtés ont été testés positifs au cannabis, six fois plus qu’à la cocaïne. En Australie, une autre recherche affirme que respectivement, 39% et 51% des mineurs arrêtés dans deux villes australiennes ont été testés positifs à l’usage du cannabis (programme DUMA) ; 16% ont déclaré en avoir consommé avant l’arrestation, 26% avoir vendu des drogues pour obtenir de l’argent. En Angleterre, 78/116 jeunes arrêtés ont été testés positif à l’usage de drogues, dont 73 pour cannabis et 22 pour consommation d’alcool (New-Adam). Points clés - Il existerait une relation statistique forte entre l’abus de substance et certains comportements délinquants, mais ces observations sont, dans une large mesure, obtenues à partir d’étude sur des sujets judiciarisés. - La délinquance s’installerait avant la consommation chez les hommes et on observerait l’inverse chez les femmes. - Chez les jeunes, on observe une progression de la consommation semblable dans tous les pays. L’abus de drogues s’inscrit dans un contexte social problématique plus large. Les jeunes, qui ont des problématiques sociales, dont des conduites déviantes, montrent des taux de consommation plus élevés. Il est à noter aussi que pour les études prises en compte dans le rapport : DROGUES ET DOMMAGES SOCIAUX - Revue de la Littérature internationale, la question de la qualité de la méthodologie est soulevée, et ce, à trois niveaux en particulier : - la définition de la délinquance est imprécise, changeante d’une étude à l’autre. - les mesures (comme l’auto déclaration) ne présentent pas toujours une totale garantie de fiabilité. - les échantillons ne sont pas comparables et ne permettent pas une généralisation (délinquant repéré, cohorte spécifique, etc.). Donc, « (…) la question est plutôt de savoir pour qui et dans quelles circonstances un usage des substances psycho actives entraînera quelle forme de délinquance ». (150) Il est important de garder en mémoire que : - Dans certains contextes et pour certains groupes de personnes, l’alcool semble être un facteur précipitant de l’agression. Les victimes se retrouvent habituellement au sein de ces mêmes groupes. CIRDD Alsace – 5 rue Gustave Adolphe HIRN – 67000 STRASBOURG 11 - Les études doivent être effectuées, en portant une attention aux singularités d’une population et de la substance consommée (ex : faire la différence entre des jeunes qui consomment du cannabis et des prisonniers qui consomment de l’héroïne). Selon les auteurs de « Drogues et Dommages sociaux », l’intensité et l’importance de la délinquance sont soumises aux facteurs de risque suivant : - La précocité des premiers délits (autre que les ILS) - Le niveau des dépenses liées aux consommations (ajoutons, que ce facteur peut être renforcé par un revenu faible). - La polyconsommation. - L’intervention pénale, sans intervention d’ordre sanitaire. - L’implication d’un usager dans un réseau de distribution et de revente de stupéfiants. - L’implication dans certains marchés spécifiques, notamment celui du crack. CIRDD Alsace – 5 rue Gustave Adolphe HIRN – 67000 STRASBOURG 12 2. La question du trafic « Ce n'est pas l'économie qui est souterraine mais toute une part des modes de vie et des pratiques des jeunes et des moins jeunes qui échappent partiellement aux acteurs et aux dispositifs destinés à leur accueil » (Kokoreff et coll. (1997)). Cette citation, relevée par les auteurs dans les travaux dirigés par Kokoreff, comporte en elle-même l’essentiel de ce qui a été observé dans les différentes recherches sur le trafic. Enrichi par un apport colossal des travaux américains, notamment en ethnographie, l’étude du trafic, et surtout l’intérêt porté aux discours des acteurs concernés, à savoir les vendeurs et revendeurs, ont permis de dresser un portrait de cette autre forme de délinquance impliquant des produits stupéfiants. Ce portrait implique une compréhension de l’acte délinquant, non seulement dans le contexte du réseau des