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3) L’abolition suggérée des cégeps
Maintenant, l’éducation et, pourquoi pas, les cégeps. Vulnérable aux groupes
d’intérêts, le gouvernement, qui a faim d’argent, se laisse présentement tenter par une
mesure radicale récemment avancée par la Fédération des commissions scolaires et dont
nous savons tous qu’elle sourirait aussi aux dirigeants universitaires : abolir le secteur
préuniversitaire de deux ans des cégeps et le remplacer par une sixième année au
secondaire et une année supplémentaire au 1er cycle universitaire. La Fédération est allée
jusqu’à prétendre que ce brassage de structure ferait économiser 1 milliard par année au
Québec, soit l’équivalent de 80% de la subvention du MEQ aux cégeps. Non seulement
cette prétention est-elle une impossibilité mathématique, mais c’est son contraire qui est
vrai. Former un élève coûte beaucoup plus cher à l’université qu’au cégep, de sorte que
transférer 75 000 étudiants des cégeps vers le secondaire et l’université coûterait plus
cher, pas moins cher, à la société québécoise – probablement 175 millions de plus par
année à long terme, sans compter les coûts de transition à court terme.
Ce n’est pas tout. Ajouter une sixième année au secondaire donnerait 12 mois de
plus aux jeunes du Québec pour décrocher, alors que la province affiche déjà le plus haut
taux de décrochage du Canada. La vérité est que, grâce aux cégeps, presque 70% des
jeunes Québécois acquièrent aujourd’hui un diplôme postsecondaire par comparaison à
60% ailleurs au Canada, et que notre niveau de scolarisation est le plus élevé du pays
avec celui de l’Ontario, soit 15,2 années d’études à la médiane. C’est notamment au
Québec que le plus de jeunes sont formés dans la filière professionnelle et technique au
Canada. Il y a certainement beaucoup à améliorer dans cette filière en particulier et dans
les cégeps en général. Le point que je veux faire valoir ici n’est pas que tout est parfait au
Québec, mais simplement que c’est pire ailleurs et qu’il serait illogique de remplacer
notre système par un autre qui est moins performant.
Par ailleurs, bien qu’on convienne facilement que beaucoup d’enfants de familles
riches et éduquées seraient allés à l’université avec ou sans cégep, il n’en va pas de même
pour les enfants d’origine plus modeste. Sans cégep, ils seraient très nombreux à être
immobilisés durant toute leur vie avec en poche un simple diplôme du secondaire. C’est
exactement ce qu’on observe dans le reste du Canada. Bref, abolir les cégeps tels que
nous les connaissons nous ferait perdre sur tous les plans : ce serait une mesure coûteuse,
déscolarisante et inéquitable. Alors qu’on se conforte avec le statu quo dans le secteur où
il serait urgent d’agir, la santé, on se prépare à prendre un virage radical et dangereux
pour l’économie et la société dans un autre secteur, l’éducation, où construire à partir du
système actuel serait ce qu’il y a de plus intelligent à faire.
4) La crise perpétuelle du logement locatif
Au Québec, nous avons l’habitude de bloquer les prix de divers biens ou services
pour toutes sortes de raisons, principalement d’équité. La sous-tarification est évidente
pour les garderies, l’électricité, les frais de scolarité collégiaux et universitaires, l’eau,
l’usage des ponts et des routes, les logements locatifs, etc. Tout cela part d’un bon
naturel, et il n’est pas interdit de croire que le combat contre les inégalités sociales justifie