Cro-Magnon avait un cerveau
plus gros !
L’homme de Cro-Magnon, il y a environ
25.000 ans, avait un cerveau plus grand d’envi-
ron 15 % que celui de l’homme moderne, selon
la découverte récente d’une équipe française.
« Notre cerveau serait également plus court que
celui de nos ancêtres Homo Sapiens ce qui impli-
querait que certaines zones se sont rapprochées.
Cela ne signifie toutefois pas que l’homme soit
plus intelligent aujourd’hui » explique Antoine
Balzeau, chercheur au CNRS et au département
de la Préhistoire au MNHN. Mais cela prouve
que nous avons hypothétiquement la possibilité
d’un crâne plus gros.
LARS CHITTKA,
est professeur
d’écologie
comportementale
et sensorielle
au Queen Mary
College de Londres
(Royaume-Uni).
SIMON LAUGLIN
est professeur
de neurobiologie
à l’Université
de Cambridge
(Royaume-Uni).
ALEX FORNITO
est chercheur en
neurosciences
à l’Université
de Melbourne
(Australie).
ANTOINE BALZEAU est
chercheur au CNRS et
au département de la
Préhistoire du Muséum
d’Histoire Naturelle à Paris.
28 / Le monde de L’inteLLigence – n° 21 – Septembre/octobre 2011 Le monde de L’inteLLigence – n° 21 – Septembre/octobre 2011 / 29
différences entre individus peuvent être expliquées
par des facteurs génétiques, les 40 % restantes étant
liés à des facteurs environnementaux, explique le
scientifique. Certaines régions, en particulier dans
le cortex préfrontal, une zone clé pour la prise de
décision, la mémoire, l’attention et la planification,
étaient à 80 % sous l’influence génétique ». En clair,
cela signifie que les cerveaux organisés d’une façon
« plus rentable » ont été sélectionnés au cours de
l’évolution.
Pour maximiser son efficacité sans dépenser
trop d’énergie, les cerveaux des mammifères, et ce-
lui de l’homme en particulier, se sont organisés en
zones spécialisées semi-autonomes. Au cœur de ces
régions les liaisons entre neurones sont nombreuses
et courtes, chaque cellule étant reliée à environ un
tiers du nombre total, pour un traitement rapide et
efficace de l’information.
plus petits ce qui risquerait d’affaiblir la qualité de la
communication. « À l’instar des puces électroniques
miniaturisées qui, bien que plus rapides, génèrent
plus de bruit et de chaleur, explique Simon profes-
seur de neurobiologie à l’Université de Cambridge,
lorsque les neurones sont plus petits ils deviennent
plus bruyants et donc moins fiables ».
UNE EFFICACITÉ CÉRÉBRALE HÉRÉDITAIRE.
D’un côté le cerveau tend à créer plus de connexions
pour accroître son efficacité et de l’autre à réduire leur
nombre afin de minimiser sa consommation d’éner-
gie. La nécessité d’équilibrer ces deux contraintes
aurait opéré comme une pression sélective au cours
de l’évolution. L’équipe d’Alex Fornito chercheur en
neurosciences à l’Université de Melbourne a démon-
tré le caractère héréditaire du rapport coût-effica-
cité du réseau de connexions neuronales. « 60 % des
Le cerveau de l’homme moderne
serait proche d’une limite évolutive.
Augmenter ses capacités cognitives
coûterait « trop cher » en énergie.
Découvertes
fondamentales
très étendue en dépit d’une cervelle lilliputienne.
« Les abeilles ont des capacités cognitives bien plus
développées que ce que l’on pensait jusqu’à présent,
indique ainsi Lars Chittka, professeur d’écologie
comportementale et sensorielle au Queen Mary
College de Londres. La taille du cerveau ne serait
donc pas suffisante pour déterminer l’intelligence
d’une espèce.
UN CERVEAU PLUS DENSE EN NEURONES.
Tout dépend bien sûr de la définition de l’intel-
ligence choisie. Et la question reste complexe et
controversée. Il est généralement admis que les pri-
mates – grands singes et hommes en tête- les cétacés
et les dauphins sont dotés des plus grandes capacités
mentales et comportementales. Chez les vertébrés, et
les mammifères en particulier, la masse du cerveau
augmente de façon linéaire à celle du corps (voir le
graphique). Mais certaines espèces, comme l’homme,
le chimpanzé et le dauphin, situés au-dessus de la
diagonale, ont un cerveau plus grand qu’attendu. Le
cerveau humain a ainsi le plus grand quotient d’encé-
phalisation avec un cerveau 7 à 8 fois plus grand qu’un
Découvertes
fondamentales
mammifère de sa taille. Une autre caractéristique
associée à l’intelligence est le nombre élevé de neu-
rones dans le cortex lié à la capacité de mémorisation.
L’homme dépasse toutes les espèces avec environ
15.000 neurones corticaux (contre 11.000 chez l’élé-
phant d’Afrique dont le cerveau est trois fois plus
gros), mais aussi par un traitement de l’information
très rapide et un nombre élevé de zones spécialisées.
Le cerveau humain pourrait-il alors grossir
encore et multiplier ses neurones pour accroître ses
capacités intellectuelles ? Il semblerait que non en
raison de contraintes thermodynamiques et phy-
siques. « Je pense que le cerveau est proche d’avoir
atteint une limite évolutive, car plus grand il serait
moins efficace, indique Jon Kaas. Des chercheurs
ont estimé qu’en doublant la taille du cerveau on
augmenterait de seulement 10 % la puissance de
calcul avec un coût énergétique élevé ». Cela cor-
respond à la loi des rendements décroissants selon
laquelle un doublement de l’énergie de départ ne
résulte pas en une performance doublée. Or, il faut
rappeler que notre cerveau qui ne représente que
2 % de notre masse totale est l’organe qui consomme
le plus d’énergie (environ 20 %).
EFFICACITÉ VERSUS COÛT ÉNERGÉTIQUE.
L’évolution du cerveau aurait en effet été guidée par
la recherche d’un équilibre entre coût énergétique
minimal et efficacité maximale. Et la forme actuelle
semblerait être la plus optimale pour ce compromis.
Explications.
Un cerveau plus grand nécessiterait davan-
tage de longues connexions entre des régions plus
éloignées, ce qui impliquerait un coût énergétique
supplémentaire et une communication plus lente.
Les cerveaux plus grands que celui de l’homme
(éléphant, baleine) sont moins efficaces parce qu’-
en dépit d’un nombre similaire de neurones- la
vitesse de traitement de l’information est réduite à
cause d’une distance plus grande entre les neurones.
Une option pour accroître la vitesse de conductivité
consiste à épaissir l’enveloppe de myéline des fibres
d’axones, mais cela exige à nouveau une consom-
mation accrue d’énergie et d’espace. « Le cerveau
humain semble donc avoir atteint un équilibre entre
la maximisation du nombre de neurones d’une part
(bon pour la mémoire) et de la vitesse de traitement
d’autre part (bon pour l’intelligence) », explique
Gerhard Roth professeur à l’institut de recherche
sur le cerveau de l’Université de Brême (Allemagne).
À l’inverse, on pourrait imaginer que le cer-
veau rétrécisse tout en conservant la même densité
de neurones ce qui aurait l’avantage de réduire le
coût énergétique et d’accroître la vitesse de commu-
nication. Toutefois cela impliquerait des neurones
Les cerveaux
organisés d’une façon
« plus rentable » ont été
sélectionnés au cours de
l’évolution