Le recouvrement en matière d`impôts sur les revenus

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Le recouvrement en
matière d’impôts sur les
revenus
Maître Frédéric COLLIN
Avocat au Barreau de Charleroi
Rue de la Vallée, n°27/3
6200
CHATELINEAU
Tél : 071/ 40.06.40
Email : [email protected]
2
I.
INTRODUCTION :
Bien que l’administration du recouvrement (AREC) soit chargée d’assurer la perception de
l’impôt, celle-ci peut être considérée comme le « parent pauvre » de l’administration fiscale,
actuellement identifiée sous le vocable « SERVICE PUBLIC FEDERAL FINANCES1 ».
Le manque flagrant de moyens et de personnels sont bien souvent mis en évidence par les
agents des finances eux-mêmes, lesquels n’ont pas hésité à manifester leur
mécontentement à maintes reprises, dans la presse et même dans la rue.
Pourtant, comme le précisait déjà Messieurs LOECKX, VAN DIONANT et NEYENS, rien ne
sert d’établir un impôt ni d’empêcher la fraude fiscale si l’on ne veille pas en même temps à
assurer le paiement de l’impôt2 :
« A quoi sert-il cependant d'établir des impôts, de procéder à des contrôles,
d'enrôler des rappels de droit si on ne Parvient pas à encaisser le montant de la
dette fiscale ? Dans ce cas, le but principal de l'impôt - faire rentrer de l'argent
dans les caisses de l'État - n'est certainement pas atteint ; de plus, on est alors
confronté à une masse de dépenses et de travail (opération d'imposition et de
contrôle, etc.) qui en fin de compte ne rapporte financièrement rien et ne
contribue en fait nullement à la réalisation de la justice fiscale »
L’impôt enrôlé n’a donc aucune existence sans le fonctionnaire qui en assure le
recouvrement, et lui attribue réellement sa « force exécutoire ».
Le présent exposé à pour objectifs de lever une partie du voile d’ombre qui entoure cette
administration, ses missions et ses moyens, lesquels sont (à tort) trop souvent méconnus
tant du grand public que des professionnels de la comptabilité et de la fiscalité.
Avant d’aborder la notion de rôle, de redevable et les pouvoirs du Receveur, il est
indispensable de décrire l’organisation toujours « en mutation » de l’administration du
recouvrement, ainsi que le rôle et les devoirs du Receveur3.
1
2
3
A.R. du 17 février 2002, M.B., 22 février 2002, modifié par l’A.R. du 20 septembre 2002, M.B.,
28 septembre 2002
Messieurs LOECKX, VAN DIONANT et NEYENS, « Eléments de la science des impôts », Bruxelles,
Administration des Contributions Directes, Tome 2, 1962, p. 344.
F. Bailleux, « Le receveur des contributions, responsable sur ses biens », La libre entreprise, 10 mars
1990, p. 33 ; F. Bailleux, « Receveur des contributions, une tâche ingrate ? », La libre entreprise, 24 mars
1990, p ; 47 ; P. Catrice, « Principes généraux du recouvrement des impôts directs et des taxes assimilées
aux impôts sur les revenus », Bull Contr, n° spécial de mai 2001, pp. 9 à 128 ; D. Parotte, « Particularités
du recouvrement et des poursuites en matière de contributions directes », CUP, Le surendettement civil,
Volume I, 9 juin 1995, p. 221 et s. ; . Pirotte, « Le recouvrement fiscal, Impôt sur les revenus et taxe sur la
valeur ajoutée, Kluwer, 2000 ; N. Pirotte, « Efficacité dy recouvrement et respect des droits de la défense
en matière fiscale (IR et TVA) », Act dr, 1993-1, p. 179 et s. ; Manuel de recouvrement des contributions
directes, Tome I, Titre I.
3
II.
LE RECEVEUR : UN FONCTIONNAIRE MECONNU
1.
L’administration du recouvrement :
La restructuration et la réorganisation des administrations fiscales est en marche depuis
1991. Ce n’est cependant qu’en 1998 que fut créée l’administration du recouvrement4.
L’objectif était de constituer une entité unique regroupant les recettes contributions directes
et les recettes TVA, celle-ci étant compétente pour percevoir les impôts sur les revenus, les
taxes assimilées, les précomptes et la TVA.
Le Conseil d’Etat, par un arrêt du 13 novembre 20025, a mit fin à cet élan d’enthousiasme,
en annulant purement et simplement l’arrêté royal du 18 décembre 1998. La haute juridiction
administrative entendait de la sorte sanctionner le Conseil des Ministres qui avait omis,
préalablement à la publication dudit Arrêté Royal, de consulter la section législation du
Conseil d’Etat.
En l’absence d’une motivation suffisante et adéquate, aucune « urgence » ne pouvait être
invoquée pour légitimer la procédure de publication pratiquée.
Par conséquent, les fonctionnaires du recouvrement sont actuellement « orphelin
d’administration »6.
Dans la mesure où le cadre organisationnel n’avait pas encore été mis en place, les
structures et les missions de ces fonctionnaires n’ont cependant, en pratique, subi aucun
changement majeur, ceux-ci restant toujours actuellement dépendants du secteur
recouvrement de l’ancienne administration des contributions directes7.
2.
Les fonctionnaires du recouvrement :
Outre le Receveur, qui est l’homme de la « première ligne », les services recouvrement du
S.P.F. Finances se composent d’une série d’autres acteurs décrits ci-après.
2.1. Le fonctionnaire de la surveillance :
Ces fonctionnaires, plus connus sous la dénomination « d’inspecteur de comptabilité »
(Inspecteur principal chef de service 10S3) sont chargés d’assurer le contrôle et la
surveillance des actes posés par le Receveur en sa qualité de comptable de l’Etat.
4
5
6
7
Art. 9 de l’A.R. du 19 décembre 1998 portant création de l’administration du Cadastre, de l’enregistrement
et des domaines, et de l’administration du recouvrement, ainsi que du grade d’auditeur général, chef de
service, et portant réforme de l’administration de la fiscalité et des revenus, M.B., 31 décembre 1998,
modifié par l’A.R. du 16 juin 1999, M.B., 23 juillet 1999.
C.E., 13 novembre 2002, M.B., 14 janvier 2003.
G. Van den Avyle, Guide fiscal permanent, , Bruxelles, Kluwer, 2003, Titre VII « recouvrement » rédigé par
P. Catrice Chap. 1er, sect 2, n°40.
Les secteurs « taxation » des Contributions Directes et de la TVA a quant à lui été regroupé au sein de
l’administration de la fiscalité des entreprises et des revenus par A.R. du 6 juillet 1997, M.B., 31 juillet
1997.
4
Au-delà de ce rôle de surveillance interne, celui-ci est généralement sollicité afin d’apporter
une aide technique aux Receveurs, dans la mesure où celui-ci a bien souvent assurer
personnellement la gestion d’un bureau de recettes avant sa nomination8.
Le contrôle externe sera quant à lui exercé par la Cour des comptes (http://www.ccrek.be/),
créée en vertu de l’article 180 de la Constitution afin d’assurer un contrôle sur les opérations
budgétaires, comptables et financières de l'État fédéral et des autres entités (régions,
communautés, provinces,...).
La Cour contrôle et arrête les comptes établis par les comptables publics, c'est-à-dire les
agents du pouvoir exécutif chargés de la perception et/ou du paiement de deniers publics.
La Cour établit si ces comptables sont quittes, en avance ou en débet. Dans les deux
premiers cas, elle établit un arrêt de décharge. Le dernier cas donne lieu à un arrêt
administratif de déficit qui peut déboucher sur l'exercice d’une mission de type juridictionnel.
Tout comme le Receveur (voir infra), ce fonctionnaire est soumis à une responsabilité
pécuniaire exorbitante9 :
« Les fonctionnaires chargés spécialement et directement de la surveillance des
comptables et du contrôle de leur comptabilité, sont responsables de tout déficit
irrécouvrable qui pourrait être occasionné par un défaut de vérification de
la gestion du comptable en déficit. Un arrêté royal motivé fixe, sur la
proposition du Ministre des finances, le montant ou la partie du déficit dont le
fonctionnaire est, dans ce cas, rendu responsable. »
A notre connaissance, aucun arrêté royal n’a été pris afin de fixer « le seuil de tolérance »
d’un tel déficit.
2.2. Le Directeur régional recouvrement :
Le Directeur régional assume plusieurs rôles importants dans le cadre de l’organisation de
cette administration.
A l’heure actuelle, il existe 6 directions régionales, localisées à Anvers, Bruxelles, Charleroi,
Gand, Louvain et Liège10, chacune étant divisée en deux districts bénéficiant de l’assistance
d’une cellule juridique (voir point 2.3).
8
9
10
Une fois que le grade de receveur a été atteint (inspecteur principal chef de service 10S2) par la
présentation des examens organisés pour leur nomination (actuellement sous la forme de 4 brevets
portant sur les matières liées à l’exercice de leur fonction, soit comptabilité de
l’Etat/précomptes/recouvrement et poursuites/ taxes assimilées), la progression se fait en fonction de
postulation et compte tenu des places vacantes pour ce poste.
Article 70 de l'A.R. du 17 juillet 1991 portant coordination des lois sur la comptabilité de l'État, M.B.,
21 août 1991.
A.m. du 30 décembre 1994 modifiant l’A.m. du 6 août 1993, M.B., 3 février 1995 ; Ci CP 221.4/A/439.614
du 31 janvier 1995 ; Ci R10/472.396 du 29 mai 1995.
5
Les fonctions exercées au sein des services des directions régionales se résument comme
suit :
Dans les cas spéciaux, le Directeur régional peut ordonner la surséance au
recouvrement d’un impôt contesté, dans la mesure et aux conditions qu’il fixe (art. 410,
al. 3 du CIR 1992) ;
Le Directeur Régional peut, dans les cas spéciaux, accorder l’exonération des intérêts
de retard (art. 417 du CIR 1992 – art. 84bis CTVA). Il s’agit d’une compétence
exclusive et de type gracieux ;
Le Directeur peut accorder le dégrèvement des intérêts de retard et des frais de
poursuites comptés à tort ;
Le Directeur calcule et ordonne la liquidation des intérêts moratoires lors d’un
remboursement d’impôt ou de précompte (art. 418 et 419 du CIR 1992) ;
Le Directeur peut exiger pour certaines catégories de redevables, moyennant une
décision motivée, l’octroi d’une garantie réelle ou d’une caution personnelle (art. 420
du CIR 1992).
Ensuite de la réforme de la procédure fiscale contentieuse du 15 mars 1999, il ne fait plus
aucun doute que l’exercice des pouvoirs du Directeur régional peut faire l’objet d’un contrôle
de légalité, et même d’opportunité (vois infra), du Tribunal de Première Instance11.
2.3. Les « cellules juridiques » :
Actuellement au nombre de 13, ces cellules ont pour missions d’apporter une assistance
juridique aux receveurs établis dans le siège de la Direction régionale dont elle dépend, et
de gérer le contentieux judiciaire en matière de recouvrement.
3.
Le Receveur :
3.1
Le cadre légal de la mission dévolue au Receveur :
Le Receveur est le « comptable de l’Etat ». Pour cette raison, les règles régissant l’exercice
de sa mission sont principalement fixées par la Loi sur la Comptabilité de l’Etat12.
Ainsi :
L’article 59 impose que les deniers de l’Etat soient perçus exclusivement par un
Comptable du Trésor, et ce en vertu d’un titre légalement établi ;
11
12
Th Afschrift et M. Igalson, « La procédure fiscale après la loi des 15 et 23 mars 1999 », JT, 1999, pp. 502
et 503 ; H. Louveaux et P Vandermotten, « La nouvelle procédure devant les juges du fond en matière de
« contestations relatives à l’application d’une loi d’impôt », RGCF, 2002/1, p. 5 et s. ; Doc parl, Ch Sess,
1997-1998, n°1342/1, p. 35.
Telle que modifiée et complétée par l’A.R. du 17 juillet 1991, M.B., 21 août 1991.
6
Aucun Receveur ne peut être installé dans ses fonctions sans avoir préalablement
justifié de sa prestation de serment ;
Par ailleurs, toujours préalablement à son entrée en fonction, le Receveur doit justifier
du versement d’une caution, ou encore, d’une caution solidaire donnée par une
association formée des agents concernés (art. 63) ;
Le Trésor dispose d’un privilège sur les biens du Receveur (mais aussi des caissiers,
dépositaires et dépositaires quelconques) chargé de manipuler les deniers publics (art.
64) ;
La Cour des comptes a le pouvoir de condamner le Receveur a être débiteur des
montants faussement déclarés irrécouvrables (art. 65) ;
Tout Receveur est responsable sur ses biens propres du recouvrement des impôts qui
lui sont confiés (art. 66).
Ce dernier point, qui constitue le fondement de la (délicate) responsabilité du Receveur
devant la Cour des Comptes, sera abordé plus amplement dans le cadre du point 3.3. ciaprès.
3.2
Le principe de « la liberté d’action » du Receveur :
Dans la mesure où il assume une responsabilité conséquente13, le Receveur se voit
reconnaître en « contrepartie » une entière liberté dans le choix et la mise en oeuvre des
moyens nécessaires à la bonne exécution de sa mission, à savoir le recouvrement de
l’impôt14.
Sous réserve de plus amples développements dans la suite de l’exposé, le Receveur est
donc seul habilité à, entre autre :
Déclencher et déterminer le mode des poursuites à exécuter15 ;
Mettre en œuvre les moyens utiles en vue de maintenir l’existence du privilège du
Trésor (avant l’A.R. du 12 décembre 1996 qui a supprimé le délai de péremption dudit
privilège) ;
Prendre inscription hypothécaire légale du Trésor sur les biens du redevable et/ou de
son conjoint ;
Notifier au Notaire l’existence des impôts dus par le redevable (art. 433 du C.I.R.
1992) ;
Utiliser le système d’imputation prévu par l’article 166 de l’A.R. d’exécution du C.I.R.
1992 ;
De manière générale, prendre toutes les garanties nécessaires en vue d’assurer le
recouvrement des impôts qui lui sont confiés (cession de créance, saisie-arrêt ou
saisie mobilière exécution, opposition à partage, notification à l’huissier de justice en
cas de répartition du produit d’une saisie,...).
Ce principe doit cependant être relativisé, à la lumière d’une jurisprudence récente dont les
préceptes sont directement puisés dans l’esprit et les textes de la loi des 15 et 23 mars 1999
portant réforme de la procédure fiscale.
13
14
15
Pour rappel, le Receveur est soumis à un contrôle interne (Inspecteur de comptabilité) et externe (Cour
des comptes).
M. Bolus, « Le recouvrement des impôts directs », syll E.S.S.F., 1983-1984, p. 30 ; P. Catrice, op cit n°6,
p. 135.
Q.R., Ch repr., sess. Ord., 1989-1990, n°112, question n°499 du 4 avril 1990, Bull contr, n°699, p. 3021.
7
De plus en plus souvent, la souveraineté du Receveur (et du Directeur régionalrecouvrement) est réduite en faveur du respect des droits du contribuable. Le législateur
vient alors promptement (mais pas toujours en des termes appropriés) à la rescousse du fisc
afin d’adapter la législation pour contrer la jurisprudence qui lui est défavorable
(commandements interruptifs de prescription, poursuite d’associés de société à
responsabilité illimitée,…).
A titre d’exemple, citons les hypothèses du règlement collectif de dettes et la possibilité pour
le Juge de « remettre » la dette du contribuable en empêchant le Trésor de faire valoir son
privilège (art. 20 de la Loi hypothécaire)16, la surséance au recouvrement sous certaines
réserves toutefois, le droit pour le Juge des saisies de contrôler le respect des conditions
d’urgence, de célérité, de certitude, de liquidité et d’exigibilité de la dette d’impôt lors d’une
opposition à saisie-arrêt fiscale17, ou encore la possibilité que se sont revenus certains
Tribunaux de Première Instance d’octroyer des termes et délais18.
3.3
La responsabilité du Receveur :
Comme exposé ci-avant, le fondement légal de la responsabilité du Receveur se trouve
dans l’article 66 de l’A.R. du 17 juillet 1991.
Cette responsabilité n’est cependant pas absolue, et une décharge de responsabilité peut
être obtenue (art. 66, al. 2).
Ainsi, lors de la clôture de son mandat, la Cour des comptes analyse les actes posés par le
Receveur durant la période de sa fonction, afin de lui donner quitus (décharge) de sa
mission.
Ce quitus sera accordé si le non-recouvrement des impôts n’est pas lié à la négligence du
Receveur ou si ce dernier prouve qu’il a mis en œuvre, en temps opportun, toutes les
mesures nécessaires et suffisantes.
Les receveurs sont également responsables en cas de vol et/ou de perte de fonds. Ils
obtiendront décharge à la condition de prouver à la fois la force majeure et le respect des
précautions prescrites par les règlements19.
Bien entendu, cette décharge n’a qu’un effet interne : elle n’implique nullement une remise
de dettes au profit du redevable concerné, lequel n’en est d’ailleurs nullement informé.
En première ligne, la décharge pour les impôts et frais irrécouvrables est donnée par le
Directeur régionale, qui dispose en cette matière d’un monopole de droit. Le Receveur
sollicite cette décharge dès lors qu’il estime qu’une cotisation dont il à la charge est
irrécouvrable, en apportant la preuve qu’il a mis en œuvre de manière infructueuse
l’ensemble des moyens d’exécution nécessaires et suffisants.
16
17
18
19
Cass., 31 mai 2001, JT, 2001, p. 568.
Bruxelles, 22 février 2001, RGCF, 2003/4, analysé ci-après.
Civ Mons, 17 novembre 1994, JLMB, 1996, 646 ; Bruges, 18 décembre 2001 ; Mons, 31 janvier 2002.
Art. 67 du 17 juillet 1991 ; Q.R, Sénat, sess Ord, 1981-1982, n°26, question n°135 du 18 juin 1982, Bull
contr, n°610, p. 2521 ; Q.R., Sénat, sess ord, question n°406 du 20 août 1982, Bull contr, 1986, n°646,
p. 2228.
8
Ensuite, dans l’hypothèse où un dommage a été occasionné au Trésor, et en tout état de
cause lorsqu’il quitte sa fonction, le Receveur ne recevra la décharge de la Cour des
comptes que si elle conclut à l’absence de débet ou si ce comptable est fondé à se prévaloir
de la force majeure.
La Cour des comptes s’est cependant prononcée à plusieurs reprises sur la gestion de
certains Receveurs, et ne s’est pas privée de mettre en oeuvre leur responsabilité.
Lorsque le Receveur est amené à devoir assumer personnellement le paiement d’impôts
dont il avait la charge, celui-ci se voit subrogé de plein droit dans les droits et privilèges de
l’Etat (art. 66, al. 3).
Toutefois, la Cour n’est pas restée insensible aux arguments des Receveurs, liées aux
conditions de fonctionnement de la plupart des bureaux de recette du pays20 :
L’insuffisance de personnel empêchant l’exécution correcte des tâches à remplir et
rendant inévitable la survenance d’erreurs ;
L’inertie de l’autorité administrative compétente face aux demandes écrites et répétées
du Receveur en vue de remédier à ce déficit en personnel expérimenté ;
L’impossibilité pratique pour le Receveur de surveiller l’ensemble des travaux du
bureau de recette dont il avait la charge durant le période incriminée et plus
particulièrement les opérations jugées secondaires ;
La compétence et la conscience professionnelle unanimement reconnue au Receveur
par sa hiérarchie.
En l’occurrence, le Receveur en cause a été déclaré quitte et libre de sa gestion, et dans
d’autres hypothèses, cette responsabilité n’a été retenue que pour une « infime » partie des
impôts irrecouvrés.
Cependant, cette responsabilité était ressentie par les Receveurs comme étant trop lourde
et contraignante par rapport aux conditions dans lesquelles ils exercent leur fonction. Elle a
donc fait récemment l’objet d’une modification législative21.
Cette responsabilité est actuellement calquée sur l’article 18 de la loi du 3 juillet 1978 sur le
contrat de travail : la responsabilité se limite donc aux hypothèse d’un non-recouvrement
pour cause de dol, de faute lourde ou à une faute légère habituelle du Receveur.
4.
La réforme COPERFIN :
Bien que celle-ci semble prendre un certain retard, cet exposé ne pourrait être complet sans
aborder, à tout le moins succinctement, le projet de réforme COPERFIN, c.-à-d. l’application
de la réforme COPERNIC au cas particulier de l’administration fiscale.
20
21
Cour des comptes, 1er juillet 1998, arrêt n°1.486.470 A2, disponible sur le site internet de la Cour.
Loi du 22 mai 2003, M.B., 3 juillet 2003, en vigueur eu 1er janvier 2004 ou 2005 ; Rapport annuel 2000 de
l’administration générale des impôts, p. 21 ; Q.R., Ch repr, sess. ord., 2001-2002, n°122, question n°1009
du 22 mai 2002.
9
L’objectif premier de la réforme est de créer, au niveau du recouvrement, 14 centres
régionaux de recouvrement, regroupant plusieurs entités locales. Un centre unique au
niveau fédéral sera institué aux seules fins de lutter conte les mécanismes de fraude,
d’assurer le recouvrement des « grandes entreprises » et de l’impôt des non-résidents.
Un centre de recherche et de documentation devrait également être mis sur pied afin de
permettre aux Receveurs d’utiliser pleinement les prérogatives qui leur sont reconnues par
l’article 319 bis du C.I.R. 199222.
Un autre point fondamental de la réforme est consacré au « dossier unique ». Il s’agit de
confier à un seul Receveur, dans un souci de rationalisation et d’efficacité, le recouvrement
des contributions directes et de la TVA dans un bureau polyvalent. L’objectif est d’éviter la
multiplication des créanciers institutionnels et de générer des frais de poursuites redondants,
lesquels menacent la solvabilité du contribuable et risquent de devoir être supportés par la
collectivité en cas d’insolvabilité de ce dernier23.
Cette critique a été formulée officiellement dans le cadre d’une question parlementaire
posée par le Député Cl. EERDEKENS, à laquelle le Ministre des finances a répondu en
confirmant les axes de la réforme entreprise24 :
« 1. L'objectif de l'administration du recouvrement est d'intégrer dans des bureaux
polyvalents les fonctions de recouvrement des contributions directes et de la T.V.A..
En outre, les actuels bureaux spécialisés dans la récupération d'un impôt spécifique,
par exemple le précompte immobilier ou les taxes assimilées aux impôts sur les
revenus, sont appelés à disparaître dans les futures structures administratives: un
même receveur sera compétent aux fins de percevoir l'ensemble des impôts sur les
revenus, précomptes, taxes assimilées et dettes en matière de T.V.A.
Enfin, l'administration du recouvrement a fait de la création du dossier unique de
recouvrement, susceptible de mener au receveur unique, un axe majeur de son plan
stratégique: dans ce cas, un seul receveur deviendrait compétent pour percevoir
l'ensemble des dettes fiscales précitées, dues par un même redevable à travers
l'ensemble du territoire national.
2. Normalement, la date d'installation des bureaux de recouvrement tels que conçus cidessus est proposée par le comité de gestion de l'administration du recouvrement à la
date du 01/01/2004.
3. [...].
4. Dès à présent, les receveurs des contributions directes peuvent prendre
connaissance, par voie informatique, de l'ensemble de la dette fiscale d'un redevable
en matière d'impôts directs et taxes y assimilées-, les receveurs de la T.V.A. peuvent
pratiquer de même en leur domaine.
22
23
24
Cet article stipule que « Les fonctionnaires chargés du recouvrement disposent de tous les pouvoirs
d'investigations prévus par le présent Code en vue d'établir la situation patrimoniale du débiteur pour
assurer le recouvrement des impôts et des précomptes dus en principal et additionnels, des
accroissements d'impôts et des amendes administratives, des intérêts et des frais »
P. Cattrice, op cit n°6, pp. 133 et 134.
Député Claude Eerdekens, n° 363, Bulletin des Q.R., Chambre, session 2000-2001, du 16/10/2000, n° 48,
p. 5677, aussi publié in Do fiscum, édition électronique, « questions parlementaires ».
10
[...]
L'intégration des recettes au sein de bureaux polyvalents conduira à l'existence d'un
compte unique par redevable; quant à «l'historique» des poursuites, il trouvera
naturellement sa place dans le dossier unique de recouvrement. »
Pour l’heure, les services du recouvrement en matière d’impôt sur les revenus et de la TVA
restent toujours bien distincts.
Cependant, en l’état actuel des choses, un receveur « centralisateur » est déjà désigné pour
suivre et faire valoir les droits du Trésor dans les procédures de faillite, concordat et
règlement collectif de dettes. Celui-ci n’agit cependant que dans les limites de ses
compétences matérielles : le Receveur contributions directes ne « centralisera » les
opérations qu’en matière d’impôts sur les revenus, et n’empiétera pas sur le domaine de son
collègue de la TVA.
Par ailleurs, le système informatique utilisé par l’administration fiscale (I.C.P.C.), permet aux
fonctionnaires du recouvrement de connaître l’état de toutes les dettes fiscales (et
remboursements d’impôt et/ou de crédits TVA) d’un contribuable déterminé, un lien avec le
système de l’administration de la T.V.A. ayant été mis en place depuis près d’un an.
Pour le surplus, un site internet officiel est consacré exclusivement à cette réforme,
http://www.copernicus.be/coperfin/index_1_1.html, lequel contient tous les détails techniques
et organisationnels de cette réforme.
III.
LE TITRE DE PERCEPTION :
1.
Principes :
Selon une jurisprudence constante de la Cour de cassation, la dette d’impôt trouve son
origine dans la Loi de finance, laquelle autorise annuellement l’Etat à recouvrer les impôts
établis par la loi en vertu du principe de légalité consacré par l’article 170 de la
Constitution25.
De la sorte, la Constitution instaure un contrôle de tutelle du pouvoir législatif sur le pouvoir
exécutif, en subordonnant le pouvoir de lever l’impôt à une habilitation renouvelée chaque
année26.
Toutefois, si la dette d’impôt découle de la Loi de finance, elle n’acquiert d’existence formelle
que par le fait de l’établissement de l’impôt dans les délais légaux et conformément aux lois
fiscales organiques27.
La formalité de l’enrôlement établit le titre légal de perception, afin d’exiger le paiement de
l’impôt et procéder à son recouvrement, en ayant rendu la dette d’impôt liquide28.
25
26
27
28
Entre autre, Cass., 18 février 1958, Pas, 1958, I, p. 661 ; Cass., 20 décembre 1985, FJF, n°86/36.
C.A., 20 mai 1998, arrêt n°49/98, B.13.2, do fiscum, éditions électroniques.
Cass., 20 décembre 1985, Pas, 1986, I, p. 521.
Cass. 2 juin 1964, Pas, 1964, I, p. 1037.
11
Certains auteurs se sont intéressés plus en détail au processus et aux circonstances
entourant la naissance de la dette fiscale29.
Selon ces auteurs, la dette fiscale résulte de la conjonction de trois facteurs :
Tout d’abord, comme cité ci-avant, le vote de la Loi de finance et le respect des lois
organiques relatives aux différents impôts ;
Ensuite, du contribuable qui doit remplir les conditions d’assujettissement à l’impôt
concerné ;
Enfin, le fait générateur de l’impôt doit être présent, c.-à-d. le fait matériel dont la loi fait
dépendre l’existence de la dette fiscale30.
Dès lors, la naissance de cette dette serait subordonnée à une condition résolutoire, c.-àd. l’enrôlement dans les délais légaux. La condition serait résolutoire car elle oblige le
créancier à restituer ce qu’il a perçu lorsque l’événement futur se réalise : lorsque l’impôt n’a
pas été établi valablement dans le chef du contribuable concerné, les éventuels versements
anticipés et précomptes retenus doivent lui être remboursés31.
D’autres auteurs pensent quant à eux qu’au regard de la jurisprudence de la Cour de
cassation, la dette d’impôt n’est ni certaine, ni liquide, ni exigible tant que l’administration n’a
pas posé les actes de liquidation et de perception de l’impôt prescrits par la loi32.
Entre le vote de la loi et le moment où les actes de liquidation et de perception de l’impôt
sont posés, la créance du Trésor ne serait que conditionnelle, mais il s’agirait d’une
condition potestative et suspensive. « Potestative » car l’exécution de la dette fiscale
dépend d’un événement que seul l’Etat a le pouvoir de mettre en œuvre, à savoir
l’enrôlement. « Suspensive » car la dette ne pourra être exécutée qu’après l’enrôlement
régulier par l’Etat33.
D’autres auteurs encore estiment, même si la jurisprudence récente de la Cour d’arbitrage
semblerait leur donner tort34, que la Loi de finance rendrait certaine la dette fiscale, mais
que sa liquidité et son exigibilité serait subordonnée à l’enrôlement régulier de l’impôt.
2.
Le rôle et l’avertissement extrait de rôle :
2.1. La définition du rôle :
Le rôle est un acte authentique qui clôt la phase d’établissement de l’impôt, et partant,
constitue la ligne de démarcation entre la phase administrative de l’imposition et celle du
recouvrement qui en est sa mise en œuvre35.
29
30
31
32
33
34
35
Cl Bolus, Le recouvrement des impôts directs, syll. ESSF, 1998-1999, p. 13-14 ; P. Catrice, op cit, pp. 146
et 147.
Claeys-Boùùaert, De aanslag, Bruxelles, Larcier, 1963, n°132.
Art. 1183 C. civ. ; Cass., 17 mai 1985, Pas, 1985, I, p. 1166 ; Cass., 20 décembre 1985, op cit n°27.
J-J Debacker, « Le recouvrement de l’impôt contesté et les garanties du Trésor », RGCF, 2003/3, p. 23.
Art. 1170 et 1181 du C. civ.
C.A., 15 octobre 2002, arrêt n°149/2002, Do fiscum, éd électroniques.
Civ Bruxelles, 4 mars 1991, JLMB, 1991, p. 710 ; N. Pirotte, « Efficacité du recouvrement et respect des
droits de la défense en matière fiscale (IR et TVA) », Act. Dr, 1993-1, p. 25.
12
Tant la doctrine que la jurisprudence s’accordent pour reconnaître le caractère authentique
du rôle36. Il en résulte une force probante particulière, le rôle faisant foi de ses mentions
jusqu’à inscription de faux37.
Le rôle est avant tout un titre exécutoire, par lequel l’Etat donne l’ordre au contribuable de
payer le montant porté au rôle, sous peine d’y être contraint.
Cependant, ce titre exécutoire est également un acte de nature administrative. S’il est
souvent assimilé, sur le plan de la force exécutoire, à un jugement rendu par défaut, le rôle
constitue toutefois un instrument de droit administratif, qui se situe sur un terrain totalement
différent des mesures du pouvoir judiciaire.
Ainsi, afin d’assurer une perception efficace de l’impôt, l’Etat bénéficie, en sa qualité de
créancier particulier exerçant l’imperium, d’un double privilège38 :
2.1.1. D’une part, le privilège du préalable :
En vertu de ce privilège, l’administration fiscale dispose du pouvoir de se doter elle-même,
sans intervention préalable de la justice contrairement à un particulier, d’un titre exécutoire.
Par ce moyen, elle se confère unilatéralement un titre en vue d’assurer le recouvrement de
l’impôt, lequel bénéficie par lui-même d’une présomption de conformité39.
Certains auteurs estiment que ce privilège a perdu de sa superbe au fil des années, et par la
judiciairisation de plus en plus grande du recouvrement fiscal, impliquant une intervention du
juge là où avant celui-ci était inopérant40.
2.1.2. D’autre part, le privilège de l’exécution d’office :
Par le privilège de l’exécution d’office, l’administration se dote d’un titre immédiatement
exécutoire qu’elle pourra mettre en œuvre en recourant, au besoin, à la force publique41.
Selon l’Avocat général près la Cour de cassation HENKES42 :
« participant de la puissance publique, cet organisme dispose à la fois du privilège du
préalable, c.-à-d. du pouvoir de se confectionner un titre directement exécutoire, sans
qu’il faille donc au préalable devoir (sic) s’adresser au pouvoir judiciaire, et du privilège
de l’exécution d’office, soit donc la faculté de réaliser elle-même l’exécution par la
contrainte, de son titre exécutoire, en mettant si nécessaire, la force publique en
mouvement. »
36
37
38
39
40
41
42
C. Bolus, « Le recouvrement des impôts directs », Syll ESSF, 1983-1984, p. 15 ; D. Chabot-Leonard,
« Saisies conservatoires et saisies-exécution », Bruylant, Bruxelles, 1979, p. 47.
Bruxelles, 1er juin 1955, Bull contr, n°316, p. 297 ; Gand, 8 décembre 1966, Bull contr, n°502, p. 2191 ;
Cass., 3 septembre 1965, Pas, 1966, I, 11 ; De Page, Traité de droit belge, Tome III, n°743 et s.
M. Nihoul, « Les privilèges du préalable et de l’exécution d’office », Bruxelles, La Charte, 2001.
Liège, 19 mai 1994, JT, 1995, p. 71.
G. Van Den Avyl, « Guide fiscal permanent », Bruxelles, Kluwer, Titre VII, chapitre II, n°110 ; P. Martens,
« La constitutionalisation du droit juridictionnel », in Liber amicorum Y Hannequart et R Rasir, Bruxelles,
Kluwer, 1997, p. 295.
A. Mast, A. Alen et J. Dujardin, « Précis de droit administratif belge », Bruxelles, Story, 1989, pp. 6 et 7.
A. Henkes, conclusions précédant Cass., 11 janvier 2001 cité par PP. Catrisse in « Guide fiscal
permanent », Bruxelles, Kluwer, Titre VII, chapitre II, n°120.
13
2.2. Les impôts sujets à enrôlement :
2.2.1. En matière d’impôts sur les revenus et de précomptes :
L’enrôlement trouve sa force légale dans les articles 298 et 304, §1er du CIR 1992 :
« Article 298 :
§ 1er. Pour l'impôt et pour les précomptes, en principal, additionnels et
accroissements, au profit de l'Etat, des communautés, des régions, des provinces, des
agglomérations, des fédérations de communes et des communes, ainsi que pour les
amendes, les rôles sont formés et rendus exécutoires par le dirigeant de
l'administration en charge de l'établissement de l'impôt ou par le fonctionnaire délégué
par lui.
§ 2. Les contraintes sont décernées par les fonctionnaires chargés du recouvrement.
Ces fonctionnaires adresseront un rappel par voie recommandée au moins un mois
avant le commandement qui sera fait par huissier de justice, sauf si les droits du Trésor
sont en péril. Les frais de l'envoi recommandé sont à charge du redevable. »
« Article 304 :
§ 1er. Le précompte immobilier fait l'objet de rôles. Les impositions au précompte
immobilier qui sont afférentes à un revenu cadastral inférieur à 15,00 € par article de la
matrice cadastrale ne sont pas portées au rôle.
A défaut de paiement dans le délai prévu à l'article 412, les impositions au précompte
mobilier et au précompte professionnel sont toujours portées au rôle, quel qu'en soit le
montant.
Sauf dans les cas prévus aux articles 225, alinéa 1er, et 248, alinéa 1er, les
impositions à l'impôt des personnes physiques, à l'impôt des sociétés, à l'impôt des
personnes morales et à l'impôt des non-résidents, sont toujours portées au rôle, quel
qu'en soit le montant, mais ce montant n'est pas recouvré ou remboursé lorsqu'il
n'atteint pas 2,50 €, après imputation des précomptes, versements anticipés et autres
éléments.
Pour déterminer si la limite de 2,50 € est atteinte, il est tenu compte des centimes et
taxes additionnels prévues aux articles 245 et 466. »
A la lecture de ces deux textes, il apparaît qu’il y a lieu de distinguer :
o
Les impôts qui doivent, en principe (s’il atteint le montant minimum), impérativement
être enrôlés, à savoir le précompte immobilier, l’impôt des personnes physiques,
l’impôt des sociétés, l’impôt des personnes morales et l’impôt des non-résidents ;
14
o
Les impôts à enrôler à défaut de paiement dans le délai légal, en l’occurrence, le
précompte mobilier et le précompte professionnel qui sont alors toujours portés au rôle
(au nom de celui qui est tenu de payer), quel qu’en soit le montant43.
2.2.2. En matière de taxes assimilées aux Impôts sur les Revenus :
La matière est régie par les articles 1 à 7 de l’arrêté royal portant règlement général des
taxes assimilées aux impôts sur les revenus.
Par analogie avec les impôts dus à la source, il ne sera procédé à l’enrôlement des taxes
dues qu’en l’absence de paiement volontaire desdites taxes aux échéances légales44.
2.3. Les redevables à inscrire au rôle :
En vertu de l’article 133 de l’AR/CIR 1992 :
« Les cotisations sont portées au rôle au nom des redevables intéressés.
Quant aux impositions établies à charge de redevables décédés, elles sont enrôlées
au nom de ceux-ci précédé du mot "Succession", et suivi éventuellement de l'indication
de la personne ou des personnes qui se sont fait connaître à l'administration des
contributions directes comme héritier, légataire, donataire ou mandataire spécial.
L'identité de ces personnes est détaillée. Si l'un des héritiers a été formellement
désigné pour représenter la succession, l'enrôlement se fait d'après la formule
suivante: "Succession X ..., les héritiers représentés par ...".
Dans l'éventualité d'une taxation d'office, le nom du redevable décédé (Succession X
...), ne doit être suivi que de l'indication de l'un des héritiers connu du contrôleur des
contributions. »
L’inscription au rôle au nom du redevable intéressé est essentiellement destinée à permettre
à ce dernier d’introduire la réclamation visée à l’article 366 du CIR 1992.
Une faute commise dans l’orthographe du nom du ou des redevables n’entraîne pas la
nullité de la cotisation établie s’il n’existe aucune erreur possible quant à l’identité du
redevable45.
De même, la constatation que le rôle et/ou la contrainte contiennent une faute matérielle
dans le prénom du redevable n’est pas une irrégularité susceptible d’entraîner la nullité du
titre ou de la cotisation46.
43
44
45
46
C.A., 20 septembre 2001, n°113/2001, par cet arrêt, la Cour déclare que le régime des intérêts moratoires
en vigueur avant l’exercice d’imposition 1999 viole le principe d’égalité dans la mesure où il excluait l’octroi
de tels intérêts en cas de remboursement de précomptes pour enrôlement tardif ; Cass., 8 décembre
2000, FJF, n°01/56 stipulant que « le moyen qui invoque que le précompte mobilier enrôlé n’a pas la
nature d’un impôt manque en droit. », ce principe est transposable au précompte professionnel selon un
arrêt Cass., 10 novembre 2000, RG F.99.0041N, www.cass.be.
Q.R, Ch repr, sess ord, 2000-2001, n°68, question n°174 du 21 décembre 1999, p. 1241 (EEMAN).
Com IR 1992, n°300/6 ; Liège, 7 juin 1989, Bull contr, 1990, p. 2355.
G. Van den Avyle, « Guide fiscal permanent », Bruxelles, Kluwer, Titre VII, chapitre II, section 7, n°40.
15
La Cour d’appel de Liège a estimé qu’une telle erreur matérielle dans la forme sociale d’une
société n’est pas susceptible d’entacher la validité des cotisations litigieuses47.
En l’espèce, il s’agissait de précomptes immobiliers enrôlés au nom d’une SA alors que la
société était une SPRL. La Cour ajoute toutefois que l’adjonction de la forme juridique n’est
pas exigée lorsqu’il s’agit d’une société, sauf lorsqu’une confusion est possible48.
Une telle confusion n’était pas possible dans le cas visé par l’arrêt, comptes tenus de ce
que :
La cause des impositions litigieuses est l’immeuble dont la société est propriétaire ;
L’immeuble est son siège social ;
Les avertissements-extraits de rôle et les actes de poursuites ont été notifiés à cette
adresse.
2.3.1. L’enrôlement aux noms de redevables décédés :
Dans ce cas de figure, l’article 133 AR/CIR 1992 précise la marche à suivre :
De telles impositions sont enrôlées au nom de ceux-ci précédé du mot « Succession »,
et suivi éventuellement de l'indication de la personne ou des personnes qui se sont fait
connaître à l'administration des contributions directes comme héritier, légataire,
donataire ou mandataire spécial ;
L'identité de ces personnes est détaillée. Si l'un des héritiers a été formellement
désigné pour représenter la succession, l'enrôlement se fait d'après la formule
suivante : « Succession X ..., les héritiers représentés par ... » ;
Dans l'éventualité d'une taxation d'office, le nom du redevable décédé (Succession X
...), ne doit être suivi que de l'indication de l'un des héritiers connu du contrôleur des
contributions.
Le commentaire administratif donne quelques précisions complémentaires :
Lorsqu'une personne déterminée agit pour la succession, ne fût-ce qu'en qualité de
mandataire spécial, l'administration a le droit d'établir la cotisation au nom de la
succession avec mention de la personne qui est intervenue49 ;
Le terme "héritiers" doit être pris dans le sens large d'ayants droit à la succession.
Hormis les cas exceptionnels, le conjoint survivant (mari ou femme) est toujours un de
ces ayants droit. Conformément à l'article 133, AR/CIR 92, le conjoint survivant peut
être porté au rôle relatif aux cotisations à établir à charge du redevable décédé.
Auparavant déjà, l'enrôlement au nom de la « Succession par la veuve » était devenu
une règle fixe découlant d'une habitude générale. La validité de l'exécutoire du rôle
n'est pas affectée lorsque l'héritier indiqué au rôle renonce ultérieurement à la
succession50 ;
47
48
49
50
Liège, 21 décembre 1995, Bull contr, n°774, p. 1756.
Gand, 24 mars 1972, JPDF, 1972, p. 128.
Com IR 1992, n°300/9.
Com IR 1992, n°300/10 ; Bruxelles, 3 octobre 1966, Bull. contr., n° 445, p. 1718.
16
Dans l'éventualité d'une taxation d'office, le nom du redevable décédé (Succession X)
ne doit être suivi que de l'indication de l'un des héritiers connu du contrôleur en chef
(article 133, alinéa 4, AR/CIR 92). Lorsqu'un contribuable décède après l'expiration des
délais légaux de réponse à un avis de rectification ou d'introduction d'une déclaration
et que ses héritiers n'ont pas introduit de déclaration ou ne devaient pas le faire et ne
se sont pas fait connaître à l'administration en qualité d'héritiers, l'enrôlement au nom
du défunt précédé sans plus du mot « succession » satisfait aux prescriptions de
l'article 133, AR/CIR 92; la non-observation des formalités d'envoi des AER à tous les
héritiers (voir 300/47 et 48) n'affecte pas la légalité de la cotisation51 ;
L'inobservation des formalités prévues par l'article 133 précité en cas de décès du
redevable ne rend pas la cotisation inexistante, mais en justifie l'annulation, mais elle
peut être rétablie par application de l'article 355 du C.I.R52. 1992. Il a été jugé
également que de l'article 38, A.R. 22 septembre 1937 (actuel article 133 précité), il ne
résulte pas que la cotisation au nom d'une personne décédée doit faire l'objet
d'enrôlements distincts au nom de chaque ayant droit dans la succession53. Les
suppléments d'impôts décrétés par une décision directoriale à charge d'une personne
décédée après l'enrôlement des cotisations initiales, s'incorporent à celles-ci, et ne
peuvent, dès lors, être enrôlés qu'au nom de la personne décédée54 ;
L'enrôlement « au nom de la succession » couvre non un être qui n'existe plus mais
l'ensemble des personnes physiques qui remplacent le défunt dans ses droits et ses
obligations dès le moment où il décède55 ;
C'est au nom de la personne qui a recueilli des revenus imposables que, même si elle
vient à décéder, l'imposition doit être établie. L'enrôlement de cette imposition n'a pour
objet que de créer, contre les personnes qui ont recueilli la succession du redevable
décédé, un titre de perception de l'impôt légalement dû à raison des revenus
imposables que le défunt a recueillis de son vivant56.
A cet égard, le commentaire administratif prescrit aux taxateur (ou au Receveur si le décès a
lieu après l’enrôlement) de prendre contact avec l’administration de l’enregistrement afin de
connaître les héritiers du contribuable défunt et de leur envoyer copie de l’A.E.R. Bien que la
Cour de cassation57 a décidé que l'envoi des AER au lieu où la succession s'est ouverte,
avec la mention des nom et prénoms de chacun des héritiers, répond aux prescriptions
légales, il est recommandé aux fonctionnaires de ne pas suivre cette procédure et
d'adresser dans tous les cas les AER au domicile personnel de chaque héritier58.
2.3.2. Absence d’enrôlement distinct au nom de chaque indivisaire :
Les indivisaires ne doivent pas faire l'objet d'enrôlements distincts59.
51
52
53
54
55
56
57
58
59
Com IR 1992, n°300/11, Cass. 16 mai 1956, Pas., 1956, I, 986; Cass., 27 septembre 1960, Bull .contr., n°
372, p. 253.
Com IR 1992, n°300/12 ; Cass., 3 septembre 1963, Bull. contr., n° 410, p. 1596.
Cass., 27 septembre 1960, Bull. contr., n° 372, p. 253.
Com IR 1992, n°300/13 ; citant Bruxelles, 3 mai 1958, en cause de Putzeist.
Com IR 1992, n°300/14 ; Bruxelles, 29 avril 1955, Bull Contr., n° 317, p. 363.
Com IR 1992, n°300/16 ; Cass., 3 septembre 1963, Bull contr., n° 410, p. 1596.
Cass., 1er décembre 1953, Pas. 1954, I, p. 270 ; Cass., 4 novembre 1955, Pas. 1956, I, p. 207.
Com IR 1992, n°300/48.
Com IR 1992, n°300/16 ; Cass., 21 mai 1957, Pas., 1957, I, p. 1147.
17
En effet, la loi fiscale n'impose pas l'obligation d'indiquer sur l'AER la quote-part de chaque
indivisaire ou de chaque héritier dans la succession taxée. Les impôts concernent l'indivision
globale et non chaque indivisaire/héritier personnellement60.
En pratique, lorsqu’un précompte immobilier est dû par plusieurs copropriétaires d’un même
bien, celui-ci est enrôlé au nom d’un d’entre eux suivi de « et consorts », ou dans certains
cas « et enfants »61.
2.3.3. L’enrôlement à charge d’une société liquidée :
A l’égard des sociétés en liquidation, l’article 198 du Code des sociétés dispose que les
actions dirigées contre le liquidateur qualitate qua se prescrivent par 5 ans à compter de la
publication de la clôture de la liquidation.
Dès lors, aussi longtemps que cette prescription quinquennale n’est pas acquise et pour
autant que le délai légal d’imposition ne soit pas écoulé, des cotisations peuvent être
enrôlées à charge d’une société en liquidation62.
