Éditorial Dopage et dépistage Y. Reznik* * Service d’endocrinologie et maladies métaboliques, CHU, Caen. L a pratique du dopage remonte à l’Antiquité selon le témoignage des auteurs classiques, qui relatent l’usage de substances par les athlètes pour améliorer leurs performances aux Olympiades. Au XXe siècle, l’idée d’un effet bénéfique obtenu par l’administration de substances dopantes reste très ancrée chez le sportif, malgré le faible niveau de preuve scientifique de leur efficacité réelle, et l’accumulation d’évidences sur le rôle délétère d’une administration supraphysiologique de telles substances. Une étude finlandaise récente a montré une augmentation de 4,5 fois par rapport à la population générale de la mortalité à 12 ans chez des haltérophiles qualifiés en championnat national dans les années 80. Malgré l’interdiction de l’usage des dopants officialisée par le Comité international olympique (CIO) en 1975, leur utilisation s’est largement étendue à de nombreuses disciplines sportives. La lutte contre le dopage a pris une dimension légale avec la prise de conscience de l’ampleur croissante du phénomène par les instances sportives et les gouvernements, qui a abouti à la loi du 23 mars 1999 précisant les modalités et les objectifs de la lutte contre le dopage. Malgré les aléas méthodologiques, on estime entre 5 et 15 % la prévalence du dopage chez les sportifs adultes amateurs, celles des sportifs professionnels étant beaucoup plus difficile à appréhender. Le phénomène s’est étendu aux enfants et aux adolescents avec une prévalence estimée entre 3 et 5 %. Le dopage n’est pas l’exclusive du sportif, comme l’a révélé une enquête réalisée en Meurthe-et-Moselle sur 600 personnes, qui a retrouvé le recours à une automédication dans un but d’amélioration des performances chez 14,7 % des sujets interrogés. Ces données font du dopage un véritable problème de société. De nouvelles stratégies de dépistage capables de prouver l’usage illicite de substances dopantes ont été développées ces dernières années. Dans le dossier consacré au dopage, B. Le Bizec fait un exposé détaillé des méthodes analytiques mises au point pour la détection des stéroïdes anabolisants. La chromatographie haute résolution couplée à la fragmentométrie de masse constitue le gold standard de par sa sensibilité excellente et, surtout, sa spécificité absolue pour le dosage des stéroïdes. Cette méthode fait maintenant référence et a été adoptée par tous les laboratoires agréés pour le dépistage du dopage de par le monde. Les limites de l’analyse quantitative tiennent à la question non complètement résolue de la distinction qualitative entre une origine exogène ou endogène des stéroïdes détectés, et par là de la validité des valeurs seuils pour le dépistage du dopage. Des méthodes sophistiquées, comme l’étude de la composition isotopique des stéroïdes 51 Act. Méd. Int. - Métabolismes - Hormones - Nutrition, Volume V, n° 2, mars-avril 2001 Éditorial détectés, tentent de répondre à ces questions. Dans cet article, F. Bryand expose les modalités et l’organisation sur le territoire francais du contrôle antidopage. Le dépistage d’une administration illicite d’hormone de croissance recombinante (rGH) se heurte à des problèmes analytiques encore plus grands pour distinguer la GH exogène de l’endogène, clairement exposés dans l’article de J.C. Souberbielle et al. Les stratégies les plus performantes seraient, à l’heure actuelle, l’analyse des isoformes de la GH, en particulier l’étude du rapport GH 20 kD/22 kD et l’étude des variations au cours du temps des marqueurs somatotropes (IGF, IGFBP) et des marqueurs du remodelage osseux (ostéocalcine ou collagène de type I). M. Audran et F. Lasne exposent les méthodes indirectes de détection d’un dopage par l’érythropoïétine (EPO) ou toute autre substance stimulant l’érythropoïèse, et la méthode directe récemment mise au point par le Laboratoire national de dépistage du dopage français utilisée pour la première fois aux derniers jeux Olympiques. L’analyse directe est la première méthode de détection de l’EPO à partir d’un échantillon urinaire, qui permet la séparation et l’analyse des isoformes de l’EPO par une méthode d’iso-électro-focalisation et une révélation par chemo-luminescence. Cette méthode doit dorénavant permettre la distinction entre l’EPO naturelle et sa forme recombinante issue du génie génétique et administrée de manière illicite aux athlètes. Les difficultés méthodologiques du dépistage des substances dopantes tiennent à l’ingéniosité des fraudeurs, qui développent des stratégies pour contrer les nouvelles méthodes de dépistage mises en place. Une course technologique s’est engagée, à la mesure des enjeux financiers en cause. ■ 52 Act. Méd. Int. - Métabolismes - Hormones - Nutrition, Volume V, n° 2, mars-avril 2001