Réponse du Centre de droit privé de l`Université Libre de Bruxelles

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Réponse du Centre de droit privé de l’Université Libre de Bruxelles
à la consultation publique de la Commission européenne publiée le 4 février 2011
« Towards a Coherent European Approach to Collective Redress » 1
Andrée PUTTEMANS,
Doyenne de faculté de droit de l’Université Libre de Bruxelles,
Directrice de l’Unité de droit économique du Centre de droit privé (ULB),
Professeure de droit économique,
Avocate au Barreau de Bruxelles
Hakim BOULARBAH,
Directeur de l’Unité de droit judiciaire du Centre de droit privé (ULB),
Professeur de droit judiciaire,
Avocat au Barreau de Bruxelles
Malgorzata POSNOW-WURM,
Chercheure au Centre de droit privé de l’Université Libre de Bruxelles
Avocate au Barreau de Pologne
Raphael GYORY
Collaborateur scientifique auprès de l’Unité de droit économique (ULB),
Avocat au Barreau de Bruxelles,
1 Consultation publique de la Commission européenne: « Towards a Coherent European Approach to Collective
Redress » Brussels, 4 February 2011 SEC(2011)173 final.
2 « 1.2. What is meant by "collective redress"? "Collective redress" is a broad concept encompassing any
mechanism that may accomplish the cessation or prevention of unlawful business practices which affect a
multitude of claimants or the compensation for the harm caused by such practices. There are two main forms
of collective redress: by way of injunctive relief, claimants seek to stop the continuation of illegal behaviour;
1 1.
INTRODUCTION
La notion de « recours collectif » utilisée par le document de consultation publique de
la Commission européenne « Towards a Coherent European Approach to Collective
Redress » englobe tout mécanisme destiné à garantir la cessation ou la prévention de
pratiques commerciales illégales touchant une multitude de requérants ou
l'indemnisation des dommages causés par de telles pratiques. La consultation publique
fait référence à deux types principaux de recours collectifs, à savoir le recours en
cessation et le recours en réparation, tout en soulignant que les procédures de recours
collectifs peuvent prendre des formes diverses, y compris celles de recours
extrajudiciaires ou de recours dans lesquelles des entités publiques ou représentatives
jouent un rôle actif2. Il en ressort que l’élément central du concept de recours collectif,
tel que compris par la Commission européenne, consiste à apporter
un remède
juridique aux préjudices de masse. Nous accueillons favorablement une telle approche.
En effet, le phénomène de préjudice de masse devrait rester à la source de toute
réflexion concernant les recours collectifs. C’est également l’approche que nous avons
suivie lors de la rédaction du « projet de loi relative aux procédures de réparation
collective » belge3, dont nous nous inspirerons largement dans la présente
contribution. De ce fait, avant toute réponse aux questions de la consultation publique,
nous considérons nécessaire d’apporter quelques précisions sur le contenu dudit projet
2 « 1.2. What is meant by "collective redress"? "Collective redress" is a broad concept encompassing any
mechanism that may accomplish the cessation or prevention of unlawful business practices which affect a
multitude of claimants or the compensation for the harm caused by such practices. There are two main forms
of collective redress: by way of injunctive relief, claimants seek to stop the continuation of illegal behaviour;
by way of compensatory relief, they seek damages for the harm caused. Collective redress procedures can take
variety of forms, including out-of-court mechanisms for dispute resolution or, the entrustment of public or
other representative entities with the enforcement of collective claims », Consultation publique de la
Commission européenne : « Towards a Coherent European Approach to Collective Redress », op. cit. p. 1
3 A. PUTTEMANS, H.BOULARBAH, E. VAN DEN HAUTE, R.GYORY: « Projet de loi relative aux
procédures de réparation collective » ainsi que « Exposé des motifs du Projet de loi relative aux procédures de
réparation collective », rédigés par les chercheurs de Centre de droit privé de l’Université Libre de Bruxelles à
l’initiative du Ministre belge en charge de la protection des consommateurs et du Ministre belge de la Justice.
Ces documents ont été présentés au Conseil de la Consommation ainsi qu’au Conseil supérieur de la Justice et
sont annexés à la présente.
2 ainsi que des définitions y utilisées, auxquelles nous allons recourir dans le présent
document.
Le projet de loi relative aux procédures de réparation collective a pour objet
d'introduire en droit belge une forme de recours collectif permettant à un requérant
d’exercer, au nom d’un groupe de personnes et sans avoir au préalable obtenu un
mandat des membres de ce groupe, une action en justice aboutissant au prononcé d’un
jugement ayant l’autorité de la chose jugée non seulement à l'égard du requérant et des
défendeurs, mais aussi à l’égard de tous les membres de ce groupe. La procédure de
réparation collective est en outre conçue et agencée de manière à favoriser les accords
entre parties. Fondamentalement, deux volets sont prévus selon que les parties –
défendeur(s) et représentant du groupe – arrivent à un accord de réparation collective
en dehors de tout contentieux (accord de réparation collective), ou qu'elles ne
parviennent pas à conclure un tel accord (action en réparation collective). Le schéma
général de la procédure de réparation collective se présente comme suit :
Schéma général de la procédure
Accord de réparation collective
Action en réparation collective
(négocié en dehors de toute phase
contentieuse)
↓
↓
Introduction par requête
Introduction par requête
↓
Autorisation
↓
Possibilité de négocier un accord en réparation collective
Si les parties concluent un accord
Si les parties ne concluent pas
d’accord
↓
Homologation
Option
↓
↓
Option
Décision sur le fond
3 ↓
↓
Paiement
Paiement
Au cours de notre réponse à la consultation de la Commission européenne nous
utiliserons les notions suivantes définies par ledit projet :
1° « procédure de réparation collective » : procédure contentieuse ou amiable qui a
pour objet la réparation d’un préjudice de masse ;
2° « action en réparation collective » : procédure de réparation collective contentieuse
subordonnée à une décision d’autorisation ;
3° « accord de réparation collective » : accord soumis à une décision d’homologation,
ayant pour objet la réparation d’un préjudice de masse, conclu entre le représentant,
agissant pour le compte du groupe, et un ou plusieurs débiteurs de cette réparation ;
4° « préjudice de masse » : somme des préjudices individuels ayant une origine
commune, subis par un grand nombre de personnes physiques ou morales ;
5° « groupe » : l’ensemble des personnes physiques et morales lésées par le préjudice
de masse et représentées dans la procédure, tel que décrit dans l’accord de réparation
collective ou dans la décision d’autorisation ;
6° « exercice du droit d’option » : manifestation de la volonté de faire partie du
groupe, dans un système d'option d'inclusion, ou de ne pas faire partie du groupe, dans
un système d'option d'exclusion ;
7° « système d'option d’inclusion » : système dans lequel sont seules membres du
groupe les personnes lésées par le préjudice de masse qui ont manifesté leur volonté de
faire partie de ce groupe ;
8° « système d’option d’exclusion » : système dans lequel sont membres du groupe
toutes les personnes lésées par le préjudice de masse, à l'exception de celles qui ont
manifesté leur volonté de ne pas faire partie de ce groupe ;
9° « représentant » : la personne ou l'association chargée de représenter le groupe;
10° « décision d’autorisation » : décision du juge constatant que les conditions de
recevabilité de l’action en réparation collective sont réunies ;
11° « décision d’homologation » : décision du juge constatant que l’accord de
réparation collective répond aux conditions fixées par la loi.
4 La notion de recours collectif sera pour sa part comprise
– conformément à la
définition présentée par la Commission européenne – comme englobant tous les
moyens judiciaires ou extrajudiciaires destinés à garantir la cessation ou la prévention
de pratiques commerciales illégales touchant une multitude de requérants ou
l'indemnisation des dommages causés par de telles pratiques.
Nous considérons la procédure de réparation collective, avant tout, comme un moyen
d’assurer l’accès à la justice dans tous les cas où des pratiques illégales, et non
uniquement
commerciales,
touchent
une
multitude
de
personnes.
Ceci
indépendamment du domaine juridique dont relèvent les dispositions enfreintes par de
telles pratiques. En conséquence, nous sommes d’avis qu’une initiative éventuelle de
l’Union européenne dans la matière devrait se concentrer sur la création d’un cadre de
procédure civile spécifique adapté au phénomène de préjudice de masse, commun pour
l’ensemble des Etats membres, d’un champ d’application rationne materiae le plus
large possible. L’accent est donc mis sur le type de la procédure et non les domaines
juridiques entrant dans le champ d’application de l’instrument juridique européen
éventuel. Pour cette raison, nos propositions se concentreront sur les problématiques
de droit judiciaire. Nous nous abstiendrons de répondre aux questions n° 3, 15, 19,24,
29-32 de la Consultation de la Commission européenne.
2.
POTENTIAL ADDED VALUE OF COLLECTIVE REDRESS FOR
IMPROVING THE ENFORCEMENT OF EU LAW/ 2. La valeur ajoutée
potentielle des recours collectifs pour la protection juridique de droit de l’Union
européenne.
Q 1 What added value would the introduction of new mechanisms of collective
redress (injunctive and/or compensatory) have for the enforcement of EU law?
La vision traditionnelle du procès judiciaire, centrée sur la protection des droits
substantiels dans le cadre de l’action individuelle, démontre ses limites au plan de
l’efficacité et de l’effectivité en matière de préjudices subis simultanément par une
5 multitude de personnes. A notre sens, un système de recours collectif offrirait une
réelle valeur ajoutée s’il prévoyait un nouveau mécanisme judiciaire commun pour
l’ensemble des Etat membres. L’introduction au niveau européen de solutions
judiciaires prenant en compte à la fois les intérêts individuels, collectifs et sociaux
représenterait une évolution de l’ordre juridique européen nécessaire dans le contexte
contemporain de commercialisation et de consommation de masse. Il convient de
souligner que la procédure de réparation collective constitue à la fois :
-
un moyen d’accès au tribunal pour des justiciables qui isolément ne verraient
pas l’utilité d’introduire une action judiciaire individuelle ou qui individuellement ne
disposeraient pas des moyens financiers ou autres suffisants pour une telle action;
-
un élément de dissuasion efficace ; une telle procédure empêche que de trop
nombreuses violations, relativement minimes pour chaque individu mais affectant un
très grand nombre de personnes, demeurent à l’abri d’une éventuelle sanction civile
couvrant la totalité du dommage ;
-
un moyen d’économie de temps et de travail tant pour l’appareil judiciaire que
pour les parties (la procédure de réparation collective permet – dans le cas de certains
types de dommage – d’éviter qu’une multiplicité de litiges individuels, dont l’objet et
la cause sont identiques ou similaires, soient introduits, et prévient également
l’apparition de décisions contradictoires résultant de procès successifs ; de ce fait il est
dans l’intérêt du débiteur que la procédure englobe tous les demandeurs potentiels, ce
qui limite l'éventualité de litiges postérieurs concernant les mêmes actes illicites) 4 .
L’introduction, au niveau européen, de définitions et de principes communs des
recours collectifs judiciaires, tant pour les questions présentant un caractère
transfrontière que national constituerait un important renforcement de l’effectivité du
droit de l’Union européenne et de la protection des droits dans l’Union européenne.
Tout d’abord, il en résulterait une harmonisation de la situation juridique des
4 Ces fonctions ont également été identifiées par O. DE SCHUTTER, « Fonction de juger et droits
fondamentaux, transformation du contrôle juridictionnel dans les ordres juridiques américains et européens »,
Bibliothèque de la faculté de droit de l’UCL, Bruylant, Bruxelles, 1999, pp. 904-942, ainsi que par J.P.Buyle et
M. Mairlot, « Le droit des actions collectives » in « Les 25 marchés émergents du droit » (ed.) L. Marlière,
Bruylant, 2006, p. 168.
6 justiciables dans l’ensemble des Etats membres. Le droit à un tribunal effectif5, dans
les cas de préjudice de masse, serait assuré de la même manière, pour tous les citoyens
de l’Union européenne. En outre, les distorsions de concurrence résultant des
différences entre les moyens procéduraux seraient éliminées. Ceci augmenterait le
degré de prévisibilité du cadre juridique dans lequel opèrent les acteurs de la vie
économique au sein de l’Union européenne et contribuerait au meilleur
fonctionnement du marché intérieur6. Par ailleurs une des priorités résultant de la note
d’information de Mme Reding et de Messieurs Almunia et Dalli, « Renforcer la
Cohérence de l’approche européenne en matière de recours collectif : prochaines
étapes »7, à savoir la reconnaissance des jugements prononcés à l’issue d’un recours
collectif judicaire au sein de l’Union européenne, pourrait être assurée. En
conséquence l’harmonisation en question serait un élément nouveau et significatif de
la construction de l’espace de liberté, de sécurité et de justice que l’Union européenne
se donne pour objet de constituer8.
Q 2 Should private collective redress be independent of, complementary to, or
subsidiary to enforcement by public bodies? Is there need for coordination between
private collective redress and public enforcement? If yes, how can this coordination be
achieved? In your view, are there examples in the Member States or in third countries
that you consider particularly instructive for any possible EU initiative?
5 Article 6 de la Convention de sauvegarde de droits de l’homme et des libertés fondamentales ; Article 47 de la
Charte européenne de droit fondamentaux ; Article 81§ 2 lettre e) du Traité sur le fonctionnement de l’Union
européenne.
6 Article 3 § 3 première alinéa du Traité sur l’Union européenne, Article 81§ 2 du Traité sur le fonctionnement
de l’Union européenne
7 Commission européenne, Secrétariat général, SEC(2010) 1192, Bruxelles, le 5 octobre 2010
8
Article 3 § 2 du Traité sur l’Union européenne et Article 67 § 1 de du Traité sur le fonctionnement de
l’Union européenne
7 Avant toute réponse, une clarification des notions de « recours collectif » et « public
enforcement » employées dans la question nous parait nécessaire. Nous comprenons le
recours collectif comme englobant les procédures judiciaires civiles et les modes
alternatifs de résolution de litiges, alors que « public enforcement » engloberait les
actions des organes publics dans le cadre de leurs compétences administratives (à
savoir les actions ainsi que les décisions des organes administratifs en matière de
pratiques illicites) ainsi que les procédures judiciaires pénales.
Le système de recours collectif devrait être indépendant du système de « public
enforcement ». Cependant, une certaine coordination entre les deux systèmes en
question parait nécessaire. Un exemple de telle coordination serait une obligation
imposée aux Etats membres de reconnaître comme preuves irréfutables, dans le cadre
des recours collectifs judiciaires, les décisions administratives nationales ou les
décisions de la Commission européenne prises dans le domaine de droit de la
concurrence. Une telle solution fait écho à la proposition du Livre blanc de la
Commission européenne sur les actions en dommages et intérêts pour infraction aux
règles communautaires sur les ententes et les abus de position dominante9.
La majorité des éléments de la coordination entre « public enforcement » et recours
collectifs devrait être cependant laissée au choix des Etats membres, ce qui permettrait
d’aménager les relations entre les compétences des administrations nationales et les
tribunaux d’une manière adaptée aux spécificités de leurs ordres juridiques. Ainsi, il
appartiendrait à chaque Etat membre de décider, par exemple, le contenu des règles
concernant une éventuelle suspension du recours collectif judiciaire dans le cas d’une
procédure administrative ou pénale dont l’issue pourrait avoir des incidences sur la
décision sur le fond pour ledit recours. De même une option devrait être laissée aux
Etat membres d’habiliter les organes de leur administration publique à agir en justice
en qualité de représentant du groupe dans le cadre des recours collectifs judiciaires.
