BORDEAUX ECOLE DE MANAGEMENT E.S.C. MRK 101 – Introduction au marketing Grégory Bressolles ([email protected]) L'ANALYSE-DIAGNOSTIC DE LA SITUATION Source : Mercator, 2006 De même qu'un médecin doit étudier soigneusement les symptômes du patient et chercher à compléter son information nécessaire avant d'établir un diagnostic qui lui permet de définir ensuite une stratégie thérapeutique, de même, la formulation d'une stratégie de marketing doit être précédée d'une analyse approfondie de la situation débouchant sur un diagnostic. Pour poursuivre l'analogie, l'analyse-diagnostic médicale fait appel à deux grandes compétences: la première consiste à rechercher et identifier les symptômes dans la masse des informations qui sont fournies ou qui doivent être recherchées; la seconde consiste à passer de l'analyse au diagnostic, c'est-à-dire à tirer des conclusions des faits rassemblés et à donner ainsi une meilleure compréhension de la situation et de son évolution. Ces deux compétences sont requises, à leur façon, dans l'analyse-diagnostic marketing: savoir identifier dans la masse des informations les faits et les tendances qui sont significatifs et savoir dépasser la synthèse par une définition claire des problèmes et des enjeux. Une analyse diagnostic mal conçue s'arrête à une liste de symptômes, c'est-à-dire à une synthèse de faits significatifs. Or un diagnostic n'est pas une synthèse. Indiquer que les parts de marché baissent de 3 %, c'est reprendre un symptôme. Expliquer pourquoi les parts de marché baissent de 3 % (par exemple: manque de nouveauté dans la gamme, perte de points de vente...), c'est établir un diagnostic qui peut alors conduire à une prescription. L'analyse-diagnostic comporte trois volets principaux, qui sont l'analyse externe (environnement, marché, clients, concurrents), l'analyse interne (bilan et position sur le marché) et la formulation du diagnostic. 1. L'ANALYSE EXTERNE: L'ENVIRONNEMENT, LE MARCHÉ ET LES PUBLICS L'analyse externe résume les données importantes qui sont nécessaires pour connaître et comprendre la situation actuelle des marchés sur lesquels opère l'entreprise ainsi que les tendances majeures qui s'y manifestent. Elle a donc une double dimension: actuelle et prospective. 1 a) L'analyse de l'environnement Les comportements des clients et les actions des entreprises sont influencés par des tendances et des évolutions globales qu'on regroupe sous le terme d'environnement (ou de macroenvironnement). Le premier niveau d'analyse, et le plus général, est celui des facteurs susceptibles d'influencer les marchés dans lesquels on opère. On identifie généralement six composantes dans l'environnement d'un marché: - l'environnement démographique: taille de la population, structuration par âge, par région, par ethnie ou religion etc. Ainsi, la croissance très forte de la population hispanophone aux États- Unis est un facteur d'environnement très important pour les entreprises qui opèrent sur ce marché, de même que le vieillissement de la population en Europe ou au Japon; - l'environnement socioculturel: le développement de l'individualisme, l'influence de facteurs regroupés sous le terme de « postmodernité » en rupture avec les modèles culturels modernes, à l'inverse le retour à la tradition et l'influence grandissante des religions dans beaucoup de parties du monde, le changement de perception de la famille et de sa structure, les peurs sociales ou le dynamisme de pays émergents, etc. sont autant de tendances qui peuvent influencer les marchés et les comportements des clients. Une entreprise multinationale doit intégrer les tendances socioculturelles fortes et divergentes que connaissent les différentes parties du monde et les bouleversements qui peuvent s'y manifester. Ainsi, le développement de l'industrialisation et de l'économie de marché en Chine a des effets socioculturels importants, tels que la recherche de la réussite matérielle, le développement de l'individualisme ou l'émancipation des femmes ; - l'environnement économique: PNB, revenu par habitant, croissance ou stagnation économique, évolution des taux d'intérêt et de l'inflation, développement du commerce international, etc. Ces