trafiquants, mais aussi dans le contexte plus large des multiples formes d’appartenances sociales de ces derniers. Plusieurs études ont ainsi mis l’accent sur l’origine des trafiquants. Ces travaux ont cherché à confirmer ou infirmer la relation entre les ILS et le sexe, l’origine socioprofessionnelle, l’origine ethnique, la provenance géographique, etc. La pauvreté expliquerait, en partie, l’entrée dans le monde du trafic (Aquatias et coll., 1997). Toutefois, les auteurs de « Drogues et Dommage sociaux » font remarquer que ces recherches portent là encore sur des groupes spécifiques et que bien peu d’entres elles s’intéressent au réseau de trafiquants insérés dans la société, dont l’existence semble pourtant bel et bien réelle. Par conséquent, d’autres facteurs pourraient expliquer l’entrée dans le trafic des stupéfiants, la spécificité et la diversité des situations étudiées attestant de multiples formes de fonctionnement. Ces trafics se caractérisent alors par leur grande capacité d’adaptation, d’une part, aux pressions policières et, d’autre part, aux attitudes des consommateurs. En d’autres termes, les pressions exercées, par exemple, par les services de police sur le trafic de cannabis, différentes de celles exercées sur le trafic de cocaïne, influencent le mode de fonctionnement des trafiquants. L’attitude des consommateurs d’héroïne influence également, par exemple, l’offre des trafiquants en modifiant les modes de distribution, ce qui amènent certains chercheurs à distinguer les milieux de vente ouverts (ex : rues), fermés (ex : appartements) et semi fermés (ex : bars). La grande diversité des formes que prend le trafic des produits stupéfiants est d’ailleurs révélée au sein même des groupes spécifiques qui ont été étudiés. Ainsi, les auteurs remarquent que, même s’il est important de distinguer les enjeux impliqués dans des trafics de substances distinctes, par exemple de différencier les actes délinquants causés par le trafic de cannabis et ceux causés par le trafic de crack, il faut se garder de croire que toutes les organisations de trafic d’une même substance se ressemblent d’un pays, d’une ville, voire d’un quartier à l’autre. CIRDD Alsace – 5 rue Gustave Adolphe HIRN – 67000 STRASBOURG 13 Les formes de trafic semblent également influencées par la « maturité » du marché, des normes semblant s’instituer avec le temps. Un autre élément vient compliquer le rapport entre la carrière du délinquant et le trafic de stupéfiants. Certaines études montrent combien les parcours de certains vendeurs ne sont pas linéaires, c’est-à-dire, qu’ils sont entrecoupés de « pauses », le temps de revenir à des activités légales. Dans d’autres cas, les chercheurs établissent des différences entre les trafiquants qui concentrent leur existence autour de cette activité et d’autres dont le trafic est superposé à des activités légales (emplois). Dans ce cas, l’acte délinquant s’inscrit alors dans un contexte de vie qui, lui, relève de la légalité et d’une certaine norme sociale. Le trafic est alors une activité périphérique (Joubert, 2000). Il est difficile de généraliser les données recueillies par les études, du fait qu’elles concernent des groupes spécifiques et qu’elles semblent confirmer la singularité des trafics selon les facteurs énumérés précédemment. Par ailleurs, la plupart d’entre elles montrent comment le trafic participe de l’intégration d’un sujet à un groupe ou un réseau, comment il constitue un univers où il est reconnu. Le trafic répondrait alors davantage à une forme de pauvreté relationnelle qu’à une pauvreté économique. En conclusion, les auteurs de « Drogues et Dommages sociaux » estiment que : - Les trafics sont affectés par des réalités locales (drogues concernées, réalité économique, répression sur un territoire, etc.) - La violence semble plus présente dans les trafics parmi les classes défavorisées (mais il existe peu de données sur les trafics dans les