9 Livre blanc sur les actions en dommages et intérêts pour infraction aux règles communautaires sur les ententes
et les abus de position dominante, COM (2008) 165 final, 2 avril 2008, accessible sur :
http://ec.europa.eu/comm/competition/antitrust/actionsdamages/documents.html, le document a été élaboré par
la Direction générale de la concurrence de la Commission européenne
8 Q 4 What in your opinion is required for an action at European level on collective
redress (injunctive and/or compensatory) to conform with the principles of EU law,
e.g. those of subsidiarity, proportionality and effectiveness? Would your answer vary
depending on the area in which action is taken?
L’objectif de l’action envisagée étant le rapprochement des dispositions législatives
des Etats membres afin de créer dans l’ensemble de l’Union européenne un cadre
commun de traitement collectif des demandes individuelles, la compatibilité de
l’initiative européenne avec le principe de subsidiarité semble être assurée. Vu
l’ampleur des divergences existant entre les ordres juridiques nationaux en la matière,
il est en effet nécessaire et urgent d’élaborer un ensemble de règles procédurales
commun pour tous les Etats membres.
L’initiative pourrait être prise dans le cadre de la coopération judiciaire en matière
civile sur la base de l’article 81 du Traité sur le fonctionnement de l’Union
européenne. La consultation publique en matière de recours collectifs a d’ailleurs été
prévue comme un élément de la mise en œuvre du programme de Stockholm,
précisément dans le cadre de la coopération judiciaire en matière civile10.
En effet, l’harmonisation au niveau européen des mécanismes judiciaires de recours
collectif, actuellement très différents en fonction des Etats membres et produisant des
résultats divergents11, répond à plusieurs objectifs visés par l’article 81 § 2 de TFUE.
Nous pensons notamment aux objectifs de bon fonctionnement du marché intérieur
(art. 81 § 2 première phrase), d’assurance de la reconnaissance mutuelle entre les États
membres des décisions judiciaires et extrajudiciaires et leur exécution (art. 81 § 2 lettre
a), d’accès effectif à la justice (art. 81 § 2 lettre e), ainsi que d'élimination des
10 Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social
européen et au Comité des régions « Mettre en place un espace de liberté, de sécurité et de justice, au service
des citoyens européens », Annexe : Plan d'action mettant en œuvre le programme de Stockholm :
« Poursuivre la mise en œuvre de la reconnaissance mutuelle » ; « Actions » ; « Consultation sur les
instruments de recours collectif dans la législation de l'UE », Bruxelles, le 20 avril 2010, COM(2010) 171
final, p. 20
11 Livre vert sur les recours collectifs pour les consommateurs, COM(2008) 794 final, p. 5, accessible sur :
http://ec.europa.eu/consumers/redress_cons/greenpaper_fr.pdf, le document a été élaboré par la Direction
générale de la santé et consommateurs de la Commission européenne
9 obstacles au bon déroulement des procédures civiles, au besoin en favorisant la
compatibilité des règles de procédure civile applicables dans les États membres (art.
81 § 2 lettre f).
Dès lors que le marché intérieur assure la libre circulation des personnes, services,
marchandises et capitaux, chaque litige ayant pour objet un préjudice de masse
comprend une incidence transfrontière potentielle. De plus, une harmonisation
éventuelle en la matière pourrait aboutir à une élimination des distorsions de
concurrence créées au sein du marché intérieur par les déséquilibres en termes
d’efficacité des outils procéduraux mis à la disposition des créanciers dans les
différents États membres.
Quatorze États membres disposent actuellement de différentes formes de recours
collectifs12. Le Portugal et, dans une certain mesure, l’Espagne, le Danemark et les
Pays-Bas ont intégré dans leurs systèmes juridiques nationaux les actions de groupe
fonctionnant sur la base du système de l’« opt-out »13. Comme mentionné auparavant,
en Belgique, le projet de loi relative aux procédures de réparation collective, prévoyant
également le système de l’« opt-out », 14 a été présenté au Conseil de la Consommation
ainsi qu’au Conseil supérieur de la Justice. De ce fait, un conflit de valeurs est possible
sur le plan de la libre circulation des jugements au sein de l’Union européenne. Le
Règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la
compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile
et commerciale (Règlement Bruxelles I)15 impose aux Etats membres de l’Union
européenne des règles uniformes pour la reconnaissance des jugements et leur
exécution. Suivant les dispositions dudit Règlement, une décision d’une juridiction
d’un Etat membre n'est pas reconnue dans un autre Etat membre, entre autre, si sa
12 Livre vert sur les recours collectifs pour les consommateurs, op.cit., p. 5, la loi sur les recours collectifs en
Pologne est entrée en vigueur le 19 juillet 2010 : Ustawa z dnia 17 grudnia 2009 r. o dochodzeniu roszczeń w
postępowaniu grupowym, Dz.U. z 2010 r., nr 7, poz. 44.
13 F. CAFAGGI,H.-W. MICLITZ, « Administrative and Judicial Enforcement in Consumer Protection » in
« New Frontiers of Consumer Protection, The Interplay Between Private and Public Enforcement », (eds.
F.CAFAGGI, H.-W. MICLITZ), Intersentia 2009, p.421
14 Art. 2 point 8 du Projet de loi relative aux aspects judiciaires des procédures de réparation collective, op.cit.
15 J.O. du 16 janvier 2001, n° L 012, p. 0001 – 0023
10 reconnaissance ou son exécution s’avère manifestement contraire à l'ordre public
national de l'État membre requis16. Malgré le fait que le texte du Règlement se réfère
expressément à la notion de l’ordre public national, la Cour de Justice se voit
compétente pour contrôler les limites dans lesquelles le juge d'un État membre peut
avoir recours à cette notion, pour ne pas reconnaître une décision émanant d'une
juridiction étrangère17. La Cour de justice a ainsi constaté qu'en présence de cas
extrêmes de violation des droits fondamentaux des parties, tels qu’ils résultent de la
Convention européenne de sauvegarde de droits de l’homme, reconnus et garantis dans
l'État requis, le juge de cet Etat peut estimer que la reconnaissance ou l'exécution de la
décision étrangère constitue une violation de normes nationales d'ordre public18. En
conséquence, le fait que certains des Etats membres puissent considérer le système
d’« opt-out » comme contraire au principe du procès équitable constitue un réel risque
d’entrave à la libre circulation des jugements au sein de l’Union européenne. Un
consensus sur le système d’ « opt-out » élaboré au sein de Conseil de l’Union
européenne et du Parlement européen lors de la procédure législative mettra fin à
l’incertitude juridique actuelle.
Ladite problématique fait d’ailleurs l’objet de commentaires de la Commission
européenne dans sa proposition de révision de Règlement Bruxelles I. Le fait de
maintenir le système d'exequatur pour les décisions rendues dans le cadre de recours
collectifs est justifié précisément par l’existence de divergences en matière d’action
collective19 au sein des 27 Etats membres. De ces divergences résulte, selon la
Commission, l’impossibilité de considérer, en l’état actuel des législations nationales,
que le niveau de confiance entre les différentes juridictions requis est atteint. La
16 Art. 34 point 1 et art. 45 all. 1 du Règlement Bruxelles I
17 Cour de justice, 28 mars 2000, (Krombach), 7/98, points 21-24
18 ibidem
19 Commission européenne, « Proposition de Règlement du Parlement européen et du Conseil concernant la
compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale
(Refonte) » Bruxelles, le 14 décembre 2010 COM(2010) 748 final, 2010/0383 (COD) {SEC(2010) 1547
final}, {SEC(2010) 1548 final}, p. 7 et 8. Dans ledit document, la Commission européenne comprend sous la
notion d’«action collective» des « procédures intentées par un groupe de plaignants, une entité représentative
ou un organe agissant dans l'intérêt général et concernant la réparation d'un préjudice causé par des pratiques
commerciales illégales à un groupe de plaignants ».
11 Commission observe que, si la consultation publique aboutit à l’adoption de mesures
d’harmonisation ou de rapprochement dans ce domaine, une abolition de l’exequatur
serait envisageable20. Une telle mesure améliorait assurément la libre circulation des
jugements au sein de l’Union européenne.
Quant aux objectifs relatifs à l’accès à la justice et à l’élimination des obstacles au bon
déroulement des procédures civiles, au besoin en favorisant la compatibilité des règles
de procédure civile applicables dans les États membres : ceux-ci ont certes été
envisagés, jusqu’à présent, uniquement au travers des instruments juridiques instituant
des procédures européennes ayant une incidence transfrontière. De telles procédures
ont été comprises comme facultatives, en ce sens qu’elles s’ajoutent uniquement aux
possibilités offertes par les législations des États membres et ne les affectent pas21.
Il nous semble cependant que l’objectif de garantir des conditions identiques d’accès à
la justice dans l’ensemble de l’Union européenne justifie l'établissement, sur le plan
européen, d’un certain nombre de règles procédurales, destinées à se substituer aux
règles nationales. Ces règles constitueraient des garanties minimales communes
renforçant la confiance réciproque entre les systèmes judiciaires des États membres.
Pour ce qui concerne la compatibilité des mesures à prendre avec le principe de
proportionnalité, la forme de directive visée à l’article 288, troisième alinéa, du Traité
sur le fonctionnement de l’Union européenne serait adéquate.
Enfin, le principe d’effectivité exigerait l’élaboration de règles communes introduisant
un nouveau moyen de procédure civile adapté à la réparation de préjudices de masse
et, à cet effet, englobant des règles concernant :
- la base de la demande,
- la qualité pour agir,
- le mécanisme d’option sur la base duquel le groupe devrait être constitué,
- les traits principaux du déroulement de la procédure,
20 ibidem
21 Voyez par exemple : Considérant 8 du Règlement (CE) N° 861/2007 du Parlement Européen et du Conseil
du 11 juillet 2007 instituant une procédure européenne de règlement des petits litiges JO L 199 du
31.7.2007, p. 1–22 Considérant 10 du Règlement (CE) n° 1896/2006 du Parlement européen et du Conseil
du 12 décembre 2006 instituant une procédure européenne d'injonction de payer, JO L 399 du 30.12.2006, p.
1–32.
12 - les modes d’information des membres du groupe,
- le rôle du juge dans la procédure,
- l’effet du jugement et les modalités de réparation du dommage subi par les membres
du groupe.
Suivant l’exemple de la Directive 2009/22/CE du Parlement Européen et du Conseil
du 23 avril 2009 relative aux actions en cessation en matière de protection des intérêts
des consommateurs22, une éventuelle directive concernant des recours collectifs en
réparation devrait laisser aux Etats membres une certaine autonomie procédurale
concernant les solutions techniques. Bien évidement, les différences entre les ordres
juridiques des 27 Etats subsisteront. Cependant, la nouvelle directive constituerait un
progrès significatif du fait de l'introduction dans tous les États membres d'une
procédure civile aux traits communs, adaptée au phénomène du préjudice de masse.
Q 5 Would it be sufficient to extend the scope of the existing EU rules on collective
injunctive relief to other areas; or would it be appropriate to introduce mechanisms of
collective compensatory redress at EU level?
Le champ d’application rationne materiae de la directive 2009/22/CE du Parlement
Européen et du Conseil du 23 avril 2009 relative aux actions en cessation en matière
de protection des intérêts des consommateurs est sans doute trop restreint. Un
élargissement de l’objet possible des actions en cessation aux infractions ne répondant
pas à la définition de « tout acte qui est contraire aux directives énumérées à l’annexe
I »23 de ladite directive serait souhaitable. Une telle modification devrait aussi assurer
« la protection des intérêts collectifs des personnes exerçant une activité commerciale,
industrielle ou artisanale ou une profession libérale »24, 25.
22 J.O. du 1 mai 2009, n° L 110/30
23 Article 1 § 2 de la Directive 2009/22/CE
24 Article 6 § 2 lettre a de la Directive 2009/22/CE
25 Nous sommes cependant conscients du manque d’avis favorables sur ce point de la part des Etats membres :
« Rapport de la Commission concernant l'application de la directive 98/27/CE du Parlement européen et du
13 La faiblesse principale de la directive en question, pour ce qui concerne le préjudice de
masse, découle du caractère limité de son objectif. La directive vise uniquement la
protection des « intérêts collectifs » entendus comme « des intérêts qui ne sont pas une
simple accumulation d’intérêts de particuliers auxquels il a été porté atteinte par une
infraction »26. Les actions en cessation ne permettent pas aux consommateurs lésés par
une pratique illicite d'obtenir la réparation du préjudice qu'ils ont subi. En
conséquence, l’introduction de l’action en cessation reste « sans préjudice des recours
individuels formés par des particuliers lésés par une infraction »27. Or, comme nous
l’avons souligné auparavant, l’apport innovant de l’initiative européenne consisterait
en l’introduction d’un moyen procédural permettant de réparer le préjudice de tous les
membres du groupe représenté.
Vu la spécificité de la solution, l’élaboration d’un acte législatif séparé de celui de la
Directive sur les actions en cessation semble indispensable.
L’apport d’un moyen procédural de réparation collective de préjudice de masse
devrait prendre en compte à la fois les intérêts individuels ainsi que l’intérêt collectif et
social. La mise en œuvre de la responsabilité civile de l’auteur de la pratique illégale
liée à l’obligation de la compensation des préjudices d’un nombre important de
personnes aurait certainement un effet dissuasif plus important que celui produit par
une action en cessation. Ainsi serait-il remédié à l’effet relatif des décisions rendues au
terme d’une action en cessation28. En outre une opportunité de faire partie du groupe
représenté devant les juridictions d’un Etat membre offerte aux victimes d’une
Conseil relative aux actions en cessation en matière de protection des intérêts des consommateurs »,
Bruxelles, le 18.11.2008, COM(2008) 756 final, p. 5.
26 Considérant 3 de la Directive 2009/22/CE
27 ibidem
28 Selon la Commission européenne, les associations et les États membres consultés soulignent la portée parfois
limitée de l’action en cessation. En effet, dans la plupart des États membres, la décision prise au terme d'une
action en cessation a un effet relatif. La décision n'a de force contraignante que dans l'affaire en cause à
l'encontre des parties à l'action, à savoir l’entité qualifiée qui a agi en cessation et l’entreprise qui a fait
l’objet de l’action en cessation. En pratique, cela signifie que si une entreprise commet une infraction
identique à celle pour laquelle une autre entreprise a été condamnée, une autre action en cessation devra être
menée pour faire cesser cette infraction: « Rapport de la Commission concernant l'application de la directive
98/27/CE du Parlement européen et du Conseil relative aux actions en cessation en matière de protection des
intérêts des consommateurs », op.cit. p. 8
14 pratique illégale résidant habituellement dans un autre Etat membre élargirait l’effet
dissuasif à l’ensemble de l’Union européenne. Ceci pourrait diminuer dans une
certaine mesure le besoin des actions en cessation ayant pour l’objet les infractions
transfrontalières29.
Q 6 Would possible EU action require a legally binding approach or a non-binding
approach (such as a set of good practices guidance)? How do you see the respective
benefits or risks of each approach? Would your answer vary depending on the area in
which action is taken?
Un acte législatif de l’Union européenne sous la forme d’une directive constituerait
une meilleure solution qu’un acte dépourvu d’effet juridiquement contraignant. Un des
avantages d’une telle approche serait l’introduction d’un cadre procédural commun
pour l’ensemble des Etats membres, répondant à l’évolution de la société
contemporaine. Une difficulté consisterait par contre en la nécessité, pour certains des
Etats, d’adapter leur système de recours collectifs au modèle européen commun.
Afin d’implémenter le système commun de recours collectif en réparation au sein de
l’Union européenne, les Etats membres devraient être tenus non seulement de notifier
à la Commission européenne les mesures nationales transposant dans leurs ordres
juridiques la Directive en question, mais également de présenter des rapports
périodiques de leurs applications. Lesdits rapports devraient être traduits dans toutes
les langues de l’Union européenne et accessibles sur une plate-forme européenne
consacrée aux recours collectifs judiciaires30.
