Les problèmes qui gangrenaient les pays
industrialisés en 2010 sont pour la plupart
toujours d’actualité. Dette souveraine européen-
ne, chômage et crise immobilière continuent
d’assombrir les perspectives des mois à
venir. Du côté des marchés, la situation
s’améliore mais reste particulièrement fragi-
le, étant donné les besoins de financement
élevés des banques et des États. Les flux de
capitaux sont assez moroses du fait de l’ato-
nie de l’activité et du mauvais état des sys-
tèmes financiers. « Les investisseurs doivent
s’habituer à être inquiets », note Jean Riachi,
président de FFA Private Bank.
Aux États-Unis, « la production est encore très
inférieure à son potentiel, le chômage est élevé
et la faiblesse de la croissance donne à penser
qu’il le restera pendant de longues années »,
analyse le FMI. Le secteur du logement est tou-
jours déprimé, ce qui pèse sur les investisse-
ments. « Le marché immobilier et celui du tra-
vail restent anémiques, moins de 15 % des
emplois perdus en 2008-2009 ont été retrou-
vés en 2010-2011 », explique Christina Azouri,
Senior Investment Advisor au Crédit Agricole
Suisse. La croissance économique ralentit éga-
lement, avec un PIB de 1,8 % au premier tri-
mestre 2011. Pour la spécialiste, la hausse des
prix des matières premières et du pétrole, ainsi
que la contraction des dépenses gouvernemen-
tales auront un effet positif limité sur le porte-
monnaie des Américains. L’état incertain des
finances publiques – la dette atteignait mi-mai
près de 14 295 milliards de dollars – reste une
source d’inquiétude majeure en dépit des
efforts de l’administration Obama. Des efforts
qui atteignent leur échéance, avec la fin du plan
de “quantitative easing”, qui favorise une
décontraction de la masse monétaire. « Ce plan,
face au déficit budgétaire colossal du pays et à
la hausse continue de sa dette publique n’a pas
donné le résultat escompté », remarque Paul
Douaihy, directeur du Centre de recherches en
économie et marchés financiers de l’université
de Balamand. Seuls indices en légère progres-
sion, la consommation et les investissements
peinent à masquer le reste du paysage. « C’est
comme un malade que l’on traite depuis trois
ans qui est toujours en soins intensifs : on ne
sait plus quels médicaments lui administrer »,
remarque Paul Douaihy.
En Europe, la situation n’est pas meilleure
avec un PIB en berne et le spectre de l’infla-
tion. Le ralentissement de l’économie est dû
en partie au resserrement budgétaire des
pays et à la hausse mondiale des prix des
matières premières. Mais ce sont la Grèce,
l’Irlande, le Portugal et l’Espagne qui sont
surtout montrés du doigt. Athènes est dans
une situation particulièrement critique et
aurait besoin d’une aide de près de 86 mil-
liards de dollars pour sortir la tête de l’eau
financièrement jusqu’en 2013, selon les
autorités. « Le marché a tardé à pénaliser la
Grèce en acceptant ces dernières années de
maintenir les taux du pays très bas en dépit
d’un déficit de plus en plus important », sou-
ligne Paul Douaihy. La situation actuelle
pourrait affecter les autres pays de la zone
par capillarité. « Une restructuration de la
dette grecque pourrait impacter l’achat
d’obligations de pays qui lui viennent en
aide, comme l’Allemagne ou la France »,
note l’universitaire. Les notations de l’Italie et
de la Belgique sont également revues à la
baisse. La conjonction d’une croissance
faible, d’une détresse budgétaire et de ten-
sions financières rend particulièrement diffi-
cile la guérison économique de la région.
Cette situation fragile déprime les cours des
actions financières dans la zone euro et
maintient à un niveau élevé les écarts sur les
obligations publiques et les contrats
d’échange sur le risque de défaillance ban-
caire dans les pays les plus affaiblis.
Le Japon se remet, lui, doucement du tsu-
nami du 11 mars 2011 et entame sa recons-
truction. « Nous prévoyons un freinage initial
de la croissance suivi d’une amélioration
guidée par la reconstruction », analyse
Christina Azouri. La situation du pays devrait
toutefois rester délicate, avec une croissan-
ce domestique incertaine. « Elle est principa-
lement tributaire de l’export, soutenu tradi-
tionnellement par une déflation compétitive
d’environ 1 % par an, remarque Paul
Douaihy. Le pays est un cas exceptionnel,
avec une dette à plus de 200 % du PIB, et
pourtant il n’y a pas de krach obligataire. »
En outre, la question du remplacement de
l’énergie nucléaire par l’énergie thermique
amènera le pays à importer davantage de
combustibles fossiles, mais l’impact sur la
demande globale devrait être limité entre
0,1 % et 0,3 %, selon les experts du FMI.
Les pays émergents ont eux une santé plus
solide, affichant globalement une meilleu-
re situation budgétaire et financière que les
pays développés. La forte croissance tendan-
cielle et le bas niveau des taux d’intérêt faci-
litent cette embellie. Selon le FMI, le fléchis-
sement de la demande extérieure a été com-
pensé par un accroissement de la demande
intérieure et les entrées de capitaux, les pers-
pectives de croissance étant meilleures et les
taux d’intérêt plus élevés que dans les pays
avancés. Cette croissance fait toutefois
craindre une surchauffe et un emballement
du crédit. « Les Chinois continuent à appli-
quer leur politique économique du “stop and
go” et, même si un ralentissement en décou-
le, la croissance reste considérable »,
explique Christina Azouri. En avril, le pays a
enregistré son plus fort excédent commercial
depuis quatre mois après avoir connu au pre-
mier trimestre le premier déficit trimestriel de
sa balance commerciale depuis 2004.
L’excédent du mois d’avril a atteint 11,4 mil-
liards de dollars, soit presque quatre fois plus
que prévu. Les autres pays membres des
BRIC se portent bien. « L’Inde reste un pays
solide, ancré dans une économie de services,
et la Russie devrait bénéficier de la hausse
des prix du pétrole et du gaz », remarque
Paul Douaihy. Du côté des marchés finan-
ciers, les rendements relativement élevés
attirent les capitaux dans les pays émergents.
En Asie et en Amérique latine, les cours des
actions se sont approchés de leurs sommets
d’avant-crise. Cependant, des doutes concer-
nant les politiques macroéconomiques et l’in-
certitude géopolitique pourraient ralentir ces
flux à court terme, selon les spécialistes du FMI
qui pointent également le problème du chô-
mage, source d’instabilité économique et
sociale. Le principal risque de révision à la
baisse de la croissance tient à de nouvelles
hausses des cours du pétrole. À court terme,
la bonne santé des bilans des entreprises
dans les pays avancés et le dynamisme de la
demande dans les pays émergents et les
pays en développement pourraient dynamiser
la croissance mondiale.
71 - Le Commerce du Levant - Juin 2011
Pays développés : une reprise vacillante
Pays émergents : attention à la surchauffe
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