Par contre, en procédant à l'enrôlement d'une cotisation au nom de la société après
l'expiration dudit délai, l'administration établit une imposition à charge d'une personne
inexistante. Elle ne peut, en conséquence, en réclamer le paiement à qui que ce soit63.
Il se déduit des termes de l’article 198 du Code des sociétés que tant que la clôture de la
liquidation n’a pas été publiée, de nouveaux enrôlements peuvent intervenir dans le chef de
la société concernée dans la mesure où le délai de 5 ans qui y est fixé n’a pu commencer à
courir64.
2.3.4. Le recouvrement, sur base du rôle, à charge d’autres personnes que le
redevable repris au rôle :
Il ne fait aucun doute que les règles du droit commun trouvent à s’appliquer en droit fiscal,
sauf si ce dernier y déroge expressément.
Ainsi, l’article 1494 du Code judiciaire précise qu’aucune saisie-exécution ne peut être
pratiquée qu’en vertu d’un titre exécutoire et chose liquides et certaines. Dès lors, en droit
fiscal, le rôle ne pourrait être mis à exécution qu’à charge du redevable y repris, sauf s’il
existe un texte dérogatoire.
Une extension de la force exécutoire d’un titre peut être prévue par le droit commun. Tel est
le cas lorsque le titre exécutoire contre le de cujus peut être mis en œuvre contre l’héritier
personnellement dès lors que la signification du titre s’est opérée conformément au prescrit
de l’article 877 du Code civil et, le cas échéant, qu’un rappel recommandé (sauf si les droits
du Trésor sont en périls) lui ait été adressé au moins un mois avant le commandement par
voie d’huissier (qu’un commandement ait été signifié ou une saisie initiée du vivant du
défunt), sur base du nouvel article 298, §2 du CIR 1992.
60
61
62
63
64
Com IR 1992, n°300/48, citant Bruxelles, 6 avril 1970.
G. Van den Avyle, « Guide fiscal permanent », Bruxelles, Kluwer, Titre VII, Chapitre II, section 7, n°130.
Com IR 1992, n°300/17 ; Cass., 8 novembre 1960, Bull contr., n° 374, p. 569.
Cass., 22 mars 1962, Bull. contr., n° 402, p. 2148.
G. Van den Avyle, « Guide fiscal permanent », Bruxelles, Kluwer, Titre VII, chapitre II, section 7, n°140.
18
Outre les hypothèses du droit commun, le droit fiscal autorise le Receveur détenteur du rôle
ou son délégué à recouvrer l’impôt établi au nom du redevable à charge de tiers65 :
Article 394 CIR 1992 : sous réserve du respect des conditions légales, le titre rendu
exécutoire contre un des époux (ou des co-habitants légaux à partir de l’exercice
d’imposition 2005) peut être exécuté à charge de l’autre ;
Article 396 CIR 1992 : A condition de respecter les conditions fixées aux articles 395
et 396 du CIR 1992, le rôle afférent au précompte immobilier au nom de l’ancien
propriétaire peut constituer le titre exécutoire à l’encontre du nouveau propriétaire ;
Articles 400 à 408 CIR 1992 : ces textes prévoient une responsabilité solidaire en
chaîne lorsqu’il est fait appel à un entrepreneur non-enregistré ;
Article 458 CIR 1992 : en son alinéa 1er, l’article 458 stipule que Les personnes, qui
auront été condamnées comme auteurs ou complices d'infractions visées aux articles
449 à 452, seront tenues solidairement au paiement de l'impôt éludé. Les personnes
physiques ou morales seront civilement et solidairement responsables des amendes et
frais résultant des condamnations prononcées en vertu des articles 449 à 456, contre
leurs préposés ou dirigeants d'entreprise ;
Article 442bis CIR 1992 : ce texte organise une responsabilité solidaire du
cessionnaire d’une universalité de biens ou d’une branche d’activité en ce qui concerne
les dettes fiscales du cédant66 ;
Article 164 et 165 AR/CIR 1992 : ces articles instaurent un mécanisme de perception
accélérée de l’impôt sous la forme d’une saisie-arrêt simplifiée par lettre
recommandée. En cas de manquement par le tiers saisi à ses obligations, le Receveur
peut le poursuivre directement sur base du rôle rendu exécutoire au nom du débiteur
saisi ;
Article 399 CIR 1992 : en vertu de cette disposition, le Receveur peut percevoir l’impôt
au nom d’un associé ou d’un membre d’une société civile ou d’une association
dépourvue de personnalité juridique, directement à charge de la société ou de
l’association, dans la mesure où cet impôt correspond proportionnellement à la part de
cet associé ou membre dans les bénéfices ou profits non-distribués de cette société ou
association67.
L’article 393 du C.I.R. 1992 a été récemment modifié68, afin d’éviter à l’administration une
interprétation jurisprudentielle qui lui aurait été défavorable.
En effet, il était traditionnellement admis que le titre exécutoire (le rôle en l’espèce) ne
pouvait servir au recouvrement de l’impôt qu’à charge du contribuable qui y est désigné mais
pas d’un tiers qui n’y est pas nominativement repris, sauf exceptions légales.
65
66
67
68
G. de Leval, « traité des saisies », Liège, Coll scientifique, n°220 ; C.E., 12 décembre 1996, M.B.,
31 décembre 1996, p. 32.368.
Ci RH 81/488.797 du 20 juin 1997, Bull contr, 1997, n°774, pp. 1693 et 1698 et Ci RH 81/488.797 du
28 avril 1999, do fiscum, éd électronique, sources administratives.
Com IR 1992, n°399/0 à 399/10.
Inséré par l'article 66, de la loi-programme du 27 avril 2007, entré en vigueur le 18/05/2007.
19
Ainsi, en matière de sociétés à responsabilité illimitée, l'administration fiscale ne bénéfice
des privilèges du préalable et d'exécution d'office qu'à la condition qu'elle se soit décernée
un titre et qu'elle ait été en mesure de le faire. En d’autres termes, il appartenait au
Receveur de diligenter une procédure devant les juridictions ordinaires de l’ordre judiciaire
afin d’obtenir un jugement contre l’(es) associé(s) de la société redevable d’un impôt et
contre laquelle le rôle est exécutoire.
De manière extrêmement surprenante, la Cour de cassation va adopter une position qui a
choqué plus d’un juriste et critiquable69, cet arrêt indiquant en substance que70 :
« L'article 352, alinéa 2, du Code des sociétés dispose que, lorsqu'une société
coopérative a opté pour la responsabilité illimitée des associés, ceux-ci répondent
personnellement et solidairement des dettes sociales.
En vertu de l'article 1200 du Code civil, chaque débiteur obligé solidairement peut être
contraint pour la totalité de la dette.
Etant tenu personnellement de payer l'impôt établi au nom de la société coopérative à
responsabilité illimitée, l'associé est un redevable de l'impôt, à charge duquel
l'administration peut exercer les droits que la loi lui confère en vue de recouvrer l'impôt.
L'arrêt, qui considère qu' « aucune disposition du Code des impôts sur les revenus ne
prévoit la possibilité de recouvrer l'impôt des sociétés sur la base d'un rôle exécutoire
établi au nom de la société coopérative contribuable, à charge d'un tiers personne
physique, en l'espèce un débiteur solidaire en vertu du droit des sociétés », ne justifie
pas légalement sa décision. »
Cet arrêt est rendu sur avis favorable de l’Avocat général, lequel s’inspire des travaux
préparatoires de la loi programme visant à modifier l’article 393 du C.I.R. 1992.
A ces yeux, il y a lieu d’étendre –dans un souci de justice fiscale liée à l’extension du droit à
réclamation- la jurisprudence développée en matière de conjoints séparés71 à tous les cas
dans lesquels le recouvrement peut être opéré à charge d'une autre personne que celle qui
est nommément désignée au rôle, lorsque cette autre personne est tenue au paiement de la
dette fiscale en vertu du CIR 92 ou du droit commun.
Dans la crainte d’une décision défavorable, le législateur était d’ores et déjà venu à la
rescousse du fisc.
Le Conseil d’Etat, section législation, avait pourtant marqué son profond désaccord, étant
donné que :
« Cette disposition méconnaît la notion même de rôle. Le rôle est un titre exécutoire,
comparable à un jugement, que l'Etat se délivre à lui-même. Par définition même, pas
plus qu'un jugement, le rôle ne peut constituer un titre exécutoire qu'à l'égard de
personnes qui y sont dénommées ou, en vertu de l'article 877 du Code civil, de leurs
successeurs universels. Le fait que l'arrêté d'exécution du C.I.R. organise des
poursuites indirectes dirigées contre des tiers, débiteurs du contribuable (articles 147,
164 et 165), ne déroge pas à ce principe »72
69
70
71
72
Pour une étude détaillée M. Daube, note sous Cass., 14 juin 2007, R.G.C.F., n°2009/1, p. 32 et s.
Cass., 14 juin 2007, RG n°F.06.0044.F, www.cass.be.
La cotisation régulièrement établie au nom d'un époux et portée au rôle rendu exécutoire constitue le titre
qui permet à l'administration d'exiger le paiement de cette cotisation et de procéder à son recouvrement
sur les biens du conjoint qui n'a pas été repris au rôle ; Cass., 12 septembre2003, RG n° C.01.0578.F et
n° C.02.0051.F, www.cass.be, R.G.C.F., 2004/3, p.51.
Doc. Parl., Ch. Réunie., sess. ord., 1998-1999, n° 2073/1, pp. 14 et 20.
20
Dorénavant, l’article 393, §2 du C.I.R. 1992 est libellé comme suit :
« § 1er. L'impôt enrôlé au nom de plusieurs personnes ne peut être recouvré à charge
de chacune d'elles que pour la quotité afférente à ses revenus.
Le rôle est exécutoire contre chacune d'elles dans la mesure où la cotisation peut être
recouvrée à sa charge en vertu du droit commun ou des dispositions du présent Code.
§ 2. Le rôle est exécutoire contre les personnes qui n'y sont pas reprises dans la
mesure où elles sont tenues au paiement de la dette fiscale sur la base du droit
commun ou sur la base des dispositions du présent Code. »
En conclusion, le Receveur dispose donc, à l’avenir, du droit de procéder à des mesures
conservatoires et d’exécutions à l’encontre d’un associé tenu solidairement des dette de sa
société sur base du rôle exécutoire au nom de ladite société, SANS devoir obtenir
préalablement un titre complémentaire en justice.
Si cette modification législative accroît certes considérablement les pouvoirs du fisc, elle a
toutefois également un effet positif qui est de confirmer également l’ouverture du droit à
réclamation au profit du tiers tenu de payer l’impôt.
2.4. Cession immobilière et précompte immobilier :
2.4.1. Principes :
Pour rappel, le précompte immobilier est dû par le propriétaire, le possesseur, l’usufruitier,
l’emphytéote ou le superficiaire, titulaire de son droit réel au 1er janvier de l’exercice
d’imposition73.
Par conséquent, en cas de changement de la titularité du bien en cours d’année, le
précompte immobilier relatif à cette année ne pourrait être réparti entre les deux titulaires74. Il
n’est cependant pas rare que l’acte notarié de vente contienne une clause répartissant entre
parties la charge du précompte immobilier, prorata temporis.
Toutefois, cette clause fort utile d’un point de vue conventionnel, ne peut être opposé à
l'État, dont les droits sont régis exclusivement par la loi et qui n'est d'ailleurs pas partie à la
convention75. Cette clause est parfaitement valable, mais inopposable à l’administration
fiscale, qui poursuivra le vendeur pour le montant total.
Au demeurant, la quote-part du précompte immobilier que l'acquéreur supporte n'a pas,
dans son chef, le caractère d'un impôt mais bien celui d'une charge conventionnelle
souscrite grevant le bien entré dans son patrimoine76.
73
74
75
76
Com IR 1992, n°215/12 ; Liège, 4 décembre 1998, cité in G. Van Den Avyle, op cit, section 9, n°30.
Com IR 1992, n°251/14 ; Bruxelles, 24 avril 1974, Bull. contr, n° 530, p. 943.
Il s’agit d’une application du principe de relativité des conventions, article 1165 du Code civil.
Civ Liège, saisies, 8 juin 1995, Bull contr, n°759, p. 625 ; Dép. du 2 juin 1972, n°CI OP 2/257.782, Bull
contr, n°499, p. 1323 ; Ci RH 14/233.0233 du 6 août 1969.
21
2.4.2. L’Etat peut-il invoquer cette clause ?
L’administration est d’avis que le Receveur, lorsqu’il lui est impossible de recouvrer le
précompte immobilier à charge du vendeur, peut invoquer cette clause pour obtenir un
jugement à l’encontre de l’acquéreur.
En effet, selon le Commentaire administratif, si les poursuites intentées à charge de l'ancien
titulaire du droit (seul redevable de l'impôt au regard de la loi fiscale) ne sont révélées
vaines, il importe de réclamer au nouveau titulaire, sur base de l'article 1165 du Code civil, le
paiement de l'impôt, auquel il est tenu en vertu de la convention incluse dans l'acte
d'aliénation.
Le commentaire poursuit en précisant que, comme il ne s'agit pas d'une application de
l'article 395 du CIR 1992, les dispositions de l'article 396 du CIR 1992, doivent être ignorées
en la circonstance. Si le Receveur est amené à délivrer au nouveau titulaire une copie de
l'avertissement-extrait de rôle, il s'abstient d'y faire figurer la mention prévue au second
alinéa de l'article 396 du CIR 1992, et de modifier les dates initiales de délivrance et
d'exigibilité.
Nanti d’un tel jugement, qui représente un préalable obligatoire, le Receveur pourra alors
réclamer à l’acquéreur le paiement de sa quote-part du précompte immobilier, au moyen des
seules possibilités d’exécution prévues en droit commun, et donc sans recourir aux mesures
spécifiques d’exécution autorisées par la loi fiscale77.
Toutefois, la jurisprudence et la doctrine contestent la position administrative, aux motifs
que :
« [...] il ne peut y avoir stipulation pour autrui en faveur d’un tiers que si le stipulant a eu
l’intention non seulement de procurer un avantage de fait au tiers, mais encore de
procurer à ce dernier un droit propre vis-à-vis du promettant. Une stipulation en faveur
d’un tiers suppose en outre que le stipulant ait accepté l’engagement vis-à-vis du
tiers78. »
2.4.3. Solution alternative : l’action oblique :
Confronté à l’insolvabilité de son débiteur, et si la clause précitée a été insérée dans la
convention, le Receveur dispose d’une solution alternative en vue de recouvrer l’impôt
impayé.
L’action oblique, visée à l’article 1166 du Code civil, permet à un créancier d’agir en lieu et
place de son débiteur négligent. Le produit récupéré réintègre le patrimoine du débiteur
inactif et bénéficie à l’ensemble des créanciers79.
Cette mesure conservatoire suppose la réunion de plusieurs conditions :
L’insolvabilité ou le risque sérieux d’insolvabilité du débiteur ;
L’intérêt à agir du créancier ;
77
78
79
G. Van den Avyle, « Guide fiscal permanent », Bruxelles, Kluwer, Titre VII, Chapitre II, Section 9, n°70.
Civ Turnhout, 31 octobre 1997, Cour fisc, 1997, p. 623 + note de M. Dassesse et P. Minne, Dr fisc,
Bruylant, 1996, p. 242.
Liège, 5 juin 1998, JLMB, 1999, p. 450 ; Com. Liège, 1er octobre 1997, Bull contr, n°794, 1999, p. 1856 ; F.
T’Kint, « Sûretés et principes généraux du droit de poursuite des créanciers », Bruxelles, Larcier, 2000.
22
L’inertie du débiteur principal ;
L’existence d’une créance certaine et exigible (pour rappel, le PrI est censé existé au
01/01 de l’exercice).
Bien entendu, dans la mesure où le créancier exerce les droits de son débiteur, dans l’état
où ils se trouvent, le défendeur pourra opposer audit créancier les exceptions et arguments
qu’il serait en droit d’opposer au débiteur80.
Dès lors, cette solution alternative n’est pas applicable en toutes hypothèses, et implique la
mise en œuvre de moyens et d’une (longue) procédure judiciaire.
2.5. La contestation du rôle :
En matière fiscale, c’est le juge des saisies qui est compétent pour apprécier la régularité du
titre exécutoire que constitue le rôle, en examinant la validité de ses mentions, et la
régularité de la procédure et des mesures d’exécution.
Cependant, ce magistrat ne peut pas vérifier la légalité de la procédure de taxation, matière
qui est soustraite à sa compétence : une procédure organisée de réclamation puis,
éventuellement, de recours devant le Tribunal de Première instance territorialement
compétent81, doit nécessairement être mise en oeuvre, endéans des délais prescrits à peine
de déchéance (perte irrémédiable du droit), pour éviter que l’impôt litigieux ne devienne
définitif.
La jurisprudence, dont celle de la Cour de cassation, l’a rappelé à de nombreuses reprises82.
A titre d’exemple, l’arrêt de la Cour de cassation du 10 juin 1999 résume parfaitement cette
jurisprudence :
« Attendu que le Juge des saisies qui, en vertu des articles 1395, al. 1er, et 1498 du
Code judiciaire, connaît d’une demande ayant trait aux voies d’exécution sur les biens
du débiteur, apprécie la légalité et la régularité de la saisie, mais n’est pas compétent
pour statuer sur d’autres contestations qui concernent l’exécution ; que, sauf
dans les cas expressément prévus par la loi, il ne peut se prononcer au fond ; qu’il ne
peut statuer sur les droits des parties fixés dans le titre dont l’exécution est poursuivie ;
Que, saisi de l’opposition formée par le redevable d’une imposition contre un
commandement qui lui a été signifié en vue d’en assurer le recouvrement, le juge des
saisies est sans compétence pour se prononcer sur la validité de la cotisation, et
partant, du titre qui l’établit ;
Attendu qu’en déclarant nul le titre qui a établi l’impôt, la Cour d’appel a excédé sa
compétence et violé les articles 1395, al. 1er et 1498 du Code judiciaire. »
80
81
82
Par exemples, l’exception de paiement, d’inexécution, les vices affectant le bien objet de la vente,...
Article 632 du Code judiciaire.
Cass., 3 novembre 1995, Bull contr, n°764, p. 1906 ; Cass., 10 juin 1999, Bull contr, n°809, pp. 2860 à
2864.
23
Pour être complet, certains auteurs font observer, à partir de cette jurisprudence, que le
Juge des saisies reste cependant compétent pour suspendre, en cas de contestation
sérieuse relative au fond, suspendre provisoirement l’exécution dans l’attente d’une décision
du juge compétent83.
2.6. La force exécutoire du rôle à l’étranger :
Le Receveur ne pourrait faire entamer des poursuites à l’étranger directement sur base du
rôle.
La force exécutoire d’un acte authentique, tel que le rôle, dérive de la puissance publique,
de sorte qu’elle ne peut s’étendre en dehors du territoire du Royaume : l’exécutoire donné
au rôle constitue un acte de souveraineté qui ne peut avoir d’effets au-delà du territoire sur
lequel cette souveraineté s’exerce84.
Par ailleurs, un rôle en matière d’impôts directs ne peut jamais faire l’objet d’un exequatur à
l’étranger, cette procédure étant réservée aux décisions judiciaires réglant des intérêts
privés.
Toutefois, un rôle pourra être mis à exécution à l’étranger, en application des dispositions de
conventions réglant l’assistance mutuelle en matière de recouvrement85.
Ces conventions fiscales86 prévoient une stricte réciprocité, l’administration belge ayant la
charge de recouvrer des dettes fiscales établies à l’étranger. Dans tous les cas, ces dettes
seront considérées comme étant chirographaires et ne pourront bénéficier des privilèges
reconnus par la loi fiscale afin de faciliter leur recouvrement.
2.7. L’avertissement-extrait de rôle (ci-après dénomme AER) :
2.7.1. Rôles de l’avertissement-extrait de rôle :
Quoique peu présent dans les textes légaux, l’avertissement-extrait de rôle assure une
fonction important dans le processus de recouvrement, par les fonctions ci-après :
Il donne connaissance au contribuable de l’existence d’un impôt dans son chef.
L’avertissement est l’avis envoyé au redevable intéressé afin de l’avertir que la créance
fiscale a été rendue exécutoire à la date mentionnée sur l’extrait, pour un montant
déterminé et en vertu d’impôts déterminés87 ;
83
84
85
86
87
F. Georges, « La compétence matérielle du juge des saisies. Le point sur les procédures (2ème partie) », in
CUP, Volume 43, p. 400 et références citées.
Manuel recouvrement et poursuites, Tome IV, 3ème partie, n°1 ; Pandectes belges, V° Exequatur, n°137.
G. de Leval, F. Georges et J Matray, Le passage transfrontalier du titre exécutoire, in L’efficacité de la
justice en Europe, Bruxelles, Larcier.
Les C.P.D.I. disposent d’un article sur ce sujet ; la convention bilatérale du 25/04/1959 entre la Belgique et
l’Allemagne n'est applicable que pour les significations d'actes judiciaires et extra-judiciaires en matières
civile et commerciale…et donc pas en droit fiscal (pour plus de détail : Circulaire n° CI.R.14-454.609 du
14.09.1993, Bull. contr, n° 732, www.fisconet.fgov.be).
J. Van Houte, « Principes du droit fiscal belge, n°619 ; Manuel recouvrement et poursuites, Tome II, Titre
IV, p. 25, n°71.
24
Il invite le redevable à acquitter l’impôt dans les délais légaux. A cet effet, l’AER
mentionne la date d’échéance légale de l’impôt concerné, soit 2 mois à compter de
l’envoi de l’avertissement ;
Il précède, en cas d’absence de paiement, la sommation administrative et les mesures
ultérieures de recouvrement forcé. Par rapport à la procédure de droit commun, c’est
un jugement qui forme le titre exécutoire, sa notification (greffe) ou sa signification
(huissier) le porte officiellement à la connaissance des parties, et permettra une
exécution forcée à défaut d’exécution volontaire. En droit fiscal, le rôle (et non l’AER !)
est le titre qui est porté à la connaissance du contribuable (par pli simple et non
recommandé), et à défaut d’exécution volontaire, ouvre le droit à l’exécution volontaire
moyennant l’envoi ^préalable d’une sommation88 ;
Il influence le point de départ des intérêts de retard des impôts non-dus à la source.
Ceux-ci débutent le premier jour du troisième mois suivant la date d’envoi de l’AER89.
Sans envoi régulier de l’AER, il n’y a pas, pour les impôts qui ne sont pas dus à la
source, ni date d’échéance, ni prise de cours des intérêts de retard ;
Il ouvre au contribuable le droit de réclamer contre les impôts visés à l’article 365 du
CIR 1992. Ce dernier devient en mesure de contester cet impôt par la voie d’une
réclamation adressée dans les formes et dans les délais légaux, à l’attention du
Directeur régional compétent90 ;
Il ouvre au contribuable un délai à cet effet, trois mois à compter de son envoi. En
pratique, l’AER conditionne le droit à la réclamation d’une double manière : d’une part,
en ouvrant le délai de 3 mois à compter de la date de son envoi, et d’autre part, ce
droit au recours ne naît qu’à partir de l’enrôlement, c.-à-d. au moment où il existe dans
le contribuable un intérêt né et actuel à faire valoir ses contestations et que la dette
d’impôt est certaine91 ;
Il influence le point de départ de la prescription des impôts non-dus à la source.
Comme il sera exposé plus amplement ci-après, les impôts directs et les précomptes
se prescrivent par 5 ans à compter de leur exigibilité. Pour prendre les termes de Th
AFSCHRIFT92, c’est à partir du lendemain du de l’expiration du délai de deux mois
prévu pour le paiement de l’impôt que court le délai sus-visé de 5 ans. En l’absence
d’envoi régulier, ce délai ne débute pas.
2.7.2. Mentions de l’avertissement-extrait de rôle :
La loi ne prévoit guère les mentions que doit comporter l’AER : la jurisprudence et la doctrine
ont donc pris le relais pour affiner ces mentions au fil du temps.
88
89
90
91
92
G. Van den Avyle, op cit, Titre VII, Chapitre III, section 1ère , n°70.
Article 414 CIR 1992 : à partir du mois suivant celui de l’échéance légale.
Article 366 du CIR 1992.
Cass., 26 octobre 1965, Bull contr, n°435, p. 1521 ; Com IR 1992, n°371/19 ; Toutefois, depuis la réforme
de la procédure fiscale de mars 1999, et la compétence des tribunaux de première instance concernant
les litiges relatifs à « l’application d’une loi d’impôt », un recours avant tout enrôlement est possible pour
autant que le contribuable démontre avoir un intérêt né et actuel d’introduire ce recours (en ce sens, Mons,
13 juin 2001, Act fisc, n°23, p. 5 et note de J-P Magremanne).
Th Afschrift, « Les délais en matière d’impôts sur les revenus », JT, 1983, p. 1 et s., n°35. G. Van den
Avyle, op cit, n°150.
25
L’article 371 du CIR 1992 ne mentionne que l’indication du délai de réclamation, sans plus
d’indications sur les autres mentions.
De manière générale, selon la jurisprudence, l’A.E.R. doit contenir toutes les mentions utiles
pour faire connaître l’existence d’une dette certaine et exigible, de façon à permettre
éventuellement au redevable d’introduire une réclamation93.
Compte tenu des buts de l’A.E.R., l’administration estime que certaines mentions sont
obligatoires :
La nature de l’impôt ;
L’exercice d’imposition ;
L’article du rôle ;
Le montant de la cotisation ;
La date de l’exécutoire et l’autorité dont émane le rôle ;
La date d’envoi de l’A.E.R., date qui conditionne les délais de paiement, de réclamation
et de prescription ;
La date de prise de cours des intérêts de retard.
Certaines mentions spéciales doivent également apparaître, à savoir :
La référence à la notion de cotisation subsidiaire, dans l’hypothèse de l’application de
l’article 356 du CIR 1992 ;
L'article 395 du CIR 1992, dispose que jusqu'à la mutation d'une propriété dans les
documents cadastraux, l'ancien propriétaire ou ses héritiers, à moins qu'ils ne
fournissent la preuve du changement de titulaire des biens imposables et quels ne
fassent connaître l'identité et l'adresse complètes du nouveau propriétaire, sont
responsables du paiement du précompte immobilier, sauf leur recours contre le nouveau
propriétaire.
Cette disposition déroge au principe suivant lequel c'est le titulaire du droit au 1er janvier
de l'année d'imposition qui est assujetti au précompte immobilier, et ce pour des raisons
d'ordre pratique (en vue de ne pas subordonner les travaux d'enrôlement à la mutation
du bien dans les documents cadastraux, laquelle s'opère toujours avec effet au 1er
janvier d'une année)94.
L'ancien titulaire ne sera déchargé du paiement qu'à la double condition d'apporter,
d'une part, la preuve du changement de titulaire des biens imposables et, d'autre part,
les éléments (identité et adresse complètes du nouveau propriétaire) permettant à
l'administration d'entreprendre une nouvelle procédure en recouvrement à charge du
nouveau débiteur. Une nouvelle procédure en recouvrement sera alors entamée à
charge du nouveau titulaire.
Celui-ci recevra un nouvel exemplaire de l'avertissement-extrait de rôle, conforme en
tous points, aux indications du rôle.
93
94
Cass., 13 avril 1984, Pas, 1984, I, 1026 ; Cass., 10 avril 1975, Pas, I, 789.
Com IR 1992, n°252/7.
26
Ce document doit, sous peine de nullité, porter d'une manière apparente, la mention
suivante « Avertissement-extrait de rôle, délivré le ... (date de l'envoi du nouvel
avertissement) à M. ... (nom, prénoms et adresse du débiteur effectif du précompte
immobilier), en exécution de l'article 396 du Code des impôts sur les revenus 1992 ».
Par contre, certaines mentions ne sont nullement indispensables, et partant, ne
conditionnent pas la validité du rôle :
Le mode d’imposition ;
L’indication des éventuels accroissements d’impôts infligés ;
La signature d’un fonctionnaire ;
La forme de la société, dès lors qu’aucune confusion n’est possible.
L’omission de la mention relative aux recours ouverts au contribuable et à l’identité de
l’autorité compétente n’a aucune influence sur la validité du titre ou de la cotisation
constatée par ce titre.
Toutefois, conformément à la loi du 11 avril 1994 relative à la publicité de l’administration, de
telles mentions sont obligatoires. Le défaut d’une de ces mentions a pour conséquence que
le délai pour introduire le recours ne prend pas cours95.
2.7.3. Quelles sont les conséquences attachées à une absence ou à une erreur dans
ces mentions ?
De manière générale, l’omission ou l’indication erronée des mentions obligations n’aura pas
d’effet sur la validité de la cotisation et n’entraine pas sa nullité.
La jurisprudence estime en effet que l’erreur ou l’absence de mention n’entraine la nullité de
la cotisation que si et seulement s’il démontre que ce manquement lui a causé un préjudice
effectif en lien avec ladite irrégularité96.
Le contribuable pourra par contre plus aisément défendre l’idée que l’irrégularité mise en
évidence doit être sanctionnée par le fait que les délais de recours n’ont pas commencé à
courir et que son droit à réclamation n’est pas forclos97.
Évidemment, si l’A.E.R. (et/ou le rôle) mentionne le nom d’un contribuable inexistant…le
Receveur ne disposera alors d’aucun titre exécutoire valable à l’encontre d’un redevable :
les mesures de poursuites et/ou conservatoires qu’il pourrait mettre en œuvre seront nulles à
défaut de titre.
« L’adresse du contribuable » ne figure quant à elle pas au rang des mentions considérées
comme « obligatoires » par la jurisprudence ou l’administration fiscale.
Il ne s’agit en effet pas d’une mention qui pourrait affecter la validité de l’imposition mise à
charge du redevable.
95
96
97
Bruxelles, 27 avril 2000, FJF, n°00/229.
Bruxelles, 16 février 1992, F.J.F., n°82/97 ; Anvers, 28 juin 1994, F.J.F., n°95/46 ; Cass., 13 janvier 1995,
F.J.F., n°95/67 ; Liège, 7 juin 1989, Bull contr, n°697, p. 2355.
C’est le cas de l’omission de la date d’enrôlement : Cass., 27 février 1981, Pas, 1981, I, 711.
27
Tout au plus, le contribuable n’aura-t-il tout simplement pas pu prendre connaissance de
l’imposition mise à sa charge. Dans de telles conditions, il pourra revendiquer que les délais
de réclamation n’ont régulièrement commencé à courir qu’à la date où il lui aura été donné
connaissance de l’imposition et des éléments nécessaires à l’exercice d’un tel recours.
Une telle irrégularité peut également avoir une autre conséquence, auquel le praticien doit
avoir égard.
Ainsi, le cours des intérêts de retard (au taux de 7%/an) n’est pas censé avoir débuté : en
effet, ces intérêts constituent une pénalité pour le redevable qui, ayant connaissance d’une
dette d’impôt, s’abstient de la payer dans les délais impartis. Dès lors qu’il n’a pas
connaissance de cette dette, le redevable ne peut être sanctionné pour une absence de
paiement qui est imputable à une erreur du fisc. Ces intérêts ne commencent à courir qu’au
jour de la prise de connaissance effective de l’A.E.R. par le redevable.
La Cour d’appel de Bruxelles s’est prononcée en ce sens par un arrêt du 19 décembre
200398.
2.7.4. La destination de l’avertissement-extrait de rôle :
L’article 136 de l’AR/CIR 1992 précise qu’ :
« Aussitôt que les rôles sont rendus exécutoires, il en est adressé des extraits aux
redevables intéressés. »
La formalité de l’envoi par lettre recommandée ne figure plus dans le Code, et ne constitue
pas en soi une formalité substantielle de l’envoi de l’AER. Son omission implique cependant
que l’administration établisse la preuve que l’avertissement est effectivement parvenu au
redevable concerné.
En l’absence d’envoi recommandé, l’administration est en droit de prouver par toutes voies
de droit l’envoi dudit document (généralement par un faisceau de présomptions mais pas sur
base de simples affirmations unilatérales)99.
En ce qui concerne l’adresse d’envoi, l’administration estime que l’envoi est régulier lorsqu’il
est effectué aux lieux suivants100 :
L'administration satisfait aux obligations fixées par l'article 136, AR/CIR 92, en envoyant
l'AER là où le contribuable est inscrit dans les registres de la population au moment de
l'envoi ;
L'envoi de l'AER au domicile précédant du contribuable lorsque celui-ci a, entre-temps,
quitté cette adresse n'est donc pas régulier, même lorsque l'AER n'est pas retourné à
l'administration par la poste101 ;
98
99
100
101
Bruxelles, 19 décembre 2003, R.G.C.F., n°2004/3, p. 63 et note R. Forestini.
Appel Liège, 13 mars 1985, Bull contr, n°646, p. 2411 ; Civ Bruxelles, saisies, 9 juin 1988, Bull contr,
n°689, p. 2411 ; Anvers, 29 juin 1992, FJF, n°92/186 ; Cass., 7 janvier 1993, do fiscum ; Liège, 3 février
1994, do fiscum, Bruxelles, 19 novembre 1998, do fiscum, Bruxelles, 19 décembre 2002, do fiscum,
Namur, 25 juin 2003, do fiscum, éd électroniques.
Com IR 1992, n°300/32 et s. La présente section ne vise que les cas « classiques ».
Cass., 17 novembre 1988, F.J.F., n°89/42 ; Bruxelles, 16 février 1995, JLMB, 1996, p. 648 et s.
28
A défaut de disposition légale déterminant le lieu où les AER doivent, en application de
l'article 136, AR/CIR 92, être adressés aux redevables intéressés, ces AER sont
régulièrement envoyés à l'adresse à laquelle le redevable a prié l'administration
d'adresser les correspondances qu'elle pourrait devoir lui faire tenir, cette adresse fûtelle une boîte postale102 ;
L'envoi de l'AER au mandataire est régulier, lorsque procuration est donnée à ce dernier
pour représenter le mandant en Belgique auprès des services publics et donc aussi pour
recevoir la correspondance. La révocation éventuelle de cette procuration qui n'a pas été
portée à la connaissance de l'administration n'est donc pas opposable à cette
dernière103 ;
En matière de litige concernant le précompte immobilier, il a été jugé que l’envoi de l’AER au
lieu de situation du bien, et non au domicile du redevable, n’était pas régulier104.
La Cour d’appel d’Anvers a même décidé qu’il incombait à l’administration fiscale d’effectuer
les recherches nécessaires et envoyer l’AER à la nouvelle adresse dans le cas où une
société avait déplacé son siège social sans en informer l’administration fiscale105.
Cette jurisprudence doit être approuvée, dans la mesure où il n’existe aucune obligation
légale, d’un point de vue fiscal, d’informer l’administration de son changement d’adresse, et
surtout, par le fait que les agents des bureaux de recettes (mais aussi des contrôles et des
inspections) disposent d’un accès direct au registre national.
Pour le surplus, les pouvoirs d’investigations leur permettent de compléter cette information
par une demande de renseignements auprès des autorités communales, et même des
entreprises de pompes funèbres pour connaître le nom des héritiers...
2.7.5. Cotisations à charge de redevables décédés :
Les héritiers sont informés de la dette à charge de la succession au moyen d’un AER, même
s’ils n’ont pas été repris au rôle en vertu de l’article 133 AR/CIR 1992. S’il y a mandataire, la
notification à son intention sera régulière.
Il a été jugé qu’une imposition enrôlée au nom d’une personne décédée, alors que
l’administration savait très bien qu’elle était décédée et qu’elle connaissait les noms et
adresses des héritiers, ne saurait avoir de conséquences au nom de la succession.
En effet, une personne décédée ne saurait introduire de réclamation. De plus, rien ne faisait
apparaître que les avis de cotisation seraient parvenus aux héritiers. Une telle cotisation doit
être annulée106.
Par ailleurs, la loi n’impose pas l’obligation d’indiquer sur l’AER la quote-part de chaque
héritier dans la succession taxée, les impôts concernant l’indivision globale et non chaque
héritier personnellement.
102
103
104
105
106
Com IR 1992, n°300/33 ; Cass., 23 février 1965, Bull contr, n° 422, p. 1543 ; Bruxelles, 16 mai 1989, Bull
contr, n°708, p. 1995 et s.
Article 2005, Code civil ; Bruxelles, 19 septembre 1989, Bull contr, n° 699, p. 2942.
Mons, 2 février 1989, JLMB, 1989, pp. 1046 et 1047 + références citées.
Anvers, 10 novembre 1998, TFR, 1999, p. 220.
Gand, 7 mars 2001, Fiscologue, n°796, p. 11.
29
Si l’AER avait déjà été envoyé du vivant du de cujus, l’imposition ne donnera pas lieu à
nouvelle délivrance d’un AER aux héritiers ou à leur mandataire : la procédure d’exécution à
leur égard présentera cependant la particularité de nécessiter la signification des titres
existant au nom du défunt, conforment à l’article 877 du Code civil.
2.7.6. Duplicata :
L’administration ne s’oppose pas à la délivrance de duplicata, sous réserve d’une vérification
du demandeur107.
Ainsi, en pratique, une copie de l’AER sera délivrée aux personnes suivantes :
Le redevable lui-même ;
Le mandataire du redevable ;
Le curateur du redevable failli ;
Le représentant légal du redevable mineur, interdit ou interné ;
Les héritiers du redevable.
3.
Les délais de paiement :
3.1. Délais ordinaires :
3.1.1. Le précompte immobilier et les impôts sur les revenus :
L’article 413 du CIR 1992 indique que le précompte immobilier, les impôts sur les revenus
(INR/IPP/ISOC/IPM) ainsi que les amendes sont exigibles à la date à laquelle le rôle a été
rendu exécutoire, et doivent être payés dans les deux mois de l'envoi de l'avertissementextrait de rôle.
Toutefois, lorsque les droits du Trésor sont en périls, lesdits impôts doivent être acquittés
sans délai et pour leur totalité.
3.1.2. Les précomptes mobiliers et professionnels108 :
Le précompte mobilier est payable dans les quinze jours « de l'attribution ou de la mise en
paiement » des revenus imposables (dividende, intérêt, redevance).
Le précompte professionnel quant à lui est payable dans les quinze jours « qui suivent
l'expiration du mois pendant lequel les revenus (traitements et salaires) ont été payés ou
attribués ».
Les débiteurs de PrP, redevables de plus de 2.500.000,00€ de précompte professionnel
pour l'année précédente, sont de plus tenus de payer ledit précompte afférent aux revenus
payés ou attribués pendant les 15 premiers jours du mois de décembre avant le 24
décembre de l’année en question.
107
108
Fonction <PCROL> du système ICPC, Manuel recouvrement et poursuites, Tome II, Titre IV, p. 36, n°114.
Article 412 du CIR 1992.
30
En matière de précompte professionnel, la loi prévoit une dérogation à la mensualité des
paiements, lorsque le précompte professionnel afférent aux revenus de l'année précédente
était inférieur à 25.000,00€109. Dans ce cas, le versement du PrP doit intervenir dans les
15 jours qui suivent l'expiration de chaque trimestre au cours duquel les revenus ont été
payés ou attribués,
Un acompte sur le précompte professionnel du quatrième trimestre est payable au plus tard
le 15 décembre; cet acompte étant égal au précompte professionnel réellement dû pour les
mois d'octobre et de novembre de l'année courante.
Les secrétariats sociaux d’employeurs, reconnus par le Ministère des Affaires sociales, sont
autorisés à payer le Pr.P. dû par leurs affiliés au plus tard l’avant dernier jour du mois
suivant la période (mois ou trimestre) d’attribution ou de paiement des revenus auxquels a
trait le précompte.
Un acompte doit également être versé pour le 24 décembre de l’année, selon les mêmes
modalités.
3.1.3. Plus-values visées à l’article 272, al. 2 du CIR 1992 :
Les cessions, à titre onéreux, de biens immobiliers situés en Belgique ou de droits réels
portant sur ces biens, par un contribuable visé à l'article 227, 1° ou 2° (non-résident)110, sont
soumises à un précompte professionnel.
Celui-ci doit être retenu par celui qui a l'obligation de faire enregistrer l’acte ou la déclaration
en vertu de l'article 35 du Code des droits d'enregistrement, et ce lors de l'enregistrement111.
3.1.4. Taxe de circulation sur les véhicules automobiles – taxe de circulation
complémentaire – taxe compensatoire des accises – taxe de mise en
circulation :
Pour les véhicules « automatisés », la taxe est due au « Service Contributions Autos
Bruxelles » dans les délais indiqués dans l’avis de paiement, ou à défaut d’avis, au plus tard
le dernier jour du mois qui suit celui de l’immatriculation du véhicule.
Pour les véhicules « non-automatisés », la taxe est payable au Receveur avant le 1er janvier
si le véhicule est utilisé sur la voie publique avant cette date et, dans le cas contraire,
préalablement à tout usage sur la voie publique.
3.1.5. Eurovignette :
L'eurovignette est due par le propriétaire du véhicule112.
Cette taxe est due dès l'instant où les véhicules visés113 circulent sur le réseau routier tel que
délimité par Arrêté royal114.
109
110
111
112
Ce montant est indexé annuellement en vertu de l’article 178 du CIR 1992.
Article 228, § 2, 3°, a) et 4° du CIR 1992
Article 412 bis du CIR 1992.
Article 6 de la loi du 24 décembre 1994, M.B.,. 31 décembre 1994, - Add. Mon. 1er février 1995/
31
113
114
Article 3 de la loi du 24 décembre 1994 : « Sont assujettis à l'eurovignette les véhicules à moteur et les
ensembles de véhicules destinés exclusivement au transport de marchandises par route, dont la masse
maximale autorisée s'élève à au moins 12 tonnes .Les véhicules à moteur et les ensembles de véhicules
sont désignés ci-après par le mot «véhicules». »
A.R. du 8 septembre 1997 désignant le réseau routier sur lequel l'eurovignette est applicable.
32
3.1.6. Taxe sur les jeux et paris :
La taxe est payable le 1er et le 15 de chaque mois, au bureau des contributions du ressort,
sur la déclaration du redevable, appuyée éventuellement d'un extrait du registre prescrit à
l'article 55 de la loi.
Toutefois, elle est exigible au moment même où les recettes sont effectuées si les droits du
Trésor sont en péril.
3.1.7. Taxe sur les appareils automatiques de divertissement :
La taxe est payable chez le receveur désigné par l'administration des contributions directes
soit préalablement au placement de l'appareil, soit avant le 1er janvier de l'année
d'imposition, si l'appareil est placé à cette date.
3.1.8. Précomptes (mobilier et professionnel) et taxes assimilées aux impôts sur les
revenus enrôlés à défaut de paiement :
Dans ces hypothèses, l’enrôlement n’a aucune influence sur la période à laquelle ces
précomptes sont payables.
L’enrôlement ne crée que la possibilité de procéder à l’exécution forcée en vue du
recouvrement des précomptes ou taxes. L’avertissement-extrait de rôle mentionne d’ailleurs
que la cotisation est payable immédiatement.
3.2. Délais supplémentaires :
3.2.1. En cas de réclamation :
Contestation de l’avis de rectification ou de la notification d’imposition d’office :
Tant que la contestation du contribuable ne s’est pas concrétisée par un recours,
l’administration est en droit de procéder à l’exécution forcée de sa créance, dès lors que
celle-ci est certaine, liquide, exigible et échue.
Le seul fait que le contribuable fasse état d’une critique ou d’un désaccord à l’encontre d’une
rectification ou d’une imposition d’office, n’est pas de nature à faire obstacle au
recouvrement de l’impôt.
De même, le fait de ne pas avoir introduit de recours (administratif ou judiciaire, réclamation
ou dégrèvement d’office) dans les délais légaux, ne peut être réparé en contestant la validité
du titre exécutoire devant le Juge des saisies dans le cadre d’une opposition aux mesures
de poursuites115.
115
Cass., 3 novembre 1995, Pas, 1995, I, p. 990, cassant l’arrêt de la Cour d’appel de Liège, 19 mai 1994,
FJF, 95/167.
33
En cas de recours administratif ou judiciaire :
En pratique, l’introduction d’un recours administratif (réclamation ou dégrèvement d’office)
ou même judiciaire (1ère instance, appel ou cassation) fait généralement obstacle au
recouvrement de l’impôt querellé.
Pourtant, dans l’hypothèse d’un recours administratif, l’article 409 du CIR 1992 prévoit que
l'imposition contestée, en principal, additionnels et accroissements, augmentée des intérêts
et des frais y afférents, peut faire l'objet pour le TOUT de saisies conservatoires, de voies
d'exécution ou de toutes autres mesures destinées à en garantir le recouvrement.
L’article 410 du CIR 1992 vient heureusement limiter ce principe.
Ainsi, la dette querellée, tout comme les frais de toute nature, est considérée comme une
dette liquide et certaine et peut être recouvrée par voies d'exécution, dans la mesure où elle
correspond au montant des revenus déclarés, ou aux revenus sur lesquels le contribuable a
marqué son accord au cours de la procédure d'établissement de l'impôt, ou encore
lorsqu'elle a été établie d'office à défaut de déclaration, dans la mesure où elle n'excède pas
la dernière imposition définitivement établie à charge du redevable pour un exercice
d'imposition antérieur.
Dans l’hypothèse d’un recours judiciaire, l’article 377 du CIR 1992 est nettement plus
explicite.
En effet, cet article stipule que les délais d’opposition, d’appel ou de pourvoi en cassation,
ainsi que les recours eux-mêmes sont suspensifs de l’exécution de la décision de justice,
laquelle ne pourra donc jamais être revêtue de l’exécution provisoire116.
Le droit fiscal est donc plus favorable que la procédure judiciaire civile, laquelle ne reconnaît
pas d’effet suspensif au pourvoi en cassation.
Recouvrement et notion d’incontestablement dû :
Dans l’hypothèse d’un recours administratif, à la lecture des articles 409 et 410 du CIR 1992,
la cotisation querellée se distingue entre :
o
D’une part, la partie de l’impôt représentant ou présumée légalement être une dette
certaine et liquide ;
o
Et d’autre part, la partie de l’impôt considérée comme une dette incertaine compte tenu
de l’introduction du recours.
Seule la quotité considérée comme certaine et liquide pourra faire l’objet, à défaut d’un
paiement volontaire de la part du contribuable, de mesures de poursuites directes et
indirectes.
Cette
quotité
est
communément
(mais
improprement)
appelée
« incontestablement dû117 » (I.D.).
116
117
J-P Magremanne, D. Lambot, M. Marlière et B de Clippel, « Le contentieux de l’impôt sur les revenus »,
Bruxelles, Kluwer, 2000, p. 702.
Fixé par le formulaire 178 J notifié au contribuable et 178B notifié au receveur.
34
Le droit fiscal déroge ainsi au droit commun des saisies, en autorisant l’exécution forcée
d’une créance qui est éventuellement sérieusement contestée.