Un instrument qui consisterait uniquement en une suggestion de bonnes pratiques en la
matière ne représenterait qu’une valeur ajoutée minime de la part de l’Union
29 Selon la Commission européenne l'application de la directive aux infractions transfrontalières est décevante :
« Rapport de la Commission concernant l'application de la directive 98/27/CE du Parlement européen et du
Conseil relative aux actions en cessation en matière de protection des intérêts des consommateurs », op.cit.
p. 5
30 Sur la plate-forme européenne consacrée aux recours collectifs judiciaires, voyez la réponse à la question 13
de la présente contribution.
15 européenne, qui a pourtant toute compétence et le devoir d’apporter à l’ensemble de
ses membres une impulsion
à même de favoriser le progrès de leurs systèmes
juridiques. Nous restons attachés à l’idée qu’une solution procédurale commune est
indispensable pour assurer la réparation et la prévention des préjudices de masse,
indépendamment du domaine de droit dont les dispositions ont été enfreintes ou
risquent de l’être. En conséquence notre réponse ne diffère pas selon le secteur
concerné.
3.
GENERAL
PRINCIPLES
TO
GUIDE
POSSIBLE
FUTURE
EU
INITIATIVES ON COLLECTIVE REDRESS /
Les principes généraux gouvernant les éventuelles initiatives de l’Union
européenne en matière de recours collectifs.
Q 7 Do you agree that any possible EU initiative on collective redress (injunctive
and/or compensatory) should comply with a set of common principles established at
EU level? What should these principles be? To which principle would you attach
special significance?
Une initiative européenne en matière de recours collectifs judiciaires devrait
absolument introduire un corps de principes communs pour les législations de
l’ensemble des Etats membres. Cette solution est la seule à pouvoir répondre aux
principes de subsidiarité, de proportionnalité et d’effectivité d’une mesure prise au
niveau européen. Ceci via l’imposition d’un standard européen minimum d’accès à la
justice pour les victimes d’un préjudice de masse. Les principes en question devraient
être les suivants :
1.
Un champ d’application étendu, ne se limitant pas à des domaines juridiques
spécifiques, mais englobant les procédures ayant pour l’objet la réparation d’un
préjudice de masse, défini comme la « somme des préjudices individuels ayant une
origine commune, subis par un grand nombre de personnes physiques ou morales » ;
2.
L’octroi de la qualité à agir aux groupements de personnes (physiques ou
morales), aux associations de droit et aux autres organismes de défense d’intérêts
16 collectifs sous réserve de répondre aux conditions de représentativité et d’aptitude à
agir, appréciées dans chaque cas par le juge saisi de l’affaire. L’option d’habiliter les
organismes publics à ester en justice en qualité de représentant devrait être laissée aux
Etats membres ;
3.
Le déroulement de la procédure divisé en deux étapes distinctes, avant et après
la décision d’autorisation de l’action en réparation collective ou la décision
d’homologation de l’accord de réparation collectif ;
4.
La condition de la recevabilité de l’action en réparation collective exigeant que
le recours à cette action soit plus adéquat qu’une procédure de droit commun ;
5.
Le système de l’« opt-out » constituant la règle de principe quant à la formation
du groupe en ce qui concerne les victimes ayant leur résidence habituelle dans l’Etat
membre dont la juridiction a été saisie, accompagné d’une possibilité d’application
exceptionnelle du système de l’« opt-in », décidée et motivée par le juge au regard des
circonstances de l’affaire. L’application de système de l’« opt-in» en ce qui concerne
les victimes ayant leur résidence habituelle dans un autre Etat membre que l’Etat dont
la juridiction a été saisie. La notion de la résidence habituelle devrait être définie par
l’instrument européen d’une manière autonome par rapport aux définitions des lois
nationales ;
6.
Le rôle actif du juge tout au long de la procédure de réparation collective ;
7.
La publicité des informations relatives aux procédures de réparation collective
dans un registre électronique national ; la centralisation des registres nationaux sur une
plateforme Internet créée au niveau européen;
8.
La règle du recouvrement collectif du dédommagement ;
9.
La création de fonds nationaux d’aide aux actions en réparation collective,
alimentés en particulier par les sommes issues de procédures déjà achevées et non
réclamés (à l’issue d’un délai à fixer par le juge) par les membres des groupes.
Le cumul de ces principes vise à la création d’un moyen procédural équitable et
efficace, chaque principe jouant un rôle différent et nécessaire pour l’équilibre du
système. Dès lors, il nous parait difficile d’attribuer à certains d’entre eux une
importance particulière.
17 Q 8 As cited above, a number of Member States have adopted initiatives in the area
of collective redress. Could the experience gained so far by the Member States
contribute to formulating a European set of principles?
Comme évoqué dans l’introduction de la présente contribution, notre réponse à la
consultation publique de la Commission européenne s’inspire largement du « projet de
loi relative aux procédures de réparation collective »31 belge élaboré par les chercheurs
de Centre de droit privé de l’Université libre de Bruxelles. Ledit projet constitue, à
notre avis, un modèle qui pourrait servir de source d’inspiration pour une initiative
européenne éventuelle. Par ailleurs, certaines solutions incluses dans ledit projet ont
été empruntées à la loi néerlandaise du 23 juin 2005 sur le règlement collectif des
dommages de masse (« Wet Collectieve Afwikkeling Massaschade »)32. La législation
des Pays-Bas consacre le système d’« opt-out »
pour la formation du groupe
représenté dans le cadre des négociations du règlement collectif et offre aux parties la
possibilité de demander à la Cour d’Appel d’Amsterdam de rendre l’accord
juridiquement contraignant.
Q 9 Are there specific features of any possible EU initiative that, in your opinion, are
necessary to ensure effective access to justice while taking due account of the EU
legal tradition and the legal orders of the 27 Member States?
L’imposition à tout les Etats membres d’un système d’« opt-out » constituant une règle
de formation du groupe en ce qui concerne les victimes ayant leur résidence habituelle
dans l’Etat membre dont la juridiction a été saisie, nous semble nécessaire.
31 op.cit.
32 Ladite loi a été incorporée dans les articles 907-910 de septième livre de Code Civile de Pays-Bas, ainsi que
dans l’article 1013 de Code de procédure civile de Pays-Bas : H.VAN LITH, «The Dutch Collective
Settlements Act and Private International Law », Erasmus School of Law, p.16 note 4, accessible sur :
http://english.wodc.nl/onderzoeksdatabase/internationaal-privaatrechtelijke-aspecten-van-de-wet-collectieveafhandeling-massaschade-wcam.aspx?cp=45&cs=6796
18 La notion de la résidence habituelle devrait être définie par l’instrument européen
d’une manière autonome par rapport aux définitions des lois nationales.
En effet, la pratique démontre une significative supériorité de système d’« opt-out »
par rapport à l’« opt-in » dans la réalisation des objectifs des recours collectifs. Les
spécialistes de la matière considèrent même qu’ « opter pour la méthode d’inclusion
expresse conduit à émasculer l’action de groupe de toute efficacité et d’identifier à la
formule du mandat »33. Il s’avère que le système d’ « opt-in » mène à un échec tant sur
le plan de l’effet compensatoire et dissuasif des recours collectifs que sur le plan de
l’économie des frais judiciaire. Le collecte des mandants des justiciables s’avère trop
longue et trop couteuse pour que l’intervention judiciaire soit efficace. La même
difficulté concerne la gestion des dossiers individuels des plaignants lors de la
procédure. Sans la garantie d’un profit financier immédiat et concret, dans la
perspective d’un procès encore plus complexe qu’une action individuelle et dont
l’issue est incertaine, les personnes lésées par un préjudice relativement faible à
l’échelle individuelle restent réticentes à donner leur accord pour qu’une action en
justice soit menée pour elles. En conséquence, les actions fonctionnant sur la base de
l’« opt-in » ne rassemblant en pratique qu’une faible partie de personnes réellement
concernées par une pratique illicite. Par ailleurs, sans une réelle alternative judiciaire
aux lourdes conséquences financières, les entreprises fautives n’ont aucun intérêt à
négocier des accords extrajudiciaires, ce qui affaiblit le fonctionnement des modes
alternatifs de résolution des litiges.
Dans une société globalisée de production de masse, le concept d’« opt-out » apparait
comme une évolution nécessaire des systèmes juridiques des Etats membres de
l’Union européenne, permettant un développement de l’économie de marché
respectueuse des intérêts des groupes sociaux économiquement faibles et
juridiquement peu expérimentés.
Il est parfois reproché au système d’« opt-out » d’être difficilement conciliable avec le
droit fondamental d’accès à la justice compris comme la liberté d’accès à la justice, à
33 P-C. LAFOND : « Le recours collectif comme voie d’accès à la justice », op.cit, p. 313
19 savoir une simple faculté d’introduire une action judiciaire34. Force est cependant de
constater que lorsque l’enjeu personnel du membre du groupe est trop faible pour
rendre une action judiciaire individuelle envisageable, la faculté d’introduire une telle
action demeure purement théorique35.
En outre la comptabilité du système d’« opt-out » avec la faculté d’ester en justice peut
être assurée par une information adéquate des membres du groupe du fait qu’une
action en réparation collective a été introduite, ou bien qu’un accord de réparation
collective est en cours de négociation. Une publicité de la procédure de réparation en
cours suffisamment explicite, très largement répandue et éventuellement personnalisée
peut assurer la garantie de la liberté de choix des membres du groupe36.
Un moyen de sauvegarde supplémentaire de cette liberté a été introduite dans le projet
belge, précité : les membres du groupe sont autorisés à agir individuellement, et ne
sont donc pas liés par les effets de la décision de l’homologation de l’accord de
réparation collectif ou de la décision au fond, s’ils démontrent n’avoir pas pris et
n’avoir raisonnablement pas pu prendre connaissance de la décision d’homologation
de l’accord ou de la décision d’autorisation durant le délai d'option (articles 23§3 et
34 du projet belge).
Enfin, eu égard aux avantages et désavantages des systèmes d’« opt-out » et d’« optin », il pourrait être prévu que la formation du groupe – toujours en ce qui concerne les
victimes ayant leur résidence habituelle dans l’Etat de la juridiction saisie – peut
s’effectuer selon le système d’« opt-in ». Cette option, dont l’usage devrait rester
exceptionnel, serait destinée aux hypothèses où le système d’« opt-out » n’est pas
approprié aux circonstances de l’affaire en cause. Tel est, par exemple, le cas lorsqu’il
est totalement impossible d’estimer même approximativement le nombre de membres
34 Sur le débat concernant la comptabilité le système d’ « opt-out » avec les droits fondamentaux et les principes
fondamentaux de droit judiciaire voyez : S. GUINCHARD, « Le droit français en matière de class action »,
ainsi que J. van COMPERNOLLE « L’introduction d’une class action en droit belge : comptabilité ou
incompatibilité avec les principes fondamentaux du droit processuel ? », in « Vers un class action en droit
belge ? », G. CLOSSET-MARCHAL, J. van COMPERNOLLE (eds.), la charte, 2008, respectivement pp.
47- 60 et pp.165-176
35 Dans ce sens : P-C. LAFOND : « Le recours collectif comme voie d’accès à la justice », op.cit, p. 379
36 ibidem
20 qui composeront le groupe et le préjudice subi par l’ensemble du groupe : il pourra dès
lors paraître souhaitable que les personnes lésées se manifestent. Tel est également le
cas lorsque la nature du dommage nécessite l’intervention active des personnes lésées.
Une telle situation est concevable en matière d’atteinte à la personnalité ou à la vie
privée, par exemple. L’usage de cette faculté serait confié au pouvoir décisionnel de
juge, il devrait néanmoins être expressément motivé dans la décision d’autorisation.
Dans le cadre de l’accord de réparation collective, le choix entre le système d’ « optout » ou d’ « opt-in » appliqué aux membres du groupe résidant habituellement dans
l’Etat membre de la juridiction saisie, devrait être laissé aux parties à l’accord, sous le
contrôle du juge, uniquement en ce qui concerne les moyens de publicité y prévus.
Pour augmenter la visibilité des décisions judicaires nationales emportant le choix
d’« opt-in », afin d’harmoniser l’application de ledit système dans les différents Etats
membres, une obligation de publication desdites décisions sur une plate-forme Internet
européenne pourrait être prévue ; les décisions devant être traduites dans toutes les
langues de l’Union européenne37. Un échange d’information concernant l’application
de l’ « opt-in » entre les juges de différents Etats membres spécialisés dans la matière
pourrait également s’effectuer dans le cadre du Réseau judiciaire européen, via une
cellule responsable des recours collectifs.
En revanche une initiative européenne devrait prévoir le système de l’« opt-in» en ce
qui concerne les membres du groupe ayant leur résidence habituelle dans un autre Etat
membre que l’Etat dont la juridiction a été saisie. Ainsi un groupe représenté au sein
d’une procédure se déroulant dans un Etat membre serait composé :
-
des personnes lésées résidant habituellement sur le territoire de cet Etat
membre, qui n’ont pas manifesté leur volonté de ne pas faire partie du groupe (système
d’« opt-out ») et des personnes lésées ne résidant pas habituellement sur le territoire de
cette l’Etat membre qui ont opté pour leur inclusion dans le groupe (système d’« optin »), ou
37 voyez la réponse à la question n°13 de la présente contribution.
21 -
de tous les membres du groupe – ayant et n’ayant pas leur résidence habituelle
sur le territoire de cette Etat membre – soumis au système d’ « opt-in » et ayant opté
pour leur inclusion dans le groupe.
Une telle solution peut paraitre contradictoire avec le postulat de la présente
contribution, à savoir une initiative européenne en matière de recours collectifs ayant
comme objectif le renforcement de l’accès à la justice au sein de l’Union européenne.
En effet, il est probable que le nombre de membres du groupe résidant au dehors de
l’Etat de la juridiction saisie qui manifesteront leur volonté de faire partie du groupe
sera relativement faible. Toutefois, il nous semble qu’une approche pragmatique de la
problématique traitée s’oppose à ce que le système d’ « opt-out » englobe les victimes
de la pratique illégale en cause résidant dans l’ensemble de l’Union européenne.
D’autant plus que l’information adéquate sur la procédure en cours revêt une
importance particulière dans le cas des victimes non résidentes dans l’Etat du for.
Dans un système d’ « opt-out », le fait de n’avoir pas exercé leur droit d’exclusion du
groupe les priverait du droit d’introduire une action judiciaire individuelle ayant pour
l’objet la même pratique illégale même dans un cas d’application des règles de conflits
de juridictions protectrices – telles que les règles applicables en matière d’assurances,
de contrats conclus par les consommateurs ou de contrats individuels de travail (qui
consacrent le droit d’introduire l’action devant les juridictions de leur domicile38). Or,
sauf le recours à des moyens financiers exorbitants, l’information
adéquate des
victimes nous paraît possible uniquement sur le plan national. La plateforme Internet
dont nous souhaitons la création aurait certainement une influence importante sur
l’information des citoyens de l’ensemble de l’Union européenne pour les procédures
nationales en cours. Au contraire, une telle plateforme ne sera pas, à notre avis, en
mesure de remplacer ni l’information diffuse via les sites Internet privés par le biais
des annonces ou l’achat de mots clés des moteurs de recherches, ni les moyens
traditionnels d’information, comme les registres publiques, les journaux, la radio, ou
les chaines télévisées. L’Internet, de par sa portée internationale, et donc à la
différence des media traditionnels dont la portée demeure nationale, requerrerait
l’investissement en publicité de moyens financiers extrêmement lourds à supporter par
38 Sections 3, 4 et 5 du Règlement Bruxelles I, op.cit.
22 le représentant du groupe. Ceci pourrait donc
constituer un important frein à
l’utilisation des moyens judiciaires en question.
