Observatoire du Management Alternatif Alternative Management

Observatoire du Management Alternatif
Alternative Management Observatory
__
Article
Le pouvoir dans la grande entreprise et au sein d'un projet entreprenarial :
une analyse comparée inspirée de Foucault
Adrien Couret – Novembre 2006
Majeure Alternative Management – HEC Paris – 2006-2007
Genèse de l’article
Cet article a été écrit dans le cadre du cours « Logique Entrepreneuriale » donné par Etienne
Krieger dans le cadre Majeure Alternative Management spécialité de troisième année du
programme Grande Ecole d’HEC Paris.
Origin of this article
This article was written in the “Logique Entrepreneuriale” course of Etienne Krieger. This course is
part of the “Alternative Management” specialization of the third-year HEC Paris business school
program.
Charte Ethique de l'Observatoire du Management Alternatif
Les documents de l'Observatoire du Management Alternatif sont publiés sous licence Creative Commons
http://creativecommons.org/licenses/by/2.0/fr/ pour promouvoir l'égalité de partage des ressources intellectuelles et le
libre accès aux connaissances.
L'exactitude, la fiabilité et la validité des renseignements ou opinions diffusés par l'Observatoire du Management
Alternatif relèvent de la responsabilité exclusive de leurs auteurs.
4 Couret A. – Article : « Le pouvoir dans la grande entreprise – Foucault » - Novembre 2006
1
Le pouvoir dans la grande entreprise et au sein d'un projet entreprenarial :
une analyse comparée inspirée de Foucault
Résumé : L'entreprenariat apparaît souvent en creux de la grande entreprise. Relire les travaux de
Foucault nous permet d'éclairer cette opposition classique, en particulier autour de la question du
pouvoir. Deux points cruciaux émergent : tout d'abord, alors que les grandes entreprises sont le lieu
d'un pouvoir panoptique, dans la petite entreprise, le pouvoir reste visible et clairement identifié;
ensuite l'articulation entre Savoir et Pouvoir se fait selon deux modes bien distincts selon le type
d'organisation
Mots-clés : Entreprenariat, Foucault, pouvoir, organisations, grande entreprise, petite entreprise
The question of power in large companies and in entrepreneurial projects :
a comparative analysis inspired by Foucault
Abstract : Entrepreneurship is often seen as opposed to large companies. Here we analyse such a
classical opposition inspired by Foucault's work on power. Two main points arise: first, while large
companies are characterised by the panoptic form of power, in SMEs power remains visible and
well-identified. Further, it appears that the relation between ‘power’ and ‘knowledge’ has different
modalities according to the type of organisation considered.
Key words : Entrepreneurship, Foucault, power, large companies, SMEs
L'objectif de cet article est d'explorer des pistes et d'effectuer un rapprochement entre les
travaux de Foucault et l’entrepreneuriat : la pensée foucaldienne nous permet elle d'y voir plus clair
sur ce qu'est l'entreprenariat? Et en particulier sur ce qui le différencie de la grande entreprise?
L’entrepreneuriat est souvent présenté comme une forme alternative de management et de
relations entre personnes. Il apparaît en creux du modèle classique de la grande entreprise. On peut
aisément reprendre cette opposition pour mettre en perspective la pensée foucaldienne : la petite
entreprise innovante et la grande entreprise classique seraient alors deux lieux où des formes de
pouvoir différentes s’appliqueraient.
4 Couret A. – Article : « Le pouvoir dans la grande entreprise – Foucault » - Novembre 2006
2
Prenons la grande entreprise, par exemple. Les thématiques de Foucault s’y prêtent très bien,
et les chercheurs en gestion ne sont pas privés pour alimenter une littérature foisonnante.
Par exemple, à travers le prisme de Surveiller et Punir, la grande entreprise peut apparaître
comme le lieu d’exercice d’un pouvoir panoptique : un pouvoir qui voit sans être vu, invisible et
omniprésent, et qui au lieu de surplomber l’organisation (à l’image du pouvoir bourdieusien,
identifiable et monolithique), y dilue une quantité importante d’institutions de contrôle. La
transparence est le maître mot d’un tel pouvoir, non pas parce qu’il souhaite avoir des relations
équitables avec ses employés, mais au contraire parce qu’il désire les avoir constamment à l’œil.