classes supérieures). CIRDD Alsace – 5 rue Gustave Adolphe HIRN – 67000 STRASBOURG 14 3. Insécurité, drogues et délinquance. La visibilité et des preuves concrètes de la consommation ou de la vente de drogues délimitées dans certaines zones géographiques, expliqueraient, en partie du moins, le sentiment d’insécurité dont souffriraient certains résidents. Cette hypothèse s’inscrirait alors dans ce qui convient de nommer la relation entre délinquance et drogues, dans la mesure où le sentiment d’insécurité est associé implicitement à l’idée que la présence de consommation et/ou vente de drogues constitue des actes délinquants pouvant mettre en péril la sécurité des habitants d’un espace défini. Les recherches sur ce sujet sont relativement rares. La plupart d’entre elles traite cet aspect dans un contexte plus large, celui de l’insécurité et de la représentation de la qualité de vie des résidents d’un quartier. « Il est relativement clair surtout que les problématiques reliées aux désordres, aux incivilités, dans l'espace public, ont tendance à se concentrer dans des quartiers qui vivent déjà d'autres problématiques de délitement du tissu social, de pauvreté et de précarité, bref d'une carence de l'efficacité collective ou du capital social. Le fait que les micro-trafics de drogue, les usages en public d'alcool ou de drogues, seront surtout visibles dans ces quartiers n'est pas la cause première des insécurités ressenties plus fortement dans ces quartiers qu'ailleurs, mais deviennent des ancrages privilégiés pour les exprimer » (Drogues et Dommages sociaux, p. 202). Les auteurs de « Drogues et Dommages sociaux » soulignent que : - L’insécurité n’est jamais exclusivement liée à la présence de consommateurs ou de revendeurs de drogues. Ce facteur se retrouve plutôt parmi de toute une série de signes (délabrement, vandalisme, graffitis, etc.). - La visibilité des politiques publiques en matière de lutte contre les drogues augmenterait l’idée que l’insécurité est liée à ces dernières. CIRDD Alsace – 5 rue Gustave Adolphe HIRN – 67000 STRASBOURG 15 4. La corruption chez les policiers La corruption des représentants des forces de police est également une forme de délinquance qui implique les drogues. Encore ici, les études sont relativement rares. Les recherches publiées en Angleterre et aux Etats-Unis dégagent certains facteurs récurrents des différents cas de corruption, dont : - une activité policière peu surveillée. - des corps de police qui développent une cohésion très forte, qui se traduit par une place accordée au secret et à l’importance de protéger ses collègues. - le manque de reconnaissance perçu par certains policiers qui éprouvent alors une démotivation professionnelle, une insatisfaction par rapport à leur rémunération et pour d’autres de réels problèmes financiers. - le contact avec des criminels, dont l’intérêt est de déjouer les forces répressives et qui en font des cibles pour la corruption. - le fait que la corruption reste un crime sans victime apparente. Elle peut se banaliser, ce qui permet de caractériser une corruption évènementielle et structurée. - les comportements antérieurs et le parcours individuel de chaque policier qui sont aussi des facteurs explicatifs. En conclusion, les auteurs de « Drogues et Dommages sociaux » ajoutent qu’« (…) un certain nombre de travaux laissent penser que les politiques sur les drogues elles-mêmes, parce qu'elles ont augmenté considérablement les pouvoirs policiers et qu'elles rendent « attrayant » les marchés des drogues, sont un facteur pouvant contribuer à la corruption » (369). CIRDD Alsace – 5 rue Gustave Adolphe HIRN – 67000 STRASBOURG 16 5. Rôle de la consommation de substances psychoactives dans l’échec scolaire Selon la loi française, la fréquentation de l’école est obligatoire jusqu’à l’âge de 16 ans. Ainsi, l’arrêt des études avant cet âge constitue un délit, d’où l’intérêt de se questionner, sur l’implication des