La solution proposée nous parait une évolution significative et conforme aux attentes
des acteurs du marché intérieur. Leur situation juridique serait harmonisée sur le plan
de l’Union européenne. L’accès à la justice serait au même niveau dans tout les Etats
membres. Enfin, le bon fonctionnement d’un système de recours collectif selon les
mêmes principes pourrait contribuer à la meilleure connaissance des citoyens de
l’Union européenne du concept d’ « opt-out ».
Q 10 Are you aware of specific good practices in the area of collective redress in
one or more Member States that could serve as inspiration from which the EU/other
Member States could learn? Please explain why you consider these practices as
particular valuable. Are there on the other hand national practices that have posed
problems and how have/could these problems be overcome?
En ce qui concerne des bonnes pratiques dans le domaine de la réparation des
préjudices de masse, il convient d’indiquer l’expérience des Pays-Bas, où les
procédures de groupe ont permis la résolution amiable de litiges qui paraissaient
inextricables. On peut citer en ce sens la célèbre affaire DES : entre la fin des années
1940 et 1976, des femmes enceintes s’étaient vu administrer un médicament (le
diéthylstilbestrol) censé limiter les risques de fausses couches et d’accouchements
précoces. Ce médicament avait en réalité provoqué des dommages dramatiques,
principalement des cancers et des malformations, aux patientes et à leurs enfants. Une
action avait été engagée en 1986 par six victimes, qui n’avait toujours pas permis leur
dédommagement vingt ans plus tard. C’est, en fin de compte, la loi sur les accords
collectifs (Wet collectieve afwikkeling massaschade ), adoptée en 200539, qui a permis
le dédommagement de milliers de victimes de la prise ce médicament. La même loi a
rendu possible, un peu plus tard, le dédommagement de près de 574.000 actionnaires
lésés dans le cadre d’opérations financières malheureuses.
39 op.cit.
23 La procédure en vigueur aux Pays-Bas présente l’avantage de reposer sur un équilibre
qui rend inutile le recours aux dommages et intérêts punitifs et le financement de la
procédure par les avocats eux-mêmes, à savoir le pacte de quota litis (au contraire des
États-Unis, où les dérives reprochées dans le domaine des class actions sont
essentiellement imputables à ces deux caractéristiques propres au droit américain).
3.1 The need for effective and efficient redress/
3.1. Le besoin d’un recours effectif et efficace.
Q 11 In your view, what would be the defining features of an efficient and effective
system of collective redress? Are there specific features that need to be present if the
collective redress mechanism would be open for SMEs?
Les caractéristiques énumérées par la présente contribution dans le cadre de la réponse
à la question 7 de la consultation publique nous semblent décisives pour un système de
recours collectif efficace et effectif.
Q 12 How can effective redress be obtained, while avoiding lengthy and costly
litigation?
Approcher la procédure de réparation collective comme un moyen de traitement
collectif des demandes individuelles constitue la clef pour éviter des procès longs et
coûteux. En effet une telle procédure doit être vue comme un moyen de réunir
« virtuellement » devant le tribunal des personnes victimes d’un préjudice ayant une
cause commune40 et de confier à un représentant le soin de démontrer le bien-fondé
des leurs réclamations. En conséquence, une action en réparation collective ne devrait
pas supposer du représentant la preuve du préjudice de chaque membre séparément et
individuellement ; une évaluation globale du préjudice subi par l’ensemble des
40 P.-C. Lafond, “Le recours collectif ; le rôle du juge et sa conception de la justice, Impact et évolution”,
Editions Yvon Blais, 2006, p. 218
24 membres du groupe devrait être admise. La preuve demandée dans le cadre de ladite
procédure devrait se concentrer sur la constatation de la survenance des éléments
constitutifs de la pratique illégale et sur la détermination du type de conséquences
préjudiciables de la pratique pour les membres du groupe. Dans les situations où la
production de la preuve directe serait excessivement chère, difficile ou impossible,
l’usage de la preuve par statistique ou la preuve par « échantillonnage » devrait être
permise.
Une approche de traitement collectif des demandes individuelles ouvre la voie à la
définition large du préjudice de masse compris comme la « somme des préjudices
individuels ayant une origine commune, subis par un grand nombre de personnes
physiques ou morales ». Un tel préjudice est susceptible d’englober plusieurs
dommages distincts quant à leur fait générateur, leur étendue et leur nature. L’essentiel
étant le traitement collectif, dans la même procédure, de questions de fait ou de droit
liées. Dans l’exposé des motifs du projet de loi belge sur la procédure de réparation
collective, l’exemple suivant de préjudice de masse a été proposé et
reprend
l’hypothèse où des dommages résultant de faits générateur différents pourront être
traités dans le cadre de la même procédure de réparation collective : une entreprise
pharmaceutique vend un médicament contre la grippe basé sur la molécule α. Par la
suite, elle intègre cette même molécule dans des vitamines distribuées en grande
surface. Il s’avère que cette molécule est nocive. Une action collective pourra être
introduite par les personnes préjudiciées par la consommation de la molécule, même si
les faits générateurs de leurs dommages ne sont pas identiques. Le fait que l’étendue
du préjudice subi par ces personnes varie n’empêche pas non plus le recours à la
procédure de réparation collective. Dans l’exemple ci-dessus, certaines personnes
pourraient avoir souffert de symptômes bénins (légère fièvre, courbatures
temporaires,…) alors que d’autres seraient gravement atteintes (paralysies, …). Les
préjudices subis par les personnes lésées peuvent également varier quant à leur nature.
Par exemple, un produit nocif pourrait être déversé dans une rivière et entraîner des
dommages tant corporels (intoxications, …) que matériels (pertes de cultures
maraîchères, …). Dans un tel cas, la preuve demandée consisterait en la démonstration
de la vente des produits contenant la molécule α par le défendeur, le caractère nocif de
25 ladite molécule, les types de dommages subis par sa consommation, les catégories des
victimes et le nombre le plus exact possible des victimes appartenant à chaque
catégorie.
Le traitement collectif des demandes individuelles doit se refléter également sur les
modalités de calcul du dommage, sur la forme de la réparation (celle-ci pourrait avoir
lieu en nature ou par équivalent), ainsi que sur les modalités et les délais de la
réparation.
En conséquence, lorsque la réparation a lieu par équivalent, le montant de l’indemnité
doit pouvoir être calculé sur une base individuelle ou globale, pour l’ensemble ou
certaines catégories du groupe. La répartition des membres en catégories permettrait
de calculer la réparation de manière adaptée. Cette répartition s’opérera sur la base de
critères factuels. Par exemple, dans le cadre de l’affaire DES aux Pays-Bas, les
membres du groupe avaient été répartis en catégories selon deux critères : critères
relatifs à la personne (mère, fille, fils) et critères relatifs au dommage (problèmes de
fertilité, cancers, …). Le tableau reprenant les différentes catégories se présentait
comme suit :
Tableau 1 Catégories de dommages pour la consommation de diethylstilbestrol (DES) et montant des
réparations fixées par le Fonds DES
Catégories de dommages
Affections
Montant de la réparation
Adenosis et dérèglements du col
€ 500,-
DES –Filles
Catégorie 1
de l’utérus ou du vagin
Catégorie 2
Dérèglement prémalin du vagin et
€ 550,-
col de l’utérus: CIN I, II, III et
VAIN I, II, III
Catégorie 3
Problèmes
de
fertilité
et
de
€ 800,- à €1225,-
de
fertilité
et
de
€ 1450,- à € 2400,-
grossesse
Catégorie 4
Problèmes
grossesse avec impossibilité de
donner naissance à un enfant (ce
qui inclut la naissance d’un enfant
ne survivant pas plus de trois
mois) ; vagino-sténose
Catégorie 5
Dérèglement malin du col de
€ 17.150,- à € 23.150,-
l’utérus sans adénocarcinome
26 Catégorie 6
Adénocarcinome au col de l’utérus
€ 55.000,- à € 125.000,-
ou au vagin
DES – Mères
Catégorie 1
Cancer du sein
€ 1775,- à € 4550,-
Epididymiscystein et/ou hypoplasie
€ 225,-
DES – Fils
Catégorie 1
du testicule
CIN = néoplasie intra-épithéliale du col de l’utérus ; VAIN = néoplasie intra-épithéliale du vagin
La législation en la matière devrait en outre imposer la règle de la réparation
collective. La réparation collective consisterait à enjoindre au débiteur de donner une
somme globale au représentant ou au liquidateur, à charge pour ce dernier de procéder
à une distribution individuelle (dans laquelle chaque membre du groupe serait invité à
présenter sa réclamation). Le juge devrait pouvoir fixer un délai à l’issue duquel les
montants non encore réclamés devraient alimenter un Fond d’aide aux procédures de
réparation collective.
Le juge, ou les parties sous le contrôle du juge dans l’hypothèse d’un accord de
réparation collective, devraient pouvoir choisir la méthode de calcul du dommage et le
mode de réparation les plus adaptés aux circonstances de l’affaire. Par exemple, une
rivière est polluée et l’on peut distinguer plusieurs types de dommages : celui des
horticulteurs dont la production est invendable et les terrains pollués (catégorie A),
celui des riverains particuliers dont les terrains sont pollués (catégorie B) et celui des
touristes en vacances dans la région (catégorie C). La décision sur le fond ou bien
l’accord entre les parties pourrait prévoir que les horticulteurs auront droit à une
réparation par équivalent de 2500€ par tonne de cerises et de 2000€ par tonne
d’abricots, en plus d’une somme de 100€ par mètre carré de terrain, afin de
décontaminer ceux-ci. Le tout serait payable dans les 3 mois de la preuve du préjudice
qui serait évalué, à l’intermédiaire d’une société agricole déterminée, en pesant la
quotité de la récolte qui est inexploitable et en évaluant la superficie du terrain.
Concernant les riverains particuliers, le jugement ou l’accord pourrait prévoir une
réparation en nature, consistant en le nettoyage des terrains ainsi qu’une indemnité de
50€ par personne, payable dans les deux mois. Pour les vacanciers, dont le jugement
ou l’accord estime le nombre à 1000 et le préjudice à 100€, le versement au
27 représentant d’une somme globale de 100.000€ pourra être prévu, en précisant que
celle-ci sera versée à l’intermédiaire du représentant auprès duquel les personnes
lésées se seront manifestées.
Un choix de ne pas reverser les sommes aux membres devrait être également permis
lorsque les frais qu’entraînerait ce versement seraient trop élevés au regard de leur
faible montant. Tel pourrait être le cas pour les petites infractions économiques : on
peut concevoir qu’une partie des membres du groupe n’auraient droit qu’à quelques
euros ou quelques centimes, de sorte que la redistribution serait trop onéreuse. Dans
pareil cas, les sommes prévues en dédommagement devront être payées, l’objectif
étant que la procédure en réparation collective joue son rôle dissuasif, mais ne seront
pas reversées aux membres : elles pourraient alimenter un fonds d’aide aux procédures
de réparation collective.
En tout état de cause le juge devrait rester saisi jusqu’à l'exécution intégrale de la
réparation due à tous les membres du groupe en vertu de l'accord homologué ou de la
décision statuant sur l'action en réparation collective. La cause pourrait en
conséquence être ramenée à tout moment devant le juge par simple demande écrite par
toute personne intéressée.
En ce qui concerne l’organisation de la procédure, le schéma de la procédure de
réparation collective reflétant son agencement en deux volets, selon que les parties –
défendeur(s) et représentant du groupe – arrivent à un accord de réparation collective
en dehors de tout contentieux (accord de réparation collective), ou qu'elles ne
parviennent pas à conclure un tel accord (le représentant du groupe engageant alors
une action en réparation collective) constituerait une contribution significative a son
accélération41.
Enfin, des délais maximum dans les différentes phases de procédure devraient être
imposés, tels que le délai maximal pour exercer le droit d’option ou bien la durée
maximale de la suspension de la procédure en cas de négociation d’un accord de
réparation collective intervenue après la décision de l’autorisation.
41 Voyez le schéma général de la procédure de réparation collective présenté dans l’introduction de la présente
contribution
28 3.2 The importance of information and of the role of representative bodies/
3.2. L’importance de l’information et le rôle des organismes représentatifs.
Q 13 How, when and by whom should victims of EU law infringements be informed
about the possibilities to bring a collective (injunctive and/or compensatory) claim or
to join an existing lawsuit? What would be the most efficient means to make sure that
a maximum of victims are informed, in particular when victims are domiciled in
several Member States?
Un éventuel acte législatif européen relatif aux recours collectifs judiciaires devrait
prévoir un système d’information cohérent et accessible dans l’ensemble de l’Union
européenne.
Au moment de l’introduction de la directive en la matière, une campagne
d’information devrait être organisée par la Commission européenne (comprenant par
exemple la distribution de brochures dans toutes les langues de l’Union européenne,
des conférences organisées par les centres de représentation de la Commission
européenne dans les Etats membres, des formations pour les juges et les auxiliaires de
justice, la publication des informations dans les médias nationaux des Etats membres,
etc.).
Une obligation des Etats membres de créer un registre électronique des procédures de
réparation collective devrait être imposée. Le registre devrait contenir à la fois :
-
les informations sur l’institution même de la procédure de réparation collective
(les textes législatifs nationaux applicables en la matière, les explications sur les
méthodes de la formation du groupe et les droits des victimes d’un préjudice de masse
au sein de la procédure de réparation collective, les formulaires modèles d’exercice de
l’option d’inclusion (« opt-in ») et d’exclusion (« opt-out »)) ;
-
les informations sur les procédures en cours (les informations sur les accords de
réparation collective dont l’homologation a été demandée aux tribunaux nationaux, les
décisions statuant sur leur homologation, les requêtes d’action en réparation collective,
les décisions d’autorisation, les délais d’option d’inclusion et d’exclusion, les
29 jugements issus des actions en réparation collective etc. Les liens de contact avec les
représentants des groupes agissant dans le cadre de la procédure de réparation
collective, devraient y être intégrés également). Il appartiendrait au tribunal saisi de
l’affaire de déterminer les langues dans lesquelles de telles informations devraient être
publiées, suivant les circonstances de chaque cas d’espèce ;
-
indépendamment des informations concernant des procédures en cours, des
informations sur les organismes publics, le cas échéant, ainsi que des organismes
privés susceptibles d’intenter une procédure de réparation collective (avec les liens
vers les informations de contact) pourraient être regroupées par l’objet d’activité des
organismes en question.
Etant donné que la représentativité et l’aptitude suffisantes au regard du préjudice de
masse et du groupe concernés devraient être vérifiées et confirmées par le juge saisi
dans chaque affaire séparément, la liste des organismes privés pourrait contenir
uniquement des entités enregistrées dans les registres nationaux comme poursuivant
un but non lucratif. L’objectif d’une telle liste serait uniquement d’informer les
citoyens de l’existence de telles entités et de la possibilité de recevoir auprès d’elles
des informations plus complètes sur les éventuelles procédures de réparation
collective. Il appartiendrait aux organismes eux-mêmes d’introduire une demande à
l’administrateur du registre afin d’y être mentionnés.
Les informations devraient être répertoriées selon un système commun pour
l’ensemble des Etats membres.
Les registres nationaux devraient en outre être intégrés dans une plate-forme Internet
créée au niveau européen, instituant une base d’information sur le mécanisme des
procédures de réparation collective, accessible dans toutes les langues de l’Union
européenne. Un tel instrument devrait inclure :
-
des informations sur l’existence d’un tel moyen de procédure introduit par un
instrument européen, l’explication de ses règles de fonctionnement, ainsi que les
résumés et la comparaison des législations des Etats membres transposant la directive
européenne en la matière ;
-
la liste des procédures de réparation collective en cours dans chaque Etat
membre – avec leur bref descriptif - répertoriées selon le pays, les caractéristiques du
30 groupe, y compris les lieux de résidence habituelle de membres du groupe, permettant
d’identifier les procédures impliquant des victimes n’ayant pas leurs résidence
habituelle dans l’Etat dont la juridiction a été saisie, ainsi que selon le type de pratique
à la base de la demande. Les liens renvoyant vers les sites des registres nationaux ainsi
que les liens de contact avec
les
représentants des groupes devraient y être
intégrés également ;
-
des informations sur les organismes publics, le cas échéant, ainsi que des
organismes privés susceptibles d’intenter une procédure de réparation collective (avec
les informations de contact et les liens vers leurs sites) devraient être regroupées par
pays et par objet d’activité.