indicateurs généraux ont une influence sur le niveau de la demande locale, soit de façon globale, soit de façon directe. Ainsi, la variation des taux d'intérêt a un impact direct sur les dépenses en matière de construction immobilière ; - l'environnement politique et légal: législation nationale ou communautaire, réglementation, déréglementation... Ces évolutions créent parfois de nouvelles opportunités et souvent de nouvelles contraintes (par exemple, la dérégulation européenne des monopoles, la réglementation européenne autorisant la présence d'huiles végétales dans le chocolat, des avantages fiscaux pour certains produits financiers...) ; - l'environnement technologique: développement technologique en matière de production ou entraînant une substitution de produits, innovations en biotechnologies, innovations électroniques et informatiques... Ainsi, le développement de l'accès à Internet par haut débit va rendre accessible à un grand nombre de particuliers des produits et des services tels que le téléchargement de musique ou de films ; - l'environnement écologique: état des ressources naturelles, pollution, climat, … ont soit un impact global (comme le souci d'intégrer le développement durable dans les politiques d'entreprise), soit un impact spécifique sur les marchés (par exemple, le réchauffement climatique est un facteur important à prendre en considération par les stations de ski). On ne s'intéressera dans l'étude de l'environnement qu'aux traits saillants et aux évolutions 2 récentes qui sont susceptibles d'avoir un impact sur les marchés de l'entreprise. La première qualité d'une étude de l'environnement est celle de la synthèse. b) L'analyse du marché Dans ce type d'étude, on s'intéresse à la taille, à la structure et aux tendances d'évolution du marché. Le marché peut être étudié, selon le plan stratégique auquel on s'intéresse, au niveau de l'industrie (comme le secteur automobile), de la catégorie de produits (tels les véhicules de tourisme) ou du type de produits (comme les monospaces). On analysera le marché sous les principaux aspects suivants : - le volume des ventes, ventilé le cas échéant par types de produits ou niveaux de qualité ; - la segmentation « produits » sur le marché ; - les tendances d'évolution du marché global et de ses principaux segments ; - les tendances d'évolution des prix ; - le cycle de vie de la catégorie de produits (introduction, croissance, développement, maturité, déclin...) ; - etc. Cette analyse doit permettre de relever les faits marquants de la situation et les évolutions d'un marché et de ses segments de produits. c) L'analyse des clients et des autres publics Ce type d'analyse inclut deux types d'acteurs: les clients (et le cas échéant d'autres intervenants dans le processus de décision: les utilisateurs, les acheteurs, les prescripteurs, etc.) et les distributeurs. 1° Les clients et autres influenceurs On distinguera les clients proprement dits, c'est-à-dire ceux qui achètent, les consommateurs appelés parfois « destructeurs » et tous ceux qui ont une influence sur les raisons et les comportements d'achat et de consommation. Les comportements de consommation et d'achat - Qui consomme et utilise, où, quand, comment ? - Qui achète, où, quand, comment et, le cas échéant, sous l'influence de quels acteurs ? Les motivations, attitudes et critères de choix des utilisateurs ou des acheteurs - Le contexte psychologique de la consommation ou de l'achat: importance psychologique du produit (notamment risques financiers, matériels ou psychologiques perçus par le consommateur dans son achat ou sa consommation), importance relative des facteurs rationnels, affectifs et réflexes dans l'achat. - Les principales motivations et les principaux freins qui déterminent l'attitude générale à l'égard du produit. 3 - Les critères de choix des marques: influence des distributeurs, des prescripteurs, de l'entourage, influence relative du prix, de l'habitude, de l'image de marque, de la disponibilité du produit aux points de vente, etc. Les critères de segmentation choisis et l'analyse des segments de clients obtenus. On détaillera la taille, les évolutions et les caractéristiques principales des segments. 2° La distribution Lorsque les produits auxquels on s'intéresse sont distribués, au moins en partie, par des intermédiaires, il faut analyser la structure du réseau de distribution : - le nombre et les caractéristiques des intermédiaires ; - la répartition des ventes globales actuelles par types d'intermédiaires, la tendance future de cette répartition ; - la politique pratiquée par ces intermédiaires (prix, marges, promotion, etc.) ; - les motivations et attitudes de ces intermédiaires à l'égard du choix des marques vendues et promues par eux. 2. L'ANALYSE EXTERNE: LES CONCURRENTS Une partie importante et spécifique dans l'analyse externe porte sur l'étude des concurrents. Une analyse de la concurrence passe d'abord par l'identification des différents concurrents, ensuite par l'étude des concurrents prioritaires, enfin, par une analyse des positions concurrentielles. a) L'identification des concurrents Au sens large, est concurrent d'un produit tout autre produit que le client peut lui substituer en totalité ou en partie. La consommation de Coca-Cola peut être remplacée par celle de Pepsi ou d'une marque de distributeur de cola, mais aussi par des produits très différents comme les jus de fruit, l'eau minérale ou même l'eau du robinet. L'espace concurrentiel d'un produit ou d'une marque peut s'analyser en trois niveaux. 1° La concurrence inter-produits Les concurrents sont définis ici comme ceux qui offrent des produits tout à fait similaires. Ainsi, la Polo de Volkswagen est concurrente de la Clio de Renault. 2° La concurrence inter-segments L'Espace de Renault, la 806 de Peugeot, l'Évasion de Citroën, le Prévia de Toyota, etc., appartiennent au segment des grands monospaces. Au sein de ce segment, ils se font une concurrence inter-produits mais ils font également concurrence au segment des grandes voitures familiales. 3° La concurrence générique De très nombreux produits, appartenant à des segments et à des marchés différents 4 peuvent contribuer à satisfaire, concurremment, un même besoin du client. Ainsi, les constructeurs d'automobiles sont, peu ou prou, en concurrence avec les transports en commun. Exemple : Les 3 niveaux de l'espace concurrentiel pour une marque comme Coca-Cola 1° Concurrence inter-produits : Pepsi, marques de distributeurs de Cola 2° Concurrence inter-segments : boissons aux fruits gazeuses et non gazeuses, soft drinks, bières non alcoolisées ou à très faible teneur alcoolique 3° Concurrence générique: l'eau du robinet (pour étancher la soif), l'eau minérale sur la table de repas, le vin. Lors d'une analyse-diagnostic, on se demandera donc : - Quelles sont les principales catégories de produits qui peuvent répondre aux mêmes besoins que le produit auquel on s'intéresse, et qui par conséquent sont en concurrence indirecte avec lui ? - Quelles sont les tendances d'évolution de ces concurrents indirects en termes de volume de ventes, de pénétration, de prix, etc. ? - Qui sont les principaux concurrents directs ? Exemple : Mappy a pour concurrent direct Via Michelin, qui propose les mêmes services sur son site, Il a pour concurrent indirect Tom- Tom, le GPS portable qui permet à ses utilisateurs de déterminer leur itinéraire, puisque 80 % du trafic sur le site de Mappy est lié à la recherche d'itinéraire. Les concurrents génériques sont, par exemple les cartes et les guides. b) L'analyse des concurrents directs et indirects L'analyse de la concurrence doit toujours se faire de façon prospective. On dit qu'interrogé un jour par un journaliste qui lui demandait quel était son concurrent le plus dangereux, Bernard Darty lui répondit que, hélas, il ne le connaissait pas. Le journaliste, surpris, lui fit valoir qu'il était l'expert le mieux placé pour répondre à cette question. Bernard Darty lui rétorqua qu'aux débuts des années 70, personne parmi les vendeurs d'électroménager de l'époque ne s'était méfié du premier magasin Darty qui était pourtant le premier maillon d'une chaîne qui compte aujourd'hui une centaine de magasins en France et qui est le leader de son secteur depuis trente ans. Il faut donc savoir débusquer les concurrents encore « cachés » et estimer leur potentiel de croissance. 