drogues dans les cas d’échec scolaire. Cette relation est également difficile à appréhender du fait de la multiplication des facteurs entrant en jeu. On a remarqué que la consommation des substances psychoactives serait plus élevée chez les « décrocheurs » scolaires. Chez les jeunes adultes (étudiants), une consommation élevée de drogues, particulièrement d’alcool et de cannabis, a été soulignée par de nombreuses études. D’une manière plus générale, les problèmes de comportement et l’échec scolaire seraient liés, entre autre, à la consommation des substances psycho-actives (Bryant et coll., 2000). Mais des recherches abondent dans le sens opposé, en relevant plutôt une relation de faible intensité (Miller et Plant, 1999). En France, les études sont également contradictoires. Les facteurs semblant trop nombreux, l’isolement de l’un d’entre eux ne permet pas de mieux comprendre une situation complexe. La construction des indicateurs renforce cette difficulté. Les auteurs de DROGUES ET DOMMAGES SOCIAUX - Revue de la Littérature internationale, remarquent que l’étude des liens entre difficultés scolaires et substances psycho actives met en évidence que : - La consommation s’ajoute habituellement à de nombreux autres facteurs de risque (milieu familial instable, difficultés scolaire précoces, etc.), - Une consommation dérégulée, notamment de cannabis affecte le rapport à l’institution scolaire, - La fréquentation de pairs délinquants influence aussi le rapport à l’école, - L’exclusion scolaire ou l’abandon délibéré/recherché de l’école, augmente les risques de consommation plus intense. CIRDD Alsace – 5 rue Gustave Adolphe HIRN – 67000 STRASBOURG 17 6. Toxicomanies, alcool et violence familiale La violence conjugale, comme toutes formes d’agression physique, constitue un crime. La difficulté à comprendre la relation entre violence conjugale d’une part et consommation de drogues d’autre part, réside d’abord dans le nombre restreint d’études et de données existantes sur la violence conjugale elle-même. Selon les différentes études de prévalence, qui recourent chacune à des méthodologies spécifiques, des indicateurs construits et choisis et des échantillons différents, entre 4% et 28% des femmes seraient victimes de violence conjugale. Les études de concomitance entre toxicomanie et violence conjugale indiquent que les drogues sont présentes dans de nombreux cas. [Hotaling et Sugarman (1986), Fagan, Barnett et Patton (1988) et Kantor et Strauss (1989)]. Les études sur l’interrelation entre toxicomanie et violence révèlent une présence significative des troubles de la personnalité chez les agresseurs. Quatre approches tentent d’expliquer la violence chez les hommes qui ont consommé de telles substances. La théorie féministe explique la consommation d’alcool chez les hommes violents comme une tentative de diminuer leur part de responsabilité dans le geste qu’ils commettent. La théorie du traitement de l’information sociale, souligne que le consommateur à une perception différente de la réalité et qu’il serait sujet à interpréter la situation autrement, ce qui affecterait sa prise de décision. L’approche psychosociologique indique que des causes antérieures communes expliqueraient la concomitance de la violence et de la consommation. L’approche biologique montre que la levée des inhibitions peut aussi expliquer l’émergence de la violence. Quelques chercheurs se sont interrogés sur la position de victimes rencontrée chez les femmes. Ils ont remarqué que certaines femmes ont connu plusieurs épisodes de violence conjugale avec le même partenaire ou avec des hommes différents. Les femmes toxicomanes semblent plus souvent victimes, soit parce qu’elles côtoient plus souvent des hommes toxicomanes qui seraient eux-mêmes enclins à la violence, soit parce que la représentation négative de la femme toxicomane en ferait une victime potentielle, ce qui multiplierait les attaques envers