Une coordination de la plate-forme européenne sur les procédures de réparation
collective avec des réseaux tels que le Réseau judiciaire européen en matière civile et
commercial, Centres Européens des Consommateurs, l’Enterprise Europe Network, et
Réseau Entreprise Europe devrait être en outre assurée.
En plus des informations incorporées dans les registres nationaux par les tribunaux
saisis des affaires et intégrés dans la plate-forme Internet européenne, des mesures
supplémentaires de publicité devraient être prises au cours de chaque procédure de
réparation collective. Il s’agit notamment d’informer les victimes du préjudice de
masse de leur droit d’exercer l’option d’inclusion ou d’exclusion, ainsi que de la
possibilité de réclamer, le cas échéant, les dédommagements qui leurs seront alloués.
Dans le cadre de l’accord de réparation collective négocié entre parties (avant toute
procédure contentieuse ou lors de la suspension de l’action en réparation collective) les
modalités de sa publicité ainsi que la répartition de la charge des frais de cette
publicité devraient être prévues par l’accord et acceptées par le tribunal dans la
décision de son homologation.
Dans le cadre de l’action en réparation collective, la publicité de la décision de
l’autorisation ainsi que de la décision sur le fond devrait être entreprise par le
représentant du groupe désigné dans la décision d’autorisation. Ceci via tous les
moyens de communication accessibles et jugés par le tribunal adéquats aux
circonstances de l’affaire.
31 La notion de « raisonnable » devrait être particulièrement utile dans le cadre du choix
d’une telle publicité. Ainsi le tribunal devrait veiller à maintenir un équilibre pour
chaque affaire entre le résultat probable de la publicité, le temps nécessaire pour
qu’elle soit efficace et son coût.
Dans ce cadre, la création par le représentant d’un site internet sur l’affaire en cause
comprenant les liens au registre national et à la plate-forme européenne devrait être la
règle.
En outre, au cas par cas, le tribunal saisi de l’affaire devrait décider de la nécessité
d’une notification individuelle à chaque membre du groupe pouvant être identifié avec
un « effort raisonnable », ceci par courrier à la dernière adresse connue de chaque
personne concernée. L’exigence d’un « effort raisonnable » se traduirait par
l’obligation, à la charge du représentant, de communiquer au tribunal une liste des
adresses dernièrement connues par celui-ci de toute personne pouvant être identifiée à
travers tout répertoire public ou privé. Le représentant serait tenu d’effectuer une
recherche approfondie, utilisant les bases de données les plus complètes possible. Si
nécessaire, une exigence de fournir toute les informations utiles dans ce sens pourrait
être imposée également au défendeur. Dans le cas où tout les membres du groupe ne
pourraient pas être identifiés, le tribunal imposerait une publicité la plus pratique selon
les circonstances de l’espèce suivant le même critère de « raisonnable » et en prenant
en compte des facteurs tels que la nature de la cause, la composition du groupe, la
situation géographique de ses membres ou les langues dans lesquelles la publicité
devrait avoir lieu. Une combinaison de lettres simples aux membres du groupe dont
l’adresse est connue, doublée d’une publicité dans la presse nationale, régionale ou
spécialisée, le recours aux chaines de télévision nationales, régionales ou spécialisées
et Internet (l’achat de certains mot dans les moteurs de recherches et les sites
nationaux les plus connus) devrait être envisagée selon les circonstances.
Dans des cas justifiés par la nature du préjudice, le tribunal devrait pouvoir obliger le
défendeur à participer à la publicité en collaboration avec le représentant. Ladite
solution permettrait, par exemple, une information incorporée dans les factures
32 envoyées à ses clients, membres du groupe, les affiches dans les lieux des activités du
défendeur, ou bien encore des informations sur l’emballage de ses produits42.
La notification ou la publicité effectuée par le tribunal (par le bais de registre des
procédures de réparation collective) et par le représentant et le cas échéant par le
débiteur (par tous les moyens appropriés) concernant le droit d’exercice de l’option
d’inclusion ou d’exclusion devrait contenir au minimum des informations claires et
brèves, dans un langage « évident » et facilement compréhensible sur les mentions
suivantes :
-
la nature de procédure de réparation collective,
-
la définition du groupe décrit par l’accord de réparation collective homologué
ou la décision d’autorisation de l’action en réparation collective ,
-
l’objet de l’accord de réparation collective homologué ou l’objet de la demande
du représentant de l’action en réparation collective ;
-
les informations sur le mode d’exercice des options d’« opt-out » et/ou d’« opt-
in » et les conséquences d’un tel exercice;
-
les informations sur l’effet de la décision d’homologation de l’accord de
réparation collective ou du jugement rendu à l’issue de l’action en réparation
collective.
Q 14 How the efficient representation of victims could be best achieved, in particular
in cross-border situations? How could cooperation between different representative
entities be facilitated, in particular in cross-border cases?
42 Il conviendrait à ce sujet de mettre en rapport l’initiative législative à venir en matière de recours collectifs et
le Règlement (CE) n°1393/2007 du Parlement européen et du Conseil du 13 novembre 2007 relatif à la
signification et à la notification dans les États membres des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière
civile ou commerciale (signification ou notification des actes), et abrogeant le règlement (CE) n° 1348/2000
du Conseil ( J.O. du 10 décembre 2007, L 324, p. 79–120). En effet, selon ledit Règlement la signification ou
la notification des actes judicaires destinées au résidants d’un autre Etat membre, dont l’adresse est connue,
doit être effectuée, lors de l’utilisation de la faculté de procéder directement par l’intermédiaire des services
postaux, sous la forme de lettre recommandée avec accusé de réception ou d’envoi équivalent, à la
signification ou à la notification des actes judiciaires aux personnes résidant dans un autre État membre (Art.
1 point 2 et Art. 14). Une telle obligation dans le cadre de recours collectifs serait une source de frais
excessifs.
33 La représentation efficace des membres du groupe repose principalement sur les
qualités de représentativité et d’aptitude du représentant au regard du préjudice de
masse et des membres du groupe43, ainsi que sur l’information adéquate de ces
derniers concernant le déroulement de la procédure de réparation collective en cours et
leurs droits au sein de ladite procédure44.
Ces questions soulèvent des difficultés particulières lorsqu’elles impliquent la prise en
compte des intérêts des membres du groupe provenant de différents Etats membres de
l’Union européenne45. C’est la raison
pour laquelle nous préconisons des règles
différentes quant à la formation du groupe au sein de la procédure de réparation
collective en fonction du lieu de résidence habituelle de membre du groupe : la règle
d’ « opt-out » en ce qui concerne les victimes de la pratique illégale, ayant leur
résidence dans l’Etat dont la juridiction a été saisie (sauf usage exceptionnel et justifié
de système d’ « opt-in ») et l’ « opt-in » en ce qui concerne les victimes ayant leur
résidence habituelle en dehors de cet Etat.
Cette solution, bien qu’elle emporte la conséquence regrettable de permettre le
déroulement de procès concernant la même pratique illégale dans différents Etats
membres46, nous semble la plus pragmatique.
Un moyen de prévention des jugements contradictoires issus de tels procès pourrait
consister en un échange d’informations entre les juges nationaux spécialisés en la
matière au sein du Réseau judiciaire européen, via une cellule responsable des recours
collectifs.
Une autre solution consisterait en une coopération entre les entités représentatives des
différents Etats membres.
43 voyez la réponse de la présente contribution à la question n°20
44 voyez la réponse de la présente contribution à la question n°13
45 voyez la réponse de la présente contribution à la question n° 9
46 Lesdites procédures regrouperaient probablement principalement les victimes résidant respectivement sur
les territoires de ces Etats et pour autant que les règles de droit international privé de l’Union européenne
permettent la saisine de même défendeur dans plusieurs Etat membres.
34 Tout d’abord grâce à la plate-forme Internet créée au niveau européen, un échange
d’informations ou l’assistance mutuelle efficace dans le cadre des procédures de
réparation collective en cours dans les différents Etats membres pourrait être assurée.
Par ailleurs, des entités représentatives provenant de différents Etats membres
devraient pouvoir s’organiser à fin de créer un groupement agissant devant le tribunal
d’un seul Etat membre en qualité de représentant. Une telle solution serait possible, si
l’acte juridique européen ouvrait la voie à l’acquisition de la qualité de représentant à
de tels groupements47. Il appartiendrait alors au juge saisi de vérifier les qualités de
représentativité et d’aptitude d’un tel groupement au regard du préjudice de masse et
du groupe concerné, notamment au regard de lieu de résidence des membres du
groupe. En conséquence la provenance de personnes morales de différents Etats
membres participant au groupement ne pourrait pas constituer un obstacle à la saisine
du tribunal d’un Etat membre donné.
Dans les domaines de la concurrence et de la protection des consommateurs, un
échange d’informations ainsi qu’un système d’assistance mutuelle concernant les
procédures de réparation collective intentées dans différents Etats membres devrait
être intégré au fonctionnement, respectivement : du réseau existant des autorités de
concurrence nationales en vertu de Règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil du 16
décembre 2002 relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux
articles 81 et 82 du traité48 et du réseau existant des autorités découlant du Règlement
(CE) N° 2006/2004 relatif à la coopération en matière de protection des
consommateurs49.
3.3 The need to take account of collective consensual resolution as alternative
dispute resolution /
3.3. Le besoin de la prise en compte des mesures de résolution des litiges à
l’amiable comme les modes alternatives de résolution des litiges (ADR).
47 voyez la réponse de la présente contribution aux questions n° 20 et 22.
48 J.O. du 4 janvier 2003, L 1/1
49 J.O. du 9 décembre 2004, L 364/1
35 Q 16 Should an attempt to resolve a dispute via collective consensual dispute
resolution be a mandatory step in connection with a collective court case for
compensation?
Le passage par une voie amiable de résolution du litige ne devrait pas être obligatoire
avant l’introduction d’une action en réparation collective.
Cependant, toute procédure collective judiciaire devrait être conçue de manière à
favoriser les accords entre les parties, y compris dans le cadre des modes alternatifs de
résolution de litiges. Une solution le permettant pourrait consister en l’agencement de
la procédure de réparation collective en deux volets, selon que les parties – défendeur
et représentant du groupe – arrivent à un accord de réparation collective en dehors de
tout contentieux (accord de réparation collective), ou qu'elles ne parviennent pas à
conclure un tel accord (action en réparation collective)50. Si les parties ont conclu un
accord de réparation collective en dehors de toute procédure contentieuse, la procédure
simplifiée, dénommée procédure d'accord de réparation collective, permettrait
d’entériner l’accord et de le rendre contraignant pour tout les membres du groupe.
D'autre part, le juge pourrait aussi être saisi en l'absence d’accord. En ce cas la
procédure dénommée action en réparation collective commencerait par une phase
d’autorisation par le juge. Suite à la décision d’autorisation, deux hypothèses
pourraient être envisageables : les parties pourraient s’entendre pour négocier ou
privilégier la voie contentieuse. La possibilité de négocier qui interviendrait à ce stade
ne ferait pas double emploi avec la possibilité de négocier un accord de réparation
collective avant de saisir le juge. Les deux négociations interviendraient en effet dans
des contextes différents : si les négociations ont lieu après l’autorisation de l’action, il
pourrait être plus aisé pour les parties de cadrer les débats. En outre, les négociations
qui interviendraient après la décision d’autorisation suspendraient les délais de
procédure, y compris le délai pour l’option d’inclusion ou d’exclusion.
50 Voyez le schéma de la procédure de réparation collective présenté en introduction de la présente contribution.
36 Les parties pourraient, de commun accord, recourir aux services d’un tiers pour
favoriser la négociation. Le juge devrait rester saisi durant toute la période de
suspension et devrait pouvoir, à tout moment, prendre toute mesure qui lui paraitrait
nécessaire. Si les négociations aboutissent, la procédure se déroule comme si l’accord
avait été atteint sans l’intervention du juge : l’accord pourra être homologué, rendu
public, et les membres pourront opter, selon les cas, pour s’exclure ou s’inclure.
Lorsque les parties ne négocient pas ou que les négociations n’aboutissent pas, la
procédure se déroulera de manière contentieuse.
Afin de promouvoir la voie négociée, le simple fait de conclure un accord de
réparation collective ne devrait emporter aucune reconnaissance de culpabilité ou de
responsabilité dans le chef des débiteurs.
Q 17 How can the fairness of the outcome of a collective consensual dispute
resolution best be guaranteed? Should the courts exercise such fairness control?
Suivant l’exemple de la Recommandation 98/257/CE de la Commission du 30 mars
1998 concernant les principes applicables aux organes responsables pour la résolution
extrajudiciaire des litiges de consommation
51
, ainsi que de la Recommandation
2001/310/CE de la Commission du 4 avril 2001 relative aux principes applicables aux
organes extrajudiciaires chargés de la résolution consensuelle des litiges de
consommation52, une mesure de l’Union européenne pourrait être élaborée pour la
résolution extrajudiciaire des litiges portant sur un préjudice de masse.
Quant à un contrôle judiciaire des transactions conclues en la matière, il semble
souhaitable que ce contrôle soit effectué uniquement au sein de la procédure judiciaire
de réparation collective, que celle-ci soit contentieuse ou amiable telle que décrite cidessus, dans le cadre de la réponse à la question n° 16.
51 J.O. du 17 avril 1998, n° L 115, p. 31
52 J.O. du 19 avril 2001, n° L 109, p. 56
37 Au sein de ladite procédure, toute partie à un accord de réparation collective devrait
pouvoir saisir le juge par requête afin d’obtenir l’homologation de l’accord. La
décision d'homologation aurait alors les effets d'un jugement au sens de dispositions
nationales de procédure civile.
Les conditions fixées par la décision d’homologation devraient assurer le caractère
équitable, raisonnable et approprié de l’accord entre les parties. A ces fins, suite au
dépôt de la requête, le juge fixera le délai dans lequel toute personne ou association
pouvant prétendre à la qualité de représentant pourrait, à peine de déchéance,
intervenir volontairement pour faire valoir ses observations. En suite, le juge vérifierait
si l’accord de réparation collective contient et énonce de manière claire et complète
des informations obligatoires53. Enfin, le juge devrait refuser d’homologuer l’accord
de réparation collective si :
- il ne satisfait pas aux conditions de la recevabilité de la procédure de réparation
collective ou des exigences de contenu obligatoire de l’accord ;
- la réparation prévue pour le groupe ou pour certains de ses membres s’avère
manifestement déraisonnable54 ;
- les moyens de publicité prévus par l’accord paraissent insuffisants.
Les mêmes conditions d’homologation devraient s’appliquer aux accords conclus entre
les parties de l’action en réparation collective.
