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COMMUNICATION
LES ANIMAUX GNOTOBIOTIQUES : POUR MIEUX COMPRENDRE
LE MICROBIOTE INTESTINAL
GNOTOBIOTIC ANIMALS TO IMPROVE OUR UNDERSTANDING OF THE
INTESTINAL MICROBIOTA
Par Muriel THOMAS(1), Laura WRZOSEK(1), Françoise RUL(1) et Philippe LANGELLA (1)
(Communication présentée le 18 octobre 2012)
De nombreuses données centes concernent le microbiote intestinal, mais les interactions fonctionnelles
qui s’établissent entre ce microbiote et les entérocytes restent encore peu connues, alors qu’elles sont
tout à fait essentielles pour la santé. Nous avons choisi deux exemples illustrant l’utilisation d’animaux
gnotobiotiques pour analyser le dialogue entre les cellules intestinales et le microbiote. Les animaux
mono-associés avec la bactérie commensale Bacteroides thetaiotaomicron révèlent les effets mutuels
qui existent entre une bactérie commensale et l’hôte. L’étude d’animaux gnotobiotiques, porteurs
de bactéries du yaourt, permet de proposer des nouvelles voies de régulation du métabolisme des
sucres des bactéries lactiques et de nouvelles voies moléculaires par lesquelles ces bactéries pourraient
influencer la physiologie de l’hôte.
Mots-clés : microbiote, physiologie intestinale, Bacteroides thetaiotaomicron, Streptococcus thermophilus.
RÉSUMÉ
(1) MICALIS (UMR1319), INRA, Jouy-en-Josas.
A large number of data on microbiota has emerged recently, but functional interactions between the
microbiota and intestinal cells remain poorly understood, even though they are absolutely essential
for health. In this context, we chose two examples of gnotobiotic models used to analyse the dia-
logue between intestinal cells and microbiota. Animals mono-associated with Bacteroides thetaio-
taomicron show the mutual effects between a commensal bacterium and the host. The study of gno-
tobiotic animals carrying yogurt bacteria helped suggest new pathways for the regulation of sugar
metabolism in lactic acid bacteria, and new molecular pathways by which these bacteria may influ-
ence the physiology of the host.
Key words: microbiota, intestinal physiology, Bacteroides thetaiotaomicron, Streptococcus thermophilus.
SUMMARY
Le tractus digestif (TD) est un organe hybride fait de cellules
eucaryotes spécifiques de l’hôte (les cellules intestinales) et
d’une population microbienne provenant de l’environne-
ment (le microbiote). Les cellules intestinales et le microbiote,
qui deviennent indissociables à partir de la naissance, régis-
sent les deux fonctions principales du TD : la fonction de diges-
tion/absorption et la fonction de protection. Les cellules
intestinales et le microbiote sont caractérisés par leur diver-
sité cellulaire, leurs interactions, leur renouvellement et
leurs réponses face aux apports extérieurs, comme l’alimen-
tation.
CELLULES INTESTINALES, MICROBIOTE ET
RELATIONS MUTUELLES
Les populations cellulaires intestinales et le microbiote font
l’objet d’un engouement fort de la part de la communau
scientifique car la compréhension de nombreuses maladies et
une meilleure connaissance des sciences de la nutrition
sont en jeu.
