Act. Méd. Int. - Métabolismes - Hormones - Nutrition, Volume V, n° 2, mars-avril 2001
a pratique du dopage remonte à l’Antiquité selon le témoignage
des auteurs classiques, qui relatent l’usage de substances par
les athlètes pour améliorer leurs performances aux Olympiades. Au
XXesiècle, l’idée d’un effet bénéfique obtenu par l’administration de
substances dopantes reste très ancrée chez le sportif, malgré le faible
niveau de preuve scientifique de leur efficacité réelle, et l’accumulation
d’évidences sur le rôle délétère d’une administration supraphysiolo-
gique de telles substances. Une étude finlandaise récente a mon
tré
une augmentation de 4,5 fois par rapport à la population générale
de
la mortalité à 12 ans chez des haltérophiles qualifiés en championnat
national dans les années 80. Malgré l’interdiction de l’usage des
dopants officialisée par le Comité international olympique (CIO) en
1975, leur utilisation s’est largement étendue à de nombreuses disci-
plines sportives. La lutte contre le dopage a pris une dimension léga-
le avec la prise de conscience de l’ampleur croissante du phénomène
par les instances sportives et les gouvernements, qui a abouti à la loi
du 23 mars 1999 précisant les modalités et les objectifs de la lutte
contre le dopage. Malgré les aléas méthodologiques, on estime entre
5 et 15 % la prévalence du dopage chez les sportifs adultes amateurs,
celles des sportifs professionnels étant beaucoup plus difficile à
appréhender. Le phénomène s’est étendu aux enfants et aux adoles-
cents avec une prévalence estimée entre 3 et 5 %. Le dopage n’est pas
l’exclusive du sportif, comme l’a révélé une enquête réalisée en
Meurthe-et-Moselle sur 600 personnes, qui a retrouvé le recours à
une automédication dans un but d’amélioration des performances
chez 14,7 % des sujets interrogés. Ces données font du dopage un
véritable problème de société.
De nouvelles stratégies de dépistage capables de prouver l’usage illici-
te de substances dopantes ont été développées ces dernières années.
Dans le dossier consacré au dopage, B. Le Bizec fait un exposé détaillé
des méthodes analytiques mises au point pour la détection des sté-
roïdes anabolisants. La chromatographie haute résolution couplée à la
fragmentométrie de masse constitue le gold standard de par sa sensi-
bilité excellente et, surtout, sa spécificité absolue pour le dosage des
stéroïdes. Cette méthode fait maintenant référence et a été adoptée
par tous les laboratoires agréés pour le dépistage du dopage de par le
monde. Les limites de l’analyse quantitative tiennent à la question non
complètement résolue de la distinction qualitative entre une origine
exogène ou endogène des stéroïdes détectés, et par là de la validité des
valeurs seuils pour le dépistage du dopage. Des méthodes sophisti-
quées, comme l’étude de la composition isotopique des stéroïdes
Éditorial
Dopage
et dépistage
Y. Reznik*
51
* Service d’endocrinologie et maladies
métaboliques, CHU, Caen.
L
Act. Méd. Int. - Métabolismes - Hormones - Nutrition, Volume V, n° 2, mars-avril 2001
Éditorial
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détectés, tentent de répondre à ces questions. Dans cet
article,
F. Bryand expose les modalités et l’organisation sur le territoire
francais
du contrôle antidopage.
Le dépistage d’une administration illicite d’hormone de croissance
recombinante (rGH) se heurte à des problèmes analytiques encore
plus grands pour distinguer la GH exogène de l’endogène, clairement
exposés dans l’article de J.C. Souberbielle et al. Les stratégies les plus
performantes seraient, à l’heure actuelle, l’analyse des isoformes de
la GH, en particulier l’étude du rapport GH 20 kD/22 kD et l’étude
des variations au cours du temps des marqueurs somatotropes (IGF,
IGFBP) et des marqueurs du remodelage osseux (ostéocalcine ou col-
lagène de type I).
M. Audran et F. Lasne exposent les méthodes indirectes de détection
d’un dopage par l’érythropoïétine (EPO) ou toute autre substance sti-
mulant l’érythropoïèse, et la méthode directe récemment mise au
point par le Laboratoire national de dépistage du dopage français uti-
lisée pour la première fois aux derniers jeux Olympiques. L’analyse
directe est la première méthode de détection de l’EPO à partir d’un
échantillon urinaire, qui permet la séparation et l’analyse des iso-
formes de l’EPO par une méthode d’iso-électro-focalisation et une
révélation par chemo-luminescence. Cette méthode doit dorénavant
permettre la distinction entre l’EPO naturelle et sa forme recombi-
nante issue du génie génétique et administrée de manière illicite aux
athlètes.
Les difficultés méthodologiques du dépistage des substances
dopantes tiennent à l’ingéniosité des fraudeurs, qui développent des
stratégies pour contrer les nouvelles méthodes de dépistage mises en
place. Une course technologique s’est engagée, à la mesure des
enjeux financiers en cause.
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