1° L'identification des concurrents On distingue : - les concurrents actuels: ainsi dans la distribution, Auchan est un concurrent actuel de Carrefour ; 5 - les nouveaux entrants potentiels: le numéro un mondial de la distribution, l'américain WalMart, est susceptible de s'implanter sur le marché français en rachetant une chaîne, en développant un site de commerce électronique, ou en faisant les deux à la fois. 2° Les situations des concurrents dans l'espace concurrentiel Chaque concurrent, précédemment identifié, est-il un concurrent direct ou indirect ? Plus précisément, où se situe-t-il : concurrence inter-produits ou concurrence inter-segments ? 3° l'analyse des concurrents jugés les plus dangereux, actuellement et à terme Elle consiste en l'examen de trois faisceaux de critères portant sur la puissance, la stratégie et la réactivité des concurrents. La puissance, l'expérience et le dynamisme des principaux concurrents Ces critères se caractérisent au regard : - de l'évolution de la part de marché (en volume, en valeur) ; - de la part de marché relative {voir pages suivantes) ; - de la puissance de la marque concurrente: la notoriété, l'image, la qualité perçue, la fidélité des clients à la marque ; - des moyens financiers et notamment des investissements et moyens marketing {budgets de communication, part de voix, R & D, moyens d'études marketing, couverture de la distribution...) ; - des moyens technologiques ; - de l'expérience du concurrent, sur le marché national, sur les marchés internationaux, sur des marchés connexes ; - de la rentabilité du concurrent, liée à son expérience et aux effets d'économies d'échelle, à la conception des produits et à leur mode de commercialisation et de promotion ; - du dynamisme du concurrent: nombre et rythme de lancement de produits nouveaux, structure de sa gamme et de son chiffre d'affaires selon l'âge de ses produits, taux de croissance de son chiffre d'affaires et de ses produits. La stratégie des principaux concurrents Cette analyse consiste à reconstituer leur stratégie actuelle et à élaborer des scénarii sur leurs perspectives stratégiques. Pour chaque concurrent, jugé important, on identifiera : - ses buts. Le concurrent cherche-t-il principalement à maximiser son volume, sa part de marché, son profit... ? - ses cibles ; - son positionnement ; - son marketing-mix. Comme pour les marques de l'entreprise, il sera utile de faire, pour chaque concurrent, une analyse synthétique de ses forces, faiblesses, opportunités et menaces (analyse SWOT, voir plus loin). L'estimation du degré de réactivité des concurrents 6 Le potentiel, la vitesse et la force de réaction d'un concurrent tiennent à la fois : - au degré d'importance du marché pour la survie et le développement du concurrent; - aux menaces qui pèsent sur sa position concurrentielle ; - au caractère des dirigeants ; - à ses moyens financiers, techniques et humains. c) L'analyse de l'intensité concurrentielle du marché L'intensité concurrentielle du marché n'est pas seulement liée aux concurrents directs et indirects, mais également à la pression des nouveaux entrants, au pouvoir des fournisseurs et des clients, à la menace de produits de substitution. L'analyse de l'intensité concurrentielle du marché de Porter, peut être un apport très éclairant dans une analyse externe en ce sens qu'elle permet de mieux évaluer la marge de manœuvre dont dispose l'entreprise sur son marché. d) L'analyse de la position concurrentielle Elle déborde de l'analyse marketing stricto sensu puisque, en plus de la position des marques dans leur marché, de leur image et de leur implantation commerciale, on doit prendre en compte les compétences techniques, la rentabilité et la puissance financière des principaux concurrents. Il existe plusieurs méthodes pour étudier la position concurrentielle. On pourra notamment se référer à la matrice atout/attrait. La méthode proposée dans la figure ci-dessous propose plusieurs critères dont on évalue le poids relatif selon la nature des facteurs de succès dans l'activité considérée. On obtient une note pondérée finale mesurant la position concurrentielle des marques étudiées. Quand