elles. CIRDD Alsace – 5 rue Gustave Adolphe HIRN – 67000 STRASBOURG 18 Une autre approche pose le postulat de la consommation comme une conséquence de la violence subie : certaines femmes utiliseraient alors les substances psychoactives à des fins d’automédication, d’autres consommeraient ces substances à la suite d’agressions subies durant l’enfance. Certaines drogues provoquent davantage de violence que d’autres : exemple la cocaïne. L’intensité et la fréquence de la consommation de tels produits, peuvent aussi expliquer la violence, mais cette remarque semble devoir être nuancée en fonction du produit, puisqu’après un certain seuil de consommation, les cas de violence diminueraient. En fait, la consommation ne serait pas totalement déterminante, puisque « les résultats des analyses de régression logistique bivariée et multivariée font ressortir que les comportements masculins favorables au contrôle et à la soumission des partenaires féminins, notamment les insultes et le dénigrement, étaient statistiquement bien plus prédictifs de violence que le type de relation, diverses variables démographiques et… l'abus d'alcool » (292). En France, une étude (Jaspard et coll. 2002) indique que la violence serait multipliée par 20 lorsque le conjoint souffrirait d’alcoolisme. Agressions sexuelles L’implication de la consommation de substances psycho actives dans les cas d’agressions sexuelles est également difficile à bien cerner. Encore ici, les cas d’agressions sexuelles sont d’emblée difficiles à évaluer, mais entre 35 et 50% des agresseurs seraient sous l’influence de telles substances selon certains. Les explications sont variées. Une étude révèle (Abbey et coll. (1996) « qu'il existerait, chez les adolescents et les jeunes adultes, des croyances favorables au viol dans le contexte de fréquentations amoureuses. Ainsi, les besoins sexuels spécifiques des hommes rendraient acceptables, dans certaines circonstances, l'idée qu'une femme soit contrainte à avoir des relations sexuelles ». (299). Ces observations se retrouvent aussi dans d’autres études [Goodchilds et coll. (1988), Burt (1980)]. Les auteurs observent que l’alcool et la sexualité sont souvent associés dans les représentations des hommes. D’autres travaux soulignent que l’alcool et les drogues renforcent une mauvaise perception des gestes de l’autre, ce qui peut entraîner une mauvaise interprétation de certains « signes », et de la difficulté, chez la victime, à faire entre son refus. La désinhibition expliquerait aussi, en partie, le passage à l’acte de certains hommes. Les études menées auprès d’adolescents ne font pas l’unanimité par rapport à l’ampleur réelle du phénomène et l’intensité de la relation entre drogues et agressions sexuelles. Entre 3% et 72% de ce type d’agressions seraient commis sous l’influence de substances psychoactives. CIRDD Alsace – 5 rue Gustave Adolphe HIRN – 67000 STRASBOURG 19 En résumé : - Consommation de drogues et violence auraient une source commune mais ne seraient pas forcément liées par un lien causal. - Les attentes personnelles par rapport aux effets de l’alcool et des drogues influencent le comportement des consommateurs, ce qui ouvrent les portes au passage à l’acte chez certains. La question de la représentation sociale de telles consommations entre ici en jeu. - Le lien entre une consommation abusive et la violence (dont la violence traduite en agression sexuelle) ferait consensus chez plusieurs auteurs. - L’alcoolisme, qui entraînerait plusieurs problèmes sanitaires et sociaux, faciliterait le passage à l’acte chez certaines personnes. Maltraitance, alcool et drogues Les droits, qui protègent les enfants comme les adultes, considèrent la maltraitance comme une forme de délit. Les études menées auprès de femmes enceintes montrent clairement que la consommation de substances psychoactives affecte à la fois la santé de la mère et de l’enfant. Or, la consommation de ces substances semble