Lépithélium de revêtement intestinal est constitué de plusieurs
types cellulaires : les entérocytes (cellules absorbantes), les cel-
lules caliciformes (cellules à mucus), les cellules neuroendocrines
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(cellules sécrétrices d’hormones) et les cellules jouant un rôle
dans les défenses immunitaires. Celles-ci sont les cellules de
Paneth, sites au fond des cryptes et sécrétant des produits anti-
microbiens dans la lumière (protection locale anti-infectieuse)
et les cellules « M », présentes dans l’épithélium de recouvre-
ment des organes lymphoïdes de la muqueuse intestinale et
porte d’entrée des antigènes dans le système muqueux. Il a été
récemment décrit les voies de différentiation et les marqueurs
moléculaires des cellules cup et tuft, sans que la fonction des ces
deux types de cellules épithéliales soit connue. Contrairement
à l’iléon, les cellules de Paneth ne sont pas présentes dans le
colon. La difficulté de décrire et d’étudier ces cellules repose sur
des contraintes techniques, mais aussi sur la faible abondance
de certains types cellulaires (Gerbe et al. 2012). Par exemple,
contrairement au foie à partir duquel on isole des hépatocytes
primaires, il reste très difficile de travailler avec des cellules intes-
tinales en culture primaire et d’obtenir des sous-populations
pures.
Quant à la composante microbienne, sa description restait
parcellaire jusqu’au début des années 2000 car les principales
bacries du TD, particulièrement sensibles à l’oxygène,
sont difficiles à cultiver. La description du microbiote devient
de plus en plus précise grâce aux méthodes moléculaires à haut
débit, que ce soient des analyses de génome, de transcriptome
ou de métabolome. Ainsi, le microbiote, qui représente une
population d’environ 1014micro-organismes, est majoritai-
rement composé de deux phyla bactériens : les Bacteroidetes
et les Firmicutes (notamment Clostridium leptum et Clostrium
coccoides). La diversi du microbiote se vèle dans les
genres ou les espèces bactériennes qui présentent une grande
variabilité inter-individuelle. Même si les chiffres sont encore
discutés par les experts, environ 500 à 1000 espèces de bac-
téries seraient présentes par individu. La complexité, la den-
sité et les variations temporelles de la population bactérienne
rendent difficiles les analyses du microbiote. Des questions
comme « Le microbiote est-il le me chez tous les indivi-
dus? » ou « Comment les bactéries présentes dans l’alimen-
tation modifient-elles le microbiote? » paraissent triviales
mais, en réalité, ces questions concernent une population de
plusieurs milliards de bactéries ; ainsi, il faut mettre en
œuvre une panoplie d’expertises et de techniques incluant des
analyses nomiques, microbiologiques, tiques et phy-
siologiques pour y répondre. En fait, il semblerait que même
si nous sommes tous différents quant au nombre ou à la diver-
sité des espèces, les fonctions métaboliques portées par notre
microbiote sont assez conseres chez tous les individus. La
notion de répertoire génique commun à un grand nombre
d’individus (core genome) est donc en passe d’être remplacée
par celle d’un répertoire de fonctions bactériennes communes
à une grande majorité d’individus (core fonctionnel métabolique)
(Lozupone et al. 2012).
Le microbiote intestinal est essentiel à la physiologie digestive
et au maintien de la bonne santé, notamment en participant
à la digestion des aliments, à la synthèse de vitamines, à la matu-
ration du système immunitaire et en constituant une barrière
face à la colonisation de bactéries pathogènes. Le microbiote
contribue donc autant à notre équilibre nutritionnel qu’à
l’établissement de notre système immunitaire inet acquis. En
retour, nos apports alimentaires et notre TD offrent une niche
écologique favorable aux différents micro-organismes
(Yatsunenko et al. 2012). Le dialogue qui s’établit entre le micro-
biote et l’hôte s’apparente à une symbiose puisque les deux pro-
tagonistes, en communiquant entre eux, participent au main-
tien de leur intégrité respective.