Certains auteurs estiment que cette présomption légale viole les principes d’égalité et de
non-discrimination inscrits dans les articles 10 et 11 de la Constitution118.
En effet, en contradiction avec lesdits principes, la fiction légale permet au Trésor de mettre
en oeuvre des mesures d’exécution forcée en dehors de tout recours juridictionnel : le
Directeur régional, seul habilité à prononcer une surséance au recouvrement
« incontestablement dû »119, n’est plus considéré comme une autorité juridictionnelle depuis
la loi du 15 mars 1999.
La Cour d’arbitrage a d’ailleurs sanctionné la fiction légale qui, en matière de retenue de
crédit d’impôt, permettait à l’administration de considérer comme certaine, liquide et exigible,
une dette qui ne l’est pas en fait120.
Article 411 du Code des Impôts sur les Revenus 1992 :
En vertu de l’article 411 du CIR 1992 :
« Après recouvrement de l'imposition dans la mesure déterminée à l'article 410, la
saisie-exécution conserve ses effets à l'égard du reliquat de l'impôt ou du précompte
en principal, additionnels et accroissements, des intérêts et des frais. »
Durant de nombreuses années, l’administration a interprété cette disposition comme
l’autorisant à procéder à une saisie-exécution pour la totalité de la dette fiscale litigieuse,
même dans l’hypothèse d’un impôt « incontestablement dû » ou le paiement dudit I.D. Un
effet « conservatoire » s’attachait alors à cette saisie.
La Cour de cassation a clairement rejeté cette interprétation par un arrêt de principe du 28
octobre 1993121. Selon le Procureur général, dont les conclusions ont inspiré les termes de
l’arrêt, « dans notre ordre juridique actuel et à la différence de la situation antérieure à
l’entrée en vigueur du Code judiciaire, l’utilisation de la saisie-exécution à des fins
conservatoires n’est pas admissible hors les cas expressément prévus par la loi. »
De manière précise, la Cour estima :
o
Qu'en cas de réclamation, l'administration ne peut procéder à une saisie-exécution que
s'il existe un montant « incontestablement dû » recouvrable immédiatement nonobstant
la réclamation ;
o
Que l'article 302 CIR 1964, n'a d'objet que lorsqu'il subsiste un impôt dû après
recouvrement de la partie incontestablement due.
118
J-J Debacker, « Le recouvrement de l’impôt contesté et les garanties du Trésor », RGCF, 2003/3, pp. 2829.
Article 410, al. 3 du CIR 1992.
C.A., arrêt n°58/99, 26 mai 1999, do fiscum, éd. électronique.
Cass., 28 octobre 1993, Pas, 1993, I, p. 871.
119
120
121
35
L’administration modifia ensuite son interprétation pour s’aligner sur la position de la
Cour122 :
« S'il n'existe plus ou pas de montant immédiatement recouvrable comme déterminé à
l'art. 410, CIR 92, le Receveur ne peut plus procéder à une saisie-exécution mais doit
nécessairement recourir à d'autres mesures de garantie (hypothèque légale,
cautions,...) ou à des saisies conservatoires. »
Malgré les modifications apportées aux textes 409 à 411 du CIR 1992 par la loi de réforme
du 15 mars 1999, la jurisprudence de la Cour de cassation n’aurait pas perdu son intérêt et
resterait pleinement actuelle123.
Fixation de l’incontestablement dû :
Par principe, les instructions administratives prévoient que le fonctionnaire chargé de la
gestion du recours administratif fixe d’initiative le montant de l’impôt incontestablement dû
et en averti le Receveur compétent124.
En pratique, la réalité est bien souvent différente, et la communication du montant de l’I.D.,
si elle ne fait pas défaut, est bien souvent tardive et intervient alors que le processus
d’exécution est déjà mis en oeuvre.
Il est donc prudent d’insister pour obtenir la communication de l’I.D., d’éventuellement le
calculer personnellement en le payant d’initiative, et d’informer soi-même le bureau de
recettes de l’existence d’un recours125.
Depuis la réforme de la procédure fiscale de mars 1999, les contestations relatives à la
fixation de l’incontestablement dû sont du ressort du Tribunal de Première Instance.
3.2.2. En cas de facilités de paiement accordées par le Receveur :
Principes :
Comme certains contribuables peuvent éprouver des difficultés réelles à s’acquitter, dans les
délais légaux, d’impôts définitivement dus ou de la quotité d’impôt qui ne fait pas l’objet d’un
sursis, les Receveurs peuvent octroyer des facilités de paiement.
Ces derniers apprécient sous leur responsabilité personnelle les demandes de facilités de
paiement dûment justifiées qui leur sont présentés.
Ces facilités de paiement n’étant organisées par aucun texte légal, celles-ci constituent une
faveur réservée aux seuls contribuables qui établissent en avoir besoin.
122
123
124
125
Circ Ci RH 884/458.433 du 25 août 1994, Bull Contr, n°742, p. 2191.
J du Jardin, « Audiences plénières et unité d’interprétation du droit », JT, 2001, p. 641 ; J-J Debacker, op
cit, 2003/3, p. 29 ; ; contra « Une nouvelle vision du recouvrement en impôts directs », Les dossiers
pratiques de fiscalité, CED Samson, 1999, p. 19.
Ci RH 884/458.433, op cit, n°49 ; Ci RH 14/438.580 du 14 février 1992, n°8, Bull Contr, n°715, p. 1090 ;
Com IR 1992, n°410/4.
G. Maertens, « Invordering bij bewiste belasting », Fiscaal Praktijboek, 95-96, Directe belastingen, CEDSamson, p. 93.
36
Il n’est pas rare qu’un formulaire extrêmement détaillé sur les ressources, le patrimoine et
les dettes du contribuable doivent être rempli afin d’obtenir l’aval du receveur sur ces
facilités de paiement. En pratique, des délais inférieurs ou égaux à 6 mois sont (quasi)
automatiquement octroyés.
Incompétences des Tribunaux de Première Instance ?
Avant la réforme de la procédure fiscale de mars 1999, la doctrine et la jurisprudence
unanimes reconnaissaient au seul Receveur le pouvoir exclusif d’accepter ou de refuser de
telles facilités de paiement.
En effet, cette « faculté » est liée à l'article 66, alinéa 1 de l'A.R. 17 juillet 1991 portant
coordination des lois sur la comptabilité de l'État (ancien Article 10 de la loi du 15 mai 1846),
selon lequel :
« tout comptable est responsable du recouvrement des capitaux, revenus, droits et
impôts dont la perception lui est confiée. »
Le Receveur doit en outre pouvoir justifier, sous le contrôle de la Cour des comptes, que :
« que le non-recouvrement des impôts ne provient pas sa négligence et qu'il a fait en
temps opportun toutes les diligences et poursuites nécessaires (article 66, alinéa 2, du
même arrêté de coordination).
Enfin, il n'appartient pas au Tribunal d'accorder, dans le cadre d’une compétence de « pleine
juridiction », un délai de grâce, alors que des dispositions d'ordre public prévoient un terme
de droit pour le recouvrement des impôts, et que celui-ci, y compris l'octroi d'éventuelles
facilités de paiement, relève de la compétence et de la responsabilité exclusives du
Receveur des contributions126.
Certaines demandes ont même été sanctionnées par l’octroi de dommages et intérêts pour
cause de procédure dilatoire127.
C'est donc sous sa responsabilité pécuniaire personnelle que le Receveur apprécie
souverainement le bien-fondé d'une demande de termes et délais, compte tenu des
circonstances de fait propres à chaque cas.
Une partie de la jurisprudence a toutefois estimé être en droit de briser ce monopole.
126
127
J-P Bours et N. Pirotte, « Le titre exécutoire en droit fiscal », in L’exécution en question, Bruxelles,
Bruylant, 1993, pp. 81-106 ; Liège, 6 mai 1993, F.J.F., 1994, n° 44, p. 97 ; Liège, 11 mars 1993, Bull
Contr, 1995, n°755, p. 3119 ; Bruxelles, 10 avril 1989, Bull Contr, 1990, p. 1889 ; Nivelles, 14 juin 1989,
Bull Contr, 1990, p. 3197.
Dinant, 1er septembre 1995, Bull Contr, n°764, p. 1895.
37
En effet, suite à la réforme de la procédure fiscale des lois du 15 et 23 mars 1999, le
Tribunal de première instance peut connaître, en vertu de l'article 569, al. 1er, 32° du Code
judiciaire128 :
« Des contestations relatives à l'application d'une loi d'impôt » avec donc une
possibilité de statuer « sur la légalité de toute application individuelle d'une norme
fiscale129. »
Ainsi, le Tribunal de Première Instance de Gand s’est estimé compétent pour accorder des
délais de paiement en vertu de l’article 1244 du Code civil130. D’autres ont toutefois estimé, à
tort, que le recours à l’encontre d’un refus du Receveur d’octroyer des délais de paiement
devait être introduit devant le Conseil d’Etat131.
Selon cette jurisprudence, si le Receveur accorde ou refuse un délai, il le fait en application
d’une loi d’impôt. Tout désaccord à ce sujet donne lieu à un litige de nature fiscale.
D’ailleurs, le Tribunal relève que, selon les travaux préparatoires, l’octroi ou le non-octroi
d’un sursis de paiement était cité explicitement comme un exemple de contestation d’une loi
d’impôt relevant de la nouvelle procédure.
Le Tribunal s’estime donc compétent et considère qu’il lui est loisible de régler la
contestation entièrement, en exerçant un pouvoir plus étendu que la simple appréciation
marginale du Receveur : la compétence du Tribunal couvre tant l’annulation d’une décision
« manifestement déraisonnable » que la possibilité d’y « substituer une solution entièrement
propre. »
Bien entendu, comme en droit commun (art. 1244 du Code civil), si le Juge est libre
d’accorder des délais, il doit prendre en considération « la situation des parties » et user de
ce pouvoir « avec grande réserve » et « en tenant compte des délais dont le débiteur a déjà
usé ».
Cette jurisprudence n’était toutefois pas unanime et connaissait tout autant de décision en
sens contraire. Les Tribunaux estimaient soit que l’article 66 de la loi sur la comptabilité de
l’Etat n’entraine pas un litige relatif à l’application d’une loi d’impôt132, soit qu’ils ne leur
appartenaient pas de substituer leur appréciation à celle du Receveur133, soit encore que
l’article 1244 C. civ. n’était pas applicable en droit fiscal134.
Actuellement, cette controverse doit toutefois être considérée comme définitivement close.
La Cour de cassation a en effet clairement conforté le monopole de l’octroi de termes et
délais réservé aux Receveur135.
128
129
130
131
132
133
134
135
J. Van Steenwinckel, « Les avancées en matière de protection des droits des contribuables à la lumière de
la jurisprudence récente », R.G.F., 2000/1, p. 40.
Exposé des motifs du projet de la loi du 23-03-1999, Doc. parl., Chambre, 1997/1998, n° 1342/1, p. 35.
Gand, 6 février 2003, Fiscologue, n°884, pp. 1 et 2.
Par exemple, Bruxelles, 11 septembre 2001, Do fiscum, éd. électronique.
Civ. Bruxelles, 1er avril 2004, RG n°00/13541/A ; Civ. Bruxelles, 1er février 2002, RG n°2000/7609/A, Civ.,
Bruxelles, 6 juin 2001, RG n°2000/8244/A.
Civ. Anvers, 3 juin 2002, Fiscaal bulletin, 2002/16, p. 23.
Civ. Bruxelles, 20 juin 2003, T.F.R., 2004, n°259, p. 372.
Cass., 24 avril 2008, R.G.C.F., n°2008/4, p. 307 et note E. Van Brutsem.
38
Celle-ci estime (dans un litige en matière T.V.A. mais le principe est parfaitement
transposable en I.S.R.) que les délais de paiement en matière d’impôt touchent à l’ordre
public et qu’aucune disposition légale n’octroie au juge ou au Receveur la compétence de
déroger à ces délais en accordant un plan de paiement pour les dettes échues.
Dès lors, si le Receveur est libre d’organiser sous sa responsabilité les poursuites et
octroyer à cet égard des délais, le contribuable n’en retire pas pour autant un quelconque
droit : la décision du Receveur (refus ou délai trop contraignant) s’impose au juge.
Ainsi, selon cet arrêt, d’une part, le Receveur n’est pas habilité à octroyer des délais de
paiement, et d’autre part, il s’agit d’une « faculté gracieuse » découlant de sa mission
d’assurer le recouvrement forcé de l’impôt, qu’il exerce librement, sous réserve de l’abus de
droit, et qu’il peut donc modaliser sous sa seule responsabilité.
En conclusion, même si cette analyse juridique est contestable136, il n’en reste pas moins
que la Jurisprudence tendra inévitablement à l’avenir à se plier au principe dégagé par cet
arrêt.
L’octroi de termes et délais reste donc à l’entière discrétion du Receveur, sans qu’un Juge
puisse le privé de ce pouvoir ou lui substituer sa propre approche137. Un contrôle en légalité,
interne et externe, de cette décision devrait cependant rester envisageable, entre autres
dans le cadre d’une contestation des mesures de poursuites (par exemple, si les mesures
de poursuite sont manifestement disproportionnées).
La décision du receveur ne doit en tout état de cause pas être motivée, étant donné qu’il ne
s’agit pas d’un acte administratif à portée individuelle138, soit parce qu’il s’agit d’une mesure
d’exécution du rôle ou qu’il ne ferait que se conformer à des dispositions d’ordre public.
3.2.3. Influence sur les intérêts de retard :
Les délais accordés par le Receveur :
Ces délais restent sans influence sur le calcul des intérêts de retard. En effet, le début de la
période pour laquelle l’intérêt est éventuellement dû est déterminé par la loi.
Les délais consécutifs à une réclamation :
En cas de réclamation ou de dégrèvement d’office, le calcul des intérêts de retard doit tenir
compte de l’existence et du paiement (ou non) du montant « incontestablement dû » (ou
immédiatement exigible).
Ainsi, pour les impositions relatives à l’exercice d’imposition 1998 et aux exercices
antérieurs, les intérêts se calculent :
o
De l’échéance jusqu’au 18ème mois qui suit l’introduction de la réclamation, sur le
montant enrôlé (déduction faite des éventuels paiements intervenus entre-temps) ;
136
E. Van Brutsem, note sous Cass., 24 avril 2008, R.G.C.F., n°2008/4, pp. 314 à 316.
Pour une analyse contestant l’octroi judiciaire de plans de paiement, M. Loyens, « Le Juge fiscal peut-il
octroyer des délais de paiement en matière d’impôts directs ? », R.G.C.F., n°2008/2, p. 126 et s.
Contra Civ. Namur, 10 octobre 2007, R.G.C.F., n°2008/3, p. 260.
137
138
39
o
Du mois qui suit cette première période jusqu’à la fin du mois au cours duquel la
décision du Directeur régional est notifiée, sur le montant non-payé de
l’immédiatement exigible (ou le solde de celui-ci).
Pour les cotisations afférentes aux exercices d’imposition 1999 et suivants, le délai de 18
mois est réduit à 6 mois, et le cours des intérêts est également suspendu jusqu’à la fin du
mois au cours duquel un recours devant le Tribunal de Première Instance est introduit, à
défaut de décision directoriale139.
3.2.4. Sursis au recouvrement de l’impôt dans des cas spéciaux :
Dans les cas spéciaux, le Directeur des contributions peut faire surseoir au recouvrement
dans la mesure et aux conditions qu’il détermine.
Ce texte trouve son origine dans l’article 69 de la loi du 29 octobre 1919, lequel stipulait
que :
« L’introduction d’une réclamation ou d’un recours ne suspend pas l’exigibilité de
l’impôt et des intérêts. Toutefois, dans des cas spéciaux, le directeur peut faire surseoir
au recouvrement. »
Actuellement, l’introduction d’un recours suffit à suspendre l’exécution de la partie contestée
de l’impôt, sauf dans les cas visés par l’article 410 du CIR 1992 présumant le caractère
certain et liquide de la dette d’impôt dans certaines circonstances.
Pour rappel, il s’agit :
o
D’une part, l’introduction d’une réclamation contre sa propre déclaration ou son propre
accord sur un redressement de ses revenus ;
o
Et d’autre part, le recours formé contre un impôt enrôlé après imposition d’office établie
à défaut de déclaration.
Si le contribuable se trouve dans l’une ou l’autre des hypothèses, et s’il justifie de
circonstances particulières, il lui est permis de solliciter auprès du Directeur régional (section
recouvrement) un moratoire à l’exécution de la quotité de l’impôt pourtant considéré comme
« incontestablement dû ».
La décision du Directeur est un acte administratif, et à ce titre, il doit être adéquatement
motivé, en fait et en droit, au sens de la loi du 29 juillet 1991 relative à la motivation formelle
des actes administratifs140. Un examen sérieux des circonstances invoquées est de rigueur.
Si le Conseil d’Etat était précédemment compétent pour connaître des recours à l’encontre
de cette décision, ceux-ci doivent actuellement être adressés au Tribunal de Première
Instance territorialement compétent.
139
140
Lequel recours ne être introduit avant l’expiration d’un délai de 6 mois à compter du jour de réception de la
réclamation – art. 1385undecies du C.J.
Ci RH 14/438.580, 14 février 1992, n°9, Bull Contr, n°715, p. 1090 ; C.E., 18 novembre 1987, Bull. Contr,
n°695, p. 1570.
40
4.
L’imputation des paiements et les intérêts de retard :
4.1. Le paiement des impôts :
Les impôts sont normalement payables dans n’importe quel bureau de recette des
contributions directes du pays. En pratique, vu la suppression des paiements en espèces et
l’envoi de formulaire de paiement préétabli, le paiement de l’impôt s’effectue quasi toujours
au bureau indiqué sur l’avertissement extrait de rôle.
Les bureaux de recette des contributions sont ouverts les cinq premiers jours ouvrables de
la semaine de 9h à 12h, sauf les jours de congé officiels dans les administrations de l'État141.
Tout contribuable peut solder ses impôts, taxes et précomptes par versement ou virement
au compte courant postal du Receveur, par mandat postal au profit du Receveur, ou encore
au moyen d’un chèque certifié ou garanti.
Aucun paiement en espèces n’est plus admis depuis 1987, à l’exception des paiements en
mains d’un l’huissier de justice.
Par ailleurs, toute somme à restituer au contribuable peut être affectée, sans formalité, à
l’apurement des impôts et précomptes dus par ce dernier142.
Sauf preuve contraire, la preuve du paiement peut être rapportée :
o
Soit par les accusés de réception datés par la Poste ou l’Office des Chèques Postaux,
en ce qui concerne les versements et les mandats postaux ;
o
Soit par les extraits de comptes et les annexes y relatives, en ce qui concerne les
virements et les chèques.
4.2. Détermination de la date de paiement :
Selon la modalité de paiement choisie par le contribuable, la date à laquelle le paiement de
l’impôt est considéré comme effectif (et partant cesse de faire courir les intérêts de retard)
est différente.
4.2.1. Pour les versements et les virements :
La date à prendre en considération est la date mentionnée par le Postchèque sur l’extrait de
compte comme date libératoire.
4.2.2. Pour les mandats postaux et chèques certifiés ou garantis :
La date de paiement est celle à laquelle le mandat postal ou le chèque certifié ou garanti a
été reçu par le Receveur.
141
142
Article 144 AR/CIR 1992.
Article 166 A.R./ CIR 1992.
41
4.2.3. Les sommes payées à l’huissier de Justice :
La date de paiement est celle de la remise des fonds entre les mains de l’Huissier.
4.2.4. Les paiements par imputation :
Quand un dégrèvement est porté en apurement d’une cotisation autre que celle sur laquelle
il a été accordé, son imputation doit être considérée pour le calcul des intérêts de retard
comme intervenant :
o
A l’échéance de la cotisation à apurer si la date de la décision ou celle de l’exécutoire
du rôle accordant le dégrèvement est antérieur à cette échéance ;
o
A la date de la décision ou celle de l’exécutoire du rôle accordant le dégrèvement si la
cotisation à apurer était déjà échue à ce moment.
Aux époques ci-dessus déterminées, la dette du contribuable est à considérer comme étant
apurer à concurrence du montant du dégrèvement ou du remboursement enrôlé à imputer.
4.2.5. Les paiements effectués auprès d’un autre Receveur ou via une administration
étrangère :
Si un paiement est reçu sur le compte de la recette via un autre bureau ou un comptable
étranger chargé de l’assistance mutuelle au recouvrement, la date de paiement à prendre en
considération est la date à laquelle ce paiement a été effectué au bureau de perception tiers.
4.3. Règles d’imputation des paiements :
La règle d’imputation est contenue à l’article 143 de l’Arrêté royal d’exécution du Code des
Impôts sur les Revenus 1992 :
« § 1er. Le redevable des différents impôts ou précomptes peut indiquer, lors de
chaque paiement, ce qu'il entend acquitter.
A défaut de cette indication, les paiements sont imputés, au choix du receveur, sans
préjudice de l'application du § 2. Il en est de même lorsque la somme à imputer
provient soit d'un remboursement d'impôts, de précomptes et accessoires, soit d'une
attribution d'intérêts moratoires.
§ 2. Les paiements, remboursements et intérêts moratoires visés au § 1er sont imputés
par priorité :
1° sur les frais de toute nature, y compris la taxe d'encaissement, quelles que soient
les impositions auxquelles ils se rapportent ;
2° sur les intérêts de retard afférents aux précomptes ou impositions que le redevable
entend acquitter ou que le receveur entend apurer. »
42
4.3.1. Principes :
Lorsque plusieurs cotisations sont ouvertes au nom d’un même redevable, et qu’un
paiement est effectué sans que sa destination ne soit précisée par ce dernier, aucune
disposition du Code ne prévoit d’imputation préférentielle sur une cotisation plutôt qu’une
autre.
Au contraire, une liberté de choix est laissée au contribuable ainsi qu’au Receveur pour
déterminer l’affectation du paiement en cause.
Cependant, en plus du montant en principal, des intérêts et/ou des frais de poursuites
peuvent également être dus.
Dans ce cas, le texte de l’article 143 AR/CIR 1992 prévoit impérativement un ordre
d’imputation, qui se décline comme suit :
1.
Les frais de poursuites ;
2.
Les intérêts de retard ;
3.
Le montant en principal.
4.3.2. Imputation des paiements :
Tout d’abord, si un choix a été exprimé par le contribuable lors de son paiement, en
indiquant l’article de rôle sous lequel la cotisation est reprise, le Receveur se doit de le
respecter.
A défaut de choix personnel du contribuable, il incombe au Receveur de déterminer luimême la cotisation sur laquelle le paiement sera imputé. Ce dernier doit cependant informer
le contribuable du choix retenu, lequel ne peut plus par la suite contester l’imputation ainsi
faite d’autorité par le Receveur.
Toutefois, si le choix du Receveur est libre à première vue, celui-ci doit respecter certaines
règles issues du droit commun.
Ainsi, le choix du créancier ne peut jamais être préjudiciable au débiteur.
Dans ces conditions, il n’est pas rare que le choix du Receveur porte d’abord sur la
cotisation la plus ancienne et/ou dont le montant est le plus élevé, afin de réduire le montant
des intérêts de retard. Dans un même ordre d’idée, l’imputation portera par préférence sur la
cotisation qui porte intérêts par rapport à la cotisation qui ne porte pas intérêts.
4.3.3. Imputation des sommes provenant de dégrèvements et d’intérêts moratoires :
La troisième règle d’imputation concerne les sommes provenant de restitutions, à la suite de
décisions de dégrèvement, de remboursements enrôlés, de restitutions d’un intérêt de retard
ou de l’attribution d’un intérêt moratoire.
Pour ces sommes, le Receveur a seul le choix de l’imputation, qui en informe sans délai le
contribuable concerné.
43
4.4. Les intérêts de retard et les intérêts moratoires :
4.4.1. Généralités :
A défaut de paiement dans les délais légaux, les sommes dues sont productives d’un intérêt
pour la durée du retard, au taux de 0,8% par mois jusqu’au 31 décembre 1998, et au taux
légal (7%/an) depuis le 1er janvier 1999.
La perception d’un intérêt de retard ne représente pas une pénalité, mais simplement la
réparation forfaitaire, et légalement instaurée, d’un préjudice subi par le Trésor du fait du
paiement tardif des impôts par le contribuable qui, de plus, peut en avoir retiré un certain
avantage.
L’intérêt est calculé pour chaque cotisation sur le montant restant dû en principal, arrondi au
millier inférieur.
Le mois de l’échéance ou le mois au cours duquel un paiement antérieur est imputé
(partiellement) en principal a été effectué, est négligé, mais le mois au cours duquel a lieu le
paiement est compté pour un mois entier (sauf pour le PrP).
4.4.2. Champ d’application de l’intérêt de retard :
Sous réserve de ce qui est stipulé ci-après pour les amendes proprement dites, tous les
impôts, précomptes et autres droits instaurés par le CIR (y compris les centimes additionnels
provinciaux et communaux et les accroissements qui grèvent les cotisations), sans
distinguer s'ils sont perçus par voie de rôle ou autrement, tombent dans le champ
d'application de l'intérêt de retard visé à l'article 414 du CIR 1992143.
En ce qui concerne les amendes proprement dites, il y a lieu de tenir compte de la distinction
suivante :
Les dispositions de l'article 414 du CIR 1992, valent intégralement pour les amendes
administratives, eu égard à l'article 445, alinéa 2 du CIR 1992, aux termes duquel ces
amendes sont recouvrées suivant les règles applicables en matière d'impôt des
personnes physiques ;
L'intérêt de retard n'est jamais dû sur les autres amendes.
En vertu de l’article 414, al. 2 CIR 1992, l'intérêt de retard n'est pas dû lorsque son montant
n'atteint pas 5,00 € par mois.
Pour l’application de cette exclusion, il est tenu compte, suivant le cas, de la somme restant
due sur le total des impôts figurant sur un même avertissement-extrait de rôle ou bien sur
l'impôt total qui, normalement, devait être versé en une fois, à la source, à une époque
déterminée.
Pratiquement, aucun intérêt n’est dû lorsque le montant en principal n’atteignait pas
25.000 BEF avant le 31 décembre 1998, et 35.000 BEF à partir du 1er janvier 1999.
143
Com IR 1992, n°414/2 et 414/3.
44
4.4.3. Cas spéciaux :
En cas de décès du redevable144, la loi fiscale ne déroge pas à l'article 1220, Code civil
qui dispose que : « L'obligation qui est susceptible de division, doit être exécutée entre
le créancier et le débiteur comme si elle était indivisible. La divisibilité n'a d'application
qu'à l'égard de leurs héritiers, qui ne peuvent demander la dette ou qui ne sont tenus
de la payer que pour les parts dont ils sont saisis ou dont ils sont tenus comme
représentant le créancier ou le débiteur. »
Il s'ensuit que les personnes qui doivent liquider une dette d'impôt en leur qualité
d'héritier, sont à considérer comme des redevables distincts pour leur part dans cette
dette. Aucun intérêt ne sera dû si la quote-part n’atteint pas les minima légaux.
Il y a lieu de procéder de la même manière à l'égard des conjoints mariés sous un
régime de séparation de biens ou sous un autre régime ne comportant aucune forme
de communauté. Chacun des époux n’étant en principe redevable que de sa quotepart, l’intérêt doit être calculé sur celle-ci, les limites ci-avant exposées étant également
d’application.
Cette règle vaut également, mutatis mutandis, lorsque le recouvrement d'un impôt,
établi au nom d'associés de sociétés qui, pour les exercices d'imposition 1986 et
antérieurs, ont opté pour l'assujettissement de leurs bénéfices à l'impôt des personnes
physiques, est poursuivi en partie directement à charge de la société.
4.4.4. Période pour laquelle l’intérêt de retard est dû :
Précompte immobilier, impôt sur les revenus ainsi que les accroissements et amendes
administratives perçus par voie de rôle :
L’intérêt de retard est dû à partir du mois qui suit l’échéance de l’impôt ou du précompte, c.à-d. la date extrême à laquelle l’impôt doit être payé.
A titre d’exception, il est prévu que l’intérêt de retard est dû à partir du 1er jour du mois qui
suit le délai d’imposition ordinaire (en principe, le délai d’imposition ordinaire expire le 30 juin
de la deuxième année de k’exercice d’imposition), sur toutes les sommes (y compris les
accroissements d’impôts) comprises dans des rôles rendus exécutoires postérieurement à
cette date, lorsqu’un accroissement de 50% minimum est appliqué145.
Il faut donc que :
o
L'accroissement d'impôt à appliquer atteint au moins 50% ;
o
L’accroissement d'impôt doit avoir été effectivement appliqué, quel qu'en soit le
montant.
Ce mode de calcul se justifie par la volonté d’éviter qu’un contribuable de mauvaise foi ou
particulièrement négligent ne retire un avantage financier du fait que l’administration fiscale
ne dispose d’un délai plus long pour établir l’impôt afférent aux revenus non-déclarés.
144
145
Com IR 1992, n°414/7.
Article 415 du CIR 1992 ; Com IR 1992, n°415/1.
45
La remise ou la modération de l'accroissement, dans le cadre d’une réclamation ou d’une
demande de dégrèvement d’office, peut avoir pour conséquence que l'intérêt de retard
éventuel, calculé par application de l'article 415 du CIR 1992, perde sa justification légale.
Tel n’est pas le cas lorsque l’accroissement est contesté sur pied de l'article 9, Arrêté du
Régent du 18 mars 1831 qui, s’il permet la restitution de l'accroissement déjà payé, n'en
laisse pas moins subsister la sanction, qui continue de produire les effets que l'arrêté de
grâce n'a pas effectivement anéantis.
Cette date spéciale n’est cependant pas applicable pour :
o
o
o
o
o
o
o
Le Pri, le Prm et le PrP ;
L’impôt établi après le 30 juin de la deuxième année de l’exercice mais dans le délai de
6 mois à parti de la date à laquelle la déclaration valable est parvenue au service de
taxation compétent ;
Les impôts compris dans des déclarations nouvelles ou subsidiaires en remplacement
de cotisations comprises dans des rôles rendus exécutoires au plus tard le 30 juin de
la seconde année de l’exercice d’imposition ;
Les cotisations sans accroissement d’impôt ;
Les cotisations pour lesquelles le taux d’accroissement est inférieur à 50% ;
Les cotisations comprenant un accroissement d’impôt, mais qui se traduit par une
majoration effective nulle suite, par exemple, à l’incidence des précomptes ou des
versements anticipés ;
Les sociétés clôturant leur exercice comptable durant la période du 1er juillet au 30
décembre ou pour les sociétés dissoutes lorsque le dernier jour de la période tombe
après le 30 juin et au plus tard le 30 décembre.
Précompte mobilier, précompte professionnel et taxes assimilées aux I.S.R., enrôlés et
non-enrôlés :
Sauf en ce qui concerne le précompte professionnel, l’intérêt de retard est dû à partir du
mois qui suit celui au cours duquel le paiement devait être fait d’initiative par le débiteur.
En ce qui concerne le PrP, un demi-mois d’intérêt de retard est dû pour me mois de
l’échéance, sur la partie du PrP qui n’est pas payée soit dans les 15 jours qui suivent
l’expiration de la période (mois ou trimestre) pendant laquelle les revenus ont été payés ou
attribués, soit au plus tard l’avant-dernier jour ouvrable du mois suivant cette période.
La même règle s’applique si l’acompte de 66% pour le 4ème trimestre ou si le PrP réellement
dû pour les mois d’octobre et de novembre est versé, soit après le 15 décembre (pour les
redevables qui versent aux-même leur précompte), soit après le 24 décembre (pour les
redevables versant le précompte via un secrétariat social agréé d’employeurs).
Lorsque le précompte mobilier, professionnel ou des taxes assimilées sont enrôlées, les
cotisations sont payables immédiatement.
La première date des intérêts reste inchangée même après l’enrôlement, sauf si un
paiement, dont une partie a été portée sur le principal, a été effectué.
46
Paiement par imputation d'une décision contenant un dégrèvement ou d'un
remboursement enrôlé146 :
o
Imputation sur la cotisation même :
Lorsqu'une décision de dégrèvement ou un remboursement enrôlé contenant une cotisation
rectificative sont portés en apurement sur la cotisation primitive, ils sont à considérer comme
des dégrèvements sur la cotisation même. Lors d'une pareille affectation, qui n'est en réalité
qu'une rectification comptable de la cotisation (primitive), il n'est donc pas compté d'intérêts
de retard.
L'intérêt de retard n'est dû, le cas échéant, que sur le solde restant dû de cette cotisation
après imputation de la décision contenant le dégrèvement ou du remboursement enrôlé, à
partir de la date d'exigibilité et pour toute la durée du retard.
o
Imputation sur une autre cotisation
Lorsque, eu égard aux paiements effectués, une décision de dégrèvement ou un
remboursement enrôlé contenant une cotisation rectificative est affecté à l'apurement d'une
cotisation autre que celle sur laquelle il est accordé, cette imputation est assimilée à un
paiement ordinaire sur cette cotisation. L'imputation doit - quelle que soit la date à laquelle
elle est comptabilisée - être censée avoir lieu, pour l'application de l'intérêt de retard :
- le jour de l'échéance de la cotisation à apurer, si la date de la décision de dégrèvement ou
la date de l'exécutoire du rôle dans lequel est compris le remboursement tombe le jour de
l'échéance ou avant ce jour ;
- le jour de la décision de dégrèvement ou le jour de l'exécutoire du rôle dans lequel est
compris le remboursement, si l'échéance de la cotisation a apurer est antérieure à la date de
cette décision ou à la date de l'exécutoire du rôle dans lequel est compris le remboursement.
Incidence des paiements par acomptes sur le calcul de l’intérêt :
Du fait de la règle d’imputation en vigueur en matière fiscale, les sommes payées par les
débiteurs sont affectées dans l’ordre suivant :
o
Frais de poursuites ;
o
Intérêts de retard ;
o
Principal.
Cette imputation n’a aucune répercussion sur le calcul de l’intérêt lorsque le débiteur verse,
en une fois, la somme nécessaire à l’apurement de sa dette.
Par contre, lorsque le contribuable s’acquitte de sa dette en plusieurs fois :
o
146
Soit l’acompte versé dépasse les frais et les intérêts échus, de sorte qu’une
partie est imputée sur le principal :
Com IR 1992, n°414/47.
47
Dans ce l’intérêt dû lors du paiement ultérieur sera calculé à partir du 1er jour
du mois qui suit celui du paiement, et comme base, le montant de l’impôt
restant dû à titre principal.
o
Soit l’acompte versé ne dépasse pas les frais et/ou intérêts à apurer par
priorité :
Dans cette hypothèse, lors du paiement subséquent, l’intérêt doit être calculé
sur une base qui néglige l’acompte versé précédemment, le montant des
intérêts dus (et calculés sur le montant en principal « intact ») étant seul à être
réduit à concurrence de l’acompte versé.
4.4.5. suspension de l’intérêt de retard :
En cas de réclamation, il est prévu une suspension, dans une certaine mesure, de l’intérêt
de retard sur le montant qui dépasse la quotité immédiatement due147.
Pour l’exercice d’imposition 1998 et les exercices antérieurs :
A partir du 1er septembre 1986, si la notification de la décision n'intervient pas dans un délai
de dix-huit mois à compter du jour de la réception par le directeur régional de la réclamation,
le cours de l'intérêt de retard sur la quotité de la cotisation contestée qui excède le montant
de l’I.D. est suspendu à partir du premier jour du mois qui suit celui de l'expiration du délai
de dix-huit mois, jusque et y compris le mois de la notification de la décision du directeur
régional148.
A partir de l’exercice d’imposition 1999 :
La loi des 15 et 23 mars 1999, portant réforme de la procédure fiscale contentieuse, offre la
possibilité au contribuable d’intenter une action devant le Tribunal de première instance
après l’introduction d’une réclamation sans devoir nécessairement attendre une décision de
la part de l’administration, mais après l’expiration d’un délai de 6 mois à compter de la date
dudit recours.
Par conséquent, pour les exercices d’imposition 1999 et suivants, il est prévu que si la
décision directoriale n’a pas été notifiée dans les 6 mois de l’introduction de la réclamation,
l’intérêt de retard n’est plus dû, à partir du 7ème mois suivant cette date, sur la partie de
l’impôt qui excède le montant immédiatement dû.
Cette suspension court jusqu’à la fin du mois de la notification de la décision, soit lorsque
aucune décision n’ayant encore été notifié, jusqu’à la fin du mois de l’introduction de l’action
devant le Tribunal de Première Instance.
147
148
Article 414, §2 du CIR 1992 ; Com IR 1992, n°414/52.
Com IR 1992, n°414/53.
48
Remarques :
o Si le remboursement enrôlé résulte d’une réclamation, il y a également lieu de tenir
compte de la suspension éventuelle de l’intérêt de retard lors du calcul de l’intérêt
sur la cotisation visée par la réclamation. La date exécutoire est à considérer
comme la date de notification de la décision.
o La suspension des intérêts de retard ne vaut que pour la réclamation et ne joue pas
en cas de demande de dégrèvement d’office.
o Après l’introduction d’une réclamation, le Receveur ne peut exiger du contribuable
que le paiement de l’I.D., des frais de poursuites exposés et l’intérêt calculé sur le
montant de l’I.D.
o La réclamation n’empêche pas le receveur de prendre des mesures conservatoires
pour assurer le recouvrement ultérieur du montant intégral de la cotisation, en
principal, intérêts et frais.
4.4.6. Les exonérations de l’intérêt de retard :
Généralités :
Dans les cas spéciaux, le Directeur régional recouvrement peut accorder, aux conditions
qu’il détermine, l’exonération de tout ou partie de l’intérêt de retard.
Cette exonération est de justice gracieuse, et le fait d’accorder des facilités de paiement
n’entraîne pas d’office cette faveur.
Il n’est renoncé à l’intérêt de retard que dans le cas où la situation financière difficile du
contribuable est due à une cause indépendante de sa volonté, ou lorsque sa situation
financière est telle qu’il ne sera pas en mesure, avant longtemps, de verser des acomptes
suffisants pour apurer l’intérêt de retard, si celui-ci devait continuer à courir ou encore
lorsque d’autres circonstances exceptionnelles justifient l’octroi de cette faveur.
Par contre, l’exonération ne pourra être accordée aux contribuables qui obtiennent des
facilités pour l’apurement de leur dette fiscale, dans le but par exemple, d’éviter une
réalisation forcée ou désavantageuse de leurs biens.
Procédure et conditions :
L’exonération est accordée, soit sur demande écrite et motivée du contribuable, adressé au
Directeur régional Recouvrement ou au Receveur compétent, soit sur proposition de ce
dernier.
Cette demande n’est soumise à aucune condition de forme ou de délai.
L’octroi de l’exonération de l’intérêt de retard est généralement subordonné à la souscription
et au respect d’un plan d’apurement.
49
La décision d’exonération peut porter sur un intérêt de retard déjà perçu. Cependant, la
rectification comptable ne peut, en principe, avoir pour conséquence un remboursement du
contribuable.
L’admission en décharge de la cotisation par le Receveur, pour cause d’irrecouvrabilité,
entraîne d’office l’exonération de l’intérêt de retard. Aucun intérêt n’est donc à prélever dans
les cas de paiements effectués en apurement de cotisations déjà admises définitivement en
décharge.
Un recours devant le Tribunal de Première Instance est-il autorisé ?
L’administration est d’avis qu’un tel recours est impossible car, dans les « cas spéciaux », le
directeur des contributions peut seuls accorder, aux conditions qu'il détermine, l'exonération
de tout ou partie des intérêts de retard.
Cependant, un jugement récent du Tribunal de Première Instance de Bruxelles permet de
donner une toute autre argumentation149.
Dans sa demande d'exonération des intérêts de retard, introduite sur pied de l'article 417 du
CIR 92, la demanderesse faisait valoir qu'elle avait été victime de la négligence de sa
fiduciaire, qui avait omis d'adresser la réclamation contre le supplément de cotisation à
l'impôt des sociétés de l'exercice d'imposition 1997 dans le délai légal.
Elle y précisait que le fait d'avoir été victime de la faute commise par un tiers la plaçait dans
les conditions prévues à l'article 417, tout en déclarant qu' « il tombe sous le sens qu'(elle)
met la responsabilité de la fiduciaire en cause mais il est tout aussi évident que le litige
n'aura pas une issue rapide »
La décision entreprise, qui rejette la demande d'exonération, repose sur la motivation
suivante:
« (…) votre conseil fait valoir que, contestant formellement l'imposition en cause, vous
aviez chargé votre fiduciaire d'introduire les recours qui s'imposaient, mais qu'elle a
oublié de déposer à la poste la réclamation qui avait été préparée en manière telle
qu'il n'y a pas eu de réclamation valablement introduite. (…) Le motif que vous avez
invoqué pour obtenir l'exonération des intérêts de retard ne peut être pris en
considération, car il est de règle que le contribuable qui fait appel à un comptable ou
à un conseiller fiscal pour tenir ses comptes et remplir ses déclarations reste
responsable vis-à-vis du Trésor des erreurs ou omissions commises par ce
mandataire dans l'exercice de son mandat (…). Il en découle que l'administration ne
peut être rendue responsable du fait que votre mandataire a oublié de poster la
réclamation qu'il avait préparée, et ne peut donc en supporter les conséquences au
point de vue de l'exigibilité de l'impôt et des accessoires. A cet égard, il vous est
d'ailleurs possible d'intenter une action en responsabilité contre votre fiduciaire » .
Sans contester le caractère discrétionnaire du pouvoir du directeur en la matière, la
demanderesse invitait le Tribunal à substituer sa propre interprétation de la notion légale de
« cas spéciaux » à celle du directeur, à considérer que « le fait de devoir payer un impôt et
des accroissements indus est constitutif du ‘cas spécial’ », et à accorder, sur ce fondement,
l'exonération des intérêts de retard.
149
Bruxelles, 22 novembre 2002, RG n°2001/2179A,
50
Cependant, le Tribunal constate que les motifs retenus par le directeur concernent
exclusivement la faute de la fiduciaire qui est à l'origine du caractère définitif du supplément
d'impôt de l'exercice d'imposition 1997, et la faculté de la demanderesse d’obtenir de ladite
fiduciaire la réparation du dommage subi.
De la sorte, le directeur a pu légalement décider sur cette base, eu égard aux circonstances
de fait de l'espèce, qu'il y avait lieu de refuser l'exonération des intérêts de retard.
Le Tribunal poursuit en précisant que :
« Une fois admis que la décision est fondée sur des motifs légalement admissibles, il
n'appartient pas au tribunal d’aller au-delà dans son contrôle. Le juge ne peut en effet
priver le directeur de son pouvoir d'apprécier l'opportunité des solutions légalement
permises ni de se substituer à lui150 »
Bien que la recevabilité de la demande soit parfaitement reconnue, et partant le droit
d’introduire un recours judiciaire à l’encontre de la décision directoriale, la conclusion de
cette décision ne peut être entièrement acceptée.
Tout d’abord, il est important de préciser que, contrairement à une procédure de
réclamation, aucun recours ne pourrait être introduit même après l’expiration d’un délai de 6
mois sans décision, dans la mesure où le recours porte ici non pas sur la cotisation mais sur
la décision de rejet (et sa motivation) rendue par le Directeur.
Le contribuable doit donc « patiemment » attendre que la décision directoriale soit rendue.
Une fois que la décision de rejet a été rendue, ce recours pourrait sans objection porter sur
la légalité de la décision.
Toutefois, contrairement à la position adoptée par le Tribunal de Bruxelles, et à l’instar de
l’argumentation développée devant les Tribunaux en matière de demande de réduction
d’amendes et/ou d’accroissements, rien ne s’opposerait à ce que le Juge puisse faire valoir
une appréciation en opportunité à l’égard de la décision querellée et de sa motivation.
En effet, ensuite de la réforme de la procédure fiscale contentieuse, et l’extension du pouvoir
judiciaire en matière fiscale, aucun acte posé par l'administration (comme la remise des
amendes ou des accroissements) ne pourrait échapper au contrôle du juge du fond.
Ainsi, si le Directeur des contributions ou le Ministre ont la possibilité de se prononcer, non
seulement sur la légalité, mais aussi sur l'opportunité des amendes, des accroissements
mais aussi des intérêts, cette même faculté devrait nécessairement être offerte au pouvoir
judiciaire, statuant dans le cadre d'un contentieux de pleine juridiction151.
150
151
Cass.,24 janvier 2000, Bull., I, n° 61; Cass., 2 février 1998, Bull., I, n° 57; Cass., 10 juin 1996, Pas., I, n°
227, et les conclusions conformes de l'avocat général J.F. LECLERCQ ; A. VANWELKENHUYSEN, « L’autorité
de chose jugée des arrêts du Conseil d’Etat en matière de responsabilité de la puissance publique » , note
sous Cass., 7 novembre 1975, R.C.J.B., 1977, spéc. pp. 423 à 435.
Magremanne, Marlière, Lambot et de Clippel, « Le contentieux de l'impôt sur les revenus », Kluwer 2000,
n° 421 p. 469 et 470; Thierry Afschrift et Muriel Igalson, « La procédure fiscale après les lois des 15 et 2303-1999 », J.T. 26/06/1999, page 511, n° 126; A. Demoulin «Amendes fiscales, Cour d'arbitrage et Cour
de Cassation: à quand la paix judiciaire» A.J.T. 1998/1999, p. 980/981.
51
4.4.7. Les intérêts moratoires :
Les règles régissant le cours et l’attribution des intérêts moratoires sont situées dans les
articles 418 et 419 du CIR 1992 :
« Article 418 :
En cas de remboursement d'impôts, de précomptes, de versements anticipés,
d'intérêts de retard, d'accroissements d'impôts ou d'amendes administratives, un
intérêt moratoire est alloué au taux de l'intérêt légal, calculé par mois civil
Cet intérêt est calculé par mois civil sur le montant de chaque paiement arrondi au
multiple inférieur de 10 €; le mois pendant lequel a eu lieu le paiement est négligé,
mais le mois au cours duquel est envoyé au redevable l'avis mettant à sa disposition la
somme à restituer est compté pour un mois entier. »
A l’heure actuelle, le taux d’intérêt est le taux d’intérêt légal de 7% par an.
Avant la loi de réforme de la procédure fiscale, le champ d’application des intérêts
moratoires étaient nettement plus restreint.
Dès lors, pour l’exercice d’imposition 1998 et les exercices antérieurs, un intérêt moratoire
ne pouvait être alloué qu’en cas de restitution d’un impôt (montant en principal, mais aucun
intérêt n’est compté sur les frais de poursuites) ou assimilé comme le PrI, même si la
restitution était la conséquence d’une erreur imputable au contribuable.
Aucun intérêt n’était dû en cas de restitution152 :
o
Du précompte professionnel au débiteur du précompte, c.-à-d. l’employeur ;
o
Les excédents de précomptes (PrM et PrP) au profit du contribuable pour compte
duquel ceux-ci ont été versés, lorsque la restitution s’opère à l’occasion de la première
imputation de ces précomptes ;
o
D’excédents de versements anticipés à valoir sur un des quatre impôts sur les
revenus, lorsque la restitution s’opère également à l’occasion de la première imputation
de ces précomptes ;
o
D’accroissements d’impôts ou d’amendes administratives.
Actuellement, le champ des exclusions est fixé par le nouvel article 419 du CIR 1992 :
« Aucun intérêt moratoire n'est alloué :
- lorsque son montant n'atteint pas 5,00 € par mois ;
- lorsque le remboursement résulte de la remise ou de la modération d'une amende ou
d'un accroissement, accordée à titre de grâce ;
152
Soutenu par une jurisprudence importante : Cass., 8 janvier 1993, RW, 1992/1993, p. 1441 et p. 1771 ;
29 septembre 1997, AFT, 1997, livr. 36, p. 7 ; Mons, 5 décembre 1997 et 9 février 1998, do fiscum ; Liège,
11 décembre 1996, F.J.F., 1997, p. 53, Anvers, 31 mai 1994, F.J.F., n°94/247.
52
- en cas de remboursement d'excédent de précompte professionnel, de précompte
mobilier ou de versements anticipés, au bénéficiaire des revenus, au plus tard à
l'expiration du deuxième mois qui suit le mois au cours duquel le délai d'imposition visé
à l'article 359 ou à l'article 353, a expiré ;
- en cas de remboursement de sommes versées à titre de précompte mobilier ou à titre
de précompte professionnel, à leurs redevables visés aux articles 261 et 270 ;
- en cas de remboursement de versements anticipés, en application de l'article 376, §
4.
Lorsque le remboursement intervient après l'expiration du délai fixé à l'alinéa 1er, 3°,
l'intérêt moratoire est dû à partir du jour suivant ce délai. »
5.
5.1.
La prescription :
Généralités :
La prescription est un moyen d’acquérir un droit réel (prescription acquisitive) ou de se
libérer d’une obligation (voir déteindre un droit réel - prescription extinctive) par l’écoulement
d’un laps de temps déterminé et sous les conditions déterminées par la loi153.
L’accomplissement de la prescription ne crée qu’un obstacle à la revendication par le
créancier de son droit à l’encontre de son débiteur, ce dernier restant toujours libre de
s’exécuter volontairement : son obligation survivant au titre « d’obligation naturelle », tout
paiement effectué volontairement au créancier ne devant pas être restitué au débiteur.
L’application d’un tel mécanisme est justifiée par la nécessité de garantir la sécurité juridique
dans les relations entre individus et dans la vie en société : il serait en effet malsain qu’un
titulaire d’un droit puisse s’en prévaloir éternellement, alors que les moyens de preuves et de
défense sont devenus incertains ou ont simplement disparus.
Pour éviter l’accomplissement de la prescription, le créancier dispose du droit de
l’interrompre, en posant certains actes déterminés154, avec comme conséquence le départ
d’une nouvelle prescription de même durée.
Par ailleurs, il existe également des causes qui suspendent la prescription, c.-à-d. qui ne
porte pas atteinte au temps déjà accompli mais en arrête le cours aussi longtemps que la
cause de suspension subsiste155.
153
154
155
Article 2219 du Code civil.
Article 2244 du Code civil : « Une citation en justice, un commandement ou une saisie, signifiés à celui
qu'on veut empêcher de prescrire, forment l'interruption civile. »
Article 2252 du Code civ (la prescription ne court pas contre les mineurs ni les interdits) ; Article 2253 C civ
(la prescription ne court pas entre époux, sauf exception visée à l’article 2254) ; article 2257 C civ (La
prescription ne court pas à l'égard d'une créance qui dépend d'une condition, jusqu'à ce que la condition
arrive, ni à l'égard d'une action en garantie, jusqu'à ce que l'éviction ait lieu, ni à l'égard d'une créance à
jour fixe, jusqu'à ce que ce jour soit arrivé) ; article 2258 C civ (la prescription ne court pas contre l'héritier
bénéficiaire, à l'égard des créances qu'il a contre la succession, mais elle court contre une succession
vacante, quoique non pourvue de curateur) ; article 2258 (en matière de succession, elle court encore
pendant les trois mois pour faire inventaire, et les quarante jours pour délibérer).
53
La prescription se calcule par jour et non par heure, le jour s’entendant de 24 heures, de
minuit à minuit156.
Le jour où la prescription prend cours (dies a quo) n’entre pas en ligne de compte et la
prescription est acquise lorsque le dernier jour du terme (dies ad quem) est
accompli/écoulé157.
Une formule assez simple permet de résumer le calcul de la prescription, en calculant de
quantième (dies a quo) à quantième (dies a quem) et la prescription étant acquise le
lendemain du jour du terme.
5.2.
La prescription en matière d’impôts sur les revenus et de taxes y assimilées :
En vertu de l’article 145 AR/CIR 1992 :
« Les impôts directs ainsi que le précompte immobilier se prescrivent par cinq ans à
compter de la date à laquelle ils doivent être payés conformément à l'article 413 du
C.I.R. 1992.
Le précompte mobilier et le précompte professionnel se prescrivent par cinq ans à
compter de la date d'exécutoire du rôle auquel ils sont portés conformément à l'article
304, § 1er, alinéa 2, du même Code. »
Bien entendu, le délai susvisé peut être interrompu de la manière prévue par les articles
2244 et suivants du Code civil et par une renonciation au temps couru de la prescription.
En cas d'interruption de la prescription, une nouvelle prescription susceptible d'être
interrompue de la même manière, est acquise cinq ans après le dernier acte interruptif de la
précédente prescription s'il n'y a instance en justice.
Le calcul de la prescription s’effectue de la même manière qu’en droit commun, et donc,
selon la formule citée au point précédent.
5.3.
Interruption de la prescription et contestation de la cotisation :
5.3.1. Contexte de l’interruption de la prescription :
L’interruption de la prescription est consacrée par l’exercice ou la reconnaissance du droit
qui en forme l’objet, ce qui a pour conséquence que la période écoulée avant ladite
interruption est perdue et qu’un nouveau délai commence à courir158.
156
157
158
Article 2260 du Code civil.
Article 2261 du Code civil.
H. de Page, « Traité élémentaire de droit civil belge », Bruxelles, Bruylant, T VIII, p. 1080 ; B. Humblet et
R. Davin, « La prescription extinctive en droit civil », in les prescriptions et les délais, Jeune Barreau de
Liège, 2007, pp. 53 et s.
54
La prescription peut ainsi être interrompue par des actes posés par le Receveur, au moyen
des actes de poursuites159 que sont :
o
Les citations :
La notion de citation est à prendre dans un sens large, c.-à-d. « toute demande tendant
à faire reconnaître en justice le droit menacé ».
Tel est le cas, par exemple, d’une citation (même si la juridiction saisie n’est pas
compétente), d’une requête, d’un acte de comparution volontaire, une déclaration de
créance au passif d’une faillite (à l’égard de la masse et du failli160), une demande
incidente ou reconventionnelle par voie de conclusions (sauf s’il s’agit d’une simple
défense contre la demande principale) à compter de la date de dépôt au greffe, le
dépôt d’une requête d’appel,…
En matière de faillite, l’action mue par la production de créance aura un effet interruptif
de prescription, effet qui durera jusqu’à la clôture de la faillite161.
Par contre, une citation en référé, une citation en déclaration de jugement commun, un
envoi de conclusions entre parties, une mise en demeure, une sommation de payer, la
déclaration d’une partie selon laquelle elle se réserve le droit d’exercer ultérieurement
un recours,…ne sont pas des actes interruptifs.
Une citation interrompt la prescription de toutes les prétentions exprimées dans l’acte
ainsi que celles qui y sont virtuellement comprises162
Evidemment, si la citation est nulle (et déclarée telle), si le demandeur se désiste de sa
demande (désistement d’instance ou d’action) ou si la demande est rejetée, alors
l’interruption est inexistante.
L’effet de l’interruption perdure jusqu’à la clôture de l’instance par le jugement ou l’arrêt
qui met fin au litige. Cet effet cesse au jour du jugement et non celui de sa
signification163.
o
Les commandements et les saisies :
Le commandement est l’acte par lequel, en vertu d’un titre exécutoire, l’huissier de
justice remet au débiteur un exploit le mettant en demeure d’exécuter l’obligation qui
en fait l’objet sous peine d’éviction de ses biens164.
Evidemment, ce commandement n’a d’effet que si et seulement si l’acte critiqué est
valable.
159
160
161
162
163
164
Art. 2244 C. civ.
Mais pas à l’égard du gérant ou de l’administrateur d’une société faillie, contre lequel l’administration
pourrait agir en responsabilité pour une dette fiscale impayée endéans le délai de prescription visé par
l’article C. Soc, en ce sens, R.G.C.F., n°2009/1, p. ;
R. Piret, « De la survivance de la règle contra non valentem agere non currit praescriptio, notamment à
l’égard des actions appartenant aux créanciers d’un failli », Rev prat Not, 1940, n°2192 ; I. Verougstraete,
« Manuel de la faillite et du concordat », Bruxelles, Kluwer, 1998, p. 304, n°500 ; Cass., 13 novembre
1997, RDC, 1998, n°103.
Cass., 4 mai 1990, RW, 1990-91, p. 1201 ; Cass., 26 novembre 1990, R.W., 1990-91, p. 1302.
Comm. Bruxelles, 10 avril 2003, Bull Ass., 2003, p. 717.
De Page, op cit, n°1183
55
La saisie, même conservatoire, interrompt la prescription165.
Hormis ces trois modes d’interruption de la prescription quinquennale, le Receveur peut
également se prévaloir d’une autre cause d’interruption, à savoir une reconnaissance de
dette par le contribuable.
Cette reconnaissance peut être directe, et faire l’objet d’un écrit signé de la part du
contribuable, ou même indirecte (tacite) si elle ressort de son comportement ou de son
attitude. Il en sera ainsi lorsque le contribuable sollicitera des termes et délais, lorsqu’il
propose d’initiative de fournir des garanties pour un impôt contesté ou lorsqu’il reprend ledit
impôt au passif dans une procédure de concordat ou de règlement collectif de dettes.
En tout état de cause, l’acte ne sera interruptif que s’il est posé avant l’expiration du délai en
cours. Il n’est pas ou plus possible d’interrompre un délai qui est déjà écoulé et accompli.
De plus, les actes nuls, ou déclarés tels ultérieurement après une procédure judiciaire, ne
peuvent avoir d’effet interruptif. Comme l’aborde le point suivant, cette position a été
critiquée par l’administration, en ce qui concerne l’effet et la validité d’un commandement
annulé par le Juge de saisies.
5.3.2. Influence d’un recours contre la cotisation et d’un incontestablement dû fixé à
néant ou intégralement payé :
Position du problème :
Pour rappel, dans l’hypothèse d’un recours administratif et/ou judiciaire contre une
imposition, le Receveur voit sa marge de manœuvre réduite en vertu des articles 409 à 411
du CIR 1992 et par l’interprétation qui doit leur être donnée à partir de la jurisprudence de la
Cour de cassation.
Le Receveur ne peut donc procéder par voie de commandement ou de saisie afin
d’interrompre la prescription. La citation ou la requête introductive du recours judicaire
émanant du contribuable, et non adressé à celui contre qui l’on souhaite interrompt la
prescription, n’interrompt pas la prescription166.
A cet égard, il y a lieu toutefois de relever la décision rendue par le Tribunal de Première
instance de Bruxelles que l’Etat, dans le cadre d’une action en justice introduite contre lui,
doit justifier la légalité et le fondement de la taxation querellée. Il s’en suit que les
conclusions déposées par l’Etat dans le cadre de l’action introduite par le contribuable ont
valablement interrompu la prescription du recouvrement desdites cotisations, en ce qu’elles
valent citation au sens de l’article 2244 C. civ167.
165
166
167
G. de Leval, Traité des saisies, n°214.
Tel n’est pas le cas en TVA, Cass., 16 octobre 2008, RG n°C.06.0433F, www.cass.be: « Peut être une
instance en justice au sens de l'article 83, alinéa 1er, du Code de la taxe sur la valeur ajoutée, l'opposition
du redevable, qui a pour effet de suspendre la force exécutoire de la contrainte et d'où il résulte que,
pendant toute sa durée, la prescription n'est pas acquise contre l'Etat »
Civ. Bruxelles, 28 février 2007, R.G.C.F.,, n°2007/6, p. 450.
56
De manière générale, confrontés à l’interdiction pour le Receveur de procéder à des actes
d’exécution (commandements-saisies) pour le montant contesté de l’impôt (à savoir tout ce
qui dépasse le montant I.D., lequel peut être fixé à 0€), les Tribunaux ont été amenés à
apprécier plusieurs thèses relatives à la validité du commandement préalable à saisies
signifiées alors que de tels recours étaient pendants168.
L’une d’elle consistait à attribuer au commandement une double nature, à savoir celle d’acte
d’exécution et celle d’acte interruptif de la prescription.
Dans cet ordre d’idées, le juge des saisies de Charleroi, dans une décision du 11 octobre
1994169, a estimé que :
o
Un commandement peut produire des effets, indépendamment de toute mesure
d’exécution, et n’est pas nécessairement suivi d’une saisie ;
o
De la circonstance que le commandement querellé ne mentionne pas qu’il soit signifié
aux fins de prescription, il ne peut être déduit qu’il ait été signifié aux seules fins
d’exécution et qu’il n’avait pas « pour objectif de provoquer l’interruption de la
prescription » ;
o
L’absence de cette mention, qui n’est pas exigée par aucun texte, n’enlève pas à cet
acte son effet interruptif.
Cette décision, à juste titre, a été vivement critiquée en doctrine par Maître H. MICHEL,
lequel estime qu’ :
« A suivre l’enseignement du jugement annoté, une saisie-exécution pratiquée alors
qu’aucune mesure d’exécution ne pourrait être effectuée (parce que
l’incontestablement dû a été fixé à 0 ou avait été payé) aurait « de toute façon » pour
effet d’interrompre la prescription. Ce n’est ni l’avis de la Cour de cassation, ni celui de
M. DE LEVAL.
Ainsi, si un commandement est signifié à peine de saisie-exécution alors que
l’incontestablement dû est fixé à 0 ou a été payé, il doit être déclaré nul et de nul
effet170. »
D’autres décisions jurisprudentielles ont également consacré cette analyse :
o
Un premier arrêt de la Cour d’appel de Bruxelles conclu que le commandement signifié
par l’administration fiscale peut valoir comme acte interruptif de la prescription,
indépendamment de l’existence ou de l’absence de toute exécution. L’effet interruptif
est indépendant des effets de l’acte exécutoire171 ;
168
En effet, le commandement est considéré comme le premier acte de la procédure d’exécution, au titre
d’ultime avertissement avant la saisie (G. de Leval, Traité des saisies, Liège, Coll scientifique, 1988, p.
600, n°283 ; Civ Bruxelles, 26 janvier 1994, JLMB, 1994, p. 712 ; Civ Termonde, saisies, 12 janvier 1993,
Bull Contr, 1996, p. 757 ; Anvers, 12 juin 1995, T Not, 1995, p. 468 ; Civ Liège, saisies, 9 septembre 1996,
JLMB, 1996, p. 1657 ; Liège, 24 octobre 1997, JLMB, 1998, p. 323 ; Civ Charleroi, Saisies, 23 novembre
1999, JLMB, 2000, p. 1174).
Civ. Charleroi, Saisies, 11 octobre 1994, JLMB, 1996, n°36, pp. 1442-1445 et note d’observation de H.
Michel, pp. 1444-1449.
En ce sens, Bruxelles, saisies, 26 janvier 1994, JLMB, 1994, p. 712 ; Mons, 29 novembre 1996, JLMB,
1997, pp. 607-609.
Bruxelles, 24 juin 1997, JT, 1998, pp. 458-459 et note de M. Eloy.
169
170
171
57
o
La Cour d’appel de Liège relève que légalement, un commandement est assorti de
l’effet interruptif de la prescription sur la base du Code civil. S’il est exact que le
commandement est une mesure d’exécution qui pourrait induire le contribuable en
erreur sur son obligation de payer avec menace de saisie alors que des mesures
conservatoires interruptives étaient seules possibles, il n’en reste pas moins que
l’utilisation d’un tel commandement à des fins précisément conservatoires, sur le plan
de la prescription, n’apparaît pas interdite par les articles 409 et 410 du CIR 1992, qui
prohibe seulement la mise en œuvre effective d’une mesure d’exécution et non son
préalable tendant à faire reconnaître et sauvegarder un droit172 ;
o
Enfin, la Cour d’appel de Bruxelles à nouveau conclut « qu’il faut dissocier les deux
aspects du commandement dans la mesure où cet acte de procédure interrompt la
prescription et est également le préalable nécessaire à une saisie-exécution. Le
commandement peut dès lors valoir comme acte interruptif de la prescription
indépendamment de l’absence, ou de l’existence de toute exécution, régulière ou
non173 ».
Position administrative : instruction du 29 février 1996174 :
Appuyée par la jurisprudence malheureusement majoritaire, l’administration précisera sa
position, calquée sur cette analyse jurisprudentielle, dans une instruction de 5 pages du 29
février 1996.
Dans la mesure où l’opinion la plus répandue, en doctrine et en jurisprudence, est que le
commandement est le premier acte de la procédure d’exécution, l’administration conseille
par prudence d’éviter que la prescription soit interrompue par le biais d’un commandement
lorsque l’I.D. est fixé à 0 ou est totalement payé.
Dès lors, lorsque la cotisation fait l’objet d’un recours, administratif ou judiciaire, le Receveur
doit privilégier la renonciation au temps couru de la prescription, signée par le contribuable,
ou le commandement de payer interruptif de prescription dont un formulaire spécifique, ainsi
que de la contrainte à y annexer, est d’ailleurs prévu par cette instruction.
Ce modèle présente certaines spécificités par rapport au commandement « classique »175 :
o
Le commandement classique emporte l’ordre de payer dans les 24 heures, tandis que
le commandement interruptif donne l’ordre de payer, sans plus, en limitant cet ordre au
montant qui sera dû après la clôture définitive du recours ;
o
Le commandement classique menace de saisie-exécution, tandis que le
commandement interruptif précise que, durant le litige fiscal en cours, il n’est pas
possible de procéder à l’exécution forcée de l’imposition contestée et visée par le
commandement ;
172
Liège, 28 mars 2001, FJF, 2001/205.
Bruxelles, 9 mai 2001, RG n°1998/AR/1399 contre lequel un pourvoi en cassation a été introduit, cité par
E. Van Brustem, « De la nature du commandement en général et en matière d’impôts sur les revenus en
particulier : suite... et fin ? », RGCF, n°2003/6, p. 12.
Ci RH 14/469.194, disponible sur le site www.fisconet.be.
E. Van Brustem, op cit, p. 13, note 57.
173
174
175
58
A noter qu’à l’issue du recours, administratif ou judiciaire, lorsque la décision est devenue
définitive, le Receveur devra engager l’exécution conformément aux articles 147 et suivants
de l’A.R. d’exécution, et donc faire signifier un commandement « classique ».
Les arrêts de cassation du 10 octobre 2002 et du 21 novembre 2003176 :
Un premier arrêt a été rendu par la Cour de cassation le 10 octobre 2002, sur pourvoi de
l’administration fiscale contre un arrêt de la Cour d’appel de Mons du 18 mai 2000.
La Cour d’appel avait déclaré nul et non avenu le commandement « classique » signifié par
l’administration, en l’absence d’incontestablement dû, au motif qu’il n’appartient pas à cette
dernière de modifier a posteriori la portée du commandement en se prévalant de l’absence
de saisie ultérieure.
Selon la Cour de cassation, même si l’article 2249 du Code civil ne subordonne pas l’effet
interruptif du commandement à une mention spécifique de cette destination, comme le
soutenait l’administration, il n’en reste pas moins que :
« en matière d’impôts sur les revenus, le commandement est un acte de poursuite
judiciaire qui suppose un titre exécutoire et prélude à une saisie-exécution. Qu’il
s’ensuit que le commandement signifié, en l’absence d’impôt incontestablement dû, n’a
pu produire d’effet interruptif. »
En l’occurrence, la validité du commandement aurait pu reconnu si le créancier (l’Etat belge)
n’avait pas reconnu que sa créance était « sans fondement », ou à tout le moins incertaine,
en fixant le montant incontestablement dû d’impôt à néant.
Dès lors que le commandement est un acte extrajudiciaire du créancier fondé par un titre
exécutoire et préalable à une saisie-exécution, l’arrêt, qui considère que le commandement
n’a été signifié qu’en vue de l’exécution forcée de l’impôt enrôlé, alors qu’il n’y avait pas
d’impôt incontestablement dû, décide légalement que le commandement n’a pu produire
d’effet interruptif177.
A la suite d’un arrêt de la Cour d’appel d’Anvers du 12 mars 2001, l’administration s’est à
nouveau pourvue en cassation afin de faire reconnaître la double nature du commandement,
l’effet interruptif étant indépendant de la mesure d’exécution.
La Cour de cassation confirmera sa jurisprudence par arrêt rendu le 21 février 2003 :
« En vertu de l'article 2244 du Code civil, une citation en justice, un commandement ou
une saisie, signifiés à celui qu'on veut empêcher de prescrire, forment l'interruption
civile.
En vertu de l'article 410 du C.I.R. 1992, avant sa modification par la loi du 15 mars
1999, seule la partie incontestablement due de la dette d'impôt enrôlée peut être
recouvrée par toutes voies d'exécution.
176
177
Cass., 10 octobre 2002, Fisc Koer, 28 février 2003, n°4, pp. 239-241 ; Cass., 21 février 2003 ; FJF,
2003/169.
Conclusions de M. L’Avocat général Henkes, précédant Cass., 10 octobre 2002, non publié mais cité par
E. Van Brustem, op cit, p. 13.
59
En matière d'impôts, une contrainte est une voie d'exécution qui suppose pour sa
validité un titre exécutoire et qui précède une mesure de saisie-exécution.
Aucune voie d'exécution ne peut être utilisée pour recouvrir la quotité de la dette
d'impôt qui fait l'objet d'une réclamation ou d'un recours.
Une contrainte signifiée pour une dette d'impôt ainsi contestée ne peut être valable et
n'a pas d'effet interruptif. »
L’Avocat général relèvera d’ailleurs qu’il découle de la jurisprudence de la Cour que l’article
409 du CIR 1992 n’empêche pas l’Etat, en cas de contestation du contribuable, de pratiquer
une saisie sur un montant dépassant celui visé à l’article 410 du CIR 1992 (I.D.) lorsqu’il
s’agit uniquement d’une mesure conservatoire178.
En résumé, ces deux arrêts contiennent des enseignements forts importants :
o
D’une part, la Cour de cassation s’est explicitement et définitivement ralliée à la thèse
de Monsieur le Professeur DE LEVAL, selon laquelle le commandement est le premier
acte de la procédure d’exécution ;
o
D’autre part, il est aberrant de vouloir séparer le commandement et la volonté
d’interruption. Les deux éléments sont intrinsèquement liés : il n’y a interruption que
parce qu’il y a commandement tendant à exécution. Un rôle abstraitement exécutoire
ne peut justifier la signification d’un commandement à vocation exclusivement
d’interrompre la prescription.
En conclusion, la thèse de l’administration a été purement et simplement mise à néant par la
Cour de cassation, ouvrant la porte à l’irrecouvrabilité de nombreuses cotisations pour cause
de prescription, et dont l’I.D a été payé ou a été fixé à 0.
Modification législative : la loi programme du 22 décembre 2003179 :
Confronté à ces deux arrêts, l’administration fiscale a été prise de sueurs froides.
En effet, dans de nombreuses contestations pendantes, l’impôt risquait d’être prescrit, même
si les sommations ont été signifiées dans les délais. La sommation à payer, certainement
dans le cas où il y a eu menace de saisie exécution immédiate, n’a pas interrompu
valablement la prescription en cours180.
Pour éviter aux Receveurs de nouvelles crises d’insomnie,, le Législateur est venu une
nouvelle fois au secours de l’administration, en introduisant dans le Code un nouvel article
443ter CIR 1992, à l’occasion de la récente loi programme :
« § 1er. Toute instance en justice relative à l'établissement ou au recouvrement des
impôts et des précomptes qui est introduite par l'État belge, par le redevable de ces
impôts ou précomptes ou par toute autre personne tenue au paiement de la dette en
vertu du présent Code, des arrêtés pris pour son exécution ou du droit commun,
suspend le cours de la prescription.
178
179
180
Cass., 8 mars 1990, Pas, 1990, I, 805.
Publiée au Moniteur belge du 31 décembre 2003.
J. Van Dyck, « Prescription de la dette d’impôt : le législateur vole au secours du fisc », Trends tendances,
8 janvier 2004, p. 82.
60
La réclamation et la demande de dégrèvement visée à l'article 376 suspendent
également le cours de la prescription.
§ 2. La suspension débute avec l'acte introductif d'instance et se termine lorsque la
décision judiciaire est coulée en force de chose jugée.
Toutefois, en cas de réclamation ou de demande de dégrèvement d'office visée à
l'article 376, la suspension débute avec la demande introductive du recours
administratif. Elle se termine :
- lorsque le contribuable a introduit une action en justice, au jour où la décision
judiciaire est coulée en force de chose jugée ;
- dans les autres cas, à l'expiration du délai ouvert au contribuable pour introduire
un recours contre la décision administrative. »
En d’autres termes, cela signifie que la prescription de dettes fiscales contre lesquelles une
réclamation a été introduite voici plusieurs années, mais qui sont encore pendante
aujourd’hui, est présumée avoir été suspendue.
Selon les travaux préparatoires :
« Cette jurisprudence de la Cour suprême (arrêt d’octobre 2002 et février 2003) rend
indispensable l’intervention du législateur pour éviter qu’à défaut de possibilité pour
l’administration de pouvoir valablement interrompre la prescription des cotisations
contestées pour lesquelles il n’existe aucune quotité certaine et liquide immédiatement
exigible, nombre d’entre elles ne soient déclarées prescrites181. »
Détail important, selon l’exposé des Motifs, le nouveau régime s’appliquera également aux
contestations pendantes. Dans son avis, le Conseil d’Etat a fait remarquer que182 :
« Selon l’exposé des motifs, les dispositions relatives à la prescription sont applicables
aux instances en cours, « conformément aux principes relatifs à l’application de la loi
dans le temps »
C’est incontestable si la prescription n’était pas acquise à la date d’entrée en vigueur
de la loi.
C’est en revanche fort douteux si la dette fiscale était déjà prescrite avant l’entrée en
vigueur de la loi, soit que le receveur n’ait pas fait signifier de commandement ou
obtenu de renonciation au temps couru de la prescription en temps utile, soit que le
commandement signifié doive être considéré comme sans effet d’après la
jurisprudence de la Cour de cassation.
Si l’auteur de l’avant-projet veut prévenir le risque que des contribuables n’invoquent la
prescription en pareil cas, une disposition transitoire explicite serait nécessaire. »
181
182
Doc. Parl., Chambre, session 2003-2004, n°51, 0473/001, p. 148 et 0473/027, p. 20.
Ididem, 0473/001, p. 465 et 466.
61
A l’occasion de débats ultérieurs, le Ministre a déclaré que l’article de la loi programme
portant cette modification n’avait pas d’effet rétroactif, et il a reconnu que dans certains cas,
la prescription pourrait être définitivement acquise183.
Selon certains, le fait qu’entre temps, le Receveur ait peut être signifié pour ces dettes
fiscales des commandements à payer non-valables, n’aurait aucune importance184.
Pour d’autres185, si la nouvelle loi s’applique aux dossiers en cours, elle ne vise pas ceux
pour lesquels la prescription est acquise par application des arrêts de la Cour de cassation
précités.
Selon ce courant de doctrine, pour les réclamations pendantes qui se rapportent à des
exercices d’impositions antérieurs à 1999, et à condition que l’impôt contesté n’ait pas été
payé, il convient d’examiner si le délai de prescription est atteint avant le 10 janvier 2004,
date d’entrée en vigueur de l’article de la loi programme.
Pour rappel, pour les impôts sur les revenus et le précompte immobilier, le point de départ
du délai de prescription est la date à laquelle l’impôt devait être payé. Pour les précomptes
mobilier et professionnel, le point de départ est la date de leur enrôlement.
Si des commandements interruptifs de prescription ont été signifiés, ceux-ci n’ont pas l’effet
interruptif escompté. Par contre, si le Receveur a effectué une saisie conservatoire, un effet
interruptif est alors reconnu à cette mesure.
Ainsi, si le recouvrement de l’impôt était prescrit avant le 10 janvier 2004, il le demeure. Par
contre, s’il ne l’était pas, la prescription est suspendue à partir de cette date et ce186 :
o
Si une réclamation est introduite, jusqu’à l’expiration du délai ouvert pour introduire
un recours contre la décision administrative ;
o
Si le contribuable introduit une action en justice, jusqu’au jour où la décision judiciaire
est coulée en force de chose jugée (décision définitive) ;
Les arrêts de la Cour Constitutionnelle :
Dans deux arrêts, l’un prononcé sur recours en annulation187 et l’autre sur question
préjudicielle188, la Cour Constitutionnelle s’est prononcée sur la constitutionnalité de l’article
49 de la loi programme du 9 juillet 2004.
Les enseignements majeurs de ces arrêts sont189 :
o
183
184
185
186
187
188
189
L’article 49 de la loi programme n’est pas une disposition interprétative ;
Doc parl, ibidem, 0473/027, p. 20.
J. Van Dyck, op cit., trends tendance.
J-J Debacker, « Suspension de la prescription des droits du Trésor, conséquences pratiques des
nouvelles règles. », Act fisc, 2004/02, pp. 3 et 4 ; J-P Bours « La prescription du recouvrement de
l’impôt’ » ; L’écho, 27 janvier 2004, p. 12.
J-P Bours, « Loi programme et recouvrement de l’impôt », R.G.C.F., n°2004/2, pp. 33 et 34.
C. Const., 7 décembre 2005, n°177/2005, www.arbitrage.be.
C. Const., 1er février 2006, n°20/2006, www.arbitrage.be.
E. Van Brutsem, « L’article 49 de la loi programme du 9 juillet 2004 : loi interprétative, rétroactive et
procédures pendantes au regard de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et
des libertés fondamentales », R.G.C.F., n°2006/3-4, pp. 138 et s.
62
o
Bien que ne constituant pas une disposition interprétative, cet article a un effet
rétroactif et s’applique aux instances en cours non clôturées par une décision ayant
force de chose jugée ;
o
La rétroactivité de cet article n’est pas contraire aux articles 10, 11 et 172 de la
Constitution, lus seuls ou en combinaison avec l’article 6, §1er de la C.E.D.H.
Ainsi, la Cour considère que l’effet rétroactif de cette disposition est justifié par des
circonstances exceptionnelles et dictée par des motifs impérieux d’intérêt général.
En effet, compte tenu de la controverse, il n’existait aucune certitude, avant les arrêts de
Cassation de 2002 et s., quant au rejet du « double effet des commandements ». La Cour
compare donc la proportionnalité de l’effet attaché à l’intervention du législateur à celle de
l’effet rétroactif découlant de la solution consacrée par la Cour de cassation. La Cour tient
alors compte de l’importance de préserver l’intérêt collectif par rapport à la défense de
l’intérêt particulier comme il ressort des attendus suivants :
B.19.7 « une catégorie de contribuables qui s’est ainsi vue libérée d’une dette qu’ils
avaient contestée mais dont il ne peut être présumée qu’elle n’était pas due. » ;
B.24.2. « Les contribuables qui avaient contesté l’impôt qui leur était réclamé n’avaient
pas acquis contre l’Etat un droit de créance égal au montant de l’impôt contesté » ;
B.24.3. « Ces contribuables ne sont pas d’avantage privés du droit de recours effectif
ou à un procès équitable puisqu’ils conservent le droit de poursuivre devant la
juridiction compétente la réclamation qu’ils ont introduite pour contester l’impôt qui leur
était réclamé. Si la loi attaquée exercera une influence sur des procédures pendantes,
elle ne modifie pas le droit fiscal matériel qui s’y applique et, en ce qu’elle exerce une
influence sur la prescription des dettes contestées, celle-ci est justifiée par les motifs
impérieux d’intérêt général. »
Suite à ces arrêts, la controverse en doctrine ne s’est toutefois pas éteinte et a entrainé un
certain désordre en jurisprudence.
Une partie de celle-ci appliqua purement et simplement l’enseignement de la Cour
constitutionnelle, estimant que la question de la constitutionnalité de la loi programme était
tranchée définitivement. D’autres décisions ont par contre conclu à « l’inconventionnalité »
de ladite disposition au regard de l’article 6, §1er de la C.E.D.H190.
Une autre argumentation était également développée afin de contester tout effet au très
controversé article 49 de la loi programme.
Pour certains plaideurs, cet article ne pouvait s’appliquer aux commandements de payer
interruptif de prescription dès lors que cet article traite des « commandements », qualité que
n’auraient pas les « commandements interruptifs » en cas de recours faute de titre
exécutoire.
En outre, dès lors qu’une décision judiciaire (jugement/arrêt) reconnaît un effet interruptif à
un acte qui, sans cette loi, n’aurait produit aucun effet, cette décision viole l’article 2 du Code
civil lorsque la prescription était acquise au jour de l’entrée en vigueur de la loi.
190
Civ. Liège, 7 juin 2007, R.G.C.F., n°2006/1, pp. 71 à 75.
63
Par deux arrêts du 17 janvier 2008191, la Cour de cassation va balayer ces arguments :
o
L’argument (erroné) qui vise à limiter les effets de l’article 49 aux seuls
« commandements de payer » (endéans les 24 heures) manque en droit ;
o
Le législateur peut déroger à l’article 2 du Code civil, auquel cas, sa volonté doit être
certaine mais sans nécessairement être exprimée formellement dans la loi.
Cependant, tout n’est pas nécessairement joué.
Ainsi, un arrêt de la Cour d’appel de Gand du 24 juin 2008 mérite d’être mis en évidence192.
D’une part, cet arrêt se distancie des arrêts de la Cour constitutionnelle et écarte
l’application de l’article 49 par l’exercice du contrôle de conventionalité : les juridictions
nationales disposent en effet du pouvoir de contrôler une norme nationale par rapport au
droit international (d’un degré supérieur dans la hiérarchie des normes) ayant des effets
directs dans l’ordre juridique national193.
La Cour vérifie alors si, concrètement et en fonction du cas d’espèce, les garanties prévues
par l’article 6, §1er de la C.E.D.H., dont le droit à un procès équitable et à être jugé dans un
délai raisonnable, ont été préservées.
D’autre part, à l’instar des préceptes établis par la Cour Européenne des droits de l’homme,
ce contrôle est exercé sur base des éléments concrets et individualisés, et non par une
approche abstraite.
La question à trancher est donc : existe-t-il, in concreto, un rapport raisonnable entre les
motifs d’intérêt général et la protection des droits fondamentaux du contribuable ?
Dans le cas d’espèce, le contribuable a dû attendre 15 ans avant que l’administration ne
stature sur sa réclamation. Aucun élément ne justifiait toutefois un délai aussi long.
Il n’est pas raisonnable de légitimer un effet rétroactif dans de telles conditions et il est
inéquitable de protéger les droits de l’Etat qui a laissé courir un délai aussi long et maintenu
le contribuable dans un état d’incertitude de ses droits sans justification.
La Cour conclu donc que l’effet rétroactif de l’article 49 de la loi programme du 9 juillet 2004
contrevient à l’article 6, §1er de la C.E.D.H : cette disposition est dénuée de tout effet
rétroactif dès lors qu’il implique une dépossession injustifiée des droits aussi fondamentaux
que celui d’être jugé dans un délai raisonnable.
En conclusion, une porte reste ouverte pour contester au fisc le bénéfice de l’article 49 de la
loi programme de juillet 2004 et invoquer la prescription de la cotisation.
Tout dépendra cependant des éléments du cas d’espèce….
191
192
193
Cass., 17 janvier 2008, F.06.0082N et F.07.0057N, R.G.C.F., n°2008/3, pp. 218 et s., note de E. Van
Brutsem.
Gand, 24 juin 2008, R.G.C.F., n°2008/6, p. 480 et s. et note de N. Pirotte.
Cass., 27 mai 1971, Le Ski, Pas, 1971, I, 866.
64
IV.
LE RECOUVREMENT A CHARGE DES CONJOINTS SEPARES DE FAIT :
En vertu de l’article 128 du CIR 1992 :
« Pour l'application de la présente section et le calcul de l'impôt, les personnes mariées
sont considérées non comme des conjoints mais comme des isolés :
[...]
2° à partir de l'année qui suit celle au cours de laquelle une séparation de fait est
intervenue, pour autant que cette séparation soit effective durant toute la période
imposable ;
[...]
Dans ces cas, deux impositions distinctes sont établies et l'impôt est déterminé, pour
chacun des intéressés, sur la base de ses propres revenus et de ceux de ses enfants
dont il a la jouissance légale.
Toutefois, dans le cas visé à l'alinéa 1, 2°, les deux impositions distinctes sont portées
au rôle au nom des deux conjoints. »
A la lecture de cette disposition, il apparaît que les époux séparés de fait seront, sur le plan
de la taxation, imposés en qualités d’isolés et une cotisation distincte sera enrôlée, sur base
des revenus personnels et un calcul individualisé.
Cependant, sur le plan du recouvrement, dans la mesure où les conjoints mêmes séparés
restent mariés, ceux-ci resteront soumis aux règles « étendues » régissant le recouvrement
du temps où ils vivaient ensemble.
Cette dissymétrie a fait couler beaucoup d’encre durant ces dernières années dans la
mesure où le Receveur disposait du pouvoir de recouvrer l’impôt enrôlé au nom d’un des exconjoints à charge de l’autre, même si ceux-ci ne vivent plus ensemble ou n’ont plus eu le
moindre contact depuis de nombreuses années, et surtout, si l’un des deux se rend
(volontairement ou non) insolvable en obligeant son ex-conjoint à assumer seul lesdites
dettes fiscales.
En effet, généralement, les conjoints se sont mariés sous le régime de la communauté
légale, et la dette d’impôt impayée est afférente aux revenus recueillis après la séparation
mais avant le divorce.
De plus, celui-ci n’a jamais reçu l’avertissement-extrait de rôle ou été informé de cet
enrôlement à charge de son ex-conjoint. Parfois, le conjoint séparé reçoit un
commandement interruptif de prescription, mais bien souvent, il se voit surprendre par la
signification d’un commandement de payer.
Pendant longtemps, le conjoint séparé n’avait même pas le droit de se pourvoir en
réclamation, n’ayant pas la qualité de « redevable » au sens de l’article 366 CIR 1992, et
n’avait d’autre choix que de payer volontairement ou de subir les effets d’une saisie sur ses
meubles ou revenus.
65
Sensible à cette situation intolérable, la jurisprudence et puis le législateur ont apporté
diverses modifications substantielles au régime du recouvrement à l’égard des conjoints
séparés de fait, afin de leur garantir plus de droit et de sécurité194.
1.
Rappel des dispositions du Code civil régissant le régime matrimonial :
1.1. Le régime de communauté légale :
1.1.1. Il existe trois patrimoines :
Le régime de communauté légale se caractérise par l’existence de trois patrimoines :
o
o
o
Le patrimoine propre du mari ;
Le patrimoine propre de l’épouse ;
Le patrimoine commun.
Sont considérés comme des biens propres195 :
o
o
o
o
o
o
o
o
o
Les biens et créances appartenant à chacun des époux au jour du mariage ;
Ceux que chacun acquiert au cours du régime, par donation, succession ou
testament ;
Les accessoires d'immeubles ou de droits immobiliers propres ;
Les accessoires de valeurs mobilières propres ;
Les biens cédés à l'un des époux par un de ses ascendants soit pour le
remplir de ce qui lui est dû, soit à charge de payer une dette de l'ascendant
envers un tiers :
La part acquise par l'un des époux dans un bien dont il est déjà
copropriétaire ;
Les biens et droits qui, par l'effet d'une subrogation réelle, remplacent des
propres, ainsi que les biens acquis en emploi ou en remploi ;
Les outils et les instruments servant à l'exercice de la profession ;
Les droits résultant d'une assurance de personnes, souscrite par le
bénéficiaire lui-même, acquis par lui au décès de son conjoint ou après la
dissolution du régime ;
Les biens suivants seront propres, quelque soit le moment de leur acquisition :
o
o
o
o
194
195
Les vêtements et objets à usage personnel ;
Le droit de propriété littéraire, artistique ou industrielle ;
Le droit à réparation d'un préjudice corporel ou moral personnel ;
Le droit aux pensions, rentes viagères ou allocations de même nature, dont
un seul des époux est titulaire ;
J-P Bours, « Les conséquences fiscales du divorce », R.G.F., 1991, p. 117 ; N. Pirotte, « Le recouvrement
de l’impôt des personnes physiques à charge des conjoints séparés de fait », R.G.F., 1998, p 17 ; A.
Bailleux, « Les conséquences fiscales de la séparation et du divorce », in La dislocation familiale :
approches pratiques, conférence jeune barreau de Mons, 1996, p. 10 ; N. Pirotte, « Le recouvrement
fiscal », Bruxelles, Kluwer, Pratique du droit, 2000 ; Th. Lambert, « Mariage et fisc », Bruxelles, Kluwer,
2000.
Article 1399 à 1401 du Code civil.
66
o
Les droits résultant de la qualité d'associé liés à des parts ou actions sociales
communes dans des sociétés où toutes les parts ou actions sociales sont
nominatives, si celles-ci sont attribuées à un seul conjoint ou inscrites à son
nom.
Par contre, sont notamment considérés comme des biens communs196 :
o
o
o
o
Les revenus de l'activité professionnelle de chacun des époux, tous
revenus ou indemnités en tenant lieu ou les complétant, ainsi que les revenus
provenant de l'exercice de mandats publics ou privés ;
Les fruits, revenus, intérêts de leurs biens propres ;
Les biens donnés ou légués aux deux époux conjointement ou à l'un d'eux
avec stipulation que ces biens seront communs ;
Tous biens dont il n'est pas prouvé qu'ils sont propres à l'un des époux
par application d'une disposition de la loi.
Comme tout patrimoine, les patrimoines propres et communs disposent d’un volet actif et
passif. Sont donc considérés comme des dettes propres197 :
o
o
o
o
o
o
Les dettes des époux antérieures au mariage ;
Celles qui grèvent les successions et libéralités qui leur échoient durant le
mariage ;
Les dettes contractées par l'un des époux dans l'intérêt exclusif de son
patrimoine propre ;
Les dettes résultant d'une sûreté personnelle ou réelle donnée par un des
époux dans un intérêt autre que celui du patrimoine commun ;
Les dettes provenant de l'exercice par l'un des époux d'une profession qui lui
a été interdite en vertu de l'article 216 ou d'actes que l'un des époux ne
pouvait accomplir sans le concours de son conjoint ou l'autorisation de
justice ;
Les dettes résultant d'une condamnation pénale ou d'un délit ou quasi-délit
commis par un des époux.
Sont notamment des dettes communes198 :
o
o
o
o
o
o
o
196
197
198
Les dettes contractées conjointement ou solidairement par les deux époux ;
Les dettes contractées par un des époux pour les besoins du ménage et
l'éducation des enfants ;
Les dettes contractées par un des époux dans l'intérêt du patrimoine
commun ;
Les dettes grevant les libéralités faites aux deux époux conjointement ou à
l'un d'eux avec stipulation que les biens donnés ou légués seront communs ;
La charge des intérêts qui sont l'accessoire de dettes propres à l'un des
époux ;
Les dettes alimentaires au profit des descendants d'un seul des époux ;
Les dettes dont il n'est pas prouvé qu'elles sont propres à l'un des
époux en application d'une disposition de la loi.
Article 1405 du Code civil.
Articles 1406 et 1407 du Code civil.
Article 1408 du Code civil.
67
1.1.2. Les droits des créanciers :
Les droits des créanciers sont organisés en fonction de la nature de leur créance et de la
répartition des avoirs du couple dans leurs trois patrimoines199.
Ainsi, le payement d'une dette propre à l'un des époux ne peut être poursuivi que sur son
patrimoine propre et ses revenus.
Par contre, le paiement d’une dette commune peut être poursuivi tant sur le patrimoine
propre de chacun des époux que sur le patrimoine commun200.
D’après les règles dégagées ci-avant, le recouvrement d’une dette d’impôt sous le régime de
la communauté légale pourra, dans la mesure où elle couvre les revenus, être poursuivi sur
les trois patrimoines du couple.
Il est donc bien souvent judicieux de recourir à un régime matrimonial particulier pour éviter
le recours du Receveur, comme d’autres créanciers, sur le patrimoine propre d’un des
conjoints pour une dette de ‘autre conjoint.
Ordinairement, les (futurs) époux optent pour le régime de la séparation de biens.
1.2. Le régime de séparation de biens :
1.2.1. Il n’existe que deux patrimoines :
Les deux patrimoines sont :
o
o
Le patrimoine propre du mari ;
Le patrimoine propre de l’épouse.
Les époux gardent propres les biens acquis avant le mariage, ainsi que les biens acquis
séparément durant le mariage. Les revenus recueillis durant la période du mariage, à
quelque titre que ce soit, sont propres.
Les dettes sont également propres201.
Par conséquent, il n’y a pas de communauté entre les époux, chacun est propriétaire de ses
biens. En cas d’acquisition commune, les biens sont en indivision entre les époux et ils
conservent la nature de propre. Cela signifie que chacun reste propriétaire en propre desdits
biens, mais à concurrence de leur quote-part indivise.
1.2.2. Conséquences sur le plan des droits des créanciers :
Les dettes étant propres à chaque conjoint, leur recouvrement ne peut être poursuivi que sur
leur patrimoine propre.
199
200
201
Articles 1409 et suivants du Code civil.
Article 1414 du Code civil.
Article 1466 du Code civil.
68
En matière de recouvrement de l’impôt, l’article 394 du CIR 1992 déroge à ce principe, dans
la mesure où il stipule que l‘impôt peut être recouvré sur le patrimoine des deux époux, quel
que soit le régime matrimonial adopté.
Cependant, cet article prévoit lui-même un tempérament en permettant au contribuable
d’évité le recouvrement sur son patrimoine propre d’une dette d’impôt afférente aux revenus
de son conjoint en prouvant :
o
o
o
o
Qu'il les possédait avant le mariage ;
Ou qu'ils proviennent d'une succession ou d'une donation faite par une
personne autre que son conjoint ;
Ou qu'il les a acquis au moyen de fonds provenant de la réalisation de
semblables biens ;
Ou qu'il les a acquis au moyen de revenus qui lui sont propres en vertu de
son régime matrimonial.
1.3. Les autres régimes matrimoniaux possibles :
1.3.1. Le régime de communauté universelle :
Il n’existe qu’un seul patrimoine, consécutif à une confusion des biens des deux époux en
une super-communauté qui englobe la totalité des patrimoines respectifs.
Ce régime matrimonial va relativement à contre-courant des mœurs actuelles, les époux
recherchant avant tout à limiter les risques de recouvrement des créanciers de l’un sur le
patrimoine de l’autre.
L’ensemble des biens, présents et futurs, entrent dans le patrimoine commun des époux202 :
« à l'exception de ceux qui ont un caractère personnel et des droits exclusivement
attachés à la personne. »
Parmi ces derniers biens ou droits, on peut citer par exemple les vêtements, les droits
attachés aux parts détenues par un conjoint dans une société de personnes, les revenus
perçus au titre de droit d’auteur,...
Vu l’extension de la communauté légale, les créanciers, en ce compris le Receveur, peuvent
poursuivre sans aucune limitation le recouvrement de leurs créances sur le patrimoine des
conjoints.
1.3.2. Autres régimes matrimoniaux possibles :
Les trois principaux régimes précités peuvent faire l’objet de divers aménagements, en vue
de les compléter ou les modifier, pour autant qu’ils ne contreviennent pas à l’ordre public,
aux bonnes mœurs et aux dispositions impératives en matière de régimes matrimoniaux.
202
Article 1453 du Code civil.
69
Parmi les possibilités qui leur sont offertes, on cite généralement :
Les clauses extensives de l’actif commun203 :
Ces clauses visent à faire entrer dans le patrimoine commun certains biens présents ou
futurs qui sont des propres d’un des époux. Il peut être décidé qu’en cas de partage, si les
biens existent toujours, l’époux apporteur aura la faculté de les reprendre en les imputant sur
sa part.
Le préciput204 :
Cette clause organise un droit de priorité sur certains biens ou somme de la communauté,
avant le partage.
Ce préciput n’est pas une donation, sauf pour moitié s’il porte sur des biens qui ont été
apportés par l’autre conjoint dans la communauté lors de la rédaction du contrat de mariage.
En cas de dissolution du régime pour divorce (à l’exception du consentement mutuel) ou
séparation de corps, le préciput n’est pas délivré. Il reste cependant acquis au conjoint et lui
sera attribué au décès de son ex-conjoint. Mais uniquement s’il n’a pas succombé dans le
cadre de la procédure en divorce. Vu le report de la délivrance, le bénéficiaire du préciput
est autorisé à exiger une caution en garantie de ses droits.
Les clauses de partage inégal du patrimoine commun205 :
Elles permettent à un des époux de recevoir plus que la moitié du patrimoine en cas de
partage. Elles sont régies selon les mêmes principes que le préciput.
Toutes ces clauses peuvent être aménagées dans le respect de l’ordre public, des bonnes
mœurs et des dispositions impératives en matière de régimes matrimoniaux. Elles peuvent
notamment être stipulées réciproquement en faveur des deux conjoints. Il convient toutefois
de noter que ces dispositions ne peuvent avoir pour effet de permettre à un des conjoints de
disposer en définitive de plus que sa quotité disponible s’il a retenu des enfants d’un premier
lit206.
La clause la plus fréquente de partage inégal de la communauté est la clause dite de
« survie » ou « au dernier vivant tous les biens », en vertu de laquelle le conjoint survivant
recueillera la totalité de la communauté qui n’entrera pas dans la succession.
2.
Le recouvrement de l’impôt en cas de séparation des époux207 :
Durant la période où un couple marié cohabite, quel que soit le régime matrimonial, une
seule cotisation est établie au nom des deux conjoints.
203
204
205
206
207
Articles 1452 à 1456 du Code civil.
Articles 1457 à 1460 du Code civil.
Articles 1461 à 1464 du Code civil.
Article 1465 du Code civil.
M-C Van Grieken, « Fiscalité familiale », Syll ESSF, 2002-2003, pp. 115 et s.
70
Ce n’est qu’à partir de l’année qui suit celle de leur séparation que les époux seront
considérés comme des isolés. Une cotisation unique sera donc établie pour l’année de la
séparation, avec les difficultés pratiques que cela peut engendrer.
Les modalités de l’établissement de l’impôt et de son recouvrement se rapportant aux
revenus perçus l’année de la séparation sont identiques à celles se rapportant aux années
de vie commune.
Pour les années ultérieures, dans la mesure où l’union n’est pas dissoute, les difficultés
majeures vont survenir du fait du maintien de la solidarité conjugale208.
En matière de recouvrement, trois hypothèses peuvent être distinguées :
o
Le Receveur poursuit le recouvrement d’une cotisation unique, enrôlée au
nom des deux conjoints ;
o
Le receveur poursuit le recouvrement d’un impôt enrôlé distinctement au nom
d’un seul des deux conjoints ;
o
Le Receveur poursuit le recouvrement de cotisations distinctes enrôlées
chacune aux noms des deux époux.
2.1. Législation applicable jusqu’à l’exercice d’imposition 1999 :
2.1.1. Quant aux pouvoirs du Receveur à l’égard du conjoint séparé :
Les pouvoirs du Receveur découlent d’une rencontre entre les dispositions du droit civil et
celles du droit fiscal, à savoir les articles 393 et 394 du CIR 1992.
L’article 393 du CIR 1992 pose le principe selon lequel une cotisation enrôlée au nom de
plusieurs personnes ne peut être recouvrée à charge de chacune d’elle que pour la quotité
de l’impôt afférente à ses revenus.
Cet article trouve donc parfaitement à s’appliquer lorsqu’une cotisation unique est enrôlée
aux noms des deux conjoints.
Il n’y aurait pas de solidarité ni d’indivisibilité pour les impositions enrôlées au nom de
différentes personnes sauf, poursuit l’alinéa 2 dudit article, si les dispositions du droit
commun ou du droit fiscal autorisent un recouvrement pour la totalité à charge de chacun
d’eux.
Cette extension est permise par le biais de l’article 394 du CIR 1992, lequel fait également
référence aux dispositions relatives aux régimes matrimoniaux. Cet article établit une fiction
en faveur du Receveur en considérant que la dette fiscale est toujours une dette commune
aux conjoints et que son recouvrement peut être poursuivi tant sur le patrimoine commun
que sur leurs patrimoines propres respectifs.
208
Les difficultés d’ordre pratique, en matière de rentrée de déclaration, de contrôle, de sanction,.. ont été
abordées dans une question parlementaire du 4 décembre 1990, do fiscum, éd. électronique.
71
Cette règle est superflue à l’égard des conjoints mariés sous le régime de la communauté de
biens. En effet, les revenus de chacun des conjoints ainsi que les biens acquis pendant le
mariage tombent dans la communauté. Un même sort est réserve aux dettes fiscales qui
sont donc communes, et pourront être recouvrées sur les trois patrimoines209.
Par contre, pour les époux séparés de biens, les revenus recueillis pendant le mariage
restent propres, tous comme les dettes fiscales y afférentes. Les possibilités de
recouvrement resteront donc limitées aux biens propres de chacun des époux.
Cette distinction n’est pas sans intérêt.
En effet, si l’article 394 du CIR 1992 pose comme principe le caractère « commun » de la
dette d’impôt, celui-ci autorise le conjoint à soustraire certains biens au recouvrement d’une
dette qui ne lui incombe pas, en prouvant que :
o
La dette d’impôt dont le paiement est exigé est relative à l’autre conjoint ;
o
Les biens que le Receveur entend saisir sont propres au conjoint inquiété.
Cette seconde branche s’applique essentiellement en faveur des conjoints mariés sous le
régime de la séparation de biens, en leur permettant de soustraire certains biens au
recouvrement de la quotité d’impôt afférente aux revenus de son conjoint.
Lesdits biens propres sont limitativement énumérés par l’article, qui les considère comme
« non-suspects » dans la mesure où ils n’ont pas été acquis au moyen de fonds appartenant
à l’autre conjoint.
Avant l’exercice d’imposition 2000, les époux mariés sous le régime de communauté ne
pouvaient invoquer l’exception des biens « propres non-suspect » que dans l’hypothèse d’un
recouvrement des précomptes mobiliers et professionnels.
Sont également exclus les biens « acquis au moyen de revenus qui lui sont propres en vertu
de son régime matrimonial ». Selon l’exposé des motifs, vu qu’il n’existe pas de revenus
propres dans le cadre du régime de la communauté, cette possibilité de soustraction est
inapplicable210.
Seuls les époux maris en régime de séparation de biens peuvent invoquer cette exception,
tandis que les revenus des époux mariés en régime de communauté restent un actif de la
communauté susceptible d’être saisi dans tous les cas.
A noter que cette exception vise tant les biens que les revenus eux-même211.
2.1.2. Recouvrement d’une cotisation établie distinctement aux noms de deux
conjoints :
Les conjoints séparés depuis une année entière deviennent des « isolés » aux yeux de la loi
fiscale. Une cotisation distincte était établie à charge de chaque conjoint.
209
210
211
Articles 1405, 1408 et 1414 du Code civil.
Doc parl, sess-ord, 1998-1999, 2073/I-98/99, p. 9.
Com IR 1992, n°397/74.
72
Plusieurs explications peuvent être données pour justifier des droits du Receveur à assurer
les poursuites à l’encontre du conjoint séparé pour les dettes de l’autre conjoint.
Tout d’abord, la rédaction des textes 3939 et 394 du CIR 1992 laisserait à penser qu’ils ne
s’appliquent pas pour le recouvrement d’impôts enrôlés au nom de deux conjoints, et
partant, qu’il y a lieu de se référer uniquement aux dispositions du Code civil.
En effet, le texte parlait de quotité d’impôt, ce qui laissait sous-entendre qu’il s’agit d’un seul
impôt (cotisation unique) divisé en quotité pour le besoin de son recouvrement. L’usage du
terme conjoint renforce cette argumentation.
Dans cette optique, le Receveur ne pourrait poursuivre le paiement d’une dette d’impôt
enrôlée au nom du contribuable sur les revenus de son conjoint que dans les limites
imposées du droit civil, comme tout autre créancier.
Cependant, l’administration fiscale n’était pas de cet avis, estimant que ses droits découlent
d’une application simultanée du CIR et du Code civil212 :
Com IR 1992, n°394/7 :
« L'article 394 du CIR 1992, est applicable aux impositions relatives aux revenus des
conjoints, qu'elles aient été enrôlées au nom des deux conjoints ou bien au nom d'un
seul des conjoints.
Pour l'application de l'article 394 du CIR 1992, il n'est pas exigé que le rôle mentionne
le nom des deux conjoints.
L'article 394 du CIR 1992, est donc également applicable pour les cotisations à l'impôt
des personnes physiques qui seraient établies distinctement au nom de chaque
conjoint sur la base de l'article 128 du CIR 1992, du moins pour autant que ces
cotisations soient relatives aux revenus afférents à la période du mariage. En vertu
de l'article 394 du CIR 1992 le rôle établi au nom d'un des conjoints constitue le titre
permettant le recouvrement sur les biens du conjoint qui n'a pas été repris au rôle. »
Com IR 1992, n°394/8 :
« Pour les impositions qui ne tombent pas dans le champ d'application de l'article 394
du CIR 1992, le receveur dispose simplement des possibilités de recouvrement
prévues par le droit commun. »
Com IR 1992, n°394/13 :
« L'article 394, § 1er du CIR 1992, précise dans quelle mesure les quotités de l'impôt
visées à l'article 393 du CIR 1992, pourront être recouvrées à charge des conjoints
lorsque l'exercice des droits que le receveur puise dans le droit commun ne lui aura
pas permis de recouvrer la totalité de sa créance.
A cet égard, il convient de préciser que l'article 394 du CIR 1992, malgré le caractère
général de la formulation, ne pourra être considéré comme régissant à lui seul le
recouvrement de l'impôt établi à charge des conjoints.
212
Ci D 19/324.587, Bull contr, 1982, pp. 878-880 ; Com IR 1992, n°394/6 et s.
73
Les dispositions du droit civil relatives aux régimes matrimoniaux s'appliqueront en la
matière, conformément au principe général en vertu duquel le droit commun s'applique
en matière fiscale dans la mesure où le droit fiscal n'y déroge, ni explicitement, ni
implicitement, et où cette application n'est pas exclue en raison des principes et des
nécessités propres au droit fiscal. Il serait d'ailleurs inconcevable que le receveur,
poursuivant le recouvrement d'une dette de droit public, dispose à cet égard et dans
certains cas, de moins de droits qu'un créancier de droit privé213. »
Toutefois, le Receveur ne pourrait recourir aux dispositions du Code civil pour s’arroger plus
de droits que ceux qui lui sont conférés par l’article 394 du CIR 1992. Cet article limitant les
droits du Receveur, excluant les biens propres non-suspects, il déroge au droit commun des
créanciers des époux : ce dernier ne peut donc s’appliquer214.
2.1.3. Quant au droit à la réclamation :
A l’époque, la doctrine et les contribuables déploraient qu’aucun droit de réclamer contre
l’imposition établie dans le chef de l’autre conjoint ne soit organisée, et ce quant bien même
celle-ci était mise en recouvrement à l’égard du conjoint séparé.
L’administration a toujours refusé ce droit au conjoint non-repris au rôle, à défaut de pouvoir
prétendre à la qualité de redevable au sens de l’article 366 du CIR 1992215.
De plus, l’exercice de ce recours aurait permis au conjoint séparé de consulter le dossier de
l’autre conjoint, et partant, portait atteinte au secret professionnel auquel les fonctionnaires
fiscaux sont astreints216.
Certaines juridictions, dont la Cour de cassation, avaient pourtant reconnu ce droit, mais
parce qu’il existait une cotisation unique217.
L’arrêt de la Cour de cassation se fondait quant à lui sur l’ancienne législation, où la totalité
des revenus du couple étaient cumulés et la cotisation enrôlée au seul nom du chef de
famille.
Selon la Cour, pour déterminer les titulaires du droit de réclamation, il importe de s’en référer
à l’ensemble du régime en matière d’impôts sur les revenus, dont les règles en matière de
recouvrement, lesquelles prévoient un recours sur les biens des deux conjoints. Par
conséquent, ceux-ci sont tous deux « redevables ».
L’administration soutenait que cette conclusion était inapplicable pour les cotisations
afférentes aux exercices postérieures à 1980.
La Cour de cassation confirma cette position par un arrêt du 19 mai 1995, en estimant que la
notion de redevable au sens de l’article 366 ne visait pas le conjoint séparé de fait218.
213
214
215
216
217
218
Doc. parl., Chambre, session ordinaire, 1980/1981, n° 716/1, p. 7.
Cass., 23 novembre 1989, Bull contr, 1992, p. 2208.
C.-à-d. la personne reprise au rôle ; Com IR n°267/1 ; al. 1er.
Q.R., Sénat, 1990-1991, 9 avril 1991, p. 1135, question du 27 février 1990.
Anvers, 2 avril 1990, fiscologue, 2 juillet 1990, p. 5 ; Cass., 2 février 1977, Pas, 1977, I, 60.
Cass., 19 mai 1995, FJF, 96/16.
74
2.2. Premiers palliatifs mis en place pour remédier aux difficultés des conjoints séparés :
2.2.1. Circulaire du 26 novembre 1990219 :
Cette circulaire vise à assurer une information plus rapide du conjoint séparé de l’existence
d’une dette fiscale impayée par son ex-conjoint.
Avant d'exercer les poursuites à charge du conjoint non-repris au rôle, le Receveur doit lui
envoyer un avis (295.1) dans lequel il lui communique la nature de l'impôt, la base
imposable et le montant de l'imposition à payer établie à charge de l'autre conjoint, laquelle
risque d’être recouvrée à sa charge.
Si le contribuable repris au rôle ne s’acquitte pas de cette dette, et si le conjoint séparé ne
rentre pas dans les cas d’exclusion visés à l’article 394 CIR 1992, les poursuites pourront
être diligentées contre lui.
L'avis envoyé au conjoint non repris au rôle n'est pas un AER, mais informe cependant le
conjoint séparé d’un risque de recouvrement à sa charge.
L'expédition de cet avis n'a par conséquent aucune influence sur l'exigibilité de l'imposition.
Celle-ci est exigible à charge du conjoint non repris au rôle aussitôt qu'elle est exigible à
charge du conjoint repris au rôle. Il ne pouvait être assimilé à un avis de cotisation, à défaut
de présenter tous les éléments d’un AER (date d’exigibilité de l’impôt).
Par conte, l’avis 295.1bis, adressé par le Receveur après avoir épuisé les tentatives de
recouvrement contre le conjoint repris au rôle220, et invitant le conjoint séparé à payer l’impôt
dû endéans les 15 jours sous peine d’y être contraint par toutes voies de droit, pourrait selon
certains se voir reconnaître la qualité d’avis de cotisation221 (et partant faire courir le délai de
réclamation).
Cette circulaire impose au Receveur de notifier cet avis en toute hypothèse, sans cependant
avoir force de loi, et donc, sans réellement lier le Receveur. Un commandement pouvait être
signifié sans qu’un tel avis n’ait préalablement été adressé : cette omission n’avait aucune
influence sur la validité des poursuites, lesquelles respectaient les dispositions légales (sauf
violation du principe de bonne administration)222.
Toutefois, cette circulaire donnait aussi certaines indications à l’attention des directions
régionales appelées à statuer sur des demandes d’exonération d’intérêts de retard, en les
invitant à faire preuve « de largesse de vue ».
Cette circulaire était donc un bien maigre palliatif pour les conjoints séparés de fait.
219
220
221
222
Ci RH 873/414.626 du 26 novembre 1990, Bull contr, 1991, p. 52
Et au plus tard la 5ème année de l’exigibilité de la cotisation.
Cet avis reprenait le montant des intérêts de retard et donc la date d’exigibilité de l’impôt.
Th Lambert, op cit, p. 163.
75
2.2.2. Article 394bis du CIR 1992223 :
Selon cet article :
« Le directeur des contributions ou le fonctionnaire désigné par lui, peut limiter, au
profit du conjoint qui vit séparé de fait, sur requête motivée de ce dernier, le
recouvrement de l'impôt relatif aux revenus de l'autre conjoint à ce qui aurait été dû par
celui-ci s'il avait exercé tous ses droits de réclamation et de dégrèvement d'office visés
aux articles 366 et 376.
La requête doit être introduite par écrit, sous peine de déchéance, auprès du directeur
des contributions de la province ou de la région dans le ressort de laquelle l'imposition
a été établie, dans les six mois de l'envoi par le receveur des contributions de la
sommation à payer.
En attendant la décision, le directeur des contributions peut faire surseoir au
recouvrement dans le chef du requérant dans la mesure et aux conditions qu'il
détermine »
Cet article vise à limiter les droits du Receveur envers le conjoint séparé au recouvrement
des sommes qui auraient été dues par le contribuable s’il avait effectivement exercé tous
ses droits (réclamation et dégrèvement d’office).
En attendant que le Directeur régional ait statué sur cette requête écrite (et motivée), la
procédure de recouvrement peut être différée, aux conditions et limites fixées par le
directeur.
Le recours, qui n’est pas une réclamation, devait être introduit endéans un délai de 6 mois à
compter de l’envoi par le Receveur de la sommation de payer.
L’exigence de motivation relevait souvent de la quadrature du cercle : le conjoint concerné
ne connaissait que le montant de l’impôt, sans rien savoir du fondement de celle-ci, et ne
pouvait ni consulté le dossier ni être entendu.
De plus, aucun recours n’était ouvert contre cette décision : la Cour d’appel à l’époque était
incompétente en matière de recouvrement, et le juge de saisies ne peut se prononcer sur le
fondement d’une imposition. Certains auteurs estimaient que le Conseil d’état était
cependant compétent, mais ne pouvait aborder que l’exactitude des motifs invoqués et leur
légalité224.
En ce qui concerne la surséance au recouvrement, celle-ci ne représentait qu’une simple
faculté, laissée au bon vouloir du directeur.
En conclusion, l’intérêt réel et pratique de cette disposition était parfaitement insignifiant.
223
224
Loi du 28 juillet 1992 portant dispositions fiscales et budgétaires, MB, 31 juillet 1992.
Th Lambert, op cit, p. 167.
76
2.3. Loi du 19 mars 1999 relative au contentieux en matière fiscale :
En 1999, le législateur a mis un peu d’ordre dans la matière du contentieux fiscal, et en a
profité pour octroyer le droit de recours aux conjoints séparés de fait, en visant :
« Le redevable, ainsi que son conjoint sur les biens duquel l'imposition est mise
en recouvrement, peut se pourvoir en réclamation [...] »
Pour rappel, la Cour d’arbitrage avait estimé, sur question préjudicielle de la Cour d’appel
d’Anvers, que225 :
« l’article 267 du CIR 1964 (art. 366 du CIR 1992) violait le principe d’égalité en tant
qu’il n’accordait le droit de réclamation qu’au conjoint séparé repris au rôle et non à
celui qui n’y était pas repris, alors que ce dernier est tenu de payer la dette établie au
nom de l’autre conjoint. »
Cette modification fait cependant double emploi avec le nouvel article 128 du CIR 1992
(point 2.4), lequel prévoit désormais que l’impôt enrôlé au nom d’époux séparés de fait sera
enrôlé à leurs deux noms, nonobstant cette séparation.
L’époux séparé de fait peut également recevoir de l’administration des renseignements sur
la situation fiscale de son ex-conjoint, en ce qui concerne les dettes fiscales de ce dernier :
cette information n’est plus constitutive d’une violation du secret professionnel226.
De même le délai de réclamation ne commence à courir à l’égard du conjoint séparé qu’à
compter du moment où il a été informé officiellement par l’administration de l’existence de
cet impôt227.
Si le droit de recouvrer l’impôt à charge du conjoint séparé reste plein et entier,
l’administration devra cependant privilégier les poursuites à l’encontre du conjoint débiteur
« réel » de l’impôt, seul ce dernier recevant l’AER. Si ce redevable s’acquitte de l’impôt ou
respecte un plan d’apurement, le conjoint séparé n’entendra pas parler du Receveur228.
Le droit de consulter le dossier fiscal, même s’il a disparu du Code, est désormais visé et
englobé par la loi sur la publicité des actes administratifs.
Enfin, l’article 394bis du CIR 1992 est purement et simplement abrogé.
2.4. Loi du 4 mai 1999 portant des dispositions fiscales et autres229 :
Pour la première fois, le législateur a restreint effectivement les risques que court un
contribuable séparé de fait de voir l’administration fiscale recouvrer sur ses propres biens les
impôts de son ex-conjoint.
225
226
227
228
229
C.A, 27 juin 1996, JLMB, 1996, p. 1436 ; N. Pirotte, « Du droit d’un conjoint séparé de fait de contester
l’impôt », Act dr, 1996, p. 4 ; « Le recouvrement de l’impôt des personnes physiques à charge des
conjoints séparés de fait », CUP, vol XIV, 1997, p. 169.
Article 337, al. 3 du CIR 1992.
Article 371 du CIR 1992, qui traite de l’envoi de l’AER ou de l’avis de cotisation.
Article 393bis du CIR 1992.
M.B., 4 juin 1999.
77
Cette loi étend le caractère irrécouvrable aux revenus acquis personnellement par le conjoint
séparé, marié sous le régime de la communauté légale : ceux-ci peuvent soustraire leurs
biens « propres » au recouvrement des impôts du conjoint dont ils vivent séparés.
Auparavant cette possibilité n’était limitée qu’aux précomptes mobilier et professionnel.
2.4.1. Article 128 du CIR 1992 :
Cet article est complété par un nouvel alinéa :
« Toutefois, dans le cas visé à l'alinéa 1er, 2°, les deux impositions distinctes sont
portées au rôle au nom des deux conjoints. »
Cet article renvoie à l’article 393 du CIR 1992 qui précise dorénavant que :
« L'impôt enrôlé au nom de plusieurs personnes ne peut être recouvré à charge de
chacune d'elles que pour la quotité afférente à ses revenus. Le rôle est exécutoire
contre chacune d'elles dans la mesure où la cotisation peut être recouvrée à sa
charge en vertu du droit commun ou des dispositions du présent Code. »
Précédemment, cet article ne visait que les contribuables mariés imposés cumulativement.
Son champ d’application est donc actuellement plus étendu, en visant les conjoints séparés
de fait imposés isolément.
Par la même occasion, comme l’a souligné le Conseil d’Etat- section législation, il s’agit
d’une extension inadmissible de la force exécutoire du rôle. Auparavant, à défaut de titre
exécutoire, le Receveur devait obtenir un titre en agissant devant les Tribunaux civils.
La portée de cet article est cependant atténuée par l’article 393bis du CIR 1992.
2.4.2. L’article 393bis du CIR 1992 :
Selon cet article :
« Le recouvrement d'un impôt établi conformément à l'article 128, alinéa 1, 2°230, sur
les revenus d'un conjoint séparé de fait ne peut être poursuivi à charge de l'autre
conjoint qu'à la condition :
1° qu'une mise en demeure de payer ait été envoyée, par pli recommandé à la
poste, au conjoint sur les revenus duquel l'impôt a été établi ;
2° qu'un exemplaire de l'avertissement-extrait de rôle ait été adressé à l'autre
conjoint dans un délai qui prend cours le quinzième jour ouvrable suivant celui de
l'envoi de la mise en demeure et se termine à la fin du quatrième mois de cet envoi.
230
« Dans ces cas, deux impositions distinctes sont établies et l'impôt est déterminé, pour chacun des
intéressés, sur la base de ses propres revenus et de ceux de ses enfants dont il a la jouissance légale. »
78
Aucune mise en demeure de payer ne peut être envoyée au conjoint sur les revenus
duquel l'impôt a été établi aussi longtemps qu'il respecte les obligations du plan
d'apurement qui lui a, le cas échéant, été consenti.
L'envoi de cet avertissement-extrait de rôle ouvre, au profit de son destinataire, le
délai de réclamation visé à l'article 371. »
Si le texte maintien une solidarité entre les conjoints, même séparés, le défaut d’envoi au
conjoint séparé de cette mise en demeure et de l’AER emporte la déchéance du droit de le
poursuivre en recouvrement de l’impôt établi distinctement sur les revenus de l’autre
conjoint.
Le législateur ne fixe malheureusement aucun délai d’envoi de la mise en demeure au
conjoint « premier en rang » : par conséquent, l’époux séparé n’est pas à l’abri d’un
recouvrement à sa charge d’un impôt enrôlé « conjointement » à charge de l’autre conjoint
depuis plusieurs années.
Cette raison justifie que le recouvrement des impôts afférents aux revenus de l’un des
conjoints qui, pour l’établissement de l’impôt, sont considérés comme personnellement
recueillis (et non plus uniquement aux revenus propres comme par le passé) ne pourra être
poursuivi sur les biens de l’autre époux qu’il possédait avant son mariage, qu’il a reçu par
succession ou donation, qui résultent de remplois des deux premiers cas ou qu’il a acquis au
moyen de revenus propres en vertu de son régime matrimonial231.
Cette mesure est applicable depuis l’exercice d’imposition 2000, sans précision pour le sort
des dossiers en cours. Le Ministre estime quant à lui que cette mesure ne pourrait être
appliquée avec effet rétroactif.
2.4.3. L’article 394 du CIR 1992 :
L’article 394 du CIR 1992 a été modifié afin de déterminer le revenus considérés comme
personnellement recueillis :
« L'impôt ou les quotités de l'impôt afférent aux revenus respectifs des conjoints ainsi
que le précompte enrôlé au nom de l'un d'eux peuvent, quel que soit le régime
matrimonial, être recouvrés sur tous les biens propres et sur les biens communs des
deux conjoints.
Toutefois, l'impôt ou la quotité de l'impôt afférent aux revenus de l'un des conjoints qui,
pour l'établissement de cet impôt, sont considérés comme personnellement recueillis
ainsi que le précompte mobilier et le précompte professionnel enrôlés au nom de l'un
d'eux ne peuvent être recouvrés sur les biens propres de l'autre conjoint lorsque celuici peut établir: point 1° à 4° [...] »
Le texte ne fait plus référence aux seuls revenus qui sont propres en vertu du régime
matrimonial.
231
M-C Van Grieken, op cit, p. 120.
79
2.5. La loi du 10 août 2001 portant réforme de l’Impôt des personnes physiques :
Afin de protéger d’avantage les conjoints séparés de fait, l’article 394 du CIR 1992 a été
modifié par la loi du 10 août 2001 portant de réforme de l’impôt des personnes physiques232.
Cette modification s’effectue selon une double phase, la première étant applicable à compter
de l’exercice d’imposition 2002, la seconde étant applicable à compter de l’exercice 2005233.
2.5.1. Généralités :
L’article 394 « nouveau » stipule :
« § 1er L'impôt ou les quotités de l'impôt afférent aux revenus respectifs des conjoints
ainsi que le précompte enrôlé au nom de l'un d'eux peuvent, quel que soit le régime
matrimonial, être recouvrés sur tous les biens propres et sur les biens communs des
deux conjoints.
Toutefois, l'impôt ou la quotité de l'impôt afférent aux revenus de l'un des conjoints qui,
pour l'établissement de cet impôt, sont considérés comme personnellement recueillis
ainsi que le précompte mobilier et le précompte professionnel enrôlés au nom de l'un
d'eux ne peuvent être recouvrés sur les biens propres de l'autre conjoint lorsque celuici peut établir:
1° qu'il les possédait avant le mariage ;
2° ou qu'ils proviennent d'une succession ou d'une donation faite par une personne
autre que son conjoint ;
3° ou qu'il les a acquis au moyen de fonds provenant de la réalisation de semblables
biens ;
4° ou qu'il les a acquis au moyen de revenus qui lui sont propres en vertu de son
régime matrimonial.
§ 2. Par dérogation au § 1er, en cas de séparation de fait des conjoints, l'impôt afférent
aux revenus de l'un des conjoints obtenus à partir de la deuxième année civile qui suit
celle de la séparation de fait ne peut plus être recouvré sur les revenus de l'autre
conjoint ni sur les biens que celui-ci a acquis au moyen de ces revenus.
§ 3. Après la dissolution du mariage, les impôts et précomptes impayés afférents à la
période du mariage peuvent être recouvrés sur les biens des deux conjoints dans la
mesure indiquée au § 1er et § 2.
Toutefois, chacun des conjoints peut alors soustraire ces biens qui, en vertu du § 1er,
alinéa 2, auraient aussi pu être soustraits pendant le mariage.
§ 4. Le Roi détermine la manière dont est fixée la quotité de l'impôt afférente aux
revenus respectifs des conjoints.
§ 5. Le § 1er n'est pas applicable aux impôts et aux précomptes afférents à la période
antérieure au mariage. »
232
233
Article 57 A et 57 B de la loi du 10 août 2001, M.B, 20 septembre 2001.
Afin de tenir compte de l’égalité de traitement entre les conjoints mariés et les co-habitants légaux.
80
Cet article est d’applicable quel que soit le régime matrimonial adopté par les conjoints :
Aux cotisations relatives aux revenus recueillis par les conjoints durant le mariage
(IPP, INR et PrI) ;
Aux précomptes (PrM et PrP) enrôlés au nom de l’un des conjoints et relatifs à la
période du mariage.
Par contre, celui-ci ne s’applique pas :
Aux dettes fiscales afférentes aux revenus antérieurs ou postérieurs à la période du
mariage ;
Aux impôts et taxes non-relatives aux revenus (TC, TCC, TMC, TCA, JP, AD et
Eurovignette).
2.5.2. Disposition nouvelle (art. 394, §2 C.I.R. 1992) :
Ce paragraphe instaure une exception supplémentaire aux possibilités de recouvrement des
dettes fiscales dans le chef des conjoints séparés de fait.
Ainsi, l’impôt afférent aux revenus de l’in des conjoints recueillis à partir de la 2ème année
civile qui suit celle de la séparation de fait ne pourra plus être recouvré sur les revenus de
l’autre conjoint ni sur les biens qui ont été acquis par ce dernier au moyen de ces revenus.
Cette disposition entre en vigueur à partir de l’exercice d’imposition 2002, sans effet
rétroactif pour éviter de discriminer les contribuables qui se trouveraient dans la même
situation et qui ont pourtant payé l’impôt234.
2.5.3. Commentaires des §§2 et 3 :
Pour autant qu’il soit satisfait à la double condition posée par l’article 339bis (mise en
demeure par voie recommandée et envois d’une copie de l’AER), le conjoint séparé de fait
non-imposé reste redevable de la dette fiscale établie au nom de son conjoint (art. 394, §1er
du C.I.R. 1992).
Celui-ci ne peut soustraire au recouvrement de tout ou partie de ses biens que s’il peut
établir de manière certaine :
qu'il les possédait avant le mariage ;
ou qu'ils proviennent d'une succession ou d'une donation faite par une personne autre
que son conjoint ;
ou qu'il les a acquis au moyen de fonds provenant de la réalisation de semblables
biens ;
ou qu'il les a acquis au moyen de revenus qui lui sont propres en vertu de son régime
matrimonial.
A partir de l’exercice d’imposition 2002, dès la 2ème année civile qui suit la séparation de fait
effective, et quel que soit le régime matrimonial, le conjoint non-imposé peut soustraire à
l’emprise du Trésor, ses revenus et les biens qu’il a acquis exclusivement au moyen de ses
revenus, à quelle que date que ce soit.
234
Q. Parl, n°1421, de Mme de Meyer, 27 janvier 2004, Q&R, sess. ord, Chambre.
81
En vertu du §3, après la dissolution du mariage, l’impôt afférent aux revenus que de l’un
des ex-conjoints a obtenus à partir de la deuxième année civile qui suit celle de la séparation
de fait ne peut plus être recouvré sur les revenus de l’autre ex-conjoint ni sur les biens
acquis au moyen desdits revenus.
Cependant, dans les deux hypothèses, vu que l’article fait uniquement mention « d’impôt
afférent aux revenus » et non de « précompte », l’administration estime que cette restriction
au recouvrement n’est pas applicable au PrM et au PrP. Il en est de même pour les taxes
assimilées énumérées ci-avant235.
2.5.4. Exemple :
Quelles sont les possibilités de recouvrement à l’égard d’un couple séparé de fait durant
l’année 1999, marié sous le régime de la communauté légale ?
Revenus de l’année 1998 – exercice d’imposition 1999 :
Imposition commune (art. 126, al. 3 du C.I.R. 1992) et recouvrement en application du
paragraphe 1er de l’article 394 du C.I.R. 1992.
Revenus de l’année 1999 – exercice d’imposition 2000 :
Imposition commune (art. 126, al. 3 du C.I.R. 1992) et recouvrement en application du
paragraphe 1er de l’article 394 du C.I.R. 1992.
Revenus de l’année 2000 – exercice d’imposition 2001 :
Impositions distinctes enrôlées au nom des deux conjoints (art. 128, al. 1er, 2° du
C.I.R. 1992) et recouvrement en application du paragraphe 1er de l’article 394 du
C.I.R. 1992, sous réserve de l’application préalable de l’article 393bis236 du C.I.R.
1992.
Revenus de l’année 2001 – exercice d’imposition 2002 et suivants:
Impositions distinctes enrôlées au nom des deux conjoints (art. 128, al. 1er, 2° du
C.I.R. 1992) et recouvrement sur pied de l’article 394, §1er mais limité par le §2 et sous
réserve de l’application préalable de l’article 393bis du C.I.R. 1992.
235
236
Instruction AREC 4/2003 du 16 janvier 2003.
Le recouvrement d'un impôt établi conformément à l'article 128, alinéa 1, 2°, sur les revenus d'un conjoint
séparé de fait ne peut être poursuivi à charge de l'autre conjoint qu'à la condition:
1° qu'une mise en demeure de payer ait été envoyée, par pli recommandé à la poste, au conjoint sur les
revenus duquel l'impôt a été établi;
2° qu'un exemplaire de l'avertissement-extrait de rôle ait été adressé à l'autre conjoint dans un délai qui
prend cours le quinzième jour ouvrable suivant celui de l'envoi de la mise en demeure et se termine à la fin
du quatrième mois de cet envoi.
Aucune mise en demeure de payer ne peut être envoyée au conjoint sur les revenus duquel l'impôt a été
établi aussi longtemps qu'il respecte les obligations du plan d'apurement qui lui a, le cas échéant, été
consenti.
L'envoi de cet avertissement-extrait de rôle ouvre, au profit de son destinataire, le délai de réclamation
visé à l'article 371.
82
V.
LES POURSUITES :
Comme exposé à plusieurs reprises dans cet exposé, il arrive bien souvent que le Receveur
soit obligé de recourir à la contrainte afin d’obtenir le paiement dont il a la charge du
recouvrement.
Ce pouvoir, qui appartient au Receveur seul, en sa qualité de comptable de l’Etat, ne peut
s’exercer que sur base d’un titre existant et régulier, à savoir le rôle dont il est le détenteur
(et non l’avertissement-extrait de rôle). Un même contribuable peut donc dépendre de
plusieurs receveur si, par exemple, celui à déménager ou dispose de plusieurs immeubles
dans des régions différentes.
Certaines procédures permettent de concentrer les pouvoirs de recouvrement et/ou de
gestion de la procédure en mains d’un seul receveur appelé « centralisateur ». Tel est le cas
en matière de faillite ou de règlement collectif de dettes, où le Receveur du domicile du
contribuable se charge de la rédaction et du dépôt des déclarations de créance.
La présente partie est essentiellement consacrée à certains modes particuliers de poursuites
qu’il est essentiel de connaître pour les praticiens de la fiscalité.
Après avoir rappelé les procédures préalables aux poursuites, le présent titre abordera les
actes de poursuites directs et indirects les plus fréquents en pratique.
1.
Informations préalables aux poursuites :
Avant de pouvoir obliger ou forcer un contribuable à payer, celui-ci doit indispensablement
être informé de ce dont il est débiteur.
1.1. L’avertissement-extrait de rôle :
La première information est bien entendu réalisée par l’envoi d’un avertissement-extrait de
rôle, lequel reprend les éléments essentiels permettant au contribuable d’identifier la dette
d’impôt, la date de son exigibilité et la date des intérêts de retard.
Ce sujet a été longuement abordé dans un point précédent.
1.2. Avertissement téléphonique :
Depuis très peu de temps, tant en TVA qu’en contribution directe, un service (pilote) a été
mis en place afin de « rappeler » aux contribuables leurs obligations de paiement.
L’objectif escompté est d’intensifier et d’accélérer le recouvrement de l’impôt par des voies
simplifiées, amiables et moins couteuses (qu’un envoi recommandé ou par voie d’huissier).
Cette démarche, qui n’est prévue par aucune disposition légale, est ciblée avant tout en
matière de TVA et de précompte professionnel.
83
Pratiquement, il s’agit d’un contact téléphonique par lequel un fonctionnaire invite
« aimablement » le contribuable à effectuer le paiement des sommes dues, au risque de voir
son dossier passer au stade contentieux.
Aucun délai de paiement ne peut toutefois être accordé à ce stade. De même, cette
démarche n’entraine ni n’autorise de délai de suspension dans l’exécution.
1.3. La sommation :
En droit, le Receveur serait autorisé à mettre en œuvre les poursuites dès lors que le délai
(de deux mois) de paiement est révolu et que l’impôt reste impayé.
En pratique, un rappel est envoyé237, automatiquement et sans frais, par pli ordinaire, par
l’administration afin d’inviter le contribuable à s’exécuter, en rappelant le montant des
intérêts de retard dus et à devoir par mois.
Bien que l’omission de cette sommation ne nuise pas à la validité des poursuites, le
Receveur ne peut s’abstenir de l’envoyer sauf si l’octroi d’un délai complémentaire est
susceptible de nuire aux intérêts du Trésor238.
La sommation prévoit le délai imparti au contribuable afin de s’exécuter, délai qui court à
partir du jour de son envoi. Ce n’est qu’à l’expiration de ce dernier délai que les poursuites
peuvent être entamées.
Par ailleurs, il est recommandé au Receveur de laisser s’écouler quelques jours après
l’expiration desdits délais avant d’engager les poursuites.
1.4. L’envoi d’un recommandé :
Cette formalité est tout d’abord prévue à l’article 298, §2, al. 2 du CIR 1992 :
« [...] Les fonctionnaires adresseront un rappel par voie recommandée au moins un
mois avant le commandement qui sera fait par huissier de justice, sauf si les droits
du Trésor sont en péril. Les frais de l'envoi recommandé (5€) sont à charge du
redevable. »
Ensuite, et pour rappel, un tel envoi est imposé également par l’article 393bis du CIR 1992,
sous peine pour le Receveur de perdre le droit de recouvrer, à charge du conjoint séparé de
fait, l’impôt établi conformément à l'article 128, alinéa 1, 2°, sur les revenus de l’autre
conjoint.
237
238
Formulaire 247.
Une telle justification doit être apportée et démontrée par le Receveur s’il décide de se passer d’un tel
envoi.
84
2.
Les poursuites proprement dites :
2.1. Généralités :
Il existe deux grandes catégories de poursuites :
Les poursuites directes ;
Les poursuites indirectes.
La première catégorie est dirigée contre le redevable repris au rôle ou son représentant, et
comprennent :
o
o
o
o
o
Le commandement ;
La saisie-exécution mobilière ;
La saisie-exécution sur fruits pendants par racine (saisie-brandon) ;
La saisie-exécution sur navires et bateaux ;
La saisie-exécution immobilière.
A cet égard, auparavant, une telle saisie immobilière ne pouvait être effectuée qu’après avoir
obtenu, par l’intermédiaire du directeur régional, l’autorisation du Ministre des Finances239.
Cette procédure étant extrêmement lourde et la procédure du Code judiciaire étant
suffisamment protectrice des droits du débiteur240, cette autorisation préalable a donc été
supprimée par A.R.241 abrogeant l’article 160 de l’A.R./C.I.R. 1992 avec effet au 3 octobre
2005242.
La seconde est dirigée conte les tiers en vertu du recours autorisé par la loi. Font partie de
cette catégorie :
o
o
La saisie-exécution en mains de tiers détenteurs ;
La demande à adresser par pli recommandé aux tiers détenteurs et valant
sommation avec opposition sur les sommes, effets ou revenus détenus par
ces tiers (notification en mains des tiers détenteurs).
Il n’existe aucun ordre ni aucune hiérarchie dans les poursuites, sauf en ce qui concerne les
saisies qui doivent impérativement être précédées par un commandement de payer (à peine
de saisie). Il n’existe aucune obligation de recourir aux poursuites directes avant les
poursuites indirectes, et inversement.
Comme tout créancier, le Receveur devra néanmoins veiller, dans la mesure du possible, à
mener les poursuites avec le souci de causer le moindre dommage au redevable. Il devra
également veiller à éviter les actes de poursuites superflus et redondants, en tentant autant
que faire ce peut de regrouper les différentes cotisations restant ouvertes à charge d’un
même redevable.
239
240
241
242
Art. 160 A.R. / C.I.R. 1992.
Rapport au Roi de l’A.R. du 17 septembre 2005.
A.R. du 17 septembre 2005, M.B., 23 septembre 2005.
B. Mariscal, « L’autorisation préalable du Ministre en cas de saisie exécution immobilière est abrogée »,
Act. Fisc, n°2006/38, p. 7.
85
2.2. La contrainte243 :
En cas d’insuccès de la sommation, et s’il choisit de mettre en oeuvre des poursuites
directes, le receveur va donner à l’Huissier de justice d’opérer le recouvrement par les voies
légales d’exécution.
Il s’agit de la contrainte, laquelle se définit comme étant l’acte par lequel le Receveur des
contributions enjoint à l’Huissier de lui prêter son ministère en vue de l’exercice des
poursuites.
Ce document, qui découle essentiellement de la pratique administrative, ne requiert aucune
forme sacramentelle, mais doit toutefois mentionner les éléments nécessaires à la rédaction
des actes de poursuites, à savoir :
o
o
o
o
o
o
o
o
o
Les noms, prénoms, domicile et, éventuellement, la qualité des redevables à
poursuivre ;
L’exercice d’imposition, l’article de rôle et, éventuellement, la commune
d’imposition ;
La nature et le montant des sommes portées au rôle ;
Le reliquat de l’impôt dû ;
Une copie (par extrait) de l’exécutoire du rôle avec le nom du fonctionnaire
qui a rendu le rôle exécutoire ;
L’élection de domicile par le Receveur ;
Les références légales justifiant des poursuites à l’encontre du contribuable
repris au rôle ou contre des tiers ;
La date et le lieu où la contrainte est décernée ;
La signature du Receveur.
La contrainte sert pour tous les actes de poursuites contre le débiteur sans devoir être
renouvelée. Celle-ci est signifiée au débiteur avec le commandement.
2.3. Le commandement :
Le commandement est un acte par lequel un requérant, agissant par ministère d’huissier,
commande à une personne d’exécuter ce qu’un jugement l’a condamnée à faire ou ce à quoi
elle s’est obligée par acte exécutoire, en lui donnant copie du titre à exécuter, s’il n’a déjà
été signifié, et en lui déclarant qu’en cas de refus, le recouvrement sera poursuivi par toutes
voies légales de contrainte.
A la différence de la sommation, qui n’est qu’une contrainte morale, le commandement sert
de base à la contrainte réelle, et représente le premier acte de la procédure d’exécution244.
Cet acte est un préalable indispensable à toute saisie exécution245, et lors d’une conversion
d’une saisie conservatoire en une saisie exécution.
243
244
245
Articles 298 du CIR 1992 et 147 de l’AR/CIR 1992.
Pour une analyse détaillée de la nature du commandement, E.Van Brustem, « La nature du
commandement en général et en matière d’impôt sur les revenus en particulier : suite..et fin ? », RGCF,
2003/6, p. 3 à 18.
Articles 151 à 160 de l’AR/CIR 1992.
86
En droit commun, toute saisie-exécution mobilière (la plus fréquente) est précédée d'un
commandement au débiteur, fait au moins un jour avant la saisie et contenant le titre (ou la
contrainte en matière fiscale)246.
Ledit commandement porte généralement élection de domicile en l’étude de l’huissier
instrumentant, où le débiteur pourra faire toutes significations, même d'offres réelles et
d'appel247.
Pour rappel, en cas de difficulté d'exécution, toute partie intéressée peut se pourvoir devant
le juge des saisies, l'exercice de cette action n’ayant cependant pas d’effet suspensif248.
Dans la mesure où le commandement est un acte d’exécution, une opposition à cette
mesure peut être formée, de la même manière que contre la saisie-exécution elle-même249.
En droit fiscal, lorsqu'un redevable ne s'est pas acquitté de ses impôts dans les délais
légaux, le Receveur lui fait signifier un commandement de payer dans les vingt- quatre
heures, à peine d'exécution par voie de saisie.
Le commandement doit porter en tête, un extrait de l'article du rôle concernant le redevable
et une copie de l'exécutoire. Les versements partiels effectués ensuite de la signification
d'un commandement ne font pas obstacle à la continuation des poursuites.250
2.4. Les frais de poursuites :
Les frais de poursuites tombent naturellement à charge du contribuable, et sont prélevés par
préférence sur les paiements effectués par le redevable intéressé.
La perception des frais de poursuites n’est pas possible lorsque le contribuable est
insolvable, auquel cas, les frais tombent à charge de l’Etat étant donné que l’Huissier
instrumentant ne peut lui-même accorder de remise. Une procédure de dégrèvement des
frais de poursuites peut être mise en oeuvre par le Receveur.
S’il s’agit d’un contribuable notoirement insolvable, les frais devront être supportés par le
Receveur ou l’Huissier qui a exposé inutilement de tels frais.
La perception des frais ne se justifie pas lorsque le contribuable peut prouver qu’il avait payé
au moment de la signification de l’acte ou lorsque les poursuites ont été intentées pour une
cotisation intégralement dégrevée par après suite à une décision administrative ou à une
décision judiciaire.
246
247
248
249
250
Article 1499 du Code judiciaire.
Article 1500 du Code judiciaire.
Article 1488 du Code judiciaire.
Cass., 24 mars 1977, Pas, 1977, I, 792 ; Civ Termonde, saisies, 12 janvier 1993, Bull Bel, 1996, 223.
Articles 149 et 150 de l’AR/CIR 1992.
87
3.
Privilèges et hypothèque légale du Trésor251 :
Pour assurer le paiement de l’impôt dû, le Trésor dispose davantage de droits qu’un
créancier ordinaire, ce qui se traduit par les possibilités suivantes :
3.1. Le Receveur peut exiger des garanties252 :
Par décision motivée, le Directeur régional des contributions directes peut exiger qu’une
garantie réelle ou une caution personnelle soit constituée par le bénéficiaire de bénéfice ou
de profit, ou encore le débiteur de précompte, lorsque la valeur vénale de ses biens situés
en Belgique, et qui constituent le gage du Trésor, est insuffisante pour couvrir le montant
présumé des obligations qui lui incombent pour une année.
Les éléments servant de base à la fixation des montants de la garantie réelle et de
l'engagement de la caution personnelle, ainsi que les conditions et modalités de leur
constitution, sont fixés par le Roi253.
Dans le mois de la notification de cette décision par lettre recommandée, le redevable peut
introduire un recours devant le juge des saisies :
o
Du lieu où il exerce ou se propose d'exercer l'activité productive des revenus ;
o
En ce qui concerne les précomptes, la compétence revient au juge des saisies du lieu
du bureau où la perception doit être faite.
Le recours est suspensif et la procédure est poursuivie selon les formes du référé, prévues
par les articles 1035 à 1041 du Code judiciaire.
La garantie ou la caution doit être constituée dans un délai de deux mois à compter :
o
Ou de la notification de la décision du Directeur ;
o
Ou de la date à laquelle la décision judiciaire est coulée en force de chose jugée. Il n’y
a pas lieu à constitution si le redevable cesse ses activités avant l'expiration de ce
délai.
Lorsque la décision concerne une activité professionnelle future, débutant après l'expiration
du délai de deux mois susvisé, la garantie réelle ou la caution personnelle doit être
constituée avant le début de l'exercice de cette activité professionnelle.
Cette mesure n’est donc pas destinée à garantir le paiement d’arriérés d’impôts dont le
contribuable reste redevable, mais vise uniquement les dettes futures non encore exigibles à
la date de la décision du Directeur254.
251
252
253
254
O. Daout, « Memento de la procédure fiscale », Bruxelles, Kluwer, 2003, p. 73 et 74.
Articles 20 et 421 du CIR 1992.
Articles 211 à 219 de l’AR/CIR 992.
Com IR 1992, n°420/5.
88
Il est donc certain que le Receveur ne pourrait exiger une telle garantie pour une imposition
contestée.
3.2. Le Receveur dispose d’un privilège général sur meubles255 :
Le Trésor a, pour le recouvrement des impôts directs, un privilège général sur les revenus et
les biens meubles de toute nature, à l’exception des navires et des bateaux, tant du
redevable que du conjoint et des enfants de celui-ci, en vertu du principe du cumul des
revenus familiaux.
Ce privilège couvre l’impôt en principal, intérêts et frais, mais pas les amendes et les
accroissements.
Depuis le 10 janvier 1997256, l’exercice de ce privilège est illimité dans le temps. Avant cette
date, il ne pouvait s’exercer que pendant deux ans à dater de l’exécutoire du rôle.
Ce privilège prend rang immédiatement après celui mentionné à l’article 19, 5° de la loi
hypothécaire, c.-à-d. après le privilège du fournisseur non-payé de subsistances faites au
débiteur et à sa famille.
Le Receveur est encore mieux armé pour la perception du précompte professionnel, lequel a
le même rang que celui des cotisations ONSS (art. 19, 4° de la loi Hypothécaire). En cas de
concours, les deux créanciers seront payés proportionnellement à leur créance.
Enfin, l’article 423 du CIR 1992 précise que l'affectation par préférence visée à l'article 19 in
fine de la loi hypothécaire est applicable aux impôts et aux précomptes professionnels.
Selon cette portion de l’article 19, lorsque la valeur des immeubles vendus n'a pas été
absorbée par les créances bénéficiant d’un privilège sur immeuble ou d’une hypothèque, le
privilège sur meuble du créancier à l’article 19 se reporte sur la portion du prix qui reste due.
Le Receveur bénéficie donc d’une priorité sur les créanciers chirographaires pour le solde
du prix de vente d’un immeuble, même s’il n’a pas pris son hypothèque légale257.
Enfin, la Cour de cassation a récemment estimé que le privilège général sur les revenus et
les biens meubles d’un redevable dont dispose le fisc, pour le recouvrement des impôts
directs, lui ouvre le droit de former une tierce opposition dans une procédure au cours de
laquelle un bien immeuble du redevable fait l’objet du litige258.
3.3. Le Receveur peut prendre hypothèque sur les biens immobiliers du contribuable :
La créance du Trésor du chef d’impôt sur les revenus est garantie par une hypothèque
légale.
255
256
257
258
Articles 422 et 423 du CIR 1992. Circulaire Ci RH 882/457.392 du 24 janvier 1994.
A.R. du 12 décembre 1996.
N. Pirotte, « Le recouvrement fiscal », Bruxelles, Kluwer, 2000, Collection Pratique du droit, p. 120.
Cass., 22 novembre 2007, R.G.C.F., n°2008/5, p. 391.
89
Une telle garantie ne couvre que les impôts et précomptes, en principal, intérêts et frais,
mais pas les amendes et les accroissements. Elle porte sur l’ensemble des biens
susceptible d’une hypothèque (immeuble, navires et avions), situés en Belgique,
appartenant au redevable, à son conjoint ou ses enfants, dans la mesure où le
recouvrement peut être poursuivi sur leurs revenus et biens.
Avant la loi du 27 décembre 1950, l’hypothèque légale du Trésor était « occulte » et primait,
sans inscription durant deux ans, toutes inscriptions existantes. L’article 426 du CIR 1992 a
abandonné ce système : désormais, l’hypothèque ne prenant rang qu’à compter de son
inscription, conformément au droit commun.
Cette hypothèque peut être inscrite à compter de la date d’exigibilité de l’impôt, sous
réserve :
o
De la mise en péril des droits du Trésor ;
o
De l’hypothèse des précomptes mobiliers et professionnels.
Dans ces deux cas, le Receveur est autorisé à prendre inscription sans délai, dès
l’exécutoire.
Avant de requérir l’inscription, le Receveur doit adresser au contribuable, par pli
recommandé, une lettre indiquant son intention259 avec une copie du bordereau d’inscription.
Sauf urgence, cet envoi doit être adressé 15 jours avant l’inscription. Le défaut de paiement
volontaire à l’expiration de ce délai est présumé représenter un consentement tacite,
permettant à l’administration de procéder à l’inscription sans autre formalité260.
SI les droits du Trésor sont en périls ou si le contribuable s’oppose à cette mesure, le
Receveur doit impérativement motiver son point de vue, conformément à la loi du 29 juillet
1991, en invoquant des éléments concrets et non hypothétiques261.
L'inscription a lieu nonobstant opposition, contestation ou recours, sur présentation d'une
copie certifiée conforme par le receveur compétent de l'avertissement-extrait mentionnant la
date de l'exécutoire du rôle262.
En matière de faillite, l’hypothèque légale peu encore être inscrite, non seulement durant la
période suspecte, mais encore après le jugement déclaratif de faillite du redevable, en ce qui
concerne les impôts compris dans les rôles rendus exécutoires antérieurement au jugement
déclaratif de faillite263.
Le receveur donne mainlevée dans la forme administrative sans qu'il soit tenu, vis-à-vis du
conservateur des hypothèques, de fournir la justification du paiement des sommes dues.
Les frais de formalités hypothécaires relatives à l'hypothèque légale sont à charge du
redevable264.
259
260
261
262
263
264
Modèle 249.2, lequel ne doit pas être motivé conformément à la loi du 29 juillet 1991 car il ne s’agit que
d’une « intention ».
Com IR 1992, n°427/10.
Com IR 427/10 ; Ci RH 14.438.580 du 14 février 1992, n°15 et 18, Bull contr, n°715, p. 1090.
Article 428 du CIR 1992.
Article 427, al.3 CIR 1992 ; Gand, 26 mai 1997, FJF, n°97/267.
Articles 428 à 432 du CIR 1992.
90
Si, avant d'avoir acquitté les sommes garanties par l'hypothèque légale, les intéressés
désirent en affranchir tout ou partie des biens grevés, ils en font la demande au receveur
compétent.
Cette demande est admise si l'État a déjà ou s'il lui est donné sûreté suffisante pour le
montant de ce qui lui est dû.
3.4. Les pouvoirs d’investigation du Receveur :
Selon l’article 319 bis du CIR 1992 :
« Les fonctionnaires chargés du recouvrement disposent de tous les pouvoirs
d'investigations prévus par le présent Code en vue d'établir la situation patrimoniale du
débiteur pour assurer le recouvrement des impôts et des précomptes dus en principal
et additionnels, des accroissements d'impôts et des amendes administratives, des
intérêts et des frais. »
Cette disposition, en vigueur depuis le 1er janvier 1997, attribue aux fonctionnaires chargés
du recouvrement tous les pouvoirs d'investigation prévus par le CIR 1992 en vue d'établir la
situation patrimoniale du débiteur afin d'assurer le recouvrement des impôts et des
précomptes dus en principal et additionnels, des accroissements d'impôts, des amendes
administratives, des intérêts et des frais265 :
«Il s'agit en l'occurrence d'un pouvoir d'investigation limité à l'établissement de la
situation patrimoniale d'un débiteur d'une dette fiscale en vue de son recouvrement qui
n'autorise donc pas le fonctionnaire chargé du recouvrement qui en fait l'usage à
modifier personnellement la qualification de revenus fixée par la loi.
Il n'est cependant pas exclu que ce fonctionnaire informe son collègue de la taxation
de toute constatation susceptible d'entraîner une éventuelle requalification des revenus
attribués266.»
Selon l’avis du Conseil d’Etat, rendu dans le cadre de la procédure d’élaboration de la loi :
«Le but de cette disposition est d'accorder explicitement aux fonctionnaires du
recouvrement les pouvoirs d'investigation et de contrôle qui apparaissaient (...)
réservés aux seuls fonctionnaires taxateurs, pour leur permettre de travailler, le cas
échéant, de concert ou séparément aux mêmes conditions, dans les mêmes
circonstances, et suivant des méthodes identiques. Alors que le fonctionnaire de la
taxation recherche, dans le cadre de ses pouvoirs d'investigation, des éléments lui
permettant d'établir l'impôt, le fonctionnaire chargé du recouvrement procède, dans le
cadre des mêmes pouvoirs, à ses investigations de nature à identifier les éléments
saisissables du patrimoine du redevable. La démarche est similaire, l'objet de la
recherche identique (revenus dissimulés). La finalité en est, cependant différente: pour
les uns (fonctionnaires de la taxation), les éléments découverts permettront, le cas
échéant, d'établir une imposition nouvelle (supplément d'impôt); pour les autres
(fonctionnaires chargés du recouvrement), ces éléments permettront d'identifier des
revenus saisissables en vue de leur préhension destinée à apurer des impôts
existants267.»
265
266
267
R. Wynand, « Procédure fiscale, le contrôle de la déclaration », do fiscum, éd. Électronique.
Q.P. du 3 septembre 1997, n° 1020, Député Pieters, Bulletin des Q.R., Chambre, session ordinaire
1997/1998, du 10 novembre 1997, n° 104, p. 14147.
Avis du Conseil d'État, M.B., 31 décembre 1996, p. 32366.
91
Les pouvoirs d’investigations et les procédures auxquels les fonctionnaires du recouvrement
peuvent recourir sont ceux contenus Titre VII, chapitre III du CIR 1992, à savoir les articles
315 à 338 du CIR 1992, et ce exclusivement afin d’établir la situation patrimoniale du
débiteur en vue d’assurer le recouvrement d’une dette fiscale due.
Cette disposition n’impose aucune condition ou autorisation préalable aux investigations en
matière de recouvrement autre, le cas échéant, que celles prévues éventuellement par les
dispositions réglant les investigations d’établissement de l’impôt proprement dit268.
En principe, tous les agents chargés du recouvrement des impôts directs sont habilités à
recourir aux dispositions précitées, pourvu qu’ils soient munis de leur commission s’ils
veulent user de leur droit de visite. L’usage du terme « chargé du recouvrement »
n’impliquerait pas qu’un mandat individuel soit exigé : il suffit que l’enquête menée entre
dans les attributions normales du fonctionnaire269.
Ce texte ouvre en outre une brèche dans le secret bancaire.
Compte tenu du texte légal, les fonctionnaires chargés du recouvrement auraient
parfaitement le droit, dans les conditions de l'article 318, alinéa 2, du CIR 1992, de mener
des investigations en banque afin d'établir la situation patrimoniale des débiteurs du fisc270.
La jurisprudence majoritaire semble entériner la position administrative271 :
« Les articles 318 et 322 CIR 1992 interdisent à l'Administration fiscale de recueillir des
renseignements auprès des institutions financières en vue de l'imposition de leurs
clients. Ce n'est que lorsqu'il existe des présomptions permettant de 'présumer
l'existence ou la préparation d'un mécanisme de fraude fiscale' que le fisc peut relever
dans les comptes, livres et documents des institutions financières des renseignements
en vue de la détermination des impôts dus par leurs clients.
Les limitations posées par les articles 318 et 322 CIR 1992 ne s'appliquent que lorsque
des renseignements sont demandés en vue de l'établissement de l'impôt. Ces
limitations ne s'appliquent pas lorsque des renseignements sont rassemblés en vue du
recouvrement de cotisations déjà établies.
Les articles 318 et 322 CIR 1992 ne limitent aucunement les compétences
d'investigation des fonctionnaires fiscaux chargés du recouvrement de l'impôt272. »
« En vertu de l'article 319bis CIR92, les fonctionnaires chargés du recouvrement
disposent de tous les pouvoirs d'investigation prévus par ce Code en vue d'établir la
situation patrimoniale du débiteur pour assurer le recouvrement des impôts et des
précomptes dus en principal et additionnels, des accroissements d'impôts et des
amendes administratives, des intérêts et des frais.
268
269
270
271
272
Par exemple l’article 334 du CIR 1992, l’article 318 du CIR 1992, ou encore les fonctionnaires du
recouvrement ne peuvent pénétrer dans les bâtiments ou locaux habités que de 5 heures du matin à
9 heures du soir et avec l’autorisation du juge du Tribunal de Police préalablement sollicitée par
l’inspecteur principal de la cellule juridique.
Instruction Ci R 49/494.923 du 31 mai 1999.
Question n° 393 de M. Viseur dd. 13.06.2000 Bull. n° 817, p. 1545 Questions et Réponses, Chambre,
2002-2003, n° 48, p. 5691.
Comm. Charleroi, 4 novembre 2003, F.J.F., n°2004/287 ; contra Liège, 28 novembre 2003, F.J.F.,
2004/185.
Civ. Anvers, 1er septembre 2004, R.G.C.F., n°2007/5, p. 350.
92
En vertu des articles 318 et 322 CIR92, l'administration n'est pas autorisée à recueillir
des renseignements auprès des établissements financiers en vue de l'imposition de
leurs clients à moins qu'il y ait des éléments permettant de présumer l'existence ou la
préparation d'un mécanisme de fraude fiscale.
Par conséquent, le premier juge décide à bon droit que cette interdiction visée aux
articles 318 et 322 CIR92 n'a trait qu'à l'établissement de l'impôt dans le chef des
clients des établissements financiers, mais aucunement au recouvrement de l'impôt
dans le chef des clients des établissements financiers.
Les fonctionnaires chargés du recouvrement ne sont donc pas limités dans leurs
pouvoirs d'investigation pour le recouvrement de l'impôt, de sorte que l'interdiction des
articles 318 et 322 CIR92 ne leur est dès lors pas applicable.
En vertu de l'article 319bisCIR92, la S.A. D. B. est dès lors tenue de fournir les
renseignements demandés. »273
Un pourvoi en cassation a été introduit à l’encontre de cette dernière décision, pourvoi qui,
sauf erreur, n’a toujours pas été tranché à ce jour.
4.
Analyse choisie de certains modes de recouvrement spécifiques au droit fiscal :
4.1. La notification en mains des tiers détenteurs :
Ce mécanisme, improprement appelé « saisie-arrêt » simplifiée, est prévu par l’article 164 de
l’AR/CIR 1992, lequel impose à :
« tous fermiers, locataires, receveurs, agents, économes, notaires, huissiers de justice,
greffiers, curateurs, représentants et autres dépositaires et débiteurs de revenus,
sommes et effets dus ou appartenant à un redevable, sont tenus, sur la demande que
leur en fait le receveur compétent par pli recommandé à la poste, de payer sur la
partie saisissable des revenus, sommes et effets qu'ils doivent ou qui sont entre leurs
mains, et à l'acquit du redevable, jusqu'à concurrence de tout ou partie du montant dû
par ce dernier au titre d'impôts, accroissements d'impôts, intérêts de retard,
amendes et frais de poursuite ou d'exécution. »
Le paiement ne peut toutefois être exigé des tiers détenteurs qu'au fur et à mesure des
échéances de leurs obligations à l'égard du redevable.
Le receveur ne devra cependant pas renouveler la demande aussi longtemps que les
causes n'en ont pas été acquittées274.
Sans être une réelle saisie-arrêt, cette mesure vaut « sommation avec opposition sur les
revenus, sommes et effets. »
Il s’agit d’une poursuite indirecte275 dont la mise en œuvre ne nécessite pas la signification
préalable d’un commandement ou d’un acte équipollent276.
273
274
Anvers, 7 février 2006, www.fisconet.fgov.be.
Article 164, §2 AR/CIR 1992.
93
275
276
Cass., 25 avril 1997, FJF, n°97/242.
Cass., 19 novembre 1992, Rev Not b, 1993, p. 144.
94
La notification donne toutefois lieu à établissement d’un avis de saisie, adressé endéans les
24 heures au greffe du Tribunal des saisies au titre de mesure de publicité277.
4.1.1. Obligations du tiers détenteur :
Si le tiers détenteur n’est pas en mesure de satisfaire à la demande du Receveur dans les
15 jours du dépôt à la poste du pli recommandé, celui-ci doit rédiger une déclaration de tiers
saisi, conformément à l’article 1452 du Code judiciaire.
Ils sont également tenus d'informer le receveur, par lettre recommandée à la poste et dans
les quinze jours, de tous les éléments nouveaux qui interviendraient après le dépôt de leur
déclaration278.
Si le tiers détenteur invoque un obstacle à l’exécution de la demande (l'opposition du
redevable, ou que des tiers détenteurs contestent leurs obligations à l'égard du redevable,
ou que les revenus, sommes et effets font l'objet, de la part d'autres créanciers, de quelque
opposition ou saisie-arrêt antérieure à la demande, ou encore que les effets doivent être
réalisés279), le Receveur devra impérativement procéder à une saisie-arrêt exécution de droit
commun s’il veut en poursuivre les effets.
En effet, l’article 165, §2 AR/CIR 1992 précise que cette saisie-exécution doit être pratiquée
dans le mois de la sommation ou de la déclaration du tiers détenteur, à défaut de quoi la
sommation est réputée nulle et non avenue.
Bien entendu, le droit commun en matière d’exécution reste applicable, entre autre l’article
1409, §2 du Code Judiciaire fixant les quotités insaisissables des rémunérations, lesquelles
sont indexées annuellement280.
L’article 1411 du Code judiciaire est également applicable, et permet de cumuler les
revenus, pensions et/ou autres allocations que le contribuable retire de plusieurs débiteurs
pour déterminer la quotité cessible ou saisissable.
4.1.2. Le tiers détenteur « peut » être poursuivi comme débiteur direct :
SI le tiers détenteur ne renvoi pas de déclaration, l’adresse avec retard ou si celle-ci est
incomplète ou erronée, celui-ci « est » poursuivis comme s'il était débiteur direct.
Ce texte déroge au principe de l’article 1452 du Code Judiciaire : le Code judiciaire n’ouvre
qu’une possibilité de poursuite comme débiteur direct, tandis que le droit fiscal implique
une automaticité de cette sanction.
La question de la compatibilité de cette mesure avec les principes constitutionnels d’égalité
et de non-discrimination a d’abord été soumise à la Cour de cassation.
277
278
279
280
Article 164, §3, al. 2 AR/CIR 1992.
Article 164, §4 AR/CIR 1992.
Article 165, §1er AR/CIR 1992.
AR du 4 décembre 1998, lequel a été commenté par la circulaire du 22 janvier 1999, Ci RH 14/301.697,
Bull contr, 1999, p. 71 et 72 ; ces montants ont été dernièrement modifiés par l’AR du 10 décembre 2002.
95
La Cour a légitimé l’application immédiate (et donc sans contrôle judiciaire ni condition de
preuve) de cette sanction absolue (non-facultative) et intégrale (sans restrictions) à charge
du tiers saisi.
Selon la Cour, le Code habilité le Roi à prévoir des modalités de poursuites indirectes
dérogeant au droit commun de l’exécution forcée, dans la mesure où l’intérêt public
l’exige281.
Par contre, la Cour d’arbitrage a quant à elle conclu par deux fois à la différence de
traitement, laquelle n’est justifiée par une cause objective, légitime et proportionnelle282.
La Cour juge excessive la rigueur de cette sanction, et ce d’autant plus que e tiers est rendu
« obligé » à un impôt qui lui est tout à fait étranger, la spécificité de la créance fiscale
n’appelant pas une telle atteinte au patrimoine d’un tiers ni une telle disproportion.
Cette disproportion est d’autant plus grande qu’il n’existe aucun contrôle judiciaire à cette
mesure (autorisation préalable du Juge des saisies).
Depuis lors, le calme semble être revenu dans le monde judiciaire, la Cour de cassation
s’étant ralliée à la position de la Cour d’arbitrage283.
Le Ministre des Finances a d’ailleurs confirmé que la sanction devait être appliquée au tiers
détenteur conformément à l’article 1452 du Code judiciaire284.
En conclusion, il appartient actuellement au Receveur de solliciter préalablement auprès du
Juge des saisies la condamnation du tiers détenteur, sur base de la contrainte adressée et
annexée à la notification fiscale285. Le Juge appréciera et contrôlera tant l’opportunité que le
montant de la sanction.
4.1.3. Arrêt de la Cour d’arbitrage du 15 octobre 2002 :
Saisie sur une question préjudicielle par la Cour d’appel de Gand le 24 octobre 2000, la
Cour d’arbitrage a estimé que le débiteur d’une dette d’impôt contestée ne peut être privé
d’un contrôle juridictionnel effectif de la saisie conservatoire pratiquée par le Receveur à son
égard, sous peine de violer les principes constitutionnels d’égalité et de nondiscrimination286.
Le Juge des saisies bénéficie donc d’un pouvoir de pleine juridiction s’agissant d’apprécier le
caractère certain, liquide et exigible d’une créance d’impôt contestée.
Cependant, tout comme en droit commun, le pouvoir de contrôle du Juge de saisies devra
s’exercer en vue de sauvegarder les droits légitimes du Trésor, sans considérer pour autant
que la dette fiscale réponde a priori aux exigences de l’article 1415 du Code judiciaire.
Un exemple jurisprudentiel sera abordé ci-après, dans le cadre de l’analyse de l’article 166
AR/CIR 1992.
281
282
283
284
285
286
Cass., 19 décembre 1988, JLMB, 1988, p. 142 ; Cass., 24 mai 1996, JLMB, 1996, p. 11.
C.A., 5 mars 1997, FJF, n°97/92 ; C.A., 12 juin 1997, FJF, n°97/185.
Cass., 5 septembre 1997, www.cass.be
Q parl, n°868, 30 avril 1997, Bull QR, Ch repr, sess ord, 1996-1997, p. 11755. ; QP, 12 novembre 1997,
M. Delcroix, Bull contr, n°782, p. 1045.
Instruction du 17 août 1999.
C.A, 15 octobre 2002, arrêt n°149/02, do fiscum, éd électronique.
96
4.1.4. Arrêt de la Cour de cassation du 16 décembre 2005287 :
La Cour de cassation a rendu un important arrêt quant à la nature et aux effets de la saisiearrêt simplifiée.
Dans le cas soumis à la Cour, le fisc a procédé à une saisie-arrêt simplifiée en mains d’un
débiteur du contribuable. La banque dudit contribuable décide de mettre en œuvre le gage
sur fonds de commerce qui lui a été concédé. Avertie par les avis de saisies, ladite banque
se manifeste expressément par la voie de son huissier auprès du fisc pour obtenir paiement
de sa créance, dans le cadre de la procédure de répartition par contribution, son privilège
(privilège spécial sur meuble) étant supérieur à celui du fisc (privilège général sur meuble).
Vu le refus du fisc de s’exécuter volontairement, l’affaire est portée en justice. Tant en
première instance qu’en appel, le créancier gagiste obtient gain de cause. Ces décisions
consacrent, en vertu de la jurisprudence de la Cour de cassation288, le fait que la distribution
par contribution est le cadre procédure pour la prise en compte des intérêts des autres
créanciers du débiteur saisi. Il n’existe aucun privilège pour le premier saisissant. Dans la
mesure où le régime fiscal n’est pas dérogatoire au droit commun, le fisc doit subir la loi du
concours et la dimension collective de la saisie-arrêt. Le fisc doit alors remettre les fonds à
l’huissier instrumentant afin qu’il procède à la répartition des fonds, le Receveur ne
disposant pas de ce pouvoir.
La Cour de cassation renverse toutefois la donne.
Selon elle, la saisie-arrêt simplifiée est en fait un « mécanisme d’attribution ».
Ainsi, une telle saisie simplifiée n’a pas pour effet d’attribuer définitivement le montant de la
saisie-arrêt au créancier saisissant ; en cas de saisie antérieure pratiquée par un autre
créancier du redevable, le montant de la saisie-arrêt est soumise au concours des
créanciers de celui-ci.
Cet effet attributif n’est donc pas applicable lorsque d’autres mesures de poursuites l’ont
précédé.
Par contre, sensible à l’argument développé par l’Avocat général, le Cour estime que l’ordre
au fisc de remettre les fonds à lui versés antérieurement à la saisie du banquier n’est pas
légalement justifié.
En effet, selon les conclusions de l’Avocat général, les règles relatives au concours des
créanciers du redevable ne sont pas applicables si ceux-ci ont pas précédé à une saisiearrêt ou tout acte d’exécution antérieurement à le saisie du fisc, d’où il se déduit une volonté
de s’associer à la saisie du fisc. Dans ce cas, la saisie simplifiée a pour effet d’affecter les
sommes exclusivement à l’apurement des dettes fiscales : dès lors que ces sommes sont
sorties du patrimoine du redevable, par l’affectation qu’elles ont reçue, le fisc échappe au
concours qui pourrait résulter d’un acte d’exécution ultérieur mis en œuvre par un autre
créancier.
287
288
Cass., 16 décembre 2005, J.T., 2006, p. 704 et note F. Georges.
Cass., 11 avril 1997, J.L.M.B., 1997, p. 911 et note F. Georges.
97
De la sorte, la Cour consacre, de manière très critiquable, un déséquilibre entre les
privilèges reconnus aux créanciers, une dérogation plus que discutable aux règles du
concours et de répartition prévues par le droit commun du droit judiciaire et une exception au
caractère collectif de la saisie-arrêt.
Une fois encore la « spécificité » du droit fiscal est reconnue et consacrée afin de justifier les
pouvoirs exorbitants du fisc et leur primauté sur le droit commun.
4.2. Responsabilité et obligations de certains officiers ministériels, fonctionnaires publics et
autres personnes :
4.2.1. La notification fiscale notariale :
Historiquement, cette procédure s’explique par le fait qu’avant l’entrée en vigueur de la loi du
27 décembre 1950, le Trésor bénéficiait d’une hypothèque occulte sur les biens immeubles
du contribuable.
Le caractère occulte de l’hypothèque légale ayant été supprimé et son rang étant déterminé
par la date de son inscription, le Receveur devait être informé des projets de mutations et
d’affectation hypothécaire afin de pouvoir prendre son inscription à temps.
En vertu de l’article 433 du CIR 1992 :
« Les notaires requis de dresser un acte ayant pour objet l'aliénation ou l'affectation
hypothécaire d'un immeuble, d'un navire ou d'un bateau, sont personnellement
responsables du paiement des impôts et accessoires pouvant donner lieu à
inscription hypothécaire, s'ils n'en avisent pas, dans les conditions prévues ciaprès, le receveur des contributions dans le ressort duquel le propriétaire ou
l'usufruitier du bien a son domicile ou son principal établissement et, en outre, s'il s'agit
d'un immeuble, le receveur des contributions dans le ressort duquel il est situé. »
Cette information prend la forme d’un avis, appelé « bleu notaire » en raison de la couleur du
formulaire utilisé à l’origine, établi en double exemplaire et adressé par lettre recommandée
à la poste.
Depuis peu, cette information peut également être adressée au moyen d'une procédure
utilisant les techniques de l'informatique et de la télématique289.
Si l'acte envisagé n'est pas passé dans les trois mois à compter de l'expédition de l'avis,
celui-ci sera considéré comme non-avenu.
Si l'intérêt du Trésor l'exige, le Receveur notifie au notaire, avant l'expiration du douzième
jour ouvrable qui suit la date d'expédition de l'avis prévu, par lettre recommandée à la poste,
le montant des impôts et accessoires pouvant donner lieu à inscription de l'hypothèque
légale du Trésor sur les biens faisant l'objet de l'acte290.
289
290
A.m. du 15 mai 2003, MB, 20 mai 2003, p. 27347 : « Le Ministre des Finances désigne le Service
d'encadrement T.I.C. du Service public fédéral Finances pour délivrer l'accusé de réception visé à l' article
433, § 2, alinéa 3, du C.I.R. 1992 et à l'article 93ter, § 1erbis, alinéa 3, du C.T.V.A »
Article 434 du CIR 1992, une version différente existe pour la région flamande.
98
Lorsque l’acte est passé, la notification sus-visée emporte saisie-arrêt entre les mains du
notaire sur les sommes et valeurs qu'il détient, en vertu de l'acte pour le compte et au profit
du redevable291.
Toutefois, si les sommes et valeurs saisies-arrêtées sont inférieures à l'ensemble des
sommes dues aux créanciers inscrits et aux créanciers opposants, en ce compris les
receveurs des contributions directes, le notaire doit, sous peine d'être personnellement
responsable de l'excédent, en informer ces receveurs par lettre recommandée déposée à
la poste au plus tard le premier jour ouvrable qui suit la passation de l'acte.
Le Receveur concerné dispose alors d’un délai de huit jours ouvrables à compter du
dépôt à la poste de l’information par le notaire pour procéder à l’inscription de
l’hypothèque légale, auquel cas la transcription ou l'inscription de l'acte passé par le notaire
ne lui est pas opposable.
En pratique, la notification est systématique, que l’imposition soit contestée ou non, sans
égard au montant en cause et sans jamais justifier de l’urgence. Cette attitude est pourtant
contraire aux instructions administratives.
A la lecture du texte, la notification ne s’impose que si les « intérêts du Trésor l’exigent ».
La notification des impôts dus ne doit donc pas nécessairement être faite dans tous les
cas292, et elle ne peut être considérée comme un simple instrument de recouvrement. Le
législateur a entendu instaurer uniquement une « précaution » destinée à prévenir que le
recouvrement des impôts dus par le vendeur ou l'emprunteur hypothécaire soit
compromis293.
Le Receveur doit apprécier si le projet d'aliénation ou d'affectation hypothécaire est de
nature à mettre les droits du Trésor en péril. Il détermine en conscience la ligne de conduite
à adopter en tenant compte des intérêts en jeu, de l'importance des garanties qui
subsisteront après passation de l'acte, du comportement habituel du redevable et de toutes
autres circonstances de fait.
Le receveur devra cependant s'abstenir de notifier s'il a la conviction que l'acte ne porte pas
préjudice au recouvrement de la créance fiscale294. Tel est le cas si la solvabilité du
contribuable n’est pas réduite par cette opération, ce que le Receveur se doit de vérifier
sous peine de mise en cause de sa responsabilité295.
Même si l’administration invite à motiver la notification fiscale296, la jurisprudence estime qu’il
s’agit d’un acte d’exécution et non d’un acte administratif au sens de la loi du 29 juillet
1991297.
291
292
293
294
295
296
297
Article 434 du CIR 1992.
Com IR 1992 ; n°434/3.
Com IR 1992, n°434/4 ; Annales parlementaires, Sénat, séance du 5 décembre 1950, pp. 117 et 118.
Com IR 1992, n°434/5 et 434/6.
J-J Debacker, « Le recouvrement de l’impôt contesté et les garanties du Trésor », RGCF, 2003/3, p. 36 ;
T. Denotte, « Les notifications fiscales notariales en matière d’impôts directs », Rec gén enr not, n°25.190,
p. 566.
Ci RH 884/458.433 du 25 août 1994, Bull contr, n°742, p. 2197.
Cass., 10 novembre 2000, Pas, 2000, I, p. 615.
99
La notification fiscale n’empêche aucunement les parties de passer l’acte envisagé.
Toutefois, si l’acte est passé, les sommes détenues par le notaire en vertu de cette
opération sont saisis-arrêtés, à titre conservatoire298.
Même s’il y a saisie, le notaire n’est pas dans l’obligation de verser les sommes au
Receveur, mais doit à tout le moins conserver celles-ci par-devers lui.
En cas de notification fiscale abusive, le contribuable pourra s’adresser en premier lieu au
Receveur afin d’obtenir mainlevée de cette saisie, en invoquant l’absence d’urgence, la
solvabilité manifeste et surtout en soulignant la possibilité de devoir réparer les
conséquences d’une procédure téméraire et vexatoire.
S’il refuse de donner mainlevée, il est toujours possible d’obtenir la consignation des fonds
en mains du notaire.
En dernier lieu, et en tenant compte des coûts et du délai de la procédure, un recours devant
le juge des saisies pourra être introduit, assortie éventuellement d’une demande de
dommages et intérêts. Le Receveur devra justifier de la condition de célérité qui demeure
jusqu’au moment où le juge statue. Le contribuable pourra se contenter de contester son
insolvabilité ou le caractère certain, liquide et exigible de la créance fiscale. Si le receveur a
procédé à l’inscription de l’hypothèque légale, la mainlevée devra être demandée au
Tribunal de Première Instance299.
4.2.2. Fonctionnaires publics et officiers ministériels chargés de la vente publique de
biens mobiliers :
L’article 442 du CIR 1992 prévoit une procédure similaire à celle visée ci-avant, à l’égard des
fonctionnaires publics et les officiers ministériels chargés de la vente publique de biens
mobiliers dont la valeur s’élève au moins à 250 € :
« Les fonctionnaires publics ou les officiers ministériels chargés de vendre
publiquement des meubles, dont la valeur atteint au moins 250,00€, sont
personnellement responsables du paiement des impôts et accessoires dus par le
propriétaire au moment de la vente, s'ils n'en avisent pas, par lettre recommandée à la
poste, au moins huit jours ouvrables à l'avance, le receveur des contributions du
domicile ou du principal établissement du propriétaire desdits meubles.
Lorsque la vente a eu lieu, la notification du montant des impôts et accessoires faite
par le receveur des contributions compétent, par lettre recommandée à la poste, au
plus tard la veille du jour de la vente, emporte saisie-arrêt entre les mains des
fonctionnaires publics ou des officiers ministériels cités à l'alinéa précédent. »
298
299
Cass., 23 janvier 1992, Pas, 1992, I, p. 445 ; Cass., 4 mai 2000, Pas, 2000, I, p. 270.
Article 92 à 95 de la Loi Hypothècaire.
100
4.3. Le système d’imputation sans formalité de sommes à restituer à un redevable :
4.3.1. Commentaire de l’article :
L’article 166 de l’AR/CIR 1992 stipule :
« Toute somme à restituer ou à payer à un redevable dans le cadre de l'application
des dispositions légales en matière d'impôts sur les revenus et des taxes y assimilées
ou en vertu des règles du droit civil relatives à la répétition de l'indu peut être affectée
sans formalités par le receveur des contributions directes à l'apurement,
conformément à l'article 143, des précomptes, des impôts et des taxes y
assimilées, en principal, additionnels et accroissements, des intérêts et des frais
dus par ce redevable. »
Comme il le stipule lui-même, l'article 166 de l'AR/CIR 1992 est une mesure dérogatoire au
droit civil. Cette dérogation ne provient pas de ce qu'elle instaure un mécanisme
compensatoire entre deux dettes réciproques, mais bien parce que cette disposition légale
commence par décréter la non-application de cette règle de droit commun (§ 1) pour,
ensuite, la rendre cette-fois applicable au profit exclusif d'une seule des deux parties (§ 2 et
§ 3)300.
Par ailleurs, une compensation ne pourrait avoir lieu, en droit commun, si la créance n’est
pas contestée.
Cette limite ne joue pas pour le fisc, lequel peut compenser les sommes qu'il doit avec celles
qu'on lui doit, même si la dette du contribuable est contestée : même si la dette n’est ni
certaine, ni liquide, ni exigible, l’imputation du remboursement en « compensation » pourra
avoir lieu301.
4.3.2. Application du système « d’imputation forcée » si l’impôt est contesté :
Comme exposé ci-avant, le régime fiscal déroge au droit commun, en permettant
l’imputation lorsque l’impôt est contesté.
Une partie de la jurisprudence avait estimé que cet article était illégal par rapport à l’article
159 de la Constitution, et qu’aucune disposition du Code n’a autorisé le Roi à déroger aux
règles du droit commun302. Cette décision fut cependant réformée en appel303.
La doctrine avait pourtant accueilli favorablement cette décision : cet article présente une
contradiction manifeste en mentionnant à la fois que le Receveur a le pouvoir d’affecter les
sommes dues à l’Etat à l’apurement de l’impôt contesté, ce qui implique un paiement par
compensation, mais que cette affectation s’opère au titre de mesure conservatoire destinée
à garantir le recouvrement de l’impôt contesté304.
300
301
302
303
304
R. Wynand, « Procédure fiscale : les effets de la réclamation », Do fiscum, éd électronique.
Article 166, §3 AR/CIR 1992.
Bruxelles, 26 janvier 1995, JT, 1995, p. 369.
Dans le même sens, Liège, 28 mars 2001, FJF, n°2001/205.
J. Kirkpatrick, « La compensation entre dettes d’impôts et les créances de restitution d’impôt de même
nature », in Mélanges offerts à Pierre Van Ommeslaghe, Bruxelles, Bruylant, 2000, p. 171.
101
Une seule conclusion s’impose : l’imputation en cas d’impôt contesté n’est pas une mesure
conservatoire, mais une mesure d’exécution, ce qui viole les articles 409 et 410 du CIR
1992305.
Selon Roland FORESTINI, la seule interprétation possible de cet article permet d’admettre
l’imputation :
o
L’impôt est contesté pour partie et admis pour l’autre : la partie non-contestée de
l’impôt doit être acquittée par le redevable et peut, à défaut de paiement, faire l’objet
d’une mesure d’exécution ;
o
L’impôt est intégralement contesté mais l’incontestablement dû a été fixé par
l’administration : la partie incontestablement due de l’impôt contesté peut faire l’objet
d’une mesure d’exécution qui, si elle porte sur un montant plus élevé aura, alors, la
nature d’une mesure conservatoire pour le surplus.
Par contre, l’administration ne pourra jamais prendre de mesure d’exécution lorsque l’impôt
est intégralement contesté et que l’incontestablement dû est fixé à néant. L’imputation par le
Receveur, en tant que mesure d’exécution, serait donc illégale, puisqu’elle aboutirait à violer
des dispositions claires et non-susceptibles d’interprétation de l’article 410 du CIR 1992306.
4.3.3. Jugement du Tribunal Bruxelles du 22 février 2001 :
En pratique, la mise en œuvre de cette mesure est malheureusement systématique, même
si l’impôt est contesté.
Bien que l’obligation de motivation de l’avis d’imputation soit controversée, il n’en demeure
pas moins que le Receveur devra s’assurer que les conditions propres à toutes les saisiesconservatoires sont remplies.
Cette obligation est inévitable en cas de contestation de l’impôt litigieux, compte tenu des
possibilités d’intervention de plus en plus étendue du pouvoir judiciaire.
C’est en ce sens que se prononce le Tribunal de Bruxelles même si, dans un premier temps,
il écarte l’absence de cohérence du système, et partant, confirme l’applicabilité de l’article
166 AR/CIR 1992 en cas d’impôt contesté307.
Plutôt que de rejeter l’application de cet article, le Tribunal estime qu’il faut privilégier une
interprétation en conformité à la jurisprudence de la Cour d’arbitrage qui impose un contrôle
juridictionnel effectif pour ce type de mesure308.
Le Tribunal aborde donc l’analyse des conditions requises pour permettre une saisie
conservatoire :
305
306
307
308
J. Kirkpatrick, op cit ; R. Forestini, « La compensation entre une dette d’impôt contestée et la créance
détenue par un contribuable », RGCF, n°2003/4, p. 28.
R. Forestini, op cit, pp. 29 et 30.
Bruxelles, 22 février 2001, RGCF, 2003/4, p. 41 et s. ; do fiscum, éd électronique.
C.A., 7 juillet 1998, arrêt n°78/98, MB, 29 septembre 1998, p. 31779 ; C.A., 18 novembre 1998, arrêt
n°119/98, MB, 20 janvier 1999, p. 1621.
102
La créance est-elle exigible ?
La circonstance qu'une contestation soit née à leur sujet n'enlève rien à leur exigibilité.
Le seul effet de la contestation est d'empêcher toute exécution forcée pour la partie de la
dette qui excède ce qui est l'incontestable fiscal provisoire, de sorte que, si l'exigibilité
subsiste, l'exécution, elle, doit être suspendue. Des mesures conservatoires demeurent
toutefois possibles sur le pied de l'article 409 du CI.R. 1992. L'exigibilité des cotisations
litigieuses ne peut donc sérieusement être remise en cause sous peine de vider de son sens
l'article 300 du C.I.R. 1964 actuellement l'article 409 du C.I.R. 1992.
La créance est-elle liquide ?
Le caractère liquide de la créance résulte de ce que son montant est déterminé ou, à tout le
moins, susceptible d'estimation provisoire.
En l’espèce, la dette fiscale en cause est clairement établie et déterminée par des rôles
rendus exécutoires et formant actes authentiques.
La créance est-elle certaine ?
La créance est considérée comme certaine lorsqu'elle se présente de manière apparente
avec des éléments suffisants de certitude309.
Au stade conservatoire, la créance peut présenter un degré de certitude même si elle fait
l'objet d'une contestation de la part du saisi310.
Ce n'est que si le débiteur saisi parvient à établir le caractère suffisamment contestable
de la créance au point d'en ébranler le fondement que la saisie conservatoire ne sera pas
maintenue311.
En l’espèce, le Tribunal ne se prononce pas sur cette condition, étant donné que le
contribuable n’abordait même pas cette question et ne donnait aucun élément permettant
d’assurer un contrôle.
Le cas requiert-il célérité ?
En d’autres termes, le Receveur pouvait-il craindre l’insolvabilité du contribuable, impliquant
que des mesures devaient être prises immédiatement afin de garantir, quoi qu’il advienne
ultérieurement, le recouvrement de l’impôt ?
Sur base d’éléments concrets relatifs à sa situation comptable, financière et patrimoniale, le
contribuable a pu démontrer clairement que le Trésor n'avait aucune crainte légitime et
raisonnable quant au recouvrement effectif des cotisations contestées par les réclamations,
pour le cas où ces réclamations seraient rejetées.
309
310
311
G. de Leval, « Traité des saisies », Liège, Coll scientifique, p. 296, n° 152.
J.L. Ledoux, « Les saisies - Chronique de Jurisprudence 1989-1996 », Larcier, 1997, p. 75-76.
G. de Leval, op. cit., p. 297-298, n° 152 A.
103
Pour le Tribunal, c'est dès lors à tort que le receveur a appliqué en l'espèce la mesure
conservatoire prévue dans l'article 217bis, § 3 de l'AR/CIR 164 étant donné que rien ne
permettait de supposer que l'intimée ne serait plus en mesure d'honorer ses dettes une fois
le recours purgé.
En conclusion, il apparaît clairement que le pouvoir judiciaire peut exercer un contrôle de
pleine juridiction sur la légalité et l’opportunité d’une telle mesure.
Cette jurisprudence est partagée par la Cour d’appel de Mons, confirmant en cela un
jugement du Tribunal de Première Instance 15 décembre 2005, celle-ci estimant que cette
procédure doit répondre aux conditions de l’article 1413 C.J. La réunion de ces conditions
doit pouvoir être justifiée en tout temps par le créancier poursuivant312.
A noter que cet arrêt estime également qu’une demande en restitution de ces imputations
n’est pas empêchée par la prescription de 5 ans visée à l’article 100, al.1er de l’A.R. du 17
juillet 1991 portant coordination de la comptabilité de l’Etat. Il ne s’agit en effet pas d’une
demande tendant à obtenir la condamnation de l’état au paiement d’une créance mais à la
mainlevée de mesures d’affectation opérées à titre conservatoire.
