FONDEMENTS Depuis le 1" janvier 1998, un nouveau référentiel comptable, du nom de SYSCOA (Système comptable Ouest Africain) était entré en vigueur dans l'espace économique UEMOA (Union Economique Monétaire Ouest Africaine). Par le règlement n007/2001/CM/UEMOA, ce référentiel a été harmonisé avec l'Acte Uniforme portant organisation et harmonisation des comptabilités des entreprises de l'espace OHADA (Organisation et Harmonisation du Droit des Affaires) entré en vigueur depuis le 1" janvier 2000. Cet espace regroupe tous les pays francophones d'Afrique occidentale et centrale qui partagent le même droit des sociétés commerciales (*). A l'instar de la normalisation comptable internationale, l'OHADA retient les huit principes comptables de base: - La prudence; Par Yao Koffi Noël Expert comptable diplômé Commissaire aux comptes Cabinet HLBGFA-YZAS - La permanence des méthodes ; - L'intangibilité des bilans; - La spécialisation des exercices; - Le coût historique; - La continuité de l'exploitation ; - La transparence; - L'importance significative. En plus de ces huit principes, l'OHADA •• introduit •• un neuvième principe: •• La prééminence de la réalité sur l'apparence". Mais compte tenu' de l'application difficile en tant que principe comptable, il n'a retenu que cinq applications de ce neuvième principe: - Biens détenus avec une clause de réserve de propriété; - Biens détenus dans le cadre d'un contrat de concession; - Biens pris en crédit-bail ; - Effets escomptés; - Personnel intérimaire. Le présent article présente le traitement réservé aux biens pris en crédit-bail. (*) Bénin, Burkina Faso, Cameroun, Centrafrique, Comores, Congo, Côte d'Ivoire, Gabon, Guinée-Bissau, Guinée Conakry, Guinée Equatoriale, Mali, Niger, Sénégal, Tchad, Togo. OECCA - CI - Novembre 2004 Page 3 PRINCIPES DE COMPTABILISATION L'application simplifiée du principe de la prééminence de la réalité économique sur l'apparence juridique ne concerne que la comptabilité du Preneur. Car !a comptabilité du Bailleur, généralement un établissement financier, est placée en dehors du champ d'application du droit comptable OHADA. Les développements qui vont suivre s'inscrivent donc exclusivement dans le cadre de la comptabilité du Preneur. Le traitement comptable des biens pris en crédit-bail retenu par l'OHADA repose sur les bases suivantes: - Il s'agit d'un retraitement de fin d'exercice; - Les contrats de crédit-bail sont présumés être des contrats de location financement; - La levée de l'option d'achat en fin de contrat est supposée garantie. " une valeur actuelle" du bien selon les principes de l'OHADA en matière d'évaluation d'un bien selon sa valeur actuelle. Le bien est amorti selon les choix usuels de l'entreprise en matière de politique d'amortissement. DETTE EQUIVALENTE ET CHARGES FINANCIERES En contrepartie du bien inscrit à l'actif, l'entreprise constate, pour le même montant, qu'elle a contracté une dette. S'agissant d'un "emprunt" l'entreprise construit elle-même son tableau d'amortissement sur la durée du crédit-bail. Pour l'établissement du tableau d'amortissement de l'emprunt, l'entreprise détermine un taux d'intérêt de l'emprunt équivalent en prenant en compte d'un côté: - Le montant de l'emprunt (prix figurant au contrat ou valeur actuelle). INSCRIPTION EN IMMOBILISATION " A la prise de possession du bien acquis par crédit-bail, le preneur constate l'acquisition d'une immobilisation et débite le compte de la classe 2 correspondant à sa nature" (1) Il faut noter que ce principe n'a pas de fondement juridique. Il tire sa Justification du cadre conceptuel du référentiel OHADA et de l'analyse économique et financière de l'opération de crédit-bail. La valeur du bien à inscrire en immobilisation est égale au prix du bien stipulé au contrat. Si celui-ci n'a pas été prévu, l'entreprise détermine Page 4 La fiscalité n'étant pas encore harmonisée au niveau de l'espace OHADA, nous présentons ci-après l'exemple de la Côte d'Ivoire. La Côte d'Ivoire a intégré l'option de retraitement comptable des biens pris en crédit-bail, tel que préconisé par le référentiel comptable OHADA, dans son dispositif fiscal à travers l'annexe fiscale pour la gestion 2000. Cette intégration est allée plus loin que les dispositions de l'OHADA. En effet, la comptabilisation des biens, immobilisations acquises en crédit-bail dans les livres du preneur reste une option soumise à des conditions. La rédaction des textes fiscaux ivoiriens a ignoré la notion d'option. Telles que rédigées, les dispositions fiscales retenues s'appliquent à toutes les opérations de crédit-bail. Nous reprenons ci-après la fiscalité retenue par la Côte d'Ivoire en matière de biens pris en crédit-bail. Et de l'autre: - Le versement initial; - Les loyers; - Le prix de rachat en fin de contrat. Le taux d'intérêt est