financesplacements
70 - Le Commerce du Levant - Juin 2011
Une croissance
de mauvaise qualité
L’année 2010 s’est déroulée sous le signe
de la relance. 2011 devrait faire place au
rééquilibrage et à la stabilisation, selon le
Fonds monétaire international (FMI).
Dans ses “Perspectives de l’économie
mondiale” du mois d’avril, le grand
argentier a annoncé une croissance
du PIB réel mondial
de 4 % en 2011 et en 2012, soit une
légère baisse par rapport aux 5 % de l’an
dernier. Les pays avancés sont les moins
bien lotis avec seulement 2 % de croissan-
ce prévue, alors que les pays émergents
et en développement affichent un solide
6 %. « La crainte d’une double récession
ne s’est pas concrétisée », notent
les experts du FMI. Car c’était la grande
inquiétude de ces derniers mois : que le
retrait de l’impulsion budgétaire, sous
forme de transfert de la demande publique
vers la demande privée, ne provoque
une double récession. Le contrecoup
a été finalement un léger essoufflement
de la croissance dans la plupart des grands
pays développés.
Même son de cloche chez les banquiers :
le Crédit Agricole Suisse parle de
« ralentissement modéré » et Audi-Saradar
de « stabilisation ». « Mais il y a de l’argent
sur les marchés, ce qui est toujours bon
signe », note Toufic Aouad, directeur de la
banque privée Audi-Saradar. Ce contexte
macroéconomique globalement positif crée
en effet une dynamique favorable sur
les marchés financiers, les bénéfices
des entreprises faisant monter les cours des
actions, baisser ceux des obligations
et diminuer la volatilité et les écarts de crédit.
Ces perspectives relativement satisfaisantes
divergent néanmoins considérablement
d’une région à l’autre.
Dosseir réalisé par Carine Fernaini
70-86 finances placements 617.qxp:44-46 banque en couverture 6/1/11 11:43 AM Page 1
Les problèmes qui gangrenaient les pays
industrialisés en 2010 sont pour la plupart
toujours d’actualité. Dette souveraine européen-
ne, chômage et crise immobilière continuent
d’assombrir les perspectives des mois à
venir. Du côté des marchés, la situation
s’améliore mais reste particulièrement fragi-
le, étant donné les besoins de financement
élevés des banques et des États. Les flux de
capitaux sont assez moroses du fait de l’ato-
nie de l’activité et du mauvais état des sys-
tèmes financiers. « Les investisseurs doivent
s’habituer à être inquiets », note Jean Riachi,
président de FFA Private Bank.
Aux États-Unis, « la production est encore très
inférieure à son potentiel, le chômage est élevé
et la faiblesse de la croissance donne à penser
qu’il le restera pendant de longues années »,
analyse le FMI. Le secteur du logement est tou-
jours déprimé, ce qui pèse sur les investisse-
ments. « Le marché immobilier et celui du tra-
vail restent anémiques, moins de 15 % des
emplois perdus en 2008-2009 ont été retrou-
vés en 2010-2011 », explique Christina Azouri,
Senior Investment Advisor au Crédit Agricole
Suisse. La croissance économique ralentit éga-
lement, avec un PIB de 1,8 % au premier tri-
mestre 2011. Pour la spécialiste, la hausse des
prix des matières premières et du pétrole, ainsi
que la contraction des dépenses gouvernemen-
tales auront un effet positif limité sur le porte-
monnaie des Américains. L’état incertain des
finances publiques – la dette atteignait mi-mai
près de 14 295 milliards de dollars – reste une
source d’inquiétude majeure en dépit des
efforts de l’administration Obama. Des efforts
qui atteignent leur échéance, avec la fin du plan
de “quantitative easing”, qui favorise une
décontraction de la masse monétaire. « Ce plan,
face au déficit budgétaire colossal du pays et à
la hausse continue de sa dette publique n’a pas
donné le résultat escompté », remarque Paul
Douaihy, directeur du Centre de recherches en
économie et marchés financiers de l’université
de Balamand. Seuls indices en légère progres-
sion, la consommation et les investissements
peinent à masquer le reste du paysage. « C’est
comme un malade que l’on traite depuis trois
ans qui est toujours en soins intensifs : on ne
sait plus quels médicaments lui administrer »,
remarque Paul Douaihy.