LES CELLULES INTESTINALES ET LE
MICROBIOTE : DES POPULATIONS
DYNAMIQUES
Tout au long de la vie, la composante intestinale et la com-
posante microbienne du TD évoluent et se renouvellent. La
communauté bactérienne est gie par le cycle de vie de
chaque espèce de bactéries et la composante intestinale est régie
par le cycle de vie de l’épithélium intestinal (cinq à sept jours
dans le côlon chez l’homme), le tout étant soumis à des
contraintes environnementales comme les médicaments (en par-
ticulier les antibiotiques) et l’alimentation. Par exemple, la capa-
cité de biosynthèse de la vitamine B12 est plus grande chez
l’adulte que chez les nourrissons, car les bactéries majoritaires
du microbiote du nourrisson sont peu dotées en gènes de syn-
thèse de cette vitamine (Yatsunenko et al. 2012). Outre un
aspect purement cognitif, l’enjeu qui suscite l’intérêt pour le
microbiote réside dans la possibilité que nous avons de le
modifier par l’alimentation, des p- et probiotiques ou des médi-
caments.
L’HOMÉOSTASIE DU TRACTUS DIGESTIF
Comme pour chaque organe, la physiologie du TD repose sur
un maintien de l’homéostasie mais ici l’équilibre met en jeu un
réseau complexe d’interactions entre la population de cellules
intestinales et la population microbienne. Les dysbioses du
microbiote, qui peuvent être considérées comme des écarts par
rapport à une composition moyenne, sont associées à de nom-
breuses maladies, comme par exemple, les maladies inflam-
matoires de l’intestin, certains syndromes métaboliques et le
cancer colorectal (Sokol et al. 2008; Sokol & Seksik, 2010;
Holmes et al. 2011). Il est également décrit qu’une altération
du génome des cellules intestinales ou une modification
majeure de la morphologie du TD après intervention chirur-
gicale peuvent modifier la composition du microbiote (Joly et
al. 2010; Mondot et al. 2011; Aron-Wisnewsky et al. 2012).
Ainsi, il est aujourd’hui bien établi que le maintien d’une
homéostasie entre les composantes intestinales et microbiennes
du TD est essentiel pour le maintien d’une bonne santé.
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COMMUNICATION
UTILISATION DES ANIMAUX GNOTOBIOTIQUES
Face aux nouvelles données concernant le microbiote per se, les
interactions fonctionnelles du microbiote et des cellules intes-
tinales apparaissent tout à fait essentielles pour la santé de
l’Homme et restent encore peu connues. Des analyses à haut
débit permettent de mettre face à face les profils transcripto-
miques et/ou métaboliques à la fois des cellules intestinales et
du microbiote, en fonction de l’état physio-pathologique et
nutritionnel (Lepage et al. 2011; McNulty et al. 2011). Ces ana-
lyses se font à partir d’une grande quantité de données biolo-
giques, qu’il faut interpréter en faisant des corrélations entre dif-
férents groupes. Une autre stratégie consiste à réduire et à
moduler les interactions entre le microbiote et l’hôte en utili-
sant des modèles d’animaux gnotobiotiques porteurs de micro-
biotes simplifiés, voire porteurs d’une seule bactérie (animaux-
mono-assocs) ou porteurs de bactéries dont certaines fonctions
sont invalidées. Dans ce contexte, les deux exemples suivants
montrent en quoi l’inoculation de microbiotes « à façon »
permet de mieux connaitre les interactions fonctionnelles qui
se mettent en place entre les cellules intestinales et le micro-
biote ainsi que les mécanismes impliqués.
Utilisation des animaux gnotobiotiques
porteurs de bactéries commensales humaines
Bacteroides thetaiotaomicron est une bactérie à Gram gatif domi-
nante dans le microbiote humain, appartenant au phylum des
Bacteroidetes. Cette espèce est la première bactérie isolée de
fèces humaines dont le génome a été séquencé en 2003 (Xu et
al. 2003) ; elle a été beaucoup étudiée, notamment par le labo-
ratoire de JI Gordon, après qu’elle a été inoculée à des animaux
initialement axéniques (Bry et al. 1996; Hooper et al. 2001).