le taux qui égalise les deux membres. • Au regard des impôts sur les bénéfices " Les biens donnés en location dans le cadre d'une opération de crédit-bail sont amortissables chez le crédit-bailleur sur la durée du contrat et chez le preneur sur la durée d'utilisation du bien. LOYERS DU CREDIT-BAIL En cours d'exercice, les loyers sont comptabilisés selon leur nature dans les comptes de charges appropriés. En fin d'exercice, les comptes utilisés sont retraités pour correspondre à la logique de traitement des biens immobilisés. EVALUATION ET AMORTISSEMENTS REGIME FISCAL Ainsi les redevances sont ventilées en dotation aux amortissements et en charges financières sur emprunt équivalent et les comptes de services extérieurs sont soldés. En cas de non levée de l'option d'achat par le preneur, la reprise du bien, objet de l'opération de crédit-bail par le crédit-bailleur est assimilée à une opération de cession ". • Au regard des patentes et licences " En ce qui concerne le crédit-bail, le montant à retenir pour la détermination de la valeur locative des biens inscrits à l'actif est la valeur d'acquisition au bilan". OECCA - CI - Novembre 2004 EXEMPLE D'APPLICATION • Au regard de la Taxe sur la Valeur Ajoutée La SA EGOU & OSWALD Cie a acquis par crédit-bail une ligne de production aux "En ce qui concerne les opérations de crédit-bail, lorsqu'en fin de contrat, conditions suivantes: l'option d'achat est levée par le preneur, l'assiette de la taxe est constituée par le prix de cession hors taxes convenu et Date d'effet du contrat. ....................... . 1-5-01 par le prix de cession en cas de vente à Montant .............................................. . 240.000.000 FCFA HT Dépôt initial. ....................................... . Néant Comme on le voit, il y a une Nombre de loyers ............................... . 60 mensualités intégration fiscale totale de l'option de Montant de la redevance .................... . 5.629.460 FCFA HT un tiers ". comptabilisation en immobilisation des biens pris en location dans le cadre Versement en début de période ......... . d'une opération de crédit-bail telle que Valeur de rachat ................................. . 12.000.000 FCFA prévue par le référentiel OHADA. Compte tenu de l'influence de la fiscalité sur la comptabilité des entreprises dans notre zone, il est à Il est demandé d'appliquer les dispositions de l'OHADA en matière de financement par crédit-bail. craindre que la position fiscale ivoirienne SOLUTIONS transforme l'option de traitement en obligation. Une 1. - Détermination du taux d'intérêt telle situation aura des conséquences négatives sur la qualité Pour un capital de 240.000.000 de francs CFA financé par crédit, sans dépôt de comptable des comptes des entreprises garantie et une valeur de rachat de 12.000.000 de francs, dont les remboursements s'effectuent en début de période sur une durée de 60 mois. on aboutit aux taux ci-dessous: Taux proportionnel annuel = 16,0 %. OPTION D'ACHAT Levée de l'option en fin de contrat Aucune conséquence comptable. Au plan juridique, l'entreprise devient propriétaire du bien. Non levée de l'option Compte tenu du traitement initial la non levée de l'option par le preneur se traduit en une cession du bien au bailleur. En conséquence, le preneur enregistre la cession dans ses livres selon le schéma de comptabilisation préconisé par l'OHADA, en matière de cession d'actif immobilisé. (1) OHADA page 302. OECCA - CI - Novembre 2004 Page 5 2. - Construction du tableau d'amortissement d'un emprunt équivalent de 240.000.000 F Echéance Capital Début (KF CFA) Montant des versements (KF CFA) Charge Amortissement Capital fin d'intérêts (KF CFA) (KF CFA) (KF CFA) 32655,27 34898,25 205101,75 1 240000 2 205 101,75 67553,52 27071,55 40481,97 164619,78 3 164619,78 67553,52 20594,43 46959,09 117660,70 4 117660,70 67553,52 13080,98 54472,54 63188,16 5 63188,16 79553,52 16364,84 63188,16 349767,60 109767,60 240000 Total 67553,52 0 3. - Tableau d'amortissement de l'immobilisation Coût d'acquisition ............................ . 240.000.000 F Durée d'amortissement. ................... . 8 ans (Conforme à la politique d'amortissement de l'entreprise) Début d'amortissement. ................... . Fin d'amortissement ......................... . 1/5/01 30/4/2009 Dotation annuelle ............................. . 30.000.000 F (amortissement linéaire) Première dotation ............................ . Dernière dotation ............................. . 