il paraît trop délicat d'attribuer des notes précises, on indique +, - ou O selon la position de la marque sur le critère étudié. La grille d'évaluation doit être adaptée aux caractéristiques spécifiques du marché ou du domaine d'activité concerné, le tableau de la page suivante n'étant qu'un modèle de base. 7 Critères Coefficient de pondération Note sur chaque critère Evaluation par rapport aux concurrents Note pondérée CRITERES MARKETING Position sur le marché - Part de marché (en volume, en valeur) - Part de marché relative et évolution Puissance de la marque - Notoriété - Image - Force du positionnement - Implantation commerciale (DN, DV, part de linéaire, dynamisme des circuits de distribution) Puissance promotionnelle - Budget de communication, part de voix - Qualité créative CRITERES TECHNIQUES - Potentiel R&D - Adéquation de l'outil de production CRITERES FINANCIERS - Prix de revient - Rentabilité - Puissance financière Figure 1 : Grille type d'évaluation de la position concurrentielle 3. L'ANALYSE INTERNE: REVUE DE PERFORMANCE DE LA POSITION SUR LE MARCHÉ ET BILAN INTERNE Le deuxième volet de l'analyse, appelé « analyse interne » mais aussi parfois « revue de performance », a pour objet de décrire et d'évaluer la stratégie et la position actuelles de l'entreprise sur le marché considéré. Ses principales rubriques sont les suivantes. a) L'évolution récente des performances quantitatives de l'entreprise sur le marché Elle se mesure en examinant : - le volume des ventes et la part de marché (globalement et par segments) ; - la pénétration des produits de l'entreprise auprès de la clientèle potentielle (ou nombre de clients) ; - le profil (ou caractéristiques) des clients de l'entreprise comparé à celui du marché dans son ensemble et des principaux concurrents ; - le degré de présence des produits de l'entreprise dans les principaux circuits de distribution ; - l'analyse des coûts et de la rentabilité des différents produits ou modèles de la gamme de l'entreprise. 8 b) L'état et l'évolution récente de la notoriété et de l'image de l'entreprise et/ou de la marque Notoriété et image s'évaluent : - auprès de ses clients actuels ; - auprès de ses clients potentiels ; - auprès des distributeurs, prescripteurs, etc. c) Les ressources dont dispose ou pourrait disposer l'entreprise pour le produit considéré Ce sont: - les ressources financières ; - les ressources technologiques et industrielles (notamment les projets d'innovation ou de rénovation des produits existants, et les projets de réduction des coûts de production) ; - les ressources commerciales, et notamment la qualité de la force de vente. d) L'analyse critique de l'organisation et du marketing-mix actuel Elle repose sur : - l'organisation marketing et commerciale ; - Y évaluation de la stratégie suivie et du marketing-mix : ciblage, positionnement, politique de marque, politiques de produit, de prix, de distribution, de communication. 4/ LE DIAGNOSTIC: PRÉSENTATION DES POINTS CLÉS Au terme des deux analyses externe et interne qui auront synthétisé les points principaux de la situation et de son évolution, une difficulté dans la réflexion consiste à passer de la synthèse au diagnostic. Le diagnostic apporte une valeur supplémentaire à l'analyse en préparant aux décisions opérationnelles et stratégiques. C'est dans la qualité du passage de l'analyse au diagnostic qu'on reconnaît le talent et l'expérience du spécialiste en marketing. Si l'analyse diagnostic a été menée avec soin, ses conclusions principales feront apparaître clairement les principaux problèmes à résoudre, ce qui permettra au responsable marketing de fixer d'une manière réaliste les objectifs généraux de sa stratégie. a) La synthèse SWOT Ce diagnostic se fait souvent sous la forme de deux tableaux récapitulatifs, l'un consacré aux forces et faiblesses de l'entreprise, et l'autre aux opportunités et menaces qui ont été identifiées au cours de l'analyse du marché et de la concurrence. L'ensemble constitué par ces deux tableaux est désigné par le terme de synthèse « SWOT » (tiré des initiales des mots anglais strengths, weaknesses, opportunities et threats). 