Cette conception est-elle paranoïaque ? Sans doute, mais elle correspond aussi à une réalité : le
développement de l’entreprise en réseau (décrit par Boltanski et Chiapello dans le Nouvel Esprit du
Capitalisme), où chacun est un nœud dans une toile de relations multidimensionnelles, expose de
fait le travailleur à une multiplicité de contrôles par rapport à l’entreprise hiérarchique dans laquelle
le seul regard, en théorie, provient du N+1 ; le développement des nouvelles technologies associées
à ce nouveau type d’entreprise produit une quantité d’informations qui rend chaque employé
« traçable » pour le pouvoir – il doit être joignable par téléphone mobile, il doit partager ses
ressources et son travail sur serveur, son emploi du temps est accessible à tous sur les bases de
données en intranet. Le travailleur croit sortir gagnant du jeu, car on lui fait miroiter les vertus de la
« polyvalence », l’accélérateur de carrière constitué par la « flexibilité » ; en réalité, ses
responsabilités se sont accrues à salaire constant, et avec elles, il subit le crible d’institutions de
contrôle plus nombreuses, plus disséminées.
Quels points de comparaison établir ici avec la logique entrepreneuriale ? Il m’apparaît,
suite notamment à des rencontres avec des entrepreneurs, que la petite entreprise innovante ne peut
être le lieu où s’exerce un pouvoir panoptique. Pour une question pratique de taille, tout d’abord :
dans une petite organisation, le pouvoir et les sources de contrôle associées apparaissent de façon
évidente aux yeux de chacun. Mais il y a aussi une question d’implication dans le travail : l’objectif
de l’entreprise converge avec l’objectif de ses créateurs (ou, du moins, plus que dans le cas de la
grande entreprise) : dès lors, les problématiques de contrôle se posent avec moins d’acuité ; en
outre, il n’est sans doute pas nécessaire d’atteindre le degré de sophistication et de sournoiserie du
panoptisme pour obtenir les éventuels ajustements dans le comportement des acteurs.
Le second prisme foucaldien provient de son ouvrage la Naissance de la Clinique, et dans
une moindre mesure, de son travail sur l’Histoire de la Sexualité. Un thème prégnant dans
l’ensemble de ces œuvres est l’articulation entre le Savoir et le Pouvoir ; la détention d’un savoir
dans les organisations permet de faire jouer en sa faveur un rapport de domination.
4 Couret A. – Article : « Le pouvoir dans la grande entreprise – Foucault » - Novembre 2006
3
C’est ce que l’on retrouve dans la grande entreprise depuis Taylor : l’organisation du travail,
qu’elle soit parcellée ou intégrée, hiérarchisée ou en réseau, provient du top management qui en
édicte les principes. Le bottom-up n’est pas la règle en la matière ; il n’apparaît qu’à la marge pour
permettre aux acteurs d’effectuer des ajustements qui ne modifient en rien la structure de
l’organisation. S’il lui semble parfois être « libre » de s’organiser comme il le souhaite dans son
travail, le collaboratuer doit malgré tout passer sous le regard de nombreux contrôles que la
structure lui impose : il n’est pas seulement jugé sur les résultats, mais il est aussi évalué sur les
process.
Là encore, le contraste avec la logique entrepreneuriale est frappant. Dans la jeune
entreprise, Savoir et Pouvoir sont plus décorrélés, dans la mesure où le Savoir est plus souvent
partagé entre les employés. A mon sens, il s’agit d’une question de taille et d’un esprit collaboratif
sans doute plus important. Néanmoins, il ne faut pas négliger les cas possibles (et pathologiques ?)
de rétention d’information à desseins divers. Crozier n’est après tout jamais bien loin : les acteurs
aiment jouer sur les incertitudes pour élargir leur zone d’influence…
Que ressort-il finalement de cette rapide lecture à travers l’entrepreneuriat et son double
démoniaque, la grande entreprise ? La caricature n’est pas loin – elle est sans doute liée à ma
méconnaissance propre des organisations – mais elle force cependant des traits bien réels. Pour
apporter un éclairage complémentaire, il serait certainement intéressant d’étudier dans quelle
mesure une logique entrepreneuriale peut exister dans les grandes entreprises, car il est certain que
les deux modes d’organisation ne s’excluent pas totalement.
4 Couret A. – Article : « Le pouvoir dans la grande entreprise – Foucault » - Novembre 2006
4
1 / 4 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !