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Une saison en enfer S8n*ecfes* ,
par Pierre Pistorio (\p
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Mise en scène : Gabriel Chame Buendia A.
Costumes : Jean-Marie Debaecque
Masques et accessoires : Daniel Cendron
Une saison en enfer est un drame : pas seulement un "poème" (l'un des plus beaux, sans doute, de
la langue française, écrit dans cette "prose de diamant" qu'admirait Verlaine, premier lecteur et
personnage en quelque sorte ventriloque..); pas non plus une "pièce de théâtre" - mais nulle part autant
que dans ce monologue incandescent la théâtralité n'a été dévoilée, mise en scène dans les masques
du personnage, représentation du corps et de
l'âme
exigeant tout ensemble la vérité.
Personne, à ma connaissance, à la seule exception de Bruno Sermonne à Bruxelles, en 1981, n'a su
comme Pierre-François Pistorio incorporer et délivrer
ce
drame - cette action dans le corps et dans l'âme,
avec sa prodigieuse soufflerie.
L'essentiel
dans ce texte, comme dans
l'oeuvre
et dans la vie de
Rimbaud,
tient sans cloute à cette extraordinaire impatience,
d'une
nature toute particulière : l'impatience
de quitter ce corps et cette pensée toujours fatalement insuffisants, le hurlement sardonique de "Terre
des loups" (ce hameau des Ardennes
où
Rimbaud écrit, crie son "livre nègre") ; l'impatience d'accéder au
lieu,
qui
n'est
jamais celui auquel il
se
trouve - un lieu où l'on ne peut
se
trouver - et qui porte Rimbaud à la
marche infinie.
En 1980, assistant à toutes ses représentations dans différentes salles, j'ai éprouvé, reconnu même,
cette impatience en Pierre-François Pistorio, qu'il porte en
lui,
et dont il souffre - nommant sa compagnie
sans innocence "théâtre de l'Impatient", puis "de la Patience". Et quand il me confie à présent que ce
drame recommence "en montant par les jambes", je reconnais le signe le plus sûr de cette magnifique
coïncidence avec ce jeune homme qui n'a cessé de marcher toute sa
vie,
et dont Pistorio devine tous les
élans,
tous les tons et les intonations - captés une fois déjà par Henri Pichette, en 1949, dans ses
Epiphanies.
En spectateur passionné, je puis même me rappeler la scénographie de son spectacle... Dans
l'obscurité, une voix "Jadis, si je me souviens
bien...",
puis le craquement
d'une
allumette, suivi par la
flamme
d'une
bougie : le personnage - explorateur, vagabond, mercenaire - s'enfonce dans sa nuit de
l'enfer,
au centre d'un foyer de bougies allumées progressivemnt, tandis que Rimbaud délivre ce
testament devenu Ieg. Et quand Pistorio,
l'oiseau
de nuit, s'envole, nous reconnaissons en ce bond de
rapace une présence, la plus vraie qui soit parce qu'elle vit dans le poème.
Alain BORER