4.3.4. L’article 334 de la loi programme du 27 décembre 2004313 :
Selon cet article :
« Toute somme à restituer ou à payer à un redevable dans le cadre de l'application des
dispositions légales en matière d'impôts sur les revenus et de taxes y assimilées, de
taxe sur la valeur ajoutée ou en vertu des règles du droit civil relatives à la répétition de
l'indu peut être affectée sans formalités par le fonctionnaire compétent au paiement
des précomptes, des impôts sur les revenus, des taxes y assimilées, de la taxe sur la
valeur ajoutée, en principal, additionnels et accroissements, des amendes
administratives ou fiscales, des intérêts et des frais dus par ce redevable, lorsque ces
derniers ne sont pas ou plus contestés.
L'alinéa précédent reste applicable en cas de saisie, de cession, de situation de
concours ou de procédure d'insolvabilité. »
Avant l’introduction de cette disposition, l'affectation d’un remboursement d’impôt au
paiement des dettes fiscales n'était possible qu'entre des créances et des dettes fiscales de
même nature : seul un crédit d'impôt en matière d'impôts sur les revenus ou de taxes y
assimilées pouvait être affecté au paiement d'une dette en ces matières (art. 166, § 2,
AR/CIR 92)
Aucune « compensation » n'était par conséquent possible entre un remboursement d'impôts
directs et des dettes TVA dans le chef d'un même redevable, et inversement. Pour
appréhender un remboursement de crédit d'impôt TVA, le receveur n'avait d'autre choix que
de procéder à une saisie-arrêt simplifiée entre les mains de son collègue de la TVA.
Afin de remédier à cette situation, le législateur a prévu une mesure « transversale », c.-à-d.
qui n’est pas intégrée dans un code fiscal particulier mais les surplombent tous et ne leur
portent pas atteinte.
312
313
Mons, 3 octobre 2008, R.G.C.F., n°2009/1, p. 49.
MB 31.12.2004, 2ème éd.
104
Selon l’administration fiscale, il s’agit d’une compensation propre au droit fiscal qui exclut
l'application des dispositions du Code civil relatives à la compensation (art.1289 à 1299,
CCiv.).
Le caractère particulier de cette compensation fiscale, applicable depuis le 1er janvier 2005,
est encore davantage souligné par le fait qu'elle reste également applicable nonobstant la
survenance d'une saisie, d'une cession, d'une situation de concours ou d'une procédure
d'insolvabilité314.
Cette mesure ne s’applique que si l’impôt n’est pas ou n’est plus contesté.
Lors de la mise en œuvre de cette mesure, le Receveur peut retenir les sommes suivantes
en vue de les affecter au paiement des sommes restant dues par le redevable :
o
Toute somme qui doit être remboursée à un redevable dans le cadre de l'application
des dispositions légales en matière d'impôts sur les revenus et de taxes y assimilées ;
o
Toute somme qui doit être remboursée à un redevable dans le cadre de l'application
des dispositions légales en matière de TVA ;
o
Toute somme qui doit être remboursée à un redevable en vertu des règles du droit civil
relatives au paiement indu.
Ces sommes qui devraient normalement être remboursées au redevable sont ainsi retenues
afin d’être affectés au paiement des seules dettes fiscales suivantes :
o
o
o
o
o
o
o
Des impôts sur les revenus (en ce compris la cotisation spéciale pour la sécurité
sociale) en principal, additionnels et accroissements ;
Des taxes assimilées aux impôts sur les revenus (enrôlées ou non) en principal,
additionnels et accroissements ;
Des précomptes (enrôlés ou non) en principal, additionnels et accroissements ;
De la TVA en principal ;
Des amendes administratives ou fiscales ;
Des intérêts (de retard) ;
Des frais de poursuites ;
L’administration admet toutefois que les crédits d'impôts ou autres sommes à rembourser
d'un secteur sont affectés prioritairement au paiement des dettes de ce même secteur.
Par ailleurs, l’article prévoit que cette affectation est réalisée « sans formalité », c.-à-d.
qu’elle ne nécessite aucun acte ni aucune procédure préalable particulière.
Elle est toutefois laissée à la seule initiative du fonctionnaire compétent, sans intervention, ni
avis, ni accord du redevable concerné. Ce dernier est toutefois informé de l’affectation et de
sa destination.
Enfin, le fisc estime que cette mesure peut être mise en œuvre même en cas de concours.
314
Circulaire AREC 3/2005 du 24 mars 2005,
105
Selon la circulaire, le fonctionnaire compétent peut donc en principe encore revendiquer
cette affectation nonobstant la survenance avant l'affectation notamment :
o
o
o
o
o
o
d'une saisie-arrêt entre les mains de l'Etat belge des sommes à rembourser ;
d'une cession à un tiers, opposable à l'Etat belge, de la créance fiscale ;
d'une déclaration en faillite du redevable ;
d'une demande ou obtention d'un concordat judiciaire par le redevable ;
d'une demande ou obtention d'un règlement collectif par le redevable ;
d'une liquidation lorsque le redevable est une société.
Cet article est-il discriminatoire en ce qu’il autorise une telle affectation même en cas de
concours ?
Statuant en matière de règlement collectif de dettes, la Cour constitutionnelle a tout d’abord
répondu par la négative en son arrêt du 19 avril 2006315 :
« B.3. Il ressort des travaux préparatoires de l’article 334 de la loi-programme du
27 décembre 2004 que le législateur a voulu prendre une mesure en vue de résorber
l’arriéré fiscal et qu’il a, plus précisément, entendu éviter que des crédits d’impôt soient
remboursés à un redevable encore débiteur pour une autre taxe de l’Administration
fiscale (Doc. parl., Chambre, 2004-2005, DOC 51-1437/001, DOC 51-1438/001, p.
212). Le législateur a dès lors instauré une compensation légale qui déroge à la règle
de l’égalité des créanciers telle qu’elle est prévue notamment par l’article 1298 du
Code civil ou par l’article 17, 2°, de la loi du 8 août 1997 sur les faillites (Doc. parl.,
Chambre, 2004-2005, DOC 51-1437/027, pp. 37-38).
Il ressort par ailleurs plus globalement des travaux préparatoires de la loi-programme
du 27 décembre 2004 que le législateur a voulu prendre en compte les problèmes liés
à l’endettement fiscal chronique et permettre tout à la fois de surseoir pour une période
indéfinie au recouvrement de l’impôt, lorsque le contribuable est de bonne foi et ne
parvient plus à payer sa dette, et d’« essayer de récupérer ne fût-ce qu’une partie des
sommes dues » (Doc. parl., Sénat, 2004-2005, n° 3-966/4, pp. 23-24).
En vue d’atteindre cet objectif, le législateur a notamment inséré, par l’article 332 de la
loi-programme, dans le titre VII, chapitre VIII du Code des impôts sur les revenus 1992,
une section IVbis « Surséance indéfinie au recouvrement des impôts directs ».
B.4.1. En prévoyant un mécanisme de compensation légale, l’article 334 de la loi
programme du 27 décembre 2004 déroge à la règle de l’égalité entre les créanciers qui
se trouvent dans une situation de concours, telle qu’elle est prévue notamment par les
articles 1675/7 et 1675/9 du Code judiciaire qui sont relatifs au règlement collectif de
dettes et par l’article 1298 du Code civil.
Cette différence de traitement repose sur un critère objectif, à savoir la qualité du
créancier qui est, dans un cas, le Trésor public, et dans l’autre, d’autres créanciers.
La mesure est en rapport avec les objectifs mentionnés en B.3 : le produit de l’impôt
étant affecté à des dépenses publiques qui visent à la satisfaction de l’intérêt général, il
doit être admis qu’il puisse être dérogé aux règles de compensation du droit commun.
315
C. Const., 19 avril 2006, n°54/2006, J.T., 2006, p. 701 et s.
106
B.4.2. Enfin, le mécanisme de compensation légale contesté n’est pas une mesure
disproportionnée affectant la situation des autres créanciers, compte tenu des objectifs
de résorption de l’arriéré fiscal et d’efficacité de la procédure de recouvrement qui
conduisent par ailleurs le législateur à permettre la surséance indéfinie au
recouvrement de certains impôts.
La Cour relève du reste que l’évolution du droit de l’insolvabilité et du droit des sûretés
a multiplié les mécanismes permettant aux créanciers de se prémunir contre le risque
d’insolvabilité de leurs débiteurs, en dérogation au principe de l’égalité des
créanciers »
Cette conclusion sera rééditée dans un arrêt du 21 juin 2006, rendu cette fois en matière de
faillite316.
Cet arrêt peut être qualifié de décevant317.
Si l’on peut admettre le caractère objectif d’une distinction entre le Trésor Public et les autres
créanciers, en lui réservant un traitement plus favorable, il est cependant surprenant que la
Cour trouve la justification de la proportionnalité de la mesure par la création de la
« surséance indéfinie au recouvrement ».
Ainsi, la Cour tente de convaincre que la différence de traitement entre créanciers,
caractérisée par une cause de préférence au Trésor, est justifiée par le fait que la même loi
se préoccupe des intérêts du débiteur…la Cour compare ainsi ce qui n’est pas comparable
et use de motifs sans rapport l’un avec l’autre.
Concrètement, cet arrêt aboutit à améliorer et à renforcer la situation d’un créancier déjà
surprotégé, au détriment des règles fondamentales du concours et de l’égalité des
créanciers, pourtant d’ordre public.
Cette conclusion n’est toutefois pas définitive.
En effet, la Cour vient récemment de rendre un arrêt relevant une discrimination en matière
de faillite318.
Suite à une question préjudicielle, la Cour a eut à connaître d’un litige concernant un boni
d’impôts lié à des factures qui résultent des obligations légales mises à charge du curateur
dans le cadre de la liquidation des faillites
Plus précisément, le litige concernait un assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée pour l’activité
d’exploitation d’un café-bar et d’un centre de loisirs. Cet assujetti est déclaré en faillite en
septembre 2004. Dans une déclaration récapitulative couvrant la période du 24 septembre
2004 au 31 décembre 2005, le curateur fait état d’un droit à un crédit TVA issu de ses
opérations de liquidation de la faillite.
316
317
318
C. Const, 21 juin 2006, n°107/2006, www.arbitrage.be.
F. Georges, note sous C. Const., 19 avril 2006, n°54/2006, J.T., 2006, p. 701 et s.
C. Const., 19 mars 2009, n°56/2009, www.arbitrage.be.
107
L’administration fiscale refuse de rembourser ce crédit TVA étant donné qu’elle l’a imputé
sur une dette TVA du failli antérieure à la faillite. Après mise en demeure, le curateur
assigne l’Etat belge en paiement dudit crédit TVA, en soutenant que la loi du concours et le
principe d’égalité des créanciers n’autorisent pas de compensation entre dettes dans la
masse et créances de la masse, ce que ne permettrait pas davantage l’article 334 de la loiprogramme du 27 décembre 2004.
Le Tribunal s’interroge sur le fait de savoir si l’article 334 de la loi-programme précitée
requiert que les créances à compenser soient toutes deux nées avant le concours pour être
réciproques.
Il pose alors la question suivante : « L’article 334 de la loi-programme du 27 décembre 2004,
interprété comme autorisant, dans l’hypothèse d’une faillite et nonobstant l’existence de
cette situation de concours, la compensation de créances fiscales avec une dette fiscale
dont le failli reste redevable au moment de la faillite, viole-t-il les articles 10 et 11 de la
Constitution en ce qu’il traite de manière identique le failli dont la créance est née d’une
opération antérieure à la faillite et les autres créanciers, assimilés au failli par application de
l’article 2, alinéa 2, du CTVA, dont la créance est née après la déclaration de faillite, de la
poursuite des activités ou des opérations liées à la gestion de celle-ci alors qu’ils sont placés
dans des situations différentes ? ».
Cette fois, la Cour constitutionnelle répond par l’affirmative :
« B.5.3. Comme le relève le juge a quo dans son jugement, dans son arrêt n° 107/2006
du 21 juin 2006, la Cour ne s’est pas prononcée sur la compensation entre des dettes
fiscales afférentes à une période antérieure à la faillite et une créance fiscale liée à une
opération réalisée dans le cadre de la gestion de la faillite.
B.5.4. Compte tenu de l’objectif poursuivi par le législateur, décrit en B.3 de l’arrêt cité
en B.5.2, il n’est pas raisonnablement justifié d’autoriser la compensation d’une dette
fiscale avec une créance fiscale dont le curateur devient titulaire en raison d’une
opération qu’il a l’obligation d’accomplir en vertu des articles 38 et 40 de la loi du 8
août 1997 sur les faillites. Les frais de publication, qui constituent des dettes de la
masse, engendrent, en effet, un boni de TVA, qui constitue une créance de la masse
d’une nature différente de celle des créances nées d’opérations antérieures à la faillite.
La circonstance que le produit de l’impôt est affecté à des dépenses publiques qui
visent la satisfaction de l’intérêt général ne suffit pas à justifier qu’il soit de la sorte
porté atteinte aux droits du curateur qui, dans le cadre de l’exercice de la mission qui
lui est légalement confiée, est tenu de procéder à des publications dont il ne pourrait
raisonnablement être admis qu’il en supporte la charge fiscale.
B.6. La question préjudicielle appelle une réponse positive. »
108
4.4. Article 442 bis du CIR 1992319 :
4.4.1. Régime ancien :
En vue de lutter contre les cessions de fonds de commerce par des contribuables
recherchant à éviter de s’acquitter de leurs dettes fiscales, le législateur a modifié le CIR
1992 (442 bis) et le Code des droits d’enregistrement (19, 7° et 31, al. 1, 1ter) :
o
En soumettant tout d'abord à une obligation d'enregistrement toutes les
conventions sous seing privé et les actes passés à l'étranger de cession, à titre
onéreux ou à titre gratuit, translatives ou déclaratives de propriété ou d'usufruit
d'une universalité de biens ou d'une branche d'activité telle que visée à l'article 11
du code TVA ;
o
Et en organisant un régime d'opposabilité différée de la cession à l'administration
fiscale et un régime de solidarité dans le chef du cessionnaire à concurrence des
dettes fiscales du cédant.
Ce régime était applicable à partir du 10 janvier 1997320.
Ce système ne concernait donc que les cessions telles que définies par le Code T.V.A., et
pas les cessions de bureau d’assurance321, c'est à dire :
« les cessions de propriété ou d'usufruit d'une universalité de biens ou d'une branche
d'activité lorsque le cessionnaire est un assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée qui
pourrait déduire tout ou partie de la TVA si elle était due en raison de la cession ».
En résumé, ce régime prévoyait que la cession n’était opposable à l'administration qu'à
l'expiration d’un délai de deux mois à compter de l’enregistrement de la convention, et le
cessionnaire était rendu solidairement responsable du paiement des impôts dus par le
cédant à l'expiration dudit délai de deux mois322.
Très vite, le système a montré ses failles et ses lourdeurs. Le législateur a donc préféré
modifier les règles en la matière.
4.4.2. Régime actuel :
Actuellement, l’article 442 bis s’applique dans l’hypothèse d’une cession en propriété ou en
usufruit, d'un ensemble de biens, composés entre autres d'éléments qui permettent de
retenir la clientèle, affectés à l'exercice d'une profession libérale, d'une charge ou d'un
office, ou d'une exploitation industrielle, commerciale ou agricole ainsi qu'à la constitution
d'un usufruit sur les mêmes biens323
En revanche, la clientèle en tant qu'entité abstraite ainsi que les créances et les dettes ne
sont pas indispensables à la production industrielle, commerciale ou agricole et au maintien
de la clientèle et ne constituent que des accessoires au fonds d'exploitation324.
319
320
321
322
323
324
O. D’AOUT, « cession de fonds de commerce : obligation de notification », Do fiscum, éd électroniques.
Article 50 de la loi du 22 décembre 1998.
Fiscologue, n°598, 24 janvier 1997, p. 1.
Ci RH 81/488.797 du 20 juin 1997, Do fiscum, éd électroniques.
Ci RH 81/488.797 du 28 avril 1999, do fiscum, éd. électroniques.
Doc. parl., Chambre, 1997/1998, 1608/6, p. 5.
109
Sont ainsi visées toutes les cessions entre vifs, à titre onéreux ou gratuit, que ce soit par
vente, donation, apport mais à l’exception du partage.
Par contre, ne sont pas comprises dans le champ d'application de cette disposition :
o
La transmission des actions et autres parts représentatives du capital social,
même si celle-ci constitue une cession de participation de contrôle ;
o
La cession d'éléments isolés, insuffisants pour constituer une exploitation
autonome. L’existence de contrats séparés mais réalisant une seule et même
opération n’empêchera pas l’application de l’article 442bis.
o
Les cessions réalisées par un curateur ou un commissaire au sursis ; l’article
442bis reste applicable à une cession réalisée par un liquidateur ;
o
Les cessions réalisées dans le cadre d’opération de fusion, de scission, d’apport
d’une universalité ou de branche d’activité conformément aux dispositions du
Code des sociétés ;
Le régime reste toujours celui d’une opposabilité différée de la cession à l’égard du
Receveur : celles-ci ne sont opposables qu'à l'expiration du mois qui suit celui au cours
duquel une copie de l'acte de cession, certifiée conforme à l'original, a été notifiée au
receveur du domicile ou du siège social du cédant.
La notification constitue le point de départ du délai : à défaut de notification, le délai précité
n'a jamais commencé à courir.
Aussi longtemps que ce délai n'est pas expiré, le Receveur peut requérir, sur les biens
cédés, toutes les mesures de garantie ou d'exécution qu'il juge nécessaires à la
conservation ou à l'exercice des droits du Trésor. Les poursuites seront engagées et les
mesures conservatoires requises à l'encontre du cédant, sur les biens cédés, nonobstant la
cession.
Par ailleurs, en plus de cette inopposabilité, le cessionnaire peut être considéré comme
solidairement responsable des dettes fiscales du cédant. Cette solidarité vaut pour l’impôt
(IPP, ISOC et INR), les précomptes (PrI, PrP, PrM), les accroissements, les amendes, les
taxes assimilées et les taxes provinciales échues.
Cette responsabilité est cependant doublement limitée :
o
o
D'une part, elle ne peut excéder:
o
En cas d'apport en société, le montant correspondant à la valeur nominale
des parts sociales reçues en contrepartie de la cession ;
o
Dans les autres hypothèses, le montant correspondant au prix de la
cession (que le prix soit acquitté par une somme d’argent ou par le biais
d’une reprise de dettes) ;
D'autre part, elle est limitée à la partie de ces montants concédés par le
cessionnaire avant l'expiration du délai d'un mois précité.
110
o
Enfin, la jurisprudence estime que cette responsabilité ne s’étend pas aux dettes
qui n’ont pas été formellement établies au moment de l’expiration du délai
d’inopposabilité, même si elles se rapportent à des revenus déjà acquis325 ;
Le montant pris en considération est celui déjà payé ou attribué par le cessionnaire avant
l’expiration du délai d’inopposabilité. La solidarité est dès lors inopérante en cas de cession
sans contrepartie ou lorsque le paiement du prix est postposé après le délai d’inopposabilité.
Si le prix a été payé avant l’expiration du délai d’inopposabilité, il est conseillé au
cessionnaire d’obtenir du cédant une garantie bancaire l’indemnité du préjudice subi dans le
cas où le fisc exercerait ses prérogatives326.
La Cour de cassation a toutefois estimé qu’un arrangement concernant le prix de reprise
d’un fonds de commerce, même si aucun versement ou virement n’a été effectué, vaut
paiement du prix de reprise327.
De plus, le Trésor ne dispose pas du privilège ni de l'hypothèque légale sur les biens du
cessionnaire solidairement responsable du cédant.
L’administration admet de ne pas engager la responsabilité solidaire du cessionnaire
lorsqu’en tiers détendeur, les sommes dues au titre du prix de la cession ont été ou doivent
être versées à un tiers dont les droit sont pleinement opposables à l’Etat. De même, la
responsabilité solidaire ne sera pas engagée lorsque le cessionnaire informe le receveur de
la circonstance que les sommes ont été consignées auprès d’un notaire ou d’un huissier de
justice « pour le compte de qui appartiendra »328.
Tant le régime de l'opposabilité différée que de la responsabilité solidaire ne s'applique pas
si le cédant joint à l'acte de cession un certificat établi par le receveur des contributions dans
les 30 jours qui précèdent la notification de la convention.
Les conditions auxquelles doit répondre ce « certificat fiscal » sont strictes et cumulatives :
o
Il doit être demandé par le cédant au moyen d'un formulaire à introduire en
double exemplaire ;
o
Il doit être délivré par le receveur des contributions directes du domicile
(personne physique) ou du siège social (personne morale) du cédant ;
o
Il doit être établi dans les 30 jours qui précèdent la notification de la cession ;
o
Il doit attester que le cédant n'a aucune dette fiscale à la date de
l'établissement dudit certificat ;
o
Il doit avoir été établi exclusivement à cette fin.
Le Receveur doit refuser de délivrer le certificat fiscal lorsque le cédant à des dettes fiscales
ou lorsque la demande est introduite après l'annonce ou au cours d'un contrôle fiscal ou
après l'envoi d'une demande de renseignements au cédant.
325
326
327
328
Civ. Bruxelles, 9 mars 2007, Fiscologue, n°1081, p. 13.
D. Garabédian, « Mesures nouvelles ou récentes impliquant un risque de solidarité pour le paiement de
dettes fiscales d’autrui », in recyclage en droit fiscal, ULB, février 2007, p. 11.
Cass., 20 octobre 2006, www.cass.be.
L. Deklerck, M. Marlière et Ch Schotte, « Vente ou apport d’un fonds de commerce : implications
fiscales », in La transformation du patrimoine professionnel, Anthémis, Louvain-la-Neuve, 2007, p. 167.
111
Ce refus doit être motivé, sur base des éléments de fait qui ont amené le receveur à prendre
cette décision.
Les poursuites entamées à l'égard du cessionnaire seront réalisées sur base du rôle établi
au nom du cédant ce qui permettra à l'administration d'établir une contrainte à charge du
cessionnaire en sa qualité de débiteur solidaire.
Certains auteurs mettent en doute la légalité d'une contrainte établie sur base du rôle d'une
autre personne et pensent qu'il appartient alors au fisc d'assigner le cessionnaire en
paiement329. La modification de l’article 393 du C.I.R. 1992 fait table rase de ces doutes.
En tout état de cause, la pris en charge par le cessionnaire de la dette du cédant ne change
pas la nature de cette dette : en tant qu’il porte sur un impôt, le paiement fait par le
cessionnaire n’est pas déductible à titre de charge professionnelle330.
Le certificat délivré par le receveur a une durée de validité de trente jours. Au-delà, il est
périmé et la notification de l'acte ne permet pas d'échapper aux inconvénients et
conséquences liés à l'opposabilité différée de l'acte et à la responsabilité solidaire du
cessionnaire.
La circulaire prévoit également des règles spécifiques dans l’hypothèse de faillite, de
concordat, de fusion et de liquidation (points 16 à 18).
Les dispositions sont entrées en vigueur à partir du 1er avril 1999.
Pour être complet, une procédure similaire est actuellement prévue en matière de TVA (art.
93undeciesb C.T.V.A. 331), de cotisations sociales (art.41quinquies de la loi du 27 juin
1969332) et de cotisations indépendante/cotisation de société (art. 16 ter de l’A.R. n°38 du 27
juillet 1967333).
4.5. Article 442ter du C.I.R. 1992 :
Depuis plusieurs années, le mécanisme des « sociétés de liquidités » défraient la chronique.
Une ou plusieurs personnes physiques sont propriétaires des titres d’une société. Cette
société va vendre l’entièreté de ses actifs à une nouvelle société, constituée par lesdites
personnes physiques. La première société devient alors une société qui ne détient plus que
des liquidités.
Ensuite, les titres de la société de liquidités vont être cédés à des tiers, lesquels se font fort
de ramener la base imposable à zéro ou à un montant dérisoire. Les moyens employés
consistent en investissements amortissables très importants, en investissements dans des
actifs dans les conditions de l’article 47 du C.I.R. 1992, soit encore en investissant en
actions belges ou étrangères moyennant un financement dont les intérêts sont déductibles.
329
330
331
332
333
O. Daout, op cit, do fiscum, espace auteurs, éd électronique.
Liège, 22 décembre 2006, Cour fisc, 2007, p. 408.
Introduit par l’article 2 de la loi du 10 août 2005, M.B., 9 septembre 2005.
Introduit par l’article 49 de la loi du 3 juillet 2005, M.B., 19 juillet 2005.
Introduit par l’article 113 de la loi du 20 juillet 2005, 29 juillet 2005, err M.B., 30 août 2005.
112
Ce type d’opération relève, selon la doctrine la plus autorisée, du choix de la voie la moins
imposée. Ni l’article 344, §1er du C.I.R. 1992, ni la théorie de la simulation ne pourrait être
invoqués, si les conséquences juridiques des actes posés sont respectés334.
Face à une jurisprudence favorable au contribuable cédant, le fisc a donc souhaité
décourager ce type d’opération en instaurant une solidarité pesant sur les vendeurs des
titres de la société de liquidités.
Cette solidarité, visée à l’article 443ter du C.I.R. 1992, répond à plusieurs conditions335 :
o
Sont seules visées les personnes, physiques ou morales, détenant –directement ou
indirectement- 33% au moins des actions ou parts d’une société résidente :
A l’instar de l’article 90, 9° du C.I.R. 1992, il faut tenir compte des participations
détenues par l’actionnaire, son conjoint, son cohabitant légal, ses ascendants, ses
descendants et collatéraux jusqu’au deuxième degré compris.
Le texte impose également que l’on tienne compte des participations indirectes, c.-àd. des participations détenues dans une société qui détient elle-même au moins 33%
dans une société de liquidité. Cette exigence est étrange étant donné que le texte
rend déjà solidaire la société détentrice de cette participation : elle créerait (ce qui est
contesté en doctrine336) donc une solidarité légale pour des actes d’autrui. Elle est en
outre contradictoire par rapport à la seconde condition. Le mode de calcul est tout
aussi imprécis et incohérent : ainsi, le fait de détenir 51% d’une société détenant 51%
d’une société de liquidité…ne permet pas d’atteindre le seuil légal. Seul le cas d’une
participation à 100% dans une société détenant 33% de la société de liquidité
pourrait répondre à ces exigences.
o
L’actionnaire cède au moins 75% des actions qu’il possède au cours d’une période
d’un an :
Le terme « cession » est plus large que celui de vente, pour pouvoir englober tous
les modes de cession (dont l’apport).
Le calcul de 75%, par rapport à la participation totale détenue au cours d’une année,
se fait en tenant compte de toutes les ventes réalisées au cours de cette période d’un
an, sans distinguer suivant la personne de l’acheteur : s’il y a plusieurs ventes à des
acheteurs différents, sur une période d’un an, celles-ci seront cumulés pour
déterminer si la quotité vendue atteint ou non 75%.
o
Les actifs de la société doivent représenter, au plus tard le jour du paiement des
actions ou parts, au moins 75% en placements de trésorerie, immobilisations
financières, créances ou valeurs disponibles
Si le paiement a lieu en plusieurs phases, il faut alors se placer au jour du paiement
de la dernière tranche, laquelle éteint toute obligation et implique une libération de
l’acheteur.
334
335
336
Th Afschrift et D. Danthine, « De la licéité de principe de ventes simultanées d’actifs et d’actions d’une
société dans le but d’éviter l’impôt », J.D.F., 2000, pp. 196 et s.
Pour une analyse détaillée, Th Afschrift, « Les dispositions fiscales des lois du 20 juillet 2006 :
ème
partie », J.T., 2006, pp. 782 et s.
3
Th Afschrift, op cit, p. 783.
113
Les sociétés qui, à un moment quelconque, entre la date de cession et la date de
paiement complet du prix, deviennent liquides entrainent la solidarité du cédant. Le
texte ne distingue en effet pas selon que la société devient liquide par le fait du
cédant ou du cessionnaire. Par contre, si la société devient liquide après le paiement
du prix, la solidarité ne joue pas : la cession des actifs de la société ne devrait donc
être envisagée qu’à partir de cette date.
o
Les sociétés ne doivent pas être cotées ou être des entreprises soumises au contrôle
de la C.B.F.A.
Les contrôles auxquels ces sociétés seraient soumises seraient suffisant pour éviter
les fraude : toutefois, la C.B.F.A. ne contrôle pas (et ce n’est pas sa mission) le
respect des obligations fiscales (sauf le cas des mécanismes particuliers). L’objectif
du législateur est donc loin d’être atteint et raisonnablement utile.
Cette solidarité du cédant porte337 :
o
o
o
o
Sur les impôts sur les revenus (et non les autres impôts ou taxes) ;
Sur les impôts et accessoires qui se rapportent à la période imposable au cours de
laquelle la cession a eu lieu ET aux trois périodes imposables précédent celle-ci ;
Les impôts visés sont les impôts, amendes, accroissements, intérêts et frais ;
Si la société déclare son intention d’effectuer des investissements sur pied de l’article
47 du C.I.R. 1992 mais ne concrétise pas cette intention dans le délai légal, le cédant
est tenu solidairement de dettes d’impôt (impôts mais pas des accessoires)
postérieures à la cession….et ce alors qu’il ne dispose plus d’aucun droit dans la
gestion de la société de liquidité. Par contre, dès lors que la plus-value est réalisée
après la cession et même si elles sont prévues avant, la responsabilité n’est pas
applicable338.
En conclusion, force est de constater que ce texte est très imprécis, obscur, discriminatoire
et lacunaire.
La sécurité juridique est donc une nouvelle fois loin d’être assurée.
Le Conseil d’état, section législation, a en outre estimé que ce texte allait bien au-delà des
seules sociétés de liquidité : ainsi, la vente de société holding pourrait entrainer la mise en
œuvre de cette solidarité339.
Ce texte est donc fort lourd, en ce qu’il n’est nullement exigé de prouver une faute et qu’il
n’existe aucune cause d’exonération pour les cédants de bonne foi. La responsabilité n’est
même pas proportionnelle à la participation du cédant (qui est donc systématiquement tenu
pour le tout).
Le fisc doit évidemment démontrer la réunion des conditions et solliciter condamnation du
cédant en justice.
337
338
339
Exposé des motifs, Doc parl, n°2517/001, p. 24.
Art. 442ter, §2, al. 2 du C.I.R. 1992.
Doc parl, n°2517/001, p 24.
114
Ces constatations font dire à Th. Afschrift :
« Ce mécanisme très sévère nous parait excéder les objectifs poursuivis par le
législateur. Il nous semble en particulier que le texte crée une discrimination
inadmissible entre, d’une part, les vendeurs des actions, tenus pour responsables
d’actes ou d’omissions accomplis par la société postérieurement à la cession, et qu’ils
ne pouvaient plus empêcher et, d’autre part, les acheteurs que la loi ne répute pas
solidairement responsables, alors qu’ils disposent, eux, de la possibilité d’influer sur les
décisions de la société de liquidités, après sa cession. Si les vendeurs disposent d’une
action subrogatoire contre la société elle-même, débitrice des impôts, ils n’en ont
aucune à l’égard des acheteurs des actions, nouveaux actionnaires de celle-ci, alors
qu’eux ont un pouvoir de contrôle sur les actes de la société. »
4.6. Article 443 du C.I.R. 1992 :
Lorsque des établissements ou organismes de crédit publics ou privés accordent des
crédits, prêts ou avances pour lesquels un avantage est consenti dans le cadre des
dispositions légales et réglementaires en matière d'expansion économique ou pour
lesquels un tel avantage est demandé à l'autorité compétente, ils ne peuvent se
dessaisir ni de la totalité ni d'une partie des fonds qu'à la condition que le bénéficiaire ou
demandeur leur ait préalablement produit une attestation délivrée par le fonctionnaire
compétent.
Cette attestation précise :
o
Ou bien qu'aucun impôt ou accessoire n'est exigible dans son chef ;
o
Ou bien qu'un montant déterminé d'impôts ou accessoires est exigible dans son
chef.
Dans ce dernier cas, le règlement des sommes dues, dans les formes et délais prévus à
l'attestation, doit faire l'objet d'une clause particulière dans la décision d'octroi de l'avantage.
Les modalités pratiques sont régies par les articles 220 à 224 de l’AR/CIR 1992.
4.7. Règles communes applicables à ces procédures en cas d’opposition et/ou de
contestation :
Si le contribuable entend contester une mesure mise en œuvre par le Receveur sur pied des
articles précités, doit-il introduire une procédure d’opposition devant le Juge des saisies
compétent en fonction du C.J. (1445 CJ,…) ou devant la chambre fiscale du Tribunal de
Première Instance territorialement compétent ?
Selon la Cour de cassation, de telles procédures relèvent du domaine des contestations
d’une loi d’impôt, au sens de l’article 632 du C.J.
115
Dès lors, ces contestations relèvent du Juge (chambre fiscale du TPI) qui siège au siège de
la Cour d’appel dans le ressort duquel est situé le bureau de perception a été ou doit être
faite340.
5.
Le receveur peut-il mettre en oeuvre les moyens de protection des créanciers
ordinaires ?
5.1. Généralités :
La compétence du Receveur découle exclusivement du Code des Impôts sur les revenus, et
partant, la compétence de ce dernier est limitée au recouvrement des impôts.
En introduisant une action sur base du « droit commun », à savoir le Code civil ou le Code
des sociétés, le Receveur n’a pas pour but le recouvrement d’un impôt mais bien l’obtention
d’un dédommagement, ce qui représente une action non-fiscale341.
Dès lors, le Receveur, en cette qualité, n’a pas compétence pour mettre en oeuvre de telles
actions, dans la mesure où aucune disposition du C.I.R. ou de l’Arrêté Royal d’exécution ne
donne lui confère cette compétence.
De telles actions devront être déclarées irrecevables342 : Seul l’Etat belge peut introduire de
telles actions qui devront être libellées « Pour l’Etat belge, Service Public Fédéral Finances,
à la requête du Ministre des Finances, poursuites et diligences de l’inspecteur principal du
bureau de Recette »343.
Par conséquent, si l’Etat belge à la qualité de demandeur, de telles actions en
dédommagement peuvent être introduites.
Le présent chapitre sera donc consacré aux principales actions non-fiscales qui peuvent être
intentées dans le cadre d’un processus « parallèle » de recouvrement de l’impôt.
5.2. L’action Paulienne :
Cette action (actio pauliana) trouve son fondement dans l’article 1167 du Code civil :
« Ils (les créanciers) peuvent aussi, en leur nom personnel, attaquer les actes faits par
leur débiteur en fraude de leurs droits.
Ils doivent néanmoins, quant à leurs droits énoncés au titre «Des successions» et au
titre «Des régimes matrimoniaux», se conformer aux règles qui y sont prescrites »
340
341
342
343
Cass., 16 décembre 2005, R.G.C.F., n°2006/3-4, p. 233.
Cass., 30 mai 1997, Pas, 1997, I, p. 248.
Bruxelles, 25 octobre 2002, Do Fiscum, éd. électronique, visant une action sur pied des articles 147 bis et
ter des lois coordonnées sur les sociétés commerciales (obligation de verser la différence entre le capital
souscrit et le capital libéré) introduite par le Receveur des contributions directes, avec la collaboration de
la cellule juridique.
A. Claes, « Le recouvrement de dettes fiscales auprès de tiers : action paulienne, action oblique,
responsabilité des dirigeants et liquidateurs... », RGCF, 2003/4, p. 6.
116
Le texte permet donc à un créancier d’attaquer, par trois types d’actions (généralespécifique aux successions-spécifique aux régimes matrimoniaux), les actes posés par un
débiteur en fraude de ses droits.
5.2.1. L’action paulienne « générale » :
Cette action peut s’envisager, par exemple lorsqu’un contribuable sans revenus et criblé de
dettes fiscales vend son seul immeuble à un ami, lequel lui donne immédiatement ledit
bâtiment en location.
Dans une telle hypothèse, l’action doit être introduite principalement à l’encontre de
l’acheteur, mais compte tenu des conditions d’application de l’action paulienne (décrites ciaprès), il est de pratique de citer également le contribuable pour l’impliquer dans la
procédure.
Le créancier doit mettre en évidence un acte fautif, à savoir une opération réalisée par son
débiteur pour réduire de manière frauduleuse les droits du créancier sur son patrimoine.
Celui-ci devra donc prouver la réunion de 5 conditions pour que son action soit déclarée
fondée :
o
o
o
o
o
La dette ou les dettes (fiscales) doivent exister avant l’opération litigieuse :
Le débiteur doit s’être appauvri :
Le créancier doit prouver un préjudice :
Une fraude du débiteur doit être démontrée :
Le tiers doit être complice des actes frauduleux du débiteur :
En plus de ces conditions, la dette fiscale devrait être exigible au moment de l’introduction
de l’action, laquelle est une mesure d’exécution344. Elle souffre donc des limites imposées
par les articles 409 à 411 du CIR 1992.
Pour rappel, une procédure d’exécution ne serait autorisée que s’il existe et à concurrence
du montant « incontestablement dû ».
L’objectif de cette action est de rendre inopposable au Receveur une opération litigieuse,
celle-ci continuant à exister à l’égard des parties contractantes et des autres tiers345.
Toutefois, à la suite de cette action, le créancier ne peut se trouver dans une situation plus
avantageuse que celle qui aurait été la sienne si l’opération litigieuse n’avait pas eu lieu346.
5.2.2. L’action paulienne spécifique aux successions et aux régimes matrimoniaux :
L’article 788 du Code civil permet à un créancier à être autorisé en justice a accepté une
succession en lieu et place de son débiteur. Dans un tel cas, la renonciation du débiteur
n’est annulée qu’en faveur dudit créancier et à concurrence du montant de sa créance.
344
345
346
H. De Page, « Trait élémentaire de droit civil belge », Tome III, Bruxelles, Bruylant, 1967, p. 239-240 ; A.
Claes, « Le recouvrement de dettes fiscales auprès de tiers », RGCF, 2003/4, p. 10.
Cass., 11 janvier 1988, Pas, 1988, I, 558.
Cass., 15 mai 1992, Pas, 1992, I, 813.
117
Le Receveur peut invoquer cet article, en prouvant néanmoins qu’ :
o
o
o
Il a été préjudicié par la renonciation du contribuable ;
Le contribuable a agi avec une intention frauduleuse ;
La preuve de l’antériorité de sa créance347.
La preuve de l’intention frauduleuse est facilement acceptée, dès lors que le contribuable ne
sait pas donner de justification ou prouver le caractère normal de l’opération litigieuse.
5.3. L’action oblique (article 1166 du Code civil)348 :
5.3.1. Base légale :
En cas d’inaction du contribuable, le Receveur peut prendre lui-même l’initiative d’agir en
lieu et place de celui-ci, sur la base de l’article 1166 du Code civil :
« Néanmoins, les créanciers peuvent exercer tous les droits et actions de leurs
débiteurs, à l’exception de ceux qui sont exclusivement attachés à la personne. »
5.3.2. Conditions :
L’action oblique ne peut être exercée que s’il est satisfait aux conditions suivantes :
Intérêt du créancier :
Cela signifie que le débiteur doit être insuffisamment solvable pour honorer sa dette et en
outre qu’il exerce insuffisamment ses droits sur ses débiteurs.
Il doit y avoir une créance :
Cette condition est à comparer avec la condition d’antériorité à l’action paulienne.
Le débiteur doit négliger de faire valoir ses droits :
Une action oblique est impossible lorsque le débiteur ne néglige349 pas de faire valoir ses
droits ou qu’il a clairement renoncé à ses droits
Dans le même ordre d’idée, on ne peut négliger de faire valoir un droit que lorsque l’on
possède encore ce droit. Si le débiteur a renoncé à ses droits, il n’a plus ce droit et donc il
ne peut négliger de le faire valoir.
5.3.3. Méthode d’application :
En se référant à l’article 1166 du Code civil, l’administration fiscale ne fait qu’exercer l’action
du contribuable, qui est son débiteur.
347
348
349
Civ Hasselt, 27 février 1995, NFM, 1996, 23.
Exemples : une héritière a été déshéritée par son père de sa quotité réservée. Au lieu de demander le
rapport, l’héritière approuve car elle a des dettes fiscales ; une entreprise a une dette sur son gérant mais
elle ne la recouvre pas pour le moment, car elle a encore des dettes fiscales.
Civ. Gand, 24 octobre 2002, RGCF, 2003/3, pp. 51-52 ; Civ Bruxelles, 7 octobre 1996, FJF, n°96/242.
118
Les exceptions que les débiteurs peuvent opposer au redevable, sont donc également
opposables à l’administration.
Par exemple, si un héritier a expressément renoncé à son droit de demander le rapport, les
autres héritiers peuvent opposer à l’administration le fait que l’héritier ait définitivement
renoncé à son droit de demander le rapport et ainsi l’administration ne peut invoquer aucun
droit pour demander le rapport350.
Si une telle renonciation a été faite de manière valide par un héritier, cette renonciation est
également opposable à l’administration.
La doctrine est même d’avis que le redevable peut également renoncer à son droit après
l’introduction d’une action oblique et que cette renonciation est alors également opposable à
l’administration.
L’administration peut bien entendu combattre de telles renonciations au moyen d’une action
paulienne.
5.3.4. Conséquences d’une action oblique :
Le créancier agit au nom du débiteur, et va dès lors demander la condamnation du débiteur
de son débiteur351.
Cette procédure n’est pas purement égoïste : le produit qui revient au redevable profite à
tous les créanciers du redevable et pas seulement au créancier qui a introduit l’action, même
s’il s’agit de l’administration fiscale.
5.4. La responsabilité des dirigeants de sociétés352 :
5.4.1. Base légale :
Le nouveau Code des sociétés contient différents articles en matière de responsabilité
propre à la fonction de dirigeant d’entreprise, gérant ou administrateur (et des fonctions
analogues).
Article 528 du Code des sociétés (ancien article 62, alinéas 2 et 3 des L.C.S.C.) :
« Les administrateurs sont solidairement responsables, soit envers la société, soit
envers les tiers, de tous dommages et intérêts résultant d’infractions aux dispositions
du présent Code ou des statuts sociaux.
L’alinéa 1er est également applicable aux membres du comité de direction.
350
351
352
Exemple tiré de A. Claes, op cit,p. 12.
Bruxelles, 7 novembre 1968, Pas, 1969, III, 30 ; Civ Brugge, 7 février 2002, FJF, n°2000/181.
Varie suivant le type de société, S.N.C., S.C.S., S.A., S.P.R.L.,…, par exemple, Si un gérant de fait utilise
l’actif à des fins privées, de sorte que la société ne peut pas payer l’impôt des sociétés, ou qu’aucun
précompte n’est pas payé.
119
En ce qui concerne les infractions auxquelles ils n’ont pas pris part, les administrateurs
et les membres du comité de direction ne sont déchargés de la responsabilité visée
aux alinéas 1er et 2 que si aucune faute ne leur est imputable et s’ils ont dénoncé ces
infractions selon le cas, lors de la première assemblée générale ou lors de la première
séance du conseil d’administration suivant le moment où ils en ont eu connaissance ».
Article 529 du Code des sociétés :
« Sans préjudice de l’article 528, les administrateurs sont personnellement et
solidairement responsables du préjudice subi par la société ou les tiers à la suite de
décisions prises ou d’opérations accomplies conformément à l’article 523, si la décision
ou l’opération leur a procuré ou a procuré à l’un d’eux un avantage financier abusif au
détriment de la société.
Les administrateurs sont personnellement et solidairement responsables du préjudice
subi par la société ou les tiers à la suite de décisions ou d’opérations approuvées par
le conseil, même dans le respect des dispositions de l’article 524, pour autant que ces
décisions ou opérations aient causé à la société un préjudice financier abusif au
bénéfice d’une société du groupe. Les alinéas 1er et 2 sont applicables aux membres
du comité de direction en ce qui concerne les décisions prises et les opérations
accomplies, même lorsqu’elles l’ont été conformément aux articles 524 et 524ter, §
1er ».
Article 1382 du Code civil :
« Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la
faute duquel il est arrivé, à le réparer ».
5.4.2. Conditions d’application :
Sur la base de l’article 528 du Code des sociétés, les administrateurs peuvent être rendus
responsables par des tiers pour des infractions commises au Code des sociétés ou aux
statuts.
L’administration fiscale est également un tiers en droit d’invoquer et de mettre en cause la
responsabilité des administrateurs de sociétés pour lorsqu’une faute de leur part a entraîné
le non-paiement des dettes fiscales de la société.
Il ne s’agit cependant pas d’une responsabilité « objective » ou automatique. La charge de la
preuve incombe à l’administration, preuve qui porte sur l’existence d’une faute, d’un
dommage et d’un lien de causalité entre la faute et le dommage.
L’existence d’une faute :
A titre d’exemple, une série de comportement ont été relevé par l’administration fiscale pour
mettre en cause la responsabilité des administrateurs sur la base de l’article 528 du Code
des sociétés et/ou de l’article 1382 du Code civil :
o
Ne pas introduire de déclaration à l’impôt des sociétés
Il ne s’agit pas en soi d’une infraction à l’article 528 du Code des sociétés, lequel ne vise que
les infractions au Code des sociétés ou aux statuts. Cet article ne pourrait être invoqué
comme base légale à cette demande.
120
De plus, ne pas introduire une déclaration à l’impôt des sociétés n’est pas nécessairement
un acte fautif au sens de l’article 1382 du Code civil.
Une infraction à la loi peut, mais ne doit pas nécessairement, être une faute au sens des
articles 1382 et 1383 du Code civil.
Une faute au sens de l’article 1382 du Code civil a en effet trois composantes :
o
o
o
La responsabilité ;
La méconnaissance d’une norme générale de prudence ;
La prévisibilité du dommage.
En n’introduisant pas de déclaration, le « dommage » que représente le non-recouvrement
de la cotisation ne peut certainement pas être prévu, et dès lors, ne représente pas une
faute au sens de l’article 1382 du Code civil.
o
Contrôle insuffisant sur l’actif de la société :
Une faute pourrait apparaître lorsque l’actif disparaîtrait de la société, sans que les
administrateurs interviennent pour l’empêcher ou n’assurent un contrôle suffisant sur cet
actif.
Cette faute commune de gestion, au sens de l’article 527 du Code des sociétés, rentre dans
les relations contractuelles de l’administrateur et de la société. elle peut, par conséquent
engager la responsabilité contractuelle de l’administrateur à l’égard de la société.
Cette action en responsabilité contractuelle ne peut toutefois être introduite que par la
société. Si la société a accordé la décharge, en connaissance de cause, cette action
contractuelle est dès lors impossible.