En Europe, la situation n’est pas meilleure
avec un PIB en berne et le spectre de l’infla-
tion. Le ralentissement de l’économie est dû
en partie au resserrement budgétaire des
pays et à la hausse mondiale des prix des
matières premières. Mais ce sont la Grèce,
l’Irlande, le Portugal et l’Espagne qui sont
surtout montrés du doigt. Athènes est dans
une situation particulièrement critique et
aurait besoin d’une aide de près de 86 mil-
liards de dollars pour sortir la tête de l’eau
financièrement jusqu’en 2013, selon les
autorités. « Le marché a tardé à pénaliser la
Grèce en acceptant ces dernières années de
maintenir les taux du pays très bas en dépit
d’un déficit de plus en plus important », sou-
ligne Paul Douaihy. La situation actuelle
pourrait affecter les autres pays de la zone
par capillarité. « Une restructuration de la
dette grecque pourrait impacter l’achat
d’obligations de pays qui lui viennent en
aide, comme l’Allemagne ou la France »,
note l’universitaire. Les notations de l’Italie et
de la Belgique sont également revues à la
baisse. La conjonction d’une croissance
faible, d’une détresse budgétaire et de ten-
sions financières rend particulièrement diffi-
cile la guérison économique de la région.
Cette situation fragile déprime les cours des
actions financières dans la zone euro et
maintient à un niveau élevé les écarts sur les
obligations publiques et les contrats
d’échange sur le risque de défaillance ban-
caire dans les pays les plus affaiblis.
Le Japon se remet, lui, doucement du tsu-
nami du 11 mars 2011 et entame sa recons-
truction. « Nous prévoyons un freinage initial
de la croissance suivi d’une amélioration
guidée par la reconstruction », analyse
Christina Azouri. La situation du pays devrait
toutefois rester délicate, avec une croissan-
ce domestique incertaine. « Elle est principa-
lement tributaire de l’export, soutenu tradi-
tionnellement par une déflation compétitive
d’environ 1 % par an, remarque Paul
Douaihy. Le pays est un cas exceptionnel,
avec une dette à plus de 200 % du PIB, et
pourtant il n’y a pas de krach obligataire. »
En outre, la question du remplacement de
l’énergie nucléaire par l’énergie thermique
amènera le pays à importer davantage de
combustibles fossiles, mais l’impact sur la
demande globale devrait être limité entre
0,1 % et 0,3 %, selon les experts du FMI.
Les pays émergents ont eux une santé plus
solide, affichant globalement une meilleu-
re situation budgétaire et financière que les
pays développés. La forte croissance tendan-
cielle et le bas niveau des taux d’intérêt faci-
litent cette embellie. Selon le FMI, le fléchis-
sement de la demande extérieure a été com-
pensé par un accroissement de la demande
intérieure et les entrées de capitaux, les pers-
pectives de croissance étant meilleures et les
taux d’intérêt plus élevés que dans les pays
avancés. Cette croissance fait toutefois
craindre une surchauffe et un emballement
du crédit. « Les Chinois continuent à appli-
quer leur politique économique du “stop and
go” et, même si un ralentissement en décou-
le, la croissance reste considérable »,
explique Christina Azouri. En avril, le pays a
enregistré son plus fort excédent commercial
depuis quatre mois après avoir connu au pre-
mier trimestre le premier déficit trimestriel de
sa balance commerciale depuis 2004.
L’excédent du mois d’avril a atteint 11,4 mil-
liards de dollars, soit presque quatre fois plus
que prévu. Les autres pays membres des
BRIC se portent bien. « L’Inde reste un pays
solide, ancré dans une économie de services,
et la Russie devrait bénéficier de la hausse
des prix du pétrole et du gaz », remarque
Paul Douaihy. Du côté des marchés finan-
ciers, les rendements relativement élevés
attirent les capitaux dans les pays émergents.
En Asie et en Amérique latine, les cours des
actions se sont approchés de leurs sommets
d’avant-crise. Cependant, des doutes concer-
nant les politiques macroéconomiques et l’in-
certitude géopolitique pourraient ralentir ces
flux à court terme, selon les spécialistes du FMI
qui pointent également le problème du chô-
mage, source d’instabilité économique et
sociale. Le principal risque de révision à la
baisse de la croissance tient à de nouvelles
hausses des cours du pétrole. À court terme,
la bonne santé des bilans des entreprises
dans les pays avancés et le dynamisme de la
demande dans les pays émergents et les
pays en développement pourraient dynamiser
la croissance mondiale.
