Photo : Michel Boutefeu Ai Une saison en enfer d'Arthur Rimbaud par Pierre Pistorio Théâtre de l'Impatient samedi 12 janvier 1991 - 21 h dimanche 13 janvier 1991 - 17h lundi 14 janvier 1991 - 18h 30 durée du spectacle : 1h 30 Petite Salle - 1er sous-sol Prix des places : 80F - 65F 60 F Location téléphonique : 42 74 42 19 Presse : Anne-Marie Pereira Centre Georges Pompidou 42 77 12 33 poste 4069 cm/ Une saison en enfer par Pierre Pistorio Mise en scène : Gabriel Chame Buendia Costumes : Jean-Marie Debaecque Masques et accessoires : Daniel Cendron *NACGeor V g e g •••• S8n Service *ecfes* , (\p I^IO^W A. Une saison en enfer est un drame : pas seulement un "poème" (l'un des plus beaux, sans doute, de la langue française, écrit dans cette "prose de diamant" qu'admirait Verlaine, premier lecteur et personnage en quelque sorte ventriloque..); pas non plus une "pièce de théâtre" - mais nulle part autant que dans ce monologue incandescent la théâtralité n'a été dévoilée, mise en scène dans les masques du personnage, représentation du corps et de l'âme exigeant tout ensemble la vérité. Personne, à ma connaissance, à la seule exception de Bruno Sermonne à Bruxelles, en 1981, n'a su comme Pierre-François Pistorio incorporer et délivrer ce drame - cette action dans le corps et dans l'âme, avec sa prodigieuse soufflerie. L'essentiel dans ce texte, comme dans l'oeuvre et dans la vie de Rimbaud, tient sans cloute à cette extraordinaire impatience, d'une nature toute particulière : l'impatience de quitter ce corps et cette pensée toujours fatalement insuffisants, le hurlement sardonique de "Terre des loups" (ce hameau des Ardennes où Rimbaud écrit, crie son "livre nègre") ; l'impatience d'accéder au lieu, qui n'est jamais celui auquel il se trouve - un lieu où l'on ne peut se trouver - et qui porte Rimbaud à la marche infinie. En 1980, assistant à toutes ses représentations dans différentes salles, j'ai éprouvé, reconnu même, cette impatience en Pierre-François Pistorio, qu'il porte en lui, et dont il souffre - nommant sa compagnie sans innocence "théâtre de l'Impatient", puis "de la Patience". Et quand il me confie à présent que ce drame recommence "en montant par les jambes", je reconnais le signe le plus sûr de cette magnifique coïncidence avec ce jeune homme qui n'a cessé de marcher toute sa vie, et dont Pistorio devine tous les élans, tous les tons et les intonations - captés une fois déjà par Henri Pichette, en 1949, dans ses Epiphanies. En spectateur passionné, je puis même me rappeler la scénographie de son spectacle... Dans l'obscurité, une voix "Jadis, si je me souviens bien...", puis le craquement d'une allumette, suivi par la flamme d'une bougie : le personnage - explorateur, vagabond, mercenaire - s'enfonce dans sa nuit de l'enfer, au centre d'un foyer de bougies allumées progressivemnt, tandis que Rimbaud délivre ce testament devenu Ieg. Et quand Pistorio, l'oiseau de nuit, s'envole, nous reconnaissons en ce bond de rapace une présence, la plus vraie qui soit parce qu'elle vit dans le poème. Alain BORER UNE SAISON EN ENFER LETTRE DU VOYANT "La première étude de l'Homme qui veut être poète est sa propre connaissance, entière. Il cherche son âme, il l'inspecte, il la tente, l'apprend. Dès qu'il la sait, il la doit cultiver : cela semble simple : en tout cerveau s'accomplit un développement naturel.... Mais il s'agit de faire 1'âme monstrueuse... ". "Le poète se fait voyant par un long, immense et raisonné dérèglement de tous les sens. Toutes les formes d'amour, de souffrance, de folie : il cherche, il épuise en lui tous les poisons pour n'en garder que les quintessences, ineffable torture où il a besoin de toute la force surhumaine, où il devient entre tous le grand malade, le grand criminel, le grand maudit, - le suprême savant! "Car il arrive à l'inconnu! Puisqu'il a cultivé son âme, déjà riche, plus qu'aucun! Il arrive à l'inconnu; et quand, affolé, il finirait par perdre l'intelligence de ses visions, il les a vues!". "Qu'il crève innombrables dans son bondissement : viendront d'autres par les horribles choses inouïes travailleurs; commenceront par les horizons où l'autre s'est affaissé". ARTHUR RIMBAUD Lettre à Paul DEMENY Charleville, 15 mai 1871. et ils UNE SAISON ONE SAISON EN EN ENFER Lettre du voyant « Car il arrive à l'inconnu ! Puisqu'il a cultivé son âme, déjà riche, plus qu'aucun ! Il arrive à l'inconnu ; << La première étude de l'Homme qui et quand, affolé, il finirait par perdre veut être poète est sa propre l'intelligence de ses visions, il les a connaissance, entière. Il cherche vues ! » son âme, il l'inspecte, il la tente, l'apprend. Dès qu'il la sait, il la doit « Qu'il crève dans son cultiver : cela semble simple : bondissement par les choses en tout cerveau s'accomplit un inouïes et innombrables : viendront développement n a t u r e l - d'autres horribles travailleurs ; ils Mais il s'agit de faire l'âme commenceront par les horizons où monstrueuse l'autre s'est affaissé. » « Le poète se fait voyant par un long, immense et raisonné dérèglement de tous les sens. Toutes les formes d'amour, de souffrance, de folie : il cherche, il épuise en lui tous les poisons pour n'en garder que les quintessences, ineffable torture où il a besoin de toute la force surhumaine, où il devient entre tous le grand malade, le grand criminel, le grand maudit — le suprême savant ! » Arthur Rimbaud Lettre à Paul Demeny Charleville, 15 mai 1871. ENFER mise en scène Gabriel Chame Buendia 90' interprétation Pierre-François Pistorio costumes Jean-Marie Debaecque Alain Borer et aux amis de Rimbaud pour leur confiance et leur appui