liée, dans plusieurs cas, à une victimisation des mères : la consommation servirait alors à éviter, à fuir la réalité d’une violence subie (notamment par le conjoint). Toutefois, comme nous l’avons mentionné précédemment dans les cas de violence conjugale, la consommation n’est qu’un élément dans un ensemble plus large, plus complexe, marqué par d’importants dysfonctionnements familiaux. Les auteurs remarquent au passage, que l’offre de services pour les femmes enceintes est en inadéquation avec leurs demandes et leurs besoins réels. La toxicomanie est souvent le fait d’une personne victime de violence au sein même de sa famille. La consommation excessive et répétitive de substances psycho actives survient dans des cas où un secret de famille, révélé ou latent, vient affecter l’équilibre psychique d’une personne. Les mauvais traitements des enfants comme cause et conséquence de la consommation d’alcool ne sont que suggérés, sans être parfaitement démontrés, que par certaines études (Widom et HillerSturmhöfel (2001 ; (Widom, 1993), ce qui vaut aussi pour les cas d’agressions sexuelles (Fleming et coll. 1998). Les facteurs liés à l’environnement social et familial semblent plus importants (Coulton et coll. 1999 ; Korbin, 1998), (Miller et coll. 1997), tout comme l’histoire personnelle des parents. (Kaufman et Zigler, 1987). Le lien entre abus d’alcool, comme conséquence de mauvais traitements d’enfant, n’est pas plus clairement établi. Certaines études vont plus loin, puisque : CIRDD Alsace – 5 rue Gustave Adolphe HIRN – 67000 STRASBOURG 20 « La revue de littérature de Klee (1998) sur l'éducation des enfants par les parents usagers de substances psychoactives met à mal certains des stéréotypes qui stigmatisent ces derniers et qui sont parfois véhiculés par les professionnels de la santé eux-mêmes ; elle montre que la consommation de substances psychoactives peut être gérée de façon à en neutraliser les effets négatifs (lorsqu'elle est importante). En fait, les usagers de substances psychoactives ont parfois recours à des stratégies d'adaptation qui visent à contourner certains des problèmes créés par leur consommation. » (p.314) Dans l’ensemble, la prudence reste toujours de mise pour l’interprétation des résultats obtenus, et la généralisation plutôt difficile. Les violences familiales subissent l’influence des facteurs suivants : - La présence de deux partenaires consommateurs - Une consommation d’alcool plus élevée que la moyenne - Les problèmes familiaux, notamment la présence de buveurs intensifs dans la famille et dans son entourage, qui augmente les chances d’une consommation importante chez les enfants - Les traumatismes subis pendant l’enfance (et qui augmentent le risque de consommation). CIRDD Alsace – 5 rue Gustave Adolphe HIRN – 67000 STRASBOURG 21 Conclusion « (…) comme en témoigne un panel d'experts internationaux convoqués conjointement par le NIDA et le NIJ en 2002, les chercheurs s’accordent pour dire que l'association forte entre drogues illicites et criminalité… requiert encore plus d'études et que les explications demeurent insatisfaisantes (National Institute of Justice, 2003). Il en va de même plus généralement de l’association entre la consommation de substances psycho actives et les autres dommages sociaux : exclusion sociale, difficultés scolaires ou professionnelles, etc. (367) La diversité des implications des substances psychoactives dans le champ de la délinquance oblige d’emblée à la prise de distance : la généralisation de l’impact de ces dernières est une erreur, dans la mesure où l’usage de drogues est toujours associé à d’autres facteurs, inscrit dans une complexité sociale, un contexte géographique, politique, sociologique, psychologique… La plupart des études incluent des échantillons relativement restreints, des cas qui, même en embrassant une certaine complexité, demeurent spécifiques lorsqu’ils se retrouvent noyés dans une complexité