Les animaux mono-associés avec B. thetaiotaomicron ont révélé
le dialogue qui s’établit entre l’hôte et la bactérie, avec une modi-
fication du profil transcriptomique des cellules intestinales de
l’hôte en présence de cette seule bactérie. De façon très nova-
trice, l’équipe de JI Gordon a également prouvé, en utilisant des
mutants de B. thetaiotaomicron, que l’effet de cette bactérie sur
les cellules épithéliales est lié à sa propre capacité à utiliser des
composés glycoconjugués fucosylés. En effet, l’implantation de
B. thetaiotaomicron induit l’apparition de polysaccharides fuco-
sylés au niveau des cellules intestinales uniquement si cette bac-
térie est capable de dégrader le fucose (Bry et al. 1996). C’est
la première démonstration des interactions fonctionnelles qui
existent entre des bactéries du microbiote et la physiologie de
l’hôte. L’analyse de son génome révèle à
quel point cette bactérie est équipée pour
détecter, capter, importer et dégrader les
polysaccharides complexes : B. thetaio-
taomicron est spécialisée dans l’utilisation
des sucres complexes qui proviennent de
l’aliment (par exemple, lamylose des
plantes) ou qui sont présents dans la
muqueuse intestinale (comme les poly-
saccarides du mucus) (Martens et al.
2011). Ainsi, la capacité de B. thetaiotao-
micron à grader les O-glycanes du mucus
lui confère un avantage dans le TD,
notamment, quand le régime alimentaire
est pauvre en polysaccharides
(Sonnenburg et al. 2005). B. thetaiotao-
micron possède donc une machinerie cel-
lulaire spécialisée dans la dégradation des
sucres complexes qui composent le mucus
et est capable d’induire chez l’hôte la pro-
duction de sucres membranaires. Dans ce
contexte, nous avons posé une question
simple : la présence de B. thetaiotaomicron
dans le TD favoriserait-elle la produc-
tion de mucus? Nous avons inoculé B. the-
taiotaomicron à des rats initialement axé-
niques que nous avons ensuite sacrifiés,
soit deux jours (Ino-Bt 2j), soit 30 jours
(Ino-Bt 30j) après l’inoculation. La figure
1montre que B. thetaiotaomicron seule est
capable de s’implanter dans le TD de rats
initialement axéniques. s deux jours, la
population de B. thetaiotaomicron est maxi-
Figure 1: Étude des interactions entre Bacteroïdes thetaiotaomicron et l’épithélium colique chez des rats
gnotobiotiques.
Encadré 1: L’administration de B. thetaiotaomicron a été réalisée par un gavage oral chez des animaux
axéniques. Le graphe représente les dénombrements bactériens effectués sur les fèces pendant quatre semaines,
ce qui reflète la capacité de survie et d’adaptation de B. thetaiotaomicron dans le tractus digestif. La popu-
lation de B. thetaiotaomicron est maximale et stable dès les premiers jours après le gavage.
Encadré 2: B. thetaiotaomicron est décrit dans la littérature comme étant spécialisée dans la fermenta-
tion des polysaccharides complexes de l’alimentation ou du mucus.
Encadré 3: La présence de B. thetaiotaomicron dans le tractus digestif de rats initialement axéniques s’ac-
compagne d’une accumulation d’acétate (7mM) dans la lumière intestinale ; ce qui est cohérent avec la forte
activité glycolytique de la bactérie.
Encadré 4: Les cellules épithéliales isolées de rats mono-associés avec B. thetaiotaomicron ont été com-
parées à celles de rats sans germes. La présence de la bactérie s’accompagne d’une augmentation de 30%
des cellules produisant le mucus ; ce qui pourrait être un moyen pour la bactérie de favoriser son propreta-
bolisme via la production de glyco-conjugués qu’elle dégrade. D’après les données de la littérature et nos obser-
vations in vitro (non montrées ici), nous supposons que l’acétate produit par B. thetaiotaomicron dans le
tractus digestif est impliqué dans l’induction de ces cellules à mucus.