A défaut, l’administration peut-elle se « rattraper » en invoquant l’existence d’une « faute
contractuelle » dans le cadre de l’article 1382 du Code civil ?
Pour rappel, toutes les fautes de gestion ne sont pas nécessairement des actes fautifs. Une
telle hypothèse n’est pas exclue, mais il incombera toujours à l’administration de rapporter la
preuve que les administrateurs ou gérants ont failli à l’obligation générale de prudence.
La prévisibilité est également un élément essentiel pour pouvoir parler de faute. Ainsi, au
moment de la disparition de l’actif, l’administrateur ne sait pas nécessairement que la
cotisation future ne pourra être payée et par conséquent, dans ces cas-là il ne peut être
déclaré responsable353.
En plus, le caractère non recouvrable de la cotisation ne peut être considéré comme un
dommage qui serait la conséquence nécessaire du supposé contrôle tardif sur l’actif. Une
faute ne peut en effet être prouvée à partir de l’existence d’un dommage.
Toutefois, il apparaît que le nouvel article 529 du Code des sociétés permet d’engager la
responsabilité des administrateurs en raison de tels comportements.
353
Cass., 18 mai 1990, Pas, 1990, I, 1990, 1069.
121
o
Le non-paiement du précompte professionnel :
L’attribution de rémunérations et salaires suppose la retenue et le versement au fisc du
précompte professionnel. En l’absence de versement au fisc, les administrateurs ou les
gérants peuvent-ils être déclarés responsables ?
Pour justifier ses prétentions, l’administration invoque fréquemment l’article 86 de l’AR/CIR.
1992.
Cet article est rédigé comme suit :
« Les personnes physiques et morales, de même que toutes les personnes qui, à
quelque titre que ce soit, assurent totalement ou partiellement la direction et
l’administration de sociétés, associations, établissements ou organismes sans
personnalité juridique, sont tenues de verser au trésor le précompte professionnel dû à
la source sur les revenus visés à l’article 87 qu’elles ont payés ou attribués ».
L’administration a toujours été d’avis que les mots « sans personnalité juridique » n’avaient
trait qu’aux organismes, et partant, que les administrateurs de sociétés ont une
responsabilité personnelle dans le paiement du précompte professionnel.
Cette position a été approuvée par la jurisprudence354 mais est contestée par la doctrine.
La jurisprudence récente semble actuellement rejoindre la doctrine contestataire : les mots
« sans personnalité juridique » doivent se rapporter aux « sociétés, associations et
organismes ». Dès lors, l’obligation de paiement repose sur les personnes morales ou
physiques, et en l’absence de personnalité juridique, sur les dirigeants ou personnes en
charge de la gestion355.
L’administration estime pourtant encore être en droit de mettre en cause la responsabilité
des administrateurs sur base de l’article 1382 du Code civil.
Elle ne pourra pas invoquer une prétendue infraction à l’obligation légale de l’article 86 de
l’AR/CIR 1992, mais devra démontrer une infraction à l’obligation générale de prudence356.
o
Le dommage :
Le dommage représente ou le résultat constaté par une comparaison entre la situation
actuelle du préjudicié et sa situation supposée telle qu’elle aurait été en l’absence de faute.
Bien que le Trésor évalue son dommage au montant de la cotisation impayée par la société,
il doit également démontrer que la cotisation pouvait être recouvrée avant que les fautes
supposées ne soient commises.
354
355
356
Anvers, 6 avril 1999 et 13 décembre 1999, TRV, 2000, 32 ; Anvers, 9 mai 2000, Fisc act, 2000, 30/5 ;
Bruxelles, 21 mai 1999, Fiscoloog, 1999, n°717, 1 ; Civ Anvers, 1er octobre 2002, Fiscologue, 2002, n°863,
4 ; Civ Gand, 23 mai 2002, Cour fisc, 2002, 590.
Civ Turnhout, 14 juin 2002, Fiscologue, 2002, n°852, 7.
Anvers, 6 avril 1999 et 13 décembre 1999, TRV, 2000, 32.
122
En ce qui concerne le montant, le dommage de l’Etat belge ne pourrait être plus élevé que
l’impôt dû dans le chef de la société, calculé au taux normal sur les bénéfices réels357.
L’administration ne pourrait jamais prétendre à se voir payer une somme qui excède le
montant ainsi fixé, si la procédure de taxation s’était déroulée de manière ordinaire358.
Le dommage du fisc pourrait également être évalué, au maximum, au montant de l’actif qui a
disparu, sans devoir nécessairement être égal au montant total de la cotisation.
Par conséquent, l’administration doit démontrer quel est l’actif qui a illégalement disparu de
la société suite aux fautes supposées des administrateurs359.
En outre, l’administration doit prouver jusqu’à quel montant cet actif disparu aurait pu servir
au paiement de la dette d’impôt.
Lorsque le dommage est le caractère non recouvrable de l’impôt établi, alors ce dommage
ne peut être égal qu’au patrimoine effectif de la société servant à payer cette cotisation360.
o
Le lien de causalité entre la faute et le dommage :
L’administration doit démontrer le lien nécessaire entre les prétendues «fautes» et le
« dommage » : en l’absence de faute, il n’y aurait pas eu de dommage.
Ainsi, la non-introduction d’une déclaration à l’impôt des sociétés ne signifie pas
nécessairement le non-recouvrement de la cotisation établie, tout comme l’introduction d’une
déclaration ne donne aucune certitude quant au paiement de la cotisation.
Dans un même ordre d’idée, l’établissement et le dépôt prétendument «tardif» du bilan ou le
fait de ne pas tenir de comptabilité n’a pas non plus nécessairement comme conséquence le
caractère non recouvrable de la cotisation, comme l’établissement et dépôt d’un bilan et la
tenue d’une comptabilité probante n’emporte aucune certitude quant au paiement de la
cotisation.
Le fisc doit également démontrer que la cotisation aurait été payée s’il n’avait pas été
question de « contrôle insuffisant sur l’actif de la société ». Sans cette preuve, le lien causal
n’est pas démontré par l’administration361.
Sur base de ces exemples, le lien causal entre les « fautes » supposées et le « dommage »
supposé peut manquer car le « dommage » tel qu’il est apparu aurait pu se produire même
sans la présence de « fautes ».
Par ailleurs, l’administration doit démontrer qu’à cause des « fautes » présumées des
administrateurs, sa situation s’est aggravée par rapport à la situation dans laquelle il se
serait trouvé sans ces « fautes ».
357
358
359
360
361
A Claes, op cit, p. 15.
Ce qui ne serait pas le cas, par exemple, en cas pour des taxations d’office arbitraires.
Civ Gand, 23 mai 2002, Cour fisc, 2002, 461.
A. Claes, op cit, p. 16.
Idibem, p. 16.
123
5.4.3. Article 442quater du C.I.R. 1992 :
En raison du développement d’une jurisprudence défavorable aux intérêts de l’administration
fiscale, cette dernière s’est tournée vers son allier de toujours, c.-à-d. le législateur, afin de
consacrer son argumentation.
En effet, l’administration cherchait régulièrement à mettre en cause la responsabilité des
dirigeants, pour absence de paiement de dettes fiscales (précompte et TVA), mais n’a pu
obtenir gain de cause que dans des hypothèses limitées et justifiées par le cas d’espèce :
faute grave et caractérisée du gérant telle une négligence systématique, absence de
comptabilité, absence systématique de déclaration fiscale,…
Pour le surplus, la jurisprudence rejeta les prétentions du fisc, soit en l’absence de lien
causal, soit en appliquant la jurisprudence de la Cour de cassation selon laquelle « La
responsabilité des administrateurs envers la société est d’ordre contractuel et ne s’étend pas
aux tiers »362.
Un gérant ou un administrateur n’est qu’un mandataire et ne contracte aucune responsabilité
personnelle relative aux engagements de la société363 : la faute de la société n’engage donc
que la responsabilité de ladite société et non son mandataire.
La loi programme du 20 juillet 2006364 a donc inséré dans le C.I.R. une nouvelle disposition,
rédigée comme suit365 :
« § 1er. En cas de manquement, par une société ou une personne morale visée à
l'article 17, § 3, de la loi du 27-06-1921 sur les associations sans but lucratif (A.S.B.L.),
les associations internationales sans but lucratif (A.I.S.B.L.) et les fondations, à son
obligation de paiement du précompte professionnel, le ou les dirigeants de la société
ou de la personne morale chargés de la gestion journalière de la société ou de la
personne morale sont solidairement responsables du manquement si celui-ci est
imputable à une faute au sens de l'article 1382 du Code civil, qu'ils ont commise dans
la gestion de la société ou de la personne morale.
Cette responsabilité solidaire peut être étendue aux autres dirigeants de la société ou
de la personne morale lorsqu'une faute ayant contribué au manquement visé à l'alinéa
1er est établie dans leur chef.
Par dirigeant de la société ou de la personne morale au sens du présent article, l'on
entend toute personne qui, en fait ou en droit, détient ou a détenu le pouvoir de gérer
la société ou la personne morale, à l'exclusion des mandataires de justice.
§ 2. Le non-paiement répété par la société ou la personne morale du précompte
professionnel, est, sauf preuve du contraire, présumé résulter d'une faute visée au §
1er, alinéa 1er.
Par inobservation répétée de l'obligation de paiement du précompte professionnel au
sens du présent article, l'on entend:
- soit, pour un redevable trimestriel du précompte, le défaut de paiement d'au moins
deux dettes échues au cours d'une période d'un an;
- soit, pour un redevable mensuel du précompte, le défaut de paiement d'au moins trois
dettes échues au cours d'une période d'un an.
362
363
364
365
Cass., 23 juin 1983, Pas, 1983, I, 1205.
Art. 61, §1er, al. 1er C. Soc.
M.B., 28 juillet 2006.
J-F Goffin et G. de Sauvage, « La responsabilité civile des dirigeants de sociétés en matière fiscale »,
R.G.C.F., n°2008/5, p. 373 et s.
124
§ 3. Il n'y a pas présomption de faute au sens du § 2, alinéa 1er, lorsque le nonpaiement provient de difficultés financières qui ont donné lieu à l'ouverture de la
procédure de concordat judiciaire, de faillite ou de dissolution judiciaire.
§ 4. La responsabilité solidaire des dirigeants de la société ou de la personne morale
ne peut être engagée que pour le paiement, en principal et intérêts, des dettes de
précompte professionnel.
§ 5. L'action judiciaire contre les dirigeants responsables n'est recevable qu'à
l'expiration d'un délai d'un mois à dater d'un avertissement adressé par le receveur par
lettre recommandée à la poste invitant le destinataire à prendre les mesures
nécessaires pour remédier au manquement ou pour démontrer que celui-ci n'est pas
imputable à une faute commise par eux.
Cette disposition ne fait, toutefois, pas obstacle à ce que le fonctionnaire chargé du
recouvrement puisse requérir, dans le délai précité, des mesures conservatoires à
l'égard du patrimoine du ou des dirigeants de la société ou de la personne morale qui
ont fait l'objet de l'avertissement »
Le C.I.R. 1992 prévoit donc un mécanisme de responsabilité solidaire (et non une obligation
solidaire de paiement366) entre une société et ses dirigeants uniquement pour le paiement du
précompte professionnel, déclaré ou non367 : les autres impôts et précomptes ne sont pas
visés par cette disposition.
Les caractéristiques essentielles de ce mécanisme sont les suivantes368 :
o
Sont visées tant les ASBL que les sociétés civiles ou commerciales possédant la
personnalité juridique. L’application aux sociétés étrangères semble controversée en
doctrine369 ;
o
La responsabilité solidaire repose sur la notion de faute :
Le texte nécessite une faute au sens de l’article 1382 C. civ., plus précisément une
faute commise dans la gestion…qui n’entraine pourtant en principe qu’une
responsabilité uniquement à l’égard de la société. Cette faute ne se confond toutefois
pas avec l’absence de paiement : le texte impose que ce manquement soit imputable à
une faute….ledit manquement ne peut donc constituer une faute (lequel constitue de
surcroît une faute dans le chef de la société).
Le critère de la faute s’apprécie selon les critères habituels, c.-à-d. celui du
comportement qu’un dirigeant normalement prudent aurait adopté dans les mêmes
circonstances.
Le texte prévoit toutefois une « présomption » de faute en cas de non-paiement répété.
Cette présomption supporte néanmoins la preuve contraire et n’emporte aucune
preuve d’un lien causal avec le dommage du fisc.
366
367
368
369
Ce qui implique que l’administration doit démontrer la réunion de conditions, il n’y a pas de codébition
automatique ; Th Afschrift, « Les dispositions fiscales des lois du 20 juillet 2006 », J.T., 2006, p. 733 et s.
Et de la TVA, article 93undecies C.T.V.A.
Th. Afschrift, op cit, p. 735.
J-P Bours et X. Pace, « La responsabilité des dirigeants vis-à-vis de l’administration fiscale », C&FP,
n°2008/4 ; contra Th Afschrift, op cit, p. 733
125
Le dirigeant est en droit de démontrer que le non-paiement répété ne résulte pas de sa
faute (manque de trésorerie, insolvabilité liée à des circonstances malencontreuses de
la vie des affaires,…).
Cette présomption ne s’applique pas « lorsque le non-paiement provient de difficultés
financières qui ont donné lieu à l’ouverture de la procédure de concordat judiciaire, de
faillite ou de liquidation judiciaire ». La charge de la preuve incombe au fisc, qui devra
démontrer que cette exception ne s’applique pas ou que, même en cas de faillite ou
concordat, le non-paiement répété trouve sa raison d‘être dans d’autres causes
constitutives d’une faute de gestion.
Le fisc doit toujours démontrer le dommage, limité au montant en principal et intérêt de
la dette d’impôt (le fisc ne peut prétendre à être indemnisé, sur base de cet article, des
amendes, accroissements ou d’un autre dommage financier/moral/matériel découlant
d’un préjudice distinct), et surtout le lien causal….ce qui concrètement limite
considérablement l’efficacité du texte.
L’exemple donné par Th Afschrift est illustratif de ce fait370 :
« s’il est reproché à un dirigeant d’avoir engagé des frais de prestige dispendieux que
la situation de la société ne justifiait pas, et d’avoir ainsi empêché le paiement du
précompte professionnel, le fisc pourra se prévaloir de la présomption de faute pour
établir qu’une faute a été commise par le dirigeant, mais pas nécessairement que cette
faute consiste en l’engagement desdites dépenses de prestige. A supposer que le fisc
établisse que les dépenses de prestige ont concouru au non-paiement du précompte
professionnel, ce qui constitue la preuve du lien de causalité, il ne pourra se prévaloir
de la présomption de faute contenue par l’article 442quater, §2, pour démontrer que ce
sont bien les dépenses de prestige qui constitue une faute. Il devra au contraire faire la
preuve que celles-ci sont fautives, parce qu’à défaut il ne prouvera pas que c’est la
faute présumée par la loi qui a causé son dommage. »
o
Quels sont les personnes dont la responsabilité peut être engagée ?
En premier lieu, le texte s’applique aux dirigeants chargés de la gestion journalière. La
notion de dirigeant est extrêmement large et vise « toute personne qui, en droit ou en
fait, détient le pouvoir de gérer la société ou l’association, à l’exclusion des
mandataires de justice ».
La notion de dirigeant de droit ne pose aucun problème. La notion de dirigeant de fait,
vise les personnes qui, même sans être nominalement et officiellement investie de ce
pouvoir, disposent ou s’arrogent le droit d’engager et de représenter juridiquement la
société. Dans la mesure où il ne dispose que d’un pouvoir de représentation limité, un
comptable ne pourrait être frappé par cette décision (sauf à démontrer qu’il a géré en
fait la société débitrice du précompte).
Dans un second temps, cette responsabilité peut être étendue aux « autres »
dirigeants lorsqu’il est possible d’établir dans le chef une faute ayant contribué au
manquement que constitue le non-paiement répété du précompte.
370
Th Afschrift, op cit, p. 736.
126
La place de ce paragraphe dans le texte laisse penser que la présomption ne
s’applique pas dans une telle hypothèse. Pour donner une portée cohérente au texte,
le fisc devrait donc toujours démontrer que le « fautif » est un délégué à la gestion
journalière, ou qu’il est intervenu dans la décision relative au paiement du précompte
alors qu’il n’exerce aucune fonction de gestion journalière.
La mise en œuvre de cette responsabilité solidaire n’est pas automatique et nécessite une
procédure judiciaire. Préalablement, le Receveur doit adresser un « avertissement » invitant
le destinataire à prendre les mesures nécessaires pour remédier au manquement ou pour
démontrer que celui-ci n’est pas imputable à une faute commise par eux.
A défaut d’avoir envoyé cet avertissement un mois avant l’introduction de l’action judiciaire,
l’action est irrecevable.
L’utilité et la « moralité » de cette mise en demeure sont discutables : d’une part, ce courrier
risque d’inciter le dirigeant à payer prioritairement le précompte au détriment d’autres
créanciers…afin d’éviter pour le dirigeant d’être mis en cause personnellement : une telle
situation pourrait être la cause d’une infraction en matière de faillite. D’autre part, cette mise
en demeure sera inefficace si la société a été déclarée en faillite dans l’intervalle ou si le
dirigeant a démissionné.
Cette responsabilité existe également pour le paiement de la TVA, déclarée ou non371.
Cependant, cette responsabilité s’étend également aux frais accessoires. Par ailleurs, les
périodes de « manquement » sont légèrement différentes de celles prévues en matière de
précompte.
5.5. Responsabilité spéciale des administrateurs de sociétés en cas de faillite :
A l’initiative du commissaire du gouvernement Alain Zenner, deux nouveaux alinéas ont été
ajoutés à l’article 265 du Code des sociétés par les articles 34 et 36 de la loi du 4 septembre
2002, modifiant la loi sur les faillites du 8 août 1977, le Code judiciaire et le Code des
sociétés (même chose pour les articles 409 et 530).
Les nouvelles dispositions sont d’application pour les administrateurs de SPRL, de sociétés
coopératives et de sociétés anonymes.
5.5.1. Base légale :
L’article 265 du Code des sociétés, dans sa nouvelle rédaction, précise qu’ :
« En cas de faillite de la société et d’insuffisance de l’actif et s’il est établi qu’une faute
grave et caractérisée dans leur chef a contribué à la faillite, tout gérant ou ancien
gérant, ainsi que tout autre personne qui a effectivement détenu le pouvoir de gérer la
société, peuvent être déclarés personnellement obligés, avec ou sans solidarité, de
tout ou partie des dettes sociales à concurrence de l’insuffisance d’actif.
371
Article 93undecies, §2, al. 2 du C.T.V.A.
127
L’alinéa 1er n’est toutefois pas d’application lorsque la société en faillite a réalisé, au
cours des trois exercices qui précèdent la faillite, un chiffre d’affaire moyen inférieur à
620.000 €, hors taxe sur la valeur ajoutée, et lorsque le total du bilan au terme du
dernier exercice n’a pas dépassé 370.000 €.
L’action est recevable de la part tant des curateurs que des créanciers lésés. Le
créancier lésé qui intente une action en informe le curateur. Dans ce dernier cas, le
montant alloué par le juge est limité au préjudice subi par les créanciers agissants et
leur revient exclusivement, indépendamment de l’action éventuelle des curateurs dans
l’intérêt de la masse.
Est réputée faute grave et caractérisée toute fraude fiscale grave et organisée au sens
de l'article 3, §2, de la loi du 11 janvier 1993 relative à la prévention de l’utilisation du
système financier aux fins de blanchiment de capitaux ».
5.5.2. Conditions372 :
Administrateur :
Cette nouvelle responsabilité vaut pour les administrateurs, de droit et de fait, de SPRL,
sociétés coopératives et sociétés anonymes.
Les anciens dirigeants d’entreprise et toute personne ayant eu de réelle compétence de
gestion dans la société peuvent également être condamnés à combler le vide financier avec
leurs propres moyens.
Il ressort clairement du texte légal que cette responsabilité reste limitée à l’administrateur et
à l’administrateur de fait de « grandes » entreprises (chiffre d’affaires moyen des trois
derniers exercices de plus de 620.000 € ou total au bilan du dernier exercice de plus de
370.000 €)
Fraude fiscale grave et organisée :
L’article 3, § 2, de la loi du 11 janvier 1993 relative à la prévention de l’utilisation du système
financier aux fins du blanchiment de capitaux décrit le « blanchiment » comme :
« Une infraction liée (…) à la fraude fiscale grave et organisée qui met en œuvre des
mécanismes complexes ou qui use de procédés à la dimension internationale (…) ».
L’administration fiscale peut également introduire une action :
Il est actuellement incontestable que les curateurs ne sont plus les seuls à pouvoir introduire
une telle action en responsabilité.
La modification légale contrarie l’ancienne jurisprudence minoritaire qui décidait que seul le
curateur pouvait introduire une telle action et que les termes « faute grave et caractérisée »
devaient être interprétés restrictivement373.
372
373
A. Claes, « Le recouvrement de dettes fiscales auprès de tiers », RGCF, 2003/4, pp. 17 et 18.
Doc parl, Ch repr, sess ord, 2000-2001, n°1132/013, p. 130.
128
Bien entendu, l’administration devra encore démontrer l’étendue de son dommage et
l’existence d’un lien causal.
Le nouveau régime est entré en vigueur au 4 octobre 2002.
5.6.
La responsabilité des liquidateurs :
La liquidation constitue :
« l’ensemble des opérations effectuées après la dissolution de la société commerciale
pour assurer le paiement des créanciers au moyen du patrimoine de la société et
partager le solde entre les associés374 ».
Le liquidateur a donc pour mission de réaliser l’actif de la société, de payer les dettes de la
société, en ce compris les dettes fiscales, et éventuellement, de distribuer le solde entre les
associés.
5.6.1. Base légale :
La responsabilité des liquidateurs est expressément prévue à l’article 192 du Code des
sociétés (article 186 LCSC) :
« Les liquidateurs sont responsables tant envers les tiers qu’envers les associés, de
l’exécution de leur mandat et des fautes commises dans leur gestion ».
5.6.2. Conditions et cas d’applications :
L’administration fisc ale doit être considérée comme un tiers au sens de l’article 192 du
Code des sociétés.
Elle est en droit d’invoquer cet article à l’encontre des liquidateurs, en prouvant la faute, le
dommage et le lien causal.
A titre d’exemple, une telle faute est censée exister lorsque le liquidateur traîne à réaliser un
bien immobilier nonobstant le fait que la société a encore des dettes d’impôt375.
De même, si les liquidateurs procèdent au partage du patrimoine de la société sans tenir
compte des dettes d’impôt déjà enrôlées, ils peuvent être déclarés responsables sur base de
l’article 192 du Code des sociétés376.
Cette responsabilité fondée sur l’article 192 du Code des sociétés ne nécessite pas une
faute grave, des fautes ordinaires suffisent. Il est donc conseillé aux liquidateurs de
s’informer auprès de l’administration sur l’existence ou non de dettes fiscales377.
374
375
376
377
Cass., 8 mai 1930, Pas, 1930, I, 202.
Civ Audenaerde, 13 octobre 1995, Bull contr, 1996, n°766, 2450.
Cass., 6 avril 1984, RW, 1984-85, 1493 ; Civ Nivelles, 25 avril 1984, Bull contr, 1988, n°674, 1280 ; Civ
Liège, 11 janvier 1993, Bull bel, 1995, n°750, 1459 ; Civ Bruxelles, 18 mai 2001, Fiscologue, n°819, 10-11.
Civ Furnes, 20 septembre 1996, Bull contr, 1998, n°781, 711.
129
De plus, selon la jurisprudence, le liquidateur ne doit pas simplement tenir compte des
impôts déjà enrôlés mais également des dettes fiscales prévisibles. Le liquidateur peut ainsi
également être tenu responsable pour des cotisations établies par l’administration le jour
suivant la clôture de la liquidation.
Dans ce cas précis, le fait que la dissolution et la fermeture de la société se soient produites
le même jour est déterminant378. Même avant cela, la jurisprudence avait déjà accepté que
le liquidateur ne pouvait pas tenir compte que des dettes d’impôts existantes au moment de
la mise en liquidation, mais qu’il devait également prendre en compte les dettes d’impôts qui
pouvaient être établies avant la clôture de la liquidation379.
Enfin, la jurisprudence estime que ne pas communiquer les résultats de la liquidation et ne
pas répondre aux demandes d’information du Receveur seraient suffisants pour mettre en
cause la responsabilité du liquidateur, surtout s’il semble qu’il restait assez d’actif pour payer
les dettes fiscales380.
Le dommage du Trésor peut correspondre, au maximum, au montant de l’actif qui a disparu,
sans devoir nécessairement être égal au montant total de la cotisation. Par conséquent,
l’administration doit démontrer quel est l’actif qui a illégalement disparu de la société suite
aux fautes supposées des liquidateurs.
5.6.3. Quid avec le « liquidateur de fait » :
Dans un jugement du 15 décembre 1997, le Tribunal de Première Instance de Courtrai a
décidé qu’une société qui avait vendu son fonds de commerce, et qui n’exerçait plus
d’activité, était de facto une société en liquidation381.
Le gérant devait donc être de facto considéré comme liquidateur, avec la responsabilité qui
s’y attache quant au paiement du solde des dettes d’impôt.
378
379
380
381
Civ Gand, 3 janvier 2002, Cour fisc, 2002, 306.
Cass., 6 avril 1984, FJF, n°84/180 ; Civ Liège, 11 janvier 1993, Bull bel, 1995, n°750, 1459 ; JP Liège,
23 juin 1989, Bull contr, 1995, n°750, 1421.
Civ Termonde, 15 avril 1996, Bull contr, n°792, 1121.
Civ Courtrai, 15 décembre 1997, Cour fisc, 1998, 293, cité par A. Claes, op cit, p. 19.
130
VI.
LA SURSEANCE INDEFINIE AU RECOUVREMENT :
1.
INTRODUCTION :
Depuis le 1er janvier 2005, les redevables personnes physiques et le conjoint sur les biens
duquel le recouvrement d’un impôt peut être opéré sont en droit de solliciter, auprès des
services de la direction régionale, une « surséance indéfinie au recouvrement » de certaines
de leurs dettes fiscales.
Cette nouvelle procédure fait maintenant partie intégrante du Code des Impôts sur les
Revenus382, précisément aux articles 413bis à 413octies du C.I.R. 1992383, insérés par les
articles 332 et 333 de la loi-programme du 27 décembre 2004384.
L’objectif annoncé de cette procédure est de permettre à la catégorie des contribuables,
« malheureux et de bonne foi », de prendre un nouveau départ en leur permettant de
surmonter et de dépasser leur situation de surendettement.
Cette démarche est à mi-chemin entre, d’une part, la recherche d’une (plus grande)
protection des personnes socialement et/ou financièrement défavorisées, à l’instar des
modifications apportées à la procédure de règlement collectif de dettes385 et en matière de
faillites, et d’autre part, les opérations de « toilettage » qu’entend opérer le Service Public
Fédéral Finances (titrisation et déclaration libératoire).
2.
DEFINITION :
Les travaux préparatoires présentent l’esprit du projet dans les termes suivants : « Les
mesures en projet poursuivent l’objectif de mettre en place un système plus efficient. Elles
visent, à la fois, à permettre au redevable de prendre un nouveau départ en l’encourageant
à s’extraire de sa situation difficile, tout en garantissant à l’Etat créancier la perception,
chaque fois que cela est possible, d’une partie de sa créance386. »
Toutefois, les travaux préparatoires ne définissent pas de manière précise ce que couvre
exactement la décision accordant la « surséance indéfinie au recouvrement » et se
contentent de considérations d’ordre général.
Dans le langage commun, le terme de « surséance » implique qu’une chose soit différée,
qu’une exécution soit suspendue, remise à plus tard387.
382
383
384
385
386
387
Section IV bis, insérée dans le titre VII, chapitre VIII.
Complété par l’arrêté royal du 25 février 2005, M.B., 15 mars 2005, pp. 10765 à 10766.
Doc. Parl, Chambre, sess. 2004-2005, n°1437/35, pp. 149 et 150 ; loi publiée au Moniteur belge du 31
décembre 2004.
J.-L. Ledoux, « Règlement collectif de dettes – Droit nouveau – concours et sûretés », Rev. Not. Belg.,
janvier 2006, p. 6 et s.
Doc. Parl., Chambre, sess. 2004-2005, n°1437/001, p. 206.
Dictionnaire Lexis, éditions Larousse.
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En l’occurrence, il s’agit du « recouvrement » des impôts sur le revenus (à l’exception des
précomptes), qui sera postposé de manière « indéfinie » (mais non nécessairement de
manière « définitive », au risque de représenter une remise de dette), c.-à-d. imprécise,
indéterminée, qui ne peut être délimitée dans le temps (ou l’espace).
Cette « mesure de faveur », comme le Ministre des Finances se plaît à la qualifier, sera
néanmoins subordonnée à des conditions fixées par le directeur régional et ne sera effective
qu’après le paiement d’une somme fixée par ce dernier.
En d’autres mots, le débiteur d’impôt concerné pourra, pour tout ou partie des cotisations
dont il est redevable, ne plus être inquiété par des mesures d’exécution, le recouvrement
étant gelé exclusivement à son égard, sous conditions et avec le risque d’une déchéance
pour certaines causes visées par la loi.
3.
3.1.
LA PROCEDURE :
Champ d’application :
Seules les personnes physiques pourront bénéficier de cette procédure.
Le texte n’apporte aucune restriction complémentaire, comme l’exclusion des commerçants,
des non-résidents,…(tel n’était pas le cas dans l’avant projet où les assujettis T.V.A. étaient
exclus), ce qui aurait pu évidemment être considéré comme discriminatoire.
Cette procédure peut ainsi bénéficier aux faillis et aux médiés, lesquels pourraient disposer
d’une mesure de faveur complémentaire dans un processus de réhabilitation et/ou
d’amnistie suite à l’excusabilité ou une réduction de dette en capital.
Plus précisément, le texte parle du « redevable » ou « de son conjoint sur les biens
duquel l’impôt est mis en recouvrement ».
Il s’agit, selon la définition classique, donc de la personne (physique) reprise au rôle ainsi
que la personne (physique) tenue de payer un impôt qui n’est pas normalement enrôlé
(précompte professionnel et mobilier, sous réserve toutefois de ce qui sera dit ci-après).
Toutefois, il ne semblerait pas que cette procédure puisse bénéficier à d’autres personnes
sur les biens desquels le recouvrement de l’impôt pourrait pourtant être exercé. Tel est le
cas du cessionnaire (article –442bis- C.I.R. 1992), du tiers-saisi condamné solidairement à la
dette du débiteur saisi (article –164, §5- A.R./C.I.R. 1992), l’acquéreur d’un bien immobilier
(article –335- du C.I.R. 1992) ou encore celui d’un dirigeant personne physique après mise
en cause de sa responsabilité (pour faute de gestion, non respect de la loi ou des statuts,
quasi-délictuelle).
Ne sont visés que les impôts directs.
Selon la circulaire du 7 février 2005, et « en raison de leur caractère particulier », les
précomptes (PrP, Prm et PrI) tout comme les taxes assimilées sont exclues du champ de la
mesure (point n°2).
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Les frais de justice (saisies, recommandés, commandements, inscriptions
hypothécaires,…) ne sont pas visés par la surséance. La circulaire du 7 février 2005 ne vise
d’ailleurs que les impôts « en principal, accroissements, amendes et intérêts ».
De même, cette surséance ne peut pas être demandée pour des impôts qui sont (article –
413bis-, §4- du C.I.R. 1992) :
o
o
o
Contestés ;
Susceptibles de contestation, les délais de recours (administratifs et/ou judiciaires)
n’étant pas encore expirés ;
Établis suite à la constatation d’une fraude fiscale.
La conséquence logique de cette dernière exigence est d’imposer au demandeur qu’il
prouve par des éléments concrets que son insolvabilité n’est pas frauduleuse et non
organisée.
La circulaire du 7 février 2005 fait référence au concept de débiteur « malheureux et de
bonne foi », concept utilisé en droit commun mais qui n’est pas visé en tant que tel dans la
loi du 21/12/2004.
L’enjeu est d’éviter une immunité des contribuables fraudeurs qui, bien que découvert, ne
paient pas l’impôt enrôlé et pourraient ensuite être blanchis, en toute impunité, en l’absence
de possibilités d’assurer le recouvrement.
Compte tenu de la rédaction du texte, il semblerait que ce soit la nature de la procédure de
taxation et les conclusions de fraude découlant de celle-ci qui, à défaut d’avoir été
renversées suite à un recours, conditionnent invariablement la recevabilité de la demande
de surséance.
3.2.
Procédure :
La demande est subordonnée à des conditions de recevabilité (article –413bis-, §2- du
C.I.R. 1992) :
o
o
o
Le demandeur ne doit pas avoir organisé son insolvabilité ;
Ne pas pouvoir payer de manière durable ses dettes exigibles et à échoir ;
Ne pas avoir bénéficié d’une telle mesure dans les 5 ans précédents la demande ;
Ce délai de 5 ans est lié au délai de prescription de l’action en recouvrement des dettes
d’impôts.
Tout comme la réclamation, la demande doit également respecter des conditions de forme :
o
o
o
Par lettre recommandée ;
Elle doit être motivée par référence à la situation concrète du demandeur ;
Être adressée au directeur régional (recouvrement) du ressort où le redevable ou le
conjoint sur les biens duquel l’imposition est mise en recouvrement est domicilié.
Même si le texte ne le prévoit pas explicitement, cette demande doit évidemment être
signée par le demandeur ou son mandataire.
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La Direction régionale devra nécessairement accuser réception de la demande.
La loi retient le critère du domicile du demandeur, et non celui de la Direction recouvrement
dont dépend le Receveur en charge des poursuites.
La demande sera instruite par le Receveur chargé du recouvrement des impositions
litigieuses (article –413quater-, al. 1er- du C.I.R. 1992).
La loi prévoit également qu’un Receveur peut d’office introduire une telle demande,
(indépendamment ou en même temps qu’une demande en décharge (demande 180)), sans
intervention du redevable.
Une décision doit intervenir endéans les 6 mois de la réception dudit recours.
Celui-ci est instruit par le Receveur, ce dernier pouvant faire usage des pouvoirs reconnus
par l’article -319bis- du C.I.R. 1992, comme le confirme l’article –413quater-, al. 2- C.I.R.
1992. Le texte est muet sur les sanctions et les droits du demandeur en cas d’absence de
décision dans ce délai.
La décision déterminera les conditions auxquelles l’octroi de la surséance est subordonné.
En outre, le Directeur soumet sa décision au paiement (immédiat ou échelonné) d’une
somme destinée à être imputée sur le ou les impôts litigieux. L’article –413octies- C.I.R.
1992 prévoit que les modalités de fixation de ce montant peuvent (et non « doivent ») être
fixées par arrêté royal.
3.3.
Recours :
La décision du Directeur régional, qui doit être motivée, est notifiée au demandeur par
lettre recommandée (article –413quinquies-, §1er-, al. 2- du C.I.R. 1992).
En cas de désaccord, le demandeur dispose d’un délai d’un mois pour contester cette
décision, moyennant un recours auprès d’une Commission composée de deux à quatre
Directeurs régionaux désignés par le Ministre des Finances (article –413quinquies-, §2-du
C.I.R. 1992).
Cette Commission « d’appel » sera présidée par un fonctionnaire dirigeant les services
chargés du recouvrement des impôts sur les revenus ou de son délégué.
Les modalités de fonctionnement ont été précisées par l’A.R. du 25 février 2005 et sa
composition fixée par arrêté ministériel du 19 juillet 2005.
La décision de cette commission doit être rendue endéans les trois mois de la réception du
recours, constaté par un accusé réception (article –413quinquies, §2, al. 3- du C.I..R. 1992).
Selon le texte de loi, cette décision doit être motivée mais ne peut faire l’objet d’aucun
recours (article –413quinquies-, §2-, in fine du C.I.R. 1992). Le demandeur ne bénéficierait,
selon le texte, du droit de soumettre sa demande à un Tribunal de l’ordre judiciaire ni
sanctionner l’absence de motivation de cette décision.
134
3.4.
Effets :
L’effet de la décision octroyant la surséance au recouvrement est clair : plus AUCUNE
mesure d’exécution ne pourra être mise en œuvre contre le bénéficiaire de cette mesure.
Cette surséance est indéfinie, c.-à-d. à durée indéterminée. Elle peut être totale (pour tous
les impôts à charge du redevable) ou partielle (certaines cotisations uniquement).
Il s’agit donc d’instaurer, de manière exceptionnelle, un moratoire d’une durée indéfinie
protégeant le demandeur contre toutes mesures d’exécution forcée visant à obtenir le
paiement d’impôts dus mais que ce dernier ne serait pas en mesure de payer.
L’introduction de cette demande suffit à elle seule à assurer un premier moratoire aux
mesures de poursuites, à tout le moins jusqu’au jour où la décision directoriale est devenue
définitive ou, en cas de recours, jusqu’au jour de la notification de la décision de la
commission statuant en degré « d’appel » (article –413sexies-, al. 1er C.I.R. 1992).
Toutefois, les mesures conservatoires (inscriptions hypothécaires, imputation des
remboursements selon l’article 334 de la loi programme modifiant l’AR/CIR 1992,…) et les
actes interruptifs de la prescription pourront toujours être mises en œuvre (article –
413sexies-, al. 2 C.I.R. 1992). Cela signifie, comme les travaux préparatoires le confirment,
que l’article –443bis- et –443ter- du C.I.R. 1992 ne sont pas applicables : aucune
suspension de la prescription ne découle de l’introduction de cette procédure, ni durant son
instruction ni suite à son octroi.
De plus, toutes les mesures d’exécution engagées avant la date d’introduction de la
demande, si elles ne peuvent être menées à termes en raison de cette demande,
conservent leur caractère conservatoire (article –413sexies-, al. 1er- in fine du C.I.R. 1992).
3.5.
Déchéance de la surséance :
L’article –413septies- du C.I.R. 1992 édicte de manière limitative les causes à l’origine de la
perte du bénéfice de la surséance indéfinie :
o
o
o
o
Si le demandeur a fourni des informations inexactes (il faut mais il suffit que ces
informations soient inexactes (erronées) et non pas qu’elles soient fausses, ce qui
évite à l’administration de devoir rapporter la preuve d’une intention dolosive
(mensonge ou information volontairement dissimulée) dans le chef du demandeur) ;
Si les conditions fixées par la décision ne sont pas respectées (sans tenir compte
d’éventuels cas fortuits, de la force majeure ou de tous événements étrangers à la
volonté du demandeur) ;
Si le demandeur a fautivement augmenté son passif ou diminué son passif (si le
demandeur se rend insolvable volontairement après la décision de la surséance) ;
Si le demandeur a organisé son insolvabilité (la décision d’octroi pourrait donc être
remise en cause a posteriori si l’administration peut rapporter ultérieurement la preuve
que le demandeur avait organisé son insolvabilité avant d’introduire sa demande).
135
Le texte originel prévoyait une cinquième cause de révocation, à savoir « 5° il a fait
sciemment de fausses déclarations ». L’avis du Conseil d’Etat a été suivi en ce qu’il
suggérait de supprimer cette cinquième hypothèse au motif que celle-ci paraît faire double
emploi. Par contre, dans un souci de sécurité juridique, les dispositions des 3° et 4° ont été
maintenues même si elles peuvent apparaître superflues.
4.
CONCLUSION :
La procédure de surséance indéfinie au recouvrement peut être qualifiée d’ambivalente et
de contradictoire.
En pratique, les informations pertinentes pour la gestion et le traitement des dossiers
parviendront seulement par voie d’instructions ou de circulaires, sans délai déterminé,
lesquels documents dépendront d’une « jurisprudence » développée au fur et à mesure par
les fonctionnaires qui statuent tant en premier degré qu’en degré d’appel.
Quelques précisions peuvent toutefois être déduites à partir d’une réponse à une question
parlementaire récente (Question n°5125 de M. Devlies du 25-01-2005, Compte rendu
analytique, Commission des Finances de la Chambre, Com 472, p. 2-4) :
« Le directeur doit lier sa décision à la condition que le requérant paye une partie des
impôts dus immédiatement ou en étalant ses paiements sur une période déterminée. Il
peut imposer des conditions supplémentaires ou accorder une surséance indéfinie
pour le paiement des frais de poursuit dus. En outre, il peut reporter des
remboursements.
Dans la détermination de la somme, il est tenu compte des éléments particuliers
figurant dans la requête, à savoir la situation patrimoniale connue de l’intéressé, les
dettes exigibles et les moyens financiers du requérant. Mon administration arrêtera des
directives afin que toutes les directions traitent ces requêtes sur la base des mêmes
critères. Je soumettrai un arrêté royal au prochain conseil des ministres. Cette mesure
fera l’objet d’une évaluation permanente. Les directeurs sont membres de la
commission de recours, ce qui contribuera à l’uniformité du traitement des requêtes.
L’introduction d’une requête de surséance indéfinie d’un recouvrement ne porte pas
préjudice aux mesures destinées à garantir le recouvrement ou à éviter la
prescription. Le caractère conservatoire des saisies déjà opérées est maintenu. Des
mesures conservatoires peuvent être imposées en cas d’abus.
La loi prévoit qu’une requête n’est recevable que si le contribuable n’a pas obtenu de
décision de surséance indéfinie au recouvrement au cours des cinq dernières années.
Toute la procédure administrative a été détaillée dans la loi-programme et dans l’arrêté
royal sui sera examiné au prochain Conseil des ministres. Le directeur statue dans les
six mois de la réception de la requête, et la commission a trois mois pour se prononcer
sur un recours éventuel. Aucune sanction particulière n’est prévue en cas de
dépassement de ces délais mais l’administration s’efforcera de les respecter dans la
mesure du possible.
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Il n’y a pas de contrôle judiciaire direct mais le défendeur peut introduire un recours
contre une décision auprès d’une commission spéciale ou auprès du conseil d’Etat.
Ces mesures exceptionnelles sont accordées sous le contrôle général de la Cour des
comptes. La mesure a pour objet de résorber l’arriéré fiscal. Le directeur des
contributions peut obtenir un paiement partiel de la dette fiscal. Les contribuables sont
encouragés à payer et, à prendre un nouveau départ. Une évaluation nous dira si les
effets de cette mesure sont favorables au Trésor.
QUESTION EN RETOUR :
L’organisation de la procédure est très importante. L’administration doit prendre des
mesures immédiates en cas d’abus. Il faudra aussi qu’elle soit bien organisée pour
pouvoir respecter les délais. Des mesures conservatoires peuvent-elles être prises
pendant la procédure ?
REPONSE EN RETOUR :
Ces dispositions sont traitées dans l’arrêté royal qui est soumis au Conseil des
ministres. »
Une procédure similaire a été intégrée ensuite dans le Code TVA388, autorisant tout
redevable personne physique ou son conjoint sur les biens duquel la TVA est mise en
recouvrement, à demander la surséance indéfinie au recouvrement389.
Cependant, seules pourront demander le bénéfice de cette mesure les personnes physiques
qui n’ont plus la qualité d’assujettis et qui auront donc mis fin à leurs activités.
La procédure et les effets sont calqués sur la procédure en matière d’impôts sur les revenus,
à l’exception d’une condition relative à la nature de la dette d’impôt.
En effet, le directeur régional de la TVA ne peut accorder la surséance indéfinie au
recouvrement de la dette d’impôt qui a fait l’objet d’une contestation en justice tandis qu’en
impôts sur les revenus, la surséance ne peut être accordée pour des impôts contestés ou
encore susceptibles de l’être : l’assujetti qui a osé introduire une procédure en justice ne
pourrait donc jamais bénéficier d’une telle mesure.
En pratique, cette procédure vise à « officialiser » et à généraliser la procédure de mise en
décharge, tout en donnant une très (trop) large pouvoir d’appréciation à l’administration, au
risque de méconnaître gravement les règles fondamentales de notre droit, entre autres celui
pour le contribuable de disposer d’un droit de recours (judiciaire) objectif et efficace.
388
389
Loi du 27 avril 2007 M.B. 8 mai 2007 applicable à partir du 18 mai 2007 ; art. 84 quinquies et s CTVA.
P. Bellen, « La surséance indéfinie au recouvrement : après l'impôt direct, la TVA ... mais avec un
bémol », Act. fisc., n°2007/24, p. 3.
137
VII. EN CONCLUSION :
Le présent exposé, bien que long de plus de 138 pages, n’aborde que de manière fort
succincte la matière du recouvrement en droit fiscal.
De nombreux points, tels les saisies et le régime des entrepreneurs enregistrés, constituent
à eux seuls de sujets à part entière, et n’ont pu être abordés au risque de rédiger une
« histoire sans fin ».
Bien que fort d’enseignements, ce sujet est souvent relégué au rang de sous-droit et
délaissé par les grands noms de la fiscalité. C’est un grand tort, comme le démontre
l’étendue des pouvoirs discrétionnaires mis à la disposition du Receveur par le Code des
Impôts sur les Revenus.
Au fil du temps, et compte tenu de nombreuses situations dramatiques générées par des
poursuites sans retenues, la jurisprudence s’est attachée progressivement à protéger les
droits du contribuable, de son ex-conjoint et des tiers.
Le contrôle de la Cour d’arbitrage, dont le rôle actif en matière fiscale permet souvent de
pallier la faiblesse et les « errements » de la Cour de cassation, est indiscutablement la
meilleure protection offerte aux contribuables.
Un regain d’attention se manifeste actuellement, doctrinale et législative, en raison de
l’importance croissante donnée au pouvoir judiciaire de s’immiscer dans l’exercice du
pouvoir du Receveur, entre autre en raison des principes dégagés par la réforme de la
procédure fiscale de 1999.
Même la jurisprudence « a soufflé » de nombreuses modifications des textes légaux, le
législateur vient également bien souvent au secours de l’administration, comme en témoigne
la récente adaptation du texte en matière de prescription ou de lutte contre l’arriéré de
paiement.
Quoi qu’il en soit, les contribuables sont de moins en moins souvent oubliés.
Ainsi, les droits de la défense et le contrôle de pleine juridiction sont indiscutablement
reconnus en jurisprudence, mais encore peu appliqués d’initiative par les Receveurs : ceuxci, invoquant leur « lourde » responsabilité, se permettent encore d’agir souverainement,
sans justifier leurs actes, et mettant en œuvre de manière systématique des mesures qui ne
devraient être qu’occasionnelles.
En même temps que la contestation de telles mesures d’exécution, une action en
responsabilité peut être dirigée contre le Receveur, action qui ne laisse plus les Juges
indifférents.
Par conséquent, de nombreux litiges et de nombreux recours à la Cour d’arbitrage sont
encore à prévoir….sans certitude quant à la consécration d’une thèse par rapport à une
autre.
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