supérieure, celle de l’ensemble des aspects de la consommation, de la vente et revente des substances psycho actives. Ainsi, malgré la cooccurrence de ces substances avec plusieurs problématiques sociales et actes délictueux, les recherches n’indiquent jamais clairement que l’alcool et les drogues sont exclusivement à la source de ces derniers. « L'hypothèse des causes communes est à l'heure actuelle la plus souvent retenue par les chercheurs. Mais quelles sont ces causes ? …Le fait de savoir de quelle manière et dans quelles circonstances elles s'imbriquent pour créer les conditions de risque qui mèneront à des consommations abusives, qui en retour entraîneront des dommages sociaux, demeure, en l'état, largement spéculatif » (372). Ces lacunes pourraient être surmontées à condition de remettre en question certains postulats qui biaisent et limitent la compréhension de la relation entre drogues et délinquance. Plusieurs recherches partent implicitement du postulat selon lequel les drogues ont des effets négatifs. Un autre postulat est celui selon lequel les effets sociaux de ces substances seraient stables dans le temps, ce qui évacue la question du contexte et du sens à donner à l’usage et à la vente. Enfin, les représentations sociales à l’égard des toxicomanes et des trafiquants de produits stupéfiants, auxquelles ni le professionnel, ni le chercheur ne semblent échapper, devraient aussi être évaluées, afin de déterminer, dans un premier temps, non pas la relation entre drogue et délinquance, mais plutôt, les nombreux biais qui interviennent dans l’étude de cette relation. CIRDD Alsace – 5 rue Gustave Adolphe HIRN – 67000 STRASBOURG 22 Bibliographie SANFAÇON D., BARCHELAT O., LOPEZ D., VALADE C., - « Drogues et Dommages sociaux », OFDT, 2005, 229 p. - http://www.ofdt.fr/BDD/publications/docs/epfxdsk4.pdf Textes législatifs LOI n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance http://www.legifrance.gouv.fr/imagesJOE/2007/0307/joe_20070307_0056_0001.pdf SECRETARIAT GENERAL DU COMITE INTERMINISTERIEL DE PREVENTION DE LA DELINQUANCE, MINISTERE DE L'INTERIEUR Prévention de la délinquance. Les points clé de la loi 2007-297 du 05 mars 2007. Paris, Ministère de l'Intérieur et de l'Aménagement du Territoire, 2007, 9p. http://www.cls.interieur.gouv.fr/plaquetteprevdel.pdf Données chiffrées DIRECTION CENTRALE DE LA POLICE JUDICIAIRE Criminalité et délinquance constatées en France - Tome I : données générales, nationales, régionales et départementales - Année 2006 Paris, La Documentation française, 2007, 203p. http://lesrapports.ladocumentationfrancaise.fr/BRP/074000386/0000.pdf Ministère de l’intérieur - Statistiques criminalité http://www.interieur.gouv.fr/sections/a_la_une/statistiques/criminalite La douane, agir pour protéger. Résultats 2006 http://www.douane.gouv.fr/data/file/4494.pdf OBSERVATOIRE NATIONAL DE LA DELINQUANCE Rapport annuel 2006 - http://www.inhes.interieur.gouv.fr/Le-rapport-2006-69.html Pour aller plus loin … HOUGH M., LAGRANGE H., DEBARBIEUX E., PERETTI-WATEL P., AEBI M., ZAUBERMAN R., HOPE T. - Un autre regard sur la délinquance. - Déviance et Société, 2004, 28, (3), p.259-401 KOKOREFF M.- La force des quartiers. De la délinquance à l'engagement politique. - Paris, Ed. Payot, 2003, 349p. LAGRANGE H., PEYRAT D., MACE E., AUBUSSON B., MUCCHIELLI L., DAMON J., DONZELOT J., DEBARBIEUX E. - Etat, société et délinquance. La société face à la délinquance. Figures et territoires de la violence. Les politiques de sécurité.- Cahiers Français, 2002, 308, p.3-99. PEREZ-DIAZ C., HURE M. S., OFDT. - Violences physiques et sexuelles, alcool et santé mentale. Populations et traitements judiciaires - Saint-Denis, OFDT, 2006, 294p. PERETTI-WATEL P., BECK F., LEGLEYE S. - Usagers interpellés, usagers déclarés : les deux visages du fumeur de - cannabis. - Déviance et Société, 2004, 28, (3), p.335-352. CIRDD Alsace – 5 rue Gustave Adolphe HIRN – 67000 STRASBOURG 23