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male (1,2 109bactéries/g de fèces) et se maintient à un niveau
constant pendant 30 jours. La présence de B. thetaiotaomicron
n’a pas d’effet sur la profondeur et la structure globale des cryptes
coliques. Elle a par contre un impact sur les cellules produisant
du mucus, lequel est précisément la source privilégiée d’éner-
gie pour cette bactérie : B. thetaiotaomicron accroît leur nombre
dans les cryptes coliques et augmente l’expression des gènes
codant les mucines, composés majoritaires du mucus, et des
gènes codant des enzymes de glycosylation des mucines. La fer-
mentation de polysaccharides complexes dans le TD par B. the-
taiotaomicron conduit notamment à la production d’acétate, un
acide gras à chaîne courte métabolisable par les cellules épi-
théliales coliques. Nous montrons in vitro que l’acétate est
capable d’induire la difrenciation des cellules à mucus.
L’augmentation du nombre de cellules à mucus chez les rats
mono-associés pourrait être un moyen pour B. thetaiotaomicron,
via la production d’acétate, d’y trouver une source d’énergie
(figure 1). Ainsi, l’utilisation d’animaux mono-associés avec
B. thetaiotaomicron a permis de montrer les inter-relations qui
existent entre une bactérie commensale et l’hôte.
Utilisation des animaux gnotobiotiques
porteurs des bactéries du
yaourt dans le TD
Le second exemple concerne une étude sur
les bactéries lactiques du yaourt qui doit
réglementairement contenir au moins 108
UFC de micro-organismes vivants
(Lactobacillus delbrueckii subsp. bulgaricus et
Streptococcus thermophilus) par gramme de
produit. Ces bactéries lactiques sont pré-
sentes à un faible niveau dans le microbiote
humain, conséquence sans doute de la
consommation de produits laitiers (Qin et al.
2010; Yatsunenko et al. 2012). Nous faisons
l’hypothèse que l’utilisation de modèles ani-
maux gnotobiotiques permettra de mieux
connaitre la physiologie des bactéries lac-
tiques dans le TD et de cerner les méca-
nismes d’action de leurs effets probiotiques.
La stratégie a été d’obtenir des animaux
mono-associés avec chacune des deux bac-
téries du yaourt ou les deux en même temps
pour étudier l’adaptation mutuelle de ces
bactéries du yaourt et du TD. Le suivi des
animaux mono-associés avec S. thermophilus
a apporté la première surprise.
Contrairement à ce qui est classiquement
observé, l’implantation de S. thermophilus
dans le TD n’est pas immédiate, mais pro-
gressive : il faut attendre au moins 20 jours
pour que la population se stabilise à un
niveau de 108UFC/g de fèces (figure 2).
Limplantation progressive dans le TD est le
reflet d’une adaptation métabolique de S.
thermophilus, que nous avons mise en évidence par une étude
protéomique comparative. L’établissement de ce profil protéo-
mique a également été inattendu : une fois dans le TD, S. ther-
mophilus exprime davantage de protéines impliquées dans la gly-
colyse que lorsqu’elle est cultivée dans du lait. De façon
cohérente avec une forte activité glycolytique de S. thermophilus
dans le TD, nous observons une accumulation de 10mM de L-
lactate dans le contenu luminal de l’intestin des rongeurs, qui
s’accompagne d’une augmentation de transporteurs de lactate
dans les cellules épithéliales coliques. De plus, S. thermophilus
induit une augmentation de la protéine p27 kip1 impliquée
dans l’arrêt du cycle cellulaire dans les cellules coliques, pro-
téine stimulée par la présence du microbiote (Cherbuy et al.
