Cours d’Algèbre I Prof. E. Bayer Fluckiger Bachelor Semestre 3 31 Octobre 2011 Corrigé 6 Exercice 1 (Les sous-groupes des groupes quotients). Soit f : G1 −→ G2 un homomorphisme de groupes. On rappelle les faits suivants : (A) l’image réciproque d’un sous-groupe de G2 par f est un sous-groupe de G1 ; (B) l’image réciproque d’un sous-groupe normal de G2 par f est un sous-groupe normal de G1 ; (C) l’image d’un sous-groupe de G1 par f est un sous-groupe de G2 ; (D) si f est surjectif, alors l’image d’un sous-groupe normal de G1 par f est un sous-groupe normal de G2 . (1) Donner un contre-exemple à la dernière assertion lorsque f n’est plus supposé surjectif. (2) Soit N un sous-groupe normal d’un groupe G. (a) Montrer que la surjection canonique π : G −→ G/N induit une bijection f entre l’ensemble des sous-groupes de G contenant N et l’ensemble des sous-groupes de G/N . (b) Montrer que f induit par restriction une bijection entre l’ensemble des sous-groupes normaux de G contenant N et l’ensemble des sousgroupes normaux de G/N . Solution. (1) Comme −1 0 1 1 0 0 1 b 0 = , 1 0 0 b 1 0 0 1 1 0 le sous-groupe : b ∈ R \ {0} de GL2 (R) n’est pas normal 0 b dans GL2 (R). En particulier l’image de l’homomorphisme de groupe R∗ −→ GL2 (R) 1 0 b 7−→ 0 b n’est pas un sous-groupe normal de GL2 (R) bien que R∗ soit un sousgroupe normal de R∗ 2 (2) (a) La surjection canonique π : G −→ G/N est un homomorphisme de groupe sujectif. D’après l’assertion (C), on a une application f de l’ensemble des sous-groupes de G contenant N vers l’ensemble des sous-groupes de G/N qui associe à un sous-groupe H de G le sousgroupe f (H) := π(H). Comme π est surjective, pour tout sous-groupe E de G/N , on a E = f (π −1 (E)). D’après l’assertion (A), l’ensemble π −1 (E) est un sous-groupe de G. On en déduit que f est surjective puisque N = ker(π) ⊂ π −1 (E). L’injectivité de f s’obtient en montrant que H = π −1 (f (H)) pour tout sous-groupe H de G contenant N . On a toujours H ⊂ π −1 (f (H)) mais on n’a pas égalité en général si on ne suppose pas que H contient N . Soit H un sous-groupe de G contenant N . Soit g ∈ π −1 (f (H)). alors π(g) est dans f (H) = π(H). En particulier, il existe h ∈ H tel que π(g) = π(h). Par définition de π, il existe donc n ∈ N tel que g = hn. Or N ⊂ H donc g = hn appartient à H. Ainsi, on a bien π −1 (f (H)) ⊂ H et donc π −1 (f (H)) = H. (b) Il suffit de remplacer respectivement, dans la réponse à la question 6(a), l’utilisation de l’assertion (A) et de l’assertion (C) par une application de l’assertion (B) et de l’assertion (D). Exercice 2 (Les espace vectoriels quotients). Soient K un corps et F un sous-espace vectoriel d’un K-espace vectoriel E. Montrer que le groupe quotient (E/F, +) est isomorphe en tant que groupe à un sous-espace vectoriel de E. Solution. Soit G un supplémentaire de F dans E. Alors (G, +) est un sous-groupe de (E, +). Soit p la projection sur G parallèlement à F . Vous avez vu en première année que l’application p : (E, +) −→ (G, +) est un homomorphisme de groupe (et même une application linéaire) dont le noyau est F . D’après le premier théorème d’isomorphisme, (G, +) est isomorphe au quotient (E/F, +). Exercice 3 (Le cercle unité). (1) Montrer que le cercle C de centre 0 et de rayon 1 est un sous-groupe de C∗ . (2) Montrer que (Z, +) est normal dans (R, +). (3) Montrer que le groupe quotient (R/Z, +) est isomorphe à (C, ×). Solution. (1) Le cercle C de centre 0 et de rayon 1 est est l’ensemble des nombres complexes de module 1. Il est non vide (il contient 1). Pour tout a, b ∈ C on a |a.b| = |a|.|b|. Si a 6= 0, on a aussi |a−1 | = |a|−1 |. Le cercle C est donc bien un sous-groupe de C∗ . (2) Le groupe (R, +) est commutatif donc (Z, +) est normal dans (R, +). 