71 - Le Commerce du Levant - Juin 2011
Pays développés : une reprise vacillante
Pays émergents : attention à la surchauffe
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72 - Le Commerce du Levant - Juin 2011
financesplacements
Selon l’édition d’avril 2011 du GFSR
(Global Financial Stability Report), les
risques financiers ont diminué depuis octobre
2010 grâce à l’amélioration des résultats éco-
nomiques et les perspectives favorables pour
les actifs des pays émergents renforcent l’ap-
pétit pour le risque. « Les pays et les investis-
seurs ont réalisé que l’on peut sortir encore
vivant d’une crise souveraine, ce qui a relancé
la confiance dans les marchés internationaux »,
note Toufic Aouad. Cependant, les faiblesses de
la zone euro, l’endettement élevé et l’accumu-
lation graduelle de risques de crédit ternissent
les perspectives pour 2011. « La remontée des
marchés financiers a été possible grâce aux
capitaux injectés par la Fed dans les marchés et
non grâce à une embellie économique », confir-
me Albert Letayf, associé-gérant du courtier
Optimum Invest. Pour Jean Riachi, il faut déci-
der des allocations de chaque portefeuille de
manière scientifique, en tenant compte des
objectifs de rentabilité et des objectifs de risque.
« La diversification est la clé d’un bon investis-
sement, il faut considérer tous les types d’actifs.
Attention également au choix des fonds et des
instruments de marché. L’erreur est de se pré-
cipiter sur ce qui est à la mode : la performan-
ce d’une année ne garantit pas celle de l’année
suivante. » Même stratégie pour Paul Douaihy,
qui va plus loin : « Un portefeuille à risque
modéré doit se composer à 50 % de cash, d’or
et d’actifs monétaires de devises à taux d’inté-
rêts élevés. Le reste doit être réparti sur les
marchés boursiers et obligataires. Les investis-
sements doivent être ciblés, et il ne faut pas
laisser un actif dominant sur les autres en atten-
dant de sortir du brouillard pour se prononcer. »
Youssef Kamel, co-gérant du fonds Future
Trends Capital Fund, a lui une lecture moins
optimiste de l’évolution de la situation et prône
la prudence. « Le ralentissement potentiel de
l’économie chinoise, associée à la crise souve-
raine européenne, au chômage et à la fragilité
du secteur immobilier aux États-Unis, ne consti-
tue pas un tableau radieux. Je conseille de
conserver de fortes liquidités en dollar et de
patienter pour de meilleures opportunités. »
Les marchés d’action ont pourtant la cote cette
année. « Les taux d’intérêt toujours faibles et les
bons résultats des entreprises supportent bien
les marchés : 72 % des 64 % des sociétés du
S&P500 qui ont annoncé leurs résultats ont sur-
pris à la hausse. Les actions restent donc inté-
ressantes et surtout celles qui possèdent une
exposition aux pays à forte croissance », analy-
se Christina Azouri. Face aux risques de volatili-
té, certains professionnels privilégient les fonds.
« Les stratégies suivies par les fonds CTA
(Commodity Trading Advisors) devraient profiter
de la hausse de la volatilité sur les principaux
marchés financiers et pourraient procurer aux
investisseurs une couverture intéressante en
cas de renversement prolongé de tendance des
marchés », explique Tarek al-Ahdab, de l’Arab
Finance Corporation. Un renversement qui n’est
pas à exclure, les marchés financiers hésitant
entre une tendance à la baisse, compte tenu de
la fragilité économique ambiante, et une ten-
dance à la hausse, pour se protéger contre l’in-
flation par l’achat d’actions. Youssef Kamel par-
tage sa stratégie pour se prémunir de la volati-
lité : « Il est plus prudent de miser sur des bons
du Trésor américain à long terme et de se pla-
cer en long dollar pour se protéger des fluctua-
tions à court terme. »
Quel impact sur les marchés de capitaux ?