9 Exemple d'analyse interne La chaîne d'hôtels Formule 1 résumait ainsi ses forces et faiblesses sur le marché français : Nos forces - Un positionnement très attractif: offre basique mais de qualité (confort) pour un prix le plus bas possible. - Une très forte notoriété - Une très bonne taille (plus de 300 hôtels) et homogénéité (constructions fonctionnelles) du réseau sur le territoire national. - De nouvelles implantations en périphérie de Paris où la demande est importante. - L'ensemble de la clientèle est une clientèle importante de l'offre directe (pas de ristournes à rétrocéder à des agences ou à des tours opérateurs). Nos faiblesses - Le vieillissement du produit (conçu dans les années 80). - Une image d'hôtel automatique et inhumain surtout auprès des non-clients. - Un taux de remplissage insuffisant les week-ends. - Des marges très réduites qui donnent peu de capacité de manœuvre. - Des contraintes fortes à toute modification importante de l'offre. Exemple d'analyse externe Un brasseur présent sur le marché français depuis longtemps mais n'y occupant qu'une position relativement faible résumait dans les termes suivants les principales menaces et opportunités qui, selon lui, se dégageaient de l'analyse de l'environnement et de la concurrence. Pour cette entreprise, des possibilités de Il niches » rentables existent si elle parvient à offrir aux consommateurs et aux distributeurs des bières de spécialités correspondant à leurs attentes. Les menaces - Le marché français de 1a bière dans son ensemb1e est en stagnation, voire en régression. - La politique des pouvoirs publics, notamment en matière de règlementation de la publicité des boissons alcoolisées, est peu favorable à une reprise du marché de la bière. - Les bières ordinaires sont en déclin en raison d'une montée en gamme du secteur. - Les grands distributeurs ont de plus en plus tendance à ne référencer qu'un petit nombre de marques leaders, accompagnées éventuellement de leur propre marque de distributeur. Les opportunités - Les bières haut de gamme et les spécialités (bières étrangères, bières sans alcool, etc.) - Le marché est peu innovant et les distributeurs peuvent être ouverts à des innovations sur des segments porteurs. b) Les conditions de réussite d'un diagnostic SWOT : comment éviter le pensum Après avoir, lors d'activités de conseil ou de formation, écouté ou lu les présentations de centaines d'analyse SWOT, on recommande d'éviter trois écueils principaux et de réunir trois 10 qualités pour un bon diagnostic. 1° Un diagnostic SWOT conclut une analyse externe et interne préalable Il apparaît parfois dans les tableaux SWOT des éléments importants qui ont été oubliés dans la phase préalable d'analyse interne ou externe et qui apparaissent donc pour la première fois. Dans d'autres cas, après avoir exposé très longuement les éléments d'analyse interne et externe, l'analyse SWOT semble totalement déconnectée de ce qui a précédé. Un bon diagnostic SWOT est la conclusion d'une analyse interne et externe et son pouvoir de conviction vient de la relation logique entre les faits qui ont été relevés préalablement et les conclusions qui en sont tirées dans le SWOT. Dans une présentation, on peut commencer directement par le SWOT et mettre l'analyse en annexe (surtout dans une présentation orale). Cependant, pour pouvoir justifier des éléments qu'on a choisi de mettre, ou de ne pas mettre, dans un mot, il faut avoir procédé préalablement à une bonne analyse externe et interne. 2° Un diagnostic SWOT n'est pas le résumé de l'analyse interne et externe Certains tableaux SWOT sont des listes exhaustives qui ne semblent pas en finir. Ils reprennent l'ensemble des éléments étudiés précédemment et les présentent sous un format synthétique. Cependant, si tous les éléments soulignés dans le SWOT doivent résulter de l'analyse précédente, tous les points de l'analyse externe ou interne ne doivent pas se retrouver dans le SWOT. Un bon SWOT ne présente que quelques faits majeurs pour chaque partie car son objet est de souligner des points clés et de dessiner des priorités. Ces points sont déjà le résultat d'une réflexion qui, partant de l'analyse interne et externe qui sont elles-mêmes des synthèses, filtre et définit les problèmes ou leviers principaux. Il faut hiérarchiser les points présentés dans chacune des quatre parties d'un SWOT. 3° Une analyse SWOT prépare des recommandations Dans certaines présentations, le diagnostic SWOT semble être un exercice formel qui est oublié aussitôt après avoir été présenté et qui est donc déconnecté des recommandations stratégiques. Un bon diagnostic SWOT doit être à la fois la dernière étape de l'analyse et la première étape des recommandations. Les objectifs et la stratégie défendue par la suite doivent logiquement découler du SWOT. En d'autres termes, l'entreprise doit s'appuyer sur ses forces et/ou chercher à combler ses faiblesses, pour saisir les opportunités de marché et faire face aux menaces. Si les objectifs ou la stratégie proposés ne reposent pas directement sur le SWOT, c'est soit que celui-ci était déficient car il n'a pas su mettre en avant les vrais enjeux, soit que la stratégie n'est pas justifiée, car elle ne découle pas du diagnostic qui a été formulé. CONSTRUIRE UN SWOT RÉELLEMENT UTILE La force de la méthode est qu'elle oblige à la rigueur du raisonnement. Son intérêt ne vient donc pas qu'on remplisse un formulaire, mais qu'on s'oblige à une argumentation bien construite : 11 1- Un SWOT reprend des éléments clés de l'analyse interne et externe préalable. 2- On ne devrait pas mettre plus de cinq éléments dans chacune des quatre parties du SWOT. Le SWOT est un outil de diagnostic, on ne garde que des points fondamentaux, qui vont influencer la politique marketing. Le SWOT n'est pas un résumé de l'analyse, c'est déjà une interprétation et un choix. 3- Un SWOT commande un plan d'action. On doit impérativement retrouver dans le plan marketing des forces sur lesquelles l'entreprise va s'appuyer, des opportunités du marché qu'elle va saisir, des faiblesses qu'elle va chercher à compenser, la façon dont elle va faire face aux menaces. Si les forces, faiblesses, opportunités, menaces d'un plan ne sont pas les mêmes que celles du SWOT, c'est que le SWOT, ou le plan, sont mal conçus. C) Les enjeux clés Un bon SWOT doit permettre de voir clairement les enjeux et les problèmes stratégiques à traiter. La tentation est donc forte - et il ne faut pas y résister de formuler en une ou deux phases la problématique clé qui découle du SWOT, et qui va conduire aux options stratégiques fondamentales. Cette formulation peut prendre de multiples formes en fonction de la problématique, mais dans tous les cas elle exprime le diagnostic qui a été fait de la situation. Exemples " Face à de nouveaux concurrents qui jouent sur des prix bas, notre entreprise ne peut plus se permettre de vivre sur ses acquis (notoriété, réputation, relation commerciale...) et doit renforcer ses services et la valeur ajoutée apportée aux clients. " Cette formulation souligne une menace principale, des forces qui cessent d'être suffisantes et pointe vers des choix (amélioration de l'offre) qui seront développés dans le plan marketing. " Le manque de revenus de notre service en ligne est lié à un trafic insuffisant, qui est dû à une ergonomie mal conçue et des fonctionnalités trop pauvres. " Cette formulation souligne un problème principal, qui est la faiblesse du chiffre d'affaires de l'activité en ligne. Elle ne se contente pas du symptôme, mais établit un diagnostic en indiquant deux problèmes clés à traiter: l'ergonomie du site et les fonctions offertes à l'internaute. " La concentration de nos distributeurs et la croissance des importations chinoises à bas prix menacent nos positions sur le marché, qui se segmente de plus en plus entre une offre fortement différenciée (marque, innovation) et une offre basique à prix bas. " Cette formulation met l'accent sur deux menaces importantes pour l'entreprise: la concentration de la distribution qui accroit sa dépendance et renforce la pression sur les prix, et les importations chinoises bon marché. Deux évolutions - qui sont aussi deux options pour l'entreprise - sont présentées: la suite du plan devra indiquer comment l'entreprise fera face à ces menaces en choisissant l'une de ces deux options - ou en segmentant son offre et en prenant les deux. 12