3 (3) On considère l’application f : R −→ C, θ 7−→ exp(2πiθ). La fonction exp : (C, +) −→ C∗ est un homomorphisme de groupe. Des propriétés des fonctions cos et sin vues en cours d’analyse nous déduisons que : • l’application f est surjective ; • l’application f est 1-périodique ; en particulier son noyau contient Z ; • la restriction de l’application f à [0, 2π] est injective ; en particulier le noyau de f est contenu dans Z. D’après le premier théorème d’isomorphisme, le groupe quotient (R/Z, +) est isomorphe à (C, ×). Exercice 4 (Quelques quotients de Q/Z). (1) Montrer que pour tout n ∈ N∗ , le groupe quotient Q/Z contient exactement un sous-groupe cyclique d’ordre n. (2) Quels sont les homomorphismes de Z/nZ dans Q/Z ? (3) Quels sont les homomorphismes de Q/Z dans Z ? Solution. (1) Soit x ∈ Q/Z un générateur d’un groupe cyclique de cardinal n. Alors nx est dans Z, c’est-à-dire que x est la classe de congruence de m/n modulo Z pour un certain m ∈ Z. Si d est un facteur commun de m et n, alors x est d’ordre au plus n/d. Par conséquent, n et m sont premiers entre eux. Soit (µ, ν) ∈ Z2 \ {(0, 0)} tel que µm + νn = 1. Alors µ(m/n) = (1/n) − ν et 1/n ont la même classe de congruence modulo Z. Ainsi le groupe engendré par x est aussi le groupe engendré par la classe de 1/n modulo Z. Le groupe Q/Z a donc exactement un sous-groupe de cardinal n. (2) Soit π : Z −→ Z/nZ la surjection canonique. Soit f : Z/nZ −→ Q/Z un homomorphisme de groupe. Le morphisme f ◦ π : Z −→ Q/Z est entièrement déterminé par la donnée de f (π(1)). Le noyau de f ◦ π contient nZ. Par conséquent ker(f ◦ π) = mZ pour un certain diviseur m de Z. D’après le premier théorème d’isomorphisme, l’image de f ◦π est un sous-groupe cyclique d’ordre m de Q/Z. La réponse à la question précédente montre f (π(1)) est la classe de congruence modulo Z de a/m pour un certain entier a ∈ Z premier à m. Ainsi, pour tout entier k ∈ Z, on a f (k mod n) = (ka/m)Z où k mod n désigne la classe de congruence de k modulo n. Inversement si m est un diviseur de n et a ∈ Z est premier à m, alors l’application f: Z/nZ −→ Q/Z k mod n 7−→ (ka/m)Z est bien définie. C’est même un homomorphisme de groupe. 4 (3) Un homomorphisme de groupe de Q/Z dans Z s’obtient par passage au quotient d’un homomorphisme de groupe de Q dans Z. On a un seul homomorphisme de groupe f : Q −→ Z. L’homomorphisme trivial est donc le seul homomorphisme de groupe de Q/Z dans Z. Exercice 5 (Les quotients de groupes cycliques). Soit n ≥ 2 un entier. (1) Quels sont les sous-groupes normaux de Z/nZ ? (2) Déterminer à isomorphisme près quels groupes sont isomorphes à un quotient de Z/nZ par un de ses sous-groupes normaux. (3) Quels sont les groupes G pour lesquels il existe un homomorphisme de groupes surjectif f : Z/nZ −→ G ? Solution. (1) Le groupe Z/nZ est un groupe abélien. Tous ses sous-groupes sont donc normaux. Les sous groupes de Z/nZ sont les sous-groupes de la forme dZ/nZ où d est un diviseur de n i.e. les groupes cycliques engendrés par la classe de congurence modulo n d’un diviseur d de n. (2) Soit H un sous-groupe de Z/nZ. Il existe un diviseur d de n tel que H = dZ/nZ. On considère les deux inclusions nZ ⊂ dZ ⊂ Z de sous-groupes normaux de Z. D’après le troisième théorème d’isomorphisme, le quotient (Z/nZ) / (dZ/nZ) est isomorphe à Z/dZ. Les groupes isomorphes à un quotient de Z/nZ par un de ses sous-groupes sont donc les groupes isomorphes à Z/dZ pour un certain diviseur d de n, c’est-à-dire les groupes cycliques d’ordre un diviseur d de n. (3) D’après le premier théorème d’isomorphisme les groupes G pour lesquels il existe un homomorphisme de groupe surjectif f : Z/nZ −→ G sont exactement les groupes isomorphes à un quotient de Z/nZ par un de ses sous-groupes normaux, c’est-à-dire les groupes cycliques d’ordre un diviseur d de n (c.f. la question précédente). Exercice 6 (Quelques quotients des groupes diédraux). Soit n ≥ 2 un entier impair. On rappelle que D2n est engendré par un élément r d’ordre exactement n et un élément s d’ordre exactement 2 tels que srs−1 = r−1 . (1) Montrer que, pour tout diviseur m de n, le groupe D2n contient exactement un sous-groupe Cm isomorphe à Z/mZ. Le groupe Cm est il le noyau d’un homomorphisme de groupes ? (2) Le sous-groupe H engendré par s est il le noyau d’un homomorphisme de groupes ? Solution. 