53 A savoir : la description détaillée du préjudice de masse objet de l’accord ; la description du groupe et, le cas
échéant, de ses différentes sous-catégories, ainsi que l’évaluation aussi précise que possible du nombre de
personnes lésées qui pourraient en devenir membres ; les nom, prénom, domicile, et le cas échéant, qualité,
du représentant du groupe ainsi que, lorsque le représentant est un groupe de personnes, la liste des membres
de ce groupe représentant et l’élection de domicile de ses membres au domicile de l’un d’entre eux ; les nom,
prénom, domicile du ou des débiteurs de la réparation collective ; le ou les systèmes d’option retenus ; le
délai et les modalités d’exercice de l’option; les modalités et le contenu de la réparation (lorsque la réparation
a lieu par équivalent, le montant de l’indemnité peut être calculé sur une base individuelle ou globale, pour
l’ensemble ou certaines catégories du groupe) ; les garanties à fournir par le débiteur ; la procédure de
révision de l’accord de réparation collective en cas d’apparition de dommages, prévisibles ou non, après son
homologation (si aucune méthode n’est déterminée, l’accord ne devrait pas lier les membres pour tout
dommage nouveau ou pour toute aggravation imprévisible du dommage survenant postérieurement à la
conclusion de l’accord) ; les modalités de la publicité qui devra être donnée à l’accord et la répartition de la
charge des frais de cette publicité.
54 Le caractère raisonnable de l’accord proposé exigerait l’existence d’indices qu’il a été conclu de bonne fois et
que l’égalité des armes des parties a été respectée. Pourront être pris en compte des facteurs tels que (1)
l'existence d'éventuelles difficultés en matière de preuve ou les moyens de défense que le représentant serait
susceptible de rencontrer si l'affaire se poursuivait au sein de l’action en réparation collective; (2) la durée
prévue et les frais prévisibles de l’action en réparation collective; (3) la solvabilité du débiteur et (5) le
nombre d'opposition à l’accord de la part des membres du groupe.
38 Une publication de l’accord homologué ferait courir le délai d’option d’exclusion ou
d’inclusion, selon le choix indiqué par l’accord. Le groupe serait définitivement
constitué lors de l’expiration de ce délai. Ne serait toutefois pas liée par l’accord de
réparation collective la personne qui, bien que faisant partie du groupe, démontrerait
n’avoir pas pris et n’avoir raisonnablement pas pu prendre connaissance de la décision
d’homologation pendant le délai d'option.
De plus le juge devrait rester saisi jusqu’à l'exécution intégrale de la réparation due à
tous les membres du groupe en vertu de l'accord homologué.
Q 18 Should it be possible to make the outcome of a collective consensual dispute
resolution binding on the participating parties also in cases which are currently not
covered by Directive 2008/52/EC on certain aspects of mediation in civil and
commercial matters?
La vérification du caractère équitable, raisonnable et approprié de l’accord de
réparation d’un préjudice de masse revêt un caractère si particulier, qu’il apparaît
souhaitable que toute demande ayant pour objectif de rendre le contenu d’un tel
accord obligatoire et exécutoire pour l’ensemble du groupe soit présentée dans le cadre
d’une procédure spécifique et agencée pour ce type de litige.
En revanche, une action en réparation collective ne devrait pas faire obstacle à ce que
des membres du groupe participent à un ADR, y compris la médiation.
D’autre part, la mise en œuvre d’une méthode alternative de règlement du conflit ne
devrait pas empêcher les personnes lésées d’exercer leur droit d’option et ne devrait
pas suspendre la procédure de réparation collective, sauf décision de suspension prise
par le juge dans les circonstances décrites ci-dessus55. En cas de règlement amiable
individuel, la personne concernée perdrait la qualité de membre du groupe.
3.4 Strong safeguards against abusive litigation /
55 Voyez : la réponse de la présente contribution à la question 16
39 3.4. Les obstacles aux procès de caractère abusif.
Q 20 How could the legitimate interests of all parties adequately be safeguarded in
(injunctive and/or compensatory) collective redress actions? Which safeguards
existing in Member States or in third countries do you consider as particularly
successful in limiting abusive litigation?
Un système de recours collectif judiciaire devrait évidemment être conçu de manière à
concilier le respect des droits des parties, l’efficacité et l’accessibilité. Les droits à
respecter sont tant ceux des personnes préjudiciées que ceux des défendeurs.
Le respect des droits des personnes préjudiciées devrait passer avant tout par
l’information efficace de celles-ci, à tous les stades de la procédure56, ainsi que par
leur représentation adéquate.
Les défendeurs sont, quant à eux, protégés par le filtre que constitue la phase
d’autorisation de l’action, ainsi que par le contrôle du bon déroulement de la procédure
par le juge57.
En effet l’exigence de la représentativité et de l’aptitude suffisantes du représentant au
regard du préjudice de masse et du groupe concerné – qualités vérifiées par le juge lors
de l’autorisation de l’action – constitue un élément de protection des intérêts aussi bien
des membres du groupe que du défendeur. Il en est de même pour l’exigence que
l’action en réparation collective soit un moyen plus adéquat qu’une autre procédure de
droit commun.
Les critères de la représentativité et de l’aptitude du représentant ont pour objectif
d’opérer une sélection parmi les entités prétendant à ce rôle, garantissant leur sérieux
et leur souci d’agir dans le but de la défense des intérêts des membres du groupe.
Dans le cas des groupement de personnes physiques ou morales qui seraient victimes
du préjudice en cause, la représentativité pourrait consister en ce que ces derniers
56 Voyez la réponse de la présente contribution à la question n° 13
57 Voyez la réponse de la présente contribution à la question n° 24
40 soient effectivement lésés par le même type de dommage que les autres membres du
groupe, à ce que leurs intérêts soient suffisamment similaires à ceux des autres
membres et finalement à ce qu’il n’existe aucun conflit entre leurs intérêts et les
intérêts du reste du groupe. L’aptitude à agir ne devrait en revanche pas dépendre du
nombre de personnes le composant.
Il ne nous paraît pas souhaitable d’admettre comme représentant une entité
poursuivant un but de lucre, telle une société commerciale ou, plus généralement, une
entreprise, à peine de transformer le recours collectif en une forme de business qui ne
manquerait pas d’entraîner des dérives et des excès.
Dans le cas où le représentant est une personne morale sans but lucratif qui n’a pas
elle-même subi le préjudice de masse en cause, sa représentativité et son aptitude
consisteraient en un lien significatif entre l’objet de leur activité, le caractère du
préjudice et les caractéristiques du groupe. Une approche se référant, au cas par cas, à
l’objet social devrait permettre de garantir la compétence factuelle des représentants.
L’indépendance et la loyauté démontrées précédemment envers les intérêts des
membres du groupe lors d’éventuels recours précédents devraient être également
prises en compte.
Dans le cas de procédures impliquant des résidents d’autres Etats membres, les critères
de représentativité et d’aptitude du représentant devraient être analysés par le prisme
d’une garantie suffisante de la protection des intérêts de ces membres du groupe58.
Quant au caractère adéquat de l’action en réparation collective, celui-ci peut se
marquer au niveau juridique (par exemple, elle évite la jonction d’un nombre élevé de
causes) ou factuel (une action de groupe visant un acte concernant une demi-douzaine
de personnes, par exemple, pourrait être considérée comme non adéquate, une
procédure classique étant dans ce cas à privilégier). En outre, il devra être tenu
compte, pour apprécier l’adéquation de l’action en réparation collective, de la faculté
du déroulement de l’action sur le mode de l’ « opt-in », permettant ainsi, au besoin, de
déterminer exactement les membres du groupe.
58 Voyez : la réponse de la présente contribution à la question n° 14
41 Le recours à une action en réparation collective ne serait pas adéquat dans le cas où les
problèmes individuels suscités par l'objet de l'action prédominent par rapport aux
questions communes. Toutefois, en pareil cas, il est douteux que le préjudices faisant
l'objet d'une action puissent être qualifiés globalement de « préjudice de masse » au
sens de la présente contribution.
Les intérêts du débiteur devraient être protégés également par des dispositions
concernant les effets des décisions d’homologation ou d’autorisation. Ainsi, un
membre du groupe ne serait plus recevable à introduire une action individuelle contre
les mêmes débiteurs (tant devant les tribunaux judiciaires que devant les tribunaux
arbitraux) ayant le même objet et la même cause que l’accord de réparation collective
ou l’action en réparation collective. Lesdites décisions devraient en plus faire obstacle
à l’introduction contre les mêmes débiteurs d’une demande de réparation collective
ayant le même objet et la même cause.
D’une manière générale, toutes les mesures devraient être prises, dans le cadre des
dispositions européennes ainsi que nationales des Etats membres, afin d’éviter que des
membres du groupe ne puissent pas obtenir deux fois la réparation du même préjudice.
D’autres éléments de protection des intérêts du débiteur durant la procédure,
pourraient consister dans le droit de diriger contre le représentant une demande
reconventionnelle fondée sur le caractère téméraire et vexatoire de la demande de
réparation collective. De plus, pour ne pas allonger déraisonnablement les délais,
seules les demandes en intervention conservatoire devraient être autorisées dans le
cadre des actions en réparation collective, les autres demandes en intervention devant
suivre le cours des procédures ordinaires.
Quant aux solutions adoptées par les Etats tiers de l’Union européenne, destinées à
éviter les demandes abusives, il est opportun d’indiquer la solution québécoise, qui
impose comme l’une des conditions de l’autorisation du recours collectif, que les faits
allégués par le demandeur « paraissent justifier les conclusions recherchées »59. Selon
la jurisprudence de la Cour suprême du Canada, le législateur québécois a voulu par le
bais de ladite condition que les tribunaux écartent d’emblée tout recours frivole ou
59 Article 1003 lettre b du Code de procédure civile de Québec accessible sur :
http://www.canlii.org/fr/qc/legis/lois/lrq-c-c-25/derniere/lrq-c-c-25.html
42 manifestement mal fondé et n’autorise que ceux où les faits allégués dévoilent une
apparence sérieuse de droit60. Selon la Cour suprême du Canada, l’expression
«paraissent justifier» signifie qu’il doit y avoir aux yeux du juge une apparence
sérieuse de droit pour qu’il autorise le recours, sans pour autant qu’il ait à se prononcer
sur le bien-fondé en droit des conclusions en regard des faits allégués »61. Une telle
approche exclut le jugement au fond de la demande au stade de l’autorisation tout en
constituant un garde-fou envers les demandes purement fantaisistes.
Q 21 Should the "loser pays" principle apply to (injunctive and/or compensatory)
collective actions in the EU? Are there circumstances which in your view would
justify exceptions to this principle? If so, should those exceptions rigorously be
circumscribed by law or should they be left to case-by-case assessment by the courts,
possibly within the framework of a general legal provision?
Le principe selon lequel « la partie perdante paie » devrait s’appliquer en matière
d’action en réparation collective, sans exception.
Q. 22 Who should be allowed to bring a collective redress action? Should the right to
bring a collective redress action be reserved for certain entities? If so, what are the
criteria to be fulfilled by such entities? Please mention if your reply varies depending
on the kind of collective redress mechanism and on the kind of victims (e.g.
consumers or SMEs).
Le groupe ne devrait avoir qu’un représentant. En revanche, une seule personne
physique ou morale ne devrait pas pouvoir être le représentant du groupe. La
60 Cour suprême du Canada, 11 mai 1981(Comité régional des usagers des transports en commun de Québec
c. Commission des transports de la Communauté urbaine de Québec), [1981], 1 R.C.S. 424, accessible sur :
http://csc.lexum.org/fr/1981/1981rcs1-424/1981rcs1-424.html
61 Ibidem
43 représentation du groupe par une personne physique ou morale seule, n’est en effet pas
souhaitable : elle ne pousse pas les personnes lésées à se réunir (ce qui pourrait rendre
certaines étapes, telle la détermination du préjudice, plus difficiles) et présente des
risques au niveau de la gestion de la procédure (par exemple, pour en assurer
l’exécution et pour informer les personnes lésées).
En revanche, un groupe de personnes physiques ou morales se rassemblant dans le but
d’ester en justice devrait pouvoir être le représentant.
Pour atteindre ses objectifs, l’instrument européen devrait permettre aux personnes
victimes d’un préjudice de masse de se joindre au sein d’un groupement de fait, pour
agir collectivement sans être obligées d’adopter la forme d’une association de droit
sans but lucratif. En effet, l’accomplissement de nombreuses formalités exigées pour
acquérir la forme de l’association de droit pourrait décourager les personnes lésées à
agir.
La recevabilité d’un groupement de personnes à introduire la procédure de réparation
collective ne présenterait pas les inconvénients que celle-ci peut entraîner dans les
procédures classiques – à savoir l’introduction de litiges par des personnes non
directement concernées, avec le risque d’une multiplication des procédures – dès lors,
premièrement, que la procédure de réparation collective a pour objectif de réunir
toutes les personnes qui pourraient introduire une procédure individuelle et que,
deuxièmement, une exigence que de représentativité devrait être imposée.
Pourrait être représentant également toute personne morale sans but lucratif, suivant la
loi nationale de chaque Etat membre, dont le but ou l’objet social ou statutaire serait
en rapport direct avec la réparation d’un ou de plusieurs préjudices de masse.
Il devrait être permis également que de telles entités s’organisent en un groupement
afin d’agir en justice en qualité de représentant, sans que la constitution d’une nouvelle
personne morale soit nécessaire62.
Le représentant devrait justifier d’une représentativité et d’une aptitude suffisantes au
regard du préjudice de masse et du groupe concerné63.
62 Voyez : la réponse à la question n° 14 de la présente contribution.
63 Voyez la réponse de la présente contribution à la question n° 20
44 La notion d’aptitude ne devrait pas être confondue avec celle de capacité juridique.
Le représentant pourrait, mais devrait pas, avoir subi lui-même le préjudice de masse.
Comme indiqué plus haut, il ne nous paraît pas souhaitable d’admettre comme
représentant une entité poursuivant un but de lucre.
Le rôle du juge consistera à confirmer le représentant, sauf s’il existe des motifs tenant
à l’absence de représentativité ou d’aptitude.
Une initiative européenne devrait en outre laisser aux Etats membres une option
permettant d’habiliter les autorités publiques à agir en justice, dans le cadre de la
procédure de réparation collective.
Q 23 What role should be given to the judge in collective redress proceedings?
Where representative entities are entitled to bring a claim, should these entities be
recognised as representative entities by a competent government body or should this
issue be left to a case-by-case assessment by the courts?
Le juge devrait contrôler le déroulement de la procédure et prendre les mesures
nécessaires pour permettre un procès rapide, juste et équitable. Tout au long de
procédure, il devrait jouer un rôle de gestionnaire actif de l’instance veillant au respect
des droits de tous les membres du groupe, ainsi que ceux du défendeur.
En conséquence, il devrait appartenir au juge saisi de décider, au cas par cas, de la
représentativité et de l’aptitude de l’entité prétendant au rôle de représentant du groupe
dans la décision d’homologation de l’accord de réparation collective, ou en l’absence
d’accord, dans la décision d’autorisation. De plus, au cours de la procédure, il devrait
appartenir au juge, soit d’office, soit sur demande, de remplacer le représentant s’il ne
remplit plus les conditions de représentativité et d’aptitude suffisantes. Une telle
demande pourrait être introduite par le débiteur de la réparation ou le défendeur, ou
encore par une entité pouvant prétendre à la qualité de représentant.
Nous estimons que la solution incorporée dans la Directive 2009/22/CE sur les actions
en cessation ne correspond pas à la spécificité de procédure de réparation collective.
45 Les caractéristiques conditionnant la représentation adéquate des membres du groupe
sont trop étroitement liées aux circonstances de chaque affaire pour qu’une liste des
entités habilitées à agir puisse être établie par une autorité nationale.