Car la question de l’inflation est sur toutes
les vres, dans les banques centrales
notamment. La Fed américaine continue de
maintenir ses taux bas, théoriquement jusqu’à
la fin de l’année, par peur de freiner la crois-
sance. Cette politique sonne le retour des inves-
tisseurs, parfois au détriment des pays émer-
gents. La BCE a elle haussé de 25 points de
base ses taux début avril, signe d’optimiste sur
la croissance et pour éviter tout risque d’infla-
tion. L’annonce en avril d’une inflation à 2,8 %
sur un an fait craindre aux marchés une nou-
velle remontée des taux en juin. « La Fed est
pragmatique, la BCE est dogmatique, ce qui se
traduit par une différence culturelle sur les
concepts d’inflation totale et d’inflation sous-
jacente. L’inflation totale a augmenté cette
année avec la hausse de la facture énergé-
tique », note l’universitaire Paul Douaihy.
Dans les pays industrialisés, le rôle décroissant
du pétrole, la disparition de l’indexation des
salaires et la stabilisation des anticipations
inflationnistes devraient limiter les risques d’in-
flation tendancielle, selon les experts du FMI.
La donne est différente dans les pays émer-
gents où les denrées alimentaires et les carbu-
rants représentent une part plus importante de
la consommation et la politique monétaire a
souvent moins de crédibilité. L’Inde a ainsi
récemment élevé son taux d’intérêt de 0,5 %
pour atteindre 7,25 %. La hausse du prix du
pétrole fera tout de même quelques heureux et
permettra ainsi à la Russie d’accélérer sa crois-
sance économique, mais évidemment au prix
d’une inflation à la hausse (9,8 % en glisse-
ment annuel en février), selon Christina Azouri.
Le FMI préconise un durcissement de la poli-
tique macroéconomique dans bon nombre de
pays émergents. À l’échelle mondiale, l’infla-
tion non corrigée est montée à 4 % en février,
dépassant 2 % dans les pays avancés et 6 %
dans les pays émergents. L’inflation hors ali-
mentation et énergie se situe bien en deçà de
l’inflation non corrigée, même si elle a aug-
menté rapidement dans les pays émergents.
Pour Albert Letayf, la baisse du pouvoir
d’achat des ménages est inéluctable, cepen-
dant, elle ne sera plus due à l’inflation mais
à la hausse des taxes et autres impôts. Les
solutions adoptées par les gouvernements
face à la crise ont généré un endettement
massif et ont favorisé la chasse à l’évasion
fiscale et la hausse des prélèvements d’État
sur l’économie.
Le spectre de l’inflation s’approche
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70-86 finances placements 617.qxp:44-46 banque en couverture 6/1/11 11:43 AM Page 3
Comme en général en période de
reprise, même fragile, les actions
reviennent dans les bonnes grâces
des professionnels et des investisseurs.
Pour Jean Riachi, président de FFA
Private Bank, ce sont les actifs à privilé-
gier au cours de la prochaine décennie. Il
explique cette position optimiste par trois
raisons. La première est qu’entre 2000 et
2010, les marchés ont subi de lourdes
pertes et une forte volatilité. Les investis-
seurs ont donc été échaudés et ont déser-
té les marchés d’actions. Ceci permet
aujourd’hui au secteur d’afficher de
bonnes perspectives de croissance, beau-
coup de liquidités attendent d’être inves-
ties. La seconde est que cette tendance
est appuyée par un niveau de valorisation
des titres historiquement bas par rapport
à leurs perspectives de profits. La troisiè-
me est que les entreprises cotées bénéfi-
cient en moyenne de bilans solides et de
perspectives de profits en hausse pour les
prochaines années. « À moyen terme la
tendance est positive », confirme Tarek
al-Ahdab, de l’Arab Finance Corporation.
Si à court terme des risques de pressions
inflationnistes et de perturbations géopo-
litiques perdurent, « les mouvements de
correction représentent des opportunités
d'achats », analyse Christina Azouri,
Senior Investment Advisor au Crédit
Agricole Suisse. Une façon de se protéger
est d’investir dans des fonds collectifs de
placement ETF (Exchange Traded Fund),
qui reflètent les performances d’un indice
ou d’un ensemble d’actions. Ils permet-
tent d’éviter les risques trop spécifiques.
En entrant dans le détail, les marchés
américains relancent leur activité, en
demi-teinte depuis la crise. Les spécia-
listes du Crédit Agricole Suisse sont sur-
pondérés sur l'Amérique du Nord et plus
précisément sur les secteurs liés aux
matières premières : énergie, charbon et
or. L’investissement doit être sectoriel, « il
faut privilégier les entreprises dont la part
de la dette par rapport aux actifs est faible »,
note Paul Douaihy, directeur du Centre de
recherches en économie et marchés
financiers de l’université de Balamand.