5 (1) Comme rs = sr−1 , tout élément dans le groupe D2n est de la forme si rj avec i ∈ {0, 1} et 0 ≤ j < n. Tout sous-groupe cyclique de D2n est donc le groupe engendré par si rj pour un certain i ∈ {0, 1} et un certain entier j tel que 0 ≤ j < n. Comme srj est d’ordre 2 et rj est d’ordre n/pgcd(j, n), et comme m est impair, le groupe D2n contient un seul sous-groupe Cm isomorphe à Z/mZ, à savoir le sous-groupe Cm engendré par rn/m . Comme srj s−1 = r−j , le groupe Cm est normal. Par conséquent, Cm est le noyau de la surjection canonique D2n −→ D2n /Cm . (2) D’après l’exercice 1, si H était le noyau d’un homomorphisme de groupe, alors H serait normal. Ce n’est pas le cas puisque rsr−1 ∈ / {1D2n , s}. Exercice 7 (Sous-groupes d’indice premier). Soit H un sous-groupe d’un groupe fini G. On considère l’application (*) f : G −→ S(G/H) g 7−→ (xH 7→ gxH) On note p := [G : H]. (1) Montrer que f est un homomorphisme de groupes et que ker(f ) ⊂ H. (2) Montrer que, si le cardinal de G ne divise pas p!, alors ker(f ) est un sous-groupe normal non trivial de G. (3) On suppose que p = [G : H] est égal au plus petit facteur premier de G. En vous inspirant de la réponse à la question précédente, montrer que H est normal dans G. Indication : bien que ce ne soit pas demandé, on peut montrer qu’en général ker(f ) est le plus grand sous-groupe de H normal dans G. Solution. (1) Le fait que f soit un homomorphisme est immédiat. Soit g ∈ ker(f ). Alors pour tout x ∈ g on a gxH = xH. En particulier, pour x = 1G , on a gH = H, c’est-à-dire que g ∈ H. Ainsi on a bien ker(f ) ⊂ H. (2) Le sous-groupe ker(f ) est normal (c’est le noyau d’un homomorphisme de groupe). Si ker(f ) = 1 alors le premier théorème d’isomorphisme montre que G est isomorphe à Im(f ). Dans ce cas, le théorème de Lagrange montre que le cardinal de G divise le cardinal de S(G/H), c’est-à-dire que le cardinal de G divise p!. (3) D’après le premier théorème d’isomorphisme, f induit un isomorphisme entre G/ ker(f ) et un sous-groupe de S(G/H). En particulier, d’après le théorème de Lagrange, le cardinal de G/ ker(f ) divise p!. Le cardinal de G/ ker(f ) divise le cardinal de G, donc, si f n’est pas triviale, le plus petit facteur premier du cardinal de G/ ker(f ) est p. Ces deux remarques montrent que le cardinal de G/ ker(f ) est 1 ou p. Par conséquent, le théorème de Lagrange montre que H/ ker(f ) est soit {1} soit G/ ker(f ). D’après l’exercice 1, le sous-groupe H est donc égal soit à ker(f ) soit à G. Ainsi H est normal dans G. 6 Exercice 8 (Groupes quotients et groupes de permutation). (*) On note V4 le sous-groupe de S4 d’ordre 4 dont les éléments sont les permutations τ1 := (1 4)(2 3), τ2 := (1 3)(2 4), τ3 := (1 2)(3 4), τ4 := Id. (1) Montrer que V4 est normal dans S3 . (2) Montrer que S3 est isomorphe au groupe quotient S4 /V4 . Solution. (1) Il suffit de remarquer que, si i, j, k, l sont des éléments de {1, 2, 3, 4} deux à deux distincts, alors pour tout σ ∈ S4 , on a σ(i j)(k l)σ −1 = σ(i j)σ −1 σ(k l)σ −1 = (σ(i) σ(j))(σ(k) σ(l)). En particulier, σ(i j)(k l)σ −1 est bien dans V4 (2) Par définition de τσ(4) , pour tout σ ∈ S4 , la permutation στσ−1 (4) laisse 4 invariant. Ainsi on peut considérer l’application f : S4 −→ S3 σ 7−→ στσ−1 (4) Soient σ, σ 0 ∈ S4 . Alors f (σσ 0 ) = f (σ)f (σ 0 ) si et seulement si τσ0−1 σ−1 (4) = σ 0−1 τσ−1 (4) σ 0 τσ0−1 (4) . Comme V4 est normal dans S4 , la permutation σ 0−1 τσ−1 (4) σ 0 τσ0−1 (4) est dans V4 . Pour montrer que τσ0−1 σ−1 (4) = σ 0−1 τσ(4) σ 0 τσ0 (4) , il suffit donc de vérifier que σ 0−1 τσ−1 (4) σ 0 τσ0−1 (4) envoie 4 sur σ 0−1 σ −1 (4) ce qui découle de la définition de τσ−1 (4) et τσ0−1 (4) . On vient ainsi de montrer que f est un homomorphisme de groupe. comme τ4 = Id, la restriction de f à S3 est IdS3 . Par conséquent f est surjective. D’après le premier théorème d’isomorphisme, f induit un isomorphisme entre S4 / ker(f ) et S3 . En particulier ker(f ) est de cardinal 4!/3! = 4. Le noyau de f contient V4 qui est de cardinal 4, donc ker(f ) = V4 .