2010). Nous confirmons ce qui a été suggéré précédemment
(Drouault et al., 2002) : une bactérie du yaourt est métaboli-
quement active in vivo en favorisant, particulièrement, sa voie
glycolytique. De plus, le L-lactate stimule des transporteurs de
mono-carboxylates et des protéines du cycle cellulaire dans les
cellules épithéliales coliques, ce qui indique que ce métabolite
bactérien peut servir de médiateur pour dialoguer avec l’hôte
(Rul et al. 2011). Nous avons également observé que le lactose,
présent à hauteur de 4.5% dans le yaourt, augmente le niveau
Figure 2 : Étude des interactions entre Streptococcus thermophilus et les cellules épithéliales chez des
rats gnotobiotiques.
Encadré 1: L’administration de S. thermophilus a été réalisée par un gavage oral chez des animaux axé-
niques. Le graphe représente les dénombrements bactériens effectués sur les fèces pendant quatre
semaines, ce qui reflète la capacité de survie et d’adaptation de S. thermophilus dans le tractus digestif.
Pendant les deux premières semaines après le gavage, S. thermophilus est peu abondant ; cette popula-
tion augmente puis se stabilise en semaine 4.
Encadré 2: Le profil protéomique de S. thermophilus a été établi après son séjour de quatre semaines
dans le tractus digestif et il a été comparé à celui obtenu quand la bactérie est cultivée in vitro dans du
lait. Une grande majorité des protéines bactériennes impliquées dans la glycolyse est stimulée d’un fac-
teur de 2,4 à 7,7 quand la bactérie a séjourné dans le tractus digestif.
Encadré 3: La présence de S. thermophilus dans le tractus digestif de rats initialement axéniques s’ac-
compagne d’une accumulation de lactate (10mM) dans la lumière intestinale ; ce qui est cohérent avec
la forte activité glycolytique de la bactérie in vivo.
Encadré 4: Les cellules épithéliales isolées de rats mono-associés avec S. thermophilus ont été compa-
rées à celles de rats sans germes. L’expression des transporteurs (SLC13A1 et SLC5A8) de mono-car-
boxylates, comme le lactate, et de la protéine impliquée dans l’arrêt du cycle cellulaire (p27Kip1), est sti-
mulée d’un facteur 2,2 ; 1,7 et 1,8 chez des animaux mono-associés. Nous supposons que le lactate produit
par S. thermophilus dans le tractus digestif est impliqué dans l’induction de ces transporteurs intestinaux.
Bull. Acad. Vét. France — 2013 - Tome 166 - N°1 http://www.academie-veterinaire-defrance.org/ 23
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de population bactérienne de S. thermophilus et favorise son acti-
vité glycolytique (Thomas et al. 2011). Son apport dans l’eau
de boisson est indispensable à la survie de L. bulgaricus dans le
TD (Ben-Yahia et al. 2012). Cela suggère que le lactose, quand
il est ingéré en même temps que ces bactéries lactiques, favo-
rise leurs activités dans le tractus digestif. Tous nos sultats sont
corents avec l’allégation « san » validée par l’EFSA
(European Food Safety Authority) qui indique l’existence d’un
rapport de cause à effet entre la consommation de yaourt et
l’amélioration des symptômes liés à l’indigestion du lactose.
L’étude d’animaux gnotobiotiques a également permis de pro-
poser des nouvelles voies de régulation du métabolisme des
sucres des bactéries lactiques et de nouvelles voies moléculaires
(via le lactate) par lesquelles des bactéries lactiques pourraient
influencer la physiologie de l’hôte.
CONCLUSION
Ces dernières années ont été riches de découvertes et une
meilleure compréhension du TD dans sa globalité, comprenant
la composante intestinale et microbienne, est nécessaire pour
prendre la mesure du potentiel métabolique et thérapeutique
que représente le microbiote intestinal. Autant il sera parfois
difficile de modifier les réponses biologiques des cellules intes-
tinales, autant la composition et l’activité du microbiote sont
modulables, ce qui permet d’envisager un nouvel essor dans la
compréhension des mécanismes physiologiques et physiopa-
thologiques intéressant la nutrition.
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