En voulant donner une explication historique, l'on est victime d'un mode de penser qui est une des modalités de la culture du XIXème siècle, au cours
duquel l'histoire devient le mode d'être fondamental du savoir, à partir duquel sont pensées toutes les empiricités (les réalités concrètes).
Michel FOUCAULT nous présente, dans "Les Mots et les Choses" l'analytique des trois systèmes de la culture occidentale : le XVIème siècle, monde
des similitudes, le XVIIème siècle où le monde se constitue en un système de représentations, et la modernité qui est le moment de la déchirure et de
l'historicité .A l'intérieur de chacun de ses systèmes, Michel FOUCAULT analyse les trois modes de corrélations qui correspondent aux trois activités
principales de l'homme, qui vit, qui parle et qui travaille . L'Archéologie du savoir ou Analytique a pour objet d'explorer les structures du savoir qui
constituent le sens "analogique" de ces expériences que sont la vie, le langage et les échanges.
Cette analytique, qui prend sa source dans la critique Kantienne, trouve ses concepts dans la phénoménologie et le structuralisme mais en étend la
portée:
- Il ne s'agit pas seulement d'affirmer avec Kant que le sujet, qui n'est jamais donné à l'expérience, détermine dans son rapport à un objet transcendantal =
X toutes les conditions à priori de l'expérience possible, de sorte que tout dépassement de l'expérience est "métaphysique" : En procédant ainsi, par le
compromis que l'on sait, KANT limite la portée de la science pour laisser place à la croyance, mais il garantit en même temps son objectivité
- Il ne s'agit pas non plus de reprendre la tâche, sans doute impossible, de la phénoménologie de découvrir dans la subjectivité transcendantale l'horizon
implicite de tous les concepts empiriques.
- Enfin, il ne faut pas confondre, comme le structuralisme en ethnologie, les "ensembles significatifs" qui constituent "des espaces de savoir", des
"configurations de sens" avec des "structures" mises à jour par les sciences comme autant d'infrastructures constituant les supports inconscients, les
raisons sous-jacentes d'une réalité concrète, qui risque bien de n’être qu’une manifestation, une apparence.
Ni la critique Kantienne, "qui marque le seuil de notre modernité", ni la phénoménologie qui s'est perdue dans la description du vécu, ni le structuralisme
qui n'est qu'un rationalisme des essences ne peuvent rendre compte de ce monde exploré par l'Archéologie du savoir.
Pour Michel FOUCAULT, il s’agit de mettre à jour "le sens" : non pas l’essence qui expliquerait le phénomène mais l'ensemble des relations qui font de
tout système culturel une totalité significative.
Dans les trois systèmes culturels qu'il analyse (XVème et XVIIème siècles, puis la modernité), Michel FOUCAULT montre comment dans les trois
secteurs principaux de l’expérience (la vie, le travail, le langage) les mêmes concepts, les mêmes exigences, les mêmes corrélations se retrouvent.
En prenant pour exemple le système culturel du XVIIème siècle, l’analyse nous révèle que la " splendeur du Monde classique" se présente comme "un
espace d'ordre étalé" composé de relations externes entre des natures simples, selon l'idéal cartésien de la mathématique universelle : Cette structure
analytique du monde se retrouve dans les trois secteurs de corrélations :
- Le langage classique est un discours analytique et univoque : Les signes séparés dans la proposition se déploient dans l'espace pour constituer une
grammaire rationnelle.
- L'histoire naturelle décrit le visible ; il structure et ordonne la diversité en espèces identifiables.
- Le domaine des richesses, tel qu’il est analysé par exemple par les physiocrates, est représenté, selon le même mode que les représentations, comme un
système d'échanges, dont la monnaie est le signe conventionnel, universel, qui permet l'échange circulaire ."
Pour illustrer la méthode de l’Archéologie, on pourrait analyser"l'Histoire de la Folie ", Michel FOUCAULT montre le lien entre un phénomène social :
"le grand internement", l'enfermement des fous avec les oisifs et les libertins, (c'est-à-dire l'isolement de tout ce qui est l'Autre), et l'avènement d'une raison
qui, par ses propres forces, exclut l'hypothèse du Malin Génie et conduit l'individu à la saisie d'une vérité valable pour tous les êtres raisonnables.
Dans le début du chapitre II : le grand enfermement, Foucault pose le problème de la folie, à côté de toutes les formes d’erreurs, telles que les erreurs des
sens et le rêve. Il écrit « pour trompeurs qu’ils soient, les sens ne peuvent altérer que ‘‘les choses fort peu sensibles et fort éloignées.’’ » La force de leurs
illusions laisse toujours un résidu de vérité « que je suis ici, au coin du feu vêtu d’une robe de chambre. »
Quant au rêve, il peut comme l’imagination des peintres représenter des « sirènes ou des satyres », mais il ne peut ni créer ni composer de lui-même ces choses. Ni le sommeil peuplé
d’images, ni la claire conscience que les sens se trompent ne peuvent porter le doute au point extrême de son universalité. Admettons que les yeux nous déçoivent, ‘‘supposons
maintenant que nous sommes endormis’’, la vérité ne se glissera toute entière dans la nuit, c’est à dire que la vérité ne disparaîtra pas toute entière.
Pour la folie il en est tout autrement …, ce n’est pas la permanence d’une vérité qui garantit la pensée contre la folie, comme elle lui permettrait de se déprendre d’une erreur ou
d’émerger d’un songe, c’est une impossibilité d’être fou essentielle non à l’objet de la pensée, mais au sujet qui pense. … On ne peut supposer, même par la pensée que l’on est fou,
car la folie justement est condition d’impossibilité de la pensée. …Ainsi, le péril de la folie a disparu de l’exercice même de la raison.
Le cheminement du doute cartésien semble témoigner qu’au XVII° siècle, le danger se trouve conjurer et que la folie est placée hors du domaine d’appartenance où le sujet détient
ses droits à la vérité. Ce domaine -pour la pensée classique- est la raison elle-même. Désormais la folie est exilée. Si l’homme peut toujours être fou, la pensée comme exercice de la
souveraineté d’un sujet qui se met en devoir de percevoir le vrai ne peut pas être insensée.
Le phénomène social de l’enfermement et la démarche philosophique de Descartes, qui exclut la possibilité du Malin génie appartiennent à la même épistémè.
2) Le problème