Quant au déroulement de la procédure, une gestion de l’instance assurant le respect des
droits de tous les membres du groupe, ainsi que de ceux du débiteur devrait être
possible, grâce aux nombreuses autres compétences confiées au juge, à savoir :
-
le contrôle du contenu de l’accord de réparation collective, la décision de son
homologation ou bien du refus de son homologation64 ;
-
la décision sur la recevabilité de l’action en réparation collective du fait de son
caractère plus adapté à la demande en cause qu’une procédure de droit
commun ;
-
la description du préjudice faisant l’objet de la procédure ainsi que la
description du groupe dans la décision d’autorisation ;
-
la décision sur le système de la formation du groupe (« opt-out » ou
exceptionnellement « opt-in ») en ce qui concerne les membres du groupe
résidant habituellement dans l’Etat membre dont la juridiction a été saisie65 ;
-
la décision sur le délai et les modalités d’exercice de l’option ;
-
la décision sur les moyens de publicité pour la procédure en cours et toute autre
information dont la publicité serait considérée nécessaire par le juge66 ;
-
la décision sur la suspension de l’action en réparation collective afin de
permettre aux parties d’élaborer un consensus au sein de l’accord de réparation
collective67 ;
-
la décision de répartir les membres du groupe en plusieurs catégories en vue de
la réparation du préjudice68 ;
64 Voyez la réponse de la présente contribution à la question n° 16
65 Voyez la réponse de la présente contribution à la question n° 9
66 Voyez la réponse de la présente contribution à la question n° 13
67 Voyez la réponse de la présente contribution à la question n° 16
68 Voyez la réponse de la présente contribution à la question n° 14
46 -
la décision sur les modalités et le contenu de la réparation du préjudice69 ;
-
la décision sur le délai à l’issue duquel les sommes non réclamées par les
membres du groupe seront versées au Fonds d’aide aux procédures de
réparation collective, ainsi que la décision sur le versement de ces sommes
audit fond dans le cas où leur répartition entre les membres serait trop
coûteuse70 ;
-
la saisine du juge jusqu’à la fin de la répartition des sommes destinées à réparer
le préjudice.
En d’autres termes, l’efficacité et l’équité de la procédure devraient être garanties
grâce à son encadrement par le contenu de l’acte législatif la prévoyant et par le juge :
l’acte législatif devrait déterminer une série de questions qui devraient être traitées
dans les accords de réparation collective et, à défaut d’accord, dans les jugements
rendus suite à une procédure contentieuse. Le juge vérifierait dans chaque cas d’espèce
qu’une réponse adéquate à été apportée à chaque question.
3.5 Finding appropriate mechanisms for financing collective redress, notably for
citizens and SMEs
3.5. Des moyens appropriés de financement de recours collectifs, notamment pour
les citoyens et PME.
Q 25 How could funding for collective redress actions (injunctive and/or
compensatory) be arranged in an appropriate manner, in particular in view of the
need to avoid abusive litigation?
Un éventuel instrument européen législatif devrait imposer aux Etats membres une
obligation de créer un fonds national d’aide aux procédures de réparation collective.
Des tels fonds devraient être initialement alimentés par une contribution provenant de
69 Voyez la réponse de la présente contribution à la question n° 12
70 Voyez la réponse de la présente contribution à la question n° 25
47 budgets nationaux. Par la suite, la source d’alimentation des fonds proviendrait des
sommes destinées au recouvrement collectif mais non réclamées dans un délai prescrit
par le tribunal. Un choix de ne pas reverser les sommes aux membres devrait être
également permis lorsque les frais qu’entraînerait ce versement seraient trop élevés au
regard de leur faible montant. Dans pareil cas, les sommes prévues en
dédommagement devront être payées afin d’alimenter le Fonds d’aide aux procédures
de réparation collective.
Q 26 Are non-public solutions of financing (such as third party funding or legal costs
insurance) conceivable which would ensure the right balance between guaranteeing
access to justice and avoiding any abuse of procedure?
Non, la possibilité d’appeler des moyens de financements non publics ne devrait pas
être prévue dans le cadre des procédures de réparation collective.
Q 27 Should representative entities bringing collective redress actions be able to
recover the costs of proceedings, including their administrative costs, from the losing
party? Alternatively, are there other means to cover the costs of representative
entities?
Oui, les entités représentatives devraient pouvoir récupérer les frais de la procédure, y
compris leurs frais administratifs de la part de la partie perdante.
Q 28 Are there any further issues regarding funding of collective redress that should
be considered to ensure effective access to justice?
L’instrument législatif européen devrait veiller à exclure toute forme de barrière
financière imposée au représentant lors de l’introduction de l’instance par la loi
48 nationale. Ainsi, en Pologne, dans les affaires civiles ayant pour objet des droits
patrimoniaux, et sauf exception, le demandeur est tenu de verser au tribunal, lors de
l’introduction de la demande, une somme correspondant à 5 % de la valeur du litige
(mais pas moins de 30 PLN - correspondant à env. à 7,5 euros- et pas plus de 100.000
PLN – correspondant à env. 25.000 euros)71. La loi polonaise sur les recours collectifs
diminue la hauteur dudit paiement obligatoire à 2 % de la valeur de l’objet de litige,
dans le cadre de ce type d’actions72 (mais pas moins que 30 PLN et pas plus que
100.000 PLN). Il nous semble qu’une obligation de procéder à un tel paiement peut
constituer une entrave au fonctionnement des recours collectifs judiciaires.
4. SCOPE OF A COHERENT EUROPEAN APPROACH TO COLLECTIVE
REDRESS
4. La portée de l’approche européenne cohérente de recours collectifs.
Q 33 Should the Commission's work on compensatory collective redress be extended
to other areas of EU law besides competition and consumer protection? If so, to
which ones? Are there specificities of these areas that would need to be taken into
account?
La consultation publique de la Commission européenne « Towards a Coherent
European Approach to Collective Redress » apparait comme une excellente occasion
d’élargir la réflexion en la matière à des domaines où peuvent se présenter des
préjudices de masse autres que le droit de la concurrence et la protection des
consommateurs. En effet, les recours collectifs peuvent être vus comme un moyen
d’assurer l’accès à la justice dans tous les cas où des pratiques illégales touchent une
71 Art. 13 de la loi polonaise sur les frais judiciaires dans les affaires civiles : Ustawa z dnia 28 lipca 2005 r. o
kosztach sądowych w sprawach cywilnych, Dz.U. z 2005, nr 167poz. 1398.
72 Art. 25 point 1 de la loi polonaise sur le recours collectifs, op.cit.
49 multitude de personnes, ceci indépendamment du domaine juridique dont relèvent les
dispositions enfreintes par de telles pratiques.
Q 34 Should any possible EU initiative on collective redress be of general scope, or
would it be more appropriate to consider initiatives in specific policy fields?
Notre réponse à la consultation de la Commission s’inscrit dans un souhait
d’introduction, au niveau européen, d’un cadre de procédure civile spécifique adapté
au phénomène du préjudice de masse, de porté générale. En conséquence, nous
considérons qu’une initiative de l’Union européenne en la matière devrait se
concentrer sur la création d’un cadre de procédure civile spécifique, commun pour
l’ensemble des Etats membres, dont le champ d’application ratione materiae soit le
plus large possible. L’accent devrait être mis sur la création d’un cadre de procédure
commun et spécifique et non sur les domaines juridiques entrant dans le champ
d’application de l’instrument juridique européen éventuel.
50 ANNEXE73
PROJET DE LOI RELATIVE AUX PROCÉDURES DE RÉPARATION
COLLECTIVE
CHAPITRE 1ER. – DISPOSITIONS GÉNÉRALES
Article 1er. La présente loi règle une matière visée à l’article 78 de la Constitution.
Art. 2. Pour l’application de la présente loi, on entend par :
1° « procédure de réparation collective » : procédure contentieuse ou amiable qui a pour objet
la réparation d’un préjudice de masse ;
2° « action en réparation collective » : procédure de réparation collective contentieuse
subordonnée à une décision d’autorisation ;
3° « accord de réparation collective » : accord soumis à une décision d’homologation, ayant
pour objet la réparation d’un préjudice de masse, conclu entre le représentant, agissant pour le
compte du groupe, et un ou plusieurs débiteurs de cette réparation ;
4° « préjudice de masse » : somme des préjudices individuels ayant une origine commune,
subis par un grand nombre de personnes physiques ou morales ;
5° « groupe » : l’ensemble des personnes physiques et morales lésées par le préjudice de
masse et représentées dans la procédure, tel que décrit dans l’accord de réparation collective
ou dans la décision d’autorisation ;
6° « exercice du droit d’option » : manifestation de la volonté de faire partie du groupe, dans
un système d'option d'inclusion, ou de ne pas faire partie du groupe, dans un système d'option
d'exclusion ;
7° « système d'option d’inclusion » : système dans lequel sont seules membres du groupe les
personnes lésées par le préjudice de masse qui ont manifesté leur volonté de faire partie de ce
groupe ;
73 A. PUTTEMANS, H.BOULARBAH, E. VAN DEN HAUTE, R.GYORY: « Projet de loi relative aux
procédures de réparation collective » ainsi que « Exposé des motifs du Projet de loi relative aux procédures
de réparation collective », rédigés par les chercheurs de Centre de droit privé de l’Université Libre de
Bruxelles à l’initiative du Ministre belge en charge de la protection des consommateurs et du Ministre belge
de la Justice. Ces documents ont été présentés au Conseil de la Consommation ainsi qu’au Conseil supérieur
de la Justice.
51 8° « système d’option d’exclusion » : système dans lequel sont membres du groupe toutes les
personnes lésées par le préjudice de masse, à l'exception de celles qui ont manifesté leur
volonté de ne pas faire partie de ce groupe ;
9° « représentant » : la personne ou l'association chargée de représenter le groupe
conformément aux dispositions des articles 9 et suivants de la présente loi ;
10° « décision d’autorisation » : décision du juge constatant que les conditions de recevabilité
de l’action en réparation collective sont réunies ;
11° « décision d’homologation » : décision du juge constatant que l’accord de réparation
collective répond aux conditions fixées par la loi.
CHAPITRE 2. - PRINCIPES COMMUNS À TOUTES LES PROCÉDURES DE
RÉPARATION COLLECTIVE
SECTION 1ERE. - Conditions de recevabilité
Art. 3. Par dérogation aux articles 17 et 18 du Code judiciaire, la procédure de réparation
collective est recevable lorsque :
1° Elle a pour objet la réparation d’un préjudice de masse,
2° La demande est introduite par un représentant réunissant les conditions exigées à l’article 9
de la présente loi ; une demande tendant à l’homologation d’un accord de réparation
collective peut également être introduite par une autre partie à cet accord, débitrice de la
réparation.
SECTION 2. - Composition du groupe
Art. 4. Le groupe est composé des personnes lésées résidant habituellement en Belgique qui
n’ont pas manifesté leur volonté de ne pas faire partie du groupe et des personnes lésées ne
résidant pas habituellement en Belgique qui optent pour leur inclusion dans le groupe.
Art. 5. Par dérogation à l’article 4, l’accord de réparation collective ou la décision
d’autorisation peuvent prévoir que les personnes lésées résidant habituellement en Belgique
ne seront membres du groupe que si elles optent pour leur inclusion dans le groupe.
L’usage de cette faculté doit être expressément motivé dans la décision d’autorisation.
52 Art. 6. Un membre du groupe n’est plus recevable à introduire une action individuelle ayant
le même objet et la même cause contre les mêmes défendeurs à l’action en réparation
collective, ou contre les mêmes parties à l’accord de réparation collective.
Art. 7. Sans préjudice de l’application de l’article 15, troisième alinéa, l’exercice du droit
d’option est irrévocable.
Art. 8. La personne lésée qui a introduit une demande individuelle en réparation du même
dommage contre les mêmes défendeurs à l’action en indemnisation collective, ou les mêmes
parties à l’accord d’indemnisation collective, fondée sur la même cause, est réputée, à
l’expiration du délai d’option, avoir manifesté sa volonté de ne pas faire partie du groupe
lorsqu’elle n’a pas déposé au greffe, dans ce délai, des conclusions de désistement de sa
demande individuelle.
SECTION 3. - Représentation du groupe
Art. 9. Le groupe ne peut être représenté que par un seul représentant.
Peut être représentant l’association de fait ou de droit ou la société à finalité sociale dont le
but ou l’objet social ou statutaire est en rapport direct avec la réparation d’un ou de plusieurs
préjudices de masse.
Le représentant doit justifier d’une représentativité et d’une aptitude suffisantes au regard du
préjudice de masse et du groupe concerné.
Le juge confirme la qualité de représentant dans la décision d’homologation ou, en l’absence d’accord, dans la décision d’autorisation. Art. 10. La représentation prend fin lorsque la totalité de la réparation a été répartie entre les
membres du groupe conformément aux modalités fixées par l’accord de réparation collective
ou, en l’absence d’accord, par la décision du juge. Elle prend également fin lorsque
l’obligation de réparation est éteinte ou prescrite.
Soit d’office, soit à la demande d’un défendeur ou débiteur de la réparation, ou d’une
association ou personne pouvant prétendre à la qualité de représentant, le représentant peut
être remplacé s’il ne remplit plus les conditions de l’article 9. Le représentant peut également
être remplacé à sa demande.
53 La demande de remplacement est introduite par une simple lettre adressée au greffe et notifiée
aux autres parties par pli judiciaire. Le greffe convoque le remplaçant et les parties par pli
judiciaire à l’audience fixée par le juge. La demande de remplacement ainsi que la date de
l’audience sont publiées dans le registre des procédures de réparation collective.
Le juge statue sur la demande de remplacement dans les quinze jours de l’audience fixée. Sa
décision est publiée dans le registre des procédures de réparation collective.
Art. 11. Le représentant dépose tous les ans, au greffe du tribunal ou de la cour d’appel, un
rapport détaillé de l’exécution de l’accord ou, en l’absence d’accord, de l’exécution de la
décision du juge.
Le dépôt du dernier rapport fait courir le délai de prescription de l’action en responsabilité
professionnelle du représentant.
SECTION 4. - Méthodes de réparation
Art. 12. Les membres du groupe peuvent être répartis en plusieurs sous-catégories en vue de
la réparation du préjudice de masse.
SECTION 5. - Prescription
Art. 13. Le dépôt des requêtes visées aux articles 17 et 25 interrompt la prescription de
l’action civile des membres du groupe contre les débiteurs de la réparation et les défendeurs à
l’action.
Il suspend la prescription de l’action des personnes lésées par le préjudice de masse jusqu’à
l’expiration du délai pour opter. Si le juge refuse d’homologuer un accord de réparation
collective conformément à l’article 19 ou s’il décide que les conditions visées à l’article 26,
§2 ne sont pas réunies, la prescription est considérée comme ayant été suspendue à partir du
dépôt de la requête jusqu’à la décision refusant l’homologation ou l’autorisation.
SECTION 6. - Rapports avec d’autres procédures et méthodes alternatives de règlement des
conflits
54 Art. 14. Il est statué sur l’homologation de l’accord de réparation collective ou sur l’action en
réparation collective nonobstant toute poursuite exercée, en raison des mêmes faits, devant
une juridiction pénale.
Art. 15. Les procédures de réparation collective ne font pas obstacle à ce que des membres du
groupe participent à un règlement amiable du litige dans le cadre d’une méthode alternative
de règlement des conflits.
La mise en œuvre d’une méthode alternative de règlement du conflit n’empêche pas les
personnes lésées d’exercer leur droit d’option et ne suspend pas la procédure de réparation
collective, sans préjudice de l’article 39.
En cas de règlement amiable individuel, la personne concernée perd la qualité de membre du
groupe.
SECTION 7. - Registre des procédures de réparation collective
Art. 16. Il est tenu au greffe de la cour d’appel un registre spécial consacré aux procédures de
réparation collective. Tous les actes dont la présente loi prévoit la publication y sont publiés
dans les langues nationales ainsi que dans les langues déterminées par le juge.
Le Roi détermine les modalités de création, de fonctionnement, de gestion et de publicité du
registre ainsi que, lorsque cela n’est pas déjà précisé par la présente loi, les actes et
informations qui doivent, le cas échéant, y être publiés. Il détermine également le contenu des
actes à y publier et leurs modalités de publication.