20.000.000 F (31/12/01 10.000.000 F (30/4/2009) 4. - Tableau récapitulatif de vérification Exercice Durée Dotations aux Charge Redevance Mois Amortissements d'intérêts crédit-bail 2001 8 20000 21 770,18 45035,68 2002 12 30000 28932,79 67553,52 2003 12 30000 22 753,47 67553,52 2004 12 30000 15585,46 67553,52 2005 12 30000 15270,22 67553,52 2006 12 30000 5455,48 22517,84 2007 12 30000 30000 2008 12 30000 2009 4 10000 Total 240000 Valeur de rachat 12000,00 109767,6 337767,60 12000,00 (1) Les calculs tiennent compte de l'exercice comptable qui court du 1/1/ au 31/12. Ainsi l'exercice 2001 court du 1/5/01 au 31/12/01. Page 6 OECCA - CI - Novembre 2004 5. - Comptabilisation dans les états financiers du preneur EXERCICE 2001 01-5-01 6232 Redevances de crédit-bail et contrats assimilés 5 629 460 4454 Etat, TVA récupérable sur services extérieurs 1 125 892 6 755 352 5211 SGBCI (Comptabilisation des redevances mensuelles) 31-12-01 2411 Matériel industriel 240 000 000 173 Emprunts équivalents de crédit-bail mobilier 240 000 000 (Retraitement du crédit-bail par la prise en compte du bien dans les immobilisations) d° 173 Emprunts équivalents de crédit-bail mobilier 6722 Intérêts dans loyers de crédit-bail et op assimilées 23 265 500 21 770 180 45 035 680 6232 Redevances de crédit-bail et contrats assimilés (Retraitement des loyers de l'exercice 2001) d° 6813 20 000 000 Dotations aux amortissements des immob. Corporelles 2844 Amortissements matériel et outillage 20 000 000 (Dotation de l'exercice) 31-12-01 6722 Intérêts dans loyers de crédit-bail mobilier 173 21 770180 Emprunts équivalents de crédit-bail mobilier 21 770180 (Constatation des intérêts courus de l'exercice) EXERCICE 2001 01-5-01 173 Emprunts équivalent de crédit-bail mobilier 6722 21 770180 21 770180 Intérêts dans loyers de crédit-bail mobilier (Régularisation des intérêts courus de l'exercice précédent) Année 2002 6232 Redevances de crédit-bail et contrats assimilés 67 553 520 4454 TVA récupérable sur services extérieurs 13 510 704 81 064 224 5211 SGBCI (Comptabilisation des redevances mensuelles) OECCA - CI - Novembre 2004 Page 7 31-12-02 173 Emprunts équivalents de crédit-bail mobilier 672 Intérêts dans loyers de crédit-bail mobilier 2 6232 38 620 730 28 932 790 67 553 520 Redevances de crédit-bail et contrats assimilés Retraitement des loyers de l'exercice 2002 31-12-02 6813 Dotations aux amortissements des immob corporelles 30 000 000 2841 Amortissements matériel et outillage 30 000 000 Dotation aux amortissements de l'exercice 2002 31-12-02 6722 Intérêts dans loyers de crédit-bail mobilier 173 18 047 700 Emprunts équivalents de crédit-bail mobilier 18 047 700 Constatation des intérêts courus de l'exercice REMARQUE A notre avis, l'enregistrement du bien dans les livres du crédit-preneur ne peut pas être effectué à la date de livraison, car l'OHADA préconise le retraitement des crédit-bail à condition qu'ils soient significatifs; or cette appréciation ne peut être définitive qu'en fin d'exercice. CONCLUSION En guise de conclusion, nous insisterons sur quelques zones d'ombre laissées par le référentiel et qui créent des incertitudes quant à l'application du principe de la réalité économique sur l'apparence juridique. Le risque d'une double fiscalisation et d'une double prise en compte au niveau des comptes de la Nation existent. Selon l'OHADA, le retraitement des biens acquis en acquis en pleine propriété. crédit-bail est la règle. Toutefois, cette règle ne s'impose pas quand la valeur d'entrée du bien pris isolément n'excède pas 5 % du total brut des immobilisations. Le plan des comptes ne prévoit pas une distinction entre les comptes des biens pris en crédit-bail et ceux des biens L'OHADA prévoit un traitement simplifié pour les contrats qui pris, isolément n'excèdent pas 5% du total brut des immobilisations mais dont la valeur cumulée excède 20% A l'application, cette règle pose un problème; car les auteurs préconisent par ailleurs (guide d'application du SYSCOA, cité en absence d'un guide d'application de l'OHADA) la comptabilisation en immobilisations et en dettes de crédit-bail à l'entrée du bien sous le contrôle de l'entreprise. du total brut des immobilisations. Aucune disposition n'a été prévue pour le traitement des demeurent sans réponse, il y a lieu de le considérer contrats existants à la date d'entrée en vigueur du comme un chantier qui mérite d'être exploité par tous les référentiel. professionnels de l'espace OHADA. La question qui se pose est que le cumul dont on fait allusion concerne-t-il exclusivement les contrats signés au cours de l'exercice qui s'achève? Le principe de la réalité sur l'apparence est une innovation majeure. Mais compte tenu des nombreuses questions qui Le traitement préconisé ne concerne que la comptabilité du preneur. Conformément au droit de propriété, le bailleur (généralement non soumis au droit comptable OHADA) maintient aussi les biens en immobilisations dans ses En attendant, la comparabilité des états financiers dans certains secteurs, voire même leur lecteur risque de continuer de poser encore des problèmes. états financiers. Page 8 OECCA - CI - Novembre 2004