Selon lui, les secteurs porteurs sont les
valeurs énergétiques, les entreprises
pharmaceutiques et industrielles. Autre
critère de choix, le dividende doit être
élevé pour permettre de profiter du taux
zéro de la Fed. Toufic Aouad, directeur de
la banque privée Audi-Saradar, recom-
mande les actions préférentielles ban-
caires, dont le rendement peut aller jus-
qu’à 8 % pour un investisseur un peu
agressif. « Aux États-Unis, les investis-
seurs paraissent moins frileux, ce qui
montre une nouvelle fois qu’ils ont la
mémoire courte », remarque le spécialis-
te. Du côté du Vieux Continent, l’enthou-
siasme est moins visible et les perspec-
tives plus ternes.
« En cas de restructuration de la dette
grecque, le secteur bancaire allemand en
souffrirait rapidement », explique Paul
Douaihy. Les grands noms de l’exporta-
tion germanique sont néanmoins toujours
prisés. Le Crédit Agricole Suisse, lui,
favorise le marché anglais et son secteur
de mines diversifiées. Les pays émer-
gents proposent des bons plans à saisir.
L’intérêt, selon Christina Azouri, est que
les économies à forte croissance permet-
tent non seulement une diversification du
portefeuille, mais aussi des opportunités
d’investissement dans des fondamentaux
généralement solides et des valorisations
attractives résistantes aux turbulences à
court terme. Toutefois, la croissance est
souvent accompagnée d’une fragilité de
l’économie, qui conserve une part de
risque non négligeable. La stratégie de
Jean Riachi est alors d’investir dans les
sociétés des pays développés qui profitent
de la croissance des pays émergents,
comme la grande consommation, le luxe
ou les technologies. Les entreprises
basées directement dans les régions
émergentes présentent un risque de plus
grande volatilité.
Les obligations,
tributaires des taux
S’ils font encore office d’investissements
refuges pour les plus frileux, les marchés
d’obligation n’ont plus le potentiel qu’ils
avaient en 2009 et 2010. Mais les
Libanais s’y intéressent encore, car pour
Jean Riachi ils sont traditionnellement
attachés à la notion d’intérêts (proche du
système des dépôts à terme de la banque
de détail). L’investissement dans les obli-
gations est largement tributaire de la
question de la hausse des taux, prévue
par la plupart des spécialistes. Les poli-
tiques monétaires aussi bien en Europe
qu’aux États-Unis sont donc suivies de
très près. « Certains ont acheté de la
dette grecque entre 15 et 20 % (quand
l’Allemagne tourne autour de 3 %), mais
cela s’apparente à de la spéculation, ce
qui ne doit pas concerner la majorité des
investisseurs. Les Libanais sont en géné-
ral peu intéressés par ce type de place-
ments », explique Toufic Aouad. Aux
États-Unis, la spéculation sur la politique
monétaire après l’arrêt du programme de
“quantitative easing” fin juin inquiète
davantage. La dette gouvernementale
américaine semble de moins en moins
attrayante dans l’hypothèse d’une hausse
des taux. Le Crédit Agricole Suisse a éta-
bli deux stratégies en fonction du profil de
risque des individus. Pour les investis-
seurs conservateurs, un positionnement
sur des obligations à taux variables leur
permettra d’accompagner la montée des
taux, alors que les plus agressifs pour-
raient se positionner de manière très
sélective sur des obligations à hauts ren-
dements qui offrent une prime de crédit
suffisante pour compenser une hausse
des taux. Antoine Salamé, associé-gérant
du courtier Optimum Invest, préconise
74 - Le Commerce du Levant - Juin 2011
Actions : les affaires reprennent
Christina Azouri : « Les mouvements de correction représen-
tent des opportunités d'achats. »
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70-86 finances placements 617.qxp:44-46 banque en couverture 6/1/11 11:43 AM Page 4
76 - Le Commerce du Levant - Juin 2011
financesplacements
de ne pas s’engager à trop long terme et
de privilégier les intérêts variables, car si
le taux Libor venait à augmenter (il se
situe à 0,26 % à trois mois fin mai), les
rendements s’ajusteraient à la hausse. Il
faut également éviter les obligations dont
la cote est inférieure au niveau
“Investment Grade” pour ne pas augmen-
ter les risques de crédit en plus des
risques de taux en cas de hausse pronon-
cée des taux. Causes directes ou indi-
rectes de la hausse possible des taux, le
marché obligataire souverain n’est donc
pas à l’abri des deux maux du moment,
l’augmentation de la dette souveraine
chez les principaux pays industrialisés et
une possible reprise de l’inflation. « Les
gains pourraient être sérieusement affec-
tés », prévient Tarek al-Ahdab. Il n’exclut
toutefois pas les bonnes affaires dans les
obligations indexées sur l’inflation. Du côté
des pays émergents, il faut distinguer les
États très endettés des autres. Antoine
Salamé met en garde contre les pays émer-
gents endettés, car la hausse des taux
américains va les affecter négativement. Il
est souvent sage d’investir à travers des
fonds ou de mêler émetteurs internatio-
naux et régionaux. Les spécialistes du
Crédit Agricole Suisse délaissent complète-
ment les pays émergents, la prime offerte ne
justifiant pas pour eux le risque inhérent de
l’investissement. Pour ceux qui s’y intéres-
sent, les produits structurés reviennent timi-
dement, certains reverse convertibles affi-
chant 8 ou 9 % de rendement.
Obligations corporate
La dette des entreprises doit être considérée
avec précaution. « Nous favorisons de
manière très sélective la dette corporate
sous-évaluée des sociétés les plus solides »,
explique Christina Azouri. La Russie reste
l’axe d’investissement privilégié de la
banque privée suisse, qui surveille égale-
ment le Brésil et l’Asie (Indonésie, Chine,
Inde), et les obligations en devises locales
(SGD, RUB, CNY, MXN). « Ces dernières per-
mettent de bénéficier des pressions infla-
tionnistes qui entraînent à la hausse la devi-
se et les taux à court terme ». Toufic Aouad
est lui freiné par la hausse des prix. Pour le
banquier, il va y avoir des rééquilibrages ris-
qués. Mais les inconditionnels des titres cor-
porate trouveront toujours leur bonheur. « Les
banques américaines et européennes,
même si elles ont souffert de la crise, ont un
faible risque de défaut, car les gouverne-
ments ont montré qu’ils étaient prêts à don-
ner une garantie implicite aux obligations de
premier rang émises par ces banques »,
analyse Jean Riachi. Il ne faut pas, selon lui,
s’attendre à une plus-value importante, mais
plutôt à un revenu régulier. Les notations A
ou AA peuvent afficher des rendements
allant jusqu’à 5 %. Pour les notations infé-
rieures, se concentrer sur les banques inter-
nationales bien capitalisées et classées
“investment grade” (au-dessus de BBB) ou
investir sous forme d’actions privilégiées ou
d’obligations perpétuelles émises par des
établissements solides. « Même si la garan-
tie des États ne joue pas pour cette catégo-
rie de titres “subordonnés”, les risques de
non remboursement sont moindres aujour-
d’hui, surtout depuis la mise en œuvre des
critères de Bâle III », précise Jean Riachi.
La prise de participation dans les sociétés
non cotées est également appréciée par les
investisseurs. L’activité de private equity est
soutenue par des liquidités abondantes. Les
spécialistes conseillent d’investir au cas par
cas, notamment sur les marchés émergents.
« Dans un contexte de prix élevés, nous res-
tons très sélectifs et privilégions les gérants
spécialisés, en particulier en Europe où le
réservoir de sociétés à transformer demeu-
re important», conseille Christina Azouri du
Crédit Agricole Suisse. Elle signale en outre
les opportunités de rachat à décote de
dettes performantes cédées par des institu-
tions financières cherchant à être
conformes aux nouvelles règlementations
liées aux capitaux propres.
Matières premières :
l’incertitude de l’offre
Les cours des matières premières ont
rapidement retrouvé des niveaux éle-
vés, en raison de facteurs structu-
rels, cycliques et particuliers, et des ten-
sions qui restent élevées sur les marchés.
Pour le FMI, le principal changement
structurel est la croissance rapide dans
les pays émergents et les pays en déve-
loppement, qui accroît la consommation
des matières premières et en modifie la
structure. L’évolution macroéconomique
prévisible reste favorable à l’essor des
cours. Les projections de croissance du
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