CHAPITRE III. -L’HOMOLOGATION DE L’ACCORD DE RÉPARATION
COLLECTIVE
Art. 17. §1er. Toute partie à un accord de réparation collective peut saisir le juge par requête
afin d’obtenir l’homologation de l’accord. La requête est régie par les articles 1026 et s. du
Code judiciaire. L’accord dont l’homologation est demandée est joint à la requête.
§2. Dans les huit jours du dépôt de la requête, le juge fixe le délai dans lequel toute personne
ou association pouvant prétendre à la qualité de représentant peut, à peine de déchéance,
intervenir volontairement pour faire valoir ses observations, conformément aux articles 810 et
suivants du Code judiciaire.
55 §3. La requête, l’accord et la décision du juge fixant le délai pour l’intervention sont publiés
dans le registre des procédures de réparation collective.
Art. 18. Le juge vérifie que l’accord de réparation collective contient et énonce de manière
claire et complète au moins les éléments suivants :
1° La description détaillée du préjudice de masse objet de l’accord ;
2° La description du groupe et, le cas échéant, de ses différentes sous-catégories, ainsi que
l’évaluation aussi précise que possible du nombre de personnes lésées qui pourraient en
devenir membres ;
3° Les noms, prénom, domicile, et le cas échéant, qualité, du représentant du groupe ainsi
que, lorsque le représentant est une association de fait, la liste des membres de l’association et
l’élection de domicile de ses membres au domicile de l’un d’entre eux ;
4° Les nom, prénom, domicile du ou des débiteurs de la réparation collective ;
5° Le ou les systèmes d’option retenus ;
6° Le délai et les modalités d’exercice de l’option. Ce délai ne peut être inférieur à 30 jours ni
supérieur à 6 mois à dater du lendemain du jour de la publication de l’accord homologué au
registre des procédures de réparation collective ;
7° Les modalités et le contenu de la réparation. Lorsque la réparation a lieu par équivalent, le
montant de l’indemnité peut être calculé sur une base individuelle ou globale, pour l’ensemble
ou certaines catégories du groupe ;
8° Les garanties à fournir par le débiteur ;
9° La procédure de révision de l’accord de réparation collective en cas d’apparition de
dommages, prévisibles ou non, après son homologation. Si aucune méthode n’est déterminée,
l’accord ne lie pas les membres pour tout dommage nouveau ou pour toute aggravation
imprévisible du dommage survenant postérieurement à la conclusion de l’accord ;
10° Les modalités de la publicité qui devra être donnée à l’accord et la répartition de la charge
des frais de cette publicité.
Art. 19. Le juge refuse d’homologuer l’accord de réparation collective si :
1° Il ne satisfait pas aux conditions des articles 3 et 18.
2° La réparation prévue pour le groupe ou pour certains de ses membres est manifestement
déraisonnable.
3° Les moyens de publicité prévus par l’accord sont insuffisants.
56 Art. 20. Le juge peut, avant de statuer, inviter les parties à compléter ou à amender l’accord.
Art. 21. La décision qui homologue l’accord de réparation collective précise les mesures de
publicité qui doivent être données à l’accord. L’accord de réparation collective et la décision
d’homologation sont publiés au registre.
Art. 22. La décision d'homologation a les effets d'un jugement au sens de l'article 1043 du
Code judiciaire.
Art 23. §1er. La publication au registre de l’accord homologué par le juge fait courir le délai
d’option. Le groupe est définitivement constitué lors de l’expiration de ce délai.
§2. L’homologation de l’accord de réparation collective rend celui-ci contraignant pour et à
l'égard de toutes les personnes qui deviennent membres du groupe conformément aux articles
4 et 5 de la présente loi.
§3. N’est toutefois pas liée par l’accord de réparation collective la personne qui, bien que
faisant partie du groupe, démontre n’avoir pas pris et n’avoir raisonnablement pas pu prendre
connaissance de la décision d’homologation pendant le délai d'option.
Art 24. Ni la conclusion d’un accord de réparation collective ni l’homologation de celui-ci
n’emportent une reconnaissance de responsabilité ou de culpabilité des parties débitrices de la
réparation.
CHAPITRE IV. - L’ACTION EN RÉPARATION COLLECTIVE
SECTION 1ÈRE.- Introduction de l’action en réparation collective
Art. 25. §1er. L’action en réparation collective est introduite par requête adressée ou déposée
au greffe du tribunal. Sans préjudice des dispositions de la présente loi, la requête est soumise
aux articles 1034bis et suivants du Code judiciaire.
§2. La requête contient :
1° La description du préjudice de masse qui fait l’objet de l’action ;
2° La description du groupe pour lequel le représentant entend agir, en indiquant, lorsque cela
est possible, le nombre approximatif des personnes lésées ;
57 3° Des informations suffisantes pour établir qu’il est satisfait aux conditions de recevabilité
prévues à l’article 3 ;
4° Les noms, prénom, domicile, et le cas échéant, qualité, du représentant ainsi que, lorsque le
représentant est une association de fait, la liste des membres de l’association et l’élection de
domicile de chacun de ses membres au domicile de l’un d’entre eux ;
5° Les nom, prénom, domicile du ou des défendeurs à l’action en réparation collective ;
6° La signature d’un avocat.
§3. Si les mentions de la requête sont incomplètes, le juge invite le ou les requérants dans les
huit jours à compléter la requête.
§4. Le ou les requérants et le ou les défendeurs sont convoqués par le greffier sous pli
judiciaire à comparaître, dans les 15 jours, à l’audience fixée par le juge. Une copie de la
requête est jointe à la convocation.
§5. La requête est publiée au registre des procédures de réparation collective. Le registre
mentionne la date de l’audience fixée par le juge.
§6. Toute personne ou association pouvant prétendre à la qualité de représentant peut
intervenir volontairement conformément aux articles 810 et suivants du Code judiciaire, à
peine de déchéance, au plus tard lors de l’audience, afin d’être désignée représentant ou pour
contester la qualité du représentant.
SECTION 2 - Phase d’autorisation
Art. 26. §1er. Lors de l’audience visée à l’article 25, §4, le juge fixe, conformément à l’article
747, §§1er à §3 du Code judiciaire le calendrier d’échange des conclusions et une date
d’audience qui portent exclusivement sur les points visés aux paragraphes 2 et 3.
§2. Le juge autorise l’action en réparation collective s’il est satisfait aux conditions suivantes :
1° Les conditions de recevabilité prévues à l’article 3 sont réunies ;
2° Le recours à une procédure de réparation collective paraît plus adéquat qu’une procédure
de droit commun.
58 §3. La décision d’autorisation énonce de manière claire et complète :
1° La description détaillée du préjudice de masse qui fait l’objet de l’action ;
2° La description du groupe et, le cas échéant, de ses différentes sous-catégories, ainsi que
l’évaluation aussi précise que possible du nombre de personnes lésées qui pourraient en
devenir membres ;
3° Les noms, prénom, domicile, et le cas échéant, qualité, du représentant ainsi que, lorsque le
représentant est une association de fait, la liste des membres de l’association et l’élection de
domicile de ses membres au domicile de l’un d’entre eux ;
4° Les nom, prénom, domicile du ou des défendeurs à l’action en réparation collective ;
5° Le ou les systèmes d’option retenus ;
6° Le délai et les modalités d’exercice de l’option. Ce délai ne peut être inférieur à 30 jours ni
supérieur à 6 mois à dater de la publication de la décision d’autorisation au registre des
procédures de réparation collective. Toutefois, le juge peut, le cas échéant, décider de réserver
à statuer sur le délai et les modalités de l’option et ordonner des mesures d’instruction
destinées à l’éclairer sur les éléments nécessaires à la détermination de ces questions ;
7° Les modalités de la publicité qui devra être donnée à la décision d’autorisation et la
répartition de la charge des frais de cette publicité ;
8° Toute autre information jugée utile ;
9° Conformément à l’article 747, §2, du Code judiciaire, les délais pour l’instruction et le
jugement de l’affaire, en tenant compte du délai d’option.
SECTION 3.- Options
Art. 27. Le délai d’option court à dater du lendemain du jour de la publication de la décision
d’autorisation au registre des procédures de réparation collective. Le groupe est
définitivement composé à l’expiration du délai d’option.
SECTION 4. - Incidents
Art. 28. Par dérogation à l’article 807 du Code judiciaire, le représentant ne peut plus étendre
ou modifier la demande de réparation collective après la décision d’autorisation.
Art. 29. Par dérogation aux articles 14 et 810 du Code judiciaire, le défendeur peut
uniquement introduire une demande reconventionnelle fondée sur le caractère téméraire et
59 vexatoire de la demande de réparation collective. Cette demande reconventionnelle ne peut
être dirigée que contre le représentant.
Art. 30. Par dérogation à l’article 812 du Code judiciaire, les demandes en intervention ne
sont recevables que si elles ne tendent pas à obtenir une condamnation.
Art. 31 §1er. Par dérogation aux articles 566 et 856, alinéa 2, du Code judiciaire, et sans
préjudice de l’article 8, une demande en réparation collective et une demande de réparation
individuelle ne peuvent pas être jointes pour connexité.
§2. La décision d’autorisation fait obstacle à l’introduction contre les mêmes défendeurs
d’une demande de réparation collective ayant le même objet et la même cause.
Art. 32. Par dérogation aux articles 820 à 822 du Code judiciaire, le représentant ne peut se
désister de l’instance, de l’action ou d’un acte de procédure qu’avec l’autorisation du juge.
SECTION 5. - Décision sur le fond
Art. 33. §1er. La décision qui fait droit à l’action en réparation collective détermine les
modalités et le contenu de la réparation. Lorsque la réparation a lieu par équivalent, le juge
peut déterminer le montant de l’indemnité sur une base individuelle ou globalement, pour
l’ensemble ou certaines catégories du groupe.
§2. Dans tous les cas, le juge détermine les modalités de la réparation ou du paiement.
Lorsque la réparation a lieu par équivalent, le représentant du groupe est chargé de répartir
l’indemnité entre les membres du groupe conformément à la décision du juge. Toutefois, soit
à la demande du représentant ou d’une autre partie, soit d’office, le juge peut décider que la
répartition de l’indemnité sera effectuée par un liquidateur inscrit sur la liste établie par le
Roi.
Art. 34. La décision lie tous les membres du groupe, à l’exception toutefois de la personne
qui, bien que faisant partie du groupe, démontre n’avoir pas pris et n’avoir raisonnablement
pas pu prendre connaissance de l’existence de la décision d’autorisation pendant le délai
d'option.
60 Art. 35. La décision détermine la publicité dont elle sera assortie et la ou les parties qui
doivent supporter les frais de publicité. La décision est, en tout cas, publiée au registre des
procédures de réparation collective.
SECTION 6. - Recours
Art. 36. Les décisions du juge ne sont pas susceptibles d’opposition lorsque le pli judiciaire
notifiant la requête a été remis à la personne du destinataire ou à son domicile ainsi qu’il est
prévu aux articles 33, 35 et 39 du Code judiciaire.
Art. 37. L’article 1068, alinéa 1er, du Code judiciaire n’est pas applicable à l’appel de la décision qui statue sur l’autorisation visée à l’article 26. L’appel ne peut porter que sur le respect des conditions prévues à l’article 26, §2. La cour d’appel statue dans les délais et les formes prévues par l’article 1066 du Code judiciaire. L’arrêt ne peut pas faire l’objet d’un pourvoi en cassation. Art. 38. Le jugement visé à l’article 33 est, sauf décision contraire du tribunal, exécutoire par provision, nonobstant appel et sans caution. CHAPITRE V. - NEGOCIATION D’UN ACCORD DE REPARATION COLLECTIVE
EN COURS DE PROCEDURE
Art. 39. Toute partie à l’action en réparation collective peut requérir, par une simple demande
adressée au greffe, la suspension de l’action en réparation collective en vue de négocier un
accord de réparation collective.
Le juge entend le représentant du groupe et le défendeur avant de se prononcer sur la
demande de suspension.
Le juge fixe la durée de la suspension de la procédure et indique la date à laquelle la cause est
remise, qui est la première date utile après l’expiration de ce délai. La suspension peut être
accordée pour un délai maximal de six mois, renouvelable une fois.
61 Art. 40. La décision de suspension est publiée au registre et suspend le délai d’option prévu à
l’article 26, §3, 6°), ainsi que les autres délais de procédure.
Art. 41. Les parties peuvent, de commun accord, recourir aux services d’un tiers pour
favoriser la négociation.
Art. 42. Au plus tard lors de l’audience visée à l’article 39, alinéa 3, les parties informent le
juge de l’issue des négociations.
Si les parties parviennent à un accord, celui-ci est homologué par le juge aux mêmes
conditions et selon la même procédure que celle prévue au chapitre III de la présente loi.
En l’absence d’accord à l’issue du délai fixé par le juge, les parties peuvent solliciter une
nouvelle suspension ou demander que l'action en réparation collective soit poursuivie.
Dans ce dernier cas, la suspension des délais mentionnés à l’article 39 prend fin.
Art. 43. Le juge reste saisi durant toute la période de suspension et peut, à tout moment,
prendre toute mesure qui lui paraît nécessaire. A la demande d’une des parties, il peut aussi
mettre fin à la suspension avant l’expiration du délai visé à l’article 39, alinéa 3.
CHAPITRE VI. – REPARTITION DE L’INDEMNITE ENTRE LES MEMBRES DU
GROUPE
Art. 44. La décision ou l’accord de réparation collective peuvent prévoir que les sommes
inférieures à un montant qu’ils déterminent ne seront pas réparties entre les membres, lorsque
les frais d’une telle répartition seraient trop élevés compte tenu de la somme due à chaque
membre. Le Roi détermine le sort de ces sommes.
Art. 45. Le juge peut fixer un délai à l’issue duquel les montants déjà versés mais non encore
réclamés devront être restitués au défendeur.
Art. 46. Le juge reste saisi jusqu’à l'exécution intégrale de la réparation due à tous les
membres du groupe en vertu de l'accord homologué ou de la décision statuant sur l'action en
réparation collective.
La cause peut être ramenée à tout moment devant le juge par simple demande écrite déposée
ou adressée au greffe par toute personne intéressée.
62 PROJET DE LOI RELATIVE AUX ASPECTS JUDICIAIRES DES PROCEDURES DE REPARATION COLLECTIVE
Article 1er. La présente loi règle une matière visée à l’article 77 de la Constitution. Art.2. Est introduit à l’article 78 un sixième alinéa rédigé comme suit : « La chambre du tribunal connaissant, conformément à l’article 92, §1er, des demandes visées à l’article 569, 36° est composée de trois juges qui ont suivi la formation particulière en matière de procédures de réparation collective prévue et organisée par le Roi. Art. 3. Est introduit à l’article 92, §1er, du Code judiciaire, un 8° rédigé comme suit : « 8° les demandes visées à l’article 569, 36° » Art.4. Est introduit à l’article 101 du Code judiciaire un huitième alinéa rédigé comme suit : « La chambre civile de la cour d’appel qui connaît de l’appel des jugements du tribunal de première instance de Bruxelles concernant les demandes visées à l’article 569, 36°, est composée d’un président et de deux conseillers qui ont suivi la formation particulière en matière de procédures de réparation collective prévue et organisée par le Roi ». Art.5. Est introduit dans le Code judiciaire un 36° à l’article 569 rédigé comme suit : -­‐ « 36° des demandes en homologation des accords de réparation collective et des actions en réparation collective prévues par la loi du … relative aux procédures de réparation collective ». 63 Art. 6. Il est introduit dans le Code judiciaire un article 633 octies rédigé comme suit : « Le Tribunal de première instance de Bruxelles et, en degré d’appel, la Cour d’appel de Bruxelles sont seuls compétents pour les recours en réparation collective visés par la loi … ». 64 
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